PIRATERIE MARITIME : QUELLE LUTTE POUR QUEL PHÉNOMÈNE ?

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PIRATERIE MARITIME : QUELLE LUTTE POUR QUEL PHÉNOMÈNE ?
PIRATERIE MARITIME : QUELLE LUTTE POUR QUEL PHÉNOMÈNE ?

                                                  IMAGE/PHOTO/CARE D’ILLUSTRATION

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                                  PIRATERIE MARITIME : QUELLE LUTTE POUR QUEL PHÉNOMÈNE ?

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PIRATERIE MARITIME : QUELLE LUTTE POUR QUEL PHÉNOMÈNE ?
PIRATERIE MARITIME : QUELLE LUTTE POUR QUEL PHÉNOMÈNE ?

À PROPOS DE L'ARTICLE
Alors que le commerce mondial emprunte de plus en plus les voies maritimes se pose un problème
sécuritaire majeur : celui de la piraterie. En quête de richesses, les pirates maritimes s’attaquent aux
navires marchands et plaisanciers dans presque toutes les mers du globe, en particulier dans les
régions du Golfe de Guinée, du Golfe d’Aden, de l’Asie du Sud-Est et de la Mer des Caraïbes.
Cependant, malgré une présence toujours plus accrue, la piraterie maritime reste un phénomène
opaque dont les facteurs sont méconnus et les implications juridiques floues. Bien qu’il existe des
moyens de lutte et de régulation contre la piraterie maritime, tant au niveau des sociétés de sécurité
privée que des organisations multilatérales, ces tentatives connaissent des succès relatifs.
Cet article s’attache en premier lieu à analyser la manière dont se manifeste la piraterie maritime, en
prenant en compte ses principales causes et définitions juridiques, avant d’aborder les possibles
mesures de lutte pour endiguer le phénomène.

À PROPOS DE L'AUTEUR
                     Katia SVIDERSKAYA est en deuxième année au Baccalauréat en Études                              2
                     internationales, orientation Paix et Sécurité, de l’Université de Montréal, au

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                     Canada. Elle s’intéresse particulièrement à la géopolitique maritime et aux
                     questions de renseignement, notamment dans l'espace post-soviétique. Katia est
                     membre de la Délégation Canada et du Comité Marine & Océans des Jeunes
                     IHEDN.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l’auteur. Les idées ou opinions émises ne peuvent en aucun
 cas être considérées comme l'expression d'une position officielle de l’association Les Jeunes IHEDN.
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Alors que la piraterie maritime est souvent perçue comme un phénomène caduc dont s’emparent les
réalisateurs de films, la pratique est toujours existante et ses enjeux sont encore mal perçus par le
grand public. La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) de 1982 définit la
piraterie maritime comme étant un acte illicite commis par l’équipage ou des passagers d’un navire
privé, agissant à des fins privées en haute mer ou dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun
État, contre un autre navire1. Au vu de la maritimisation du commerce mondial, les actes de piraterie
constituent des obstacles certains et grandissants à la sécurité internationale. Cent quatre-vingt-
quinze incidents ont été reportés en 2020 par le Piracy Reporting Centre du Bureau Maritime
International 2 et cette piraterie, désormais qualifiée de « contemporaine » ou de « moderne »,
s’accentue dans certaines zones géographiques spécifiques : l’Asie du Sud-Est, le sous-continent
Indien, l’Afrique orientale (Corne de l’Afrique), le Golfe de Guinée, et dans la Mer des Caraïbes 3 .
Comment lutter contre un phénomène opaque ? Malgré les efforts déployés par plusieurs
organisations nationales, régionales et internationales, les pirates continuent d’attaquer les navires
renforçant de ce fait l’insécurité dans le domaine maritime.
Nous supposerons que la lutte contre la piraterie ne pourra aboutir que si les opérations et les
tentatives de régulation sont prolongées, voire renforcées. Pour autant il s’agit aussi de cibler la racine
du problème en attaquant ses causes profondes. Aussi les États directement affectés par la piraterie
doivent-ils accepter de recevoir une aide extérieure et ainsi permettre une coopération politico-
militaire internationale dans la lutte contre les brigands des mers, en prenant en compte les spécificités                            3
de chaque situation.

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Après avoir étudié les textes de droit encadrant le phénomène, nous examinerons les possibles
mesures de régulation de la piraterie maritime, en s’appuyant sur des opérations fructueuses comme
sur des échecs afin d’évaluer leur efficacité.
                                                          ***

Un cadre juridique vague pour un phénomène plurifactoriel

Malgré plusieurs tentatives de définition de la piraterie maritime, elle constitue encore aujourd’hui un
phénomène obscur, autant dans les faits que dans les textes de loi. La piraterie frappe depuis les
années 1990 plusieurs endroits de la planète. Les causes du phénomène sont multiples et profondes

1 Nations Unies 1982. « Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (avec annexes, acte final et procès-verbaux de
rectification de l’acte final en date des 3 mars 1986 et 26 juillet 1993) ».
https://www.un.org/Depts/los/convention_agreements/texts/unclos/unclos_f.pdf.
2 International Chamber of Commerce’s International Maritime Bureau. 2020. « Gulf of Guinea records highest ever number

of crew kidnapped in 2020, according to IMB’s annual piracy report ». 2020. https://www.icc-ccs.org/index.php/1301-gulf-
of-guinea-records-highest-ever-number-of-crew-kidnapped-in-2020-according-to-imb-s-annual-piracy-report).
3 Idem.
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et nous ne nous concentrerons ici que sur les conditions d’extrême pauvreté rencontrées par certains
États et sur la présence de groupes criminels agissant de manière organisée et choisissant parfois de
transposer leur action en mer.
L’augmentation de la piraterie maritime est avant tout liée à des facteurs socio-économiques. Du fait
de l’interdépendance des territoires entrainée par la mondialisation, le transport maritime s’est accru
dans les dernières décennies et représente aujourd’hui plus de 80% du commerce mondial de
marchandises4. L’accroissement du volume du trafic maritime génère une importante source de cibles
isolées5. Ces navires privés deviennent alors des parfaites sources de revenus pour les pirates dont le
but principal n’est pas de s’attaquer aux vies humaines, mais bien de réaliser du profit, notamment en
revendant la marchandise volée et en demandant des rançons. Ces conséquences de la mondialisation
sont particulièrement visibles dans le détroit de Malacca, un des couloirs maritimes les plus fréquentés
au monde, et carrefour du commerce maritime mondial.

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                                    Détroit de Malacca. 2021. Google Maps Canada.

Ce passage stratégique est propice aux attaques opportunistes : « profitant d’un arrêt obligatoire au
port, les pirates montent à bord, de nuit, et s’emparent facilement des biens et des ressources situés
sur des navires »6. Les larges marchés noirs présents dans les pays de la région, tels que la Chine, les
Philippines ou l’Indonésie, permettent aux pirates de revendre facilement la marchandise volée. Les
failles juridiques dans l’espace géopolitique asiatique ont mené à une inflation du nombre d’actes de

4 Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement. 2019. « Étude sur les transports maritimes ». Nations
Unies. https://unctad.org/system/files/official-document/rmt2019_fr.pdf.
5 Atlas Magazine. 2012. « Piraterie maritime : causes, enjeux et instruments pour lutter contre le phénomène ». 29 octobre

2012. https://www.atlas-mag.net/article/la-piraterie-maritime.
6 Caroline BORG. 2019. « La piraterie maritime : le détroit de Malacca, passage stratégique de la Malaisie ». Blogue sur l’Asie

du Sud-Est (blog). 4 mai 2019. https://redtac.org/asiedusudest/2019/05/04/la-piraterie-maritime-le-detroit-de-malacca-
passage-strategique-de-la-malaisie/.
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piraterie dans la région de l’Asie du Sud-Est. En 2020, 66 des 195 cas de piraterie ayant été rapportés
par le Piracy Reporting Center ont eu lieu dans ces mers. Les organisations criminelles structurées
profitent alors de la faiblesse de leurs États respectifs afin de perpétuer des actes de piraterie
maritime. Il existe en effet des attaques isolées, mais les pirates font souvent partie de réseaux
organisés. Cela leur permet de disposer de ressources plus importantes, en particulier en matière
d’armement. Profitant de situations souvent instables, les bandes armées utilisent indifféremment
terre et mer pour semer le chaos et contribuer aux instabilités internes de leurs pays respectifs. Soumis
à la misère ou de la pauvreté, les individus opèrent pour leur propre compte ou au sein d’un groupe
plus large, soutenu par des chefs investisseurs7. Ces modi operandi sont notamment observables dans
le Golfe de Guinée (Cf. carte infra), avec des attaques contre des unités de l’Armée camerounaise et
contre la résidence présidentielle à Bata 8 . Dans cette zone largement touchée par le fléau de la
piraterie, les enjeux sont multiples. En effet, il s’agit d’une région riche en ressources naturelles telles
que le fer, le manganèse, le cobalt, l’uranium, etc. Le Nigeria, pays côtier du Golfe, détient par exemple
des réserves considérables de pétrole et en est le premier producteur africain. On peut noter que dans
cette région, les actes de piraterie enregistrés sont effectués presque en totalité dans les eaux
territoriales et la zone économique exclusive des États côtiers9.

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                                  Golfe de Guinée. 2021. Google Maps Canada.

7Jean-Pierre MELOUPOU, et Moïse TAMEKEM NGOUTSOP. 2012. « Piraterie et mécanismes psychosociologiques de défense
dans le Golfe de Guinée ». SociologieS, Premiers textes, novembre. http://journals.openedition.org/sociologies/4155.
8 Idem.
9 Idem.
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Par conséquent, l'intervention étrangère est plus contrainte dans la mesure où il s’agit de zones
souveraines, dans lesquelles les pirates agissent contre des compagnies privées ainsi que contre leur
État. Entre 2006 et 2011, Charles BWELE rapporte qu’au moins quatre attaques de ce type ont eu lieu
dans les villes côtières10. La piraterie maritime peut donc être due à divers facteurs, et bien souvent
plusieurs d’entre eux.

Le fait que la piraterie échappe à toute typologie, en s’adaptant aux différentes crises et contextes
internationaux conduit à une certaine inadéquation entre les modalités de la lutte, et les textes de loi.
Comme vu plus haut11, la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer propose une définition
assez floue de la piraterie maritime. L’article 100 de cette même convention engage les États parties à
coopérer dans la répression de la piraterie en haute mer. Cette définition se fonde sur le texte de la
Convention sur la Haute Mer de 195812.
Cette définition, quoiqu’elle précise les grandes lignes du phénomène, comporte plusieurs limites. La
première est de considérer l’acte de piraterie comme étant exclusivement dirigé depuis un navire
contre un autre : un acte de mutinerie n’entre pas dans le cadre juridique de la piraterie. L’article 102
de la CNUDM précise que la mutinerie sur un navire d’État est assimilée à de la piraterie, mais cela ne
permet pas de trancher sur les actes de mutinerie qui se passent sur un navire privé. La seconde
concerne les zones maritimes définies par la CNUDM. Ces mers sur lesquelles un État a souveraineté
partielle ou totale peuvent s’étendre jusqu’à 200 milles nautiques, c’est-à-dire bien loin des côtes13.
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Or, ne relèvent juridiquement de la piraterie que des crimes commis en « haute mer » ; c’est-à-dire
au-delà des ZEE. Cela pose une difficulté majeure dans la lutte. En effet, l’Etat côtier n’exerce sa

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juridiction dans le cas de poursuite criminelle que dans ses eaux territoriales et dans celles de sa zone
économique exclusive (ZEE). Néanmoins, faute de moyens financiers et militaires, beaucoup d’États
affectés par la piraterie ne peuvent se permettre d’intervenir dans leurs propres eaux.
Pour répondre aux limites posées à la définition de la piraterie, l’organe technique principal de
l’Organisation Maritime Internationale (OMI) est le Comité de la Sécurité Maritime. Il traite « de toutes
les questions relatives à la sécurité maritime et à la sûreté maritime […] couvrant à la fois les navires à
passagers et tous les types de navires de charge »14, parmi lesquelles la piraterie. On retrouve au
nombre des réussites de ce comité plusieurs recommandations faites aux gouvernements concernant

10 Charles BWELE. 2009. « Golfe de Guinée : anti-piraterie ou pétrostratégie ? » Electrosphère (blog). 29 avril 2009.
http://electrosphere.blogspot.com/2009/04/golfe-de-guinee-anti-piraterie-ou.html.
11 Voir introduction p.3.
12 Nations Unies. 1958. « Convention sur la haute mer ». http://www.fortunes-de-

mer.com/documents%20pdf/legislation/Internationale/Convention%20Haute%20Mer%201958%20FR.pdf).
13 L’équivalent de 370 km.
14 Organisation Maritime Internationale s.d. « Comité de la sécurité maritime (MSC) ». s.d.

https://www.imo.org/fr/MediaCentre/MeetingSummaries/Pages/MSC-Default.aspx.
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notamment les mesures à suivre pour les forces de sécurité (MSC/Circ. 622) 15 , ou encore celles
adressées aux propriétaires et équipages de navires au sujet de la prévention et répression des actes
de piraterie (MSC/Circ. 623)16.
La multiplication des textes de loi et des recommandations démontre bien que le phénomène de la
piraterie maritime suscite des inquiétudes de la part des institutions internationales, qui tentent de le
définir et de le réguler, parfois sans succès. Les causes et origines de la piraterie sont variées, ce qui
rend difficile l’adoption d’une juridiction stricte sur le sujet. Le manque de précision notable dans les
textes de loi internationaux ne favorise pas les tentatives de régulation du phénomène. Il y a tout de
même lieu d’espérer une lutte efficace contre la piraterie.

Des tentatives de régulation plus ou moins fructueuses

La lutte contre la piraterie maritime engage diverses tentatives de régulation, tant dans le secteur privé
que public. Nous tenterons d’analyser ces mesures, en nous penchant d’abord sur les solutions
provisoires telles que les sociétés militaires privées missionnées à bord des navires, puis sur la
coopération militaire qui permet un encadrement efficace du phénomène.
Une première solution à laquelle ont recours de plus en plus d’armateurs est la sécurisation par les
sociétés militaires privées. Celles-ci, aussi appelées sociétés privées de sécurité, peuvent fournir « des
services spécialisés liés à des activités militaires, y compris la planification stratégique, le                                            7
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renseignement, les enquêtes, la reconnaissance terrestre, maritime ou aérienne » . Afin de pallier le

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manque de moyens militaires d’un État, ou encore l’impossibilité de déployer une flotte étrangère en
guise de prévention18, les sociétés privées peuvent fournir des gardes armés ou des escortes à bord
des navires marchands19. Formant de grandes firmes multinationales, les sociétés privées de sécurité
sont souvent engagées par des armateurs et offrent une variété de services dans le cadre de la lutte

15 Organisation Maritime Internationale. 1999. Recommandations aux gouvernements concernant la prévention et la
répression des actes de piraterie et des vols à main armée à l’encontre des navires. http://fortunes-de-
mer.com/mer/images/documents%20pdf/legislation/Internationale/Surete/OMI%20Circ%20622%20Rev%201%20T1-
13.01%20Piraterie%20Vol%20Main%20Armee%20Navires%20Recommandations%20Gouvernements%2016%20June%2019
99%20FR.pdf.
16 Organisation Maritime Internationale. 2002. Principes directeurs destinés aux propriétaires, aux exploitants, aux

capitaines et aux équipages des navires concernant la prévention et la répression des actes de piraterie et des vols à main
armée à l’encontre des navires. http://www.fortunes-de-
mer.com/mer/images/documents%20pdf/legislation/Internationale/Piraterie/OMI/Circular_MSC_623_Rev_3_OMI_2002_F
R.pdf.
17 Conseil de l’Union européenne. 2020. « Union européenne — Opération ATALANTA, EUTM Somalia et EUCAP Somalia :

mandats prorogés de deux années supplémentaires ». Déclarations officielles de politique étrangère du 06 janvier 2021. 23
décembre 2020. https://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/kiosque.php?fichier=bafr2021-01-
06.html#Chapitre5.
18 Patrick SIMON. 2009. « Quelles solutions pour éradiquer la piraterie ? » France 24, 27 mai 2009.

https://www.france24.com/fr/20090527-quelles-solutions-eradiquer-piraterie-.
19 Catherine REMY. 2012. « Les sociétés militaires privées dans la lutte contre la piraterie ». Pyramides 21 (janvier) : 119-38.
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contre la piraterie dans l’ensemble des points sensibles du Globe. Dans le détroit de Malacca, plusieurs
compagnies ont opté pour la présence d’anciens Gurkhas 20 recrutés par l’Anglo Marine Overseas
Services21. Leur mission première consiste à assurer la sécurité des navires en dissuadant les pirates et
en repoussant des abordages. Compte tenu de l’augmentation des cas de piraterie dans l’Océan Indien,
les compagnies d’assurance ont décidé d’augmenter leurs primes, certaines ayant opté pour la
réduction de ce montant si l’armateur décidait de louer sa propre sécurité22. Ainsi, la privatisation de
la sécurité en mer peut être un élément de réponse efficace à la piraterie.
Cependant, des missions plus larges menées par des organisations régionales ont elles aussi rencontré
quelques succès. La coopération militaire internationale semble être une solution probante à plus long
terme, dans la mesure où elle assure la présence constante de bâtiments militaires dans des eaux qui
peuvent être touchées par la piraterie. C’est le cas des opérations Ocean Shield et Atalante menées
respectivement par l’OTAN et par l’Union européenne. Toutes deux ont été conduites dans le cadre de
l’augmentation des cas de piraterie maritime en Somalie à la fin des années 200023. La longue guerre
civile somalienne des années 1980 a laissé un pays en ruines et a permis l’émergence de nombreuses
factions, milices criminelles et trafiquants24. À proximité du Golfe d’Aden et du Canal de Suez, la Corne
de l’Afrique devient la zone de prédilection de la piraterie maritime, avec près de 170 tentatives
d’attaques en 200825.L’opération Atalante a été lancée par la force navale européenne en décembre
2008 avec pour objectif de « lutter et de prévenir les actes de piraterie et de brigandage qui ne
cessaient d’augmenter au large de la Corne de l’Afrique »26. Selon les données de l’UE, l’opération                                         8
Atalante a réduit considérablement le niveau de piraterie : en 2011, 174 navires marchands avaient

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été attaqués contre 2 en 201427. Cette opération est toujours en cours dans la région et, en décembre
2020, elle a été prolongée pour au moins deux ans afin de maintenir le succès rencontré jusqu’à
présent28. Quant à l’opération Ocean Shield, elle a été engagée dès août 2009 par les pays-membres
de l’OTAN. Cette opération consiste en un déploiement de navires et d’avions de guerre dans la région
de la Corne de l’Afrique dans le but de contrer la piraterie maritime et de supporter le « capacity-

20 Les Gurkhas sont des unités des armées britanniques recrutées au Népal avant l’indépendance de l’Inde.
21 Cyrille P. COUTANSAIS, 2008. « La piraterie moderne, nouvel avatar de la mondialisation ». Revue internationale et
stratégique 4 (72) : 39-50. https://doi.org/10.3917/ris.072.0039.
22 Catherine REMY. 2012. « Les sociétés militaires privées dans la lutte contre la piraterie ». Pyramides 21 (janvier) : 119-38.
23 Ocean Shield a pris fin en 2016 alors qu’Atalante est toujours en cours.
24 James FERGUSSON. 2014. The World’s Most Dangerous Place - Inside the Outlaw State of Somalia. Da Capo Press.
25 Gérard VALIN. 2009. « La lutte contre la piraterie au large de la Somalie ». Échogéo, no10 (novembre).

https://doi.org/10.4000/echogeo.11338.
26 Union européenne. 2018. « European Union Naval Force Somalia Operation Atalanta ». https://eunavfor.eu/wp-

content/uploads/2018/07/20180730_FRENCH_EUNAVFOR_factsheet_new.pdf.
27 Idem.
28 Conseil de l’Union européenne. 2020. « Union européenne — Opération ATALANTA, EUTM Somalia et EUCAP Somalia :

mandats prorogés de deux années supplémentaires ». Déclarations officielles de politique étrangère du 06 janvier 2021. 23
décembre 2020. https://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/kiosque.php?fichier=bafr2021-01-
06.html#Chapitre5.
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building »29 des gouvernements de la région30. L’OTAN a mis fin à cette opération en 2016 pour se
tourner davantage vers d’autres points stratégiques tels que l’Ukraine et la mer Baltique, mais elle
continue à assurer une présence dans les eaux de l’Afrique de l’Est et soutient qu’aucun bateau pirate
n’a été capturé depuis 201231, ce qui indique une claire réussite de l’opération.

            Bilan de l’Opération Ocean Shield. NATO. 2014. « Operation Ocean Shield – Fact Sheet »

Ainsi, les opérations militaires ont montré des résultats dans la région de la Corne de l’Afrique : elles
peuvent être une réponse envisageable dans d’autres cas. Néanmoins, ce type d’opération est
particulièrement coûteux et engage les flottes de plusieurs pays qui ont parfois des priorités                       9

stratégiques divergentes.

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En somme, il existe plusieurs solutions qui permettent de lutter contre la piraterie, chacune ayant ses
avantages et ses inconvénients. Les opérations militaires répondent à une situation de crise dans un
moment défini, et ce haut niveau de présence ne peut être maintenu indéfiniment. Or, la protection
par les sociétés militaires privées tend à commercialiser la sécurité. L’idéal est d’investir dans des
dispositifs de protection particuliers pour les navires marchands. Ces dispositifs peuvent être variés et
visent à prévenir les attaques : construction du navire (tourelle blindée), moyens de lutte et de
protection (canons, barbelés). Les armateurs ont donc tout intérêt à adopter les recommandations de
prévention anti-piraterie.
                                                            ***

29 Renforcement des capacités.
30 NATO. 2014. « Operation Ocean Shield ». Operation Ocean Shield - Fact Sheet. Novembre 2014.
https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/pdf_topics/141202a-Factsheet-OceanShield-en.pdf.
31 NATO Maritime Command. s.d. « Operation Ocean Shield ». Operation Ocean Shield. s.d.

https://mc.nato.int/missions/operation-ocean-shield.
PIRATERIE MARITIME : QUELLE LUTTE POUR QUEL PHÉNOMÈNE ?

Pour conclure, le vide juridique laissé par les conventions internationales existantes ainsi que la
difficulté de cibler les causes réelles du phénomène de piraterie maritime posent problème quant aux
tentatives de régulation. Cependant, certaines solutions peuvent être considérées, tant à court terme
que sur une période plus longue. Dans la mesure où les opérations de coopération militaire sont
maintenues, la menace de piraterie peut être contrôlée, mais pas résolue. Il est en effet nécessaire de
s’attaquer à la source réelle du problème en renforçant les capacités des États côtiers situés dans les
principales zones de tensions ainsi qu’en stabilisant leurs situations. Reste à voir ce qu’il sera possible
de mettre en œuvre dans les années à venir, compte tenu de l’augmentation de la pauvreté comme
des flux maritimes.

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PIRATERIE MARITIME : QUELLE LUTTE POUR QUEL PHÉNOMÈNE ?

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