Note de synthèse HEROINES DU CLIMAT : Comment lutter de pair contre inégalités de genre et changement climatique ? - Care France

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Note de synthèse HEROINES DU CLIMAT : Comment lutter de pair contre inégalités de genre et changement climatique ? - Care France
CARE France

                                               © Sankalpa
                                               Acharya/CARE India

Note de synthèse
HEROINES DU CLIMAT : Comment lutter de pair contre
inégalités de genre et changement climatique ?
Note de synthèse HEROINES DU CLIMAT : Comment lutter de pair contre inégalités de genre et changement climatique ? - Care France
Pourquoi ce thème, pourquoi maintenant ?
En 2021, deux forums internationaux d’envergure abordent les liens entre égalité de genre et changement
climatique :

           •   Le Forum Génération Egalité, organisé par ONU Femmes et co-présidé par la France et le
           Mexique, s’est tenu à Paris du 30 juin au 2 juillet. Ce forum international mise sur le lancement
           de coalitions d’actions thématiques regroupant un large panel de parties prenantes (États,
           société civile, entreprises, fondations...) pour accélérer l’action et les résultats en matière
           d’’égalité des genres et de renforcement des droits des femmes et des filles. L’une des coalitions
           porte sur la justice climatique.

           •   La COP26 qui se tiendra à Glasgow du 1er au 12 novembre, pendant laquelle les
           gouvernements du monde entier se retrouveront enfin pour une nouvelle session de
           négociations internationales sur le climat après la pause imposée par la pandémie de Covid-19.
           Cette échéance est particulièrement importante pour obtenir des engagements plus ambitieux
           en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de soutien à l’adaptation des pays
           les plus vulnérables et de politiques climatiques respectant et protégeant les droits humains et
           l’égalité des genres.

Pourquoi parler d’inégalités de genre ET de changement
climatique ?
Parce qu’elles figurent parmi les deux plus grandes injustices de notre époque et qu’ensemble, elles forment
un cocktail explosif.

Nous sommes face à deux constats :

           •   Les pays du Sud, les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre à l’origine du
           changement climatique, en subissent les pires conséquences (cyclones, sécheresses,
           inondations, montée du niveau des mers, etc.). Cela a un impact sur leur capacité à se nourrir, se
           loger, et à subvenir aux besoins de leur famille.

           •   Les femmes et les filles, partout dans le monde, continuent à avoir plus de difficultés que les
           hommes et les garçons à accéder et contrôler la terre, aux ressources financières, à l’éducation
           et à l’emploi, à la technologie mais aussi limitent leur capacité à se déplacer et à participer aux
           prises de décision. On parle donc d’une double injustice. Très concrètement, le changement
           climatique se transforme en surcharge de travail pour les femmes et les filles. Ce sont elles qui
           parcourent des distances de plus en plus longues pour trouver de l’eau et du bois, des ressources
           naturelles de plus en plus rares. C’est autant de temps qu’elles ne peuvent pas consacrer à leur
           éducation ou au développement d’activités économiques ou à la participation à des instances de
           décision. Ce sont elles aussi qui se privent en premier de nourriture quand une sécheresse ou
           une crise alimentaire survient.

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Présentation des intervenantes
Pour nous parler de leur expérience sur le sujet, nous avons accueilli :

    •   Rachel Barré, directrice du Programme Femmes & Climat de la Fondation L’Oréal
    •   Colette Benoudji, fondatrice de l’ONG Lead Tchad
    •   Solène Ducretot, militante écoféministe, co-fondatrice du collectif Les Engraineuses et Fondatrice
        des Volonterres, directrice d’ouvrage du livre Après La Pluie – Horizons écofémistes, Tana éditions.
    •   Ouafae Sananès, experte en genre, chargée de mission à l’Agence Française de Développement

Entretien
Pourquoi avez-vous (personnellement ou votre structure) décidé de vous saisir de ce
double enjeu d’inégalités de genre et de changement climatique ? Est-ce que ce
cheminement s’est fait naturellement ou avez-vous rencontré des obstacles ?
Il existe une multiplicité de parcours possibles pour s’engager à la fois contre les inégalités de genre et contre
le changement climatique.

L’engagement peut venir en réaction à l’expérience concrète des insécurités liées aux impacts du changement
climatique et aux inégalités de genre, comme cela est le cas pour l’association Lead Tchad. De nombreuses
vulnérabilités se croisent sur le territoire tchadien : les femmes, malgré leur travail important dans les
champs, ne sont que rarement propriétaires des terres ; la raréfaction des ressources naturelles est
particulièrement inquiétante dans ce pays enclavé et le pays fait face à des défis sécuritaires
majeurs. L’action peut également découler d’une prise de conscience plus indirecte de ces enjeux. Pour
L’Oréal, des vécus similaires à ceux du Tchad ont été remarqués chez le personnel de la chaîne de valeur, ce
qui a mené le groupe à s’engager. En effet, la collecte des ingrédients naturels utilisés pour les produits
L’Oréal est principalement menée par des femmes, qui subissent d’autant plus les effets de la désertification
et des saisons des pluies de moins en moins prévisibles.

    “C’est juste que je réagis à                                                    “Ce sont les femmes qui
  quelque chose de fort que je                                                     sont au cœur des activités
  vis. L’idée de mettre en place             “Ça me fait penser à une             de production, au cœur des
      une organisation pour                phrase écoféministe qui dit:            activités de collecte, et qui
  rassembler des gens et pour               qui voudrait la part égale            subissent de plein fouet ces
     unir nos forces, c’est une            d’un gâteau cancérigène ?”-                  premiers effets du
        idée qui vient de la                     Solène Ducrétot                   changement climatique” –
        défensive." – Colette                                                              Rachel Barré
             Benoudji

Enfin, la mobilisation croissante des États en faveur d’une accélération de l’action climatique et de l’égalité
de genre, notamment à travers l’adoption de l’accord de Paris sur le climat en 2015 mais aussi de la stratégie
internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2022 qui promeut une
diplomatie féministe, ont créé une dynamique positive d’entraînement. C’est aussi le cas de l’AFD qui a initié
il y a plusieurs années un processus de transversalisation pour garantir une prise en compte et intégration
des enjeux de genre et de lutte contre le changement climatique dans l’ensemble de ses actions et

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engagements. En témoignent les engagements qui caractérisent la politique de l’AFD : 100% Accord de Paris
et 100% Lien Social.

Les parcours d’engagement dont les intervenantes ont témoigné n’ont pas été linéaires et aisés. Plusieurs
obstacles et difficultés ont été relevés.

En interne à l’Agence Française de Développement et à la Fondation L’Oréal, sensibiliser à la pertinence de
la prise en compte des enjeux de genre dans l’action climatique a été un processus complexe. Ces
intersections n’étant pas systématiquement comprises, les initiatives pour y répondre

ont mis du temps à se mettre en place. Des petites associations locales comme Lead Tchad souhaitant mener
des projets s’attaquant de front aux enjeux climatiques et de genre, sont dépendantes de la volonté et de
l’engagement des bailleurs. Le principal défi pour les associations locales reste encore aujourd’hui l’accès
aux financements et tout particulièrement à des financements de long-terme.

     Qu’est ce que l’écoféminisme?

     L’écoféminisme est un mouvement qui défend l’idée selon laquelle la nature, au même titre
     que les femmes, subissent la domination masculine.

     Même si être écologiste et féministe est un prérequis pour être écoféministe, cela n’est pas
     suffisant : être écoféministe, c’est réellement comprendre l’intersection entre inégalités de
     genre et exploitation de la nature.

     Depuis les années 70 et l’introduction du concept par François d’Eaubonne, de nombreuses
     initiatives écoféministes ont émergé, partout dans le monde, dans le Sud comme dans le
     Nord. Les collectifs les Engraineuses ainsi que les Volonterres, respectivement fondés et co-
     fondés par Solène Ducrétot, en sont des exemples français.

     Deux précisions sont à apporter :

     - L’écoféminisme ne comprend pas le genre féminin comme étant naturellement plus à
     même de résoudre les enjeux d’écologie, il n’essentialise pas le rôle de la femme. En
     revanche, il reconnaît qu’aujourd’hui, de nombreuses tâches ayant un impact sur
     l’environnement incombent socialement majoritairement aux femmes (l’alimentation par
     exemple).

     - Tout le monde peut être écoféministe. L’idée n’est pas de renverser les rapports de
     domination mais d’atteindre l’égalité sur une Terre saine et souhaitable. Les hommes en
     particulier sont donc évidemment à inclure dans le mouvement !

Concrètement, comment votre structure lutte de pair contre inégalités de genre et
changement climatique ?
Par la construction de cuiseurs solaires, Lead Tchad permet aux femmes d’avoir plus de temps pour
s’alphabétiser, tout en diminuant l’impact de la cuisine sur les émissions de gaz à effet de serre. L’association
met également en place des projets de microfinance verte pour favoriser l’entreprenariat féminin dans les
domaines de la culture maraîchère ou la construction de fours solaires.

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L’Agence Française de Développement, quant à elle, a travaillé progressivement en interne à former son
personnel aux enjeux de genre tout en intégrant ceux-ci dans les programmes qu'elle finance. L’initiative
Adapt’Action, qui vise à accompagner 15 pays et organisations régionales particulièrement vulnérables aux
impacts du dérèglement climatique dans la mise en œuvre de leurs stratégies d’adaptation, a par exemple
inclus un volet genre plus important dans sa deuxième phase. L’AFD a lancé également en 2020 un fonds de
soutien aux organisations féministes de 120 millions d’euros sur 3 ans, co-piloté conjointement avec le
ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, dont un appel à projets a été spécifiquement dédié aux
enjeux croisés de genre et changement climatique, lancé en 2021. Enfin, tous les projets de l’agence sont
analysés à l’aune du marqueur genre de l’OCDE pour s’assurer de leur impact sur l’égalité entre les genres.

La Fondation L’Oréal insiste sur l’importance de l’éducation aux enjeux de genre et de climat : c’est pourquoi
elle a publié un cahier de sensibilisation sur ces enjeux. Tout comme l’AFD, elle finance également des projets
d’adaptation dans des pays du Sud, et ce spécifiquement pour les femmes. C’est le cas d’un programme “She
Grows the Future” mené en partenariat avec CARE France qui vise l’accompagnement de 5500 femmes dans
l’adaptation de leurs pratiques agricoles face au changement climatique en Inde, Madagascar, Equateur et
Vietnam. Il est également essentiel pour L’Oréal de travailler sur ces enjeux en ville et dans les pays du Nord.
Dans le cadre de l’initiative WomenForClimate du C40, réseau de grandes villes du monde entier engagées
face au changement climatique, la Fondation L’Oréal soutient le mentorat de futures femmes leaders de
l’action climatique.

Depuis son lancement en 2018, le collectif français des Engraineuses, a eu pour but de sensibiliser sur les
questions d’écoféminisme, notamment via le premier festival écofeministe de France, Après la Pluie, organisé
en juin 2019 et le livre éponyme. Le tout récent collectif des Volonterres, est lui un programme de recherche-
action et de cartographie de toutes les initiatives écoféministes de France pour donner des clés
d’engagements dans tous les domaines (politique, travail, associatif...). Tout comme l’initiative du C40, le but
est également de mettre les acteurs et actrices du changements en réseau pour porter le combat plus loin.

                                Figure 1: Webinaire du 25 juin 2021 - Héroïnes du Climat

Au-delà de vos actions concrètes, essayez-vous d'encourager d’autres acteurs et
actrices autour de vous (vos pairs, institutions, etc..) pour amplifier la mobilisation
sur genre et climat? Comment?
Toutes les intervenantes s’accordent sur le fait que faire entendre sa voix sur la double injustice des
inégalités de genre et du changement climatique est essentiel pour faire avancer les choses. Ainsi, chacune
s’engage à son niveau pour influencer ses paires et réseaux.

                                                                                  Note de synthèse-Webinaire juin 2021 5
L’Oréal profite de sa capacité d’influence dans sa chaîne de valeur, en imposant des normes prenant en
compte les deux enjeux à travers des chartes. Son travail en collaboration avec d’autres entreprises lui
permet également de plaider pour l’action dans ces domaines.

En tant que présidente de l’International Finance Development Club (IDFC), l’AFD a joué un rôle clé pour porter
l’engagement sur ces deux axes de travail lors d’un Sommet des banques publiques de développement en
novembre 2020. A l’issue de ce sommet, 26 banques se sont engagées à travers une déclaration commune à
augmenter la part des flux financiers en direction d’opérations sensibles au genre, contribuer à des politiques
de lutte contre le changement climatique sensibles au genre et enfin améliorer le dialogue et la collaboration
avec l’ensemble des parties prenantes sur la question du genre.

Lead Tchad, du fait de son travail en première ligne sur l’adaptation au changement climatique intégrant le
genre, a développé une expertise qui lui a permis d’être reconnue par le gouvernement et la société civile
comme actrice incontournable dans l’élaboration de politiques publiques sur le climat telles que la
Contribution Déterminée au niveau National ou le Plan National d’Adaptation. Ses actions de plaidoyer ont
notamment évité que le charbon soit intégré comme solution à promouvoir dans la Contribution Nationale
Déterminée du Tchad.

En France, aujourd’hui, comment s’engager en tant que citoyen.ne sur ces enjeux ?
Est-ce qu’on peut faire une différence ?
Evidemment, chacun.e peut faire une différence !

L’action peut être menée à plusieurs niveaux, selon les possibilités et les envies de chaque citoyen.n.e:

    1.   Au niveau individuel : via ses choix de consommation, en favorisant le commerce équitable qui inclut
       de manière croissante les enjeux de genre dans ses chartes, pour le café ou le chocolat par exemple.
    2. Au niveau local : en mobilisant sa communauté locale autour d’une demande, comme le mouvement
       Front De Mères de Fatima Ouassak à Bagnolet qui a milité et obtenu l’introduction de repas
       végétariens à la cantine.
    3. A plus grande échelle : en montant une mobilisation citoyenne, en suivant les conseils donnés par
       Sarah Durieux de Change.Org dans son livre (Changer Le Monde. Manuel D’activisme Pour Reprendre
       le Pouvoir, éditions First, 2021), et en incitant les candidat.e.s aux différentes échéances électorales
       à proposer des mesures concrètes pour répondre à la double injustice des inégalités de genre et du
       changement climatique.

Quelle place pour les hommes dans cette lutte ?
Les intervenantes sont unanimes : il faut intégrer les hommes à la lutte conjointe contre le changement
climatique et les inégalités de genre.

Tout en garantissant des espaces pour permettre une expression libre des femmes, l’inclusion bien en amont
d’un projet des hommes est essentielle pour sa réussite. Selon Solène Ducrétot, beaucoup d’astuces peuvent
être appliquées pour faire en sorte d’impliquer les hommes sans perpétuer des normes sociales de
domination. Par exemple, le chronométrage du temps de parole par genre lors de réunions peut permettre
de conscientiser les écarts entre les genres et d’assurer un équilibre. Des cercles d’expression pour
accompagner la déconstruction des hommes des schémas du patriarcat peuvent également être envisagés.

Espoir, motivation, inspiration, admiration, enthousiasme, changement, passage à l’action... sont les mots
exprimés par le public à l’issue du webinaire.

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Beaucoup de personnes se mobilisent, partout dans le monde, pour construire un monde plus juste en termes
d’égalité des genres et de climat et obtiennent des résultats inspirants et porteurs d’espoir. Les quatre
intervenantes, par leur travail, montrent qu’il est possible de contribuer à ce combat et de l’accélérer, à
toutes les échelles !

                   Figure 2: Résultat d'une activité interactive avec les participant.e.s lors du webinaire

Pour aller plus loin :
   •   CARE France, Replay du webinaire « Héroïnes du climat – Comment lutter de pair contre inégalités
       de genre et changement climatique ? », disponible sur Youtube.
   •   CARE International, « SheLeadsInCrisis – placer la justice de genre au cœur de la réponse mondiale
       à la crise climatique », avril 2020
   •   Solène Ducrétot et Alice Jehan (sous la direction de), « Après La Pluie – Horizons Ecoféministes »,
       édition Tana, 2020 et le site www.lesvolonterres.com
   •   Fondation L’Oréal, « Femmes & Climat – donner aux femmes les moyens d’agir »
   •   Agence Française de Développement, « Lutter contre les changements du climat en promouvant
       l’égalité femmes-hommes : un nouveau défi », juillet 2021.

Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à contacter Fanny Petitbon : petitbon@carefrance.org

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