Les Forges du Saint-Maurice Au début était le fer - Érudit
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Document generated on 10/08/2021 3:25 a.m. Continuité Les Forges du Saint-Maurice Au début était le fer… Roch Samson Présence du fer Number 70, Fall 1996 URI: https://id.erudit.org/iderudit/17162ac See table of contents Publisher(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (print) 1923-2543 (digital) Explore this journal Cite this article Samson, R. (1996). Les Forges du Saint-Maurice : au début était le fer…. Continuité, (70), 23–25. Tous droits réservés © Éditions Continuité, 1996 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
Les Forges du Saint-Maurice E n Nouvelle-France, l'exploitation du minerai de fer débute avec la fondation des Forges du Saint- Maurice en 1730. L'implantation des Forges accom- pagne celle de la construction navale royale, confor- Crééen 1973, lelieu historique nationaldesforges-du-Saint-Maurice commémore les mément au plan de l'intendant Gilles Hocquart qui débutsde l'industrie sidérurgique canadienne. Ilestsituésur larivière Saint-Maurice, à mi-chemin entreMontréalet Québec, à quelqueskilomètres aunord de la ville de Trois- prévoit doter la colonie d'équipements nécessaires au Rivières. On y trouve unimportant centre d'interprétation, inauguré en 1985, qui abrite développement du commerce maritime. C'est dans ce les vestigesduhaut fourneau. contexte qu'un marchand de Montréal, François Photos : J. Beardsell Poulin de Francheville, obtient du roi de France un DOSSIER 70 CONTINUITÉ 23
brevet d'exploitation des mines de fer de sa seigneurie L'artdesedistinguer de Saint-Maurice, dans le gouvernement de Trois- Rivières. Le modeste établissement de Francheville Les poêles des Forges ont alors une grande marque ainsi les débuts de l'industrie sidérurgique et renommée. On les trouve largement répandus dans les donne naissance à la première communauté indus- demeures des habitants qui les apprécient pour leur trielle au Canada. robustesse et leur fiabilité. Malgré cela, l'entreprise Bien que le principal motif de la mise sur pied subit la concurrence de fonderies étrangères puis loca- des Forges soit la fourniture de fers de marine à la les qui n'hésitent pas à copier ses modèles pour péné- construction navale, il reste que pendant toute leur trer le marché colonial. L'entreprise s'adapte toutefois durée d'exploitation (1730-1883), les Forges vont aux exigences du marché et recrute des mouleurs en répondre directement aux besoins matériels d'une Grande-Bretagne pour contrer la concurrence des pro- colonie en développement. Cette complicité de l'entre- duits importés. Ce sont ces molders britanniques, prise avec l'histoire du pays est d'autant plus grande considérés comme de véritables artistes, qui vont que les Forges seront pendant longtemps la seule implanter une tradition de moulage aux Forges du industrie sidérurgique établie en terre canadienne. Il Saint-Maurice. C'est ainsi que, tout en misant sur la n'est donc pas exagéré de dire que l'histoire des Forges résistance reconnue de leurs produits, les Forges pour- du Saint-Maurice permet d'observer la construction ront vanter également leurs qualités esthétiques comme du pays par la fenêtre du fournisseur de matériaux. dans cette annonce parue dans La Gazettede Québecen juillet 1820 : « [...] la beauté des ouvrages a été beau- Souslesignedela polyvalence coup augmentée, surtout des ouvrages creux, qui pour Les Forges ont été conçues sur le modèle d'une la légèreté et l'élégance ne le céderont pas aux articles « usine à fers » du XVIIIe siècle composée d'un haut fourneau, où on transforme le minerai de fer en fonte Annonce parue dans La Gazette de Québec sous forme de gueuses, et de deux forges ou chauffe- en 1784 ries, où on affine la fonte en fer sous forme de barres, de tiges, de plaques ou d'autres objets forgés. Dans les St-Maurice, le 20 août premières années d'exploitation, la plus grande partie 1784 des fers de marine a été expédiée à l'Arsenal de On croit devoir informer Rochefort, en France,et au chantier naval royal de Qué- le public qu'on fabrique bec. Les fers livrés à l'arsenal et aux magasins du roi actuellement aux Forges étaient vendus à un prix inférieur au prix du marché de St-Maurice, du fer en français pour que la Compagnie des Forges rembourse barre d'une qualité qui ainsi les avances consenties par le roi lors de la cons- n'est nullement inférieure truction de l'établissement. au meilleur importé Mais les Forges n'ont pas été qu'une usine à fers. d'Europe. Il est doux et L'histoire des opérations révèle en fait qu'elles ont tou- pliant, fabriqué d'une jours servi en même temps de fonderie. On sait, en fonte grise provenant de la mine de l'endroit et non d'aucuns vieux effet, que dès la première étape du procédé de réduc- fers ramassés sans choix. Outre le fer en barre, plat ou quarré, on tion du minerai, celle de la fonte, on peut déjà fabri- peut en avoir de tout échantillon comme plaques de soc, manivelles quer des objets utiles au moyen de moules en sable ou pour les moulins à scie, tourillons, petits fers de moulins, ou autres en châssis. On produit ainsi, dès le début, des poêles, espècesquelconques,enenvoyant lesdimensions. des marmites et des chaudrons. On fait aussi l'expé- On y fait aussi des enclumes et chenets de fonte; Poissonnières, rience de la fonte de petits canons mais sans que cela Marmites, Culplats et chaudrons de toutes espèces de grandeur: Ces n'ait donné de suite. On a produit cependant de gran- derniers proprespour l'usage deshabitants pour faire dusucre,etc... des quantités de munitions (boulets, bombes, grena- Onyvenddespoêlescoulésenpleinsableaux prix suivants,scavoir: des, mortiers, pétards) utilisées notamment lors de la guerre de Sept ans. N°l 23pouces £2,6,8 ou 2guinées Après fa Conquête, de nouveaux entrepreneurs N°2 29pouces £3,10 ou 3 ditto intensifient la production d'objets en fonte au détri- N°3 32pouces £4,5 ou 17piastres ment du fer en barre. Cette production culmine au N°4 36 et demi £5 ou 20 piastres XIXe siècle alors qu'on fabrique une très grande varié- té de produits en fonte moulée pour combler les N.B. Ledessusdechaque poêleestcouléentre deux sables.Onoffreà besoins matériels des habitants. Les Forges fabriquent St-Maurice un avantage qu'on ne peut trouver ailleurs, qui est, que si alors un grand nombre d'articles destinés au chauffa- uneplaque pète,enla rapportant aux forges,onenrendra uneneuve ge, à la préparation des aliments, à l'agriculture, à à la place. Le fer et les poêles se vendent à Québec, chez Mons. A. Poutillage, aux travaux publics et aux transports. Proust,fils,àMontréal,chezM. Uriah Judah,prèsduMarché. 24 CONTINUITÉ DOSSIER
semblables manufacturés dans la Grande-Bretagne. de temps, les Forges abandonnent presque totalement Les poêles faits à St. Maurice sont reconnus pour être leur rôle de manufacture ou de fonderie. Pendant 20 d'une qualité supérieure.» ans, elles fournissent de la fonte brute à la grande À partir de 1850, dans le contexte du développe- industrie montréalaise du rail et, en 1883, elles ment du réseau de chemins de fer, les Forges pro- cessent définitivement les activités. duisent pendant quelques années des roues de wagon. Depuis lors, les Forges du Saint-Maurice n'ont Mais voilà que la concurrence des fonderies s'intensi- cessé de hanter la mémoire collective des Québécois fie et que la technologie même des Vieilles Forges et, en particulier, des Trifluviens. D'ailleurs, ceux-ci accuse un retard de plus en plus grand devant les pro- n'ont pas ménagé leurs efforts pour faire de ce haut cédés de l'industrie sidérurgique moderne qui s'est lieu du patrimoine industriel canadien un lieu histori- implantée en Europe et en Amérique du Nord. En peu que national du réseau de Parcs Canada. -^ La sidérurgie ancienne en Mauricie PAR ANDRÉ BÉRUBÉ, HISTORIEN construisit uncheminsur lissesdeboisdequelque six kilomètres pour ache- miner les gueuses de fonte du haut fourneau àla rivière Saint-Maurice. Le Les Forges de Batiscon (1798-1814) haut fourneau s'éteignit définitivement en 1878, au plus fort d'une crise Créées en 1798 à quelque 10 kilomètres de l'embouchure de la rivière économique mondiale quicausalamévente delafonte. Batiscan, les Forges de Batiscan se présentent comme une copie confor- me de leurs rivales du Saint-Maurice. Comme le tout-puissant Matthew Les Forges Saint-Joseph de Saint-Tite (1868-1892) Bell, leurs principaux actionnaires sont marchands, seigneurs, politiciens, À peine sorti dela faillite des Forges Radnor, Auguste Larue fonde en négociants en fourrures. Elles utilisent les mêmes techniques qu'aux 1868 une nouvelle entreprise surla rivière Petite Mékinac Sud. Son Forges du Saint-Maurice, engagent les meilleurs ouvriers, produisent les bailleur de fonds est un avocat montréalais, Charles Bouthillier. Le haut mêmes objets, convoitent les mêmes marchés... et affrontent elles aussi fourneau des nouvelles Forges Saint-Joseph entre en production dès la concurrence féroce de la grande fonderie anglaise Carron. Elles prati- 1870. Son débouché principal sera les fonderies du Nouveau-Brunswick. quent un marketing déterminé : après la victoire de Trafalgar, elles En 1871, le village compte 31 édifices, dont 12 maisons ; 25 des 75 s'empressent de proposer à leurs clients un poêle à chauffer orné de ouvriers embauchés par Larue travaillent surle site du haut fourneau. l'effigie de l'amiral Nelson ! Écrasées sous les dettes, les Forges de Encore une fois, le manque de capitaux accule Larue à la faillite. En Batiscan cessent toute production en 1814. 1872, le haut fourneau etla maison de Larue brûlent. Des menaces auraient été proférées par des ouvriers mécontents... George Benson Les Forges Radnor (1853-1910) Hall acquiert alors ce qui reste des Forges Saint-Joseph et les riches ter- Fondées en 1853 par les trifluviens Auguste Larue, marchand, Joseph- res à bois quiy sont rattachées. Malgré la promesse qu'il fit,ilne Edouard Turcotte, avocat, député et promoteur de la ligne de chemin de reconstruira pas cet établissement industriel. Les ruines du haut four- 9 fer dela rive nord, ainsi que parle riche marchand de bois québécois, neau sont au cœur deTavibois, domaine créé par M 'Albert Tessier. George Benson Hall, les Forges Radnor seront la seule entreprise sidé- rurgique trifluvienne à atteindre le XX' siècle. Elles s'élevaient sur la Les Forges Grondin (1876-1881) rivière au Lard dans la paroisse de Saint-Maurice etle village auquel En 1876, Hyacinthe Grondin, de retour d'un séjour aux États-Unis au elles donnèrent naissance s'appelait... Fermont ! D'abord entreprise cours duquel il s'était initié au fonctionnement des hauts fourneaux, polyvalente, bien équipée en machines de toutes sortes - elles dra- nourrit l'ambitieux projet de devenir promoteur industriel et sidérurgiste. guaient le minerai defer du fond du lac à laTortue et ont été lesseules à Sur la foi d'une expertise préliminaire d'échantillons de minerai de fer, il posséder un laminoir pour fabriquer les fers plats etla tôle - , les Forges crée la Compagnie des mines de fer deSaint-Boniface, dotée d'un capital Radnor ajustèrent étroitement leur production à l'industrie ferroviaire. de 25 000 S, qu'elle ne réussira jamais à amasser. Ses adionnaires sont Elles furent victimes de faillites dues au sous-financement chronique, des ouvriers des filatures de la Nouvelle-Angleterre ainsi que des cultiva- d'incendies, d'une crise économique mondiale et, finalement, en 1910, de teurs de la région. La plupart n'investissent pas d'argent proprement dit la disparition dessubsidesgouvernementaux à laprodudion dela fonte. mais travaillent gratuitement àla construction du haut fourneau et des autres bâtiments. Après avoir produit 20 000 tonnes de fonte seulement, Les Forges deL'Islet (1856-1878) l'entreprise est mise en faillite en janvier 1879. Les difficultés de fonc- Les Forges de L'Islet naquirent d'un regroupement d'entrepreneurs fran- tionnement du haut fourneau sont à blâmer. Alexander Mills McDougall cophones apparentés, les Dupuis et les Robichon,dont lesfamilles prove- et Louis Dusseault des Vieilles Forges louent l'établissement en 1880 ; ils naient desVieilles Forges. Cesentrepreneurs érigèrent un haut fourneau seheurtent aux mêmes difficultés techniques et connaissent à leur tour la sur la rivière L'Islet, dans la paroisse de Mont-Carmel, afin d'approvi- faillite en1881. sionner en fonte leur fonderie et leur manufacture de moulins à battre de Trois-Rivières. En 1871 s'élevait sur le site un petit village industriel qui Pour en savoir davantage, consulter : René Hardy, Lasidérurgie dans le comptait 42 familles. Lemanque de capitaux provoqua la vente des Forges monde rural. Leshauts fourneaux du Québec au XIX" siècle, Sainte-Foy, de L'Islet àJohnMcDougall en 1863. En attendant lavoie ferrée, McDougall PUL, 1995,305 p. DOSSIER NUMÉRO70 C O N T I N U I T É 25
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