Les GALAXIES - Hiver - Printemps 2020 - volume 31 , numéro 1 - Société d'astronomie du Planétarium de ...
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Une publication de la Société d’astronomie du Planétarium de Montréal • SAPM Hiver - Printemps 2020 — volume 31 , numéro 1 Les GALAXIES
Sommaire 3 Mot du président 4 Équipe de production 5 Espace des membres 8 Événements astronomiques 11 Sur le web Pour y voir clair Crédit : ESA/Hubble & NASA 12 Qu’est-ce qu’une galaxie ? À la Une 13 Des nébuleuses aux galaxies Galaxie de la Roue du Chariot Histoire Bienvenue aux 17 nouveaux membres Le Grand Débat de 1920 sur la nature des galaxies spirales La Société d’astronomie du Planétarium de Montréal (SAPM) Agence spatiale canadienne est heureuse d’avoir accueilli 19 112 nouveaux membres depuis Astronautes juniors recherchés ! le 27 août 2019. La provenance de ces derniers est assez Jeune astronome 20 diversifiée : Montréal, Varennes, Le mystère des galaxies Saint‑Georges, Laval, Saint‑Sauveur, Sainte‑Marthe‑sur‑le‑lac, Saint‑Laurent, Saint‑Hubert, Lasalle, Saint‑Bruno‑de‑Montarville, Saint‑Constant, Saint‑Paul, Longueuil, Coteau‑du‑Lac, Cheektowaga (NY), 23 Le petit planétaire Saint‑Lambert et Saint‑Isidore. 24 Au clair de la Lune N’hésitez pas à consulter notre site web et nos réseaux sociaux 26 Ciel profond (Facebook et Twitter) pour obtenir plus d’informations sur l’actualité astronomique, nos ateliers 29 Jouons avec les galaxies ainsi que nos activités. 31 Variations sur un même thème Bienvenue à la SAPM ! L’icône SAPM contient des liens. N’hésitez pas à cliquer dessus Les textes n’engagent que leurs auteurs. pour découvrir plus d’informations. Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 2
Mot du président Un printemps actif à la SAPM Encore plein de belles conférences à venir ce Cette rencontre constitue un moment privilégié où printemps à la SAPM et une nouveauté : « Discussions nous ferons le bilan du fonctionnement, puis nous avec un astronome ». Cette conférence aura lieu procéderons à l’élection des officiers du conseil le vendredi 24 avril prochain. Tu as une question d’administration auxquels vous confierez la gestion sur l’astronomie qui te trotte dans la tête depuis de notre Société. longtemps ? C’est le temps de venir rencontrer un panel dʼastronomes professionnels qui y répondront. À cette occasion, nous décernerons également le Une soirée à ne pas manquer ! prix annuel de la SAPM. Il s’agit du prix « Michel Nicole », qui souligne l’implication remarquable TROPHÉE MÉRITAS d’un de nos membres. Nous vous invitons dès maintenant à proposer une candidature par courriel Afin de souligner les efforts, la qualité des travaux à info@sapm.qc.ca ou en personne à un membre et la persévérance d’astronomes amateurs, la du conseil d’administration. Finalement, cette Fédération des astronomes amateurs du Québec assemblée vous permettra de communiquer vos octroie chaque année le trophée Méritas. Pour une commentaires et suggestions aux élus du nouveau troisième fois, le prix a été remis à un membre de conseil d’administration. Nous vous attendons en la SAPM. C’est avec fierté que nous vous annonçons grand nombre ! que le vendredi 6 décembre 2019, il a été attribué à Madame Louise Ouellette, membre active qui Bon printemps 2020 ! s’est impliquée au sein du conseil d’administration pendant quelques années. Félicitations à Louise pour cet honneur pleinement mérité ! Alain Vézina Président ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA SAPM Société d’astronomie du Planétarium de Montréal Vous êtes cordialement invités à assister et à participer à l’assemblée générale des membres de la SAPM qui aura lieu le vendredi 27 mars 2020 à 19 h 30 au Planétarium Rio Tinto Alcan. Notez que vous devrez vous identifier à l’entrée en présentant votre carte de membre de la SAPM. Remise du trophée Méritas Louise Ouellette, Jean-François Larouche (président de la FAAQ) et Jasmin Robert (directeur général de la FAAQ) Crédit photo : Alain Vézina Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 3
Équipe de production Françoise, j’ai compris ! Quand j’ai accepté de jouer le rôle de rédactrice en chef, j’avais hâte de relever un si beau défi dans ce domaine complexe et fabuleux qu’est l’astronomie. Voyez-vous, mes connaissances se limitaient aux planètes qui composent notre système solaire et pour m’en rappeler l’ordre, je devais réciter la petite phrase : « Mon Vieux, Tu M‘as Jeté Sur Une Navette. » Équipe de production Donc, lors de ma première rencontre avec les collaborateurs, leurs échanges m’ont semblé plutôt nébuleux. Je vous avais parlé d’un Rédactrice en chef certain vertige… À la fin de la rencontre, Françoise Boutin, rédactrice Isabelle Léveillée en chef de l’Hyperespace pendant quelques années, est restée pour m’expliquer ce je devais savoir pour jouer mon rôle comme il se doit. Assistante à la rédaction Une fois qu’elle eut répondu à toutes mes questions, elle a conclu en Johanne Prud’homme disant : « Quand tu regardes une photo de l’espace, il faut ressentir une émotion ». Cette phrase m’avait marquée, non seulement par les Réviseure mots utilisés, mais par la façon dont elle l’avait prononcée. Geneviève Girard Au début, j’étais trop absorbée par mes nouvelles responsabilités pour comprendre son message. Mais, dès que j’ai commencé à recevoir Réviseur scientifique les photos des astrophotographes, j’ai ressenti un nouveau vertige ; et recherchiste celui-là n’avait rien à voir avec l’inquiétude de ne pas saisir les notions Jean-François Guay scientifiques. C’était plutôt un incroyable émerveillement devant des images qui dévoilaient une immensité que je ne soupçonnais pas. Et le Conception visuelle plus merveilleux, c’est que l’effet ne s’estompe pas ; et non : il est le Kanoca infographie même à chaque nouvelle photo d’une nébuleuse, d’une constellation ou de notre si belle Lune. Voilà, je peux dire à Françoise : j’ai compris ! PAGE COUVERTURE : M101 également appelée NGC 5457 Maintenant, laissez-vous transporter dans l’univers des galaxies dans ou galaxie du Moulinet - galaxie spirale lequel je vous souhaite de belles émotions ! située dans la Grande Ourse Crédits : ESA/Hubble Isabelle Léveillée Rédactrice en chef Pour joindre la rédaction : Isabelle Léveillée isabelle.hyperespace@sapm.qc.ca Mission SAPM et conseil d’administration Trajectoires de Vénus et Mercure au crépuscule 40° 2020-03-21 (octobre 2019 à juin 2020) 2020-03-11 2020-04-01 2020-03-01 2020-04-11 30 minutes après le coucher du Soleil latitude 45,5° Nord 2020-04-21 Hauteur sur l’horizon Vénus 30° 2020-02-01 2020-05-01 2020-05-11 20° 2020-01-01 2020-06-01 2020-02-11 2020-05-21 10° Mercure 2020-06-11 2019-12-01 2020-02-01 (janvier-février) Mercure (mai-juin) 2020-02-21 2019-11-01 2020-06-21 2020-05-11 2020-01-21 0° 2020-06-01 SSO SO OSO O ONO NO Pour joindre la SAPM 2020-05-01 2020-07-01 2020-03-01 2020-06-11 2020-04-21 2020-06-21 2020-04-11 2020-07-01 2020-03-11 2020-04-01 2020-03-21 Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 4
Espace des membres Les activités Hiver/Printemps 2020 Février Mai Aventures écliptiques Journée internationale par Rachelle Léger de l’astronomie Vendredi le 28 février Samedi le 2 mai Ciel du printemps Mars par Alain Vézina Vendredi le 8 mai Campo del Cielo : la chute de météorites Camp d’astronomie par Daniel Provençal du printemps au Domaine Vendredi le 13 mars Saint‑Bernard (Tremblant) Du vendredi 22 au dimanche 24 mai Avril Juin DUO DE CONFÉRENCES Vendredi le 10 avril Éclipse de Soleil et de Lune en Argentine Calcul de la date de Pâques par Alex Stefanescu par Pierre Lacombe Vendredi le 5 juin Aurora 360 Expérience par Alex Stefanescu Discussions avec un astronome (conférence publique) NOUVEAUTÉ Vendredi le 24 avril Crédit : Greg Rakozy Sommaire Hyperespace - Hiver - Printemps 2020 5
Espace des membres Souvenirs d’automne JOURNÉE INTERNATIONALE D’OBSERVATION DE LA LUNE par Alain Vézina Le samedi 5 octobre avait lieu la Journée internationale d’observation de la Lune. Cette année, le Planétarium Rio Tinto Alcan et la SAPM se sont associés pour offrir au public une soirée d’observation de notre Crédit photo : Alain Vézina satellite naturel. En effet, plusieurs astronomes amateurs de la SAPM ainsi que des animateurs du Planétarium ont permis à plus de 500 personnes d’admirer notre Lune au moyen de télescopes. Jupiter et Saturne se sont aussi offerts en spectacle pendant la soirée. Pour clore le spectacle, on a eu droit à un beau passage de la Station spatiale internationale qui a été suivi par le passage d’une étoile filante des Draconides. Merci aux bénévoles de la SAPM qui ont contribué au Gino Caporicci et Francine Hébert Lemon succès de cette soirée! On se revoit le samedi 26 septembre 2020. à l’accueil PASSAGE DE MERCURE DEVANT LE SOLEIL par Alain Vézina Le lundi 11 novembre avait lieu un évènement rare qui se produit seulement de 13 à 14 fois par siècle, c’est-à-dire le passage de la petite planète Mercure devant le Soleil. Lors de l’observation le ciel était Crédit photo : Pierre Lacombe passablement couvert, mais heureusement pendant une période d’environ deux heures, nous avons pu profiter de courts dégagements de la surface nuageuse. Nous avons donc pu apercevoir le petit point noir (Mercure) traverser le Soleil. Les bénévoles de la SAPM et les animateurs du Planétarium ont permis à environ 100 personnes d’admirer ce phénomène rarissime au moyen de télescopes munis de Alain Vézina et Sylvain Lafrance filtres solaires. Merci encore aux bénévoles de la SAPM qui ont participé avec un membre de la SAPM à l’événement. CAMP DE L'AUTOMNE AU HAVRE FAMILIAL À SAINTE-BÉATRIX par Pierre Tournay Le samedi 26 octobre, le ciel est bleu et sans aucun nuage. Nous sommes une douzaine au sommet de la montagne. Avec trois télescopes H-Alpha, nous photographions les changements progressifs et les magnifiques protubérances du Soleil. À la nuit tombée, Françoise Boutin dévoile Jupiter et Jean-François Guay déniche Saturne. Puis les nuages s’installent et nous Crédit photo : Rachelle Léger retournons au refuge pour un copieux souper. Vers 22h le ciel s’éclaircit et nous retournons au sommet de la montagne pour de nouvelles observations : NGC457, l’Amas double de Persée et son astérisme du Cowboy, M15 ainsi que Gamma du Bélier. L’aventure se termine à 3h du matin. On range le matériel sous le regard amusé des animaux nocturnes qui nous surveillent, bien tapis. Beau camp malgré les nuages puisque c’est toujours Normand Lafortune, Lise Nadon, Pierre Tournay, plaisant de fouiller le ciel entre amis(es) ! Jean-François Guay et Jacky Kubiczek Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 6
Espace des membres Les suggestions de lecture d’Isabelle Harvey Chroniques des atomes et des galaxies par Hubert Reeves, 2007 Ces chroniques se concentrent sur les développements récents de l’astrophysique et de la cosmologie. La forme brève de la chronique oblige l’auteur à une pédagogie maximale, gageure qu’il relève avec bonheur. Hubert Reeves aborde ainsi les questions fondamentales de la science de l’univers avec une simplicité remarquable, sans pour autant masquer la subtilité des notions évoquées : le big-bang, la courbure de l’univers, la matière et l’énergie « sombres », les univers parallèles, le principe anthropique, les trous noirs, etc. (Code : F0176) Voyage sur les flots de galaxies – Laniakea, notre nouvelle adresse dans l’Univers par Hélène Courtois, 2016 L’astrophysicienne présente ses travaux en matière de cosmographie, science qui étudie la structure de l’univers et la manière dont s’agencent et évoluent les galaxies qui le constituent, pour tenter de le cartographier. En 2014, elle révélait la première carte dynamique du superamas de 500 millions d’années-lumière de largeur à laquelle appartient la Voie lactée, baptisé Laniakea. (Code : F0283) Le grand escalier des quarks aux galaxies par Paul Couteau, 1996 Pour faire comprendre l’infinité des formes de l’univers matériel, Paul Couteau a eu recours à un artifice particulièrement heureux : si l’on descend vers l’infiniment petit ou si l’on monte vers l’infiniment grand, on change d’échelle, on se tient alors sur les marches d’un grand escalier qui se perd à l’infini. Chaque marche correspond à un ordre de grandeur. On découvre avec plaisir, et rigueur, les mœurs étranges des particules, et survole le monde des planètes, des étoiles, des galaxies et des astres cosmiques pour évoquer finalement le début des Temps. (Code : F0293) Trente images qui ont révélé l’Univers ; De la Lune à l’aube cosmique (Nouveauté à la bibliothèque), par Jean-René Roy, 2019 Les images d’objets célestes obtenues par les télescopes et les caméras des sondes spatiales nous éblouissent et nous intriguent. Plusieurs images charnières ont bouleversé notre vision de l’univers, causant une rupture; chaque fois, elles ont ouvert de nouveaux espaces jusque-là insoupçonnés. Nous sommes minuscules, l’univers est immense. Les images du ciel nous aident à anticiper une infime partie de ces vastitudes. Laissez-vous guider dans ce parcours historique étonnant et transporter dans un surprenant périple cosmique — un grand voyage dans le temps. (Code : F0330) Les codes indiquent la référence du livre à la bibliothèque du Planétarium de Montréal Sommaire Hyperespace - Hiver - Printemps 2020 7
Événements astronomiques par Marc Jobin Vénus et Mercure dans le ciel du soir L’inclinaison de l’écliptique par rapport à l’horizon trente minutes après le coucher du Soleil. L’Étoile du a une influence considérable sur la visibilité des soir atteint un point culminant autour du 24 mars, planètes Mercure et Vénus au crépuscule ou à près de 40 degrés au-dessus de l’horizon, qui l’aube. De manière générale, l’écliptique se dresse coïncide avec le moment où son écart avec le Soleil plus près de la verticale à la tombée de la nuit en est maximal. Vénus se couche alors plus de quatre première moitié d’année (dans les mois autour de heures après le Soleil. Mais en avril et mai, l’écart l’équinoxe de mars) ce qui favorise les apparitions entre Vénus et le Soleil s’amenuise peu à peu, et la de Mercure ou Vénus dans le ciel du soir; à l’inverse, brillante planète replonge vers l’horizon avant de leurs apparitions du matin seront mieux visibles en repasser dans le ciel du matin. seconde moitié d’année (autour de l’équinoxe de septembre). La petite planète Mercure effectue quant à elle deux bonnes apparitions au crépuscule. Les conditions L’éclatante Vénus bénéficie donc cet hiver et ce seront optimales du 23 janvier au 18 février, puis à printemps de conditions de visibilité exceptionnelles, nouveau entre le 10 mai et le 16 juin. Les 21 et 22 comme cela se produit de manière presque identique mai au crépuscule, Mercure et Vénus se croisent bas tous les huit ans. Le diagramme ci-dessous montre à l’horizon ouest-nord-ouest. sa position par rapport à l’horizon à chaque soir, TRAJECTOIRES DE VÉNUS ET MERCURE 40° 2020-03-21 2020-04-01 2020-03-11 Crédit illustration : Marc Jobin/Planétarium Rio Tinto Alcan 2020-03-01 2020-04-11 2020-04-21 Hauteur sur l’horizon Vénus 30° 2020-02-01 2020-05-01 2020-05-11 20° 2020-01-01 2020-06-01 2020-02-11 2020-05-21 10° Mercure 2020-06-11 2019-12-01 2020-02-01 (janvier-février) Mercure (mai-juin) 2020-02-21 2019-11-01 2020-06-21 2020-05-11 2020-01-21 0° 2020-06-01 SSO SO OSO O ONO NO 2020-05-01 La trajectoire de Vénus et Mercure dans le ciel du crépuscule, entre octobre 2019 et juin 2020, pour la latitude 2020-07-01 45,5 degrés Nord. Les points montrent la position quotidienne des deux planètes au-dessus de l’horizon, 2020-03-01 2020-06-11 30 minutes après le coucher du Soleil ce jour-là. Les points plus gros indiquent leur emplacement le premier, le 11 et le 21 de chaque mois. 2020-04-21 2020-06-2 2020-04-11 2020-03-11 2020-04-01 2020-03-21 Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 8
Événement astronomique MARS RENCONTRE JUPITER ET SATURNE sous la planète rouge et 2 degrés en bas et à droite La planète rouge se déplace rapidement parmi les de la brillante Jupiter ; Saturne se trouve 7 degrés constellations et effectue entre le 18 et le 31 mars à leur gauche. Deux jours plus tard, le matin du une série de rencontres planétaires. Elles se 20, Mars est en conjonction avec Jupiter : à peine déroulent bas au sud-est dès 5h30 du matin (environ 42 minutes d’arc les séparent. Puis, le matin du 90 minutes avant le lever du Soleil) et à l’aube. 31, Mars se trouve cette fois en conjonction avec Tout commence le matin du 18 mars, alors que Saturne : les deux planètes d’éclat semblable ne la Lune décroissante repose à seulement 1 ½ degré sont séparées que par 54 minutes d’arc. Le 18 mars 2020 Le 20 mars 2020 Le 31 mars 2020 vers 6h15 vers 6h10 vers 5h50 Jupiter Séparation 42' ! Jupiter Saturne Jupiter Mars Mars Mars Saturne Séparation 54' ! Saturne La Lune Crédit illustration : Marc Jobin / Planétarium Rio Tinto Alcan ; images de fond Stellarium.com SUD-SUD-EST SUD-SUD-EST SUD-SUD-EST Position de Mars, Jupiter et Saturne entre le 18 et le 31 mars 2020 PLEINES LUNES PÉRIGÉENNES pas perceptible à l’œil nu. Cependant, l’alignement (« SUPER LUNES ») Soleil-Terre-Lune (phase lunaire) et la distance Terre-Lune sont les deux principaux paramètres La plus grosse pleine lune de 2020 (« super lune ») contrôlant l’amplitude des marées océaniques qui, aura lieu le 7 avril à 22h35 (diamètre 33,5'), à elles, sont facilement observables. À chacune de peine huit heures après que la Lune soit passée au ces occasions, leurs effets se superposeront pour périgée (distance Terre-Lune 356 909 km à 14h15). nous donner pendant quelques jours de grandes La pleine lune du 9 mars à 13h47 se produit aussi marées, les plus fortes de l’année. moins de 13 heures avant son périgée (357 117 km à 2h36 le 10 mars) ; ce sera la seconde plus grosse pleine lune de l’année (diamètre 33,4'). En cas de tempête, les conditions deviennent propices aux débordements côtiers. Gardez l’œil On pourra toujours dénoncer l’emploi du terme ouvert si vous avez l’intention de vous rendre en « super lune » pour désigner ces pleines lunes péri bord de mer, et consultez les tables des marées géennes, à l’effet qu’il est quelque peu galvaudé et sur le site de Pêches et Océans Canada. que la différence de taille de ces pleines lunes n’est Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 9
Événement astronomique DEUX RARES OCCULTATIONS (l’heure peut varier de quelques minutes (1 à 2 min) PLANÉTAIRES selon la position du site d’observation). Étant donnée la petite taille apparente de Mars (diamètre 5,2" Une occultation est une sorte d’éclipse qui se seulement), l’immersion sera complète 18 secondes produit occasionnellement lorsque la Lune passe plus tard. Un peu plus de 80 minutes plus tard, devant et cache temporairement une planète ou Mars émerge à nouveau entre 8 h 59 min 14 s et une étoile lointaine. À l’instar des éclipses solaires, 8 h 59 min 32 s, cette fois derrière la partie sombre chacune de ces occultations n’est visible que d’une du disque lunaire. Le défi est de repérer dans le ciel région limitée du globe. Les occultations d’étoiles bleu la planète rouge, plutôt faible à cette date très brillantes sont somme toute peu fréquentes, (magnitude +1,2), ce qui requiert un télescope et car la Lune ne circule que dans une portion étroite des conditions météo impeccables. du ciel et que les cibles y sont en nombre limité et de petite taille. Les occultations planétaires sont quant à elles encore plus rares, notamment parce que les planètes sont moins nombreuses que les étoiles. Vénus et la Lune le 19 juin 2020 à l’aube, Le début d’année 2020 est exceptionnel à ce chapitre, puisque nous aurons l’occasion d’assister quelques minutes après l’occultation à deux occultations planétaires dans le sud du Québec. Elles se déroulent toutefois dans des conditions difficiles, ce qui en fait de véritables Crédit illustration : Marc Jobin / Planétarium Rio Tinto Alcan ; défis d’observation. Le matin du 18 février, on pourra d’abord voir une rare occultation de Mars. À Montréal, le phénomène se déroule en plein jour, avec la Lune décroissante (24,8 j) une vingtaine de degrés au-dessus de images de la Lune Stellarium.com l’horizon sud. Le bord éclairé de la Lune commencera à masquer la planète rouge à 7 h 38 min 30 s HNE Occultation de Mars le matin du 18 février 2020 Vénus et la Lune de Mars c to ire a pparente Tôt le matin du 19 juin, vers 4h10 HAE, peu après Traje Lune Crédit illustration : Marc Jobin / Planétarium Rio Tinto Alcan ; derrière la le lever du très mince croissant de Lune (environ 1 heure avant le lever du Soleil), nous assisterons à la fin d’une occultation de Vénus : la brillante planète est elle-même un mince croissant dont les cornes émergeront derrière le bord sombre de notre satellite. Cette fois, la difficulté vient du fait que le phénomène se déroule très bas dans le ciel, images de la Lune Stellarium.com à moins de deux degrés au-dessus de l’horizon est‑nord‑est. Vénus, étant significativement plus grande que Mars (diamètre apparent 50"), l’émersion dure environ 1 min 40 s. Un peu plus tard pendant l’aube, une trentaine de minutes avant le lever du Soleil, on retrouve Vénus qui brille de mille feux à moins d’un quart de degré en haut et à droite du croissant lunaire, à peine 5 degrés au-dessus La trajectoire apparente de Mars derrière la Lune lors de l’occultation du 18 février ; cette trajectoire est valable pour de l’horizon est-nord-est. la région de Montréal et diffère à mesure qu’on s’en éloigne. Bonnes observations ! Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 10
Sur le web par Patrick Horlaville Les fissures d’Encelade enfin expliquées Et si l’énergie noire… n’était pas ? Depuis la mission Cassini, nous savons qu’Encelade, lune de Saturne, Une équipe de chercheurs vient de publier un article soutenant possède quatre mystérieuses rayures bleutées. Des chercheurs que l’énergie noire n’existerait pas! Cette conclusion stupéfiante de la Carnegie Institution for Science, à Washington, soutiennent est basée sur le fait que les décalages de vitesses de supernovæ dans une récente publication que les forces de marée importantes vis-à-vis de leur distance, qui ont mené au concept de l’énergie que subit la lune saturnienne se seraient traduites en une force de noire, ne seraient qu’un artifice lié à notre propre mouvement, en tension incroyable sur sa surface glacée, forçant des sorties d’eau tant qu’observateur. Affaire à suivre… depuis l’océan de subsurface. Sources: Carnegie Science Sources: Astronomy & Astrophysics Crédit photo : JPL (Jet Propulsion Laboratory) / Cassini-Huygens Crédit photo : S. Colombi of the IAP Crédit photo : CfA/Mark A. Garlick Crédit photo : ESA (European Space Agency) / D. Ducros Découverte inédite d’une planète orbitant autour Le XMM-Newton fête ses 20 ans ! d’une naine blanche Le télescope spatial de l’Agence spatiale européenne XMM-Newton En analysant le spectre de 7000 naines blanches, une équipe de a célébré son 20e anniversaire de lancement le 10 décembre der- recherche de l’Université de Warwick, au Royaume-Uni, a décou- nier. Toujours actif, le télescope compte parmi ses contributions vert l’existence d’une planète en train de se faire « évaporer » par les plus importantes l’observation de rayons X produits par les son étoile, en raison de la présence, au sein du disque d’accrétion particules de fer provenant des disques d’accrétion de trous noirs de la naine blanche, d’hydrogène, d’oxygène et de soufre à des ayant permis d’étudier notamment le taux de rotation de ceux-ci. niveaux similaires des planètes géantes glacées. Sources: Astronomy Now Sources: space.com Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 11
Pour y voir clair Qu’est-ce qu’une galaxie ? Camille Janson-Marcheterre Physicienne et communicatrice scientifique au Planétarium Rio Tinto Alcan. Si on allait droit au but, une galaxie est un objet l’écrire et vous pouvez le lire autant de fois que céleste qui rassemble des étoiles, du gaz, de la vous le voulez, aucun cerveau (humain, on ne sait poussière, beaucoup de vide et encore plus de jamais !) ne peut concevoir à quel point c’est un matière noire, avec parfois un trou noir au milieu. nombre considérable d’étoiles. Sauf que cette définition-là, bien que très simple, ne nous aide pas à comprendre la place qu’on occupe Si on veut voir à quoi ressemble la Voie lactée, il suffit à l’intérieur de l’Univers. Rien ne vaut une bonne d’observer la galaxie d’Andromède. C’est un quartier comparaison. qui ressemble au nôtre, avec lequel nous allons fusionner d’ailleurs, dans environ 4,5 milliards NOTRE SYSTÈME SOLAIRE d’années. Pourquoi regarder chez le voisin pour savoir à quoi on ressemble ? On ne s’est tout simplement La Terre, c’est notre planète, notre maison. C’est jamais rendu assez loin pour prendre un « selfie », une boule de roche qui tourne autour du Soleil. ou autoportrait, de nous-mêmes ! Autour de nous, il y a sept planètes, des astéroïdes, des planètes naines et plusieurs comètes qui VERS L’INFINI ET PLUS LOIN ENCORE ! tournent aussi autour du Soleil et tout ceci forme le Système solaire, qu’on pourrait considérer Bref, si on regroupe des quartiers, on obtient une comme notre rue. Sur une rue, en général, il y a ville. Et si on regroupe des galaxies, on obtient quoi ? quelques maisons qui se ressemblent et qui sont Un groupe de galaxies… Le nôtre se nomme Groupe assez proches. On peut voir de quoi elles ont l’air local ! Et si on regroupe des villes, on obtient un de loin et si on est extraverti, on peut apprendre pays. Le nôtre s’appelle Amas de la Vierge (son à connaître tous nos voisins. La galaxie, c’est un centre est situé en direction de la constellation de la peu comme notre quartier. Il y a pas mal de rues, Vierge). Plusieurs pays proches l’un de l’autre certaines très différentes de la précédente. forment des continents et le nôtre se nomme le Superamas de la Vierge. Nous avons donc pleine NOTRE GALAXIE ment dépassé le stade où l’on peut encore croire qu’on occupe une grande place dans l’Univers. Notre galaxie s’appelle la Voie lactée. Elle contient Parce que des continents, il y en a une infinité. Alors, des centaines de milliards d’étoiles qui tournent si on commençait par explorer notre quartier ? autour d’un même centre (le milieu avec le trou noir) toutes régies par la force de gravité. Je peux Galaxie d’Andromède Crédit illustration : Wikipédia/Adam Evans Sommaire Hyperespace - Hiver - Printemps 2020 12
À la Une Des nébuleuses aux galaxies Pierre Lacombe nébuleuses, son avis est mitigé : il hésite entre des Astrophysicien, ex-directeur du Planétarium de Montréal objets de faible luminosité à l’intérieur même de la ayant un grand intérêt pour l’histoire de l’astronomie et Voie lactée ou des objets situés à de très grandes des météorites. Ses travaux de recherche l’ont amené distances semblables à la Voie lactée, d’où l’expres à réaliser des observations à l’aide des plus grands sion « d’univers-îles ». télescopes du monde. UNIVERS DE KAPTEYN UNIVERS DE HERSCHEL Grâce aux nouvelles méthodes de détermination des À l’aube du 20e siècle, le modèle dominant pour distances stellaires (astrométriques et spectrosco représenter l’Univers qui nous entoure est toujours piques), l’astronome néerlandais Jacobius C. Kapteyn défini par celui de William Herschel (1738-1822). (1851-1922) reprend le modèle de Herschel pour y Il a utilisé une technique innovatrice pour déterminer ajouter une composante quantitative. Il initie alors la forme de la Voie lactée : il a compté les étoiles ! un vaste programme d’observations pour mesurer En fait, Herschel a compté les étoiles dans les caractéristiques des étoiles (position, magnitude, 683 régions dans le ciel qu’il a appelé « jauges type spectral, mouvement propre, vitesse radiale, d’étoiles ». Avec l’hypothèse que les étoiles sont etc.). Ses résultats confirment le modèle d’une distribuées uniformément et que l’on observe les forme aplatie avec le Soleil proche du centre, dont limites du système stellaire, il a obtenu pour la Voie le diamètre est d’au moins 25 000 a.l. et d’une lactée une forme oblongue et aplatie dans lequel épaisseur d’environ 6 000 a.l.. le Soleil occupe le centre. « L’Univers de Kapteyn » repose cependant sur une Herschel affirme donc en 1785 que la Voie lactée hypothèse importante : l’absence d’absorption de la (i.e. l’Univers) est un système composé d’étoiles et lumière des étoiles par la poussière interstellaire d’amas d’étoiles. Concernant l’origine de certaines (nous savons aujourd’hui que cela n’est pas le cas !). Modèle de l’Univers selon William Herschel (1785) Modèle de Kapteyn de la Voie lactée avec la position du Soleil Crédit : Philosophical Transactions of the Royal Society of London, 1785, 75, 213-266 indiquée par un cercle (1 parsec = 3,26 a.l.) Crédit : Astrophysical Journal 1922, 55, 302-327 (University of Chicago Press) L'amas globulaire M13 de la constellation d'Hercules en haute résolution Crédit photo: The Hubble Space Telescope/NASA Sommaire Hyperespace - Hiver - Printemps 2020 13
À la Une UNIVERS DE SHAPLEY DÉCOUVERTE DE HUBBLE En 1914, un jeune astronome de l’Observatoire du Une partie de la solution est trouvée par Edwin Mont Wilson, Harlow Shapley (1885-1972) débute P. Hubble (1889-1953) en octobre 1923 grâce à la une étude exhaustive des amas globulaires, ces détection photographique d’étoiles variables de type amas d’étoiles très compacts de formes sphériques céphéides dans la nébuleuse spirale d’Andromède contenant des milliers d’étoiles et dont la distribution M31. Hubble utilise le nouveau télescope de 2,5 mètres dans le ciel est particulière. Ses résultats sont (100 pouces) de l’Observatoire du Mont Wilson pour révolutionnaires. En appliquant plusieurs techniques étudier, non seulement M31, mais aussi les autres de détermination des distances, Shapley démontre spirales M33 et NGC 6822. Il obtient de distances que les étoiles, les amas d’étoiles et les nébuleuses respectives de 900 000 a.l., 930 000 a.l. et 700 000 a.l. sont membres d’un seul et unique objet : la « super pour M31, M33 et NGC 6822. Les nébuleuses spirales galaxie » ou « super Voie lactée », dont le diamètre sont définitivement des galaxies lointaines semblables est de 300 000 a.l. Le Soleil se trouve dans le plan à la Voie lactée et ainsi la théorie des « univers-îles » de cette « super galaxie » et à 65 000 a.l. du centre est confirmée. galactique, situé dans la direction de la constellation du Sagittaire. Les résultats de Hubble, publiés entre 1925 et 1929, connaissent un succès rapide auprès de la commu Il utilise la relation période-luminosité des céphéides, nauté astronomique. Les arguments contradictoires les plus brillantes étoiles géantes de chaque amas sont peu à peu résolus et la prise en compte de et le diamètre apparent des amas pour obtenir leurs l’absorption de la lumière par la poussière inter distances. Comme Kapteyn, Shapley énonce certaines stellaire (Robert J. Trumpler (1886-1956) en 1930), hypothèses de travail que nous savons aujourd’hui de l’identification de plusieurs types de variables fausses, comme la poussière interstellaire est céphéides (Walter Baade (1893-1960) en 1944) et négligeable et que les étoiles des amas globulaires de l’amélioration des mesures de parallaxes des sont semblables à celles avoisinant le Soleil. céphéides classiques permettent de réviser avec succès les dimensions de la Voie lactée et les distances Le modèle de Shapley est en complète contradiction des galaxies. avec le modèle traditionnel. Pour confronter les idées et mousser la recherche dans ce domaine, George E. Aujourd’hui, on admet les dimensions suivantes Hale (1868-1938) lance l’idée d’un débat sur le sujet pour la Voie lactée : 100 000 a.l. de diamètre et entre d’un côté Harlow Shapley et son modèle de 2500 a.l. d’épaisseur et les distances de 2,5 millions « super galaxie » et Heber D. Curtis (1872-1942), adepte d’a.l., 2,8 millions d’a.l. et 1,6 million d’a.l. pour du modèle de Kapteyn et de la théorie des « univers- M31, M33 et NGC 6822 respectivement. îles » (que les nébuleuses spirales sont des galaxies lointaines semblables à la Voie lactée). Malgré les différentes argumentations, la controverse perdure. Crédit photo : The Hubble Space Telescope/NASA Parties externes de la galaxie dʼAndromède à haute résolution : les étoiles y sont bien distinctes Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 14
À la Une EDWIN P. HUBBLE (1889-1953) En 1918, il décline une invitation d’Hale à se joindre Dès son plus jeune âge, Hubble s’intéresse à à l’équipe du Mont Wilson, pour aller rejoindre l’astronomie et s’initie même à l’observation les rangs de l’armée américaine impliquée du ciel au télescope. Avide de récits dans la Première Guerre mondiale. À la fin d’aventures et de science-fiction, il réussit de la guerre, il arrête en Angleterre et avec succès ses études dites classiques profite de l’occasion pour suivre des cours et reçoit une bourse de l’Université de d’astronomie à l’Université de Cambridge. Chicago pour y poursuivre ses intérêts en Il revient en Amérique en août 1919 et mathématiques et en astronomie. rejoint sans attendre l’Observatoire du Mont Wilson à Pasadena en Californie. En 1910, Hubble obtient la prestigieuse Bourse Rhodes pour continuer ses études à l’Université Son projet de recherche est simple : poursuivre ses d’Oxford en Angleterre : il se spécialise en droit. travaux de classification des nébuleuses et mesurer Il profite de l’occasion pour visiter l’Europe pendant la distance qui nous sépare des nébuleuses spirales. les étés et parfaire ses connaissances en français et En octobre 1923, grâce aux étoiles céphéides, il en allemand. démontre que la nébuleuse d’Andromède (M31) est une galaxie semblable à la Voie lactée. Il se consacre Au décès de son père en 1913, Hubble revient en ensuite à son projet de classification dont les Amérique pour enseigner l’espagnol et la physique résultats sont publiés 1926. dans une école secondaire (« high school ») et effectuer du travail de traduction (allemand-anglais). Toujours En 1929, il publie, en collaboration avec Milton inspiré par l’astronomie, il décide en 1914 de pour Humason (1891-1972), ses travaux sur l’expansion suivre ses études graduées en astronomie à Chicago de l’Univers et démontre une relation directe entre sous la supervision d’Edwin R. Frost (1866-1935), la distance et la vitesse radiale d’une galaxie, dont directeur de l’Observatoire Yerkes. Très intéressé la constante est aujourd’hui appelée la constante par les nébuleuses, il consacre ses recherches sur la de Hubble ! distribution et la classification de ces objets. Maintenant célèbre, Hubble est sollicité pour des conférences et publie des livres sur la nature des galaxies et l’expansion de l’Univers. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il participe au développement du plus grand télescope du monde : le télescope de 5 mètres (200 pouces) du Mont Palomar. Hubble aura l’honneur d’ailleurs de réaliser la première plaque photographique au foyer du télescope. La santé de Hubble se détériore peu à peu et il succombe d’une crise cardiaque en septembre 1953. Image du haut Edwin Hubble tenant en main une photographie de la galaxie d’Andromède (1940). Crédit: Huntington Library (Edwin Hubble Papers) Image du bas Sir James H. Jeans (1877-1946) et Edwin Hubble (à gauche) sur la plateforme d’observation du télescope de 2,5 mètres du Mont Wilson (1931). Crédit: Huntington Library (Edwin Hubble Papers) Sommaire Hyperespace - Hiver - Printemps 2020 15
À la Une LES CÉPHÉIDES Les céphéides sont des étoiles géantes dont la luminosité varie selon une période s’échelonnant entre un jour et plusieurs semaines (environ 80 jours). Ces étoiles variables ont été nommées en l’honneur de la seconde étoile de ce type découverte en 1784 par l’astronome John Goodricke (1764- 1786) : Delta Cephei de la constellation de Céphée (Êta Aquilae, la première étoile céphéide, fut aussi découverte en 1784 par Edward Pigott (1753-1825). La variation de la luminosité de ces étoiles est le résultat de la dilatation et de la contraction successives des couches externes de l’étoile elle- même. Ces mouvements font varier périodiquement la température de surface de l’étoile et donc la Crédit: Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics (Archives) luminosité. On doit à Arthur S. Eddington (1882- 1944) la première explication de ce phénomène : la sensibilité à la température de l’opacité de l’hélium dans les couches externes de l’étoile. C’est en étudiant les étoiles variables céphéides du Petit Nuage de Magellan que Henrietta S. Leavitt (1868-1921), astronome à l’Observatoire Harvard de Boston, découvre en 1912 une relation unique entre la période de variation de la luminosité (en jours) et la magnitude photographique moyenne de l’étoile : les étoiles les plus brillantes pulsent à des périodes plus élevées. Henrietta Swan Leavitt (1868-1921) (Extrait d’une photographie du personnel de l’Observatoire Harvard en 1918). Cette relation période-luminosité des céphéides devient alors un outil important pour mesurer la distance de ces étoiles par rapport au Soleil. Il suffit de calibrer la courbe en mesurant la distance des céphéides les plus proches par d’autres techniques, telle la parallaxe. On peut donc alors associer une magnitude absolue d’une étoile céphéide à une période de variabilité donnée. En connaissant à la fois la magnitude apparente et la magnitude absolue d’une étoile, on peut déterminer sa distance ! Ce travail de calibration sera réalisé rapidement par Ejnar Hertzsprung (1873-1967) pour le Petit Nuage de Magellan et par Harlow Shapley (1885-1972) pour les amas globulaires de la Voie lactée. Au début du XXe siècle, on ignorait qu’il existait deux La relation période-luminosité obtenue par Leavitt en 1912. L’axe horizontal correspond au logarithme de la période de grandes classes de céphéides : les céphéides dites variabilité en jours et l’axe vertical, la magnitude de l’étoile. classiques (ou galactiques) et les céphéides de type II Chaque courbe correspond à la magnitude minimum et (qui sont faibles en métaux), que l’on trouve entre maximum de chacune des étoiles variables. autres dans les amas globulaires. Crédits: Henrietta S. Leavitt, 1912, Harvard Circular #173 Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 16
Histoire par Pierre Lacombe Le Grand Débat de 1920 sur la nature des galaxies spirales CONTEXTE Ceux-ci seront publiés en 1921 dans le bulletin du Avec la volonté de briser la monotonie qui s’est Conseil national de recherche, organisme associé à installée en ces lendemains de Première Guerre l’académie. mondiale, George Ellery Hale (1868-1938), alors directeur de l’Observatoire du Mont Wilson en POINT DE VUE DE SHAPLEY Californie, propose que la conférence annuelle du Shapley se concentre surtout sur ses recherches mois d’avril 1920 de l’Académie nationale des concernant la distribution et les distances des amas sciences des États-Unis aborde le sujet de la globulaires dont les résultats ont donné une Voie relativité générale ou de l’échelle des distances lactée d’un diamètre de l’ordre de 300 000 a.l. et un dans l’Univers. Le secrétaire général de l’Académie Soleil exclu du centre ! Concernant les nébuleuses est peu enthousiaste quant aux thématiques spirales, il affirme qu’elles ne sont pas comparables proposées, mais accepte finalement que le sujet des à la Voie lactée et qu’elles sont relativement proches. « univers-îles » soit présenté sous forme de débat entre deux experts du domaine. POINT DE VUE DE CURTIS Curtis de son côté réaffirme ses arguments contre LES DEUX PROTAGONISTES la validité statistique de la relation période- Hale propose l’astronome Heber D. Curtis (1872-1942) luminosité des céphéides utilisée par Shapley pour de l’Observatoire Lick, près de San Francisco, pour ses amas globulaires et de l’importance des novæ présenter et mousser la théorie des « univers-îles » pour évaluer les distances des nébuleuses spirales. et son collègue du Mont Wilson, Harlow Shapley Pour Curtis, la Voie lactée a un diamètre de l’ordre (1885-1972) pour son modèle révolutionnaire de la de 35 000 a.l., les nébuleuses spirales sont des Voie lactée. galaxies semblables à la Voie lactée et leurs distances d’éloignement sont très grandes, plus de LA CONFÉRENCE DU 20 AVRIL 1920 500 000 a.l. : voilà deux visions très différentes de Étrangement, les deux conférenciers acceptent l’Univers ! d’échanger mutuellement leurs idées avant les présen tations officielles et renoncent à une confrontation Page couverture du Bulletin directe : chacun présentera à tour de rôle ses du Conseil national de arguments (35 minutes) et le tout sera suivi d’une recherche publié en 1921 période de questions. Il n’y a donc pas vraiment de sur le Grand Débat. débat, mais plutôt une discussion. Le soir du Crédit photo : National Research Council/National Academy of Sciences 26 avril 1920, dans l’auditorium du Musée d’histoire naturelle de Washington, deux styles s’opposent à la tribune. Shapley, ce jeune astronome plein de fougue, dont les articles scientifiques sont très détaillés, lit d’une voix monocorde un texte dactylo graphié de 19 pages dont le contenu est de niveau élémentaire (les six premières pages sont consacrées à la définition d’une année-lumière !). Curtis, qui a de l’expérience avec le public et les étudiants, présente à cette occasion une conférence très technique, peu vulgarisée. Il utilise des « diapositives » et livre sa présentation avec beaucoup d’énergie ! Les témoins de l’époque soulignent les niveaux très différents des deux performances, avec peut-être Première page des articles dédiés au Grand Débat publié dans un avantage pour Curtis. Devant une telle situation, le Bulletin du Conseil national Hale demande aux protagonistes d’écrire des articles de recherche en 1921. précis sur leur point de vue et leurs arguments. Crédit photo : National Research Council/ National Academy of Sciences Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 17
Histoire QUI AVAIT RAISON ? Comme dans de nombreuses situations semblables, Shapley et Curtis avaient à la fois tort et raison. D’abord, nous savons aujourd’hui que les céphéides galactiques et celles des amas globulaires ne sont pas identiques et que la poussière interstellaire est bien réelle et affecte la magnitude apparente des étoiles. Malgré tout, le modèle de la Voie lactée de Shapley a tenu la route (mais pas ses dimensions) et la nature réelle des nébuleuses spirales a été confirmée quelques années plus tard par un astronome du Mont Wilson, Edwin P. Hubble (1889-1953). Le débat n’a pas du tout mis fin à la controverse. Cependant, les arguments avancés de part et d’autre ont ouvert de nouvelles pistes de recherches. Peu de temps après le 26 avril 1920, Harlow Shapley est devenu directeur de l’Observatoire Harvard à Boston et Heber D. Curtis, directeur de l’Observatoire Allegheny à Pittsburgh. HARLOW SHAPLEY (1885-1972) C’est presque par accident que Shapley étudie l’astronomie à l’Université du Missouri : le journalisme professionnel l’intéressait beaucoup plus. Il effectue ses études graduées sous la supervision de Henry N. Russell (1877-1957) à l’université de Princeton sur les orbites d’étoiles binaires à éclipses. Il obtient son doctorat en 1914. Il joint ensuite l’équipe d’astronomes de l’Observatoire du Mont Wilson en Californie. En étudiant les amas globulaires au télescope réflecteur de 1,5 mètre (60 pouces), Shapley détermine de nouvelles dimensions pour Crédit photo: Domaine public la Voie lactée et la position du Soleil par rapport au centre de celle-ci. Une véritable révolution ! En 1920, Shapley accepte le poste de directeur de l’Observatoire Harvard à Boston : il y demeurera toute sa carrière. Outre la modernisation des équipements astronomiques de l’observatoire, il a joué un rôle important dans la création d’un diplôme spécialisé en astronomie offert par l’Université Harvard et de l’UNESCO. Harlow Shapley HEBER D. CURTIS (1872-1942) Après des études classiques à l’Université du Michigan, Curtis enseigne le latin et le grec pendant de nombreuses années. Il s’intéresse en dilettante à l’astronomie, mais c’est lors d’une éclipse totale de Soleil qu’il décide de poursuivre des études graduées. Il est alors volontaire dans l’expédition de l’Observatoire Lick pour l’observation de l’éclipse totale du 28 mai 1900. Curtis obtient son doctorat en astronomie de l’Université du Michigan en 1902. Il est immédiatement recruté par l’Observatoire Lick en Californie : il y demeurera pendant 18 ans, incluant un séjour de plusieurs années en Amérique du Sud (Chili) pour l’observation des étoiles de l’hémisphère sud. Curtis s’intéresse aux vitesses radiales des étoiles binaires spectroscopiques, Crédit photo : Domaine public / Wikipédia à l’inventaire photographique des nébuleuses, aux nébuleuses planétaires et surtout aux nébuleuses spirales pour lesquelles il confirme la nature extragalactique de celles-ci (grâce aux novæ). En 1920, il devient directeur de l’Observatoire Allegheny à Pittsburgh et en 1930, responsable des observatoires de l’Université du Michigan à Ann‑Harbor, son alma mater. Au cours de ses années à Pittsburgh et à Michigan, Curtis a organisé de nombreuses expéditions pour l’observation d’éclipses de Soleil et s’est impliqué dans la création et la construction Heber D. Curtis d’instruments astronomiques. Sommaire Hyperespace – Hiver - Printemps 2020 18
Vous pouvez aussi lire