Portrait de la jeune fille en feu - Les Fiches du Cinéma
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LE MENSUEL Portrait de la jeune fille en feu Rencontres avec Céline Sciamma, et Adèle Haenel et Noémie Merlant Fête de famille de Cédric Kahn River of Grass de Kelly Reichardt SEPTEMBRE 2019 Ad Astra de James Gray Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles rencontre avec Bruno Dumont pour Jeanne • #9
SOMMAIRE FILMS DU 4 SEPTEMBRE 2019 Fête de famille de Cédric Kahn HHH Fourmi de Julien Rappeneau H Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec HHH Liberté de Albert Serra HH Le Mariage de Verida de Michela Occhipinti H River of Grass de Kelly Reichardt HHH Viendra le feu de Oliver Laxe HH FILMS DU 11 SEPTEMBRE 2019 The Bra de Veit Helmer HH Ça marche !? de Camille de Casabianca HH Deux moi de Cédric Klapisch HHH L’Insensible de Ivan I. Tverdovsky HH Jeanne de Bruno Dumont HHH Rencontre avec Bruno Dumont Mjólk de Grímur Hákonarson HHH Music of My Life de Gurinder Chadha H Tempo comum de Susana Nobre HH Tu mérites un amour de Hafsia Herzi HHH Une joie secrète de Jérôme Cassou HH Un petit air de famille Film collectif HHH
FILMS DU 18 SEPTEMBRE 2019 Ad Astra de James Gray HHHH De sable et de feu de Souheil Benbarka HH Edith de Simon Hunter H Les Fleurs amères de Olivier Meys HHH Kusama : Infinity de Heather Lenz HHH Lucky Day de Roger Avary H Ma folle semaine avec Tess de Steven Wouterlood HHH Nous, le peuple de Claudine Bories et Patrice Chagnard HHH El Ótro Cristobal de Armand Gatti HHH Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma HHH Rencontre avec Céline Sciamma Rencontre avec Adèle Haenel et Noémie Merlant Trois jours et une vie de Nicolas Boukhrief HHH Un jour de pluie à New York de Woody Allen HHH FILMS DU 25 SEPTEMBRE 2019 Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles HHH Ceux qui travaillent de Antoine Russbach HHH De cendres et de braises de Manon Ott HH Demain est à nous de Gilles de Maistre HH Ne croyez surtout pas que je hurle de Franck Beauvais HHH Les Petits maîtres du Grand hôtel de Jacques Deschamps HHH Port Authority de Danielle Lessovitz HHH Steve Bannon de Alison Klayman HHH
ÉDITO À définir Samedi j’étais dans un train assurant la liaison Sud-Nord, province-Paris, vacances-rentrées. J’avais acheté des journaux et donc, tout LES FICHES DU CINÉMA en remontant la France, pour me remettre dans le bain je consultais 26, rue Pradier une enquête publiée par les Inrockuptibles sous le titre Quel avenir 75019 Paris Administration & Rédaction : pour le cinéma d’auteur français ?. C’était une sorte de synthèse assez 01.42.36.20.70 documentée de toutes les raisons qu’il y a aujourd’hui de s’angoisser Fax : 09.55.63.49.46 pour ledit “cinéma d’auteur” : nomination à la tête du CNC du producteur .............................................................. Dominique Boutonnat (auteur en mai d’un rapport qui, pour schématiser, RÉDACTEUR EN CHEF prônait une refonte dans un sens plus libéral du système des aides au Nicolas Marcadé redaction@fichesducinema.com cinéma), toute-puissance de Netflix et de ses concurrents présents et RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT avenirs, etc. Je lisais tout cela, et je m’étonnais de m’apercevoir que Michael Ghennam je n’en pensais rien. Un peu comme je ne saurais pas quoi penser du michael@fichesducinema.com cancer. Je suis contre, mais à part ça ? Boutonnat ou Netflix sont les SECRÉTAIRE DE RÉDACTION nouveaux noms de nos angoisses, mais ce ne sont que des étapes dans Thomas Fouet thomas@fichesducinema.com un processus continu et régulier, qui s’est amorcé depuis au moins vingt .............................................................. ans. Dans les épisodes précédents, nous nous sommes tous suspendus ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO au signal d’alarme - à coup d’articles, de tribunes, de prises de parole François Barge-Prieur, Charlotte - pour essayer de freiner le train, mais au poste de pilotage, la loi du Bénard, Isabelle Boudet, Sarah Brunelière, Isabelle Danel, Clément marché se souciait avant tout de tenir sa feuille de route et ses horaires. Deleschaud, Paul Fabreuil, Thomas Il n’y a donc jamais eu ni ralentissement ni déviation. Dès lors comment Fouet, Venceslas Fouineteau, peut-on encore penser un phénomène qui met une telle puissance à Margherita Gera, Michael Ghennam, s’imposer comme inéluctable ? Plus tard j’ai lu l’interview donnée par le Roland Hélié, Simon Hoareau, Amélie producteur Saïd Ben Saïd à Télérama (“Je n’ai jamais senti à ce point une Leray, Julie Loncin, Nicolas Marcadé, Marion Philippe, Marine Quinchon, telle détestation de la culture au sens où on l’entendait jadis [...], c’est-à- Gaël Reyre, David Speranski, Gilles dire les arts, la littérature, la vie de l’esprit et les humanités. Aujourd’hui, Tourman, Marie Toutée. on parle d’industries culturelles, de soft power, etc.”). J’ai repensé à celle Les commentaires des «Fiches» du critique Jean-Baptiste Thoret, parue sur le site de France Info durant reflètent l’avis général du comité .............................................................. l’été (“La génération qui vient se fout complètement du cinéma. Elle va de PRÉSIDENT temps en temps voir un film de super-héros ou n’importe quoi, elle voit François Barge-Prieur des séries télés, elle voit des vidéos sur YouTube, elle ne comprend ADMINISTRATION quasiment plus ces images-là.”). J’ai eu alors le sentiment qu’au administration@fichesducinema.com croisement de toutes les problématiques et polémiques, ce qui était en TRÉSORIER Guillaume de Lagasnerie jeu c’était finalement la définition même du cinéma. On voudrait nous Conception Graphique faire penser que tant qu’il continue à y avoir des films le cinéma continue 5h55 à exister. Or, ce n’est pas forcément vrai. Dans le discours majoritaire, on www.5h55.net sent l’idée qu’il y aurait d’un côté les forces, inoffensives mais incontestables, IMPRESSION Compédit Beauregard du progrès (le réalisme économique, les séries, la diffusion des films 61600 La Ferté-Macé sur des plateformes type Netflix), de l’autre les obsolètes obsessions de Tél : 02.33.37.08.33 quelques passéistes (la diffusion en salle, la nécessité d’un cinéma de .............................................................. recherche, l’idée du cinéma comme langage spécifique...). Ce qui insinue «Les Fiches du Cinéma». le doute. Après tout, il est vrai qu’il faut vivre avec son temps. Après tout, Tous droits réservés. Toute reproduction même partielle des il est vrai qu’on a déclaré le cinéma mort à l’arrivé du parlant, à l’arrivée textes est soumise à autorisation. de la télévision, et qu’on a dramatisé. Mais aujourd’hui le faisceau des Photo de couverture : forces qui convergent sur le cinéma pour le transformer (en produit, Portrait de la jeune fille en feu en programme, en langage audiovisuel parmi d’autres…) est tellement (Pyramide) © Lillies Films - Hold-Up Films puissant qu’il convient sans doute de s’interroger sur la définition de - Arte France Cinéma ce qu’est fondamentalement le cinéma, de ce qui nous l’a fait aimer, afin WWW.FICHESDUCINEMA.COM de pouvoir défendre au moins ça. C’est la rentrée : au travail ! NICOLAS MARCADÉ
Fête de famille de Cédric Kahn Mêlant farce et drame, Kahn étudie comment, dans CHRONIQUE FAMILIALE Adultes / Adolescents une famille, se distribuent les rôles autour de la figure du fou. Le résultat est chaotique, décousu, déroutant, u GÉNÉRIQUE troublant : on ne sait pas forcément quoi en penser Avec : Catherine Deneuve (Andréa), Emmanuelle Bercot (Claire), mais à l’évidence il se passe quelque chose. Vincent Macaigne (Romain), Cédric Kahn (Vincent), Luana Bajrami (Emma), Laetitia Colombani (Marie), Isabel Aimé González-Sola (Rosita), Alain Artur (Jean), Joshua Rosinet (Julien), Milan Hatala (Milan), Solal Ferreira Dayan (Solal). Scénario : Cédric Kahn, avec la participation de Fanny Burdino et Samuel Doux Images : Yves Cape Montage : Yann Dédet Son : Jean-Pierre Duret, Sylvain Malbrant et Thomas Gauder Décors : Guillaume Deviercy Costumes : Alice Cambournac Casting : Antoine Carrard Production : Les Films du Worso Coproduction : France 2 Cinéma, Tropdebonheur Productions et Scope Pictures Producteurs : Sylvie Pialat, Benoît Quainon et Aude Cathelin Distributeur : Le Pacte. © Les Films du Worso HHH Cédric Kahn est de ces cinéastes qu’un entêtement obsessionnel sur un thème unique (en l’occurrence la confrontation entre l’individu et le groupe, le primitif et le social, la folie et la raison) conduit à l’explorer par le biais des 101 minutes. France - Belgique, 2019 sujets et des genres les plus divers. Ainsi, après, entre autres, Sortie France : 4 septembre 2019 le film noir, la chronique sociale, le drame sentimental ou u RÉSUMÉ le conte pour enfants, il donne ici sa version de ce genre en soi C’est l’anniversaire d’Andrea. La fête se prépare dans qu’est le règlement de comptes familial en maison bourgeoise. la grande maison qu’elle habite avec son mari, Jean. Ses fils Au départ, les situations (repas, conflits, jeux d’enfants, sont là : Vincent, chef d’entreprise, avec sa femme Marie, arrivée inopinée de la pluie, fraternisation autour et leurs deux enfants, et puis Romain, artiste plasticien, d’un autoradio...) semblent paresseusement familières, et venu avec une fiancée argentine, Rosita, et une caméra la façon d’employer Deneuve, Macaigne ou Bercot vidéo, car il veut faire un film sur la famille. Leur sœur, incroyablement attendue. Puis peu à peu, ce sentiment Claire, psychiquement fragile, est partie aux États-Unis avec de routine est dynamité par le ton étrange du récit, qui ne un homme, dont on la sait séparée. Sa fille, Emma, vit avec Andrea et Jean. Claire appelle. Elle s’est fait déposer non tranche ni pour la comédie ni pour le drame, mais pour loin de là. Vincent va la chercher. Emma se montre glaciale, un violent ping-pong entre les deux (les scènes de comédie et Andrea protectrice. Vincent appelle le mari de Claire tendent vers la malaise et les moments d’hystérie culminent et apprend qu’elle lui a volé des bijoux de famille. Claire au bord du comique). On comprend alors que Kahn est sans exige de ses parents qu’ils lui rendent l’argent prêté pour doute parvenu à susciter le sentiment qu’il souhaitait : celui l’achat de la maison. Puis elle fait venir un agent immobilier. d’une familiarité qui se désagrège et mute en une inconfortable La caméra de Romain ajoute aux tensions. étrangeté. Car ce qu’il décrit c’est la fête de famille comme SUITE... Romain emprunte la voiture de Vincent avec Rosita. une pantomime, la cellule familiale comme une troupe de Ils ont un accident. Une dispute éclate avec Vincent. Le soir, théâtre jouant en vase clos une pièce toujours identique, Emma présente un spectacle conçu avec son petit ami, dans laquelle chacun est assigné à un emploi précis, dont Julien, et les enfants de Vincent. Au dîner, elle propose à tous les autres veillent à ce qu’il ne sorte pas. Derrière Emma de vivre avec elle, ce que sa fille refuse. Rosita oblige Romain a révéler que c’est chez lui que Claire a passé les le cliché, chaque personnage est donc plus ambigu, plus mois précédents et que c’est elle le vrai sujet de son film. coupable ou plus innocent qu’il y paraît, et en tout cas Claire fait une crise d’hystérie. On l’emmène à l’hôpital. équitablement complice de la névrose collective. Dépassant Vincent convainc la famille de demander son internement. sa distance habituelle, Kahn se rapproche ici de la folie de Les images tournées par Romain révèlent qu’il a attisé ses personnages, et son cinéma y gagne en intensité. _N.M. la folie de sa sœur pour le bien de son film. Visa d’exploitation : 148983. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 5 © les Fiches du Cinéma 2019
Fourmi de Julien Rappeneau Pour pousser son père alcoolique à se reprendre COMÉDIE DRAMATIQUE Adultes / Adolescents en main, Théo, 13 ans, prétend avoir été recruté par un grand club de foot anglais. Ce pieux mensonge u GÉNÉRIQUE prend vite des proportions qui lui échappent. Un film Avec : François Damiens (Laurent), Maleaume Paquin (Théo), convenu et souvent maladroit, malgré sa bienveillance. André Dussollier (Claude), Ludivine Sagnier (Chloé), Laetitia Dosch (Sarah), Sébastien Chassagne (Antoine), Didier Brice (Banal), Cassiopée Mayance (Romane), Pierre Gommé (Max), Ismaël Dramé (Karim), Nicolas Wanczycki (Éric). Scénario : Julien Rappeneau D’après : la bande dessinée Dream Team de Mario Torrecillas et Artur Laperla (2016) Images : Pierre Cottereau Montage : Stan Collet 1er assistant réal. : Alain Braconnier Scripte : Chantal Pernecker Musique : Martin Rappeneau Son : Pierre Mertens Décors : Marie Cheminal Costumes : Isabelle Pannetier Production : The Film Coproduction : TF1 Studio, France 2 Cinéma, Scope Pictures et RTBF Producteur : Michael Gentile Dir. de production : Frédéric Blum Distributeur : Mars Films. © The Film H Deuxième long métrage de Julien Rappeneau (Rosalie Blum), Fourmi repose sur un renversement des rôles : inquiet et attristé par le comportement erratique de son père, un jeune ado se voit contraint d’en prendre soin 105 minutes. France - Belgique, 2019 comme d’un enfant, endossant ainsi une responsabilité qui Sortie France : 4 septembre 2019 n’est pas de son âge. Un peu malgré lui, Théo (Maleaume u RÉSUMÉ Paquin) met en œuvre un stratagème complexe afin de fournir Passionné de football, le jeune Théo, surnommé “Fourmi”, est à son père (François Damiens) l’étincelle nécessaire pour le meilleur joueur de son club. Laurent, son père, en tire qu’il reprenne le contrôle de sa vie. Son innocent mensonge une immense fierté. Mais ce dernier va mal : depuis son se change en véritable imposture dont les implications licenciement, il a sombré dans l’alcool et s’est séparé de Chloé, le dépassent à mesure que toute la ville s’enthousiasme la mère de Théo. Lorsqu’un recruteur d’Arsenal, prestigieux de son prétendu succès et de son effet positif sur le club club anglais, vient assister au match de Théo, Laurent déborde local, où affluent de nouveaux membres et de nouveaux d’espoir. Cependant, Théo n’est pas recruté. N’ayant pas sponsors. Cette situation de départ ne manque pas de le cœur de décevoir son père, il prétend le contraire et lui demande de l’accompagner en Angleterre. La nouvelle se promesses, et l’on se laisserait volontiers émouvoir si répand : tout le monde est ravi. Dépassé, Théo demande l’aide le scénario empruntait des chemins plus surprenants. Mais de son ami Max, hacker hors pair, pour rendre son mensonge l’évolution de chacun s’avère très attendue, et la galerie de crédible en envoyant des e-mails de la part du club. personnages décalés que propose le film tend à conforter SUITE... Laurent reprend contact avec l’assistante sociale cette impression : Max, le jeune hacker agoraphobe cloîtré qui l’a soutenu lors de sa séparation. Il arrête de boire, dans sa chambre ; Claude, l’entraîneur qui enchaîne se met à l’anglais et aide Théo à s’entraîner. Malgré les citations de footballeurs célèbres ; Antoine, son neveu l’inquiétude de Chloé, Laurent fait de réels progrès et stagiaire davantage intéressé par la pâtisserie que : grâce à l’assistante sociale, il retrouve un boulot et par le foot ; le barman surnommé “Banal” parce qu’il ne un appartement. Une rencontre fortuite avec l’interprète débite que des évidences... tous ces personnages semblent du recruteur, qui lui révèle la vérité, le fait replonger. Théo trop ostensiblement destinés à éveiller la sympathie des avoue alors son mensonge, à la consternation générale. Mais Max convainc le recruteur d’assister à un nouveau spectateurs, avec un effet souvent forcé, accentué par match de Théo. Impressionné par ses progrès, celui-ci la maladresse du jeu, notamment - mais pas uniquement - le recrute. Théo part bel et bien pour l’Angleterre, mais avec chez les jeunes acteurs. Toute cette bienveillance laisse en Chloé : bien qu’il aille beaucoup mieux, Laurent reconnaît fin de compte au spectateur un sentiment de fadeur et de qu’il n’est pas encore assez solide pour offrir à son fils manque de relief. _J.L. le soutien dont il a besoin. Visa d’exploitation : 149612. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD. 6 © les Fiches du Cinéma 2019
Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Éléa Gobbé-Mévellec Adapté du roman de Yasmina Khadra, Les Hirondelles DRAME Adultes / Adolescents de Kaboul parvient à montrer l’insoutenable avec justesse et délicatesse, dans un hommage au courage u GÉNÉRIQUE des femmes opprimées qui se tient à distance de tout Avec les voix de : Simon Abkarian (Atiq), Zita Hanrot (Zunaira), manichéisme et de tout jugement. Une réussite. Swann Arlaud (Mohsen), Hiam Abbass (Mussarat), Jean- Claude Deret (Nazish), Sébastien Pouderoux (Qassim), Serge Bagdassarian (Mollah), Michel Jonasz (le professeur Arash Bayazid), Pascal Elbé (Mirza). Scénario : Sébastien Tavel, Patricia Mortagne et Zabou Breitman D’après : le roman de Yasmina Khadra (2002) Montage : Françoise Bernard Animation : Nils Robin et Nicolas Debray 1er assistant réal. : Marco Nguyen Musique : Alexis Rault Son : Éric Devulder, Pascal Villard, Bertrand Boudaud et Éric Tisserand Décors : Pasquale Carlotti et Pascal Gérard Production : Les Armateurs, Mélusine Productions et Close Up Films Coproduction : Arte France Cinéma, RTS et KNM Producteurs délégués : Reginald de Guillebon, Stephan Roelants, Michel Merkt et Joëlle Bertossa Producteur exécutif : Ivan Rouveure Dir. de production : Éléonore Arnal Distributeur : Memento Films. © Les Armateurs HHH Le processus de création des Hirondelles de Kaboul s’éloigne des standards habituels du cinéma d’animation pour se rapprocher des méthodes appliquées au cinéma de fiction, voire au théâtre. Bien 81 minutes. France - Luxembourg - Suisse, 2019 avant que le dessin d’Éléa Gobbé-Mévellec n’existe, Sortie France : 4 septembre 2019 Zabou Breitman avait pris soin de choisir ses acteurs u RÉSUMÉ pour leurs voix mais aussi leurs physiques afin de leur Kaboul, 1998. Zunaira dessine et écoute de la musique faire jouer les scènes, et pas seulement les doubler. en cachette chez elle. Dehors, son mari Mohsen assiste à Aucun détail n’a été laissé au hasard pour que l’animation la lapidation d’une femme. Il jette une pierre. Atiq, gardien soit véritablement incarnée : “Tout était fait pour que l de prison, est usé par la vie et le cancer de sa femme a matière de la vie soit là. Et c’est un découpage de cinéma”, Mussarat. Mohsen et Zunaira rêvent de s’enfuir et explique l’actrice-réalisatrice qui se lance pour la première d’enseigner le dessin et l’histoire. Mirza, un ami d’Atiq, lui fois dans l’animation. Librement adapté du roman du conseille de répudier sa femme et de trouver une jeune même nom de Yasmina Khadra paru en 2002, Les Hirondelles femme vierge. Mohsen discute avec son ami professeur, Arash, qui lui propose d’enseigner dans une école de Kaboul illustre avec une délicatesse inouïe l’extrême clandestine. Atiq apprend que Mussarat est condamnée. violence du régime de terreur imposé par les talibans Mohsen et Zunaira se rendent dans une librairie qu’ils durant la troisième phase de la guerre civile afghane. aimaient fréquenter. L’implication physique des acteurs renforce leur jeu SUITE... Parce qu’ils rient dans la rue, Mohsen doit aller et la puissance de l’histoire - une particularité indispensable prier tandis que Zunaira l’attend au soleil, sous son tchadri. dans un film où l’on peut se poser la question de En rentrant, elle explose de rage. Mohsen lui avoue avoir la légitimité de son équipe (majoritairement occidentale jeté une pierre sur la femme lapidée. Lors d’une dispute, et n’ayant pas vécu les faits racontés) quant au traitement elle le repousse : il tombe sur la tête et meurt. Elle est d’un tel sujet. Entre la sombre netteté des traits emprisonnée. Atiq est fasciné et cherche à la disculper physiques et l’évanescence de ceux qui définissent le visage car c’était un accident. Mais l’exécution de Zunaira est de Kaboul, l’animation est parfois hésitante mais jamais maintenue. Atiq lui suggère de s’enfuir. Elle refuse. Mirza fait suivre Atiq par un sniper. Atiq le tue. Mussarat, au le récit ne devient manichéen. Fraîchement récompensé courant pour Zunaira, se rend à la prison pour voir Atiq. du Valois de Diamant à Angoulême, le film rend hommage Les talibans emmènent les prisonniers au stade pour au courage des femmes opprimées et parvient à montrer l’exécution. Mirza tue Zunaira et lui enlève son tchadri : l’insoutenable sans jugement, ce qui constitue sa plus grande il s’agit en fait de Mussarat. Il tue Atiq. Zunaira s’enfuit et force. _A.L. se rend chez Arash. Visa d’exploitation : 134571. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 200 copies. 7 © les Fiches du Cinéma 2019
Liberté de Albert Serra En marge d’une sombre forêt, des libertins en exil ESSAI ÉROTIQUE Adultes, des idées et des images peuvent heurter imaginent et mettent en scène durant toute une nuit des jeux érotiques plus transgressifs les uns que u GÉNÉRIQUE les autres. Albert Serra pousse son système Avec : Helmut Berger (le duc de Walchen), Marc Susini (le comte à l’extrême, et le spectateur à l’extérieur. de Tésis), Iliana Zabeth (Mademoiselle de Jensling), Laura Poulvet (Mademoiselle de Geldöbel), Baptiste Pinteaux (le duc de Wand), Théodora Marcadé (Madame de Dumeval), Alexander García Düttmann (le comte Alexis Danshire), Luís Serrat (Armin), Xavier Pérez (la capitaine Benjamin Hephie), Francesc Daranas (la libertine), Catalin Jugravu (Catalin), Montse Triola (Madame Montavrile), Safira Robens (Mademoiselle de Rubens). Scénario : Albert Serra Images : Artur Tort Montage : Ariadna Ribas, Artur Tort et Albert Serra Musique : Marc Verdaguer et Ferran Font Son : Jordi Ribas Costumes : Rosa Tharrats Production : Idéale Audience, Rosa Filmes et Andergraun Films Production associée : Lupa Film Producteurs : Pierre- Olivier Bardet, Joaquim Sapinho, Albert Serra et Montse Triola Producteur associé : Felix von Boehm Distributeur : Sophie Dulac Distribution. © Roman Ynan HH Styliste incomparable, Albert Serra s’attache depuis une dizaine d’années à mettre en scène des figures mythologiques (Don Quichotte, les rois mages, Casanova, Dracula, Louis XIV) dans des tableaux sensuels, sophistiqués, 132 minutes. France - Portugal - Espagne, 2019 ironiques et sombres. D’une incontestable radicalité depuis Sortie France : 11 septembre 2019 toujours, il pousse ici le curseur (et le bouchon) un gros cran u RÉSUMÉ plus loin, en tendant vers “l’expérience des limites” (pour 1774, quelque part en Allemagne. Après avoir été expulsés reprendre l’expression que Sollers appliquait à des écrivains de la cour de Louis XVI, un groupe de libertins cherchent comme Sade ou Bataille, auxquels l’univers transgressif de refuge en Allemagne pour y exporter leur philosophie. Liberté renvoie inévitablement). Limite de l’abstraction : Notamment, ils recherchent l’appui du duc de Walchen. le récit (toujours ténu) a ici presque disparu. Limite du visible : SUITE... La nuit tombe dans la forêt. Deux femmes ont été tout se déroule dans une constante pénombre. Limite du conviées. D’abord timides, elles discutent entre elles mais cinéma : pur objet conceptuel, Liberté se rapproche en l’une d’elles finit par aller rejoindre un groupe d’hommes. définitive davantage d’une installation d’art contemporain Elle retrouve ensuite sa camarade et commence à que d’un film proprement dit. Limites du spectateurs : Serra la déshabiller pendant que des hommes les regardent. les titille et les teste, en appuyant sur tous les boutons L’une d’elles est amenée au duc de Walchen, qui se - lenteur, durée, obscurité, caractère éprouvant des jeux fait caresser par celle-ci. Autre part dans la forêt, une troisième femme est attachée nue à un arbre et se fait sexuels décrits... - pour susciter l’exaspération. Et de fait, déverser un liquide sur le corps. L’une des deux premières prenant la forme d’un enfer déployant dans ses interminables femmes se fait fouetter avec un bâton et, plus loin, un autre cercles des sévices aux raffinements inépuisables, homme subit le même traitement. Les deux en demandent, le film s’apparente rapidement à un vortex d’ennui, dont à chaque fois, plus. Ensuite, cet homme se retrouve avec la profondeur suscite le vertige. Le style halluciné et hallucinant l’une des dames dans une calèche et ils couchent ensemble. du cinéaste, son sens du murmure musical et du plan fixe Une autre femme est enfermée dans un coffre par deux incandescent, sont toujours là, mais l’expérience peut hommes et n’est libérée que bien plus tard. Dans une autre néanmoins difficilement être vécue autrement que comme calèche, une femme tente de coucher avec un homme mais celui-ci n’arrive pas à avoir une érection, alors celle-ci une épreuve. Comme toute épreuve et toute expérience, le force à lui faire un cunnilingus. Un autre homme celle-ci reste néanmoins marquante. Mais s’il est bien ici se fait uriner dessus par une femme et un homme, tout question de liberté, c’est avant tout sur celle de l’auteur, en se masturbant, sous le regard du groupe. Une femme souverain, que le film travaille. Au spectateur, en revanche, se masturbe en s’asseyant sur un tronc et le groupe finit il n’est guère laissé que celle de quitter la salle. _N.M. sa nuit libertine par une orgie. Visa d’exploitation : 149429. Interdit aux moins de 16 ans. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 8 © les Fiches du Cinéma 2019
Le Mariage de Verida (Flesh Out) de Michela Occhipinti Cette dénonciation de la tradition du gavage des femmes DRAME Adultes / Adolescents en Mauritanie avant leur mariage est d’une fadeur soporifique. Le style léché et propre de la photo u GÉNÉRIQUE n’arrange rien. Sans rythme ni lignes de force Avec : Verida Beitta Ahmed Deiche (Verida), Amal Saab Bouh dramaturgiques, le film finit par banaliser son sujet. Omar (Amal), Aichetou Abdallahi Najim (Aichetou), Sidi Mohamed Chighaly (Sidi). Scénario : Michela Occhipinti et Simona Coppini Images : Daria D’Antonio Montage : Cristiano Travaglioli 1re assistante réal. : Francesca Scanu Musique : Alex Braga Son : Lavinia Burcheri Production : Vivo Film Producteurs : Marta Donzelli, Gregorio Paonessa et Antoine de Clermont-Tonnerre Producteur exécutif : Alessio Lazzareschi Distributeur : KMBO. © Vivo Film H Le Mariage de Verida est le premier film de fiction de Michela Occhipinti. La réalisatrice italienne est connue pour ses documentaires, notamment Viva la Pepa ! (Give Us Back the Constitution), qui traite de la crise sociale 94 minutes. Italie, 2019 en Argentine, et Letters from the Desert (Eulogy to Slowness), Sortie France : 4 septembre 2019 qui a été sélectionné dans plus de quatre-vingts festivals u RÉSUMÉ dans le monde entier. Il y a une dimension documentaire Sa mère annonce à Verida, jeune esthéticienne évidente dans Le Mariage de Verida. Et, malheureusement, mauritanienne, lui avoir trouvé un mari. Pour plaire à en matière de fiction, Michela Occhipinti n’est guère celui-ci, Verida va devoir subir la tradition du gavage : à son aise. La répétition des scènes de repas de son manger beaucoup pour grossir beaucoup. Verida écoute, héroïne est rapidement lassante, tant celles-ci sont filmées stupéfaite, une amie, coquette et moderne, lui raconter platement, sans ligne de force dans leur dramaturgie. qu’elle a subi une opération pour mincir. Jour et nuit, sa Les conversations entre Verida et ses amies sont tellement mère lui apporte à manger. Amal, sa meilleure amie, lui dit utilitaires, chargées qu’elles sont de véhiculer un message, qu’elle pourra toujours divorcer si ça ne marche pas avec son mari. Pour la rassurer, sa mère lui déclare qu’elle qu’elles finissent par être sans saveur. Que dire de sera magnifique quand son corps aura grossi et qu’il sera la photo du film, bien léchée, propre comme celle d’un spot couvert de vergetures. Son amie coquette est scandalisée publicitaire ? Michela Occhipinti a travaillé également qu’elle accepte de manger dix fois par jour. dans la publicité - ceci explique certainement cela. Aucun SUITE... Sa mère lui révèle s’être autrefois rebellée mais des nœuds dramatiques de la vie de Verida n’est mis que, sa propre mère l’ayant battue avec une matraque, elle en valeur. Pour cela, il aurait fallu que les scènes soient s’est soumise au gavage. Sidi, le jeune homme qui vient suffisamment développés sur la durée. Mais la réalisatrice peser Verida régulièrement, est attiré par elle. Sa mère est semble craindre d’ennuyer ou de choquer le spectateur. mécontente que Verida dorme sans voile et ne grossisse Pourtant, elle souhaite dénoncer une tradition aliénante pas assez. Un soir, Verida sortie officiellement avec Amal, pour les femmes. Mais elle ne fait pas confiance à sa fiction. qui s’éclipse, rejoint Sidi. Ils se promènent en ville. Verida Elle donne à voir un peu de chaque aspect du drame mais se rebelle mais, face à la violence de la réaction de sa mère, reprend son gavage. Elle prend des pilules nocives pour ne cherche jamais à faire ressentir au spectateur ce que vit la santé afin de grossir plus vite. Elle croise dans la rue son héroïne. Les trucs de la communication audiovisuelle, Sidi, qui ne comprend pas son silence. Verida lui dit ne qui s’efforce d’exprimer de façon aseptisée et univoque, plus vouloir le voir mais le remercie d’avoir su la regarder. peuvent-ils permettre une mise en scène intéressante ? Un matin, sa mère ne trouve pas Verida, même sur la terrasse, Le film démontre que non. _P.F. son lieu préféré, d’où elle a certainement sauté. Visa d’exploitation : 148584. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 9 © les Fiches du Cinéma 2019
River of Grass (River of Grass) de Kelly Reichardt Avec tendresse, lucidité et un sens inné du cadrage, ROAD MOVIE Adultes / Adolescents Kelly Reichardt livre un road-movie bancal comme ses personnages, et cartographie au passage u GÉNÉRIQUE une Amérique de la pauvreté et de l’ennui, trop souvent Avec : Lisa Bowman (Cozy), Larry Fessenden (Lee Ray Harold), ignorée par le cinéma. Un premier film remarquable. Dick Russell (Jimmy Ryder), Stan Kaplan (J.C.), Michael Buscemi (Doug), Lisa Robb (Cozy, jeune), Tom Laverack (l’amant de Cozy dans la baignoire), Bert Yaeger (le mari décédé), Mary Glenn (la femme à la hachette), Carol Flakes (la grand-mère de Lee), Frances Reichardt (la mère de Lee), George Moore (l’inspecteur Kirby), Mannie Mack (Mr. Humphery), Kyle Hawkins et Heather & Joseph Florio (les enfants de Cozy), Duncan Young (le barman), Monica Davidson (Mrs. Ortiz), Shelly Florio (la secrétaire), Lou Perdomo (le tatoueur), Barbara Bucci, Steven Lezak, Robert Perry, Jerry Reichardt, Kerline Alce, Ricco Jackson, Murray Von Murry, Carl Crowder, Barry Shore, T. Colin Dodd, Wayne Ferguson, Roz Delisi, Patrick Cooke, Harry Epp, Robert Greenbaum, John Ulrich, Will Connelly, Matthew Sigal, Santo Fazio, Greg Schroeder, Sheila Korsi, Mitch Lewis, les voix de Jerry Utter, Susan A. Stover. Scénario : Kelly Reichardt, d’après une histoire de Kelly Reichardt et Jesse Hartman Images : Jim Denault Montage : Larry © Good Machine Fessenden 1er assistant réal. : Greg Webb Musique : John Hill Son : Bill Chesley Décors : David Doernberg Costumes : Sarah Jane Slotnick Maquillage : Nina Port Production : Good Machine HHH Le premier film de Kelly Reichardt, sorti Producteur : Jesse Hartman Producteurs associés : Susan A. aux États-Unis en 1994, a été restauré grâce à une campagne Stover et Larry Fessenden Distributeur : Splendor Films. de financement participatif et sort enfin sur les écrans français - cet intérêt rétrospectif ayant certainement 74 minutes. États-Unis, 1994 été avivé par les succès critiques des excellents Sortie France : 4 septembre 2019 La Dernière piste (2010) et Certaines femmes (2016). u RÉSUMÉ River of Grass contient déjà les thématiques chères à En Floride, Cozy, mère de famille trentenaire, s’ennuie à l’auteure : le désœuvrement et la pauvreté, la solitude, mourir. Son père, policier proche de la retraite et batteur de l’abandon et l’ennui qui frappent une partie des classes jazz amateur, égare son arme de service. Un jeune homme populaires américaines, dans des régions sur lesquelles trouve le pistolet par terre, et le donne à son ami Lee, les projecteurs (et les caméras) se tournent rarement - en un jeune chômeur qui vivait chez sa grand-mère avant que l’occurrence, une zone marécageuse de Floride surnommé celle-ci ne le mette à la porte. Un soir, alors qu’elle se rend la “rivière d’herbes”. Se tenant à l’écart de tout misérabilisme, à pied dans un bar, Cozy est presque renversée par la voiture Reichardt pose un regard tendre, sans concession mais non de Lee. Plus tard, dans le bar, Cozy et Lee sympathisent. Lee propose à Cozy d’aller nager dans la piscine d’un ami. dénué d’humour, sur les choses qu’elle filme. Les cadrages Le propriétaire surgit, et les jeunes gens, qui jouaient avec précis et le montage rythmé font se côtoyer les visages et le pistolet, lui tirent accidentellement dessus. Persuadés les paysages, les détails et les plans larges, les plantes de l’avoir tué, ils prennent la fuite en voiture. et les animaux, le trivial et le poétique : et ce qui finit SUITE... Les deux fugitifs louent une chambre, mais par ressortir de ce film étonnant, dont le scénario ténu n’ont bientôt plus assez d’argent pour la payer : Lee et l’image délavée évoquent une version low-cost et revient voler une collection de vinyles chez sa grand-mère. volontairement absurde du Badlands de Malick, c’est En les vendant, Lee et Cozy parviennent à tenir quelques avant tout cet immense désir de filmer le personnage jours de plus. Pendant ce temps, le père de Cozy et ses de Cozy, prête à tout (même à devenir une meurtrière) collègues interrogent l’homme, parfaitement indemne, pour qu’enfin, il lui arrive quelque chose - quelque sur qui les deux fugitifs avaient tiré : ils font le lien avec chose d’épique, de l’ordre de la fiction, comme on en voit le pistolet manquant. Un jour, Lee croise cet homme et le reconnaît. Lee et Cozy décident de quitter la Floride. justement au cinéma. River of Grass est un film sur des Une fois arrivés au péage, ils se font arrêter par un policier gens qui rêveraient que leur vie en soit un - un film fait car ils n’ont pas de quoi payer et sont forcés de faire demi- de petits bouts de rien, loin des couleurs flamboyantes et tour. Lee raconte à Cozy qu’il a croisé le propriétaire de mensongères dont l’American dream avait habillé sa bande- la piscine. Cozy tue Lee avec le pistolet et part au volant annonce. _F.B-P. de la voiture. Visa d’exploitation : 151364. Format : 1,33 - Couleur - Son : Mono. 100 copies (vo). 10 © les Fiches du Cinéma 2019
Viendra le feu (O que arde) de Oliver Laxe Après deux ans de prison pour un incendie volontaire, CHRONIQUE Adultes / Adolescents Amador rentre dans son village, où l’accueille sa mère et le jaugent les habitants. Pour son troisième long u GÉNÉRIQUE métrage, Oliver Laxe apparie avec bonheur une Galice Avec : Amador Arias (Amador), Benedicta Sánchez (Benedicta), détrempée et une mise en scène aride. Inazio Abrao, Elena Fernández, David De Poso, Alvaro De Bazal. Scénario : Oliver Laxe et Santiago Fillol Images : Mauro Herce Montage : Cristóbal Fernández 1er assistant réal. : Luis Bértolo Son : David Machado, Sergio Da Silva, Amanda Villavieja et Xavi Souto Effets spéciaux : Raúl Romanillos Production : Miramemira, 4 à 4 Productions, Kowalski Films et Tarantula Producteurs : Andrea Queralt et Mani Mortazavi Producteurs délégués : Andrea Vázquez et Xavier Font Coproducteurs : Koldo Zuazua, Élise André et Donato Rotunno Distributeur : Pyramide. © Pyramide HH Dans la forêt, de nuit, deux engins fauchent des arbres comme s’ils étaient de simples fétus de paille ; plus tard, un hélicoptère survole la zone d’un incendie fraîchement éteint. Entre ces deux visions, splendides, de pures présences 85 minutes. Espagne - France - Luxembourg, 2019 machiniques (véhicules qui pourraient aussi bien se mouvoir par Sortie France : 4 septembre 2019 eux-mêmes, sans pilote ni conducteur), le film, qui, longtemps, u RÉSUMÉ baigne dans un sfumato plus ou moins prononcé (la brume tamise, Dans les hauteurs de la Galice, la nuit, des camions détruisent ou sculpte, les paysages hivernaux du massif galicien), s’offre dans par essaims entiers des eucalyptus mais s’arrêtent nets devant le plus simple appareil, sous la forme d’une chronique nourrie un d’eux, menaçant, aux racines tentaculaires. Amador, de gestes quotidiens. Il y a bien, çà et là, l’embryon d’un enjeu un homme solitaire et taciturne, a purgé ses deux ans de prison dramatique, la velléité d’une intrigue, mais le film s’obstine à pour pyromanie. Il retourne dans son village natal, auprès de sa les laisser au stade du possible. On s’en doute : la mention de mère, une paysanne, Benedicta, qui vit là depuis une éternité, l’incendie passé vaut pour la garantie de celui à venir ; la promesse au milieu des vaches et des salades. Amador reprend alors du titre sera tenue, elle n’aura pas été le point d’orgue sa vie de berger d’avant, mais observe quelque changement pendant la transhumance: une vieille dépendance de d’une montée en tension ou en température. Le départ de feu la vallée est restaurée par les villageois pour y accueillir n’était qu’ajourné ; l’été allait venir, la brume se dissiper, des touristes, un mari respecté du village est décédé, les conditions seraient réunies. Mais, outre cette approche une nouvelle vétérinaire est en ville. Une saison passe, prosaïque, le film est travaillé par une forme d’infra-fantastique, lorsque une des vaches d’Amador se blesse. La vétérinaire, un rapport au paysage d’un romantisme sec : Amador, le calme, dépêchée du village, vient l’aider. Un début de relation, du le taiseux, embrase-t-il la forêt du regard, lui communique- moins amicale, se noue entre eux. Mais alors qu’il descend t-il la tristesse, ou la colère (rentrées à un point tel que lui- au village chercher un traitement pour sa vache, une tension se crée: elle a été mise au courant du passif d’Amador. même paraît en ignorer l’origine : quelque chose, dans sa solitude, son statut de quasi paria, lui échappe de toute évidence autant SUITE... C’est l’été. Un feu de forêt se propage, détruisant qu’à nous), que son visage (indéchiffrable) et ses mots (rares) la ferme restaurée et toute la végétation alentour. ne parviennent pas à exprimer ? On pourra reprocher à Viendra Les pompiers, dont pour beaucoup il s’agit du baptême, ne peuvent que circonscrire les flammes, et observer le feu de se complaire dans une forme d’aridité protocolaire, les dégâts. Un cheval, les yeux brûlés, être dans la lande. de prendre trop de précaution à ne rien contextualiser, et à es villageois, le lendemain, battent Amador dans un paysage ne rien formuler d’un tant soit peu explicite. Reste qu’il faut désolé ; il est accusé d’avoir récidivé. Celui-ci ne dit rien, avoir sacrément confiance en son cinéma pour faire feu et part, soutenu par sa mère. Un hélicoptère treuille (formel) d’un si petit bois (d’histoire). _T.F. un chargement invisible. Visa d’exploitation : 148711. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 11 © les Fiches du Cinéma 2019
The Bra (The Bra) de Veit Helmer Pour échapper à la solitude, Nurlan part à la recherche CHRONIQUE Adultes / Adolescents de la propriétaire d’un soutien-gorge qu’il a trouvé accroché à son train. Un film sans dialogues porté par u GÉNÉRIQUE la mimique des acteurs et une belle mise en scène, Avec : Predrag “Miki” Manojlovic (Nurlan), Denis Lavant (l’apprenti), mais dont l’issue est assez prévisible. Chulpan Khamatova (le Point Switcher), Ismail Quluzade (le garçon), Maia Morgenstern (la tricheuse), Paz Vega (la femme oublieuse), Frankie Wallach (la danseuse), Boriana Manoilova (la mariée), Sayora Safarova (la fille du village), Manal Issa (la mère avec un bébé), Irmena Chichikova (la veuve), Ia Shugliashvili (la femme endormie). Scénario : Leonie Geisinger et Veit Helmer Images : Felix Leiberg Montage : Vincent Assmann 1re assistante réal. : Shirin Hartmann Musique : Cyril Morin Son : Julian Cropp et Robert Jäger Décors : Batcho Makharadze Costumes : Mehriban Effendi Effets visuels : Rudolf Germann Maquillage : Delia Mamedova Casting : Domnica Circiumaru, Lisa Stutzky et Antonia Ara Vladimirova Production : Veit Helmer Filmproduktion Pour : Mondex & Cie Coproduction : SR, SWR et BR Producteur : Veit Helmer Producteurs délégués : Shirin Hartmann et Tsiako Abesadze Distributeur : Bodega Films. © Veit Helmer Filmprod. HH Après Bande de canailles, Veit Helmer retourne pour son nouveau film dans l’ex-république soviétique, dont les paysages déserts et les petits villages reculés avaient déjà été explorés par le cinéaste allemand dans ses précédents 90 minutes. Allemagne - Azerbaïdjan, 2018 Absurdistan et Baikonour. C’est dans un quartier de Bakou, Sortie France : 11 septembre 2019 capitale de l’Azerbaïdjan, que se déroule ce conte de fées u RÉSUMÉ hors du temps et de l’espace, qui ne manque pas de fasciner Nurlan, un conducteur de train proche de la retraite, vit et parfois d’ennuyer un peu. Nurlan, un conducteur de train dans un petit village de l’Azerbaïdjan. Chaque jour, il salue sexagénaire, traverse tous les jours cette banlieue où les rails Nesrin, une fille qui s’occupe de l’aiguillage des trains. sont si proches des maisons que les habitants les utilisent Chaque jour, le train de Nurlan passe par une banlieue où pour bivouaquer ou étendre leur linge, et que le train, en les rails sont très proches des habitations. Quand il voit passant à un cheveu des murs, recueille souvent quelque que le feu passe au vert, Aziz, un petit garçon, commence vêtement qui reste accroché à la locomotive. Quand, lors à courir sur les voies afin de prévenir les habitants, qui de son dernier jour de travail, Nurlan trouve un soutien- ont l’habitude de boire du thé ou d’étendre leur linge sur les rails. Mais il y a toujours des vêtements qui s’accrochent gorge bleu, il décide de se lancer un défi : retrouver à tout au train lors de son passage et, en fin de journée, Nurlan les prix sa propriétaire. Cette recherche n’a rien d’aventureux ramasse et les restitue à leurs propriétaires. Entre-temps, - il s’agit plutôt d’un moyen pour lui de s’évader de la solitude - il s’occupe de former son apprenti. et la fin, hélas, est assez prévisible, mais le vrai défi SUITE... Après le dernier jour de travail, il trouve un soutien- du film est tout autre : raconter une histoire sans utiliser gorge accroché à son train et se souvient de la nuit où il de dialogues. Pourtant, il ne s’agit pas d’un film muet, mais avait aperçu, par une fenêtre, sa propriétaire. Déterminé d’un projet consistant en la pure mise en scène des images à la retrouver, il commence à aller de maison en maison, et du son. À travers la mimique des acteurs et en alternant en demandant aux femmes d’essayer le soutien-gorge. des chansons populaires du pays aux instruments joués par Certaines l’accueillent gentiment, tandis que d’autres lui l’apprenti de Nurlan, interprété par un Denis Lavant toujours claquent la porte au nez. Nurlan décide alors de se faire impressionnant, le réalisateur parvient à nous entraîner passer pour un vendeur de lingerie, puis pour un médecin, mais les maris du quartier, jaloux, le chassent et se vengent dans une histoire simple et subtilement ironique. Certes, en l’attachant aux rails. Juste avant que le train passe, Aziz il reste des doutes sur le message qu’il veut transmettre, parvient à le libérer. En rentrant au village, Nurlan aperçoit mais The Bra a sûrement le mérite de nous rappeler des culottes du même genre que le soutien-gorge sur que les mots ne sont pas toujours nécessaires pour faire un fil à linge. Il l’accroche à leurs côtés et s’en va. Peu après, un film. _M.G. sa propriétaire, Nesrin, le retrouve. Visa d’exploitation : 151323. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD. 80 copies (vo). 12 © les Fiches du Cinéma 2019
Ça marche !? de Camille de Casabiancas Après son film sur le NPA, Camille de Casabianca DOCUMENTAIRE Adultes / Adolescents s’est penchée, dans Ça marche !?, sur le mouvement politique La République En Marche, en pré-campagne u GÉNÉRIQUE des élections européennes. Un documentaire informatif Montage : Sandie Bompar Son : Julien Perez Production : Felix à défaut d’être spécifiquement cinématographique. Films et Archipel 35 Producteurs : Denis Freyd et Patrick Blossier Distributeur : Dean Médias. © Dean Médias 91 minutes. France, 2019 HH La filmographie de Camille de Casabianca, Sortie France : 11 septembre 2019 la fille d’Alain Cavalier, oscille entre comédies décalées (Pékin Central, L’Harmonie familiale) et documentaires celle de l’Europe : identification à l’idéal européen ( Tatami , C’est parti ). De par sa formation (diplômée mais parfois redéfinition de ses règles. Le film de Sciences Po et de Berkeley), Camille de Casabianca prend ensuite une nouvelle tournure avec l’irruption s’est toujours intéressée à la politique. Après son film des Gilets Jaunes dans le champ politique. sur le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), C’est parti, Le film se termine avant les élections européennes, elle choisit de mettre en pleine lumière le mouvement dont le résultat ne sera pas donné en conclusion. En Marche. Ce qui la passionne, ce n’est pas de pointer Il faut reconnaître au film le talent d’exposer sa caméra sur les vedettes de LREM, mais de filmer la force de conviction et la bonne foi de ces les militants anonymes qui croient en cette volonté militants, totalement exempte de cynisme et de changer la politique, voire la vie. Le documentaire de calcul politique, parfaitement équivalente à se situe en 2018-2019, soit largement après la victoire l’authenticité de partisans d’extrême-gauche. d’Emmanuel Macron, le fondateur du mouvement En Marche, Ce que le film parvient à montrer, c’est la diversité à l’élection présidentielle du 7 mai 2017. La formation de ces militants qui sont loin d’appartenir tous s’interroge ici, et par le biais des ses membres, sur sa à la catégorie des bourgeois blancs de condition place par rapport à l’exécutif, celle d’un aiguillon, d’une cellule favorisée. On retrouve ainsi au premier plan de réflexion, en parallèle de son soutien au gouvernement des Français noirs ou d’origine maghrébine qui et à l’application de son programme. On assiste donc souhaitent faire évoluer la société. Le grand moment à beaucoup de réunions parisiennes ou locales des du film est sans doute la confrontation avec des Marcheurs, de démarchages à domicile, de conciliabules Gilets Jaunes, autre manifestation d’une nouvelle de réflexion, de débats publics, de sondages dans la rue... vision de l’action politique. Cependant, cette Contrairement à beaucoup de documentaires qui ont confrontation ne s’achève pas sur un affrontement, filmé la victoire d’Emmanuel Macron, ce sont les petits, mais plutôt sur un apaisement réciproque, les sans-grades, les militants de base qui, ici, ont droit puisqu’un Gilet Jaune finit par reconnaître que à la lumière, même s’ils ne sont pas identifiés nommément. les Marcheurs constituent également un mouvement Seuls Benjamin Grivaux, Christophe Castaner et Mounir citoyen. On regrettera néanmoins un manque de Mahjoubi apparaîtront, parfois fugacement, dans le champ construction dramatique et un filmage numérique de la caméra. En période de pré-campagne des élections qui auraient pu suffire pour une diffusion sur un écran européennes, la question qui domine sera évidemment de télévision. _D.S. Visa d’exploitation : 151208. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 10 copies. 13 © les Fiches du Cinéma 2019
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