CESAM Formation des Experts Plaisance Navigation de Plaisance et Code des assurances - Jean-Paul Thomas Lundi 10 Décembre 2018

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CESAM Formation des Experts Plaisance Navigation de Plaisance et Code des assurances - Jean-Paul Thomas Lundi 10 Décembre 2018
CESAM

       Formation des Experts Plaisance

Navigation de Plaisance et Code des assurances

                                   Jean-Paul Thomas
                                   Lundi 10 Décembre 2018
L’assurance maritime dans le Code des assurances

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Création du Titre VII du Code des assurances en 1967

En s’intéressant à l’histoire de l’assurance maritime et transport, on
s’aperçoit qu’en 1967, le législateur a, en créant le Titre VII du Code des
assurances (CDA), tenu compte de deux choses :

- du fait que les armateurs et transporteurs constituaient une population
parfaitement avertie.

- de l'impérative nécessité pour l'assurance maritime, qui se développait à
l’international, de disposer d'un cadre législatif suffisamment souple, pour
évoluer dans ce contexte (l'assurance maritime étant jusqu'en 1967 régie
par le Code de commerce), tout en restant protecteur des droits des
assurés et des assureurs.

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Le Titre VII contient une majorité de dispositions supplétives de la
volonté des parties et laisse à ces dernières, à la condition de
respecter ses articles d’ordre public (mentionnés à l’article L. 171-2),
le soin d’adapter leurs contrats comme elles l’entendent.

Dans cette mesure, il n’est pas possible d’établir une stricte
correspondance avec les articles figurant dans les Titre I et II.

Toutefois, certaines différences peuvent être relevées :

                        1°) Assurances cumulatives
                         2°) Déclaration du risque
                       3°) Non-paiement des primes
                       4°) Régime de la prescription

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1°) Assurances cumulatives

Le Titre VII prévoit qu’en cas d’assurances cumulatives, chacune
d'elles produit ses effets en proportion de la somme à laquelle elle
s'applique, jusqu'à concurrence de l'entière valeur de la chose
assurée (articles L. 172-9 et L. 175-9).

Le Titre I dispose également que la contribution de chaque assureur
est calculée en fonction de ses engagements contractuels, mais il
prévoit au surplus que le bénéficiaire du contrat peut obtenir
l'indemnisation des dommages en s'adressant à l'assureur de son
choix (article L. 121-4).

Cette dernière possibilité n’est pas prévue par le Titre VII.

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2°) Déclaration du risque

Le principe de l’obligation pour l’assuré d’avoir à déclarer le risque à
la souscription et des modifications en cours de contrat figure :

- tant dans le Titre I (art. L. 113-2 et L.113-4)
- que dans le Titre VII (art. L. 172-2, L. 172-3, L. 175-14 et L. 175-15).

Mais les modalités pratiques liées à ces déclarations, notamment en
termes de délais, sont sensiblement différentes.

En outre, en cas de déclaration inexacte, l’assureur ne reste garant du
risque que si l’assuré rapporte la preuve de sa bonne foi (art. L. 172-2 -
non applicable à l’assurance aviation).

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3°) Non-paiement des primes

L’article L. 113-3 prévoit qu’à défaut de paiement d'une prime, ou d'une
fraction de prime, dans les 10 jours de son échéance, la garantie ne peut
être suspendue que 30 jours après la mise en demeure de l'assuré.

L'assureur a le droit de résilier le contrat 30 jours après l'expiration de ce
délai de 30 jours.

Le Titre VII n’a pas instauré un tel mécanisme pour la résiliation qui peut
prendre effet 8 jours (art. L. 172-20 – assurance facultés et maritime) ou 30 jours
(art. L. 175-20 – assurance aviation) après l’envoi à l’assuré d’une mise en
demeure.

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4°) Régime de la prescription

Si la prescription biennale est la règle également pour les contrats
régis par le Titre VII (articles L. 172-31 et L. 175-13), une différence existe
quant à la possibilité d’en aménager le cours.

En effet, le législateur a expressément interdit, en introduisant l'article
L.114-3 dans le Titre I du CDA, la possibilité d'aménagement
conventionnel pour les contrats d'assurance soumis au Titre I, mais a
laissé cette possibilité pour les contrats régis par le Titre VII.

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4°) Régime de la prescription (suite)

A noter un autre point particulièrement important :

« La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la
prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la
prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée ou d'un
envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l'assureur à l'assuré
en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui
concerne le règlement de l'indemnité. » (Art. L 114-2)

Cette disposition ne figure pas dans la partie Titre VII du CDA.

     Pour mémoire, l’interruption de la prescription fait courir un nouveau délai de 2 ans.

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Notion de navigation de plaisance

Article L. 171-5 du Code des assurance

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L'article L.111-6 du Code des assurances prévoit que les « corps de véhicules
maritimes » appartiennent à la catégorie des grands risques.

L’article L. 111-6 n’établit pas de distinction :

- Ni au regard de la taille du navire et de ses caractéristiques
- Ni au regard de ses modalités d’utilisation
- Ni encore selon la qualité de son propriétaire ou utilisateur (professionnel ou
  particulier).

Cet article a une incidence pour l’application de certaines règlementations (par
exemple pour l’application de la Directive sur la Distribution en Assurance)

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Mais la portée de cette classification pour la plaisance est très sensiblement
réduite par l'article L. 171- 5.

Sauf pour ce qui concerne les règles relatives au fonds de limitation*, cet article
prévoit que le Titre VII « n'est pas applicable aux contrats d'assurance ayant pour
objet de garantir les risques relatifs à la navigation de plaisance ».

« Ces contrats sont soumis aux dispositions des titres Ier, II et III du présent livre »
*La Cour de cassation a consacré la spécificité du système de limitation pour « l’activité de navigation, fût-elle
de plaisance » (Cass. com., 9 oct. 2014, n° 14.40036, Navire « PtiJules »).

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I – Absence de définition de la « navigation de plaisance » dans le CDA

En 1967, l’un des rédacteurs de la loi créant le Titre VII du Code des assurances
soulignait que :

« On n'a pas encore pu donner de la navigation de plaisance une définition
satisfaisante (…) »

ni « trouvé jusqu'à présent un critère pleinement indiscutable de la navigation de
plaisance, les discussions qui ont eu lieu [ayant seulement] montré sans
équivoque que tout but ou élément lucratif devait être écarté »*.

                                                            * Pierre Lureau, DMF 1973, p. 153.

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II – Critère du but lucratif dégagé par la jurisprudence
a) Cour de cassation - Arrêts du 11 mars 1997 et du 17 septembre 2009
La difficulté liée à la définition de la notion de navigation de plaisance semble avoir
été quelque peu réduite par deux décisions de la Cour de cassation qui tendraient
à montrer que, contrairement au commentaire précédent, l’élément lucratif pourrait
constituer le critère recherché.

Dans un arrêt du 11 mars 1997, la Cour de cassation a associé le caractère lucratif à la navigation de
plaisance.

Dans un autre arrêt du 17 septembre 2007, alors que l’assuré soutenait n’avoir pas effectué des actes
d’exploitation commerciale, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond qui avaient estimé que le bateau
n’était pas utilisé par ses propriétaires à la navigation de plaisance mais était le prototype construit en vue
d’une commercialisation en série.

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II - Réforme de 2011 du Code des assurances – Assurance aviation

En 2011, lors de la réforme du Titre VII du Code des assurances, il a été fait appel
pour l’assurance aviation à la notion d’« activité commerciale ou à but lucratif »
dans ce même article L. 171-5 :
« Les contrats d'assurance aérienne et aéronautique souscrits par des personnes
n'exerçant pas une activité commerciale ou à but lucratif sont soumis aux dispositions
des titres Ier, II et III du présent livre. »

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Précision

   Le CDA ne recourt pas à la notion de bateau de plaisance qui, elle, fait
    l’objet de définitions législatives et réglementaires dans le Code des
                                    transports :

• De manière générale et sauf dispositions contraires sont dénommés navires « tout engin flottant, construit et
  équipé pour la navigation maritime de commerce, de pêche ou de plaisance et affecté à celle-ci » (article
  L 5000-2 Code des transports)

• S’agissant de la navigation, on entend par bateau de plaisance un « bateau utilisé par une personne physique
  ou morale de droit privé soit pour son usage personnel à des fins notamment de loisir ou de sport, soit pour la
  formation à la navigation de plaisance » (article R 4000-1 6° Code des transports)

• Par ailleurs, s’agissant de la mise sur le marché, d’autres définitions existent : voir la définition du navire de
  plaisance et du véhicule nautique à moteur figurant dans l’article R 5113-7 du Code des transports.

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Conclusion

Le CDA fait appel en ce qui concerne l’assurance maritime à la notion
de navigation de plaisance pour déterminer lesquelles de ses
dispositions régiront le contrat d’assurance.

Afin de dégager les contours de la notion de navigation de plaisance,
le critère le plus approprié semble être celui de la nature de l’activité,
à savoir lucrative/commerciale ou non.

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Clause de valeur agréée et clause de valeur à neuf

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I - Clause de valeur agréée et principe indemnitaire
Lorsque la valeur assurée du navire est une valeur agréée, les parties s'interdisent
réciproquement toute autre estimation, sauf s'il y a eu fraude (Article L.173-6)
Cette règle n’est pas applicable en matière de navigation de plaisance.
Dans ce domaine, s’applique le principe indemnitaire qui est exprimé ainsi :
« L'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ; l'indemnité due par l'assureur
à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment
du sinistre. » (Article L.121-1)

Ce principe est d’ordre public.

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I - Clause de valeur agréée et principe indemnitaire (suite)

Et « conformément à l’article L. 121-1 du Code des assurances, il appartient à l’assuré de
rapporter la preuve de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre » (CA Aix-en-
Provence, 10 avril 2014, DMF 2014, p. 934).

La présence d’une clause de valeur agréée dans un contrat plaisance inverse seulement la
charge de la preuve qui repose alors sur l’assureur.

En d’autres termes, il appartient dans ce cas à l’assureur de démontrer que la valeur vénale au
moment du sinistre était inférieure à la valeur agréée (CA Paris, 24 mai 2016, Yacht Lys d’O et CA
Paris, 29 novembre 2016, voilier Pop’Art).

Cette solution a été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mars 2018,

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En l’occurrence, le contrat d’assurance faisait référence à la notion de valeur agréée
et prévoyait que la valeur assurée était la valeur à neuf.

La Cour de cassation estime que la cour d’appel, en présence d’une certaine
ambiguïté des clauses du contrat, a pu estimer que la valeur agréée à rembourser
en cas de perte totale du navire correspondait au montant maximum de
l'engagement des assureurs.

Ces derniers, en ayant agréé une valeur, ont accepté de ne pas la discuter sauf à
être en mesure de prouver l'importance du dommage au jour du sinistre ce qui était
le cas en l’occurrence (Civ. 2e, 29 mars 2018, n°16-24326).

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Bien que la jurisprudence soit établie, il apparait à travers quelques décisions ou
commentaires que des assurés peuvent parfois n’avoir pas bien compris la portée de
la clause valeur agréée en plaisance.

Il y a sans doute là un effort d’information à réaliser et une attention particulière à
accorder à la rédaction des contrats sur ce point.

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II - Clauses de valeur à neuf

En général, les clauses de valeurs à neuf se réfèrent :

- soit au prix d’achat neuf du navire perdu (ou endommagé) au moment de la
  conclusion du contrat d’assurance

- soit au prix d’achat neuf au moment du sinistre d’un navire identique ou offrant
  des prestations équivalentes (clauses dites de « remplacement à neuf »)

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II - Clauses de valeur à neuf

                     2 exemples de clauses à travers la jurisprudence

 « L’assurance est accordée en valeur économique dans la limite de la valeur d’assurance fixée aux
dispositions particulières, excepté si au jour du sinistre le bateau a moins de trois ans d’âge, auquel
cas l’assurance est accordée en valeur à neuf dans la limite de la valeur d’assurance fixée aux
dispositions particulières, la date prise en considération étant celle de la première immatriculation ou
en son absence, cette de la facture d’achat » (CA Aix-en-Provence, 3ème ch., 11 avril 2013, n°
12/05507).

« Le bateau assuré est garanti en valeur à neuf en cas de perte totale et vol total exclusivement.
Cette garantie est accordée pendant une période de 36 mois et jusqu’à 3 ans d’âge de l’unité
concernée à compter de la date d’effet des présentes dispositions particulières » (CA Montpellier,
5me ch., 20 octobre 2011,]urisData n°2011-034681).

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Selon Me P-Y NICOLAS, « La reconstruction ou le remplacement effectif du navire
perdu ou endommagé n’en semble pas moins s’imposer comme une condition
nécessaire pour bénéficier d’indemnités supérieures à la valeur vénale [du navire]
sur le fondement de l’article L. 121-1 du Code des assurances et en vertu du
principe selon lequel l’assurance de choses ne doit pas constituer une source
d’enrichissement pour l’assuré » (« Des valeurs assurées sur corps de navire de plaisance en droit
français » DMF 2014, p. 905).

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Analysant les clauses de valeur à neuf à travers la jurisprudence de la Cour de
cassation en matière d’assurance terrestre, Me H. JEANNIN relève que tout en
les admettant la Cour « ne valide qu’avec une grande prudence les clauses qui
portent atteinte » au principe indemnitaire (« Les mécomptes de la clause de valeur agréée en
plaisance », DMF 2018, p. 132)

Me P-Y NICOLAS relève pour sa part que « la Cour de cassation ne s’est pas
prononcée en matière de navigation de plaisance à ce sujet ».

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