PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES - PANORAMA # MARS 2019
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AVANT PROPOS S de ESTELLE URIEN Directrice de Bessé Agro Les professionnels experts de l’amont agricole font un constat sans appel : le revenu des producteurs est de plus en plus volatil, impacté par la multiplication des aléas climatiques, sanitaires, réglementaires, et soumis aux prix du marché mondial lui-même imprévisible. Faisant face par ailleurs à la réduction des aides publiques destinées à soutenir leur revenu, les producteurs sont plus que jamais en première ligne pour assumer une grande part des risques des filières agricoles dont ils sont le premier maillon. Quels outils vont permettre de préserver leur capacité de résilience, essentielle à la pérennité de notre industrie agroalimentaire? Comment répondre à la diversité des besoins exprimés ? Comment s’adapter à la variété de nos filières, territoires, terroirs ? Un véritable défi. Le panorama que nous dressons aujourd’hui témoigne de cette diversité des besoins, des acteurs et des outils, mais aussi de cette nécessité de réfléchir collectivement au sein des filières à la gestion des risques agricoles pour apporter aux agriculteurs des solutions adaptées à tous types de productions.
SOMMAIRE SOMMAIRE Avant propos de : ESTELLE URIEN Directrice de Bessé Agro P 04 PRÉFACE DE JÉRÉMY DECERLE P 06 LE PANORAMA EN UN CLIN D’ŒIL P 08 10 POINTS A RETENIR P 10 RISQUES CLIMATIQUES P 12 RISQUES SANITAIRES P 14 RISQUES FINANCIERS P 16 RISQUES PRIX P 18 RISQUES MÉDIATIQUES P 20 RÔLE DES FILIÈRES P 22 DIFFUSION DES OUTILS ASSURANTIELS SUR LE TERRAIN P 24 STABILISATION DU REVENU AGRICOLE ET PAC P 26 LE POINT DE VUE DES BANQUIERS P 28 LES ATTENTES VIS-À-VIS DES ASSUREURS CONCLUSION BESSÉ
PRÉFACE JÉRÉMY DECERLE, Président du Syndicat Jeunes Agriculteurs (JA) “ LA NATURE NOUS DICTE SA LOI ” Sécheresse, inondation... Les aléas sont des dégâts matériels, entraîne une multiples. Pour mieux gérer les risques, contamination de l’eau et donc un il faut miser sur la pédagogie et une risque sanitaire pour nos bêtes. meilleure répartition des aides de la Vous avez alors une énorme charge PAC. financière à laquelle s’ajoutent des variations des prix. Quels risques menacent un exploitant agricole? Quelle est votre perception des outils Jérémy Decerle : J’élève des de gestion des risques ? charolaises à Chevagny-sur-Guye en J.D : Chaque risque est quasiment Saône-et-Loire. Aujourd’hui, comme couvert. L’épargne de précaution hier, il faut se prémunir contre les aléas introduite par la loi de Finances 2019 climatiques et d’éventuels risques et le Fonds de Mutualisation pour les sanitaires au sein du troupeau. Toutes risques Sanitaires et Environnementaux sortes de préjudices nous menacent, (FMSE) offrent un large panel aux certains se cumulent, d’autres se agriculteurs. Hélas les dispositifs sont complètent. La nature nous dicte sa complexes à mettre en œuvre. C’est loi. Un agriculteur est confronté à des parfois une question de lenteur ou de risques multiples en fonction de sa manque de mise en cohérence avec production, de sa région et désormais d’autres outils, notamment l’assurance du changement climatique. Les aléas privée. Or, beaucoup de contrats sont économiques, notamment la variation trop onéreux par rapport au revenu des des cours des matières premières agriculteurs. La trésorerie n’est pas là. mettent le moral à rude épreuve. Les agriculteurs souffrent aussi de l’image Alors que faire? négative que leur renvoient les médias. J.D : Inciter les jeunes à s’assurer avec Ils se sentent malmenés. Gardons en des offres adaptées à leur âge et à leur mémoire le mal être du monde paysan expérience. Ils doivent protéger leur et le nombre de suicides. exploitation de façon autonome : c’est C’est donc parfois difficile par exemple ce qu’on appelle la résilience. Cette lorsqu’une intempérie, qui provoque incitation est également pédagogique. PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES
page 05 On se prépare mieux à la complexité Qu’espérez-vous de la réforme de la du rôle de chef d’exploitation avec PAC? des formations sur l’assurance, J.D : L’Europe doit créer des systèmes l’organisation des marchés à terme, de gestion des risques plus adaptés. la diversification des activités, la Les aides directes à l’hectare sont de construction de filières... moins en moins pertinentes. Elles ne créent pas d’environnement sain Les pouvoirs publics ont-ils conscience car elles favorisent une sorte de de la situation? dépendance des agriculteurs à l’égard J.D : La déduction pour épargne des subventions. Il faut qu’une partie du de précaution est une avancée. budget PAC soit consacré à l’ensemble Le recours est plus souple et non des outils de gestion des risques, dont soumis à condition. Mais il faudrait les systèmes d’assurance. Le débat est l’adapter aux jeunes agriculteurs ouvert et nécessaire. Ce transfert sera lorsqu’ils démarrent car ils n’ont pas plus vertueux, pérenne et bénéfique nécessairement la trésorerie pour pour les agriculteurs. épargner. Un dispositif de transmission de l’épargne par le cédant au nouvel installé doit être envisagé. 453 100 Nombre de chefs d’exploitation et chefs d’entreprise agricole en 2017 Source : Mutualité Sociale Agricole février 2018 BESSÉ
TYPES DE RISQUES PESANT SUR L’EXPLOITATION Risque Risque Médiatique Sanitaire BOîTE À OUTILS DE LA GESTION DE RISQUE À DISPOSITION DE L’EXPLOITATION STRATÉGIE DE RÔLE DES COMMUNICATION FILIÈRES ACTEURS APPORTEURS DE SOLUTIONS SOCIÉTÉS DE SYNDICATS ORGANISMES CONSEILS STOCKEURS SYSTÈME DE PRODUCTION > INTRANTS > TRAVAIL INDIVIDUEL DE L’EXPLOITATION PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES CAPITAL DE L’EXPLOITATION (Terroir - Savoir-faire - Matériels…)
Risque Risque Risque Risque Climatique Politique Prix Financier SYSTÈMES MARCHÉS À ÉPARGNE PAC ASSURANTIELS TERME FILIÈRES BANQUES UNION ASSUREURS FRANCE EUROPÉENNE VALEUR > PRODUCTION > AJOUTÉE
SYNTHÈSE POUR RÉSUMER, 10 POINTS À RETENIR #1 #2 #3 #4 #5 Risques Risques sanitaires Risques financiers Risques prix Risques climatiques Face aux La déduction du Le risque médiatiques Le contrat importantes revenu pour aléas économique est Les consommateurs Socle, dispositif conséquences des (DPA) et la dotation variable et fragilise sont de plus en d’assurance crises sanitaires, pour investissement les exploitants plus exigeants à subventionné des agriculteurs (DPI) devraient agricoles. Pour l’égard de la filière prenant en charge ont créé le Fonds fusionner au sein favoriser et encadrer agroalimentaire. À certains risques de Mutualisation d’une nouvelle les transactions, les l’ère du numérique et climatiques, est une Sanitaire et réforme pour contrats à terme des réseaux sociaux, idée pertinente sur Environnementale un meilleur ont été mis en le risque médiatique le papier mais encore (FMSE). Le fonds fonctionnement. place sur quelques est un facteur à trop peu déployée. connaît un franc L’épargne de productions prendre en compte Il faut lever les succès grâce à sa précaution prévue agricoles amenant pour se maintenir freins en agissant gestion par des dans le projet de davantage de à l’abri de tout sur différents leviers professionnels loi de finances transparence et scandale et en éviter dont la fiscalité, dans un cadre 2019 permet aux de confiance. Ces les répercussions la compensation associatif et par ses agriculteurs de contrats offrent immédiates. Pour entre productions, versements rapides, constituer une une meilleure contrer la pression la diversification après expertise, épargne défiscalisée couverture grandissante sur des productions ou des précieuses et mobilisable en du risque aux les agriculteurs, des encore l’adhésion indemnités. Les cas de sinistre. Ce agriculteurs qui prises de paroles aux dispositifs financements dispositif permet peuvent anticiper sont nécessaires complémentaires publics remboursent également à l’État leurs productions. comme l’illustre non aidés. ensuite la FMSE de limiter les Celui portant sur le le collectif Ferme dont ils assurent aides ponctuelles lait doit encore faire France. Les la tutelle. Enfin, demandées dans ses preuves. exploitants agricoles les efforts de l’urgence. Le doivent apprendre prévention de la premier bilan de cet à communiquer part des agriculteurs avantage sera évalué davantage pour devraient également lors de la Loi de assurer une être un critère finances 2020. transparence d’indemnisation, chère aux yeux des selon l’inspecteur consommateurs. général de l’Agriculture George- Pierre Malpel. PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES
#6 #7 #8 #9 #10 Rôle des filières Diffusion PAC Le point de vue des Attentes vis-à-vis L’assurance de La commercialisation Les politiques banquiers des assureurs filière est une clé des outils de gestion européennes et Certaines banques, L’Etat favorise pertinente pour le du risque dépend de nationales de comme le Crédit le contrat Socle partage des risques. multiples acteurs. stabilisation des Mutuel, font la au détriment de Si des outils vont La coopération revenus agricoles promotion de l’innovation en dans le sens de agricole est au cœur n’ont pas abouti. l’assurance auprès matière de gestion leur protection, de la gestion des Depuis 2013, des exploitants du risque agricole. de véritables risques. Son rôle Franck Montaugé via des chargés de Pourtant, des initiatives n’ont pas dans la diffusion et la sénateur du Gers et clientèle répartis solutions existent, encore émergé. Ces promotion des outils son collègue Henri sur tout le territoire. notamment dernières reposent assurantiels devrait Cabanel de l’Hérault, Leurs objectifs l’assurance sur la solidarité des être valorisé. se mobilisent. Ils : convaincre de Chiffre d’Affaires. groupes industriels préparent leurs la pertinence de Agriculteurs, avec les agriculteurs, arguments en l’assurance récolte coopératives et l’engagement prévision du débat et guider l’accès aux assureurs doivent durable de l’État, et sur la nouvelle PAC marchés à terme de imaginer des outils l’aide des assurances 2020. matières premières. sur-mesure, adaptés privées. aux différentes productions (blé, maïs, arboriculture, élevage...) et aux profils des agriculteurs. BESSÉ
#1 LE RISQUE CLIMATIQUE #1 LE CONTRAT SOCLE, MAIS PAS QUE… Franchise trop dissuasive, seuil de déclenchement élevé : le contrat Socle ne rencontre pas, chez les agriculteurs, l’écho escompté. LE CONSTAT En France, seulement un quart des cultures céréalières et viticoles sont assurées contre les risques climatiques. Pour couvrir les pertes de production dues à la sécheresse, à la grêle, au gel, aux inondations, et permettre aux agriculteurs de s’engager dans la campagne suivante, l’État, les assureurs et les agriculteurs ont élaboré un “contrat Socle ”, premier niveau de garantie du contrat Multi-Risques Climatiques (MRC). ANDRÉ BERNARD LUC SERVANT Président de la Chambre Président de la Chambre Mis en œuvre à partir de 2016, le dispositif, d’Agriculture du Vaucluse d’Agriculture de Charente subventionné à 65%, n’a pas rencontré et Président du groupe Maritime, Président de la le succès escompté. Parmi les freins : permanent Fruits et Commission Économie à une franchise à 30% trop dissuasive, et Légumes à l’Assemblée l’APCA un seuil de déclenchement à 30% des Permanente des pertes, trop élevé. Si les modifications Chambres d’Agriculture apportées dans le cadre de “ l’Omnibus ” (APCA) ont offert aux États la possibilité d’abaisser ce seuil à 20%, la France y a renoncé au motif qu’un abaissement générerait une hausse des subventions, avec un risque de dépassement de l’enveloppe budgétaire estimé à près de 250 millions d’euros. En outre, le calendrier de mise en œuvre du contrat Socle a laissé peu de champ à LES SOLUTIONS l’orchestration d’un plan de communication efficace. PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES
#1 LE RISQUE CLIMATIQUE page 11 “ Le contrat Socle est un outil va permettre aux agriculteurs complémentaires non aidés. “ Il est intéressant, qu’il convient de faire de constituer une épargne de possible de souscrire à des contrats évoluer. Mais c’est d’abord un outil précaution défiscalisée permettant grêle à des coûts très raisonnables, parmi d’autres. Et c’est sur la pluralité de compenser avec souplesse de l’ordre de 10 euros par hectare ”, des leviers qu’il est important d’agir ”, les mauvaises années de récolte note Luc Servant. En outre, des affirme André Bernard, Président par les bonnes. Une opportunité discussions sont ouvertes entre de la Chambre d’Agriculture du d’autant plus nécessaire que, dans les différents acteurs publics et Vaucluse, Président du Groupe le cadre du dispositif des calamités privés et pour définir le modèle permanent Fruits et Légumes agricoles, l’indemnisation n’est économique – notamment au à l’Assemblée Permanente des parfois versée qu’un an à un an et niveau de la prise en charge du Chambres d’Agriculture (APCA). demi après les dommages. “ Par risque – des garanties avec des le biais de la fiscalité, on doit être franchises de 10% ou 20%. capable de supporter 30% de pertes. MIEUX PRÉVENIR LE RISQUE Il va falloir encourager les exploitants Premier levier : l’anticipation. à s’approprier cette mécanique de Aujourd’hui en France, seulement provision pour aléa. D’autant plus 4% de l’eau de pluie est stockée qu’elle permet de couvrir le risque (contre 50% en Espagne) et 1,7% climatique, mais aussi les aléas de est utilisée pour l’agriculture. Une revenus ”. aide permettant aux agriculteurs Troisième levier : la compensation d’installer sur leur exploitation entre productions. Alors que la des systèmes de retenue d’eau de plupart des contrats raisonnent quelques dizaines de milliers de à la culture, le développement m3 faciliterait l’irrigation en cas de des “ franchises à l’exploitation ” sécheresse. De même, systèmes de permettrait de mutualiser cultures drainage, filets et canons anti-grêle de printemps et d’hiver. s’avèrent très efficaces partout où ils sont mis pour anticiper l’assurance sur des risques DÉVELOPPER devenus récurrents. “ Pourquoi dès LES ASSURANCES lors ne pas mettre un peu d’argent COMPLÉMENTAIRES public ou affecter une petite part Quatrième levier : la diversification des subventions de la PAC afin de des productions. Parce que les les généraliser ? ”, demande Luc 29,4% différentes cultures ne présentent Servant, Président de la Chambre pas la même sensibilité aux d’Agriculture de Charente Maritime, aléas, notamment climatiques, Président de la Commission économiques et sanitaires, Économie à l’APCA. l’élargissement de la panoplie des JOUER SUR LA SAISONNALITÉ productions peut limiter la perte de C’est la superficie agricole (hors DES CULTURES chiffre d’affaires des agriculteurs. prairie) couverte par des contrats Deuxième levier : la fiscalité. La Enfin, cinquième levier : une d’assurance agricole en 2017. réforme fiscale amorcée pour 2019 adhésion accrue aux dispositifs Source : ministère de l’Agriculture juillet 2018 BESSÉ
#2 LE RISQUE SANITAIRE #2 “ LA MUTUALISATION A FAIT SES PREUVES ” Géré par les agriculteurs, le Fonds national agricole de Mutualisation Sanitaire et Environnementale (FMSE) est efficace. A condition de rester dans son rôle. LE CONSTAT Le 15 juin 2018, la Chine a Dioxine dans le lait, peste LES SOLUTIONS mis fin à l’embargo sur la porcine, grippe aviaire, xylella viande bovine française. Plus fastidiosa sur les oliviers.... “ Créé en 2013 par les agriculteurs de 20 ans après la découverte Les crises sanitaires et eux-mêmes, le Fonds national des premiers cas d’ESB environnementales se agricole de Mutualisation Sanitaire (encéphalopathie spongiforme succèdent. L’Etat et l’Europe et Environnementale (FMSE) est bovine), un énorme marché interviennent dans l’urgence unique en son genre : il reste géré par jusqu’à présent fermé ouvre donnant l’impression au les professionnels regroupés au sein ses frontières. contribuable qu’il en est de d’une association loi 1901 ”, signale sa poche. De leur côté, les Georges-Pierre Malpel, inspecteur En 2001, le ministère de agriculteurs touchés par général de l’Agriculture et co- l’Agriculture estimait le coût une crise sont confrontés auteur du rapport sur les outils des des mesures sanitaires en à l’univers kafkaïen des risques en agriculture d’avril 2017. France (prévention, abattage demandes d’aides et doivent Chaque chef d’exploitation verse des troupeaux, destruction attendre (trop) longtemps le 20 euros de cotisation obligatoire des farines, traçabilité...) à 835 premier versement. prélevée par la Mutualité Sociale millions d’euros par an. Mais la facture pour le contribuable Le Fonds national agricole Agricole (MSA). Tous règlent cette fut sans doute bien plus lourde. de Mutualisation Sanitaire et somme symbolique et forfaitaire, L’accord commercial chinois Environnementale (FMSE) est- qu’ils souscrivent une assurance montre que les conséquences il une solution d’avenir? privée ou pas. des crises sanitaires se Ce budget est complété par les comptent en décennies. cotisations d’une dizaine de productions : porcs, grandes cultures, betteraves, vignes, fruits... PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES
#2 LE RISQUE SANITAIRE page 13 En 2017, le montant collecté serait important. Mutualiser les s’élevait à 16,4 millions d’euros. préjudices entre professionnels avec On le comprend : le nerf de la un statut loi 1901 est une compétence. guerre contre le risque, c’est-à-dire Gérer des contrats d’assurance est l’argent, vient des agriculteurs eux- un métier et implique une autre mêmes qui sont par conséquent dimension. Le FMSE a comblé avec impliqués dans la gestion. Pour succès et en peu de temps un vide de preuve, le conseil d’administration couverture des risques sanitaires et est composé de représentants environnementaux. Son succès est des principaux syndicats agricoles incontestable, mais pour étendre son (FNSEA, JA, Confédération champ d’action, il doit en priorité Paysanne et Coordination Rurale), consolider son action. ” des productions, de Coop de France et de la Fredon, organisme de veille GEORGES-PIERRE MALPEL sanitaire. Le fonds est présidé par Inspecteur général de l’Agriculture Joël Limouzin, Président de la et co-auteur du rapport sur les Chambre d’Agriculture de la Vendée outils des risques en agriculture et vice-président de la FNSEA. d’avril 2017 14 000 exploitations indemnisées en 2018. agricoles contre 1400 en 2015. Autre avantage du FMSE : son Après cinq ans d’activité, le intervention est souple, rapide et bilan semble plutôt satisfaisant. proche du terrain. Il indemnise “ L’intervention du FMSE est après expertise et évaluation relativement complémentaire à celle du préjudice de production ou du fonds calamités (FNGRA) qui de rendement tout agriculteur couvre les aléas climatiques tels affilié et victime d’un incident le gel, la grêle, les inondations... ”, sanitaire (tuberculose bovine...) analyse Georges-Pierre Malpel. ou environnemental (pollution aux PCB, dérivés chimiques contenus Valoriser les efforts de prévention dans la peinture...). Pour gagner en efficacité, l’expert 14 000 Le FMSE avance les versements, préconise d’améliorer la veille puis il est remboursé par le sanitaire notamment sur les Fonds Européen Agricole pour le végétaux. Il recommande aussi de Développement Rural (FEADER). Le prendre en compte les efforts de financement public assure 65% de prévention de l’agriculteur comme l’indemnisation, et les agriculteurs critère d’indemnisation. C’est le nombre d’exploitations les 35% restants. L’Etat n’intervient Fort de son succès, le FMSE peut- agricoles indemnisées par le Fonds pas financièrement, mais il agrée il intervenir dans les domaines national agricole de Mutualisation le fonds, suit son fonctionnement et de l’assurance Récolte et Chiffre Sanitaire et Environnementale assure la tutelle. d’Affaires? Georges-Pierre (FMSE) en 2018 à comparer aux 1400 Au 6 juin 2018, le FMSE a Malpel met en garde contre cette exploitations indemnisées en 2015. indemnisé 14 000 exploitations tentation : “ Le risque de doublon Source : FMSE juin 2018 BESSÉ
#3 LE RISQUE FINANCIER #3 “ LE PARI DE L’ÉPARGNE DE PRÉCAUTION ” La réforme fiscale 2019 devrait inciter les agriculteurs à économiser en prévision des sinistres. LE CONSTAT Le caractère cyclique de l’activité agricole suppose L’une des explications de cette utilisation d’épargner les années fastes pour affronter les limitée était l’existence de la DPI (Dotation Pour périodes de vaches maigres. Investissement), créée en 1987, qui défiscalisait les investissements (achat d’un tracteur, construction En toute logique, défiscaliser une réserve de bâtiments...) sans intégrer la notion de d’argent bloquée sur un compte devrait inciter les risque. Cette défiscalisation pouvait inciter au agriculteurs à devenir fourmis plutôt que cigales. surinvestissement et parfois à l’endettement. Un Las, le dispositif existant a fait un flop. rapport sur les outils de gestion des risques en Créée en 2002, la Déduction du revenu Pour Aléas agriculture d’avril 2017 co-signé par Vincent Lidsky, (DPA) n’a jamais réussi à s’imposer. Ses modalités Inspecteur général des finances, a apporté des souvent modifiées par la loi étaient perçues comme pistes de réforme en partie reprises dans le projet complexes. En 2014, seules 3008 exploitations en de loi de finances 2019. ont bénéficié ! 2,5% C’est le pourcentage moyen d’agriculteurs imposés au régime fiscal réel normal qui ont utilisé la DPA (Dotation Pour Aléa). 35,9 % ont utilisé la DPI (Dotation pour Investissement) sur la période la même période allant de 2010-2015. Source : DGFIP (Direction Générale des Finances Publiques) PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES
#3 LE RISQUE FINANCIER page 15 dispositif : l’épargne de précaution. l’urgence. Il est difficile d’estimer Une simplification bienvenue. ce que cet avantage fiscal coûtera L’agriculteur met de l’argent de côté aux citoyens. Un premier bilan du les bonnes années. Il diminue ainsi montant des exonérations et du son impôt. En cas de sinistre ou tout nombre de bénéficiaires sera connu simplement de baisse de récolte, dans le cadre de la loi de finances lorsque son bénéfice est réduit ou 2020, et une évaluation effectuée nul, il débloque “ sa cagnotte ”. dans trois ans. Un plafonnement en fonction du Le rôle pédagogique de l’assurance revenu Vincent Lidsky reconnaît que l’épargne de précaution encouragée “ Nous avions recommandé de par la fiscalité ne résout pas la plafonner le montant de l’épargne à question du développement de VINCENT LIDSKY 150 k€ en cumul. En outre, l’un des l’assurance privée. L’agriculteur scénarios proposés par le rapport pourrait avoir tendance à se Inspecteur Général des Finances et co-auteur du rapport sur les - celui préconisé par l’Inspection contenter d’une épargne de outils des risques en agriculture générale des finances - était un précaution, jugeant inutile de plafonnement annuel à 30 % des souscrire une police d’assurance revenus de l’agriculteur. Le législateur pour couvrir les pertes de chiffre a retenu globalement ce principe en d’affaires instituant un plafond de 150 k€ en Optimiste, Vincent Lidsky souligne cumul et un plafond annuel en fonction que l’assurance privée a sa place du revenu ” souligne Vincent Lidsky. en complément “ Contrairement Cette possibilité ne doit pas en effet à la DPA, l’assurance privée vise à LES SOLUTIONS conduire à un sous-investissement permettre une indemnisation pour ni à une inéquité fiscale vis-à-vis des un sinistre bien identifié telle que la “ Lors de la rédaction du rapport autres contribuables. perte de récolte. Elle pourrait aussi sur les outils de gestion des risques récompenser les efforts de prévention agricoles demandé par le ministre Les conditions de déblocage de et les bonnes pratiques. Le rôle de de l’Agriculture Stéphane Le Foll, l’épargne sont très souples. Nul l’assureur est en principe aussi nous avons constaté que le cumul besoin de justifier d’un aléa tel que pédagogique ”. de dispositifs fiscaux était contre- sécheresse, inondation ou maladie Enfin, la réforme de la PAC pourrait productif. Le consensus en faveur d’une du bétail. L’exploitant a dix ans pour être l’occasion de concevoir un vrai réforme était quasi unanime ”, se prendre une décision sans avoir à système de stabilisation du revenu souvient Vincent Lidsky, Inspecteur se justifier. “ Cette souplesse permet des agriculteurs en complément Général des Finances et co-auteur à l’agriculteur de se responsabiliser ”, de l’épargne de précaution. Selon du rapport sur les outils des risques justifie l’inspecteur des finances. Vincent Lidsky, “ une partie des aides en agriculture. L’État fait un pari : si l’épargne pourrait être mise de côté lors des L’idée de supprimer la DPI qui de précaution se développe, il périodes fastes et versée en cas de crise. aboutissait à un surinvestissement a n’aura plus à intervenir en tant que Aujourd’hui, la PAC n’intervient pas fait son chemin. Si bien que le projet pompier financier après un sinistre. pour stabiliser les revenus. Les aides de loi de finances pour 2019 (article Il s’agit, à terme, de limiter les sont peu ou prou constantes et c’est à 51) fusionne DPI et DPA en un seul aides ponctuelles apportées dans l’agriculteur de lisser les revenus ”. BESSÉ
#4 LE RISQUE PRIX #4 “ LES CONTRATS À TERME FAVORISENT LA CONFIANCE ” Francis Declerck, professeur au département Finance de l’ESSEC Business School et Michel Portier, fondateur d’Agritel, co-auteurs de “ Comment utiliser les marchés à terme agricoles ” (Éditions France Agricole) décryptent le mécanisme et le développement des contrats à terme. LE CONSTAT En matière de gestion des risques, accentué ces dernières années les agriculteurs disposent de par la libéralisation des marchés mécanismes plus ou moins agricoles, la spéculation et les efficaces mais réels. C’est le aléas climatiques provoquant de cas pour les risques sanitaires très fortes variations sur les cours et environnementaux avec la des matières premières agricoles. création en 2013 du FMSE (Fonds Une tendance qui fragilise de de Mutualisation des Risques nombreuses exploitations. Les Sanitaires et Environnementaux). marchés à terme permettent de De même, bien que le sujet se couvrir. Mais cela coûte cher et suscite davantage de critiques demande une certaine expertise. tant du point de vue de son coût En Europe, le marché à terme que de son efficacité, le contrat du lait n’a été créé qu’en 2010. Il Socle concernant le risque faut du temps pour installer les climatique est opérationnel. pratiques. Reste le risque économique, PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES
#4 LE RISQUE PRIX page 17 MICHEL PORTIER FRANCIS DECLERK comptant (physique) correspondant. figé le prix, la production et les LES SOLUTIONS Si l’écart inexpliqué est grand, gains de productivité. Les éleveurs l’excès de spéculation peut être n’ont pas la même marge de Quel bilan tirer de la libéralisation la cause. Dans ce cas, la Bourse manœuvre que les céréaliers pour des marchés agricoles européens ? du marché à terme doit contrôler stocker leur production (à cause Francis Declerck. La libéralisation le volume contractualisé par les de la très grande périssabilité du permet d’apporter un signal de spéculateurs pour l’augmenter ou le lait), l’augmenter ou la réduire prix reflétant mieux l’offre et la diminuer selon le cas. fortement en un an. En revanche, un demande. Le signal est meilleur transformateur laitier peut stocker pour les producteurs et pour les Où en sommes-nous concernant de la poudre de lait, du cheddar, acheteurs. Cela contribue aussi bien le développement d’instruments du beurre : il peut mieux gérer son à limiter le manque de production et financiers appliqués à d’autres risque de prix, sa marge. donc la faim pour les plus pauvres, cultures que céréalières, comme qu’à limiter l’excès de production M.P. Le développement des contrats notamment l’élevage et le lait ? à terme présente tout de même et ses conséquences sur le F.D. Les contrats sur le lait en gaspillage de ressources naturelles plus de transparence et favorise poudre en Europe ne fonctionnent la confiance. Certes, un éleveur et humaines ou sur la pollution des pas bien. Euronext Commodities sols et des nappes phréatiques. doit vendre son lait tous les deux travaille sur ces sujets. jours en moyenne à l’opérateur Michel Portier. Le fait qu’Euronext avec lequel il est sous contrat, mais Quels sont les avantages et les Amsterdam, qui gère le lait, soit le les contrats à terme offrent une limites des marchés à terme seul marché où il y a un processus meilleure couverture du risque aux destinés à assurer une couverture de livraison expliquerait sa éleveurs qui ont ainsi une vision du du “ risque prix ” ? moindre attractivité. Depuis peu, prix dans le temps. F.D. Ils visent à réunir les anticipations des offreurs et l’EEX, la plateforme allemande demandeurs en termes de prix basée à Leipzig et qui propose et de volume qu’ils décident de quatre contrats à terme (poudre contractualiser. Il est indispensable de lait écrémé, beurre, poudre d’attirer de grands volumes de lactosérum et lait liquide), est (c’est-à-dire de la liquidité) pour beaucoup plus dynamique. Sa avoir un prix qui reflète le plus liquidité s’est sensiblement accrue possible l’équilibre de l’offre et de depuis 2017 avec la crise du beurre la demande à un terme donné. Le qui a rendu les prix plus volatiles. rôle des spéculateurs, c’est-à-dire des preneurs de risque, est de Quels enseignements tirer des contribuer à la liquidité d’un contrat. systèmes de coopératives intégrées Mais il n’en faut pas trop, comme de l’Europe du Nord et des offices il ne faut pas trop d’huile dans de commercialisation en Amérique un moteur pour qu’il fonctionne du Nord (Milk Marketing Orders) correctement. A l’échéance d’un permettant une meilleure maîtrise contrat à terme sur le lieu de du “ risque prix ” pour le lait ? livraison de ce contrat, il faut F.D. La politique des quotas laitiers pouvoir expliquer la base, c’est-à- a permis d’adapter la production dire l’écart entre le prix du contrat à la consommation attendue dans à terme et le prix du marché au l’UE. Mais ils avaient quasiment BESSÉ
#5 LE RISQUE MÉDIATIQUE #5 “ JOUER LA CARTE DE LA TRANSPARENCE ” Préjudices climatiques, sanitaires, environnementaux… autant de sujets propices à des crises médiatiques. Or, le monde agricole est encore souvent mal préparé pour les affronter. LES SOLUTIONS “ La défiance croissante du public par rapport à l’alimentation, nourrie par les scandales, les controverses, une couverture médiatique anxiogène, et la puissance des réseaux sociaux où tout peut être sujet à polémique voire à invective rendent le travail des agriculteurs et de toute la filière agro-alimentaire beaucoup plus complexe ”, constate Amaury Bessard, Directeur Réputation, Influence & Communication Sensible à l’agence conseil Shan. Pour cet ancien Directeur de la communication de l’ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires), la solution passe par le collectif : “ seule une action commune et transverse peut-être efficace ”. Mais le défi est immense car si tout le monde a le même objectif (répondre aux attentes du consommateur), personne ne veut en payer le prix. Distributeurs et industriels se retranchant derrière la AMAURY BESSARD pression des consommateurs, au bout du compte ce sont souvent les Directeur Réputation, Influence & agriculteurs qui voient leurs revenus baisser. Communication Sensible à l’agence conseil Shan Les vertus d’une démarche collective Pourtant, les exemples d’actions et de prises de parole communes émergent. En témoigne le collectif Ferme France. Inaugurée en février 2018, cette association réunit des producteurs (Sodiaal, Terrena…), des industriels (Sodebo, Fleury Michon…) et des distributeurs (Auchan…). Son objectif ? “ Répondre collectivement à une demande de progrès PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES
#5 LE RISQUE MÉDIATIQUE page 19 LE CONSTAT Abattage préventif contre la son image. Amplifié par le consommateurs ont désormais grippe aviaire dans le Finistère phénomène des réseaux sociaux, trois nouvelles attentes fortes : en mars 2018. Mesures de le risque médiatique ne peut plus une alimentation sûre sur le long protection contre la peste porcine être minoré. La réputation de terme soulevant la question de en Lorraine en septembre. tout un secteur en dépend. Les l’impact des pesticides et des Publication d’une vidéo de succès de la période productiviste nanoparticules, une nutrition l’association L214 contre l’élevage entamée dans les années 50 saine faisant la chasse au intensif par le groupe Avril en (augmentation de la production, sucre, au sel et au gras, et une octobre. Intoxication au métham baisse des prix, meilleure production responsable prônant sodium utilisé par les maraîchers conservation des produits) est le bien-être animal, la protection en Anjou le même mois… Le aujourd’hui considérée par de l’environnement, la lutte monde agricole est sans cesse l’opinion comme un acquis. contre le travail des enfants… confronté à des situations de Au-delà de la sécurité à court Autant de nouveaux risques crise entachant toujours plus terme et de l’accessibilité, les médiatiques à anticiper. sociétaux qui se fait de plus en plus de parole pérenne et incarnée pour aux coopératives, leur système de pressante (changement climatique, défendre ses convictions. Le cas de décision collégiale n’est pas adapté à biodiversité, juste rémunération l’association France Agri Twittos l’extrême réactivité de leurs opposants des acteurs, santé humaine, bien- où l’on parle du métier d’agriculteur potentiels ”, note Amaury Bessard être animal…) ”. Selon Amaury “ sans filtres, sans clichés, en toute qui préconise l’élaboration d’une Bessard, cette démarche est transparence… ” est intéressant. matrice de risques réputationnels, vertueuse car “ en tendant ensemble Enfin s’ouvrir, c’est accepter les avis la définition d’arguments basés à créer une nouvelle norme sur le scientifiques, dans un sens comme sur des faits et la mise en place marché, ils peuvent susciter un effet dans l’autre, pour être crédible tout en de cellules de crise rapidement d’entraînement ”. reconnaissant ne pas toujours faire les activables. Pour l’expert en communication, choses de façon parfaite ”, explique affronter ces nouveaux risques Amaury Bessard. médiatiques nécessite de la part des Des acteurs mal préparés à la 62% acteurs de la filière agro-alimentaire gestion de crise une profonde remise en question de leur façon de communiquer. Mais le chemin est encore long tant Une attitude nouvelle qui peut se les acteurs du secteur semblent résumer en trois mots : faire, dire et encore démunis en matière de des Français déclarent que les s’ouvrir. “ Faire, c’est avoir l’ambition communication. “ Certains industriels scandales alimentaires ont un impact de changer concrètement, via la comme Danone ou Fleury Michon font sur leurs habitudes de consommation mise en place de label par exemple et preuve de transparence en impliquant selon un sondage BVA de juillet 2018 *. Ce pourcentage est en hausse par toujours dans une démarche collective. le consommateur. Mais face à des rapport à septembre 2017 (56%). Dire, c’est participer humblement attaques du type L214, les acteurs *Sondage BVA effectué en juillet 2018 auprès d’un au débat, car rien ne vaut une prise restent encore mal préparés. Quant échantillon de 1200 personnes BESSÉ
#6 LE RÔLE DES FILIÈRES #6 “ IL FAUT EMBARQUER TOUT LE MONDE ” L’assurance de filière est encouragée par le législateur. Mais elle peine à trouver sa place faute d’une franche adhésion de la part des agriculteurs. LE CONSTAT Quelle que soit la nature des nœud de soutien et de fragilité vente de produits agricoles ”, productions et au-delà des pour les autres. règlement (UE) n° 1308/2013 facteurs spécifiques d’aléas, L’assurance de filière, qui mise du 17 décembre 2013 incitant l’activité des agriculteurs est sur la mutualisation des intérêts, à la contractualisation entre suspendue au délai de mise sur des ressources et optimise producteur et premier acheteur, le marché. Plus une production le rapport de force dans la rapport de la task force est périssable, plus l’agriculteur négociation sur les couvertures, européenne en novembre 2016 sera dépendant de ses premiers apparaît comme une clé d’entrée préconisant le renforcement de clients, qu’ils soient collecteurs, pertinente du partage des relation entre les agriculteurs et stockeurs, transformateurs, risques. leurs partenaires aval. distributeurs. Mais cette Plusieurs dispositions Pour autant, les contrats de dépendance n’est ni unilatérale, réglementaires vont dans ce filières demeurent marginaux. ni linéaire. L’effet de cascade sens : loi de modernisation du Quels sont les freins à lever? joue dans tous les sens et chaque 28 juillet 2010 créant au sein maillon agit à la fois comme un du Code rural un “ contrat de PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES
#6 LE RÔLE DES FILIÈRES page 21 quant aux prérequis nécessaires à la interprofession et un groupe industriel, construction d’un fonds assurantiel avec des courroies de gouvernance qui de filière. nous assurent des cycles de décision Souhaitant aller plus loin, en 2016, très courts et une forte capacité la FOP a réalisé avec Bessé Agro d’innovation ”, argumente Arnaud une étude de faisabilité autour Rousseau, également à la tête du d’une garantie sur base indicielle groupe Avril, brique industrielle couvrant le risque de perte de de la filière. Et de mentionner marge brute des producteurs en sus l’expertise de Sofiprotéol, avec une franchise de 30%, que l’organisme financier de l’édifice. cette perte de marge brute résulte L’exemple du soja américain d’un aléa climatique (responsable La faisabilité et la durabilité d’un d’une perte de rendement) ou contrat de filière semblent donc bien d’un aléa économique (chute validées. Aux États-Unis, le fonds prix, hausse coûts des intrants , créé par l’American Soybean ARNAUD ROUSSEAU etc …). . “ Ce travail a conclu à la Association (ASA) pour indemniser Président de la FOP (Fédération pertinence et la pérennité d’un fonds ses producteurs fonctionne des producteurs d’Oléagineux et de filière autonome ”, souligne Arnaud d’ailleurs de longue date. À quand Protéagineux) Rousseau, président de la FOP et alors une véritable initiative en producteur de colza, protéagineux, France ? Pour le Président de blé, betteraves et maïs en Seine-et- la FOP, deux conditions doivent Marne. encore être réunies. D’une part, LES SOLUTIONS une promesse clairement affichée Compter sur l’engagement de l’Etat de la part de l’État quant à son En 2005, la Fédération des L’étude pointe plusieurs conditions, niveau d’engagement. D’autre part, producteurs d’Oléo-Protéagineux comme par exemple l’adossement l’adhésion franche et massive des (FOP) a mis en place, pour une à des assurances extérieures. agriculteurs. “ Se pose ici la question durée test de trois ans, un contrat Pour faire face aux aléas des de l’obligation de la souscription. Une d’assurance du chiffre d’affaires rendements, des prix marché et assurance de filière ne peut vraiment sur la culture du colza, en des coût des intrants, le dispositif fonctionner que si on embarque tout collaboration avec Groupama. Cette de filière doit être envisagé en le monde. C’est le principe même expérimentation portait sur 200 000 complément des outils existants de la solidarité ”, affirme Arnaud hectares de colza du grand bassin (droit à paiement de base, épargne Rousseau. parisien. Cette garantie se basait précaution, assurance socle) et sur des indices : les rendements pouvoir compter sur l’engagement départementaux des cinq années de l’État durant le temps de sa montée en puissance – de cinq à 71,8 précédentes et le prix du colza observé sur le marché à terme. La dix ans – ainsi, qu’ultérieurement, franchise était de 20 % et 90 % des en cas de catastrophe. Une fois le milliards d'euros pertes étaient couvertes. fonds ainsi abondé et consolidé, la L’essai ne fut pas transformé, filière est alors en mesure de se C'est la valeur de la production essentiellement du fait d’une forte responsabiliser sur la durée. agricole française en 2017 en hausse augmentation des prix sur toute la Autre critère requis : le degré de 3,2% par rapport à l'année période d’expérimentation. Mais il d’intégration de la filière. “ La FOP précédente. a livré des enseignements précieux fédère à la fois des producteurs, une Source : Agreste mai 2018 BESSÉ
#7 LA DIFFUSION DES OUTILS ASSURANTIELS SUR LE TERRAIN #7 “ LES COOPÉRATIVES PRÊTES À DÉVELOPPER LA PROTECTION ” La prescription de l’assurance auprès des agriculteurs s’appuie sur une multitude d’acteurs. Les coopératives attendent un cadre plus explicite pour faire la promotion des outils. demeure un frein à l’appropriation LES SOLUTIONS des outils ”, souligne Michel Alors que la fréquence des Prugue, président de la coopérative accidents climatiques s’accroit Maïsadour. et que la volatilité des prix de marché gagne tous les types de L’enjeu de la formation des production, les agriculteurs doivent agriculteurs composer avec le désengagement Si de nombreuses sources de de l’État et l’abandon par la conseil sont amenées à intervenir puissance publique d’importants sur les exploitations (chambres dispositifs de régulation (outils de d’agriculture, centres de gestion, stabilisation des prix, éligibilité banques, assureurs...), la gestion des grandes cultures au Fonds des risques n’est pas au cœur de National de Gestion des Risques en leur démarche. A l’inverse même, Agriculture…). Pour leur permettre certaines préconisations – en MICHEL PRUGUE de soutenir cette “ double peine ”, matière d’investissements pour assureurs, courtiers et conseils optimisation fiscale par exemple – Président de la coopérative Maïsadour et ancien Président de Coop de France doivent élaborer ensemble de peuvent fragiliser la trésorerie des nouveaux outils susceptibles d’être exploitations et compromettre leur actionnés à des niveaux spécifiques capacité de résistance aux aléas. en fonction de la nature des “ La sensibilisation et la formation productions et de l’amplitude des des agriculteurs constituent donc phénomènes observés. un enjeu absolument majeur, où les “ L’effort de dialogue et de coopération coopératives ont un rôle important à entre les différents acteurs au sein jouer ”, affirme Michel Prugue. des filières a permis le développement En France, La Coopération Agricole d’offres de plus en plus adaptées aux regroupe 2 500 entreprises- besoins. Néanmoins, la complexité des coopératives, principalement des mécaniques et des enjeux assurantiels TPE et PME, qui représentent PANORAMA DE LA GESTION DES RISQUES AGRICOLES
#7 LA DIFFUSION DES OUTILS ASSURANTIELS SUR LE TERRAIN page 23 LE CONSTAT C’est l’un des paradoxes de l’assurance en diffusion et de prescription est construit autour d’un agriculture : malgré un périmètre de clientèle – écosystème d’acteurs hétérogènes : assureurs, les agriculteurs – clairement circonscrit et donc courtiers, chambres d’agriculture, coopératives, a priori aisément accessible à la prospection, les unions de coopératives, centres de gestion, banques, outils de protection peinent à atteindre un niveau collectivités… Si cette variété constitue en soi un de pénétration satisfaisant. En cause : des produits atout pour toucher une cible finale elle-même encore insuffisamment adaptés à la demande et aux diverse, éclatée, parfois isolée, voire enclavée, elle besoins. Mais pas seulement. appelle sans doute un travail de clarification dans la Comme toute activité commerciale, l’assurance répartition des rôles et la cohérence des approches. en agriculture a besoin de vecteurs de promotion et de relais de distribution. Or, son modèle de une marque alimentaire sur trois, Michel Prugue. rassemblent trois agriculteurs L’activité d’intermédiaire en sur quatre et emploient 165 000 assurance, en tant que profession salariés. 70 % de la collecte de réglementée, n’est pas dans l’objet grandes cultures, quasiment 100% des sociétés coopératives agricoles. de l’élevage porcin et 55% de la Celles-ci déploient leurs actions production laitière sont réalisés par dans le cadre de partenariats et des coopératives. de la mise en relation entre les Impliquées, par nature, dans la assureurs et leurs adhérents. Dès gestion des risques de marchés lors, ne faudrait-il pas accorder aux et fondées sur le principe de coopératives un rôle plus explicite la mutualisation, celles-ci pour leur permettre d’exercer sont a priori bien placées pour pleinement les missions de accompagner leurs adhérents promotion des outils assurantiels dans la gestion de leurs risques. auprès de leurs adhérents ? Elles peuvent leur proposer des solutions en leur sein (caisses de sécurisation et de péréquation 2 400 par exemple) et concevoir avec les assureurs des instruments adaptés aux besoins, au meilleur coût possible. Privilégier les partenariats Nombre d’entreprises-coopéra- “ Les assureurs nous le confirment tives agricoles et agroalimentaires, chaque jour : le réseau coopératif agit principalement des TPE et PME, qui comme un puissant amplificateur représentent une marque alimentaire sur 3, rassemblent 3 agriculteurs sur 4 de diffusion et de pénétration des et emploient 190000 salariés. solutions de protection ”, souligne Source : lacooperationagricole.coop BESSÉ
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