Patrimoine haïtien Mesures d'urgence - Éloïse Paquette - Érudit
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Document generated on 10/07/2021 1:35 p.m. Continuité Patrimoine haïtien Mesures d’urgence Éloïse Paquette Vie de quartiers Number 134, Fall 2012 URI: https://id.erudit.org/iderudit/67525ac See table of contents Publisher(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (print) 1923-2543 (digital) Explore this journal Cite this article Paquette, É. (2012). Patrimoine haïtien : mesures d’urgence. Continuité, (134), 46–48. Tous droits réservés © Éditions Continuité, 2012 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
C C o n s e r v a t i o n PATRIMOINE HAÏTIEN MESURES D’URGENCE Outre les victimes humaines, le séisme qui a frappé Haïti en janvier par Éloïse Paquette Le séisme du 12 janvier 2010 2010 a porté un coup dur au pays, à son patrimoine notamment. a détruit plusieurs institutions culturelles d’Haïti, dont la ga- Pour sauver d’urgence œuvres d’art et archives lourdement menacées, lerie Nader, le Centre d’art et la cathédrale Sainte-Trinité. De nombreux bâtiments histo- des restaurateurs ont été appelés en renfort. riques, salles de spectacle, bibliothèques et centres d’ar- chives ont également été dé- molis et ont vu leurs collections abîmées ou menacées. Au len- demain du séisme, des em- ployés et des bénévoles de ces institutions se sont regroupés pour sauver ce qu’ils pouvaient des œuvres et des collections, qu’ils ont entassées pêle-mêle dans des conteneurs. Rapidement, le gouvernement haïtien et la Smithsonian Insti- tution de Washington ont mis sur pied un projet pour sauve- garder et restaurer les éléments culturels en péril : le Centre de sauvetage des biens culturels (CSBC). Après plusieurs mois de recherche, les responsables ont trouvé un bâtiment pour abriter les laboratoires de res- tauration et ont engagé du per- sonnel. Tous les employés sont Haïtiens, à l’exception des res- taurateurs, une ressource hu- maine essentielle qu’on ne trouve pas en Haïti. En septembre 2010, le CSBC ouvrait ses portes. Un orga- nisme partenaire, la Founda- tion of the American Institute for Conservation of Historic and Artistic Works (FAIC), lan- çait une invitation aux restaura- Plusieurs œuvres ont été teurs nord-américains : Haïti est endommagées lors du séisme touché dans une de ses dimen- du 12 janvier 2010 en Haïti. Ici, sions fondamentales, sa cul- un tableau de Bourmond Byron, ture, et a besoin de vous pour avant et après sa restauration. restaurer ses œuvres. Pourquoi Photos : Éloïse Paquette fallait-il prendre soin d’œuvres d’art alors qu’une grande partie de la population haïtienne vi- vait sous des tentes et n’avait CONTINUITÉ 46 numéro cent trente-quatre
C o n s e r v a t i o n pas suffisamment à manger ? œuvres d’art sur papier. Le La question se pose, mais un CSBC s’est donc doté de trois élément de réponse vient du laboratoires de restauration : peuple lui-même, qui avait ex- peintures, papiers et objets. primé la volonté de sauver son L’équipement nécessaire a été patrimoine, son identité et sa fourni par des restaurateurs bé- culture. névoles, qui ont mis dans leurs Plus de 70 professionnels du bagages des outils et des maté- monde muséal, principalement riaux impossibles à trouver en des États-Unis, ont répondu à Haïti. l’appel : administrateurs, ex- Sur les peintures, différents perts en sinistres, ingénieurs, dommages ont dû être traités : conservateurs, restaurateurs, saletés, déchirures, moisis- registraires, etc. Seulement sures, effritement de la couche trois restauratrices cana- picturale, châssis et cadres bri- diennes, dont deux québé- sés. L’une des œuvres traitées coises, se sont jointes à était de l’artiste Bourmond l’aventure. Les bénévoles Byron (1923-2004), considéré étaient envoyés en Haïti pour comme le plus romantique des des périodes de deux se- peintres naïfs haïtiens ; elle maines. Certains y sont allés était complètement déchirée. plus d’une fois tellement le Les restes des murales de la besoin d’aide était grand. Du cathédrale Sainte-Trinité, pres- Après avoir été formé par une restauratrice de murales, personnel coordonnait le pro- que entièrement démolie, ont un des assistants du Centre de sauvetage des biens culturels jet depuis les États-Unis. dû être retirés rapidement. travaille à la consolidation et au nettoyage d’un morceau de murale Seule une partie de 3 des PREMIERS SOINS de la cathédrale Sainte-Trinité. 14 murales, peintes par les plus La première étape consistait à importants artistes de l’art naïf répertorier les œuvres, à les haïtien, a été réchappée du classer et à les entreposer dans séisme. des conditions adéquates. La Le travail des restaurateurs sur plupart avaient souffert de leur le terrain était varié puisqu’ils séjour dans des conteneurs su- ne devaient pas seulement res- bissant les ardeurs du soleil. taurer des œuvres d’art : ils ont Pire, certains conteneurs étaient dû évaluer l’état des réserves et percés et l’eau de pluie s’était des collections, tout en don- infiltrée. Plusieurs peintures et nant des conseils pour amélio- archives étaient donc moisies, rer les conditions ambiantes et et la rouille avait attaqué les d’entreposage. sculptures métalliques. De nombreuses œuvres et ar- OPÉRATION PRÉVENTION chives ont dû être mises en Un pan important de la mission quarantaine et traitées contre du CSBC consistait à sensibili- les moisissures pour éviter la ser et à former les intervenants contamination de toutes les culturels haïtiens en conserva- collections. Ensuite, elles ont tion préventive : employés de été classées selon leur degré de galeries d’art ou de musées, par- des peintures, des objets, des Des participants haïtiens au dégradation. Vu les contraintes ticuliers possédant des collec- œuvres sur papier, gestion des cours sur l’inventaire, les de temps, seules les œuvres les tions, étudiants en muséologie, collections, acquisition et in- manipulations et les constats plus endommagées ont été en- artistes, etc. Des restaura- ventaire, urgences et sinistres, d’état évaluent l’état d’un voyées dans les laboratoires du teurs et diverses organisations, etc. drapeau vaudou de la CSBC pour restauration. comme le Centre international Le Centre de conservation du collection Marianne Lehmann. L’art haïtien se compose prin- d’études pour la conservation et Québec (CCQ) a fourni des Avec plus de 3000 objets, il cipalement de peintures, de la restauration des biens cultu- exemplaires de toutes ses pu- s’agit de la plus grande sculptures de fer découpé et rels (ICCROM), ont donné des blications en français sur la res- collection d’art vaudou en d’objets vaudou. Il fallait aussi formations sur une foule de su- tauration, la conservation Haïti. traiter des archives et quelques jets : conservation préventive préventive et le sauvetage des CONTINUITÉ 47 numéro cent trente-quatre
C o n s e r v a t i o n Au cours de son séjour, la restauratrice Éloïse Paquette a eu à retoucher ce tableau vaudou anonyme. œuvres à la bibliothèque du nants du milieu muséal (de CSBC. l’Institut canadien de conserva- tion, de la Société des musées APRÈS LE SAUVETAGE québécois, du collège Montmo- La première phase du projet rency, du Musée des beaux-arts du CSBC a duré environ un an du Canada, etc.). Il a aussi pu et demi, soit jusqu’en janvier visiter des réserves comme 2012. Une seconde phase est celles du Musée de la civilisa- en cours. Le gouvernement tion et de la Société des direc- haïtien a fourni une maison gin- teurs des musées montréalais. gerbread (maison traditionnelle Le directeur du CSBC a ainsi en bois) pour héberger un futur tissé des liens et amorcé une col- centre de conservation et d’en- laboration à long terme avec treposage des œuvres d’art. Un plusieurs acteurs québécois projet de réserves régionales pour mener à bien les divers avec un système national de projets en préparation. protection des biens culturels Le travail de sauvetage du pa- est aussi en voie de réalisation. trimoine haïtien avance lente- En outre, le CSBC travaille à ment, mais sûrement. Pour les instaurer une formation en ges- Haïtiens, préserver leur patri- Source : © Imaginaire Nord tion et en conservation de moine contribue à panser les biens culturels en collaboration horreurs du séisme et à sauve- avec l’Université Quisqueya garder une culture que la nature et le Groupe de recherche et de développement Imagi- a gravement éprouvée. Ne manquez pas nescence. Pour suivre une for- Éloïse Paquette est restauratrice de notre prochain numéro : mation en restauration profes- peintures au Centre de conservation sionnelle, les Haïtiens devront du Québec. toutefois se rendre à l’étranger. Dans le cadre de la préparation Le patrimoine de cette seconde phase, le CCQ a organisé en août 2011 et les saisons une mission au Québec et à POUR EN SAVOIR Ottawa pour le directeur du PLUS : CSBC, Olsen Jean Julien. Rendez-vous sur le site de Cette mission lui a permis non la Smithsonian Institution seulement de visiter les instal- de Washington : http://haiti. En kiosque en décembre lations du CCQ, mais aussi de si.edu/index.html rencontrer plusieurs interve- CONTINUITÉ 48 numéro cent trente-quatre
Vous pouvez aussi lire