Présentation (1) Éric Plaisance Charles Gardou

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Présentation                         (1)

                                                                                          Éric Plaisance
                                                                                        Charles Gardou

D   urant une longue période, au moins jusqu’au
    début des années 70, l’expression « éducation
spéciale » a désigné l’ensemble des dispositifs
                                                            dans le cadre du ministère de l’Emploi et de la
                                                            Solidarité). On sait aussi que tout le XIX e siècle a
                                                            constitué une étape capitale pour la compréhen-
éducatifs destinés aux enfants, adolescents ou              sion des désordres mentaux, dont étaient por-
jeunes adultes considérés, à des titres divers,             teurs ceux que l’on dénommait « idiots » et « alié-
comme « inadaptés » ou « mésadaptés » à l’ensei-            nés ». Les institutions concernées étaient alors les
gnement « ordinaire ». Dans de fréquentes défini-           asiles d’aliénés, au sein desquels, essentiellement
tions quelque peu circulaires, on a estimé que les          à partir du milieu de ce même siècle, furent créés
« anormaux », selon le langage dominant au début            des quartiers spéciaux pour enfants « arriérés ».
du XX e siècle, étaient simplement ceux qui « ne se         La naissance de la psychiatrie, scandée par les
trouvent pas dans les conditions normales pour              noms de Pinel, Esquirol, Ferrus, Falret, Voisin,
recevoir l’enseignement commun » (2). Dans cette            Delasiauve, est aussi corrélative de tentatives
orientation, classes et établissements spéciaux             d’éducation des enfants arriérés. Jean-Marc Itard,
ont été créés, censés dispenser un « enseigne-              au début du XIX e siècle, est sans doute celui qui
ment spécial », tenant compte des caractéris-               inaugure cette option éducative, grâce à son
tiques particulières des élèves concernés, même             action menée auprès du cas bien connu de Victor
lorsqu’ils n’étaient plus désignés par le vocable           de l’Aveyron. Il sera suivi par d’autres, médecins
de l’anormalité.                                            aliénistes pour certains, instituteurs pour d’au-
                                                            tres, dont Seguin « instituteur des idiots », qui
                                                            dirigera pour un temps (en 1842, avant d’émigrer
                                                            aux États-Unis) l’école spéciale de l’hospice de
REPÈRES HISTORIQUES                                         Bicêtre. Dans cette lignée des éducateurs, l’ac-
                                                            tion de Bourneville, médecin-chef à l’hospice de
  Certains de ces repères sont maintenant bien              Bicêtre en 1879, est essentielle pour comprendre
connus. Les premières institutions « spéciales »            le passage progressif à une politique d’éducation
ont été créées pour les enfants déficients senso-           spéciale sous l’égide de l’Instruction Publique.
riels, dès le XVIII e siècle, et elles ont donné nais-      C’est lui qui envisage l’accueil de certains enfants
sance à des établissements qui existent toujours,           « arriérés d’asile » – ceux qui seraient les plus
pour les jeunes sourds et les jeunes aveugles               « améliorés » – dans les écoles primaires publi-
(actuellement sous l’égide de l’Action Sociale,             ques ordinaires. C’est aussi sous son influence

                                            Revue Française de Pédagogie, n° 134, janvier-février-mars 2001, 5-13    5
que les premiers dépistages des enfants « anor-                  catégories de « l’idiot », de « l’imbécile » et du
maux » vont être opérés dans ces écoles ordi-                    « débile ». Mais, en la matière, la quête de
naires. Mais de telles demandes visent d’abord à                 connaissance est inextricablement liée à des
éviter « l’encombrement » de l’asile et résultent                positions institutionnelles et à des prises de pou-
de l’échec de ses démarches à l’égard des ser-                   voirs professionnels. Si les classements scienti-
vices de l’Assistance Publique pour transformer                  fiques, fondés sur des critères explicites, permet-
l’asile en un véritable lieu d’accueil pour les                  tent de trier la diversité du réel et d’en proposer
enfants arriérés, grâce à ce qu’il appelle le traite-            une hiérarchisation, ils relèvent aussi de luttes
ment « médico-pédagogique » (Jacqueline Gateaux,                 symboliques tendant à faire reconnaître comme le
1989).                                                           plus légitime tel type de classement et telle
                                                                 manière de le construire. Comme le remarque
   Mais, contrairement à l’opinion courante et à                 Pierre Bourdieu, qui fait allusion aussi bien aux
certains travaux savants (Francine Muel, 1975),                  classifications éthiques et esthétiques que psy-
les recherches historiques sur la genèse d’un                    chiatriques et juridiques « produites par les
enseignement spécial en France montrent qu’il                    sciences d’établissement » : « ... les systèmes de
n’y a pas une relation directe et linéaire entre la              classement (...) sont moins des instruments de
mise en place de l’obligation scolaire et le repé-               connaissance que des instruments de pouvoir,
rage de « l’invention de l’enfance anormale » qui                subordonnés à des fonctions sociales et orientés,
mènerait, par la médiation des plaintes des                      plus ou moins ouvertement, vers la satisfaction
maîtres d’école, à l’instauration de la loi de 1909              des intérêts d’un groupe » (Bourdieu, 1979, p. 556).
sur les classes de perfectionnement. La formula-
tion des problèmes scolaires en termes d’anor-                      À cet égard, l’argumentation donnée par Binet
malité est en réalité « importée » dans l’école par              et Simon dans leur célèbre livre « Les enfants
des « techniciens de l’enfance anormale », parmi                 anormaux » (1907) est tout à fait exemplaire d’un
lesquels on retrouve l’aliéniste Bourneville. C’est              type de classement des « anormaux » qui entraîne
par un effet « d’écran des évidences » que la                    à la fois une répartition institutionnelle des popu-
revendication d’un enseignement spécial a été                    lations concernées et une répartition des compé-
attribuée à la demande des maîtres d’école, alors                tences professionnelles en des lieux différents. Ils
que leurs représentants ont plutôt été préoccupés                commencent par considérer les aveugles et les
non par l’exclusion d’enfants gênants, mais par                  sourds-muets aux besoins desquels l’État a déjà
l’application à tous de la loi sur l’obligation                  pourvu. Ils envisagent ensuite la population des
(Monique Vial, 1990). Certes, à ce sujet, on peut                « idiots complets ou inéducables ». Selon eux,
invoquer les déclarations de Binet et Simon qui,                 ces derniers relèvent d’un « traitement médical
en 1907, considèrent qu’il faut agir en faveur                   incessant » et sont reçus dans les « hôpitaux, hos-
d’une scolarisation spéciale des arriérés repérés                pices et asiles ». Ce sont des « anormaux d’hos-
au sein de l’école ordinaire (grâce à l’utilisation              pice ». Mais Binet et Simon portent en réalité leur
de leur propre « échelle métrique »), car, disent-               intérêt sur les « anormaux d’école », des anor-
ils, les maîtres d’école se plaignent, en particulier            maux « perfectibles », qu’ils définissent plus pré-
lorsque les arriérés sont aussi des indisciplinés...             cisément comme « capables d’arriver à gagner
                                                                 partiellement leur vie » (ibidem, p. 108). D’où leur
                                                                 prise de position qui revient à cliver radicalement
                                                                 deux grands types de populations : d’un côté, les
                                                                 enfants qui se situent aux degrés les plus pro-
LA LOGIQUE DES CATÉGORISATIONS
                                                                 fonds d’arriération et ne relèvent que de l’hos-
                                                                 pice, pour lesquels on peut renoncer à des
  Ce processus historique de constitution d’un                   actions éducatives ; d’un autre côté, les enfants
secteur spécialisé de l’enseignement va de pair                  « débiles », considérés comme « perfectibles »,
avec un autre, celui de la catégorisation des                    dont la place est, de manière générale, à l’école,
« anormaux ». Un tel processus n’est pas radica-                 à condition de les séparer « d’un travail commun
lement nouveau, en ce sens qu’il s’enracine dans                 avec les normaux », en créant pour eux des
les recherches des médecins aliénistes du                        écoles ou des classes spéciales. Ainsi « on
XIX e siècle qui visent à distinguer les deux grandes            ouvrira toutes grandes les portes de l’école aux
catégories de « l’aliéné » et de « l’arriéré », et à             débiles et au contraire on les fermera aux idiots »
raffiner, au sein même de l’arriération, les sous-               (ibidem, p. 109). Seule hésitation des auteurs : la

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place des « imbéciles », situés au degré intermé-       l’hésitation formulée par Binet et Simon en 1907
diaire des états inférieurs de l’intelligence, et qui   à propos de la place institutionnelle des « imbé-
pourraient être placés soit dans l’école, soit dans     ciles ». Mais durant cette période de la fin des
l’hospice.                                              années soixante, la logique classificatoire et la
                                                        « fièvre ségrégative », selon la formule de Jean
   Si nous insistons sur ces dispositions, c’est        Simon (1988), sont poussées à un point tel
qu’elles se perpétuent bien après la seconde            qu’elles confinent à l’absurdité. Le même rapport
guerre mondiale, dans des contextes sociaux et          du V e plan énonce en effet que certains enfants
politiques pourtant fort différents : la répartition    se trouvent en difficulté dans le système scolaire,
des compétences des ministères de tutelle va se         sans être pour autant des débiles. Ce sont des
calquer directement sur le classement des types         enfants « dont le quotient intellectuel se situe
d’enfants en difficultés diverses. De la sorte, la      dans la zone 0,80-1 » et « dont l’inadaptation
classification dite « Lagache » de 1946, provenant      n’est que relative ». Néanmoins, il convient, dit-
en réalité des travaux collectifs amorcés dès 1943      on, de les accueillir dans des classes « qui leur
au sein d’un « Conseil technique pour l’enfance         soient propres », où ils bénéficieraient d’une
déficiente et en danger moral », propose une mise       pédagogie « spéciale ». On voit bien ici l’applica-
en parallèle très rationalisée de la répartition des    tion du critère du quotient intellectuel qui, au lieu
enfants en catégories d’inadaptation et des             d’être seulement une appréciation provisoire des
« solutions » institutionnelles qui peuvent leur        capacités intellectuelles d’un sujet dans le cadre
convenir. Plus exactement, une classification           d’un examen psychométrique, devient une norme
médico-pédagogique détaillant les institutions (de      institutionnelle définissant un type de public et de
l’internat à l’asile, en passant par les écoles spé-    classe spéciale. Mais, surtout, on constate
ciales) vient doubler la classification des enfants     l’aboutissement d’un raffinement de la catégori-
« inadaptés », intitulée « classification médico-       sation de ceux qu’on appelle à l’époque « ina-
psychologique », établie du point de vue clinique.      daptés ». Une telle recherche de classification
                                                        détaillée, sur des bases scientifiques pourtant
   À une date ultérieure, le V e plan de développe-
                                                        bien incertaines, est en réalité orientée par la
ment économique et social, établi pour s’appli-
                                                        demande administrative de partage des diverses
quer dans les années 1966-1970, propose à nou-
                                                        compétences ministérielles en compétition et, en
veau, grâce au travail mené par un intergroupe dit
                                                        fin de compte, de rationalisation des dépenses à
« enfance inadaptée », une classification des
                                                        engager pour financer des établissements ou des
enfants et des adolescents concernés, et leur
                                                        classes de toutes sortes.
répartition dans des types d’équipements relevant
de telle ou telle tutelle ministérielle. Sont distin-      C’est aussi durant la même période que
gués plusieurs sortes de « déficients » (mentaux,       François Bloch-Laîné, alors directeur général de
moteurs, sensoriels ou divers) et ceux qui présen-      la Caisse des dépôts et consignations, remet au
tent « des troubles du comportement et de la            premier ministre un rapport sur « l’inadaptation
conduite ». À l’intérieur de chaque grande catégo-      des personnes handicapées » (1967) qui servira
rie, la logique adoptée met en rapport la gravité       de base à la préparation de la loi de 1975 en
plus ou moins grande des déficiences et le champ        faveur des personnes handicapées, qui reste
d’action d’un ministère. Le cas est particulière-       actuellement en vigueur. Il y propose à son tour
ment net pour les déficients mentaux. Les débiles       une classification, dont il reconnaît la difficulté de
profonds, dits « semi-éducables », « ne sauraient       construction, du fait, dit-il, des problèmes de
ressortir qu’à la compétence de la Santé pu-            vocabulaire et de nomenclature mais aussi des
blique », de même que les arriérés profonds. À          désaccords entre les spécialistes. Mais il énonce
l’opposé, les « débiles légers simples » « doivent      surtout, avec une grande franchise, que malgré
être accueillis dans des établissements relevant        les incertitudes scientifiques, « les adminis-
de l’Éducation nationale ». Pour ceux qui se            trateurs ne sauraient attendre », car « il leur faut
situent à des degrés intermédiaires de déficience       accomplir un effort d’ordre ». C’est bien l’aveu
(« débiles légers présentant des troubles asso-         que la construction de telles classifications
ciés » ou « débiles moyens »), le rapport estime        répond beaucoup plus à une logique administra-
que les établissements d’accueil pourraient rele-       tive visant à organiser l’action et à répartir les
ver soit de la Santé publique soit de l’Éducation       responsabilités institutionnelles qu’à une logique
nationale. On retrouve ici, de manière frappante,       de connaissance (3).

                                                                                           Présentation     7
Les conséquences de telles orientations sont à                 d’autres types de handicaps. On a longtemps
l’œuvre jusque dans les situations que nous                      considéré que les enfants « inadaptés » ou « han-
vivons aujourd’hui. Elles continuent à définir des               dicapés », même ceux qui n’étaient atteints que
institutions, sous l’égide de telle ou telle instance            de déficiences légères, n’étaient justiciables que
officielle, y compris lorsqu’il s’agit d’institutions            d’une éducation de niveau primaire. La répartition
privées. À tel type d’enfant ou d’adolescent han-                des compétences administratives au sein du
dicapé ou « en difficulté », correspond telle prise              ministère de l’Éducation nationale a ainsi conti-
en charge institutionnelle. Dans ce cas, les pro-                nué, après la seconde guerre mondiale, à attri-
cédures d’agrément des institutions sont cadrées                 buer le secteur de l’éducation spéciale à l’ensei-
par les textes officiels qui définissent un type de              gnement du premier degré (y compris pour
public. Le paradoxe est pourtant qu’actuellement                 l’enseignement professionnel des adolescents en
certains enfants « en difficulté » ne correspondent              difficulté, selon les dispositions de 1944) (4) et à
pas aux types de publics prévus par les institu-                 des hauts responsables chargés aussi de l’éduca-
tions existantes et qu’ils se trouvent « laissés                 tion préscolaire (ainsi en 1975 sous le ministère
pour compte », en dehors de toute solution exis-                 René Haby, pour un secrétariat d’État). Il a donc
tante, aussi bien thérapeutique que pédagogique.                 fallu, là encore, une grande force de conviction
L’autre paradoxe, cette fois-ci plus favorable, de               pour que, par exemple, des adolescents handica-
ce type de situation est que devant de telles                    pés sensoriels ou moteurs puissent bénéficier
carences, des formules innovantes, en dehors des                 d’un enseignement secondaire et avoir le plein
cadres administratifs établis, ont parfois été                   droit d’accéder au baccalauréat.
recherchées et ont abouti à des pratiques radica-
                                                                    Le plus important est sans aucun doute que de
lement différentes. Contentons-nous seulement
                                                                 telles limitations ont un impact direct sur les indi-
de citer ici l’École expérimentale de Bonneuil-sur-
                                                                 vidus eux-mêmes qui sont amenés à se conformer
Marne, créée par la psychanalyste Maud Mannoni
                                                                 à ce que l’on attend d’eux, à ne réaliser que ce
en 1969, pour répondre aux demandes de cer-
                                                                 dont on croit qu’ils sont capables. Selon Claude
tains parents d’enfants psychotiques ou autistes,
                                                                 Veil, s’il est classique de « décrire les handicapés
rejetés par les autres institutions. Dans ce cas
                                                                 catégorie par catégorie, par une sorte de dissec-
précis, c’est même la notion d’ « institution écla-
                                                                 tion qui isole leur handicap » et si « cela est clair
tée » qui a présidé à la définition des pratiques
                                                                 et commode », il y a un danger dans ce type de
telles que l’accueil des enfants chez des artisans
                                                                 procédé : « D’un seul coup on dépouille le handi-
ou dans des familles en province.
                                                                 capé de sa personnalité, on le simplifie, on le
   L’autre conséquence capitale porte précisément                concentre en une caricature réductrice, et, ainsi
sur les pratiques et, plus particulièrement, les                 déshumanisé, privé d’épaisseur, il ne lui reste
pratiques éducatives. La logique des classifica-                 plus qu’à se laisser canaliser vers un destin
tions a entraîné des attentes éducatives différen-               préfabriqué » (1968, p. 85). L’histoire de l’édu-
ciées selon les cas jugés plus ou moins graves                   cation des « débiles » est un exemple frappant de
des enfants, voire pour certains d’entre eux                     la conformité à un modèle éducatif dévalorisé
l’élimination pure et simple de toute attente édu-               qui aboutit effectivement à des apprentissages
cative. Jusqu’à une période très récente, le critère             amoindris. Or, on sait les résultats, apparemment
de l’« éducabilité » a présidé à la définition des               surprenants, dont sont capables, en termes de
différents niveaux de déficience intellectuelle,                 développement cognitif (et si les conditions d’ap-
à tel point que certains enfants pouvaient                       prentissage sont appropriées), des enfants ou
être considérés comme « inéducables » ou « semi-                 des adolescents que l’on avait auparavant can-
éducables ». Les débats des aliénistes du XIXe siècle            tonnés dans des apprentissages les plus élémen-
sur ce point n’ont guère été dépassés dans les                   tairement sensoriels. C’est le cas, par exemple,
années soixante. Et il a fallu la volonté, voire la              de ceux qui sont atteints de trisomie 21, dont on
conviction militante de certains pédagogues pour                 avait négligé systématiquement la diversité. De
que les déficients intellectuels dits « légers »                 tels phénomènes d’attentes éducatives, avec
puissent relever d’une véritable formation à un                  leurs conséquences, relèvent de ce que les
métier, plutôt que d’être simplement initiés à des               auteurs américains ont appelé, dans un contexte
travaux manuels élémentaires. Sous une forme                     d’analyse sociologique, les « prophéties auto-réa-
amoindrie de violence symbolique, la limitation                  lisatrices », c’est-à-dire la création des réalités
des attentes éducatives a atteint et atteint encore              postulées. Comme le formule l’anthropologue bri-

8      Revue Française de Pédagogie, n° 134, janvier-février-mars 2001
tannique Mary Douglas, elle-même fortement inté-       ne va plus d’elle-même aujourd’hui ». Ce serait
ressée par l’analyse générale des classifications :    alors une tout autre logique qui pourrait définir les
« Les catégories stabilisent les flux de la vie        actions les plus bénéfiques à l’égard des sujets,
sociale et créent même, jusqu’à un certain point,      ce que certains dénomment une logique de « ser-
les réalités auxquelles elles s’appliquent (...) les   vices » et non plus une logique de « structures »
étiquettes collent » (1999, p. 115). Sur la dimen-     (Stiker, 1999 et 2000). Une logique « d’itinéraire
sion plus directement éducative, les travaux           personnel, basée sur les éléments complexes qui
maintenant bien connus de Rosenthal et Ja-             forment de manière dynamique la situation d’une
cobson (1971) ont montré expérimentalement l’ef-       personne donnée dans un environnement don-
fet exercé sur le sujet (ou sur un groupe de sujets)   né » (Chapireau, 1999, p. 147) (5).
par les pronostics émis et par les étiquetages qui
« annoncent » de moindres performances : les
« labels » se réalisent effectivement.
                                                       LE CHANGEMENT DES TERMINOLOGIES
  Remettre en cause les logiques classificatoires
ne reviendrait pas à nier les spécificités des            Dans les analyses précédentes, on aura noté
sujets, à considérer comme nulle et non avenue la      que les terminologies se sont profondément
recherche de leurs traits particuliers qui peuvent     modifiées au cours du temps, d’un côté pour
éventuellement s’exercer sur un mode patho-            désigner génériquement l’ensemble des enfants
logique. De ce point de vue, il faut maintenir la      concernés, d’un autre côté pour orienter les poli-
distinction suggérée par Bourdieu (1979, p. 550)       tiques. La notion d’anormalité a progressivement
entre les « schèmes classificatoires » qui visent à    cédé la place, après la seconde guerre mondiale,
instaurer la « distinction » dans sa dimension         à celle d’inadaptation, puis à celle de handicap
sociale, à maintenir pratiquement à distance l’in-     (surtout depuis 1975), encore que des notions
désirable, et la recherche de classements              plus floues, en grande partie issues du sens com-
savants, fondés sur des concepts et des critères       mun, soient aujourd’hui utilisées parallèlement à
scientifiques explicites, bien qu’il ne soit pas       celle de handicap, comme celle de « difficulté »,
exclu que le travail de décryptage savant soit lui-    voire de « grande difficulté », dès lors qu’on
même « contaminé » par le sens commun tendant          essaie de rendre compte des rapports conflictuels
à produire des exclusions. Ce qui est le plus fon-     entre l’institution scolaire et certains enfants ou
damentalement en cause, c’est la traduction des        adolescents, en évitant de reprendre les qualifica-
classifications des enfants et des adolescents         tifs beaucoup moins euphémisés qui étaient à
handicapés, ou en difficulté, en des termes insti-     l’œuvre précédemment, comme celui de « défi-
tutionnels qui établissent des barrières rigides,      cient intellectuel léger ».
des éliminations de telle ou telle population qui ne
conviendrait pas, et vont à l’encontre des orienta-      De leur côté, les politiques éducatives ne se
tions vers l’intégration dans les structures ordi-     placent plus sous le vocable stigmatisant de
naires. C’est l’effet pervers (au sens précis d’un     « spécial », dont Woodill et Davidson (1989) ont
effet qui n’est pas explicitement voulu) de la         montré le caractère équivoque. Dès le début des
« logique de filière », fortement critiquée par de     années soixante-dix, l’introduction officielle, au
nombreux observateurs de la situation française.       sein de l’Éducation nationale, de dispositifs tels
Ainsi, selon François Chapireau (1999, p. 146-         que ceux des groupes d’aide psycho-pédago-
147) : « L’ensemble de nos dispositifs médicaux        gique et des classes d’adaptation (au niveau du
et médico-sociaux est construit selon le principe      premier degré seulement) pour des enfants dont
de l’adéquation : une personne, à un moment            le « handicap » était considéré comme « provi-
donné, correspond à un établissement ou à un           soire » avait conduit à distinguer « deux types
service. Selon ce principe, pour améliorer les dis-    d’action pour deux catégories d’enfants » : les
positifs, il faut améliorer le classement des per-     orientations plus anciennes définies au nom de
sonnes. C’est une logique de filière ». En réalité,    « l’éducation spéciale », pour des enfants et ado-
selon     Marie-Claude     Mège-Courteix      (1999,   lescents dont le handicap ou l’inadaptation était
p. 121) : « Les élèves concernés ne se laissent        tenu pour « durable » ; et un nouveau dispositif dit
plus appréhender selon les catégories de défi-         « d’adaptation » pour des sujets dont le handicap
cience qui ont présidé à la construction du sec-       était considéré comme « provisoire » ou suscep-
teur. La légitimité du processus de classification     tible d’amélioration relativement rapide. C’est

                                                                                         Présentation     9
donc une première diversification officiellement                 gration scolaire » de différents types. Les sections
établie du dispositif d’ensemble de l’éducation                  d’éducation spécialisée, instituées dans les col-
« spécialisée » au sens large, car celle-ci pouvait              lèges en 1967 pour ceux qui étaient dénommés
désormais comporter des modalités d’action plus                  « déficients intellectuels légers », ont été redéfi-
flexibles que les classes, et a fortiori les établis-            nies (en 1989) comme des « sections d’enseigne-
sements, en impliquant des professionnels qui                    ment général et professionnel adapté », censées
n’exercaient plus nécessairement au sein d’une                   accueillir des adolescents présentant des diffi-
classe, mais dans des « services », par exemple                  cultés graves ou persistantes. Parallèlement, de
dans des groupes d’aide ou de soutien, voire                     nouvelles « unités », dites « unités pédagogiques
dans le cadre d’une relation individualisée avec le              d’intégration » (1995), peuvent être créées dans
sujet-enfant. De plus, l’accent était de plus en                 certains collèges, pour accueillir des élèves au
plus porté sur des modalités d’action à caractère                handicap mental avéré.
« non ségrégatif », visant à maintenir l’enfant dans
ses milieux de vie normaux, dans toute la mesure                    La question fréquemment soulevée est celle de
du possible (6).                                                 savoir si de telles modifications sont de simples
                                                                 toilettages des dispositifs anciens, qui n’introdui-
   Depuis la loi de 1975, cette dernière orientation             sent pas de changements en profondeur, ou si
préside à la définition des actions à l’égard d’en-              elles introduisent de nouvelles dynamiques, par
fants désormais appelés « handicapés ». La loi                   exemple en termes d’aspirations à de véritables
elle-même n’avait pas formulé explicitement l’ex-                formations professionnelles pour les adolescents,
pression « intégration scolaire », mais seulement                ou de prises en charge de sujets « handicapés »
une « obligation éducative » pour les enfants et                 dans un cadre scolaire ordinaire, qui leur assurent
adolescents handicapés qui devraient recevoir en                 aussi des services multidisciplinaires d’aides spé-
priorité « une éducation ordinaire » ou, à défaut,               cialisées. Des enquêtes de terrain sur ces diverses
une « éducation spéciale », elle-même assurée soit               situations seraient nécessaires pour répondre à
dans des établissements ordinaires, soit dans des                ces questions autrement que sur le mode volonta-
établissements ou des services spécialisés. Plu-                 riste et incantatoire.
sieurs textes d’application de la loi, sous forme de
circulaires conjointes au ministère de l’Éducation                 Car il est avéré par ailleurs que, malgré des
et au ministère chargé des Affaires sociales, ont                orientations officielles régulièrement définies, le
défini les objectifs et les modalités de mise en                 champ de l’action éducative pour les enfants et
œuvre de cette « intégration » en milieu scolaire                adolescents handicapés ou en difficulté est sou-
ordinaire. Pour nous limiter au texte inaugural de               mis à de vives contradictions. Celles-ci ne sont
cette série prolongée jusqu’à l’époque actuelle                  pas radicalement nouvelles, si l’on pense aux ten-
(circulaire du 29-1-1982), retenons qu’il enjoignait             sions entre le secteur privé et le secteur public,
d’appliquer une politique d’intégration scolaire,                entre l’école ordinaire et les dispositifs spéciaux,
centrée sur chaque cas particulier en fonction d’un              entre les différents types de professionnels, mais
« projet intégratif », se réalisant « avec discerne-             elles sont aujourd’hui peut-être encore plus fortes
ment et souplesse », grâce à des « actions décen-                qu’auparavant, dans un contexte social d’incerti-
tralisées ». L’orientation générale, qui était affir-            tudes, souvent marqué par la répétition de la for-
mée avec force, était de « décloisonner le                       mule, pourtant grossièrement schématique, de la
dispositif institutionnel existant dans une perspec-             « lutte contre l’exclusion ». Ainsi, la politique d’in-
tive d’intégration qui limite les phénomènes d’ex-               tégration scolaire des enfants handicapés, offi-
clusion ou de ségrégation ».                                     ciellement et explicitement prônée depuis le
                                                                 début des années 80, se heurte à une réalité où
   Dans de telles conditions, la désignation globale             les intégrations individuelles dans les classes
du secteur d’action considéré n’est plus « l’éduca-              ordinaires restent très limitées et estimées à
tion spéciale » mais « l’adaptation et l’intégration             moins de 10 % de l’ensemble des enfants ou ado-
scolaire ». Certains dispositifs institutionnels ont             lescents repérés comme handicapés. Ce même
été entièrement réévalués et ont changé eux-                     objectif n’est, jusqu’à présent, que très médio-
mêmes de dénomination, essentiellement au cours                  crement soutenu par la formation, qui reste large-
de ces dix dernières années. Les classes de                      ment insuffisante, des personnels enseignants
l’école élémentaire, qui étaient dites « spéciales »,            pour l’accueil des enfants handicapés dans les
sont désormais (depuis 1991) des « classes d’inté-               classes ou même les établissements ordinaires.

10     Revue Française de Pédagogie, n° 134, janvier-février-mars 2001
Le rapport de l’inspection générale de l’Éducation     d’un établissement spécialisé en Grande-Bretagne,
nationale et de l’inspection générale des Affaires     Felicity Armstrong nous confronte à un débat
sociales, en mars 1999, sur l’accès à l’enseigne-      essentiel : pour elle, il y a une forte opposition
ment des enfants et adolescents handicapés,            entre une politique d’intégration dans la conti-
s’est fait largement l’écho de ces questions en        nuité des politiques anciennes d’éducation spé-
suspens, en dénonçant surtout les cloisonne-           ciale, et une politique d’inclusion, impliquant un
ments administratifs qui aboutissent à des dys-        changement radical des écoles ordinaires en
fonctionnements des dispositifs mis en place (7).      faveur de l’accueil des diversités, quelles qu’elles
                                                       soient (8). Enfin, dans la note de synthèse qui
                                                       accompagne ce dossier, Greta Pelgrims-Ducrey,
OBJECTIF ET CONTENU DU DOSSIER                         de l’université de Genève, compare, à partir
                                                       d’études internationales, les processus d’ensei-
                                                       gnement et les conditions d’apprentissage en
   L’objectif général du dossier présenté dans         classes ordinaire et spécialisée. À la lumière des
cette livraison est d’ouvrir le débat, en termes       résultats de certaines recherches menées sur plu-
scientifiques, sur certains aspects de l’éducation     sieurs dimensions d’enseignement, elle met en
des enfants et adolescents « handicapés » ou en        relief à son tour le peu de pertinence scolaire de
difficultés diverses, ceci de manière large, mais      certains étiquetages institutionnels.
sans prétendre à l’exhaustivité. Différentes
approches ont été croisées. Un texte introductif         C’est le terme de « handicap » qui a été retenu
met en évidence la fertilité pour les sciences de      pour l’ensemble du dossier, certains auteurs des
l’éducation des références à l’éducation des           articles allant jusqu’à inclure dans leur probléma-
enfants différents (Charles Gardou, Michel Deve-       tique la question de l’échec scolaire. Ce parti pris
lay), un peu à la manière dont Stiker (1999) se        nous semble doublement justifié. D’une part, tout
demande si la question des personnes han-              établissement de frontière entre tel ou tel type de
dicapées ne « bouleverse pas les politiques            pathologie ou de difficulté est arbitraire, sauf à
sociales » et, corrélativement, les interprétations    reprendre naïvement ce que nous avons critiqué
de la norme et de la différence. Les deux              plus haut, à savoir les découpages des classifica-
contributions qui suivent (Jean-Sébastien Morvan,      tions administratives. D’autre part, la notion de
Jean-Pierre Croisy) adoptent le point de vue de la     « handicap » a été affinée par des essais de défi-
psychologie clinique pour questionner l’éducation      nitions qui n’étaient pas encore diffusés en
spéciale en se demandant si la clinique ne convie      France au moment du vote de la loi de 1975 sur
pas, par sa posture même, à lui assigner une pro-      les personnes handicapées (9). L’Organisation
blématique relevant de l’éducation tout court (le      Mondiale de la Santé, s’inspirant des travaux du
premier sur un plan théorique général, le second       britannique Wood, a fait éclater la notion en trois
à propos des jeunes autistes). S’interrogeant sur      niveaux, la déficience, l’incapacité, le désavan-
ce qui constitue à leurs yeux des obstacles insti-     tage ou « handicap » au sens restreint. À ce der-
tutionnels, voire des résistances des acteurs eux-     nier niveau, c’est la dimension sociale qui inter-
mêmes, Raymond et Monique Chaumon propo-               vient, plus précisément l’accomplissement de
sent une description détaillée des dispositifs de      rôles sociaux. Dans cette analyse, le « handicap »
la formation professionnelle à l’intention des         ne peut se comprendre que dans le cadre d’une
jeunes handicapés, tandis que Jean-Marc Lesain-        interaction entre le sujet et son environnement et,
Delabarre problématise les nouveaux dispositifs        par conséquent, tout handicap est « handicap de
caractéristiques de l’intégration scolaire en          situation », selon l’expression de Pierre Minaire
France. C’est en référence aux apports impor-          (1983), d’où le titre choisi pour ce dossier :
tants de la sociologie des professions que Michel      « Situations de handicap et institution scolaire ».
Chauvière et Dominique Fablet analysent la dif-                                                Éric Plaisance
ficile coopération entre les fonctions d’instituteur            Université Paris V – René Descartes, CERLIS
et d’éducateur spécialisés, comportant des en-                    (Centre de recherche sur les liens sociaux)
jeux multiples au regard de l’éducation spéciale.                                            Charles Gardou
Les deux contributions étrangères méritent enfin                   Université Louis Lumière – Lyon 2, CRHES
d’être soulignées. Se fondant sur une enquête                          (Collectif de recherche sur le handicap
ethnographique qui prend pour objet l’évolution                                      et l’éducation spécialisée)

                                                                                            Présentation     11
NOTES

(1) L’ensemble du dossier présenté et en particulier chaque               dans la construction de leur objet, de leur propre itinéraire
    article ont bénéficié de la lecture attentive de Marie-France         professionnel et de leur ancrage dans tel ou tel service de
    Grospiron, ingénieur d’études au CNRS, membre du Centre               recherche. L’analyse comparée de ces histoires reste encore
    de recherche sur les liens sociaux (Université Paris V-René           en grande partie un chantier à défricher. Voir, dans ce même
    Descartes, centre associé au CNRS). Qu’elle soit ici vive-            numéro, la contribution de Chauvière et Fablet sur l’institu-
    ment et amicalement remerciée.                                        teur et l’éducateur spécialisés.
(2) Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire,       (6) Voir, par exemple, la revue « L’éducation » du 29-3-1973, qui
    sous la direction de Ferdinand Buisson, Hachette, 1911.                comportait un petit dossier sur « l’éducation spécialisée », au
    L’article « Anormaux (enfants) » est rédigé par Gustave                titre des informations en provenance du ministère de l’Édu-
    Baguer. La dénomination « anormal » est encore revendi-                cation nationale. Ce dossier définissait « une nouvelle orien-
    quée comme adéquate par Prudhommeau en 1956, car il la                 tation pour l’éducation spécialisée », et insistait sur la mise
    considère comme préférable à celle d’« inadapté », selon lui           en place du nouveau dispositif d’adaptation, tout en souhai-
    trop vague « et que l’on peut étendre à des catégories d’en-           tant une coordination interministérielle des actions. On doit
    fants parfaitement normaux » (Les enfants déficients intel-            toutefois rappeler que l’orientation « non ségrégative », que
    lectuels, Paris, PUF, 1956, p. 1). Ce même auteur avait écrit          l’on ne dénommait pas encore « intégrative », était déjà for-
    précédemment un ouvrage, précisément intitulé « L’enfance              mulée en 1965, dans la circulaire importante définissant les
    anormale » (PUF, 1949).                                                « modalités de scolarisation des enfants inadaptés ». Le pre-
(3) La citation complète du rapport est la suivante : « On ne sait         mier principe d’action énoncé était le suivant : « les diffé-
    quand la connaissance sera parvenue à un stade tel que les             rentes catégories d’enfants inadaptés doivent être scolarisés
    techniciens unanimes offriront aux administrateurs un cadre            dans des conditions aussi proches que possible de la nor-
    précis pour organiser leur action. Mais les administrateurs            male en évitant de les séparer de leur milieu naturel, familial
    ne sauraient attendre. Il leur faut accomplir un effort d’ordre,       et scolaire » (circulaire du 21 septembre 1965).
    malgré l’absence de certitude, durant la période de tâtonne-            Quant à la flexibilité des actions, elle figurait aussi au minis-
    ments. « L’intergroupe de l’enfance inadaptée », qui a opéré            tère de la Justice, par l’Action Éducative en Milieu Ouvert
    pour la préparation du V e plan, a rendu en ce sens un très             (AEMO), au nom de la prévention de la délinquance.
    grand service. Les divisions qu’il a proposées ont été rete-
    nues, jusqu’à nouvel ordre, par les administrations, accep-        (7) C’est pour répondre à de telles analyses critiques que des
    tées par les œuvres ; elles ont ainsi contribué à la clarifica-        mesures de « relance » de la politique d’intégration scolaire
    tion des problèmes » (p. 3).                                           ont été prises en 1999 et que les groupes de coordination
                                                                           « handiscol’ » ont été créés au niveau départemental.
(4) Voir ci-après l’article « L’évolution de la formation profes-
    sionnelle des adolescents en grande difficulté », par R. et        (8) Pour l’analyse de l’intégration scolaire dans le cadre de
    M. Chaumon.                                                            l’Europe, on peut utiliser la livraison intitulée « Europe et
                                                                           intégration » de la « Nouvelle revue de l’AIS », 2000, n° 10
(5) Les découpages institutionnels exercent aussi leur influence           (Centre de formation de Suresnes – CNEFEI)
    sur les cloisonnements des champs de recherche. Ainsi, les
    histoires des institutions spécialisées depuis le XIX e siècle     (9) La loi de 1975 se gardait bien de donner une définition du
    sont des histoires très généralement séparées, qui s’igno-             handicap, pour laisser ouvertes, disait la ministre de la santé
    rent les unes les autres : par exemple, l’histoire de l’ensei-         de l’époque, Simone Veil, des possibilités d’évolution ulté-
    gnement spécialisé, l’histoire des interventions éducatives            rieures et éviter des exclusions. Ce sont les commissions
    auprès des mineurs délinquants, l’histoire du secteur                  instituées par la loi qui sont chargées de reconnaître un
    médico-social. Les chercheurs eux-mêmes sont tributaires,              sujet, adulte ou enfant, comme handicapé.

                                                             BIBLIOGRAPHIE

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                                                                                                 Présentation    13
handicap
                                revue de sciences humaines et sociales
                                         N° 88 – octobre-décembre 2000

                                                    Sommaire

Approches méthodologiques dans une enquête épidémiologique                                        1
sur les handicaps en Lorraine
Groupe de recherche Lorhandicap

Personne handicapée physique et singe capucin : approche psychologique                            25
2e partie : analyse clinique et conclusions
Jean-Sébastien Morvan, Valérie Torossian, Angélique Cayot-Decharte

L’emploi des personnes handicapées : accompagner la transition vers un nouveau modèle ?           43
Dominique Velche

Familles d’accueil et VIH : motivations et rapports aux institutions                              71
Annick-Camille Dumaret, Pascale Donati

Rubrique internationale

La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Dublin)          87
Jehanne Pornon

Note de lecture

Enfants sourds, enfants aveugles au début du XXe siècle.                                          91
Autour de Gustave Baguer
(Monique Vial, Joëlle Plaisance, Henri-Jacques Stiker)
par Claude Wacjman

La rédaction a reçu…                                                                              93

                                           Abonnement – Tarifs 2001

 1 an (4 numéros)                             France                          Etranger
                                      430 Francs (65,55 Euros)         450 Francs (68,60 Euros)

 Le numéro simple                     130 Francs (19,82 Euros)         140 Francs (21,34 Euros)

              CTNERHI Diffusion – 236 bis rue de Tolbiac – 75013 PARIS – Tél : 01 45 65 59 24
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                             Site internet : http://perso.club-internet.fr/ctnerhi/
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