L'Afrique à l'aune des partenariats - Le privé investit dans les méga-projets - Tollé autour de la cyber-censure - the United Nations
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Août - Novembre 2017 www.un.org/africarenewal/fr L’Afrique à l’aune des partenariats Le privé investit dans les méga-projets Tollé autour de la cyber-censure
AU SOMMAIRE Août - Novembre 2017 | Vol. 31 No. 2 3 DOSSIER SPÉCIAL DOSSIER L’Afrique à l’aune des partenariats 4 Une bouée pour les pays à court d’argent 6 Les multinationales lorgnent l’Afrique 8 Stimuler les petites entreprises 10 Interview: Li Yong, Directeur général de l’ONUDI Des écolières libériennes; Monrovia. Nations Unies/Christopher Herwig 12 Une Afrique intégrée : une aubaine pour le secteur privé 14 Des philanthropes s’unissent pour financer la santé 16 Partenariats à l’œuvre 18 Interview: Lise Kingo, Directrice exécutive du Pacte mondial de l’ONU Chef ďédition À LIRE ÉGALEMENT Zipporah Musau 20 Compagnies locales et Uber se disputent le marché urbain Secrétaire de rédaction 22 Interview: Gilbert Houngbo, Président du FIDA Kingsley Ighobor 24 L’Afrique à ciel ouvert Rédaction 26 La politique se féminise Franck Kuwonu 27 Le Sahel renaît Recherche & Liaison média 28 Interview: François Loucény Fall, Chef de l’UNOCA Pavithra Rao 30 Des initiatives privées progressent en Afrique Eleni Mourdoukoutas 32 Tollé autour de la cyber-censure Ihuoma Atanga Fatima Sene RUBRIQUES Design & Production Paddy D. Ilos, II 38 Afrique Livres 38 Nominations Administration Dona Joseph En couverture : Train à grande vitesse, Afrique du sud. Province de Gauteng Distribution Atar Markman Afrique Renouveau (ISSN 2517-9837) est publiée soutenant la publication. Les articles de cette en anglais et en français par la Division de la publication peuvent être reproduits librement, communication stratégique du Département à condition de mentionner l’auteur et la source, de l’information des Nations Unies. Toutefois “ONU, Afrique Renouveau”. Merci de nous en son contenu ne reflète pas nécessairement les adresser une copie. Les photos protégées par un Afrique Renouveau est publié au siège des vues des Nations Unies ou des organisations droit d’auteur ne peuvent être reproduites. Nations Unies à New York sur papier recyclé. ©2017 Afrique Renouveau. Tous droits réservés. Abonnez-vous à Afrique Renouveau ISBN: 978-92-1-001130-3 Afrique Renouveau offre un abonnement gratuit à toute eISBN: 978-92-1-362682-5 personne qui en fait la demande. Veuillez communiquer avec la Distribution en nous écrivant à notre adresse postale www.un.org/africarenewal/fr Prière d’adresser toute correspondance au : ou par courriel à l’adresse suivante : africarenewal@un.org. Rédacteur, Afrique Renouveau Pour les institutions, l’abonnement annuel s’élève à trente- facebook.com/afriquerenouveau Bureau S-1032 cinq dollars, payables par mandat international ou chèque Nations Unies, NY 10017-2513, E.-U. (en dollars des Etats-Unis) tiré sur une banque des Etats- Tél : (212) 963-6857, Fax : (212) 963-4556 Unies, et libellé à l’ordre des Nations Unies. twitter.com/ONUAfrique E-mail : africarenewal@un.org 2 AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017
Faute de ressources, les gouvernements africains ont davantage recours au partenariat avec le secteur privé pour financer les projets d’infrastructure et développement. Néan- moins, les pays devraient faire preuve de prudence, avertissent les analystes, pour éviter le piège de la dette. PARTENARIATS POUR LE DEVELOPPEMENT Le pont Henri Konan Bédié à Abidjan, Côte d’Ivoire. Bouygues Construction L’Afrique à l’aune des partenariats De l’argent public et privés pour financer les méga projets de développement E n Afrique, le secteur privé joue subsaharienne pourrait avoir d’importants production d’électricité, d’énergie renou- un rôle crucial dans le développe- effets sur la croissance. On estime que le velable, la santé et les télécommunications. ment économique du continent PIB par habitant dans la région augmen- On peut notamment citer le pont - bien plus qu’il y a dix ans. terait de 1,7% par an si celle-ci rattrapait la Henri Konan Bédié en Côte d’Ivoire, le Confrontés à d’importants déficits moyenne des pays en développement dans projet éolien du Lac Turkana au Kenya, la budgétaires, les gouvernements africains ce domaine, selon un rapport de la Banque route Dakar-Diamniadio au Sénégal, des se tournent vers les partenariats public- mondiale datant d’avril 2017. centrales électriques et hydrauliques au privé (PPP) pour combler les manques Améliorer les infrastructures pour Ghana, au Nigéria et au Rwanda, ainsi que financiers. Les investissements étrangers rivaliser avec les pays les plus développés le projet de port Tanger-Med au Maroc. couplés à des co-financements collabora- au monde permettrait d’accroître le PIB Bien que de grands projets financés tifs avec des institutions de financement par habitant de 2,6% par an. De meil- par des partenariats public-privé conti- du développement peuvent apporter les leures capacités de production d’électri- nuent de changer le visage du continent, capitaux nécessaires pour financer des cité auraient l’effet le plus bénéfique. les experts exhortent les gouvernements industries, construire des infrastructures, Ces dix dernières années, le continent a africains à faire preuve de prudence et à fournir des équipements sociaux et créer travaillé en partenariat sur des projets tirer les leçons des échecs des précédents des emplois. d’infrastructure, dont les plus fréquents PPP avant d’en signer de nouveaux. Réduire les retards de développe- ont été la construction de routes, de ponts ment des infrastructures en Afrique et de barrages. D’autres ont concerné la voir page 23 AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017 3
Une bouée pour les pays à court d’argent Les gouvernements à la recherche de capitaux privés Par Kingsley Ighobor L ’Afrique du Sud et le Nigéria et transformer ainsi la ville et sa région ont beau être les plus grandes en un pôle logistique et d’exportation économies de l’Afrique, selon de marchandises vers les États-Unis, la le Fonds monétaire interna- Méditerranée et au-delà, l’Asie. tional, des partenariats public-privé (PPP) Le projet sera mis en œuvre, coor- permettent toutefois au Maroc, au Rwanda, donné et géré par l’Agence Spéciale Tanger à la Côte d’Ivoire et à quelques autres petits Méditerranée (une société privée avec des pays de posséder une infrastructure de prérogatives publiques), opérant dans le classe mondiale. cadre d’un accord avec le gouvernement en Dans un article publié dans le collaboration avec les différents ministères numéro d’août 2016 de l’African Journal concernés. of Management Research, les auteurs En général, les PPP sont des arran- Bernadine J. Dykes et Carla D. Jones gements contractuels appelés CET : décrivent les PPP comme des « accords de construction, exploitation et transfert. coopération entre des gouvernements et Ainsi, une société privée peut financer des multinationales conclus pour financer, un projet routier et le gouvernement auto- bâtir et gérer des projets d’infrastructure ». riser la société à exploiter la route pour Elles observent que ces dernières décen- une période déterminée. Cela permet à la nies « la participation de l’Afrique aux PPP société de récupérer ses investissements, PARTENARIATS POUR LE DEVELOPPEME était limitée par rapport aux autres conti- après quoi elle transfère l’exploitation de nents », mais que dernièrement, en raison la route à une agence gouvernementale. des pressions sur les budgets nationaux et La route Dakar-Diamniadio au Sénégal, Planification économique Seth Terkper de l’incapacité du secteur public de fournir achevée en 2013, est un bon exemple. déclare que le pays a besoin d’investir 1,5 des services efficaces, « les gouvernements Le coût total du projet est estimé à 335 milliard de dollars par an dans le déve- africains recherchent de plus en plus de millions de dollars. loppement des infrastructures ; toutefois, fonds de développement d’infrastructures d’autres analystes estiment que les besoins pour répondre à la croissance de la popula- Déficit chronique de financement pourraient être de 3,5 tion et à la demande de produits de base ». L’Afrique a besoin de 93 milliards de milliards de dollars. Avec un Produit intérieur brut d’en- dollars par an pour son infrastructure, ce Les secteurs public et privé considèrent viron 37 milliards de dollars dans les années qui représente environ 15 % de son PIB, généralement les projets de PPP comme 1990, selon la Banque mondiale, le Maroc note la Banque africaine de développement étant gagnant-gagnant : le gouvernement ne pouvait pas se permettre d’énormes (BAD). Par conséquent, les PPP sont un peut prétendre avoir réalisé les efforts investissements dans l’infrastructure et élément vital pour les gouvernements à visant à fournir des infrastructures ou remplir en même temps ses obligations court d’argent. des services pour les citoyens, et les inves- budgétaires récurrentes, notamment payer Le Kenya, par exemple, nécessite des tisseurs privés peuvent promouvoir leur les salaires des fonctionnaires et faire fonc- investissements dans son infrastructure à participation au développement socioéco- tionner son gouvernement. hauteur de 4 à 5 milliards de dollars par an nomique, même s’ils fixent leur regard sur Puis une opportunité lucrative s’est pour couvrir ses besoins de financement. les bénéfices. présentée il y a cinq ans. Le pays a profité Des projets tels que le projet d’énergie Cependant, la perception qu’un gouver- de sa position unique sur le détroit de éolienne du lac Turkana ont été réalisés nement a des services ou des infrastruc- Gibraltar et de sa proximité avec l’Europe. avec succès grâce à des PPP. tures, vus comme une entreprise sociale, Le Tanger-Med sera le plus grand port La Tanzanie voisine a besoin de en particulier dans les pays pauvres, d’Afrique du Nord, et une composante d’un 8 milliards de dollars par an pour contraste avec les solutions de marché du vaste plan visant à stimuler l’économie de répondre à son déficit de financement des secteur privé axées sur les profits, et mène la région. infrastructures. Au Ghana, un pays dont souvent à des problèmes. L’idée est de créer un centre logis- les déficits budgétaires sont en hausse, « Comme dans de nombreux marchés », tique pour attirer les fabricants à Tanger, l’ancien ministre des Finances et de la signale l’Oxford Business Group, un cabinet 4 AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017
ENT britannique d’intelligence économique, « il financement des Infrastructures en Afrique , Le port Tanger-Med situé à 40 km environ à l’est y a eu des faux pas dans la mise en œuvre le Consortium pour les infrastructures en de Tanger au Maroc. Bouygues Construction de certains projets de type PPP [au Maroc]. Afrique (ICA), une organisation encoura- « Les partenariats avec les entreprises geant l’accès aux services d’infrastructures privées dans le secteur des services publics, durables sur le continent, note que l’incer- Selon le Dr Amit Thakker, directeur de par exemple, se sont heurtés à une opposi- titude et un manque de volonté politique Africa Healthcare Federation, qui préco- tion concernant la modification des tarifs, entravent la réussite des PPP. nise l’amélioration des systèmes de soins ainsi qu’à des questions d’accès, le service L’ICA souligne que de nombreuses sur le continent africain, les pays africains public de l’eau gérée de manière privée institutions publiques manquent de peuvent obtenir de meilleurs systèmes de dans de grandes villes suscitant des protes- ressources, ce qui suscite la crainte d’un soins grâce aux PPP. Il propose une stra- tations quant à la tarification souligne », risque financier chez les investisseurs tégie en trois phases pour la mise en œuvre note l’Oxford Business Group . privés. Il a critiqué la faiblesse des cadres des PPP en Afrique. Fin 2015, des investisseurs privés réglementaires et la corruption qui sévit La première phase, P1, consiste en l’ins- engagés par le gouvernement nigérian pour dans certains pays. tauration d’un dialogue entre les pouvoirs distribuer l’électricité ont soulevé un tollé La BAD énumère les facteurs défavo- publics et un investisseur privé afin de général lorsqu’ils ont tenté d’augmenter les rables à la réussite des PPP : « l’inadéqua- clarifier les rôles et la vision, P2, en la tarifs de l’électricité. Incapables d’établir tion du cadre juridique et réglementaire des « création et l’adaptation des cadres régle- leurs tarifs, les compagnies de distribution PPP ; l’absence de compétences techniques mentaires et des obligations contractuelles d’électricité du Nigéria en avril dernier ont à même de gérer les programmes et projets ainsi que l’institutionnalisation de lois sur indiqué avoir perdu environ 2,3 milliards de PPP ; la perception défavorable du risque les PPP ». P3 « sera l’étape de mise en œuvre de dollars depuis novembre 2013, quand pays chez les investisseurs, le poids limité du projet, qui comprendra l’élaboration et elles ont assumé la responsabilité de la de l’Afrique dans les échanges commer- l’exploitation des projets et produits, suivie distribution électrique. ciaux et l’investissement au plan mondial, de l’évaluation et de l’échange d’informa- Pour l’instant, les entreprises privées ne la taille réduite du marché, les infrastruc- tions et d’études de cas ». se hâtent pas de nouer des PPP en Afrique. tures insuffisantes et les marchés finan- Dans son rapport 2015 sur les Tendances de ciers limités ». voir page 23 AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017 5
PARTENARIATS PARTNERSHIPS POUR FOR THE LE DEVELOPPEMENT GOALS L Les multinationales orsqu’il voyage à l’étranger pour son travail et recherche un logement, Joe Eyango, un lorgnent l’Afrique Camerounais vivant aux Etats- Unis, tient compte de deux éléments : la facilité d’accès au centre ville depuis l’aé- roport et une connexion Internet fiable. Professeur d’université, il veut pouvoir, Installées en Afrique du Sud, pour la plus part, les en moins de 48 heures, prendre l’avion, se grandes compagnies s’étendent aussi ailleurs déplacer aisément à son arrivée, donner sa conférence et repartir vers une autre Par Zipporah Musau destination. Parmi tous les voyages professionnels Pour les professionels, l’Afrique du Sud Parmi ces multinationales, on trouve qu’il a effectué en Afrique, c’est l’Afrique est une destination de choix. Plus de 75% le groupe bancaire Standard, Barclays, du Sud qui emporte sa préférence. des principales multinationales d’Afrique y Vodafone (l’une des plus grandes entre- “L’Afrique du Sud a beaucoup d’avan- sont installées. prises de télécommunications mondiales), tages comparés à d’autres pays africains. “Ces grandes entreprises choisissent le fabricant de voitures de luxe BMW, Les routes sont bonnes, l’électricité et d’investir là où l’environnement est propice Volkswagen et General Electric, de même Internet sont fiables, ce qui est indis- aux affaires. Les investisseurs s’intéressent que FirstRand, Sasol, Sanlam ou le groupe pensable pour travailler”, explique M. aux pays relativement stables, avec de MTN. Eyango. bonnes infrastructures, des réseaux de Dans une interview sur les raisons Récemment invité à donner une confé- communication et d’électricité fiables, et qui poussent les investisseurs à choisir rence alors qu’il avait un emploi du temps des travailleurs qualifiés”, explique le Dr l’Afrique du Sud, Sam Ahmed, l’ancien déjà chargé, M. Eyango a pris l’avion pour John Mbaku, chercheur auprès de l’Ini- directeur général de Britannia Industries, Johannesbourg depuis Amsterdam. A l’ar- tiative pour la croissance en Afrique de la un fabricant de bonbons et biscuits en Inde, rivée, il a franchi la douane de l’aéroport Bookings Institution et professeur d’éco- expliquait que son enterprise cherchait un international OR Tambo et a pris un taxi nomie à l’Université publique Weber aux pays lui ouvrant le marché africain à faible jusqu’à son hôtel, en moins d’une heure. Etats-Unis. coût. 6 AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017
de criminalité (en particulier en zone infrastructures, de l’électricité, de la santé urbaine), aux scandales de corruption et des télécommunications. et à une incertitude politique néfaste au Les bailleurs de fonds comme la Banque commerce. africaine de développement exhortent les Le Dr. Mukhisa Kituyi, secrétaire pays africains à améliorer l’environnement général de la Conférence des Nations Unies économique en “créant des cadres légaux Montants de l’IDE en sur le commerce et le développement et réglementaires pour les PPP et en facili- Afrique par projets en (CNUCED), reconnaît que l’Afrique du tant le partage de contacts et d’expériences 2015 Sud possède, pour des raisons historiques, entre les agences de réglementation et les l’économie de marché la plus ancienne et organismes similaires.” Pays Projets la plus développée d’Afrique bâtie sur une Afrique du sud 118 économie minière, industrielle et finan- Prudence Kenya 85 cière forte. Bien que les PPP commencent à avoir un Maroc 71 Cependant, selon M. Kituyi, les choses impact positif en Afrique, les pays doivent Egypte 59 sont en train de changer et d’autres pays avancer avec précaution et tirer les leçons Nigeria 51 africains attirent maintenant de gros des échecs avant de se lancer dans de Ghana 40 investisseurs. nouveaux partenariats. Mozambique 29 “L’Afrique du Sud a bénéficié d’une “Il est indispensable que l’état ait la Ethiopie 27 longueur d’avance, mais en montants capacité de soutenir ces partenariats pour Côte d’Ivoire 26 nets, la croissance est plus forte dans ne pas contracter des créances douteuses”, Tanzanie 20 d’autres pôles de fabrication et de services. indique M. Kituyi, ajoutant que les gouver- Ouganda 20 Aujourd’hui, l’industrie des services finan- nements ne doivent pas laisser les entre- autre 159 ciers croît plus rapidement au Maroc qu’en prises dicter leurs conditions. Total 705 Afrique du Sud”, indique M. Kituyi. Cet avertissement est aussi celui de M. La source: fDi Markets Certaines multinationales se sont délo- Mbaku, qui conseille les gouvernements calisées. “Une usine de fabrication Volvo a africains pour garantir que les PPP fonc- récemment ouvert à Mombasa. De même, tionnent à leur avantage. “Si vos dirigeants on assiste à une expansion, en particulier sont faibles ou corrompus, vous n’aurez ni dans les télécommunications, de nouveaux le pouvoir, ni les capacités requises pour BMW Afrique du Sud annonce la fabrication centres de services au Nigéria, au Kenya et négocier un partenariat en votre faveur. de sa gamme BMW série 3 dans son usine de au Rwanda.” Vous hériterez d’un PPP qui n’est pas un Rosslyn à Pretoria en Afrique du sud. partenariat.” BMW Group Faibles retombées M. Mbaku donne l’exemple des entre- Pourquoi les gouvernements africains prises pétrolières qui opèrent en Afrique “En Afrique du Sud, les infrastructures devraient-ils encourager les entreprises depuis plus de vingt ans mais emploient sont de première qualité mais les coûts sont à s’installer dans leurs pays ? Dans la toujours des expatriés plutôt que des ceux d’un pays en développement”, indique majorité des cas, le manque de budget les locaux. Ces entreprises sont réticentes à M. Ahmed, les coûts de production étant pousse à se tourner vers le secteur privé partager leurs compétences, leur savoir et en effet beaucoup moins élevés qu’en Asie qui peut leur offrir un coup de main indis- leurs technologies. du Sud-Est. pensable. Les investissements étran- Autre problème : une repartition Les grandes entreprises apprécient gers permettent de financer des indus- inégale des pouvoirs. “Si vous êtes un aussi les pays où le système judiciaire fonc- tries, des infrastructures, de stimuler la gouvernement menant un projet de déve- tionne correctement en cas de problèmes productivité, de fournir des équipements loppement avec un PPP, vous n’avez pas le juridiques. Comparée aux autres pays afri- collectifs et de créer des emplois, néces- même pouvoir que la multinationale qui cains, la justice sud-africaine a la répu- saires à l’exploitation du potentiel écono- dispose du capital, de la main d’oeuvre tation de prononcer des sentences appro- mique d’un pays. L’engouement pour la qualifiée et d’un marché extérieur ”, priées et d’être indépendant face aux mani- réalisation des Objectifs de développe- souligne M. Mbaku. En dépit des défis, les pulations politiques. ment durable nécessite également des PPP continueront à jouer un rôle impor- Autre aspect positif : les ressources financements. tant dans le développement des pays humaines. L’efficacité et le bon fonction- En Afrique, les gouvernements et l’in- pauvres. Mais pour que les pays africains nement des entreprises dépendent de la dustrie lancent progressivement des parte- puissent convaincre les multinationales et compétence de leurs employés. En dépit nariats public-privé (PPP) dans lesquels autres investisseurs de poids de travailler des nombreuses années d’apartheid, l’édu- les entreprises apportent les capitaux avec eux, leurs gouvernements doivent cation est de relativement bonne qualité et et les gouvernements garantissent les faire leur part – améliorer les infrastruc- adaptée aux entreprises. conditions les plus propices aux affaires. tures, les communications, la sécurité, En dépit de ses atouts, l’Afrique Depuis dix ans, les PPP ont permis de le système judiciaire, et combattre la du Sud fait encore face à un taux élevé réaliser des projets dans les secteurs des corruption. AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017 7
Stimuler les petites entreprises Des financements alternatifs pour les petites et moyennes entreprises Par Franck Kuwonu I l y a quelques années, un demi-siècle Les PME représentent 92% de toutes innovation fournit une solution qui n’a pas après la présentation initiale du projet, les entreprises locales du Ghana, 85% des encore été envisagée par des fabricants la Côte d’Ivoire a achevé la construc- emplois manufacturiers et environ 70% du internationaux et offre de nouvelles oppor- tion du pont Henri Konan Bédié, sur PIB. tunités pour cette industrie ». la lagune d’Ébrié, reliant Abidjan du Nord Au Nigeria, 37 millions de PME Au Nigéria, un tiers des 170 millions au Sud Le projet est devenu réalité lorsque emploient environ 60 millions de d’habitants mangeraient du fufu ; un le gouvernement a reçu des fonds privés et personnes et représentent environ 48% du marché attractif pour le mixeur. Or, LCT, de la Banque africaine de développement. PIB. qui emploie actuellement 19 personnes, De même, l’autoroute Dakar- L’Afrique du Sud abrite plus de 2,2 ne peut produire qu’environ cent mixeurs Diamniado au Sénégal a été construite et millions de PME, dont environ 1,5 million exploitée par des entreprises privées. dans le secteur informel, et 43% dans le Les difficultés croissantes liées à l’ob- commerce et l’hébergement, selon l’Agence PARTENARIATS POUR LE DEVELOPPEME tention d’un financement ordinaire, y de développement des petites entreprises compris des crédits pour les infrastruc- de l’Afrique du Sud (SEDA) chargée de tures publiques telles que les routes, les mettre en œuvre la stratégie du gouverne- chemins de fer et les barrages forcent les ment en la matière. pays africains à explorer d’autres moyens Un rapport de 2016 de la SEDA indique de financement. que les PME sont confrontées à des diffi- Amener le secteur privé à construire cultés d’accès aux financements et aux et exploiter des infrastructures, récupérer marchés. ses investissements et ensuite transférer Huit emplois sur 10 et neuf sur 10 ces infrastructures aux gouvernements sur l’ensemble des entreprises d’Afrique constitue un moyen de compenser le déficit subsaharienne sont liés aux PME, selon de l’aide publique au développement et l’ONU. l’aversion au risque des banques. Opportunités Epine dorsale Les PME, surtout celles du secteur L’aide accordée aux pays les moins avancés informel, n’ont pas facilement accès à des a diminué de 3,9% en 2016, selon l’Organi- prêts bancaires. Elles s’appuient sur des sation de coopération et de développement économies personnelles ou des capitaux économiques. apportés par des amis ou de la famille. Les gouvernements élaborent des stra- « Même lorsqu’une banque est disposée tégies de financement novatrices, tandis à faire un prêt, la garantie ou l’acompte que les grandes entreprises bénéficient exigé est trop élevé pour une petite entre- d’investissements ou de prêts bancaires. prise comme la nôtre », explique Alex Les PME quant à elles, continuent de lutter Treku, chargé de la communication et des pour le financement. projets au LOGOU Concept Togo (LCT). Les fonds levés par les États auprès de L’entreprise LCT fabrique des mixeurs partenaires privés ou d’institutions finan- électriques (the Foufou Mix) utilisés à la cières internationales telles que la Banque place du pilon traditionnel pour la prépa- africaine de développement (BAD), la ration de l’igname pour le fufu, un plat Société financière internationale (SFI), ou ouest-africain. la Banque mondiale ne répondent pas aux « The Foufou Mix permet une prépa- besoins des PME. ration rapide et hygiénique de l’igname « Au Ghana, les PME peuvent être pendant environ huit minutes », a déclaré considérées comme la colonne vertébrale la African Innovation Foundation (AIF) en de l’économie. Elles emploient des milliers décernant à LCT la deuxième place du Prix de personnes », a déclaré le ministre des de l’innovation pour l’Afrique en 2014. Finances du Ghana, Ken Ofori-Atta, lors L’AIF a ajouté que « Piler l’igname a d’une rencontre d’entrepreneurs en juin. toujours été réservé aux femmes ; cette 8 AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017
par mois car « Nous n’avons pas accès aux de PME via des intermédiaires financiers Programme des Nations Unies pour le crédits, ni aux fonds bancaires pour nous tels que des banques commerciales, des développement, environ 5.000 PME du développer », explique M. Treku. investissements de développement et des secteur des « minéraux de développement » Si les capacités opérationnelles et fonds de garantie. Pour les experts, c’est un dans cinq pays bénéficieront d’un finance- l’accès aux marchés constituent des défis bon début, mais ce n’est pas suffisant. ment abordable avec 12 millions de dollars majeurs pour les MPME, l’accès au finan- Les risques associés aux prêts peuvent de garantie de crédit. cement reste le plus problématique. être couverts par un intermédiaire tel que Il y a deux ans, la SFI et Ecobank, le Fonds africain de garantie (AGF) qui une banque comerciale et d’investisse- Partenariat et innovation apporte des garanties de crédit aux insti- ment panafricaine, ont lancé une facilité À l’occasion de la première Journée tutions financières qui accordent des prêts de partage des risques de 110 millions de mondiale des MPME célébrée le 27 juin, aux PME pour lesquelles il existe une forte dollars qui permet à Ecobank de prêter de la BAD a appelé à une augmentation des aversion au risque. l’argent aux PME opérant dans des États nouveaux financements abordables. La En juin dernier, l’AGF a annoncé que, fragiles et en conflit d’Afrique de l’Ouest et BAD et la SFI souhaitent que les PME y aient grâce à un partenariat avec le Groupe du Centre. Au-delà des efforts déployés par davantage accès. L’année dernière, la BAD des États d’Afrique, des Caraïbes et les banques, des experts suggèrent d’ex- a déclaré avoir aidé 156.000 propriétaires du Pacifique, l’Union européenne et le plorer des financements innovants, tels que le financement coopératif et les fonds de la diaspora. ENT La Banque mondiale considère le finan- cement participatif: un moyen novateur de financer un projet en collectant des fonds auprès d’un très grand nombre de personnes, prêts entre pairs, obligations d’impact social et sur le développement. Mais la BAD veut que les prêts augmen- tent d’au moins 135 milliards de dollars afin de répondre à la demande des PME. Étant donné que le déficit de financement global dans les pays en développement se situe actuellement entre 2,1 et 2,6 milliards de dollars, de nouvelles stratégies s’avèrent nécessaires pour financer les 17 objectifs de développement durable. Selon le Forum économique mondial, le « financement mixte » pourrait combler ce fossé mais la majorité des PME du secteur informel devront « prendre des mesures gigantesques vers la formalisa- tion afin d’accroître leur accès aux crédits traditionnels », selon une étude du 17 mars intitulée Financement de la croissance des PME en Afrique : Quelles sont les difficultés liées au financement des PME de la région de la CEDEAO ?, publiée dans Review of Development Finance. Les auteurs soutiennent que les réformes politiques sont aussi impor- tantes que l’accès au financement. Ils suggèrent aux entreprises de fournir les informations nécessaires afin de renforcer la confiance des créanciers et l’efficacité et la transparence de la gestion des systèmes de crédit parrainés par le gouvernement. Chef et propriétaire d’un restaurant et d’un service traiteur au Libéria. ONU/C. Herwig AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017 9
INTERVIEW En marche vers le ont commis l’erreur de la désindustriali- sation. Un ambassadeur d’un pays africain m’a confié que le douloureux processus de progrès industriel désindustrialisation les avait contraints à cesser d’exporter des produits tels que le fromage ou les fèves de cacao. Les change- ments trop fréquents de politiques sont un — Li Yong autre facteur. L’instabilité, conséquences des fréquents changements de politiques, effraie les investisseurs et perturbe le D irecteur général de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), l’agence spécialisée dans la promotion du développement industriel, de la mondialisation inclusive et de l’environnement. Li Yong, a répondu aux questions de Kingsley processus d’industrialisation. Les programmes d’ajustement struc- Ighobor sur l’industrialisation de l’Afrique. Il prenait part à New York à une réunion spéciale turel (PAS) des années 1980 étaient-ils sur “l’innovation dans le développement des infrastructures et l’industrialisation durable dans un mauvais remède ? les pays en développement et ayant des besoins spécifiques”. Je préfère ne pas en parler car j’étais impliqué dans le processus de prêts lorsque je travaillais à la Banque Mondiale. Je dirais simplement que certaines des mesures Afrique Renouveau : Quelle place pour en Afrique, le sous-développement indus- n’étaient pas très bonnes. l’Afrique dans une réunion sur l’indus- triel ralentit la croissance. trialisation dans les pays en dévelop- On reproche à ce type de réunions pement ? Quels sont les facteurs qui entravent auxquelles vous venez de participer de Li Yong : La réunion de l’ECOSOC l’industrialisation de l’Afrique ? ne brasser que du vent. Votre avis ? [Conseil économique et social des Nations La chute brutale des prix des matières Je pense que parfois, avec trop de Unies] est importante en raison de l’ODD premières a ralenti la compétitivité des discussions, de débats sur les théories ou 9, qui appelle à une industrialisation, une économies exportatrices. sur les rapports, on n’agit plus. Il faut passer innovation et des infrastructures durables à l’action ! Si des emplois peuvent être créés, et inclusives. L’Afrique doit compétir Mais les prix ont chuté seulement allons-y ! contre la chaîne de valeur mondiale, la récemment. création de valeur ajoutée manufacturière Non, pas juste récemment mais au Ou en est-on du Programme pour le et la croissance rapide d’autres régions. Les travers du siècle dernier. Mais revenons partenariat de pays (PCP) de l’ONUDI deux tiers des pays les moins avancés étant aux entraves. Dans le passé, les institu- vise à mobiliser les ressources des tions internationales de développement secteurs privé et public pour l’indus- trialisation et à fournir une assistance technique? PARTENARIATS POUR LE DEVELOPPEMENT C’est une nouvelle approche du dévelop- pement industriel. Nous travaillons avec les gouvernements et les institutions de déve- loppement pour créer et soutenir des stra- tégies industrielles. Traditionnellement, il y a un problème de financement : le gouver- nement doit allouer des ressources aux infrastructures de base. Mais les institu- tions de développement doivent également contribuer aux infrastructures telles que les routes, les autoroutes, les chemins de fer, l’électricité ou l’approvisionnement en eau. Nous conseillons aux gouvernements de concevoir des politiques qui protègent les investissements de sorte à attirer le secteur privé et l’IDE [investissement direct étranger]. Li Yong, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI). AR/Eleni Mourdoukoutas 10 AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017
Vous étiez fortement impliqué dans l’a soutenue avec un laboratoire, des L’industrialisation durable produit le développement de l’agriculture et équipements et des techniciens pour lui des résultats à long terme alors que les des petites et moyennes entreprises permettre de recevoir des certifications pays qui luttent contre la pauvreté ont (PME) en Chine. Des leÇons pour pour l’exportation vers l’Europe et l’Asie. besoin de ressources immédiatement et l’Afrique? Considérons l’Ethiopie, avec 95 millions ne peuvent pas ralentir leur exploitation Il faut une vision et une stratégie. de personnes et des millions de bovins, de non durable. Premièrement, élaborer des politiques caprins et de vaches mais qui n’exporte Le développement industriel doit être qui soutiennent les PME dans le secteur que 7% de son bétail faute de capacité de réalisé de façon inclusive et durable. Si agricole. En Chine, le premier document de transformation. Ils n’ont pas de certifi- nous fabriquons des produits avec une l’année est un plan de soutien au dévelop- cation standard pour l’exportation, bien forte pollution de l’eau, du sol ou de l’air, il pement de l’agriculture. Deuxièmement, que la qualité de la viande soit excellente. y a un coût pour la santé des personnes. À prendre des mesures concrètes. Nous Nous soutenons l’Éthiopie dans la mise en l’ONUDI, pour qu’un projet soit approuvé, ne pouvons pas parler dans le vide. place d’un projet pilote afin de répondre il doit respecter nos normes environne- Troisièmement, soutenir financièrement le aux critères d’exportation. L’agriculture mentales. renforcement des capacités de production africaine peut se connecter à la chaîne de et la formation. Quatrièmement, assurer valeur mondiale. Les dirigeants africains sont-ils récep- un environnement favorable au dévelop- tifs à vos idées ? pement des PME. Enfin, relier le secteur Les pays peuvent créer des agro-in- La plupart des dirigeants que j’ai agricole à l’agro-industrie, l’agroalimen- dustries dans des domaines où ils ont rencontrés demandent l’appui de l’ONUDI. taire et l’industrie manufacturière. un avantage concurrentiel, mais le Mis à part ceux qui traversent des situa- manque de compétences techniques tions difficiles, comme des conflits, les Un rapport de la Banque Mondiale indi- et d’infrastructures, en particulier pays doivent faire preuve d’un solide enga- quait récemment que l’agro-industrie les routes et l’électricité, reste un gement en faveur de l’industrialisation. en Afrique pourrait valoir 1 trillion de problème. dollars d’ici à 2030. Cela pourrait-elle Nous avons les boîtes à outils tradition- changer la donne? nelles, y compris la formation profession- Le font-ils? Oui, même si le chiffre ne me paraît nelle. Le renforcement des capacités est Comme le nouveau président nigérian, pas exact. Mais l’agriculture est un secteur un programme très populaire de l’ONUDI. beaucoup de leaders, en Côte d’Ivoire, très porteur pour l’Afrique. La création Avec le soutien des donateurs, nous déve- en Éthiopie, au Kenya, au Sénégal, en d’emplois requiert de l’innovation. Il y aura loppons des programmes de formation Tanzanie et en Zambie, manifestent très peu d’opportunités si vous essayez de comme nous l’avons fait en Tunisie et en leur engagement. Cependant, les pays cultiver du blé, du maïs ou des fruits, sans Éthiopie pour de jeunes ingénieurs avec le en conflit, tels que la République démo- vous connecter à l’agro-alimentaire et à la maniement des engins lourds. Les pays ont cratique du Congo [RDC], pourraient chaîne de valeur mondiale. Je n’accepte pas besoin de projets agro-industriels à grande avoir des difficultés à s’industrialiser. La l’idée selon laquelle la technologie moderne échelle. L’Ethiopie a par exemple déve- RDC dispose de nombreuses ressources, entraînerait une perte d’emplois chez les loppé des centaines de parcs industriels dont l’or et le pétrole. Le pays est vaste, agriculteurs car les services agricoles sont qui permettent d’accroître les capacités de vous pouvez y cultiver n’importe quoi, liés au marché. Avec l’agro-transformation, production. et dispose d’une importante population. les agriculteurs ont plus de temps et de Mais les conflits internes ralentissent l’in- moyens à consacrer à des choses qui vont La plupart des investisseurs étrangers dustrialisation. Au contraire, le Rwanda, au-delà de la plantation et de la culture. ciblent le secteur extractif, qui génère paisible, avance rapidement. Tout dépend peu d’emplois. Que faites-vous pour de la situation du pays, des engagements Le but de l’Initiative africaine pour le encourager les investissements dans le de son gouvernement et de l’efficacité des développement de l’agroalimentaire et secteur agricole ? systèmes administratifs. de l’Afrique, soutenue par l’ONUDI, est La meilleure approche pour l’Afrique d’ouvrir les marchés internationaux ne consiste pas à dire : « N’exportez pas Comment voyez-vous l’Afrique dans aux agriculteurs. Mais les agricul- de matières premières ». Regardez l’Aus- environ 10 ans ? teurs africains sont concurrencés par tralie et d’autres pays qui continuent d’ex- Beaucoup de pays progresseront dans les subventions agricoles de nombreux porter leurs matières premières. Après l’échelle socio-économique et devien- gouvernements occidentaux. une analyse coût-bénéfices, ils ont décidé dront des pays à revenu intermédiaire. L’Afrique peut innover sur ce plan. de ne pas transformer localement. Il faut Il y aura plus d’industries pour fabri- Par exemple, les pays africains produc- une discipline de marché. Tous les pays quer des biens et créer des emplois. C’est teurs de cacao qui exportaient les fèves ne doivent pas exporter les matières possible. La communauté mondiale est fabriquent localement des produits choco- premières, mais s’ils en ont la capacité et prête à soutenir l’Afrique. Plus impor- latiers. Au Ghana, une entreprise produit des investisseurs étrangers pour construire tant encore, les pays africains s’engagent du beurre, de l’huile et un biscuit de cacao des usines et créer des emplois, pourquoi dans le progrès industriel et la croissance pour la consommation locale. Et l’ONUDI pas ? économique. AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017 11
L’intégration : une aubaine pour le secteur privé Le commerce intra-africain peut stimuler le profit Par Ihuoma Atanga L es pays en développement concurrentiels, des services financiers et peuvent-ils prospérer sans esprit aux entreprises. collectif dans une économie Après l’instauration d’un environne- mondiale? Une question pour ment national propice aux partenariats chaque pays qui envisage le développe- public-privé, les gouvernements devraient ment et la stabilité économiques. rechercher des partenariats régionaux. Les organisations internationales Selon le Secrétaire général de l’ONU, telles que la Conférence des Nations Unies António Guterres, , lors du Sommet du sur le commerce et le développement G7 en mai à Taorimina, en Italie, il faut « (CNUCED) et le Fonds monétaire inter- soutenir l’aspiration du continent à une national affirment que pour une crois- intégration régionale, y compris par la libre sance durable et collective, les grandes circulation des personnes et des biens, et économies africaines doivent abattre les par les investissements dans les infrastruc- cloisons qui les séparent des économies tures et l’info-structure ... » L’innovation sous-développées du continent. serait la clé pour relier les régions. Selon le rapport de la CNUCED en De fait, la présence de multinationales 2016, Zone de libre-échange continen- et d’investisseurs, comme au Ghana, au tale africaine : Promouvoir l’intégration Nigéria et en Afrique du Sud, créé des panafricaine, l’intégration régionale est environnements favorables pour les entre- nécessaire pour développer la technologie prises. et l’innovation. Afin de promouvoir le commerce Jusqu’aux années 1980, le secteur intra-africain, les dirigeants ont formé public n’a pas su donner à la croissance des blocs commerciaux régionaux comme de l’Afrique une trajectoire ascendante la Communauté économique des États durable. Si certains ont prospéré dans les de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la années 1960, comme la Côte d’Ivoire, le Communauté des États sahélo-sahariens Ghana et le Kenya, la croissance de la (CEN-SAD), la Communauté de l’Afrique un dédouanement accéléré à la frontière, plupart des pays a été ralentie par une de l’Est (EAC) ou la Communauté pour le nécessitant souvent une intervention poli- économie dépendante du gouverne- développement l’Afrique australe (SADC) tique et réduisant les avantages de l’auto- ment limitant la capacité à répondre à la et le Marché commun de l’Afrique orien- maticité (« effet bol de spaghetti »). » demande de consommation et à la faible tale et australe (COMESA), avec pour Les autres obstacles comprennent les compétitivité de marchés. objectifs, le libre-échange, la coopération contrôles monétaires, les coûts de trans- Réalisant qu’aucune croissance économique et l’élimination des droits de port élevés, les barrières non tarifaires et durable et rapide ne serait possible sans douane et des barrières commerciales. les tarifs commerciaux. investissements, de nombreux dirigeants Des multinationales telles que africains élargissent leur spectre et cour- Les défis ShopRite, United Bank for Africa (UBA), tisent les entrepreneurs et le secteur privé Les efforts en faveur du libre-échange Dangote Group et Ecobank ont béné- en quête de partenariats, régional sont louables mais des difficultés ficié des blocs commerciaux régionaux et Selon un rapport de l’Organisation subsistent. des zones de libre-échange. En Afrique des Nations Unies pour le développe- Selon la CNUCED, l’appartenance australe, l’impact a été majeur sur la renta- ment industriel (ONUDI), Renforcer de nombreux pays africains à plus d’un bilité de ShopRite, le plus grand détaillant les capacités pour le développement du bloc commercial régional et d’une orga- alimentaire sud-africain qui a développé secteur privé en Afrique, le secteur public nisation intergouvernementale, est ses activités au Lesotho et Zimbabwe et se doit encourager les partenariats avec le source de contradictions réglementaires tourne désormais vers le Kenya, le Ghana secteur privé dans les projets de déve- et d’avantages qui s’annulent au profit et le Nigéria. loppement et accroître ses capacités en de potentiels conflits car « Des régimes Malgré l’augmentation des revenus, offrant des infrastructures, des marchés qui s’opposent peuvent conspirer contre les barrières non tarifaires entravent le 12 AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017
africains où elles sont implantées. Ce sont des partisans du commerce intra-africain, des services financiers et des fonds d’inves- tissement, comme UBA et Heirs Holdings, présidé actuellement par son fondateur Tony Elumelu, fervent adepte de la promo- tion des entreprises en Afrique selon sa théorie de l’« Africapitalisme », terme qu’il a employé en 2010 pour développer sa philosophie du secteur privé africain qui a le pouvoir de transformer le continent avec des investissements long terme, créant à la fois prospérité économique et richesse sociale. D’après M. Adegboyega Festus, direc- teur financier et du développement de UBA en Amérique du Nord : « L’innovation bancaire de UBA a grandement facilité l’intégration régionale, la croissance et les intérêts commerciaux à travers l’Afrique avec l’amélioration de l’efficacité et des capacités, le volume et le périmètre des affaires, la création de valeur et son appro- priation par nos clients et nos entreprises. » L’influence de UBA dans le dévelop- pement du commerce intra-africain n’a cessé de croître avec le développement de ses activités en Afrique, d’autant plus que la banque est membre des blocs commer- ciaux régionaux. Possibilités de croissance Dans une intervention à l’Université PARTENARIATS POUR LE DEVELOPPEMENT d’Oxford en 2015, M. Elumelu a cité Transcorp, une filiale de Heirs Holding, illustrant le rôle des multinationales et des libre-échange. Selon Imani Development, Ecobank à Kumasi, Ghana. Banku services financiers dans la croissance des un cabinet de conseil dans le domaine secteurs privé et public. Transcorp investit économique et du développement en dans le secteur de l’alimentation en diffi- Afrique du Sud, ShopRite a dépensé 5,8 peut considérablement augmenter les culté au Nigeria et génère actuellement millions de dollars pour les formalités bénéfices et l’intégration régionale est 20 % de la production totale d’électricité administratives en 2009 et 13,6 millions de encouragée par certains gouvernements. dans le pays créant de nouveaux emplois, dollars dans la SADC. Le potentiel économique de crois- plus d’accès à l’énergie, et une opportunité sance entre l’Afrique du Nord et de de développement pour les petites entre- Opportunités l’Ouest est énorme. Le nouveau gazoduc prises. Selon le rapport Guardian de 2017, En Afrique de l’Ouest, des milliardaires Nigeria-Maroc est un précurseur en Transcorp envisage de générer 25 % de la comme Tony Elumelu et Aliko Dangote la matière et aura un impact direct sur capacité énergétique totale de la centrale se sont associés à des entreprises et des plus de 300 millions de personnes. Selon d’ici à 2018. gouvernements à l’intérieur et à l’exté- le roi Mohammed VI, cet accord créera « Si les organisations régionales doivent rieur de la CEDEAO. Dans le secteur de la un marché régional de l’électricité et une rationaliser la réglementation commer- construction, Dangote Cement a investi source d’énergie importante, qui permettra ciale pour que le commerce régional des milliards dans la fabrication d’usines et de développer l’industrie, d’améliorer la prospère, les entreprises ne peuvent croître de terminaux d’importation au Cameroun, compétitivité économique et à accélérer le sans une communauté forte, d’où la néces- au Congo, en Éthiopie, au Sénégal, en développement social ». sité pour les dirigeants d’avoir une vision Afrique du Sud et en Zambie. Certaines entreprises cherchent transfrontalière. Le développement des Le succès rencontré dans ces régions constamment à déployer leur fonds économies d’échelle est une question de prouve que le commerce transfrontalier de commerce et à investir dans les pays point de vue. AfriqueRenouveau Août - Novembre 2017 13
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