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Présentation générale

                                         Anaïd Donabédian* et Reza Mir-Samii**

  Avec cette livraison de Faits de langues, nous poursuivons la nouvelle formule
qui fait alterner des numéros thématiques et des varia, expérimentés
précédemment avec Faits de Langues-Les Cahiers, et construits autour de
plusieurs rubriques (Gros plan, Dossier, Terrains-Données-Corpus, Langues une
à une), qui sont autant d’éclairages de la question de la diversité des langues1.

   La rubrique Gros plan, présente un article où un équilibre, nécessairement
fragile et provisoire, entre la singularité des données et la réflexion théorique
débouche sur l’explicitation d’une démarche scientifique de recherche.
   Dans Les constructions verbales (CVS) en série en khmer contemporain,
Denis Paillard revient sur la question du statut des verbes entrant dans une CVS
(dans certaines langues, comme le khmer, on compte jusqu’à dix verbes). Dans
un grand nombre de travaux d’orientation typologique (Aikhenvald & Dixon
2006, Bril & Ozanne Rivière 2004, Bissang 1992, 2008, Durie 1997), la position
est qu’une partie des verbes perdent leur statut de verbe : par grammaticalisation
(certains verbes devenant des marqueurs aspectuels, modaux, etc), d’une part, par
lexicalisation (deux verbes se combinent pour former un lexème complexe)
d’autre part. Concernant les CVS du khmer, D. Paillard défend la thèse que tout
verbe entrant dans une CVS conserve son statut verbal. Dans cette perspective,
une CVS exprime un événement complexe, produit d’une combinatoire réglée
entre les scénarios des différents verbes en jeu. Dans cette combinatoire, l’ordre
d’apparition des verbes est pertinent, le dernier verbe de la série marquant une
stabilisation de l’événement construit. Par ailleurs, selon sa position dans la CVS,
un même verbe reçoit des interprétations différentes, ce qui conduit à s’interroger
sur la variation sémantique des verbes en jeu (leur polysémie). D. Paillard
argumente cette approche en étudiant le fonctionnement et la variation
sémantique de trois verbes polysémiques (coh "descendre", laəŋ "monter" et
baan "obtenir") tant dans leurs emplois de verbe unique que dans les différentes
positions qu’ils occupent au sein d’une CVS.

* SeDyL (UMR 8202), Inalco, CNRS, IRD. Courriel : adonabedian@inalco.fr
** Université du Maine, Laboratoire 3L.AM. Courriel : Reza.Mir-Samii@univ-lemans.fr
1 Outre le Comité de lecture international de la revue, nous remercions vivement, au nom

du Comité de rédaction, les rapporteurs anonymes sollicités pour leurs compétences
particulières qui ont contribué à la qualité scientifique de ce numéro.

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   La rubrique Dossier réunit une série d’articles qui, dans leur diversité, rendent
compte des travaux en cours sur une langue ou un groupe de langues, une
catégorie, ou encore une problématique théorique innovante ou peu connue. Le
Dossier de ce numéro, consacré au vietnamien, comprend trois contributions,
consacrées respectivement à la copule Là, à l’intransitivité scindée et à l’étude de
trois marqueurs discursifs tuy nhiên, tuy thế et tuy vậy, et qui confrontent les
données du vietnamien à des cadres théoriques différents, avec respectivement,
une approche typologique, une analyse du point de vue de la théorie de
l’inaccusativité, et enfin une approche énonciativiste.
   Danh Thành Do-Hurinville revisite ici la description du marqueur
polyfonctionnel là, traditionnellement décrit comme ayant quatre emplois :
verbe-copule (verbe connecteur, verbe non autonome), conjonction consécutive,
complémenteur, particule d’intensité, et qui a également été analysé, selon les
cadres théoriques, soit comme un séparateur thème/rhème, soit comme un
séparateur sujet/prédicat. Si les travaux consacrés aux copules soulignent
généralement le caractère statif des racines leur ayant donné naissance, l’auteur
reprend l’hypothèse de Nguyen Phu Phong pour qui là est issu d’un verbe
dynamique, làm ‘faire’. Il propose de reconstruire le chemin d’évolution
sémantique de làm ‘faire’ à là copule, chemin typologiquement attesté pour
d’autres langues, puis là conjonction consécutive, et là focalisateur, Pour cela
l’auteur analyse successivement les trois emplois de là en tant que copule (en
contexte assertif, négatif et interrogatif), conjonction consécutive, et focalisateur,
tout en montrant les affinités et les frontières entre ces valeurs. Il montre ainsi,
notamment à travers les contraintes d’emploi de la copule en fonction de la
nature nominale ou prédicative de l’attribut, que des contextes excluant là copule
permettent là focalisateur. De même, la fonction de copule (joncteur) permet
d’expliquer celle de conjonction consécutive. Du point de vue syntaxique, là joue
un rôle de joncteur en marquant la relation entre les éléments d’un syntagme ou
d’une proposition. Du point de vue pragmatique, tout en jouant le même rôle de
mise en relation, dans certains types sémantiques de constructions, là introduit le
focus qui peut porter sur différentes unités (syntagmes nominal, verbal,
prépositionnel), mais en présentant un caractère grammaticalement moins
contraignant. Cet article montre ainsi à la fois la polyfonctionnalité de ce
marqueur et sa cohérence, tant entre ses différents emplois, qu’avec des affinités
déjà identifiées en linguistique générale.
   Huy Linh Dao confronte les données du vietnamien à un autre cadre
théorique. Il examine en effet l’intransitivité scindée en vietnamien en vue de
vérifier la pertinence pour ces données de la théorie de l’inaccusativité, selon
laquelle les verbes intransitifs se répartissent en deux types, inaccusatifs et
inergatifs, donnant lieu à des constructions différentes. Pour ce faire, H. L. Dao,
examinant les divers types d’alignement, s’attache à l’hypothèse inaccusative,
cherche, en s’appuyant sur les verbes de manières de mouvement et les prédicats
statifs, et en recourant à des tests, à montrer que dans une langue isolante et à
SVO, l’existence des verbes inergatifs et inaccusatifs se remarque, non
uniquement selon les propriétés lexicales, mais surtout dans les réalisations

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syntaxiques, au niveau des prédicats. Les tests permettent à H. L. Dao de poser
plusieurs arguments en faveur de la distinction inergatif/inaccusatif : la possibilité
d’avoir un sujet impersonnel avec les verbes inaccusatifs et son impossibilité
avec les inergatifs, l’ordre des termes (SV ou VS dans le cas des inaccusatifs, SV
dans celui des inergatifs), la possibilité d’admettre la construction à possesseur
externe, et surtout le marquage du passif par bi qui se révèle incompatible avec
des verbes inergatifs, compatible avec des inaccusatifs, d’où l’hypothèse de le
poser comme le «marqueur potentiel de l’inaccusativité». A ces particularités
s’ajoute la possibilité, dans des contextes «irrealis-résultatifs», d’avoir le nó
explétif en position sujet uniquement avec des inaccusatifs (nó+V+SN Sujet vs
*nó+SN Sujet+V), et son incompatibilité avec les inergatifs et transitifs. Le
recours aux deux classes de verbes, les verbes de manières de mouvement et les
prédicats statifs, viennent confirmer ces possibilités d’emplois. Les verbes de
manières de mouvement (type chạy "courir", nhảy "danser") dans des prédicats
complexes (chạy+mất "courir-perdre") tendent vers les propriétés inaccusatives
et acceptent non seulement le passif adversatif avec bi, tout en ayant la possibilité
d’entrer dans des constructions à possesseur externe, mais également de recevoir
le nó explétif en position sujet. Ces mêmes faits se révélant positifs dans le cas
des prédicats statifs (type đen "être noir") dans des prédicats complexes (type
đen + đi "devenir noir, (se) noircir" et đen + hết cả "devenir complètement
noir"). Cela conduit l’auteur à conclure que, si l’hypothèse inaccusative est bien
vérifiée en vietnamien, la construction n’est pas strictement dictée par les classes
lexicales de verbes, mais relève d’une combinatoire plus complexe. Il trace
également une piste de réflexion sur une possible corrélation entre type de
marquage de l’inaccusativité et typologie morphologique des langues
(agglutinantes ou isolantes).

   Thi Hoang Anh Bui cherche à montrer, tout comme Hélène de Penanros plus
loin, que le fait que des marqueurs puissent être interchangeables dans certains
contextes ne justifie pas qu’on doive les considérer comme synonymes. Pour
cela, elle s’intéresse à ce qui distingue formellement trois marqueurs discursifs du
vietnamien (tuy nhiên, tuy thế, tuy vậy) ayant en commun la composante tuy,
ainsi qu’à leur fonctionnement dans des contextes variés. Elle examine d’abord
les emplois autonomes des différentes particules en jeu. Tuy marque la
concession, et présente les trois possibilités et valeurs que Mary-Annick Morel
observe pour le français : concession logique (bien que), concession restrictive
(bien que, encore que), cause contraire (certes…mais). Exprimant la concession
logique, la proposition qu’il introduit peut, comme en français, suivre ou
précéder la principale. Dans son emploi de type «cause contraire», tuy…nhung
(certes/bien que…mais), il est possible d’avoir les deux marqueurs ou l'un des
deux, tout en notant que la présence de nhung peut marquer une forte
discordance. Thế indique l’attitude réactive (positive ou négative) de
l’énonciateur et vậy sa position certaine quant à la valeur de vérité de ce qu’il
asserte, ces deux marqueurs, selon les positions, renvoyant au cotexte ou à la
situation. Dans le premier cas, ils peuvent être en tête de l’énoncé ou en position
médiane, alors que dans le deuxième, ils se placent en fin d’énoncé. Ces

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marqueurs (nhiên, thế, vậy) associés au subordonnant concessif tuy, mettent en
jeu l’altérité, et indiquent une rupture entre la séquence qu’ils introduisent et la
précédente : tuy nhiên (cependant, néanmoins) marque une rupture et «un
changement de plan discursif» tout en apportant une rectification; tuy thế
(pourtant, mais pour autant), indique la mise en jeu de deux plans, le premier se
présentant comme objectif, et celui introduit par tuy thế comme subjectif; tuy thế
(et pourtant, pour autant, pourtant) marque une «altérité forte» et vient inverser
la polarité logique. A travers cette étude, l’auteur montre que les différentes
particules qui accompagnent tuy dans ces trois marqueurs discursifs apportent
une spécification du type d’altérité entre l’énoncé sur lequel ils portent et son
contexte de gauche, ce qui permet de dépasser la thèse de la synonymie et de
rendre compte des contextes dans lesquels ces marqueurs discursifs ne sont pas
interchangeables.

   La rubrique Terrains-Données-Corpus comprend deux contributions
concernant des corpus à visée particulière : celle d’Isabelle Léglise et Sophie
Alby consacrée aux «Corpus plurilingues, entre linguistique de corpus et
linguistique de contact», ayant une visée méthodologique, et celle de Hyunjung
Son, Jae Yun Lee, Beomil Kang et Ha-Soo Kim qui s’attache à décrire une
pratique langagière spécifique liée au media Twitter.

   Isabelle Léglise et Sophie Alby présentent les acquis des travaux effectués
dans le cadre du projet CLAPOTY depuis 2009. L’article présente un état de l’art
épistémologique et méthodologique nourri sur les travaux consacrés à ces
questions en France et dans le monde, et situe le projet par rapport aux enjeux
liés au champ disciplinaire concerné (impact des facteurs sociaux sur le
changement linguistique et sur le contact, incluant des phénomènes relevant de
l’anthropologie linguistique, de la pragmatique, de la sociolinguistique, ainsi que
de la linguistique descriptive et typologique). Il explicite les choix
méthodologiques et théoriques du projet (qui porte sur une quarantaine de
langues dont 25 avec une expertise forte dans l’équipe, et analyse des
«phénomènes remarquables» morphosyntaxiques, interactionnels ou discursifs,
en évitant dans certains cas de les qualifier pour ne pas anticiper sur l’analyse).
Le choix des métadonnées destinées à permettre une analyse plurifactorielle vise
également, en s’appuyant sur trois typologies majeures de la linguistique de
contact (situations de contact, situations d’interaction verbale et discours
bilingues), à tester ces typologies et intègre également des facteurs comme la
distance typologique et la parenté génétique entre les langues, l’ancienneté du
contact, et des données secondaires liées aux modalités d’acquisition des langues
par les locuteurs, à la socialisation linguistique, et au statut des langues
concernées sur le territoire où les données sont recueillies.
  La contribution collective de Hyunjung Son, Jae Yun Lee, Beomil Kang et
Ha-Soo Kim porte sur la question du genre des productions observées dans le
media social Twitter, question qui a déjà suscité des travaux, et que les auteurs se
proposent d’aborder de manière innovante pour le cas du coréen, par le biais

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d’une approche statistique fondée sur un corpus de 678 199 messages postés en
octobre 2011 et portant sur les élections municipales de Séoul. Ce corpus,
composé de 16 904 995 ôchôl, mots typographiques du coréen, a été soumis au
logiciel UTagger pour une analyse morphosyntaxique, et 2 166 marqueurs
représentant 56 traits (pronoms, suffixes, verbes, négations, …) ont été identifiés.
Ces données ont été comparées avec celles du Corpus du Coréen Standard réuni
par l’Institut National de la Langue Coréenne (trois millions de ôchôl) et classé
en 18 genres (oral, scénarios, roman, manuel, magasine, essai, journaux…). Une
recherche statistique selon les genres montre la fréquence élevée de phrases
«non-nominales» à un seul ôchôl, formé d’un ou de deux mots (ex. exclamation,
interrogation, réponses…), alors que plusieurs autres traits (temps verbal-présent,
particule d’introduction de la citation, terminaison de nominalisation -ki,
connecteur nominal, adjectif verbal) sont peu employés par opposition aux autres
genres. Cette recherche permet aux auteurs de mettre en avant les spécificités
linguistiques de ce mode de communication, et à poser que si certaines
spécificités sont proches du registre oral, d’autres s’expliquent par un phénomène
d’économie lié à a la limite imposée de 140 signes. Cela peut justifier la rareté
des particules causales, ou «l’éviction de formes verbales fléchies indiquant des
repérages temporels, aspectuels ou des points de vue énonciatifs, aisément
récupérables en contexte». Les résultats de l’étude permettent aux auteurs de
conclure que Twitter est à l’origine d’un genre spécifique, qui, par ses
caractéristiques, ne se rattache univoquement ni à l’oral, ni à l’écrit. Ils montrent
en outre une certaine affinité avec certains genres journalistiques et fournissent
des pistes pour une étude qui permettrait de situer plus précisément le genre
‘Twitter’ par rapport à ceux-ci.

   La rubrique Langues une à une clôt ce numéro avec les contributions de
Hélène de Penanros «Cas et prépositions en lituanien», et de Gilles Authier
«Inalienability split in possessive NPs and the origin of the two cases with
genitive function un Budugh» (Origine du marquage différentiel du possesseur
selon l’aliénabilité du possédé dans les groupes nominaux du budugh), qui
abordent, à travers l’étude de données de première main d’une langue
particulière, une question constituant un enjeu pour la linguistique générale ou
typologique.
   Hélène de Penanros propose de dépasser une approche présentant les cas et
les prépositions deux stratégies équivalentes pour marquer le même type de
fonction, ce qui au plan théorique, s’appuie sur une conception de la langue
comme un mécanisme d’encodage de fonctions préexistantes (ce qui est remis en
question notamment par A. Culioli), mais aussi, en mettant en concurrence des
marques casuelles simples et des marques combinant préposition et cas, oblige à
mettre en œuvre la notion de synonymie (réfutée par Milner 1989, mais aussi par
la grammaire cognitive). L’auteur s’appuie sur le fait qu’il existe des différences
sémantiques qui peuvent ne pas être pertinentes pour certains contextes (et
induire ainsi une apparente synonymie) mais qui sont néanmoins présentes en
langue, ce qu’elle montre avec une analyse précise des contextes contraignant le

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choix entre stratégies concurrentes en lituanien pour l’expression de l’instrument
des verbes de tir (instrumental ou préposition iš + génitif), de la cause
(préposition iš + génitif, préposition nuo + génitif, instrumental) et de la sélection
dans un groupe (préposition iš + génitif ou génitif seul). Elle montre à travers ces
trois cas empiriques non seulement que les constructions ne sont pas synonymes,
contrairement à ce qui est communément décrit dans les grammaires, mais qu’il
est possible de rendre compte de la compositionnalité des constructions
préposition+cas par rapport à l’analyse du marquage casuel simple, en évitant
l’écueil de l’approche (issue de Kurylowicz) qui, voyant l’ensemble
préposition+cas comme un morphème discontinu, aboutit à morceler la
description. Ecartant la théorie de la rection aussi bien que celle de la subsidiarité
de la préposition par rapport au cas, elle les considère tous deux comme des
relateurs qui se font écho, tout comme dans les verbes préverbés des langues
baltes et slaves où aucun élément n’est vide de sens. Elle propose de considérer
que les deux relateurs sont cependant d’ordres différents, le cas marquant une
relation de repérage préconstruite, alors que la préposition construit un repérage
opéré au sein de l’énoncé.

   Gilles Authier montre comment un phénomène typologiquement rare dans
cette langue Est-Caucasienne, le marquage du type de possession aliénable/
inaliénable par deux cas génitifs différents (inlocatif et adlocatif), est corrélé à la
grammaticalisation d’un marquage différentiel du bénéficiaire dans un grand
nombre de langues est-caucasiennes. En budugh, les marques de génitif existant
dans le kryz voisin ont disparu, et les possesseurs sont marqués de la même
manière que les bénéficiaires (syncrétisme génitif/datif). Alors qu’en kryz on a
plusieurs marques de génitif, le budugh a un système binaire où l’adlocatif a été
réinterprété et assigné dans le syntagme nominal pour marquer le possesseur non-
permanent. Dans la description détaillée qu’il fournit de l’origine de ces faits du
budugh en les situant dans la famille lezgui, G. Authier souligne l’asymétrie
diachronique dans la genèse de ces marques, puisque le datif, utilisé pour
marquer le bénéficiaire permanent, est ancien dans la famille lezgi, alors que
l’adlocatif pour marquer le bénéficiaire est le résultat d’une grammaticalisation
plus récente. Il montre en outre que si dans certains cas ce trait est hérité, il
semble qu’en budugh ce soit un trait aréal qui est à l’origine de la scission
ultérieure concernant la construction possessive. Les processus en jeu montrent
notamment comment le marquage casuel traduit des corrélations sémantiques
entre types d’arguments, ainsi, la désinence vieux-lezgi de datif sert en budugh à
marquer les bénéficiaires permanents et les sujets expérientiels des prédicats de
perception, mais aussi le complément (causee) des constructions causatives.
Cette configuration est typologiquement originale. En effet, alors que la
grammaticalisation du locatif ou du but en possesseur est un phénomène déjà
décrit en typologie (Heine & Kuteva 2002), tout comme le syncrétisme
génitif/datif, en revanche, un marquage différentiel de la possession inaliénable
marquée uniquement par deux cas génitifs distincts et non asymétriques est rare,
ainsi que le fait que deux cas dans un inventaire de plus de quinze cas puissent
couvrir un si grand nombre de domaines syntaxiques.

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