Partenaires : LEIPS - Montréal
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Table des matières Présentation du LEIPS..........................................................3 Informations générales..........................................................4 Mot du comité organisateur..................................................6 Horaire du colloque...............................................................8 Résumés des communications.............................................12
Présentation du LEIPS Historique Le Laboratoire étudiant interuniversitaire en philosophie des sciences (LEIPS) a été créé à l’été 2015 par les membres du groupe de recherche en philosophie des sciences de l’Université de Montréal (UdeM). L’objectif était alors d’ouvrir le groupe à des étudiantes chercheuses et étudiants chercheurs d’universités québécoises et francophones en vue de créer une communauté de recherche étudiante interuniversitaire en philosophie des sciences, histoire des sciences et épistémologie. Aujourd’hui, le LEIPS intègre également des jeunes diplômé-e-s dont les intérêts de recherche s’inscrivent dans l’un de ces trois champs disciplinaire. Le LEIPS a tenu son colloque inaugural le 9 octobre 2015 à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Objectifs Le LEIPS vise à favoriser la recherche en commun, la mise en relation et la publications des recherches des étudiant-e-s et jeunes diplômé-e-s en philosophie des sciences, histoire des sciences ou épistémologie. Les membres du LEIPS se retrouvent ainsi deux fois par mois pour discuter de leur travaux en cours de manière tournante : discussion d’un chapitre ou article en rédaction, pratique d’une présentation pour une conférence, une soutenance, un examen, etc. Périodiquement, des « autoformations » peuvent être organisées en vue d’approfondir la connaissance des débats autour d’une problématique ou d’un thème philosophique en particulier. Le LEIPS organise ou participe également régulièrement à des événements publics permettant la diffusion des recherches de ses membres : organisation de deux colloques depuis 2015 et de tables- rondes dans le cadre des Congrès annuels 2015 et 2016 de la Société de philosophie du Québec (SPQ). Affiliation institutionnelle Le LEIPS (2015 - en cours) est affilié au Centre de recherche interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST). Site internet : leips-montreal.org Contact : leips@umontreal.ca 3
Informations générales 1ère journée | Vendredi 23 septembre 2016 | Université de Montréal Emplacement : Carrefour des arts et des sciences, salle C-1017-2 Pavillon Lionel-Groulx, Université de Montréal 3150, rue Jean-Brillant Montréal (Québec) H3T 1N8 À noter : Les pauses café du colloque auront lieu dans la salle C-2081/2083. Se rendre au colloque : Métro : Ligne Bleue, stations « Côte-des-Neiges » ou « Université de Montréal » (moins de 10 minutes à pieds du pavillon). Autobus : Lignes 51 et 119. Supports à vélos : Plusieurs supports sont disponibles au niveau des pavillons Lionel-Groulx et Jean- Brillant. Stations BIXI proches : Stations Louis-Colin / McKenna et Parc Jean-Brillant (Swail / Decelles). Accessibilité : Une rampe d’accès permet d’accéder au pavillon Lionel-Groulx via le parvis extérieur du pavillon Jean-Brillant. L’accès aux salles du Carrefour des arts et des sciences peut ensuite se faire par ascenseur. Carrefour des arts et des sciences, Université de Montréal 4
2ème journée | Samedi 24 septembre 2016 | Université du Québec à Montréal Emplacement : Pavillon Thérèse-Casgrain (W), salle W-5215 (5e étage) 455, Boulevard René-Lévesque Est Montréal, Québec, Canada H2L 4Y2 Pavillon Thérèse- Casgrain (W), UQÀM Se rendre au colloque : Métro : Ligne Orange, Verte ou Jaune; station « Berri-UQÀM ». Autobus : Lignes 24, 15, 125. Stationnements pour vélos : Plusieurs supports à vélos sont disponibles autour du Campus central et pavillon Thérèse-Casgrain. Stations BIXI proches : Stations Sainte-Catherine / Saint-Denis, Berri / Sainte-Catherine, Sanguinet / de Maisonneuve, Sanguinet /Ste-Catherine, St-Denis / de Maisonneuve. Accessibilité : Accès possible à la salle W-5215 par ascenseur. Pour plus d’information sur les zones d’accès facilitées à l’UQÀM, voir la carte interactive sur le site de l’université. Informations supplémentaires et contact : sophia.rousseau-mermans @umontreal.ca francois.papale@umontreal.ca 5
Mot du comité organisateur Le colloque 2016 du Laboratoire étudiant interuniversitaire en philosophie des sciences (LEIPS) se tiendra le vendredi 23 septembre à l’Université de Montréal (UdeM) et le samedi 24 septembre à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) sur le thème « Philosophie et sciences : une invitation au dialogue ». Ce deuxième colloque se veut une occasion de dialogue entre jeunes chercheuses et jeunes chercheurs philosophes et/ou scientifiques et s’organisera ainsi autour de trois types de conférences : conférences plénières, conférences LEIPS et conférences individuelles. Les conférences plénières, d’une part, seront l’occasion de recevoir trois invité-e-s d’honneur : Molly Kao, professeure au Département de philosophie de l’UdeM, dont la présentation sera commentée par Chandre Dharma-wardana, professeur au Département de physique et d'astronomie de l'UdeM, vendredi 23 septembre (UdeM), et Marcelo Otero, professeur au Département de sociologie de l’UQÀM dont la conférence se tiendra le samedi 24 septembre (UQÀM). Les conférences LEIPS, quant à elles, mettront en dialogue des membres du LEIPS avec une ou un scientifique associé-e autour d’une problématique originale ou d’un projet de recherche en cours. Ces conférences pourront prendre la forme d’une conférence en binôme ou avec commentaire. Les conférences individuelles permettront, enfin, à des étudiant-e-s en philosophie et/ou en sciences, non membres du LEIPS, de présenter leurs réflexions sur la pertinence, la nécessité ou le caractère souhaitable d’un dialogue entre philosophie et sciences dans le cadre d’une problématique particulière. Tout comme les conférences LEIPS, ces présentations s’inscriront dans l’un des quatre blocs disciplinaires suivants (cf. légende du programme) : • Philosophie générale des sciences et philosophie de la physique • Philosophie de la microbiologie, de la biologie et de l’écologie • Philosophie de la psychiatrie et de la médecine • Histoire des sciences et de la philosophie des sciences Par ailleurs, nous sommes heureuse et heureux d’inviter l’ensemble des participantes et participants du collooque 2016 du LEIPS à un « 5 à 7 » de rencontres et d’échanges plus festifs, le vendredi 23 septembre (UdeM), autour de collations vegans et végétariennes, accompagnées de boissons locales et/ou issues de l’agriculture biologique. Finalement, nous tenons à remercier chaleureusement l’ensemble des partenaires de ce colloque sans lesquels celui-ci n’aurait pas eu lieu : le Centre interuniversitaire de recherche sur la science et 6
la technologie (CIRST), et tout particulièrement Martine Foisy, sa précieuse coordinatrice, pour son aide organisationnelle et matérielle; la Chaire de Recherche du Canada en philosophie des sciences de la vie et son titulaire Christophe Malaterre (UQÀM), ainsi que Frédéric Bouchard, la Chaire Ésope de philosophie (UdeM) et le Département de philosophie de l’UdeM pour leur soutien financier; le Carrefour des arts et des sciences à l’UdeM et le personnel administratif du Département de philosophie de l’UQÀM pour la mise à disposition de leurs locaux. Nous tenons également à adresser nos sincères remerciements à Andrea Vela-Jule et David Montminy qui ont réalisé un travail formidable pour l’affiche de ce 2 ème colloque, ainsi qu’à Francois-Joseph Lapointe qui nous a permis d’utiliser son œuvre Microbiome selfie pour cette dernière. En espérant que ce colloque génère de riches discussions et facilite de futures collaborations entre jeunes chercheuses et chercheurs en philosophie et en sciences, nous vous souhaitons un agréable événement en vous encourageant à venir y assister avec votre tasse réutilisable ! Le comité organisateur, Sophia Rousseau-Mermans et François Papale 7
Horaire du colloque Légende Philosophie générale des sciences et philosophie de la physique Philosophie de la microbiologie, de la biologie et de l’écologie Philosophie de la psychiatrie et de la médecine Histoire des sciences et de la philosophie des sciences
Vendredi 23 septembre 2016 Université de Montréal | Carrefour des Arts et des Sciences Salle C-1017-2 08h50-09h00 Mots de bienvenue Comité organisateur du colloque 2016 du LEIPS, Christophe Malaterre (UQÀM) Paul Boulanger (UdeM) commenté par Céline Riverin (Collège Jean-de-Brébeuf) | Conférence LEIPS 09h00-09h40 « Problèmes actuels dans l'organisation de la recherche en physique : enjeux philosophiques » Phillip Drouin-Léger (UdeM) | Conférence individuelle 09h40-10h15 « Science et philosophie - Aux origines de la problématique : Le dialogue entre la Physique et la Métaphysique d’Aristote selon le cas de la dunamis (puissance) » Hugo Tremblay (Université Laval) | Conférence individuelle 10h15-10h50 « Si les particules élémentaires existent indépendamment de notre esprit, qu’en est-il des entités matérielles? » 10h50 – 11h10 : PAUSE Salle C-2081/2083 Molly Kao (UdeM) | Conférence plénière 11h10 – 12h10 « Expérience et preuves : une comparaison du rôle d'unification dans l'histoire de Perrin et de Planck » commentée par Chandre Dharma-Wardana (UdeM) 12h10 –13h30 : DÎNER Emmanuel Chaput (Université d’Ottawa) | Conférence individuelle 13h30 – 14h05 « Hegel, lecteur de Bichat » Simon Goyer (UQÀM) et Mona Gupta (UdeM) | Conférence LEIPS 14h05 – 14h45 « Critique des Research Domain Criteria (RDoC) et réflexion éthique sur la recherche psychiatrique » 14h45 – 15h05 : PAUSE Salle C-2081/2083 Francois Papale (UdeM) et Marc-André Legault (UdeM) | Conférence LEIPS 15h05 – 15h45 « Une analyse conceptuelle pour diminuer les biais épistémologiques en recherche clinique : le passage d’études statistiques aux prescriptions individuelles » Julie Augustin (UdeM) | Conférence individuelle 15h45 – 16h20 « Les insectes sont-ils des robots ? » Jade Néron (Université Laval) | Conférence individuelle 16h20 – 16h55 « Attribuer une cognition aux animaux non-humains : Sober et la parcimonie cladistique » 5 à 7 du colloque 2016 du LEIPS Salle 422 | Département de philosophie Université de Montréal
Samedi 24 septembre 2016 Université du Québec à Montréal | Département de philosophie Salle W-5215 08h45 – 09h : ACCUEIL DES PARTICIPANT-E-S Sophia Rousseau-Mermans (UdeM, Université Paris 1) et Eva Delmas (UdeM) Conférence LEIPS 09h00-09h40 « Résoudre les problèmes du concept d’espèce clé de voûte : une proposition d’analyse conceptuelle et computationnelle » Nicolas Quenouille (ENS, EHESS) | Conférence individuelle 09h40-10h15 « Définir l’espèce biologique, un défi aux confins de la science et de la philosophie » Kevin Kaiser (UdeM) | Conférence individuelle 10h15-10h50 « Une 'niche' commune à la philosophie et à la microbiologie ? » 10h50 – 11h10 : PAUSE Marcelo Otero (UQÀM) | Conférence plénière 11h10 – 12h10 « Psychiatrie et sociologie : le dialogue est-il possible ? » 12h10 –13h30 : DÎNER Thomas Chamard-Bergeron (UQÀM, CHUM) 13h30 – 14h10 Commenté par Anne-Marie Gagné-Julien (UQÀM) | Conférence LEIPS « La psychiatrie a-t-elle toujours besoin du concept de 'maladie mentale' ? » Kéba Coloma Camara (Université Laval) | Conférence individuelle 14h10 – 14h45 « Le normal et le pathologique aux frontières de la philosophie et de la médecine : étude comparative de l’approche de Boorse et de Canguilhem à propos de la définition de la maladie et de la santé » 14h45 – 15h05 : PAUSE David Montminy (UdeM) et Gabriel Meunier (Pratt & Whitney Canada) | Conférence LEIPS 15h05 – 15h45 « Posture fonctionnaliste en sciences et en ingénierie » Frédéric Venne (UdeM) | Conférence individuelle 15h45 – 16h20 « Physique, ingénierie et philosophie : une invitation à un trialogue » 16h20-16h25 Mot de clôture
Résumés des communications
1. Conférences plénières Expérience et preuves : une comparaison du rôle d'unification dans l'histoire de Perrin et de Planck Molly Kao (Université de Montréal) commentée par Chandre Dharma-Wardana (Université de Montréal) Il existe un nombre considérable de publications sur la nature du raisonnement employé par Jean Perrin pour sa détermination de la constante d'Avogadro au début du vingtième siècle. Selon celles-ci, les descriptions utilisées par Perrin incluent le "raisonnement de robustesse" et une inférence à une cause commune. J'ai soutenu dans des travaux antérieurs que la détermination de la constante de Planck dans des contextes différents devait être considérée comme un argument d'unification pour une hypothèse concernant le comportement d'énergie. Ces deux épisodes ont une similarité importante : les deux concernent des mesures d'un paramètre théorique en utilisant des méthodes variées. Malgré cette similarité, je propose qu'il y a une différence importante entre les deux cas. Je propose que nous pouvons tirer une conclusion concernant la constitution physique des systèmes de Perrin, mais que la détermination de la constante de Planck donne des conclusions qui sont plus profondes mais en même temps moins définies. C'est parce que l'argument d'unification dans le cas de Planck a donné une raison de penser qu'on aurait dû effectuer un changement aux descriptions cinématiques élémentaires des systèmes physiques, mais ne spécifiait aucun mécanisme physique pour le faire. L'objectif de cette comparaison est d'améliorer notre compréhension des caractéristiques subtiles aux inférences admissibles dans les cas qui semblent prima facie analogues. Psychiatrie et sociologie : le dialogue est-il possible ? Marcelo Otero (Université du Québec à Montréal) Tout comme un cerveau dans un bocal n’est pas un être humain, nul déprimé, psychotique ou psychopathe n’existent «en soi», et ce, peu importe les avancées des neurosciences, car une dimension de ce qui est problématisé par la psychiatrie, la psychologie et la médecine leur échappe et leur échappera toujours. En effet, la nature « problématique » d’un comportement social codé comme problème de santé mentale est une dimension « opaque » pour la psychiatrie, en ce sens qu’aucun psychiatre ne peut (pas plus qu’il n’en a d’ailleurs besoin) expliquer pourquoi le fait d’avoir des pensées suicidaires, de désirer s’engager dans des rapports sexuels avec les morts ou de ne pas éprouver de la culpabilité après avoir commis un meurtre est socialement problématique. C’est la société qui le fait à sa place et lui impose, normativement parlant, cette dimension. 12
En revanche, la nature proprement « pathologique » d’un comportement social codé comme problème de santé mentale constitue la dimension « spécifique » que la psychiatrie discute, définit, explique et mesure. Les techniques scientifiques qui se consacrent à cerner le « mental pathologique » (nosologie, nosographie, étiologie, pathogénie, génétique, etc.) permettent d’une certaine façon de trouver un terrain à la fois ontologique (cerveau, neurotransmetteurs, gènes, etc.) et symbolique (humeurs, stresseurs, déclencheurs, personnalités, etc.) où l’on peut maîtriser le phénomène étudié, défini comme problème de santé mentale, en se concentrant sur certaines dimensions plutôt que d’autres. Ainsi, l’incongru social, l’incompréhensible, l’inexplicable (délires, pensées suicidaires, certaines formes de violence, désirs sexuels inhabituels, peurs sans motifs apparents, comportements alimentaires étranges, etc.) deviennent significatifs, mesurables, intelligibles mais sans que le flou entre « déviance » (normativité) et « pathologie » (affection médicale) ne soit dissipé. Si on accepte qu’il n’y a pas de « folie » sans société, la psychiatrie et la sociologie sont condamnées à dialoguer ne serait-ce que par la consistance empirique de leurs objets biopsychosociaux. Le psychologisme et le sociologisme sous leurs diverses formes ont largement montré être, on nous permettra cette boutade, des pathologies épistémologiques équivalentes. Comment sortir de ces impasses disciplinaires ? 2. Conférences LEIPS Problèmes actuels dans l'organisation de la recherche en physique : enjeux philosophiques Paul Boulanger (Université de Montréal) commenté par Céline Riverin (Collège Jean-de-Brébeuf | LEIPS) L'accroissement sans précédent du nombre de chercheur-se-s, particulièrement en physique, ne fut pas accompagné d'un accroissement similaire du budget associé à la recherche scientifique ou du nombre de postes disponibles (Ahmed 2016). Ce déséquilibre a entraîné une importante pression sur le système classique d'organisation de la recherche. Pour mieux allouer les ressources, il est devenu crucial de pouvoir quantifier les contributions scientifiques de chaque candidat pour un poste ou pour du financement. À cette fin, plusieurs métriques furent inventées (Hirsh 2005) et prirent rapidement de l'importance. L'obsession de la performance s'est alors accrue et l'établissement d'un nouvel équilibre se fait toujours attendre. Rapidement, cette situation mena, chez les jeunes chercheur-se-s, à une course à la publication, qu'on peut résumer par l'adage suivant : « publish or perish ». En conséquence, certain-e-s ont choisi de sacrifier la rigueur (OSC 2015), l'intégrité scientifique (Cyranoski 2014) et la pédagogie. L'obsession de la performance a aussi accentué la fragmentation du savoir scientifique et a mené au cloisonnement des jeunes chercheur-se-s dans leurs spécialisations respectives. Par ailleurs, les grandes maisons 13
d'édition en ont profité pour asseoir leur dominance en créant leur propre métrique, le facteur d'impact (Garfield 2006), entraînant son propre lot de problèmes : le détournement de la méthode d'évaluation par les pairs (Biagoli 2016; Van Noorden 2013; Ferguson et al 2014), la diminution de papier scientifique visant à reproduire des résultats clés (Baker 2016), l'accès à la connaissance (Tickell 2016), etc. Dans cette présentation, nous prenons position pour une approche plus globale de l'évaluation des contributions scientifiques des chercheurs et pour une méthode plus ouverte de la communication scientifique. La psychiatrie a-t-elle toujours besoin du concept de « maladie mentale »? Thomas Chamard-Bergeron (Centre hospitalier de l’Université de Montréal et Université du Québec à Montréal) commenté par Anne-Marie Gagné-Julien (Université du Québec à Montréal | LEIPS) S’il est déjà difficile de définir ce que l’on doit entendre exactement par « maladie » lorsque l’on pratique une médecine « physique » ou « organique », le problème est encore plus grand dans le cas de la pratique psychiatrique. Par exemple, les tableaux cliniques observés en psychiatrie sont sujets à d’importantes variations interculturelles : doit-on alors parler de différentes expressions d’une même maladie ou plutôt de maladies différentes? Certains philosophes de la médecine ont proposé une réponse toute pragmatique à ce type de question. Ainsi, pour G. Hesslow (1993), la « maladie » est un terme théorique qui, sans être dépourvu de sens, n’est pas essentiel pour la pratique quotidienne du médecin ou du psychiatre. Selon Hesslow, le psychiatre ne se demande pas d’abord si le patient qui est en face de lui souffre d’une maladie mais bien s’il peut faire quelque chose pour soulager ses insatisfactions. Dans la présente communication, nous entendons montrer qu’une telle vision de la pratique de la psychiatrie peut certes être séduisante puisqu’elle relègue un concept difficile à définir, celui de « maladie mentale », aux oubliettes, mais qu’elle repose sur une méconnaissance des limitations empiriques propres à la thérapeutique en psychiatrie. Nous aborderons donc certains aspects de la pratique de la psychiatrie pour lesquels l’analyse de Hesslow nous semble échouer à rendre compte des enjeux cliniques : la question de la thérapeutique, la question de l’invalidité pour raison médicale puis celle de la non-responsabilité criminelle pour cause de trouble mental. Nous comparerons la thèse de Hesslow à celle de la maladie comme « dysfonction préjudiciable » proposée par J. C. Wakefield (1992, 2007). Cette dernière conception a, selon nous, le mérite de préciser le sens que le psychiatre attribue spontanément, sans l’expliciter, au concept de « maladie mentale ». 14
Critique des Research Domain Criteria (RDoC) et réflexion éthique sur la recherche psychiatrique Simon Goyer (Université du Québec à Montréal | LEIPS) commenté par Mona Gupta (Université de Montréal, Hôpital Saint-Luc) La National Institute of Mental Health (NIMH) souhaite forger un monde dans lequel les maladies mentales sont prévenues et guéries (c’est sa vision) (NIMH, 2015, p. 18). Pour atteindre cet objectif, la NIMH s’affaire activement, lors d’activités de recherche fondamentale et clinique qu’elle finance, à transformer notre manière de comprendre et de traiter les troubles de santé mentale et à ouvrir la voie vers la prévention, la récupération et la guérison de ceux-ci (c’est sa mission) (ibid., p. 18). Afin de transformer notre manière de comprendre et de traiter les troubles mentaux, la NIMH développe, à l’heure actuelle, un cadre conceptuel — les Research Domain Criteria (RDoC) — dans lequel la recherche sur les troubles mentaux doit être menée. Dans cette présentation, un étudiant en philosophie des sciences (Simon Goyer) et une psychiatre et chercheure en bioéthique (Mona Gupta) joignent leurs voix pour faire entendre une critique des RDoC et une réflexion éthique sur la recherche psychiatrique. Goyer fait connaître les RDoC et les raisons épistémiques et idéologiques de leur mise sur pied. Si les raisons épistémiques sont, selon lui, justifiables, les raisons idéologiques sont problématiques. En effet, pense-t-il, les valeurs sur lesquelles les RDoC se basent nuisent à la mission de la NIMH. Gupta, quant à elle, soutient qu’il existe un besoin urgent d’opérer une analyse éthique des ressources sociales investies en recherche psychiatrique. En effet, en ce moment, les cadres de recherche en éthique, tel que le Tri Council Policy Statement on Research Ethics (TCPS), s’intéressent seulement aux enjeux éthiques émergeant « en aval » dans les études individuelles plutôt que d’examiner « en amont » la valeur éthique des politiques de financement en science. Donc, si on prend l’argument de Goyer au sérieux, il nous faut développer de nouveaux cadres d’analyse éthique pour évaluer ces politiques. Posture fonctionnaliste en sciences et en ingénierie David Montminy (Université de Montréal | LEIPS) et Gabriel Meunier (Analyste senior au département de logiciel de contrôle, Pratt & Whitney Canada) De récentes discussions en philosophie des sciences se sont penchées sur l’ingénierie, soit quant à sa relation avec les sciences empiriques (de Vries 2010), soit quant à son utilisation de modèles (Pirtle 2010). Dans le cadre de notre communication, nous argumenterons qu’adopter une posture fonctionnaliste par rapport à la science permet de concevoir l’ingénierie comme étant constitutive de la démarche scientifique au sens large. Pour y parvenir, nous indiquerons comment une variété d’approches d’inspiration fonctionnaliste peut être appliquée avec succès à l’ingénierie. Plus précisément, nous montrerons que les approches de Bailer-Jones (2009) concernant l’utilisation des modèles en sciences et de Woodward (2014) sur le concept de causalité peuvent être interprétées en termes fonctionnalistes et ainsi fournir une compréhension des sciences dans laquelle l’ingénierie est une partie intégrante. De plus, nous montrerons qu’une approche fonctionnaliste de l’explication 15
scientifique (Bouchard 2013; Huneman 2013), couplée à une approche fonctionnaliste des artefacts (Vermaas & Houkes 2013), permet de faire ressortir les spécificités de l’ingénierie au sein des sciences. Une analyse conceptuelle pour diminuer les biais épistémologiques en recherche clinique : le passage d’études statistiques aux prescriptions individuelles Francois Papale (Université de Montréal | LEIPS) et Marc-André Legault (Institut de cardiologie de Montréal, Université de Montréal) Dans cette présentation, nous chercherons à démontrer qu’une analyse conceptuelle de la médecine permet de guider la démarche scientifique vers des considérations essentielles à la pratique de la médecine de précision. Pour illustrer notre argument, nous présenterons d’abord une situation où de telles analyses ont été fructueuses, soit le cas de l'épistémologie féministe. Nous argumenterons ensuite que le passage d'études statistiques en sciences médicales à la prescription individuelle peut aussi faire l'objet de tels échanges constructifs entre philosophie et pratique scientifique. Nous synthétiserons tout d’abord l’influence de la pensée féministe sur les recommandations des organismes subventionnaires en recherche médicale et sur la pratique qui découle des recherches ainsi financées. Il sera alors possible de démontrer que les institutions scientifiques ont su s’ajuster à la mise en lumière de biais de recherche reliés au genre (Énoncé de politique des trois conseils, Chapitre 4 ; Public Health Service Act sec. 492B, 42 U.S.C. sec. 289a-2). Or, une telle démarche souligne des problèmes méthodologiques concernant certaines recherches statistiques sur des populations hétérogènes. C’est donc dire que ces analyses ne s’attardent pas aux considérations individuelles. En deuxième partie de cette présentation, nous démontrerons pourquoi la distinction entre le niveau populationnel et celui de l’individu soulève des considérations épistémiques dont la médecine et l’industrie pharmaceutique ne peuvent pas faire l’économie. Deux de ces considérations seront présentées. D’une part, une approche qualitative permet d’identifier certaines dynamiques dont les approches populationnelles et statistiques ne peuvent rendre compte (Heyes 2007). D’autre part, le passage de résultats d’études statistiques à des prescriptions individuelles se révèle difficile dans la plupart des cas (Evidence-Based Medicine Working Group 1992). Dans les deux cas, nous avancerons qu’il est primordial pour les disciplines concernées d’introduire de telles considérations à leur démarche. Résoudre les problèmes du concept d’espèce clé de voûte : une proposition d’analyse conceptuelle et computationnelle Sophia Rousseau-Mermans (Université de Montréal, Université Paris 1 | LEIPS) et Eva Delmas (Université de Montréal) 16
Le concept d’espèce clé de voûte (Paine 1966; 1969) représente un concept majeur en écologie et en biologie de la conservation (Simberloff 1998; Mills, Soulé, et Doak 1993; Power et al. 1996; Ripple et al. 2016; Lafferty et Suchanek 2016). Ce concept pose cependant plusieurs problèmes liés à la fois à la multiplication de ses définitions (Mills, Soulé, et Doak 1993; Menge et al. 1994; Power et al. 1996) et au caractère « contexte-dépendant » du rôle clé de voûte des « espèces » (Mills, Soulé, et Doak 1993; Menge et al. 1994). Ces problèmes dépassent les seuls cadres théoriques et pratiques de l’écologie et de la conservation et nécessitent d’y associer une analyse philosophique d’ordre épistémique, ontologique et éthique, jusqu’à présent absente des débats. Cette présentation aura pour objectif d’exposer les bases d’un projet de collaboration visant à répondre au problème de définition et de dépendance au contexte du concept d’espèce clé de voûte à partir, d’une part, de la remise en question de la notion d’espèce utilisée en écologie et, d’autre part, de l’analyse computationnelle des conséquences d’une nouvelle définition écologique de l’espèce basée sur la structure de leur imbriquement dans le réseau d’interactions formé par l’ensemble de la communauté écologique (Milo et al. 2002; Stouffer et al. 2012). En prenant appui sur les débats historiques et contemporains autour de la notion d’espèce en philosophie de la biologie, Sophia Rousseau-Mermans défendra ainsi la nécessité d’une redéfinition de l’espèce inspirée du concept écologique d’espèce de Leigh Van Valen (1976) et d’une approche à la fois fonctionnelle et évolutive de la notion de niche écologique (cf. par exemple, Chase et Leibold 2003) ou « zone adaptative » (Van Valen 1971; 1976). Eva Delmas, quant à elle, présentera les apports potentiels d’une analyse intégrant les espèces dans leur réseau d’interactions pour la compréhension des enjeux de cette redéfinition du concept d’espèce avant de conclure sur les apports potentiels d’une telle définition pour le pouvoir explicatif et prédictif du concept d’espèce clé de voûte, ainsi que son utilisation en conservation. 3. Conférences individuelles Les insectes sont-ils des robots ? Julie Augustin (Université de Montréal) En écologie comportementale, des théories dites d'optimalité sont utilisées pour prédire le comportement des organismes en fonction de leur environnement. D'après ces théories, l'évolution aurait favorisé les individus dont le comportement maximise la valeur adaptative, soit leur survie et celle de leurs descendants. La notion de comportement sous-entend cependant l'existence d'un “initiateur” de l'action. Cet initiateur est-il uniquement fonction des indices environnementaux (tels que la température ou la luminosité) ou dépend-il de quelque chose de plus, par exemple, une “intention” ? Des travaux de psychologie et dans d’autres domaines de la biologie ont tenté de résoudre ce problème qui se rapproche de la question du libre arbitre et du déterminisme en philosophie. Ceux-ci ont permis d’apporter des éléments de réponse à cette question, mais ne permettent pas de trancher entre les différentes positions en jeu dans ce débat. Dans cette communication, je défendrai qu’une approche empirique de ce problème avec des organismes moins complexes en association avec une réflexion philosophique sur celui-ci peut faire avancer le débat. 17
Si les mammifères et les oiseaux semblent a priori démontrer des comportements plus complexes que ceux qui résulteraient d’un simple système “input/output”, d’autres groupes d’animaux sont plus facilement considérés comme des “automates” à l’image des insectes. Or, si ces derniers ont un système nerveux plus simple que les vertébrés, ils sont également capables d'apprentissage et d'ajuster leurs comportements en fonction de l'environnement. Ils seraient donc un sujet d'étude idéal pour débuter l'étude de ces questions chez des organismes moins complexes. En outre, le débat philosophique sur la question du libre arbitre pourrait aider à l'élaboration d'hypothèses concernant le mécanisme décisionnel chez les insectes et autres animaux, et ainsi préciser les modèles d'optimalité et les conclusions relatives aux études comportementales de manière générale. Le normal et le pathologique aux frontières de la philosophie et de la médecine : étude comparative de l’approche de Boorse et de Canguilhem à propos de la définition de la maladie et de la santé Kéba Coloma Camara (Université Laval) Peut-on délimiter le normal et le pathologique? Les concepts de santé et de maladie sont-ils équivalents ou opposés aux concepts de normal et de pathologique ? En comparant la théorie de la normativité biologique de Georges Canguilhem et la théorie biostatistique de Christopher Boorse, j’examine les réponses de ces auteurs à ces questions. Ce travail permet notamment de situer les deux approches dans l’entreprise définitionnelle des concepts de maladie et de santé en philosophie de la médecine. Là où Boorse adopte une démarche quantitative pour définir objectivement ces concepts, Canguilhem privilégie une démarche qualitative. Tout en insistant sur la complexité de la relation entre le normal et le pathologique, comprise notamment au travers des définitions de la maladie et de la santé, Canguilhem discute des enjeux reliés à ces concepts tout autant en philosophie que dans la pratique médicale et chez les personnes malades ou saines. Même si ces approches sont différentes, elles illustrent toutes deux la relation complémentaire entre la philosophie et la médecine. En engageant un dialogue entre ces deux auteurs incontournables en philosophie de la médecine, mon objectif est, d'une part, de montrer que le problème du normal et du pathologique, dans le programme de définition de la maladie et de la santé, est à la fois un problème philosophique et médical; d’autre part, j'entends démontrer que l’analyse conceptuelle pourrait guider l’art médical vers une meilleure distinction et prise en charge des états de maladie et de santé. Hegel, lecteur de Bichat Emmanuel Chaput (Université d’Ottawa) L’objet de ma présentation sera d’offrir une réflexion d’ordre historique sur le dialogue qu’entretient la philosophie hégélienne avec la science de son temps. Plus particulièrement, je m’intéresserai à la 18
manière dont G.W.F. Hegel (1770-1831) tente une retraduction en termes spéculatifs des recherches physiologiques de Xavier Bichat (1771-1802) sur la nature du vivant. Comment la science physiologique, d’ordre essentiellement empirique, peut-elle être repensée dans le cadre du système philosophique de Hegel comme un moment dans le déploiement du « Concept » ? En quoi les découvertes expérimentales, en physiologie notamment, guident-elles l’orientation du système hégélien sur la question du vivant ? Malgré l’extrapolation parfois violente qu’opère Hegel, son traitement des découvertes physiologiques de Bichat montre à quel point il demeure soucieux de penser la compatibilité entre sciences empiriques et sciences spéculatives ou philosophiques : « Non seulement la philosophie doit nécessairement être en accord avec l’expérience de la nature, mais la naissance et formation de la science philosophique a la physique empirique pour présupposition et condition 1 ». Loin de déduire un concept de la nature a priori indépendamment de toute considération pour les travaux de son temps, Hegel est au contraire un lecteur attentif des sciences en plein essor. Son système doit ainsi se comprendre à l’aune d’un dialogue constant avec les sciences dans lequel la philosophie se nourrit des nouvelles découvertes scientifiques tout en les abordant d’une manière novatrice et propre à la philosophie. C’est un tel phénomène, résultat du dialogue qu’entretient Hegel avec Bichat, que j’aimerais exposer en m’intéressant à la distinction bichatienne entre vie organique et vie animale et la manière dont Hegel reprend cette distinction en lui conférant une dimension résolument spéculative. Science et philosophie - Aux origines de la problématique : Le dialogue entre la Physique et la Métaphysique d’Aristote selon le cas de la dunamis (puissance) Phillip Drouin-Léger (Université de Montréal) Aristote se situe à l’origine d’une distinction rigoureuse entre la philosophie première, à savoir la métaphysique ou l’ontologie, et la philosophie seconde, à savoir la physique et les sciences de la nature. La science est toujours science d’un genre déterminé ; or, l’être (objet de la métaphysique) n’est pas un genre. Il s’avère que la philosophie première, selon Aristote, est une sorte de science des principes (archè) qui donne le point de départ aux sciences secondaires. En effet, la physique ne peut « physiquement », c’est-à-dire par la méthode physique, prouver la légitimité de cette même méthode ; il advient donc à la pensée philosophique de le faire. De même, pour avoir une science de la nature il faut savoir d’emblée ce qu’on entend par « nature » ; ce travail revient aussi à la philosophie. Outre ces considérations théoriques, nous proposons, dans cette présentation, d’étudier un concept particulier qui traverse entièrement les deux disciplines : le concept de puissance ou de potentialité, soit dunamis en grec. Le déploiement de ce concept nous montre Aristote à l’œuvre, façonnant un concept métaphysique pour ensuite l'utiliser dans la résolution de problèmes d’ordre physique, biologique, éthique, etc. De plus, les notions de potentiel et d’énergie représentent deux concepts métaphysiques toujours utilisés, à bon escient ou non, dans le discours scientifique du XX e siècle. En analysant les 1 G.W.F. Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques, II. Philosophie de la nature, trad. B. Bourgeois, Paris, Vrin, 2004, §246 Rem., p.186. 19
concepts mentionnés, cette présentation cherche à expliciter les raisons qui ont pu mener certains des plus grands scientifiques du XXe siècle, dont Heisenberg et Thom, à avancer que l’ontologie d’Aristote est nécessaire à la compréhension de la physique et des mathématiques d’aujourd’hui. Une "niche" commune à la philosophie et la microbiologie ? Kevin Kaiser (Université de Montréal) De par sa filiation avec la philosophe de la biologie, la philosophie de la microbiologie partage, globalement, les mêmes questionnements. Cette perspective permet autant d’aborder les thèmes importants en philosophie des sciences que les problématiques conceptuelles particulières à la microbiologie ou bien encore les questionnements philosophiques plus traditionnels. La thèse qui sera défendue dans cette communication est que les conditions les plus propices au dialogue entre philosophie et microbiologie se situent dans cette deuxième catégorie de questionnements. Sans réduire l’importance de leurs échanges dans d’autres circonstances, il s’agit plutôt ici de démontrer que les questions conceptuelles sont particulièrement propices à réunir les conditions permettant une forte proximité entre philosophie et microbiologie. Dans un premier temps, et pour illustrer mon propos, je présenterai trois cas de problématiques conceptuelles, induites ou ravivées par les développements en microbiologie, à savoir le problème de l’individualité biologique; le problème de conceptualisation de l’espèce; et enfin, les difficultés à rendre compte des processus évolutifs propres aux procaryotes dans le cadre plus général de la théorie de l’évolution. À travers l’exposition de ces trois problèmes, je démontrerai ainsi comment les concepts développés en biologie sont inadéquats pour rendre compte des phénomènes étudiés en microbiologie et comment cette inadéquation, en entraînant une nécessaire révision conceptuelle, a rétroactivement des implications profondes sur le cadre théorique de la biologie. Dans un second temps, je démontrerai comment ces problèmes « taxonomiques » engendrent un espace où, et les microbiologistes et les philosophes trouvent un intérêt mutuel à accentuer leurs interactions en vue de résoudre les « anomalies » rencontrées. En effet, les premier-e-s se trouvent à devoir user d’outils philosophiques pour régler des problématiques principalement conceptuelles, alors que les second-e-s nécessitent les intrants de l’expérimentation pour s’assurer que les outils conceptuels développés offrent une corrélation satisfaisante avec les faits observés/à expliquer. L’établissement d’un dialogue, d’une relation mutualiste, s’impose ainsi comme une approche souhaitable sinon nécessaire. Définir l’espèce biologique, un défi aux confins de la science et de la philosophie Nicolas Quenouille (École normale supérieure et École des hautes études en sciences sociales) Le concept d’espèce (species) occupe une place cruciale dans bon nombre de théories biologiques, au premier rang desquelles la théorie darwinienne de l’évolution. Pourtant, ce concept lui-même n’a rien 20
de clair, comme en témoigne la profusion de définitions contradictoires qui tentent de le cerner. Si ce flou conceptuel n’a semble-t-il pas été historiquement préjudiciable à l’émergence de théories sur les espèces ou à un classement des espèces, il peut aujourd’hui être perçu comme un frein à une compréhension plus fine de ces théories ou de ces systématisations. Faute d’affiner cet outil conceptuel qu’est l’espèce, il devient complexe d’approfondir les connaissances biologiques sur l’espèce. Clarifier ce qu’est l’espèce n’a cependant rien d’aisé, et il faut se départir d’emblée de l’idée que le/la philosophe aurait pour tâche de forger des concepts et des méthodes que le/la biologiste emploierait ensuite pour décrire le monde. Le concept d’espèce se situe à la jointure de la pensée critique et analytique propre à la philosophie et de la biologie la plus expérimentale. Impossible, semble-t-il, d’en forger une définition au mépris des connaissances de la biologie, enfermés dans nos cabinets ; pour autant, la tâche de clarification conceptuelle n’est pas proprement le rôle du ou de la biologiste. L’espèce est donc le lieu d’un dialogue nécessaire entre science et philosophie. Le concept d’espèce composite (Kornet et McAllister 2005), parce qu’il se situe au lieu de ce dialogue, relève le défi d’une définition rigoureuse de la façon la plus prometteuse. En prenant appui sur lui, il semble possible d'esquisser une conception de l’espèce qui satisfasse autant nos attentes analytiques (notamment, en prenant en compte le flou) que le réquisit d’une utilité pratique pour le ou la taxinomiste, tout en rendant compte des cas limites décrits par la littérature scientifique. Attribuer une cognition aux animaux non-humains : Sober et la parcimonie cladistique Jade Néron (Université Laval) Attribuer une cognition aux animaux non-humains est un phénomène courant tant dans les sciences du comportement animal que dans la vie de tous les jours. Il nous arrive ainsi fréquemment de considérer les actions d'autres espèces animales comme résultant de procédés mentaux semblables aux nôtres. Or, de telles attributions (en apparence anthropomorphiques) sont-elles légitimes? Devrions-nous attribuer des mécanismes psychologiques humains si rapidement aux autres espèces? Au XIXe siècle, le biologiste et psychologue anglais C. Lloyd Morgan (1852-1936) soutenait que de procéder ainsi serait une erreur. Son « canon », qui soutient qu'aucune propriété mentale « supérieure » ne devrait servir à expliquer un comportement pouvant être généré par une propriété mentale « inférieure » dans l'échelle des mécanismes psychologiques, avait en effet pour but de nous empêcher de commettre des erreurs anthropomorphiques naïves liées à l'interprétation du comportement animal. Bien que la méthode de Morgan puisse sembler efficace et contribua au développement des méthodes modernes de l'éthologie, Elliot Sober (1948-) y repère un certain nombre de problèmes. En faisant valoir l'argument de la parcimonie cladistique, et contrairement à ce qu'affirmait Morgan, Sober soutient notamment que la théorie de l'évolution autorise à affirmer que certaines espèces auraient des capacités cognitives semblables aux nôtres. 21
Cette présentation aura pour but d'évaluer la portée des arguments de Sober (2005). Après avoir défini sommairement la parcimonie cladistique et dressé un portrait fidèle de sa position, nous nous demanderons si ses arguments justifient l'attribution d'une cognition aux animaux non-humains et, ultimement, si la théorie de l'évolution permet de soutenir que ces derniers possèdent des états mentaux s'apparentant à ceux des humains. Si les particules élémentaires existent indépendamment de notre esprit, qu’en est-il des entités matérielles ? Hugo Tremblay (Université Laval) Selon plusieurs théories physiques actuelles, notre univers est ultimement composé de particules élémentaires. Qu’on se limite aux protons, électrons et neutrons constituant les différents atomes, ou qu’on s’intéresse aux quarks, leptons et bosons, ces théories nous inclinent à croire qu’il existe des particules indivisibles dont le reste de la matière est constituée. Lorsqu’on conçoit l’existence de telles particules, il est plausible de juger qu’elles ne sont pas de simples postulats théoriques ; elles existent et leur existence est indépendante de notre esprit. Nous adoptons donc une position réaliste à leur égard (Miller, 2014). Puisque les entités matérielles sont ultimement constituées de ces particules élémentaires, il semble raisonnable de considérer que les entités matérielles existent elles aussi indépendamment de notre esprit. Ainsi, une position antiréaliste comme celle de Nelson Goodman semble aller à l'encontre de nos intuitions. Celui-ci affirme qu’absolument toutes les entités que nous connaissons – y compris des entités matérielles comme les montagnes et les étoiles – n’existent pas tant que l’être humain ne les a pas créées par ses différents systèmes de représentations (1960, 1978, 1980, 1983, 1984). Pour les réalistes, une telle posture antiréaliste implique une confusion entre des enjeux ontologiques et épistémiques ; par ailleurs, croire que les implications épistémiques de l’antiréalisme infirment le réalisme est tout simplement faux (Searle, 1995, chap. 7). Dans cette communication, je soutiendrai qu’une théorie antiréaliste telle que celle soutenue par Goodman a des implications ontologiques. En nuançant sa théorie, je soutiendrai qu’une théorie réaliste relativement à l’existence de particules élémentaires peut être compatible avec une théorie antiréaliste relativement à l’existence de la quasi-totalité des entités. En m’inspirant de ce que Curtis Brown appelle l’« argument de l’organisation » (1988, p. 146-147) et en utilisant, entre autres, l’exemple de l’eau et de sa composition chimique (H2O), j’expliquerai pourquoi la quasi-totalité des entités ne peuvent pas être individuées sans l’intervention de l'esprit ; sans système de représentations, rien ne distingue une entité qui existe d’une autre qui n’existe pas. 22
Physique, ingénierie et philosophie : une invitation à un trialogue Frédéric Venne (Université de Montréal) Le point de départ de cette présentation est l’idée que le savoir technologique vise l’utilité plutôt que la vérité. Afin d’illustrer que cette idée largement répandue chez les philosophes et les scientifiques, mais aussi chez les ingénieur-e-s, est à tout le moins problématique et probablement fausse, j’examinerai les développements récents de la physique théorique et appliquée à l’aide de deux études de cas. L’essentiel de cette présentation portera sur la mise en relation de différents types de discours portant sur les mécanismes de production et d’organisation des connaissances dans le domaine de la physique. Concrètement, je souhaite soutenir que la mise en place d’un espace de réflexion entre les philosophes, les scientifiques et les ingénieur-e-s pourrait enrichir les différents débats épistémologiques portant sur les développements et les modes d’appropriation des connaissances dans les domaines des sciences et de la technologie. Je conclurai cette présentation en discutant des conditions souhaitables et nécessaires à la création d’un tel espace de réflexion. Plus particulièrement, j’avancerai que les réflexions des philosophes s’enrichiraient à se tourner davantage vers l’analyse de la pratique des sciences et de l’ingénierie, alors que les scientifiques et ingénieur-e-s gagneraient à développer leur capacité à réfléchir philosophiquement sur leurs propres pratiques. Cette analyse permettra de cerner les quelques règles que les philosophes, scientifiques et ingénieur-e-s devraient normalement suivre afin de nous assurer que mon invitation à un trialogue ne se transforme pas en un trialogue de sourds. 23
Vous pouvez aussi lire