Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma

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Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
LE MENSUEL

                                   Parasite
                                    de Bong Joon Ho

                                   Être vivant et le savoir
JUIN 2019

                                          de Alain Cavalier
                            Piranhas de Claudio Giovannesi
                           Zombi Child de Bertrand Bonello
                                                   Nevada
                            de Laure de Clermont-Tonnerre
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                                           rencontre avec
                         Blaise Harrison pour Les Particules
#6
Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
SOMMAIRE
                   FILMS DU 5 JUIN 2019
L’Autre continent de Romain Cogitore         HH
L’Enseignante de Denis Dercourt              H
Être vivant et le savoir de Alain Cavalier   HHH
Face au vent de Meritxell Collel Aparicio    HHH
Ma de Tate Taylor			                         H
Palmyre de Monika Borgmann et Lokman Slim    HH
Parasite de Bong Joon Ho		                   HHHH
Les Particules de Blaise Harrison            HHH
Rencontre avec Blaise Harrison
Piranhas de Claudio Giovannesi		             HHH
Salauds de pauvres Film collectif            HH
X-Men : Dark Phoenix de Simon Kinberg        HH

                  FILMS DU 12 JUIN 2019
A Dog’s Journey de Gail Mancuso              HH
Charlotte a 17 ans de Sophie Lorain          HH
Cyrano & la petite valise de Marie Frapin    HH
Greta de Neil Jordan			                      m
Lune de miel de Élise Otzenberger		          HHH
11 fois Fátima de João Canijo			             HHH
Roxane de Mélanie Auffret		                  HH
Sillages de Léa Rinaldi			                   H
Un havre de paix de Yona Rozenkier		         HH
Zombi Child de Bertrand Bonello		            HH
Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
FILMS DU 19 JUIN 2019
Anna, un jour de Zsófia Szilágyi		                   HHH
Buñuel après L’Âge d’or de Salvador Simó             HHH
Le Choc du futur de Marc Collin                      H
Contre ton cœur de Teresa Villaverde                 HH
Le Daim de Quentin Dupieux		                         HH
Dirty God de Sacha Polak		                           HHH
Les Frenchmen de Olivier Goujon                      H
Little de Tina Gordon Chism		                        H
Nevada de Laure de Clermont-Tonnerre                 HHH
Noureev de Ralph Fiennes		                           HH
Porte sans clef de Pascale Bodet                     HHH
Tolkien de Dome Karukoski		                          HH

                    FILMS DU 26 JUIN 2019
Bixa Travesty de Claudia Priscilla et Kiko Goifman   HH
Brightburn de David Yarovesky		                      H
Conséquences de Darko Stante                         HH
La Femme de mon frère de Monia Chokri                H
Jumpman de Ivan I. Tverdovsky		                      HH
Teen Spirit de Max Minghella		                       HH
Ville Neuve de Félix Dufour-Laperrière               HHH
Yves de Benoît Forgeart			                           HH
Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
ÉDITO

                                                                 La grâce et l’artiste
                                                                 Attention ! Du 6 au 10 juin 2019, Amazing Grace va illuminer les salles
LES FICHES DU CINÉMA
26, rue Pradier
                                                                 obscures. Un documentaire exceptionnel dont la sortie tient du miracle.
75019 Paris                                                      Tourné en 1972 (à la demande d’Aretha Franklin) par un Sydney
Administration & Rédaction :                                     Pollack fort de son triomphal On achève bien les chevaux, il a végété
01.42.36.20.70                                                   40 ans durant sur une étagère de la Warner. Sans l’obstination
Fax : 09.55.63.49.46
..............................................................
                                                                 d’Alan Elliott, producteur d’Atlantic, et les progrès de la technologie
RÉDACTEUR EN CHEF                                                numérique, sans doute y serait-il resté. En effet, les rushes avaient
Nicolas Marcadé                                                  été conservés sans clap pour relier les images et le son ! Or il réunit
redaction@fichesducinema.com                                     en majuscule l’art, l’Histoire, le spirituel et le politique.
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
Michael Ghennam
                                                                 Quand tant d’hagiographies actuelles ont pour vocation de servir
michael@fichesducinema.com                                       complaisamment l’industrie musicale, la musique et son interprète
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION                                          s’illuminent ici mutuellement jusqu’à rendre son âme et son esprit
Thomas Fouet                                                     au cinéma dont on oublie trop souvent la part d’inspiration dont
thomas@fichesducinema.com
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                                                                 il est redevable en tant que (7e) art. Pour une raison de fond : Aretha
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO                                        Franklin, qui rafla 17 grammy awards entre 1968 et 2006, offre
François Barge-Prieur, Isabelle                                  un lumineux démenti à tous les purs esprits assurant que, de Céline
Boudet, Clément Deleschaud,                                      à Alain Delon, il faut dissocier l’être humain de son œuvre. Volens
Thomas Fouet, Margherita Gera,
Michael Ghennam, Roland Hélié,
                                                                 nolens, influencée par Mahalia Jackson et Clara Ward, (présente
Simon Hoareau, Aude Jouanne,                                     dans ce film, ainsi que Mick Jagger) mais aussi par son père pasteur
Amélie Leray, Julie Loncin, Nicolas                              baptiste, C.L. Franklin, cette icône de la soul est inséparable de son
Marcadé, Keiko Masuda, Marine                                    engagement en faveur des Droits Civiques auprès de Martin Luther
Quinchon, Gaël Reyre, Gilles
Tourman, Valentine Verhague.
                                                                 King. Il faut de plus se rappeler, par-delà le plaisir proustien de
Les commentaires des «Fiches»                                    retrouver le grain et l’écran splité typiques des 70’s, combien, à cette
reflètent l’avis général du comité                               époque, l’engagement politique faisait corps avec le divertissement.
..............................................................   À ce titre, le film comptait surfer sur la vague du Woodstock de
PRÉSIDENT
François Barge-Prieur
                                                                 Michael Wadleigh (1970). De plus, qui, de la cathédrale américaine
ADMINISTRATRICE                                                  de Paris à l’Abyssinian Baptist Church de Harlem, a eu le bonheur
Chloé Rolland                                                    d’assister à un concert de Gospel, a nécessairement ressenti, croyant
administration@fichesducinema.com                                ou non, la puissance transcendante de ces cantiques. C’est donc
TRÉSORIER
Guillaume de Lagasnerie
                                                                 bien dans ce qui la constituait elle, et qui nourrit ce documentaire,
Conception Graphique                                             qu’il faut voir et écouter cette sublime interprète capable de chanter
5h55                                                             plusieurs notes sur une seule syllabe pour transcender son public
www.5h55.net                                                     avec autant de grâce. Qu’on la tire du grec karis, de l’hébraïque chén
IMPRESSION
Compédit Beauregard
                                                                 ou du latin gratia (qu’on trouve dans le célèbre Ars gratia Artis),
61600 La Ferté-Macé                                              la grâce concentre en effet les notions de charme, de beauté, de
Tél : 02.33.37.08.33                                             reconnaissance et de cadeau reçu en vertu de la faveur du roi ou de
..............................................................   la divinité. Il n’est pas question, bien sûr, ici, de “religion”, même si,
DÉPÔT LÉGAL
Juin 2019
                                                                 là encore, Aretha Franklin y était foncièrement liée. Mais d’évoquer
COMMISSION PARITAIRE                                             cette force “mystique” qui transporte les spectateurs, que ce soit en
0320 G 86313 - ISSN 0336-9331                                    direct, comme ceux du film, ou devant un écran de cinéma. Amazing
«Les Fiches du Cinéma».                                          Grace nous rappelle ainsi salutairement ce qui séparera à jamais
Tous droits réservés.
Toute reproduction même partielle des
                                                                 l’esthétisme qui se contemple et se juge de la beauté qui se ressent
textes est soumise à autorisation.                               et élève, démontrant, une fois de plus, la légitimité du documentaire
Photo de couverture :                                            - qui a inauguré le cinéma avec La Sortie de l’usine Lumière à Lyon,
Parasite (The Jokers Films)                                      en 1895, ne l’oublions jamais -, à sortir en salle.
© The Jokers Films
WWW.FICHESDUCINEMA.COM                                           Amazing Grace (89 minutes. États-Unis, 2018). En salles le 6 juin avec CGR Events.

                                                                                                                                      GILLES TOURMAN
Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
L’Autre continent
de Romain Cogitore

Maria et Olivier se rencontrent à Taïwan. Ils tombent                                                                           MÉLODRAME
                                                                                                                        Adultes / Adolescents
amoureux, mais leur bonheur n’est pas destiné à
durer. Romain Cogitore nous montre la puissance et                          u GÉNÉRIQUE
la fragilité de l’amour dans un mélodrame fascinant,                        Avec : Déborah François (Maria), Paul Hamy (Olivier), Daniel Martin
qui tourne autour du thème de la mémoire.                                   (Jacques), Christiane Millet (Sophie-Charlotte), Vincent Perez
                                                                            (le professeur Deglacière), Aviis Zhong (le professeur Chen),
                                                                            Nanou Garcia (Danouta).
                                                                            Scénario : Romain Cogitore Images : Thomas Ozoux Montage :
                                                                            Florent Vassault et Romain Cogitore 1er assistant réal. : Franck
                                                                            Heslon Musique : Mathieu Lamboley Son : Olivier Dandré, Manu
                                                                            Vidal et Benjamin Viau Décors : David Faivre et Liao Huei-li
                                                                            Costumes : Zoe Wang Chia-Hui et Morgane Lambert Dir.
                                                                            artistique : David Faivre Maquillage : Agnès Laguerre Casting :
                                                                            Laure Cochener Production : Cinéma Defacto et House on Fire
                                                                            Producteurs : Tom Dercourt et Vincent Wang Coproducteurs :
                                                                            Sophie Erbs, Nobu Tsai Hsin-Hung et Estela Valdivieso Chen Dir.
                                                                            de production : Fred Bellaïche, Benjamin Lanlard et Nobu Tsai
                                                                            Hsin-Hung Distributeur : Sophie Dulac Distribution.

                                         © Cinéma Defacto - House On Fire

    HH        La mémoire et ses différentes facettes
imprègnent le deuxième long métrage de Romain Cogitore,
qui après son premier film Nos résistances, sur le passage
de l’adolescence à l’âge adulte d’un jeune maquisard,                                    90 minutes. France - Taiwan, 2018
nous raconte ici l’histoire d’un amour puissant et fragile                                   Sortie France : 6 juin 2019
à la fois. La même contradiction est perceptible visuellement
                                                                            u RÉSUMÉ
dans les paysages de Taïwan, dont les rues surmontées par
                                                                            Maria part à Taïwan afin d’écrire un livre dans la veine d’Into
les gratte-ciels et la nature épargnée des forêts reflètent                 The Wild et travailler comme guide touristique. Pendant
les sentiments des deux protagonistes. Dans le sillage                      les visites guidées aux temples, elle rencontre un collègue
de Lost in Translation de Sofia Coppola, Maria et Olivier                   de son âge, Olivier. Un soir, ils sortent ensemble et Maria
se rencontrent dans un pays qui n’est pas le leur et,                       découvre qu’Olivier parle quatorze langues. Il lui explique
au début, ne se comprennent pas totalement. Par la suite,                   alors la méthode qu’il utilise pour se les rappeler, qui
ils commencent à se parler dans telle ou telle langue,                      consiste à ranger chaque langue dans un lieu précis de
selon ce qu’ils veulent échanger, en inventant un langage                   sa mémoire. Au fur et à mesure que les jours passent, ils
                                                                            tombent amoureux.
qui n’appartient qu’à eux. Pour Olivier les langues sont
strictement liées à la mémoire et c’est lorsqu’il explique à                SUITE... Un an après, Maria et Olivier habitent ensemble.
Maria sa méthode - qui consiste à associer chaque idiome au                 Un jour, Maria apprend qu’elle est enceinte, mais elle
                                                                            décide d’avorter. Une nuit, Olivier se sent mal. Ils se rendent
souvenir d’un lieu - que tous deux se rapprochent. Les lieux,
                                                                            à l’hôpital, où les médecins lui apprennent que
mentaux et non, jouent donc un rôle essentiel dans le film,                 l’augmentation de ses globules blancs est le symptôme
et la correspondance entre intérieur et extérieur est                       d’une maladie grave. Ils reviennent en France, où Olivier
également visible dans l’alternance entre plans larges des                  commence une thérapie intensive au centre d’hématologie
paysages taïwanais et images au microscope de globules                      de Strasbourg. Maria voudrait rentrer à Taïwan pour
blancs. Le hasard veut que la maladie d’Olivier affecte                     travailler, mais elle décide finalement de ne pas partir.
justement sa mémoire et, même s’il arrive à survivre,                       Olivier tombe dans un coma profond. Maria reste à ses
les souvenirs des lieux où ils avaient vécu ensemble ne                     côtés. Un jour, grâce à son influence bénéfique, il se réveille
                                                                            miraculeusement. Il sort de l’hôpital, même s’il n’est pas
seront plus les mêmes. S’il risque parfois de tomber dans
                                                                            complètement guéri et souffre de perte de mémoire.
un sentimentalisme excessif, L’Autre continent évite                        Ils partent à Taïwan pour se marier, mais les troubles
la banalité et parvient à fasciner grâce à un montage qui                   mentaux d’Olivier les empêchent de conduire une vie
combine habilement réel et onirisme, et à la performance                    normale. Enfin, Maria, exaspérée, décide de le quitter.
admirable de Déborah François et Paul Hamy. _M.G.                           Olivier continue à lui écrire des lettres.

                         Visa d’exploitation : 134171. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 100 copies.

                                                                       5                                              © les Fiches du Cinéma 2019
Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
L’Enseignante (Die Lehrerin)
de Denis Dercourt

À Berlin, un migrant libanais désireux d’apprendre                                                                          FABLE SOCIALE
                                                                                                               Adultes / Adolescents sociale
la langue allemande suit les cours d’une enseignante
aux méthodes radicales. Dans cette fable sur l’accueil                     u GÉNÉRIQUE
faussement bienveillant que nous réservons aux                             Avec : Julia Franzke (l’enseignante), Olivier Dovergne (le migrant).
étrangers, la monotonie prend le pas sur la cruauté.                       Scénario : Denis Dercourt Images : Manfred Berg Montage : Maria
                                                                           Wedding Musique : Jérôme Lemonnier Son : Wihelm Sannino
                                                                           Production : Cinema Alexanderplatz Producteur : Jan Waterloo
                                                                           Distributeur : Vendredi Distribution.

                                                 © Cinema Alexanderplatz

      H       Une alternance de gravures représentant
des tortures médiévales et d’intertitres expliquant
la pédagogie actionnelle prônée par le Cadre Européen Commun
de Référence pour les Langues (CECRL) : dès l’ouverture,                                    77 minutes. Allemagne, 2019
le parallèle est explicite. À partir d’une politique bien réelle,                            Sortie France : 5 juin 2019
le film de Denis Dercourt nous entraîne dans un conte cruel,
                                                                           u RÉSUMÉ
à la manière des frères Grimm. L’enseignante évoquée
                                                                           Un homme raconte un conte sanglant à un inconnu dans
dans le titre prend les préconisations européennes à                       le métro berlinois. Un mois plus tôt, ce même homme,
la lettre. Le migrant doit devenir acteur de ses apprentissages            Hector, un migrant libanais, se rend chez une enseignante
? Soit. Cette logique sera poussée jusqu’à l’extrême.                      pour apprendre l’allemand. Elle lui explique sa méthode,
Elle gravera dans sa chair les mots pour dire la douleur,                  la pédagogie actionnelle : le migrant doit faire lui-
le désir, la culpabilité, la mort. Hector, lui, se soumet                  même l’expérience de tout ce qu’il apprend pour mieux
docilement à cette méthode on ne peut plus radicale.                       le mémoriser. Pour la première leçon, elle lui propose de
Sans manifester de surprise particulière, il se laisse réduire             tuer quelqu’un pour venger la mort de son chien écrasé
                                                                           par une voiture. Ils se rendent au parc, où un jogger
à un asservissement absolu. Le décalage entre le cadre
                                                                           est ensuite retrouvé mort. Lors de la deuxième leçon,
réaliste et le comportement déroutant des personnages,                     l’enseignante drogue Hector pour lui apprendre la douleur.
qui agissent comme si tout était parfaitement normal,                      Il est hospitalisé. Quand il rentre chez lui, la police surveille
commence par fonctionner : on est séduit par                               son domicile.
l’humour noir de la première leçon, le ton pédagogue                       SUITE... Il se réfugie chez l’enseignante, qui l’installe dans
qu’emploie l’enseignante lorsqu’elle énumère                               sa cave, où elle le nourrit de viande crue et lui fait apprendre
les différentes armes possibles pour commettre                             500 noms d’animaux en lui demandant de s’imaginer
un meurtre et les victimes potentielles. Mais parce que                    dans la peau de chacun d’eux. Un jour, Hector embrasse
le film commence fort, il est difficile ensuite de surenchérir,            l’enseignante et la mord jusqu’au sang. En colère, elle lui dit
et l’on tombe assez rapidement dans une certaine monotonie.                qu’il est libre de partir. Il sort, mais après avoir été agressé
Certes, Hector se soumet de plus en plus, jusqu’à remplacer                dans la rue, il revient à la cave. L’enseignante l’emmène
                                                                           alors sur le lieu où le jogger a été trouvé, afin qu’il éprouve
en quelque sorte le chien de l’enseignante, qui n’apprécie
                                                                           la culpabilité, et le félicite d’être un si bon élève. Retour au
que la compagnie des animaux. Mais à cause de cette perte                  métro : après avoir raconté son conte à l’inconnu, Hector
de rythme, le film ne parvient pas à être aussi dérangeant                 le suit, le tue et le mange. Enfin, l’enseignante l’emmène faire
qu’il le voudrait, et nous laisse avec l’impression paradoxale             une promenade en barque et lui fait boire du champagne
d’être à la fois trop littéral et pas assez clair. _J.L.                   empoisonné pour lui apprendre un dernier mot : la mort.

                              Visa d’exploitation : en cours. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                                      6                                               © les Fiches du Cinéma 2019
Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
Être vivant et le savoir
de Alain Cavalier

La maladie d’une amie proche fait dévier le cours de                                                             ESSAI DOCUMENTAIRE
                                                                                                                  Adultes / Adolescents
l’habituel journal de bord filmé d’Alain Cavalier, qui
livre ici, par petites touches intimistes et chaleureuses,                u GÉNÉRIQUE
une bouleversante réflexion sur la fin de vie. Un chef-                   Avec : Emmanuèle Bernheim, Teymour Al Attar, Jean-Louis Faure,
d’œuvre à la fois trivial et profond.                                     Saïd Shayestehkia, Alexandre Badaoui, Alain Cavalier.
                                                                          Scénario : Alain Cavalier Images : Alain Cavalier Montage :
                                                                          Alain Cavalier Son : Aliocha Fano-Bernheim et Florent Lavallée
                                                                          Production : Camera One Coproduction : Arte France Cinéma
                                                                          Producteur délégué : Michel Seydoux Distributeur : Pathé.

                                                        © Camera One

                                                                                            82 minutes. France, 2019
   HHH        … Et Alain Cavalier continue de filmer,                                       Sortie France : 5 juin 2019
inlassablement, dans un geste qu’on imagine continu,
à la fois compulsif et thérapeutique. Il filme un couple                  le support d’une réflexion profonde et poignante
de pigeons qui jouent, des courges, de tailles et de formes               sur la mort (celle des êtres humains, mais
différentes, en état plus ou moins avancé de décomposition,               aussi celle des animaux et des végétaux), et sur
la photo d’une amie disparue, en l’honneur de laquelle                    la façon de l’accueillir de la façon la plus digne et
il allume une bougie. Les images se succèdent, comme                      naturelle possible. D’autant que dans le film qu’il
autant de moments de vie et de réflexions intimes,                        avait originellement prévu de faire, Alain Cavalier
accompagnées par la voix, toujours plus chaleureuse                       était censé jouer le père, mourant, d’Emmanuèle
et caressante, du cinéaste. Une voix espiègle, curieuse,                  Bernheim... La maladie de cette dernière permet
calme et envoûtante, qui compose une musique entêtante,                   au cinéaste à la fois de se remémorer les êtres chers
se faisant tour à tour sous-titre, commentaire, analyse                   déjà disparus, et de se préparer à son propre départ
poussée ou simple remarque, anodine ou grave, mais                        qu’il semble deviner, sinon imminent, du moins
toujours en prise, en résonance, avec les images filmées                  prochain. Tout le génie d’Alain Cavalier est de parvenir
- comme si la voix du cinéaste était, tout autant que son                 à ne pas aborder son sujet frontalement, et de préférer,
regard, un véritable outil d’appréhension du monde.                       à une succession étouffante de visites à l’hôpital,
Contrairement à certains de ses précédents films, nul                     laisser sa caméra divaguer au gré de ses rêveries
flirt avec la fiction dans Être vivant et le savoir, mais plutôt          et de ses angoisses. Ainsi, la réparation d’une statue
un journal de bord, chronologique, de sa collaboration avec               du Christ par un artisan, la lecture d’un texte ancien,
son amie Emmanuèle Bernheim, auteure, entre autres, du                    ou simplement les tentatives d’un pigeon blessé pour
roman Tout s’est bien passé, dont ils avaient prévu de tirer              voler à nouveau, constituent une mosaïque d’images,
un film dans lequel ils joueraient tous les deux. La découverte           qui font surgir autant d’émotions variées, à travers
du cancer de la romancière va perturber l’avancée du projet,              lesquelles le cinéaste nous invite à naviguer - à
et transformer en profondeur l’objet filmique qu’Alain                    vue, cela va de soi. Et son invitation est tellement
Cavalier nous donne finalement à voir. Car Être vivant                    ouverte, à la fois pudique et généreuse, qu’on se
et le savoir, de simple chronique quotidienne, devient un                 prend rapidement à laisser dériver nos pensées
médium lui permettant d’accompagner, à sa manière,                        de concert avec les siennes, et que les images
la maladie de son amie, dont il suivra, une à une,                        surgies de nos souvenirs viennent se mêler à celles
les différentes étapes. Ainsi, le film se teinte petit à petit            projetées sur l’écran, dans une communion que seuls
d’une tonalité mélancolique et angoissée, et devient                      les grands films savent faire naître. _F.B-P.

                          Visa d’exploitation : 149398. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 45 copies.

                                                                  7                                              © les Fiches du Cinéma 2019
Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
Face au vent (Con el viento)
de Meritxell Collel Aparicio

Danseuse à Buenos Aires, Monica, 47 ans, rentre en                                                                     DRAME FAMILIAL
                                                                                                                    Adultes / Adolescents
Espagne où son père vient de mourir. Entre sa mère,
sa sœur et sa nièce, elle va tenter de recoller aux vingt                u GÉNÉRIQUE
années qu’elle a vécues loin de là. Un film d’ombres et                  Avec : Mónica García (Mónica), Concha Canal (Pilar), Ana Fernández
de lumières saisissant comme un tableau du Caravage.                     (Elena), Elena Martín (Berta), Xavier Martín (Pep), Paquita Pérez
                                                                         (Paquita), Rakhal Herrero (Rakhal), Florencio Ortega (Florencio),
                                                                         José Mari Martín (José Mari), José Mari Crespo (Crespo).
                                                                         Scénario : Meritxell Collel Aparicio Images : Julián Elizalde et
                                                                         Aurélien Py Montage : Ana Pfaff Scripte : Laura Arrom Son :
                                                                         Verónica Font Production : Polar Star Films Coproduction :
                                                                         Paraiso Productions et Habitación 1520 Producciones
                                                                         Producteur : Carles Brugueras Coproducteurs : Lorena
                                                                         Muñoz, Nathalie Trafford, Maximiliano Dubois et Benjamín Avila
                                                                         Productrice associée : Belén Sánchez Distributeur : La Huit
                                                                         Production / Paraiso Production.

                                                    © Polar Star Films

   HHH        Pour son premier long métrage de fiction,
dédié à ses grands-parents, la documentariste catalane
Meritxell Colell Aparicio crée une œuvre crépusculaire
d’une profondeur pénétrante où, de souvenirs en confidences                   108 minutes. Espagne - France - Argentine, 2018
et d’objets en paysages, s’entremêlent le temps perdu,                                  Sortie France : 5 juin 2019
le temps qui renaît et le temps qui s’enfuit à l’ombre de
                                                                         u RÉSUMÉ
l’immuable mesa pesant de toute sa masse sur la ferme
                                                                         Alors qu’elle répète à Buenos Aires sur une chorégraphie
que les années ont figée. Les silences, les gros plans,                  de Pina Bausch, Monica, 47 ans, reçoit d’Espagne
le rythme distendu, les rues désertes, la rudesse du climat,             un appel de sa sœur Elena. Leur père se meurt. Quand
les lumières façon Le Caravage... rendent admirablement                  elle arrive dans la ferme située au nord du pays, il est
prégnante la nostalgie planant sur ces douloureuses                      décédé. Pilar, la mère, décide de vendre la bâtisse.
retrouvailles familiales, empreintes de rancœur pour                     Absente depuis vingt ans, Monica s’installe à ses côtés
Elena et de culpabilité chez Monica. Les convulsions                     le temps qu’une transaction se réalise. Tandis qu’un puissant
chorégraphiques de Monica jaillissent comme autant de                    vent d’automne souffle sur les environs et dans les rues
                                                                         désertes, Monica redécouvre les plaisirs simples de son
répons désespérés défiant la pesanteur mortifère d’un
                                                                         enfance : la récolte des pommes de terre, le parfum
monde et d’une époque qui s’éteignent. Les scènes où                     d’une soupe, la coupe du bois de chauffe, le jardinage... et
elle se laisse envahir par l’esprit des lieux en frôlent                 même le bonheur de se faire offrir par sa mère un pull de laine
la transe chamanique. La réalisatrice nous invite ainsi à                fait main. Elle renoue aussi avec sa nièce Berta, fille d’Elena.
ne pas gâcher la vie qui défile. Rien ne remplacera jamais               SUITE... Un couple d’acheteurs semble intéressé. Comme
le vécu et le sensible. En atteste ce subtil moment où Berta             pour rattraper le temps perdu, Monica restaure le vélo
veut conserver les vieux sabots que Pilar souhaite jeter                 de son père, prend soin de sa mère, joue aux cartes avec
car devenus inutiles. Celui où Monica veut dérisoirement                 elle. Danse à l’écart de tous. Affronte le vent de face.
repeindre le vélo de son père. Et plus encore quand                      Un jour, Elena lui reproche ses prévenances actuelles
Elena reproche à Monica d’avoir été absente alors que                    alors qu’elle l’a laissée s’occuper seule de leur père
leur père souffrait d’Alzheimer. C’est en affrontant                     atteint d’Alzheimer. L’hiver arrive. Monica se réconcilie
                                                                         avec Elena et encourage Berta, qui rêve d’aller vivre à
la puissance du vent que Monica se régénérera, tout comme
                                                                         Berlin ou à Lisbonne. Le couple décide d’acheter. Il faut
le printemps reverdira le plateau. Commencé dans le noir                 choisir les meubles à déménager et les objets à jeter. Après
et le bleu, le film pourra dès lors s’achever dans les lueurs            un dernier regard avec sa mère sur le paysage de son
rouges, comme pour signifier que le grand œuvre s’est                    enfance, Monica se livre à une ultime danse dans la grange
accompli en elle. _G.To.                                                 puis sur le plateau balayé par le vent

                              Visa d’exploitation : 147840. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                                    8                                              © les Fiches du Cinéma 2019
Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
Ma (Ma)
de Tate Taylor

Souffre-douleur de sa classe à l’adolescence, Sue Ann                                                                              THRILLER
                                                                                                                        Adultes / Adolescents
propose aux enfants de ses anciens camarades de lycée
qui l’ont humiliée, de venir faire la fête chez elle.                       u GÉNÉRIQUE
Oppressant dans sa première moitié, Ma perd ensuite                         Avec : Octavia Spencer (Sue Ann), Diana Silvers (Maggie), Juliette
en puissance par manque de prise de risques.                                Lewis (Erica), McKaley Miller (Haley), Corey Fogelmanis (Andy),
                                                                            Gianni Paolo (Chaz), Dante Brown (Darrell), Tanyell Waivers (Genie),
                                                                            Dominic Burgess (Stu), Heather Marie Pate (Ashley), Tate Taylor
                                                                            (l’agent Grainger), Luke Evans (Ben), Margaret Fegan (Stephanie),
                                                                            Missi Pyle (Mercedes), Allison Janney (le docteur Brooks), Kyanna
                                                                            Simone Simpson (Sue Ann, jeune), Matthew Welch (Ben, jeune),
                                                                            Skyler Joy (Erica, jeune), Nicole Carpenter (Mercedes, jeune).
                                                                            Scénario : Scorry Landes Images : Christina Voros Montage :
                                                                            Jin Lee et Lucy Donaldson 1re assistante réal. : Cleta Ellington
                                                                            Scripte : David Bush Musique : Gregory Tripi Son : Robert C.
                                                                            Bigelow et Laura Wiest Costumes : Megan Coates Effets visuels :
                                                                            Gregor Punchatz Dir. artistique : Marc Fisichella Maquillage :
                                                                            Karri Farris et Latoya Henderson Casting : Kerry Barden et Paul
                                                                            Schnee Production : Blumhouse et Wyolah Producteurs : Jason
                                                                            Blum, Tate Taylor et John Norris Producteurs exécutifs : Couper
                                                                            Samuelson, Jeanette Volturno, Octavia Spencer et Robin Mulcahy
                                                           © Blumhouse      Fisichella Coproducteurs : Beatriz Sequeira, Ryan Turek et Cleta
                                                                            Ellington Distributeur : Universal Pictures.
     H        Trois ans après La Fille du train, Tate Taylor
poursuit avec Ma son incursion dans le genre du thriller,
en flirtant avec les codes du film d’horreur. Dans ce nouveau
long métrage, le réalisateur de La Couleur des sentiments                                    99 minutes. États-Unis, 2019
(2011) a choisi le décor isolé d’une petite ville de l’Ohio, où tout                          Sortie France : 5 juin 2019
le monde se connaît et où le passé ne s’oublie jamais vraiment.
                                                                            u RÉSUMÉ
Sans être un réel huis clos, Ma est néanmoins imprégné,
                                                                            Maggie et sa mère Erica quittent la Californie pour revenir
dans sa première partie, d’une ambiance oppressante                         vivre dans la ville où a grandi cette dernière, dans l’Ohio.
et claustrophobique, proche de celle du Get Out de Jordan                   Dans son nouveau lycée, Maggie fait la connaissance de
Peele. Le personnage trouble et inquiétant de Sue Ann                       Hailey, Andy, Stu et Darrell, qui lui proposent de venir faire
alias Ma, interprété par Octavia Spencer, s’y meut à                        la fête avec eux. Pour se procurer de l’alcool, ils se postent
merveille, animé par un besoin de vengeance larvé depuis                    devant une supérette et Maggie demande à une femme,
de nombreuses années. Les rouages du traumatisme prêt                       Sue Ann, si elle veut bien leur acheter des bouteilles. Elle
à refaire surface se mettent en place, non sans rappeler                    accepte et, quelques jours plus tard, leur achète à nouveau
                                                                            de l’alcool et les invite à boire dans son sous-sol inoccupé.
l’atmosphère de Carrie, autant pour son univers que pour
                                                                            Seule condition : ils ne doivent jamais monter chez elle.
ses thématiques. Pris dans la machination de Sue Ann,                       L’endroit devient le repaire des lycéens de la ville, qui
on est dans l’attente d’une véritable montée en puissance                   la surnomment Ma.
et d’une fin façon slasher. Un dénouement sanglant, qui aurait
                                                                            SUITE... Lors d’une fête, Hailey et Maggie se rendent chez
vu la mort brutale d’adolescents, auquel Tate Taylor n’était                Ma pour aller aux toilettes. Elles entendent Ma parler à
visiblement pas prêt, puisqu’en réalité, (presque) rien de tout             quelqu’un avant qu’elle ne les surprenne et les chasse.
cela n’arrive. De plus en plus avare en sensations fortes au fil            Lorsque Hailey perd sa bague chez Ma, elle et Maggie se
des évènements, Ma ne tient pas la distance, contrairement                  rendent chez elle en son absence. Elles découvrent que
à sa promesse initiale. Tout au plus sommes-nous gratifiés                  Ma était au lycée avec leurs parents. Elles sont surprises
de quelques rares jump scares, qui donnent l’impression                     par Genie, la fille de Ma, qui n’a pas le droit de sortir de
d’être mis en scène pour remplir consciencieusement                         chez elle. Elles s’enfuient. Maggie ne veut plus retourner
                                                                            chez Ma et interdit à Andy, son petit ami, d’y aller. Au cours
le cahier des charges du film d’horreur. Après une révélation
                                                                            d’une fête, Ma envoie une vidéo à Maggie, sur laquelle
expédiée des motivations de Sue Ann, Ma s’achève finalement                 celle-ci voit ses amis s’amuser dans son sous-sol. Inquiète,
sur l’accomplissement plus que tiède de la fameuse                          elle se rend chez Ma, mais cette dernière les drogue.
vengeance de son personnage principal. Comme un air de                      À leur réveil, ils sont attachés. Grâce à Genie, ils arrivent à
“tout ça pour ça”. _A.Jo.                                                   s’échapper mais la maison prend feu et Ma meurt.

                 Visa d’exploitation : en cours. Interdit aux moins de 12 ans. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                                    9                                                  © les Fiches du Cinéma 2019
Parasite - LE MENSUEL - Les Fiches du Cinéma
Palmyre [Tadmor]
de Monika Borgmann et Lokman Slim

Dans une école désaffectée près de Beyrouth,                                                                            DOCUMENTAIRE
                                                                                                                    Adultes / Adolescents
d’anciens détenus politiques libanais reconstituent
la sinistre prison de Palmyre et content avec sobriété                   u GÉNÉRIQUE
les sombres années qu’ils y ont passées, rejouant leur                   Avec : Ali Abou Dehn, Raymond Bouban, Rachid Mirhoum, Moussa
quotidien sous l’œil pudique de la caméra.                               Saab, Saadedine Saifeddine, Elias Tanios, Moustafa Shamseddine,
                                                                         Jalal Abdelrahim, Darwish Abdallah Ahmad, Fouad Abou Ghader,
                                                                         Mahmoud Ahmad, Marwan Assaf, Camille Bawaridi, Houssein
                                                                         Daishoum, Jamil Dib, Sa’ib Hamoud, Ibrahim Harshi, Mahmoud
                                                                         Koja, Ali Qadri, Ali Shahin, Jamal Shahrani, Yahya Zahra.
                                                                         Scénario : Monika Borgmann Images : Talal Khoury Montage :
                                                                         Olivier Zuchuat Musique : Pierre Jodlowski Son : Rawad Hobeika,
                                                                         Rayan Obeydine et Chadi Roukoz Production : Umam Productions,
                                                                         Les Films de l’Étranger et GoldenEggProduction Production
                                                                         associée : RTS, SRG SSR et Unlimited Producteurs : Philippe Avril,
                                                                         Monika Borgmann et Gabriella Bussmann Producteurs associés :
                                                                         Serge Gordey et Anne Grange Distributeur : Vendredi Distribution.

                                                       © Umam Prod.

                                                                            103 minutes. France - Liban - Qatar - Suisse - Émirat
    HH        Un groupe d’hommes s’affaire dans un                              Arabes Unis, 2016. Sortie France : 5 juin 2019
bâtiment délabré. Ils percent des trous dans le sol, fixent
des barreaux aux fenêtres, coupent des lanières dans                     justifiant toutes les humiliations, tous les sévices.
des blocs de mousse… Des intertitres viennent peu à peu                  Ils détaillent les stratégies désespérées qu’ils
éclairer ces images intrigantes, offrant un contexte aux                 inventaient pour survivre, envers et contre tout
gestes énigmatiques exécutés sous nos yeux : ces hommes,                 - l’un conversant avec les insectes, l’autre mémorisant
ce sont d’anciens détenus de Palmyre (“Tadmor” en                        le Coran et refusant de donner à ses bourreaux
arabe), l’une des prisons syriennes où furent envoyées                   la satisfaction de crier sous leurs coups. Sur les scènes
d’innombrables personnes durant la guerre civile qui sévit au            de reconstitution, en revanche, pas de commentaire :
Liban entre 1975 et 1990. À la suite du soulèvement populaire            le film établit une nette distinction entre ce qui est dit
contre le régime de Bachar Al-Assad en 2011, ces rescapés                et ce qui est montré. Le principe est plutôt bon, mais
ont décidé de sortir du silence et de raconter leur expérience           si les témoignages frappent généralement par leur
dans cette geôle qui comptait parmi les plus terribles                   puissance, les scènes “jouées”, elles, ne sont pas
du pays. Pour ce faire, ils ont choisi de la recréer dans                toujours parlantes pour le spectateur. On ne doute
une école abandonnée non loin de Beyrouth et de se mettre                pas qu’il s’agisse là d’une démarche cathartique,
en scène, incarnant tantôt leur propre rôle, tantôt celui de             nécessaire au processus de réappropriation de leur
leurs bourreaux. Les préparatifs des acteurs - reproduisant              histoire entrepris par ces hommes, mais on peine
le décor, fabriquant les accessoires - font office de prologue           parfois à saisir la pleine signification de ce que l’on
à cette reconstitution aux vertus thérapeutiques. S’ensuit               voit. Certaines scènes sont éloquentes - le partage
une série de scènes du quotidien carcéral, entrecoupées                  d’un œuf, minutieusement tranché en parts minuscules
de récits livrés par les détenus dans un cadre neutre : assis            à l’aide d’un fil, et réparti à l’aveugle comme on
sur une chaise placée au centre d’une pièce aux murs gris,               partagerait une galette des rois -, mais à d’autres
dépouillée à l’extrême, ils témoignent des horreurs qu’ils               moments, en dépit de son ambition immersive,
ont vécues. Pas de larmes, pas de pathos, mais au contraire              le dispositif nous tient à distance, et l’on se prend à
une simplicité, et parfois même un humour, désarmants.                   attendre le prochain témoignage. Malgré l’inégale
Ils racontent les repas, les inspections, les nuits, la douche           efficacité de ses scènes, le film, dans son extrême
- à laquelle beaucoup ne survivaient pas -, les tortures                 sobriété, rend un digne hommage à la souffrance et au
toujours plus inventives, la mort omniprésente, la peur                  courage de ces hommes qui ont attendu si longtemps
qui régnait nuit et jour. Ils dévoilent le fonctionnement                de mettre des mots et des images sur ce qu’ils ont
de la prison, la hiérarchie, les rôles imposés aux détenus,              vécu. _J.L.

                             Visa d’exploitation : en cours. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                                10                                                 © les Fiches du Cinéma 2019
Parasite (Gisaengchung)
de Bong Joon Ho

Dissimulant leurs identités, les membres d’une famille                                                                   THRILLER SATIRIQUE
                                                                                                                         Adultes / Adolescents
pauvre entrent au service d’un foyer de la haute
bourgeoisie. Retour au sommet pour Bong Joon Ho qui,                       u GÉNÉRIQUE
avec cette farce tragique rejouant la lutte des classes                    Avec : Song Kang Ho (Ki-taek), Lee Sun Kyun (Monsieur Park), Cho
en milieu domestique, n’a pas volé sa Palme d’or.                          Yeo Jeong (Yeon-kyo Park), Choi Woo Shik (Ki-woo), Chang Hyae
                                                                           Jin (Chung-sook), Park So Dam (Ki-jung), Lee Jung Eun (Moon-
                                                                           gwang), Jung Hyeon Jun (Da-song Park), Jung Ziso (Da-hye Park),
                                                                           Park Seo-joon (l’ami de Ki-woo), Andreas Fronk (le père allemand),
                                                                           Jung Ik-han, Lee Joo-hyung, Lee Ji-hye, Park Keun-rok.
                                                                           Scénario : Bong Joon Ho et Han Jin Won Images : Hong Kyung
                                                                           Pyo Montage : Yang Jinmo Musique : Jung Jae Il Son : Choi Tae
                                                                           Young Décors : Lee Ha Jun Costumes : Choi Se Yeon Effets
                                                                           spéciaux : Hong Jeong Ho Effets visuels : Park Kyung-soo et Jung
                                                                           Do-ahn Maquillage : Kim Seo Young Production : Barunson E&A
                                                                           Pour : CJ Entertainment Producteurs : Kwak Sin Ae, Moon Yang
                                                                           Kwon et Jang Young Hwan Producteurs exécutifs : Miky Lee et
                                                                           Heo Min Heoi Coproducteur : Lee Joo-hyung Distributeur : The
                                                                           Jokers Films.

                                                        © Barunson E&A

  HHHH        Home invasion d’un genre singulier (pas besoin
de mettre le pied dans la porte : l’invasion, insidieuse, est
préparée, puis mise en scène, avec une minutie comparable
aux préparatifs d’un casse), Parasite rejoue la lutte des classes                         131 minutes. Corée du Sud, 2019
en milieu domestique, façon guerre de position et partie de                                  Sortie France : 5 juin 2019
cache-cache confinant çà et là à un minimalisme géométrique,
                                                                           u RÉSUMÉ
les pauvres s’évanouissant dans (ou surgissant d’un) rectangle
                                                                           Ki-taek, Yeon-Kyo et leurs enfants, Ki-Jung et Ki-Woo, tous au
d’obscurité, celui d’une porte conduisant à la cave (peuple                chômage, se partagent un modeste sous-sol. Un jour, Ki-Woo,
du sous-sol contre gens de la surface : Parasite réorchestre               par l’entremise d’un ami, se fait embaucher comme professeur
la société à étages de l’Us de Jordan Peele). Jusqu’à ce que               particulier auprès de Da-hye, fille adolescente de M. et Mme
les éléments se déchaînent : que l’ordre social soit mis à mal,            Park - riches bourgeois de Séoul - et sœur du jeune Da-song.
ou que soient ajourés les rapports de force qui le fondent,                Il recommande aux Park de recourir aux services de Ki-Jung
et dès lors la tempête inonde les entresols, le sang coule,                pour enseigner le dessin à Da-song. Ki-jung tait son lien
les toilettes débordent. Car c’est bien l’esprit du film que               familial avec Ki-Woo. Puis, le frère et la sœur s’arrangent
                                                                           pour faire renvoyer le chauffeur et la gouvernante des
de mettre en évidence, en une économie de plans bluffante
                                                                           Park et faire embaucher, à leur place, Ki-taek et Yeon-Kyo.
(le mari rentre à la maison, aussitôt les petits chiens accourent,
la gouvernante aussi ; ce sont deux plans distincts, mais ils font         SUITE... Un soir que les Park sont partis en week-end, et que
                                                                           Ki-taek et les siens profitent de la maison, l’ancienne
l’objet de travellings de même valeur et mettent sur un pied
                                                                           gouvernante sonne à la porte : elle vient nourrir son époux,
d’égalité animaux de compagnie et personnel d’intérieur), ces              Moon-gwang, qui, depuis des années, vit caché au sous-sol.
rapports-là, et procéder, si ce n’est à leur inversion, à la brève         Découvrant que Ki-taek et les siens forment une famille,
revanche des sans-grades sur les bourgeois - envisagée comme               la gouvernante et son époux se font menaçants. Tandis que
une remontée d’égout -, sans rien taire, toutefois, de la part de          les Park annoncent leur retour à l’improviste, la famille de Ki-
servitude volontaire qu’implique tout rapport de classe. D’Us              taek assomme les gouvernants et les enferme à la cave puis,
à ce Parasite d’une maîtrise insigne, et ponctué de trouvailles            à l’exception de Yeon-Kyo, se cache. Une tempête éclate.
burlesques, un fil a été tendu : il s’agit, classe contre classe,          L’appartement de Ki-taek est inondé. Le lendemain, on fête
                                                                           l’anniversaire de Da-song dans le jardin des Park. Ki-Woo
famille contre famille, d’identifier son parasite - mais aussi
                                                                           descend à la cave pour achever les gouvernants. La gouvernante
de se reconnaître en tant que tel -, et de rappeler que c’est              est tuée. Moon-gwang se libère et, dans le jardin, commence à
encore à l’extérieur que les prolos jouent le mieux. À domicile,           poignarder des invités, tue Ki-Woo, puis s’en prend à M. Park.
la bourgeoisie est prenable : le terrain est trop grand, l’équipe          Mais Chung-sook le tue. Puis Ki-teak tue M. Park. Plus tard.
trop sûre de sa possession de balle. _T.F.                                 Ki-taek, jamais retrouvé, vit reclus dans la cave des Park...

                    Visa d’exploitation : en cours. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD Atmos. 150 copies (vo).

                                                                   11                                                © les Fiches du Cinéma 2019
Les Particules
de Blaise Harrison

Drôle de film protéiforme, terrassant et badin, que ces                                                                CHRONIQUE FANTASTIQUE
                                                                                                                           Adultes / Adolescents
Particules, qui oscille sans cesse entre mouvement
fantastique et décélération naturaliste, sans trancher                           u GÉNÉRIQUE
- épousant ainsi avec brio les errances transitoires de                          Avec : Tomas Daloz (P.A.), Néa Lüders (Roshine), Salvatore
ces héros velléitaires, mais résolus à habiter l’Espace.                         Ferro (Mérou), Léo Couilfort (Cole), Nicolas Marcant (JB), Emma
                                                                                 Josserand (Léa), Johana Untersinger (Johana), Valder Lärka
                                                                                 (Thomas), Liam Gras (Adam), Barbara Slusarz (Lise), Franck
                                                                                 Philippe (Franck), Richard Kellog (le physicien), Robin Hauser
                                                                                 (le rappeur).
                                                                                 Scénario : Blaise Harrison et Mariette Désert Images : Colin
                                                                                 Lévêque Montage : Isabelle Manquillet et Gwénola Héaulme
                                                                                 1er assistant réal. : Lucas Loubaresse Musique : Èlg Son : Marc
                                                                                 von Stürler Costumes : Isa Boucharlat Effets visuels : Thibault
                                                                                 Martegani Casting : Blaise Harrison et Elie Grappe Production :
                                                                                 Les Films du Poisson et Bande à Part Films Coproduction :
                                                                                 Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma et RTS Producteurs : Estelle
                                                                                 Fialon et Lionel Baier Productrices associées : Yaël Fogiel
                                                                                 et Laetitia Gonzalez Dir. de production : Tatiana Bouchain
                                                                                 Distributeur : Les Films du Losange.

                                   © Les Films du Poisson - Bande à Part Films

   HHH       Les Particules, ce sont celles sous les pieds
empêchés qui filent à toute allure, dans un simili big-bang,
accélérées par le CERN. Les Particules, ce sont aussi des
adolescents, vivotant dans le pays de Gex, non-lieu à la frontière                             98 minutes. France - Suisse, 2019
franco-suisse, zone-tampon, ni champignonnière péri-                                              Sortie France : 5 juin 2019
urbaine, ni paradis montagnard. Les Particules, c’est donc
                                                                                 u RÉSUMÉ
un film de tension, de pôles, c’est Kiyoshi Kurosawa qui
                                                                                 PA, jeune adolescent vivant à la frontière franco-suisse, s’endort
permute avec Les Beaux gosses, c’est une adolescence qui -                       dans un car scolaire. Il se fait réveiller par Mérou, son ami
cauchemar suprême - perd son apparat transitoire, c’est                          d’enfance. Mérou est extraverti, PA timide. Après le lycée, PA fait
la mort tapie dans la politesse, et c’est le désir oblique qui                   un tour de vélo, près de l’accélérateur de particules du CERN,
naît dans les “no adult’s land” pavillonnaires. Dès lors, le film                et ressent d’étranges vibrations. Il visite ensuite, avec sa classe,
est nécessairement souterrain, dramatiquement (les visions                       ce fameux accélérateur. Alors qu’avec ses amis, ils se rendent en
où PA, le héros voit se dyn-habiter l’espace, avec la douleur                    soirée, il aperçoit Mérou en train d’embrasser la fille qu’il
sourde de celui qui “voit mieux”), géographiquement, avec ses                    convoitait. Les cours continuent. Un jour où PA et ses amis se
                                                                                 rendent chez leur dealer, celui-ci leur conseille de prendre des
maisons de plain-pied qui nient toute aspiration verticale, et
                                                                                 champignons. Ils refusent, puis acceptent. Au lycée, PA fait
même discursivement - comment sur-vivre dans cet espace                          la connaissance d’une élève franco-allemande, Roshine,
du monde si calme et si enclin au chaos, où sous le humus de                     victime d’une étrange maladie inconnue.
la classe moyenne triste se niche la recréation des conditions
                                                                                 SUITE... Ils flirtent, et PA lui avoue avoir pris très longtemps des
d’existence même de l’univers. À ce petit jeu vertigineux                        médicaments pour soigner son hyper-activité. PA voit de plus
d’échelles, Blaise Harrison parvient à faire naître la beauté                    en plus de phénomènes étranges, quand la bande de quatre amis
d’un rien, comme dans ces magnifiques trouées rohmériennes                       partent camper près d’une source. Ils prennent des
où l’amour est avant tout cette zone où les cheveux de l’être                    champignons, et PA, victime d’un mauvais trip, voit Mérou
aimé se mêlent au duvet naissant de la joue (belle métaphore                     partir en fumée de particules. Le lendemain, Mérou a disparu.
d’un Beau qui n’est bizarre que tant qu’il est point aveugle,                    Ils sont interpellés par la police, persuadés qu’ils savent où
comme l’adolescence), et à terrifier avec peu - une migraine,                    est Mérou. PA regarde la maison de Mérou sur Google Maps :
                                                                                 il n’y voit rien. Mais, quand il tourne le dos, l’écran montre
une apparition, un chasseur, un arbre tortueux. Les Particules,
                                                                                 Mérou à la fenêtre. PA voit alors une lueur. Il avance dans
c’est donc aussi, et surtout, des jeunes qui cherchent enfin                     sa direction : c’est un arbre dont émane une lueur étrange.
l’au-delà oblatif, cet horizon que l’on atteint lorsque enfin on                 Il rejoint Roshine, qui lui annonce qu’elle doit repartir
arrête de s’esquiver, ce réel jamais si vivace que lorsqu’on                     en Allemagne. Ils se rendent près de l’arbre, s’enlacent, et
se cogne contre ses murs putréfiés. _C.D.                                        disparde particules.

                          Visa d’exploitation : 148013. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD. 62 copies.

                                                                           12                                               © les Fiches du Cinéma 2019
Rencontre avec Blaise Harrison
                 “Je cherche dans le réel la fiction
                       que je veux raconter”

Le film se déroule dans un espace bien défini, reconnaissable,           la musique qu’ils écoutaient, sur leurs peines, leurs joies,
le pays de Gex en Haute-Savoie, qui est le lieu de votre enfance.        leurs passions... Le casting était un moment d’échange où
Est-ce que, avec Les Particules, vous avez voulu raconter                je voulais à la fois vérifier s’ils pouvaient se fondre dans
un habitat avant d’en présenter les habitants ?                          les personnages que j’imaginais, et en même temps sentir
Je pense que les deux sont liés. J’avais envie de faire un film          une adolescence différente de celle parisienne, dans son
dans ce territoire depuis très longtemps, je l’avais déjà                rapport presque anachronique au monde. C’est tout le projet :
photographié et filmé à de nombreuses reprises, je passais des           partir du réel pour l’injecter dans la fiction que je tourne. Tous
journées entières à photographier la région en super 8. C’est            les lieux du film sont des lieux où, potentiellement, ils iraient
un lieu qui me fascine, pour de multiples raisons. Je voulais            - pas mes personnages, mais les jeunes que j’ai rencontré lors
y parler de mon adolescence - âge que j’aime filmer, et je me            du casting. D’ailleurs, si possible, je voulais que les acteurs
suis donc inspiré de mes souvenirs dans ces lieux particuliers.          du film tournent dans leurs vraies maisons.
Au-delà d’un attachement spatial, il y a donc aussi                      C’est donc ici la fiction qui s’infiltre dans le tissu du réel, plus
une représentation temporelle, une période de                            que l’inverse.
l’existence représentée avec un sens du détail quasi-                    Oui, sauf qu’il y a quand même un scénario, une histoire à
anthropologique...
                                                                         raconter, et j’y tiens. Je cherche dans le réel la fiction que
Une période, mais pas une époque. Je voulais que le film puisse
                                                                         je veux raconter, et pas rester arc-bouté sur mes propres
s’ancrer dans le présent, dans un aujourd’hui. Je n’ai pas fait
                                                                         envies de lieux.
d’études particulières des jeunes, mais j’ai passé des semaines
à rencontrer des adolescents de la région. Je devais mêler               Ce qui est très beau dans le film, c’est cette tension entre
mes souvenirs aux leurs pour ne pas paraître complètement                le mouvement (l’accélérateur de particules comme canal
décalé, et je me suis aperçu que les questionnements sont                entre le passé et le futur - presque de la science-fiction - et
les mêmes qu’avant - et les changements sont presque                     l’aspect transitoire d’un paysage entre deux pays, entre deux
                                                                         montagnes, qu’est le Pays de Gex. Cela pourrait être le lieu
cosmétiques. Fondamentalement, il y a quelque chose
                                                                         idéal d’un “paysage mental”, celui, transitoire par essence,
d’universel dans l’adolescence. Je les ai questionnés sur

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de l’adolescence. Et pourtant, tout ce que fait PA ne relève pas             En Haute-Savoie, on a parfois l’impression de vivre dans un
d’une volonté de grandir. Vouliez-vous éviter l’écueil possible              espace distordu, dans un no man’s land à perte de vue, où
du film d’apprentissage adolescent ?                                         le temps se dilate étrangement...
Je voulais en effet représenter cette période sans son “avant”               Dans ces régions, il faut trouver le temps de s’occuper,
et son “après”, comme une période en tant que telle, sans                    et parfois on se retrouve dans un espace très dense, avec
entrer dans des problématiques ontologiques. Ce sont des                     énormément de monde, et puis, pour rentrer chez soi,
ados typiques parce qu’ils sont léthargiques, un peu mous,                   il faut faire du vélo pendant une heure au milieu de nulle
ils n’ont pas de perspectives définies - il y aurait le bac, mais            part. C’est quelque chose qui m’a nourri, et a contribué à ma
ils s’en foutent -, ils vivent dans le temps du présent, mais                sensibilité. Je vois le monde différemment de quelqu’un qui a
grandissent malgré eux, deviennent plus attentifs, perçoivent                grandi dans une grande ville. C’est une vie adolescente sans
différemment leurs amis, leurs parents. C’est une recherche                  problèmes en fait, et qui donc se rend disponible à de multiples
de sa place dans le monde, et PA, dans cette recherche,                      questionnements. La présence mystique des montagnes du
navigue : il prend le bus, il est à la ville, à la campagne, chez ses        Jura, la science profonde sous les pieds... Ces mondes qui
copains. Il est constamment dans un mouvement, mais dans                     cohabitent et qui perforent le pur réel.
un espace clos. Il se questionne sur sa place dans un monde
                                                                             Le film est aussi très doux, dans son rapport à la perte par
incompréhensible, que la science ne peut même pas expliquer                  exemple : plus que du deuil au sens propre, on est proche de
- la physique quantique nous dit que tout ce qu’on pense savoir              l’éloignement progressif d’une amitié, d’un amour...
est en fait énigmatique, et c’est très angoissant. Les Particules            C’est en effet plus métaphorique qu’autre chose. Je ne veux
sont presque pré-apocalyptiques. On part d’un environnement                  pas donner d’explication rationnelle à, par exemple, la tension
connu, banal, balisé, mais où progressivement, un glissement                 entre PA et son ami Mérou. À cet âge-là, les sentiments
s’opère, et on ne sait pas où ce glissement va nous emmener.                 changeants, les trahisons, les histoires de filles, cela peut
Dans sa psyché, dans sa folie, dans son intériorité ? Ce trajet              être très violent. Cela ouvre une brèche. Un seul regard, et le
- du naturalisme au trip intérieur - m’a beaucoup intéressé. J’ai            monde se désagrège, et c’est dans ce mouvement de la vie,
essayé de montrer à la fois une ligne très claire, une histoire              quand on quitte le lycée, quand on quitte ses amis, que se
intime, mais à travers des sentiers sinueux, qui déconstruisent              manifeste ce monde à la fois doux et mystérieux, angoissant,
le récit et troublent la temporalité et le réalité du film.                  où les parents sont impuissants - ce monde naturaliste et
Un souvenir n’est jamais linéaire, il n’apparaît que par taches,             fantastique.
et je voulais montrer cela. Comme des particules, qui sont
des fragments disparates qui se rencontrent, se percutent,                           Propos recueillis à Cannes par Clément Deleschaud
et forment un tout, cohérent et mystérieux.

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