PROGRAMMATION PRINTEMPS 2019 DOMAINE DE KERGUÉHENNEC - Domaine de Kerguéhennec
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
SOMMAIRE 3 Le Domaine de Kerguéhennec 4 Les expositions 6 Michel Mousseau 7 Biographie 9 Entretien 11 Visuels 12 Daniel Pontoreau 13 Biographie 15 Présentation 17 Visuels 18 Les rendez-vous du printemps 19 Un nouvel espace dédié aux actions artistiques 21 Les Micro-folies du parc / La programmation 2019 à venir 22 Informations pratiques DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 3 / 4
Le Domaine de Kerguéhennec, acquis en 1972 par le Département du Morbihan, est un espace naturel, un parc historique, un lieu de dialogue du patrimoine et de la création contemporaine. Sa programmation artistique, construite autour du triptyque arts, architec- ture et paysage, multiplie les rendez-vous pluridisciplinaires faisant du domaine un lieu de découvertes et de rencontres. CENTRE D'ART UN PARC PAYSAGER L’articulation entre patrimoine et création est au cœur du Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que le parc, d’une Domaine de Kerguéhennec. La programmation artistique superficie de 45 hectares, fut considérablement remodelé et culturelle prend en compte la variété des lieux d’expo- par Denis Bühler. Ce célèbre paysagiste a dessiné avec sition et invite à la circulation dans les différents espaces son frère Eugène, le parc de la Tête d’or à Lyon et les du domaine : espace ouvert des anciennes écuries; jardins du Thabor à Rennes. Au nord, les lignes amples espace cloisonné et intimiste de l'orangerie ; qualité des et sinueuses vont alors succéder aux allées rectilignes à volumes et de lumière des salles du château favorisant la française, créant ainsi un nouveau cheminement plus la déambulation et la découverte. Le domaine propose, romantique. Le château n'est plus découvert de front ; simultanément, deux ou trois expositions, et présente des une lente approche permet de mieux s’immerger dans expositions monographiques et thématiques. La plupart l’esprit du parc. Cette partie du parc abrite un arboretum des expositions font l’objet de publications. Deux ate- composé d’essences provenant des différents continents. liers-logements, et prochainement un studio de danse, Au Sud, une allée cavalière a été creusée dans l’axe du permettent de recevoir des artistes en résidence tout au château afin d’accentuer la perspective. long de l'année. FONDS TAL COAT PARC DE SCULPTURES Le Département du Morbihan possède désormais la plus Le parc du Domaine de Kerguéhennec est un lieu de réfé- importante collection publique (un millier d’oeuvres) de rence en matière de présentation de la sculpture contem- Pierre Tal Coat. poraine. Créé à partir de 1986, il réunit aujourd'hui plus A l’été 2019, le château, lieu patrimonial, emblématique d’une trentaine d’œuvres d’artistes majeurs. du domaine accueillera la collection permanente dans un parcours pédagogique présentant la vie de l’artiste, PATRIMOINE HISTORIQUE ET l’évolution de son oeuvre et son contexte artistique et ARCHITECTURAL culturel. Ces espaces seront ouverts au public toute Construit au XVIIIe siècle, le château est au cœur d’un l'année. espace domanial aménagé dès le Moyen Âge. En 1703, la seigneurie de Bignan est rachetée par les frères Daniel PROGRAMMATION et Laurent Hogguer, de riches banquiers suisses résidant PLURIDISCIPLINAIRE à Paris. En 1710, ils font appel à l’architecte Olivier De- Les artistes du spectacle vivant, aux côtés des artistes lourme pour la construction du château. Après différents plasticiens, trouvent au Domaine de Kerguéhennec des changements de propriétaire, le Domaine est racheté lieux singuliers pour la création, des espaces et des en 1872 par le comte Paul-Henri Lanjuinais, maire de moments propices à la rencontre avec le public. Lors Bignan, député puis président du Conseil général du des Rendez-vous Danse au Jardin, des Journées Euro- Morbihan. Celui-ci fait du château sa résidence principale péennes du Patrimoine ou des Rencontres Musicales, et entreprend des travaux considérables sous la direction chacun pourra y éprouver le plaisir du mouvement à côté de l’architecte Ernest-Felix Trilhe. des danseurs, y vivre des moments mudicaux avec les compositeurs d’aujourd’hui, créer un parcours intime et unique de découverte artistique. DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 3 / 22
EXPOSITIONS ARPENTER, HORS DES SENTIERS BATTUS DU 31 MARS AU 2 JUIN 2019 PAR OLIVIER DELAVALLADE, DIRECTEUR ARTISTIQUE DU DOMAINE DE KERGUÉHENNEC souvient), le vent, le soleil. C’est qu’il fallait avancer, Ce printemps, le domaine départemental progresser, être au plus près de la perception, au plus de Kerguéhennec, invite à découvrir deux juste de la sensation. Aussi, nul recours aux artefacts de la composition classique, nul mimétisme, nul illusion- artistes d’une très grande singularité. nisme. Au total 103 dessins ont été produits, 101 furent Michel Mousseau, peintre abstrait, a réa- conservés par l’artiste. lisé une centaine de dessins sur le motif lors d’une résidence au domaine. Découvrant cet ensemble exceptionnel d’unité et de Daniel Pontoreau, sculpteur, investit les densité, il m’a paru important de le faire exister en deux vastes volumes des écuries avec un temps et deux lieux : une publication (qui ne serait pas ensemble d’œuvres choisies. un catalogue d’exposition, et qui pourrait exister de manière tout à fait autonome comme un objet à part entière) et une exposition. « Il ne s’agit pas de décrire le paysage mais de trans- Deux espaces, deux temporalités et deux modalités mettre la nature particulière du Domaine, à la fois bien distinctes d’apparition et de présentation. solennelle et agricole. Le sujet, c'est l'incarnation for- Dans le livre, tous les dessins sont reproduits, à taille melle de mon sentiment de la nature face à cet univers. identique, de manière assez systématique, dans le Arpenter le lieu, s'immerger. Aux aguets, l'œil voit et, sur respect de leur développement chronologique, simple- le papier, la main transcrit des extraits du territoire. Ainsi ment rythmés de quelques pages blanches, telle une s'impose le dessin », nous dit Michel Mousseau. respiration, ou au contraire de doubles pleines pages reproduisant des détails, afin de pénétrer la touffeur du Je connaissais seulement, si j’ose dire, Michel Mous- motif, au plus près de la qualité du trait : montrer une seau comme peintre d’atelier, et peintre abstrait de suite de dessins, c’est-à-dire un long développement, surcroît. C’est dire ma surprise lorsque je découvris avec un début et une fin. l’existence d’une pratique de dessin sur le motif. Avant de séjourner à Kerguéhennec, il avait travaillé régulière- L’exposition prend l’exact contrepied du livre : chaque ment dans le Cotentin où il s’était posé devant des bou- cellule de l’ancienne bergerie est investie de manière quets d’arbres, des buissons, des lisières. J’ai découvert différente, sans tenir compte de la chronologie. Dans un jour ces dessins dont j’ignorais l’existence. une salle, les murs sont recouverts quasiment en totalité des dessins ; dans la suivante, une ligne ; dans Invité en résidence au Domaine de Kerguéhennec, du une troisième, deux dessins, en vis-à-vis, sur les murs jeudi 7 septembre au dimanche 5 novembre 2017, latéraux ; dans une autre, un seul dessin, sur le mur du Michel Mousseau a travaillé, chaque jour, sur le motif, fond, face au spectateur. Des modalités d’accrochage parfois plusieurs dessins par jour. Il fallait le voir travail- qui me semblent correspondre à nos manières de voir : ler, hyper concentré, oubliant la pluie (le dessin lui s’en en bloc, en ligne, isolément, en vis-à-vis…
L’exposition reproduit en quelque sorte cette expé- d’une présence et plus encore d’une relation avec ces rience, celle du peintre autant que celle du promeneur- œuvres, une proximité, une forme de familiarité ; il n’y regardeur. a là rien d’hautain, de démonstratif, d’impressionnant; se dégage le sentiment d’une présence calme, sûre, Les deux expositions présentées ce printemps à Ker- rassurante. guéhennec auront en commun de porter une attention toute particulière à l’accrochage. Cela me semble être Daniel Pontoreau porte une très grande attention à ses aujourd’hui un enjeu majeur : créer, pour les artistes accrochages. Ainsi, profitant de l’espace vacant entre et pour nos contemporains qui feront l’effort de venir deux expositions, il était venu essayer quelques pièces jusqu’à nous, des conditions optimales de réception et in situ pour voir la manière dont les choses existaient d’appréhension des œuvres d’art, en présence réelle dans les grandes nefs des anciennes écuries. Au-delà ; une expérience de l’espace et de la lumière, du vide des sculptures elles-mêmes, c’est tout l’espace qu’il et du silence. Tout notre travail doit consister à donner considérait, l’air entre les choses, le blanc sur les aux œuvres – et aux artistes – les conditions de leur murs entre les objets, les vides. A partir d’un vocabu- pleine expression. Manifester ainsi la qualité d’une laire minimal, essentiel, souvent rudimentaire, l’artiste présence. Jouer avec les lieux, prendre en compte leurs façonne une cosmogonie complexe, d’une grande contraintes, magnifier leurs qualités. Seules des œuvres charge poïétique et d’une profonde singularité : dotées de grandes qualités plastiques et visuelles sont « Comme Henri Michaux, je voudrais pouvoir dessiner capables de cela ; les autres s’effondrent, disparaissent. les effluves qui circulent entre les personnes. Je m’inté- Le supposé écrin se referme sur elles pour les étouffer. resse aux concepts, aux signes, qui peuvent être perçus par les hommes de toutes les cultures. Il y a un langage Nous faisons des métiers artisanaux. Cette dimension des formes qui parle à tous », nous confie l’artiste. Il se manifeste particulièrement dans le choix des œuvres y parvient très bien et c’est à cette expérience par- à l’atelier, durant le temps de l’accrochage, lors de la ticulière que le regardeur est convié ce printemps à conception et de la fabrication du livre. Cette dimension Kerguéhennec, hors des sentiers battus... ouvrière de notre travail est essentielle. Nous retrouvons cette qualité artisanale et ouvrière dans les œuvres de Daniel Pontoreau : l’attention Olivier Delavallade, directeur artistique du Domaine de accordée au choix des matériaux (la terre, souvent), Kerguéhennec, commissaire des expositions l’importance de la forme, façonnée par la main de l’homme, dans le souvenir de gestes ancestraux qui appartiennent autant au registre de l’artisanat qu’à celui de l’art, de l’architecture, du mobilier ou de l’objet que de la sculpture. D’aucuns pourraient y voir une faiblesse ou une forme amoindrie de l’expression artistique. J’y vois au contraire toute la qualité de cette œuvre et plus encore, sa profonde modernité et actualité, au moment où les pratiques artistiques se mêlent, en assumant totalement ce métissage, avec les pratiques artisanales. Cela confère une qualité particulière aux œuvres (ou aux objets) d’art ; une qualité essentielle, qui s’inscrit dans un long continuum de gestes et de procédés, et qui garantit la qualité DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 5 / 22
BIOGRAPHIE Michel Mousseau naît en 1934 en Anjou (France). Il a présenté son travail à travers de nombreuses expo- Adolescent, il découvre Cézanne au lycée Lakanal à sitions personnelles et collectives à Paris, en Bretagne Sceaux. Il s’échappe souvent et peint seul dans la (L’Art dans les chapelles, 1999) et hors de France, campagne. Un camarade l’introduit dans un atelier de notamment à Tokyo, à Londres, Genève, Tel Aviv, Prague, peintre où sont accrochés d’authentiques Soutine et ainsi qu’aux États-Unis (New York, Messilla, Colorado Modigliani. Springs), en Italie (2018) et par deux fois à Cuba (Musée national des Beaux-Arts, La Havane en 2005, Il parcourt l’Angleterre puis l’Espagne avec une bourse Bibliothèque nationale en 2015). Zellidja, prétexte à poser son chevalet dans les rues Une trentaine de livres d’artiste sont à son crédit, une de Malaga ou Séville. Il admire Rembrandt et Gainsbo- activité portée par les liens d’affinités avec Zéno Bianu, rough à la National Gallery, les Ménines et les portraits Pierre Albert-Birot, Marie Étienne, Eugène Guillevic, Luis du Gréco au Prado, s’intéresse aux grandes expositions Mizon, Bernard Noël, Éric Sarner, … comme celle de Picasso en 1952 à la Maison de la Pensée française. A partir des années 1990, dans le Cotentin, il entre- Il commence des études à la Sorbonne, fasciné par les prend un projet d’épuisement du paysage par le dessin, cours de Vladimir Jankélévitch, mais très vite décide de à l’instar de Pérec. Chaque été, même papier, même se consacrer uniquement à la peinture et poursuit sa crayon, il investit le même lieu circonscrit devenu un vé- formation en solitaire aux cours du soir à Montparnasse ritable atelier-dehors. Avec pour enjeu de faire évoluer et à l’Académie Jullian. Installé rue de Seine à Paris, le dessin en travaillant sur la forme sans changer de il devient régisseur au cabaret « La Galerie 55 », se lie motif. Depuis, sont nés là plusieurs milliers de dessins, d’amitié avec Roland Topor, Olivier O. Olivier, entreprend baptisés Lisières. des travaux alimentaires d’illustration de livres. Georges En septembre-octobre 2017, cette méthode transposée Wilson lui donne le goût du théâtre. Il réalisera plus tard au Domaine de Kerguéhennec lors de la résidence de des décors pour Thomas Bernhard, Roland Dubillard, Michel Mousseau a trouvé son plein épanouissement Marina Tsvetaieva, Robert Pinget. Il est aussi l’auteur et produit 103 dessins baptisés Territoires des origines. d’affiches de spectacle et du Marché de la Poésie. Michel Mousseau est représenté par la Galerie Virgile En 1957, deux expositions personnelles marquent le Legrand à Paris. début de sa carrière de peintre, à la Galerie Malaval à Lyon et à la Galerie Tooth de Londres. Suivront pendant plus de dix ans des expositions régulières rue Bona- parte à la Galerie Motte, qui le prend sous contrat. Il s’installe définitivement en 1975 dans le 20e arron- dissement de Paris où il aménage un ancien atelier de menuisier. Il fait rapidement évoluer sa peinture, d’abord descrip- tive, vers une certaine abstraction, où la couleur prend toute la place. La source de son inspiration demeure ce regard à l’affût qu’il porte sur le monde. Aujourd’hui, il développe sur la toile de grandes plages de franches couleurs, rouges, bleues, jaunes, qu’il met en rapport avec des tons sombres, voire très sombres d’une ma- tière dense qui retient la lumière. Quel qu’en soit le for- mat, grand comme la main ou à la taille d’un homme debout, la composition se veut à la fois monumentale et intime. Par tempérament, il fait le choix d’exprimer le versant lumineux et dynamique de la vie. DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 7 / 22
ENTRETIEN MR - Aviez-vous aussi le sentiment d’aller à la décou- TERRITOIRES DES ORIGINES verte de ce qui ne s’était pas encore manifesté dans votre travail ? MICHEL MOUSSEAU MADELEINE RENOUARD MM - Oui, absolument, en raison même du ‘génie des Entretien lieux’. Pour moi Kerguéhennec est une sorte d’île au Bieuzy-Les-Eaux /Paris milieu des terres. J’avais envie d’y faire escale. Septembre 2018 MR - Quelle a été votre méthode ? MM - Tout d’abord une grande discipline. Chaque jour, "C’est le pas de l’homme qui sait marcher pendant des dès le matin, je suis parti en expédition. Mon matériel jours et des jours." d’explorateur se limitait à cinq ou six feuilles de grand Raymond Queneau, Battre la campagne papier que je portais sous le bras dans un double contreplaqué, mes dix crayons taillés au cutter dans la poche. J’avais le sentiment d’aller vers l’inconnu et ça Madeleine Renouard - Vingt ans après, toujours en Bre- me remplissait de joie. Chaque jour j’ai marché une tagne, nous reprenons notre dialogue sur votre travail. dizaine de kilomètres. Mon travail est indissociable de Vous me disiez alors : " il m’arrive de travailler dehors la marche qui fait intégralement partie de mon projet : sur papier " . C’est exactement ce que vous avez fait à je couvre un territoire et je me pose devant l’inconnu le Kerguéhennec à l’automne 2017. Le Domaine est en moment venu. quelque sorte devenu votre atelier. MR – Preniez-vous un itinéraire différent chaque jour ? N’aviez-vous pas des lieux de prédilection ? Michel Mousseau - C’est exactement ça, mais le " dehors " que j’évoquais alors était très différent, MM – Je marchais et créais ainsi des réseaux, des c’était la campagne. Kerguéhennec est à la fois un lieu circuits personnels. Puis je m’arrêtais, comme à l’affût. solennel, patrimonial et habité. La proximité du Parc avec des terres agricoles, la présence des sculptures et MR – Qu’est-ce qui provoquait cet arrêt ? des grands chênes donne à ce lieu un caractère Nicolas Poussin, celui des Saisons . Il y a dans ce Domaine une MM – Tout un ensemble, composé d’air, de lumière, de énergie à laquelle je suis sensible. rythmes, de vibrations, de sensations. MR - Vous souvenez-vous de la manière dont vous avez MR – Et une certaine présence du monde végétal sans conçu votre projet, lors de votre résidence d’artiste. doute ? Comment avez-vous commencé ? MM - Bien sûr. C’est dans un monde végétal que je MM - Je n’avais pas l’intention de simplement décrire me suis immergé et d’ailleurs, quand je m’arrête, c’est ou de représenter un ou des aspects du Domaine qui comme si je jetais un filet de pêche. Filet que mes est en soi un territoire fantastique et que j’ai aimé pérégrinations tendent jour après jour. Cette image me explorer, qu’il s’agisse du moulin, de la grande prairie, semble rendre compte de ma quête et des moments où du bassin, de la haie d’honneur, des parties sauvages, je m’arrête. Ce qui ne m’empêche pas de me sentir au de l’arboretum. Mon désir était d’aller à la rencontre de contact des terres agricoles et des parties sauvages du ce que je ne connaissais pas encore. Marcher, arpenter Domaine. Je sais que je suis entouré ici de charmes, là le Domaine, parcourir les chemins qui le traversent. Je de chênes ou de châtaigniers. souhaitais être réceptif, ouvert.
MR - On pourrait établir une cartographie de vos dépla- MR - Cette source vous fascine-t-elle ? cements et arrêts ? MM - Disons que cette expérience provoque en moi une MM - Sûrement mais l’intérêt pour autrui n’en serait intense jubilation. Depuis toujours et depuis 1996 plus sans doute que documentaire. Je l’ai fait pour moi. J’ai précisément, je pratique un échange avec la nature donc effectivement parcouru un territoire que l’on pour- dont mes dessins sont l’expression. rait baliser, on pourrait ainsi savoir que tel jour j’étais à tel endroit. MR - Il s’agit d’une expérience résolument non-urbaine. MR - Qu’est-ce qui vous fait " jeter le filet " comme vous MM - C’est vrai. Je suis " dehors " c’est-à-dire " hors les dites ? murs ", à l’extérieur, mais je suis en même temps inti- mement lié à ce qui m’entoure. Je fais partie intégrante MM - Je saisis - et suis saisi par - un ensemble, un de l’univers dans lequel je suis avec la coupole du ciel monde plutôt, qui me séduit, me trouble et m’inquiète au-dessus de la tête. à la fois. Mon regard capte de l’inconnu, du fugitif. Se détache alors du paysage comme un double, un dessin MR – Vous êtes assis dans l’herbe mais votre regard à faire et que ma main élabore. ne s’arrête pas à ce qui vous entoure de près, vous regardez plus loin. MR - Est-ce un instantané ? MM – En effet, mon regard met à distance mon envi- MM - Oui et non. Il est vrai que le défi est d’exprimer ronnement immédiat pour aller vers quelque chose de par le dessin cet instantané, cette fulgurance, mais il y natif, une source originelle que je pressens mais dont a aussi quelque chose qui me semble permanent dans je ne connais pas encore la forme. Ma main est animée cette apparition que je veux saisir. d’une force qui peut aller jusqu’à une espèce de vio- lence, d’autorité même. MR - Saisir dites-vous ? MR - D’où vient cette violence ? MM - Saisie qui va faire advenir quelque chose de résolument différent de ce qui s’offre au regard. Il s’agit MM - De ce sentiment d’urgence que je ressens. Je d’une transmutation de ce que j’ai vu. Vont donc appa- veux absolument saisir cette apparition à laquelle je raître sur des grandes feuilles de papier des formes risque à tout moment de ne plus avoir accès. C’est imprévues, de nouveaux territoires en quelque sorte. véritablement un continent qui se révèle. Il advient. Je n’en connais pas les secrets. Je suis un passeur. MR - Comme si votre main faisait naître, avec le concours du crayon que vous choisissez avec soin, un MR - Vous disiez : " Ma manière de toucher le réel monde né sous votre regard mais radicalement diffé- s’impose à moi…Je me sens requis…Tout se passe rent du motif ou de la scène que vous voyez au sens dans l’urgence " - notons au passage le salut à Guil- prosaïque du terme. levic - diriez-vous la même chose aujourd’hui ? Est-ce dans cet état d’esprit que vous avez travaillé à Kergué- MM - Oui le sentiment de quelque chose que je suis hennec ? seul à voir et que je dois révéler. C’est effectivement mon regard qui capte et ma main qui " fait ". Mon ap- MM - Oui. Il me semble important de préciser qu’il n’y proche est très personnelle, je me sens complètement a rien de mystique dans ma démarche. Ce n’est pas impliqué, mobilisé dans ce processus de découverte un quelconque " au-delà " qui m’intéresse. C’est dans de ce qui va se manifester sur la feuille. J’ai en même le réel que je suis et je procède, par mon travail, à une temps le sentiment d’accéder à une source sauvage. sorte d’épuisement du lieu dans lequel je me trouve. Il y a un acharnement dans ma démarche. Je suis focalisé, DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 9 / 22
attentif, totalement mobilisé par la tâche que je me suis son plein ", continuer serait en perdre le sens. C’est un assignée. ressenti difficile à définir. MR - Vous êtes assis dans l’herbe. Votre grand carton MR – Comment avez-vous évacué la couleur dans ce à dessin est à plat sur vos jambes allongées, la main travail à Kerguéhennec ? Votre œil a sûrement été sen- droite dessine et on dirait que la main gauche guide et sible au vert des arbres, au bleu ou au gris du ciel, mais protège la droite comme s’il y avait un risque d’inter- votre vision ne semble pas en porter la trace. ruption ou d’interférence. Un trait, un seul trait, pas de lever de la main, pas de rature, pas de repentir. C’est MM – Ce n’était pas mon projet. Je voulais n’avoir la fin de l’été, il pleut quelquefois et vous êtes impertur- qu’un papier, un crayon, rien d’autre. Mes arrêts dans bable, vous continuez. Vous semblez passer entre les le Domaine étaient des moments de contemplation, de gouttes. saisissement. Et pour moi, la couleur est présente dans mes dessins au même titre que le vent et la pluie. Par MM - Mon travail est effectivement rapide et en continu. l’usage du crayon, la pression forte ou modérée que C’est exactement comme cela que je procède. Il y a la j’exerce, de haut en bas, de droite à gauche, et l’usure fulgurance de la vision et sa mise en forme est elle- de la mine j’obtiens des transparences jusqu’à des même rapide et en continu. noirs intenses, c’est-à-dire de la couleur. Mes dessins sont des dessins de peintre. MR- Vous ne faites pas de croquis, il n’y a pas d’ébauches. Vous n’avez pas de carnets. Vous êtes MR - Cet univers - que l’on perçoit en noir et blanc - immédiatement, frontalement dans le sujet et ce jour apparaît sur vos grandes feuilles en traits gras ou fins, après jour. Votre série de dessins de Kerguéhennec est sous des formes très diverses souvent énigmatiques. une sorte de ‘livre d’heures’ ou encore de ‘journal’. On peut toutefois y voir des réapparitions de haies, de futaies, de buissons, voire de nids ou de pelotes. MM - À ceci près que la régularité qui caractérise le Ce monde que vous révélez est en constante méta- journal risque de faire oublier ce qui m’habite au morphose, il est indéchiffrable, les embranchements moment où je dessine : il s’agit d’émerveillement et sont multiples, les labyrinthes sont impénétrables. Ce d’un certain érotisme. Ce qui n’enlève pas la dimension serait en diminuer la force de n’y voir que ce que nous tragique de ce territoire des origines que tentent de connaissons déjà, même si - et vous le redites avec fer- révéler mes dessins. meté - vous partez de choses vues. Sombres ou aérés, denses ou légers, ces territoires sont-ils à la fois un MR - Vous prenez néanmoins plaisir à aller à sa ren- merveilleux onirique ou une promesse apocalyptique ? contre. MM - Je ne sais pas et c’est tant mieux. Qu’est-ce qui MM - La jubilation ne me quitte pas en effet. Je me se trame dans mes dessins ? Ceux qui les regardent sens en symbiose avec la nature. J’éprouve un grand le savent sans doute – ou peut-être – mieux que moi ; bien-être physique en dépit de l’inquiétude qui m’ha- je ne veux pas me lancer dans des interprétations qui bite. Ma propre rigueur me tranquillise. feraient appel à la pratique d’autres artistes. Nous en avons évoqué quelques-uns et quelques-unes vous et MR - Il vous est arrivé de produire trois, quatre, cinq moi. Mon désir est de " faire " et de tenter de dire com- dessins dans la journée . Votre travail a non seulement ment je " fais " en restant aussi vrai que possible. été rigoureux mais constant et discipliné. MR - Je pense que vous y avez réussi. Permettez-moi MM – C’est ma manière d’être. Je ne travaille pas de convoquer John Berger dont vous éclairez le propos dans le désordre. La main transcrit quelque chose de : " The language of pictorial art, because it is static, is vu jusqu’à épuisement de l’énergie qui la meut. Il faut the language of timelessness. Yet what it speaks about - savoir s’arrêter, continuer serait détruire et trahir ce qui unlike geometry - is the sensuous, the particular, and a été vu. Pour moi, il y a un moment où la forme est " à the ephemeral. "
VISUELS 1 2 3 4 5 6 1 | Michel Mousseau, 03 © Adagp, Paris, 2018 2 | Michel Mousseau, 16 © Adagp, Paris, 2018 3 | Michel Mousseau, 47 © Adagp, Paris, 2018 7 8 4 | Michel Mousseau, 51 © Adagp, Paris, 2018 5 | Michel Mousseau, 58 © Adagp, Paris, 2018 6 | Michel Mousseau, 60 © Adagp, Paris, 2018 7 | Michel Mousseau, 66 © Adagp, Paris, 2018 8 | Michel Mousseau, 73 © Adagp, Paris, 2018 9 | Michel Mousseau, 83 © Adagp, Paris, 2018 10 | Michel Mousseau, 97 © Adagp, Paris, 2018 9 10 DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 11 / 22
DANIEL PONTOREAU ÉCURIES
Expositions personnelles Expositions collectives (sélection à partir BIOGRAPHIE de 2000) 1978 Paris - Galerie G. Laubie 1979 Luxembourg, Galerie La Cité 2001 Ichon- Corée “World Contemporary Ceramics” Bruxelles, galerie Christine Debras, autour du Maison Konishi, Osaka -Japon texte de Guy Benoît :“N’importe qui mon Galerie Hosokawa , Osaka , Japon corps”. 2002 Galerie Nishinomiya , Japon 1981 Paris, Centre Culturel du Marais,“Lieux 2003 “ The legacy of Modern Ceramic Art”, Gifu , intérieurs” Japon S’Hertogenbosh (Pays-Bas). Dienst Beeldende 2004 Fiskars - Finlande Kunst Moriaan. 2005 Musée de Fuping - Chine 1983 Paris, Galerie Raymond Cordier,“Bâti”. 2006 Clayarch Gimhae Muséeum 1985 Grenoble, Musée de Peinture, Daniel Pontoreau 2006 « A Clean,Well Lighted Place »,chez Anne “Lieux intérieurs”. Rochette et Wade Saunders , Saint Maur . 1987 “Un artiste, un musée” Ecomusée de Savigny- 2007 Galerie Tamura – Nishinomiya , « 1 artiste le-Temple. Français et le groupe Gutaï » Japon 1989 Théâtre d’Hérouville Saint Clair (Calvados). 2009 Musée de Shigaraki Japon 1990 Galerie Ado. Anvers. Belgique. 2009 Arsenal Musée de Soissons C.R.E.D.A.C. Galerie Fernand Léger - Ivry-sur- 2011 « Imbriquer » Maladrerie , Beauvais Seine. 2012 « DOKI DOKI » Shigaraki Muséum , Japon 1991 Galerie de l’Ancienne Poste. Calais. « DOKI DOKI » Muséum Gifu , Japon Musée de Meaux. « 8 artistes et la terre » Musée Ariana Genève , 1992 Galerie Patricia Dorfmann, Paris. Suisse 1995 “Les lieux du voyage” - Photographies - Ecole 2016 « CERAMIX » Musée de Masstricht Pays Bas des beaux Arts de Caen « CERAMIX » Cité de la Céramique Sèvres 1996 “Profil d’une Collection” - Artothèque de Caen, « L’art dans les chapelles » Saints Dédreno FRAC, Basse Normandie Pontivy Galerie Christine Debras - Bruxelles. 2017 Librairie « Folies d’Encre » 33190 La Réole 2001 «L’organisation du terrain», Centre d’Art de (chez Chantal Limérat) Saint-Fons. Ecole des Beaux-Arts de Rouen, 2002 Artothèque de Caen. Commandes publiques (sélection) Ecole d’Art de Belfort (organisée par le 19, CRAC) 1987 1% Ministère des Finances. Paris, Bercy. P. Musée de Soissons -arsenal- Chemetov - B. Huidobro, architectes. C.E.A.A.C. – Strasbourg 1991 Chateauroux , bibliothèque , Gil Barré , Françoise 2003 Centre d’art Georges Pompidou , Cajarc, Lot Risterucci, Loïz Caradec architectes 2006 Galerie Tamura , Nishinomya , Japon 1992 “Le champ du feu”, Alsace - C.E.A.A.C - Stras 2010 Galerie Momogusa Tajimi , Japon bourg. 2012 Atelier 7 Paris 1995 Ministère des Affaires Etrangères, Nantes, J. Galerie Daiichi Takahachi Hakone Odawara Pajot, architecte. Japon 1996 Entrée de ville de Lodève, M. Barani, architectes 2014 Galerie Fatiha Selam Paris Louis et Myriam Maunoury, paysagistes. 2017 Galerie Fatiha Selam 1996 Lycée Dorian , Paris , Gil Barré , Françoise Riste « L’origine du monde » La Borne rucci, Loïz Caradec, architectes Esox Lucius – La Clayette – Bourgogne 1998 Siège Social E.D.F. - La plaine Saint Denis. 2018 « Corps flottants », L’ H du Siège, Valenciennes 2003 Ville de Strasbourg , place du marché Gayot. 2019 Domaine de Kerguéhennec Morbihan Bretagne 2003-2013 Place “ Longue des Capucins” Marseille, I. 2020 musée Keramis La Louvière Belgique Serres, S. Fernandez , architectes DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 13 / 22
Divers Scénographies pour la Compagnie de danse Kilina Cremona, New-York, 1979 ; Montréal 1979 ; Paris 1980; Bagnolet, 1981; Lyon,1984. Collections publiques - Fonds National d’Art Contemporain, Paris. - Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. - Musée des Arts Décoratifs, Paris. - Musée Municipal de Céramique et d’Art Moderne, Vallauris. - FRAC Limousin, Basse Normandie, Haute Normandie - Musée d’art moderne de la Ville de Strasbourg - Musée de Gifu, Mino, Japon - Musée de Shigaraki, Japon - Clayarch Gimhae Muséeum, Corée du sud - Musée de Fuping, Chine - Musée de Soissons Abbaye St Jean des Vignes - Museum of Ceramic Art Hyogo, Japon
à l’âge classique, depuis la renaissance jusqu’au XIXe PRÉSENTATION siècle – visant à élever les représentations littérale- TEXTE DE KARIM GHADDAB ment au-dessus du sol foulé par les mortels. Ce n’est (CRITIQUE D'ART) pas non plus seulement la prise en compte du socle comme élément à part entière de la sculpture, comme le firent les modernes, Rodin d’abord, puis Giacometti Publié à l’occasion de l’exposition ou Brancusi. C’est aussi et sans doute en premier lieu Corps flottants, présentée à l’H du Siège la recherche de ce qui permet de faire lien au-delà des (Valenciennes), du 15 septembre au 24 différences. Dans les œuvres citées, les techniques, novembre 2018. les matériaux, les couleurs, les textures des différents éléments sont divers, si bien que chacun d’entre eux se donne comme une proposition singulière, sinon comme une individualité (et l’on repensera aux figures humaines de Giacometti). Mais elles sont toutes La première étude pour Quatre femmes sur socle, que réunies et mises en relation par ce qui les soutient et réalise Giacometti en 1948 est un parallélépipède de les relie, le sol-socle qu’elles partagent. Élaborant ses plâtre posé verticalement et au sommet duquel sont compositions de sculptures comme des associations, fichées quatre tiges métalliques. Les figures ne seront l’attitude de Pontoreau ne repose pas sur des recettes jamais modelées sur cette version qui témoigne du ou des formules mais s’apparente davantage à celle souci premier du sculpteur, à ce moment : le rapport des anciens monteurs de murs de pierres sèches qui des lignes verticales avec le socle massif où elles s’en- affirmaient écouter les pierres et les placer là où elles racinent. Les tiges ou les longues silhouettes étiques le demandaient. qui s’affirmeront de plus en plus comme la signature de l’artiste jouent donc comme des lignes opposées Dès lors, le paradigme du commun et du partage à la densité massive du socle. La question du bloc peut être décelé dans la quasi totalité des œuvres de trouve sa formule la plus radicale dans Le Cube (1934), Pontoreau. Sans titre II (1990) est ainsi composé de déjà présent sur La Table surréaliste (1933). Quelques trois blocs qui s’opposent presque terme à terme : années plus tard, le bloc devient socle, d’où s’élèvent ils sont de tailles différentes, constitués de matériaux des groupes de silhouettes comme des germinations différents (terre cuite, terre réfractaire, fonte de fer) et sur un sol (La Clairière, 1950). présentent des surfaces différentes (brute et chaotique, lissée comme tournée au tour, géométrique). Ils sont On trouve la poursuite d’une telle dialectique dans posés à même le sol – donc sans socle – mais un l’œuvre de Daniel Pontoreau. Beaucoup de ses sculp- semis de briquettes en porcelaine est disposé sur ce tures sont des agencements d’éléments distincts mis sol et unifie l’espace occupé par les trois sculptures. en relation par leur disposition sur un unique socle- Le Champ du feu (1992) élargit la même formule à plaque. Citons pêle-mêle : la maquette de Le Champ l’échelle du paysage : des bornes en marbre blanc du du feu, projet pour l’Alsace (1990), Cinq pièces faciles Rajasthan parsèment régulièrement l’espace naturel, (2014) ou encore les deux grandes stèles noires de rendant poreuses les frontières entre les sculptures, le Sans titre (1990) qui se font face d’un bout à l’autre paysage naturel, l’espace réel arpenté par le visiteur, d’un même chemin de terre de huit mètres de long. Les le marquage délimitant une portion de territoire… Le options sont différentes pour chacun de ces exemples, procédé tient à la fois de Carl Andre, pour la possibilité mais elles explorent toutes les modalités de mise en d’évoluer dans et sur l’œuvre, et de Richard Long ou relation des sculptures au moyen d’un socle commun. Robert Smithson pour l’élargissement du geste à une Cette question de ce qui est commun à l’hétérogène portion de paysage. et qui permet de faire lien est un approfondissement et un élargissement d’une recherche formelle sur le Quant aux « tableaux » de Pontoreau, ils reprennent rôle du socle en sculpture. Ce n’est plus l’ostension bien souvent un tel marquage en semis de la surface et majestueuse – qui fut la fonction principale du socle présentent des textures et des couleurs qui les rap- DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 15 / 22
prochent de la peinture d’un Tàpies ou d’un Tal Coat. Le Depuis un demi-siècle, la terre s’impose progressive- titre de la série Terres levées en ciels (1960-1984) de ment comme le matériau désormais quasi exclusif Pierre Tal Coat dit d’ailleurs la porosité entre peinture et de Pontoreau. L’acier, le verre, le caoutchouc et les sculpture, cette dialectique de l’érigé et de l’étendu par divers autres matériaux qu’il a pu utiliser par le passé laquelle nous avons commencé à partir de Giacometti. ont presque totalement disparu, l’artiste semblant se concentrer sur la substance originelle et originaire qui Les nombreux liens que tisse le travail de Pontoreau lui autorise à la fois une forme de pureté et des expéri- permettent donc aussi de faire dialoguer des héritages mentations infinies. Il est inutile d’insister sur la charge a priori peu compatibles. Au-delà de l’histoire de l’art, culturelle de l’argile comme matériau premier dans moderne ou plus ancien, cette recherche élargit encore la plupart des traditions (depuis la création d’Adam à son champ d’investigation à d’autres problématiques, celle du Golem) ; sans doute serait-ce même limiter hors du strict champ artistique et de la seule culture l’appréhension et la préhension de cette matière, tant il occidentale puisque, à l’occasion de ses nombreux est vrai qu’elle concerne d’abord et toujours l’œil et la voyages, Pontoreau porte son regard sur les proportions main, bien plus qu’une quelconque érudition cultu- simples d’un abreuvoir dans la campagne d’Evora, au relle. La terre, c’est d’abord un contact, un toucher, une Portugal, un agencement de poteries sphériques de plasticité qui s’éprouvent et s’affinent par la maîtrise Jodhpur, en Inde, les tumulus de Kyöng Ju, en Corée, technique et l’expérience, reliant mystérieusement le les créneaux et les petites lucarnes pyramidales sur geste du petit enfant qui réalise son premier colombin le toit d’un palais de Persepolis, en Iran, un jardin de et celui du céramiste le plus accompli qui maîtrise les pierres à Kyoto, au Japon, un simple petit piédestal de subtilités infinies du raku et de l’engobe de Shigaraki. Marbre blanc à Louxor, en Égypte… Là encore, toutes En dépit de sa grande technicité, l’œuvre de Pontoreau ces formes, des plus modestes aux plus spectaculaires, se donne comme une chose simple et directe, confiant des plus sophistiquées aux plus rudimentaires, sont les ressentis et les associations aux silences de la reliées entre elles par le regard de l’artiste et dessinent silice. un maillage qui couvre la surface du globe terrestre pour en faire le champ élargi de la sculpture, au- delà de toutes limitations de styles, d’époques ou de cultures. Comme nous l’avons aperçu avec la maquette de Le Champ du feu, projet pour l’Alsace (1990) et la réalisa- tion du projet à l’échelle du paysage, on peut déceler dans l’ensemble de l’œuvre de Pontoreau une corres- pondance en acte entre le microcosme et le macro- cosme. Une particule subatomique, un grain de sable, une simple pierre, l’énorme rocher de Mahabalipuram ou la Terre elle-même sont des répliques, au double sens de ce qui est à l’image d’autre chose, comme un jeu de renvois infinis, et des secousses telluriques. Certaines pièces de Pontoreau reprennent la structure d’une géode, une gangue de terre réfractaire enser- rant un noyau de porcelaine, comme l’écorce terrestre recouvre le magma. Ses dialogues avec des astrophysi- ciens (Jean-Marc Bonnet-Bidaud) ou ses photographies de ciels nocturnes attestent de l’intérêt marqué du sculpteur pour l’astronomie. Entre ondes et particules, les formes se répètent et se répercutent, jamais exacte- ment à l’identique.
VISUELS 1 2 3 4 1 | Daniel Pontoreau, Plaque paysage © Adagp, Paris, 2018 2 | Daniel Pontoreau, Maison et pierre © Adagp, Paris, 2018 3 | Daniel Pontoreau, Origine du monde © Adagp, Paris, 2018 4 | Daniel Pontoreau, Pierres qui s'aiment © Adagp, Paris, 2018 5 6 5 | Daniel Pontoreau, Échevelée © Adagp, Paris, 2018 6 | Daniel Pontoreau, Arrachée blanche © Adagp, Paris, 2018 7 | Daniel Pontoreau, Paysage noire © Adagp, Paris, 2018 7 | Photographie de Daniel Pontoreau dans son atelier © Michel Lunardelli © Adagp, Paris, 2018 7 8 DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 17 / 22
LES RENDEZ-VOUS DU PRINTEMPS En parallèle des expositions temporaires, le Ateliers de pratique artistique, rencontres privilégiées domaine départemental de Kerguéhennec, autour des oeuvres et des artistes, initiation à la balade multiplie les rendez-vous, les rencontres et les chorégraphique ou encore performances dansées, le printemps 2019 verra éclore de nombreuses invitations. propositions ! > 31 mars 2019 : Vernissage des expositions de printemps. Table ronde en présence des artistes : Michel Mousseau, Daniel Pontoreau, Jean-Marie Flageul et Jean-Baptiste Cautain, 15h (gratuit sur réservation). > 28 avril 2019 : Rencontre autour de l’exposition de Daniel Pontoreau avec l’intervention de Luc Lang (auteur) et Karim Ghaddab (critique d’art), en présence de l’artiste, 15h > 10 et 11 avril 2019 : Ateliers de pratiques artistiques en famille avec Julien Perrier (artiste) autour du thème de la sculpture. 14h30-16h30 (payant sur réservation). > 17 et 18 avril 2019 : Ateliers de pratique artistique en famille avec le collectif La Maison, composé des artistes Jean-Marie Flageul et Jean-Baptiste Cautain, autour du thème de la gravure. 14h30-16h30 (payant sur réser- vation). > 12 mai 2019 : Rencontre autour de l’exposition de Michel Mousseau avec l’intervention de Madeleine Renouard (auteure) et de Célia Houdart (auteure), en présence de l’artiste, dès 15h (gratuit sur réservation). > 8 et 9 juin 2019 : Les Rendez-vous Danse aux jardins. Nous lançons une invitation à découvrir le domaine avec des chorégraphes et danseurs, sous la forme d'ateliers, de balade chorégraphique, de jeu de piste choré- graphique et plastiques, et d'invitation collective à la danse (gratuit sur réservation).
UN NOUVEL ESPACE DÉDIÉ AUX ACTIONS ARTISTIQUES L’éducation artistique et culturelle est au cœur C’est dans ce contexte que Jean-Marie Flageul et Jean- du projet du Domaine de Kerguéhennec, sur Baptiste Cautain ont poursuivi leur travail de gravure. Ils site et hors-les-murs. proposent une représentation du paysage transformé. Transformé par la nature (les couleurs, les matières) par Il s'agit d'articuler étroitement création, édu- l'homme et transformé par leur propre pratique. L’expo- cation et transmission. Cet espace est dédié à sition A travers champs présente les œuvres réalisées la présentation des productions réalisées par durant cette résidence. les artistes lors de leurs interventions avec le public. "Ma démarche se rapproche de celle d'un documenta- riste allant à la rencontre de ses sujets sur leurs lieux > EXPOSITION de vie ou de travail, les questionne et les écoute ; ces A travers champs de Jean-Marie Flageul témoignages, recueillis sous forme de notes et d’aqua- relles, me permettent d’affiner mon regard sur le réel et et Jean-Baptiste Cautain d'en livrer une lecture sensible et subjective, qui dépasse Membres du collectif La Maison, Jean-Marie Flageul et la simple représentation esthétique. Je pratique en cela Jean-Baptiste Cautain pratiquent la gravure à partir du une forme de gravure ancrée exclusivement dans le réel." réel, d’expériences sensibles donnant lieu à des créa- Jean-Baptiste Cautain tions originales. "Mes productions, fruit d’une confrontation directe d’un Les artistes, en résidence artistique au collège Saint- regard et d’un existant, sont basées sur des expériences Louis de Saint-Jean-Brévelay y ont installé leur atelier sensibles d’observation du quotidien. Il convient donc de gravure. Durant six semaines, ils ont alterné des pour moi de garder à l’esprit ces observations afin de moments de création avec des temps d’ateliers de faire autre ce que je vois, ce que je perçois, lors de gravure auprès des collégiens et des résidents d’une déambulations qui constituent la base préalable de maison de retraite. Ce projet intitulé Poétiser son paysage mon travail de dessin et de gravure. Ces déambulations, a invité les élèves et les résidents à observer le paysage errances, marches, participant de fait à mon expérience et à échanger sur leur manière d’y vivre. Par la gravure artistique." Jean-Marie Flageul et par l’écriture, chacun propose son histoire, son regard poétique sur ce paysage. DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 19 / 22
LES MICRO FOLIES DU PARC Depuis 2018, le parc du Domaine de C’est dans ce contexte que deux artistes accueillis Kerguéhennec est en cours de restauration. en résidence, Guillaume Babin et Edouard Sautai Cette nouvelle gestion paysagère, soucieuse on été invités à produire des dispositifs de lecture et d’appréhension du dessin paysager et à s’interroger sur des enjeux écologiques, sanitaires et de les usages du parc par ses visiteurs. sécurité des visiteurs, a également pour objectif la restauration du parc paysager Guillaume Babin a conçu des repaires pour et dans le historique. parc comme autant de points d’ancrage où se tenir, seul ou avec, dans une conversation intime ou partagée avec les lieux, soi et les autres, proches ou étrangers, dans une attention renouvelée aux êtres et aux choses. Ce travail sera poursuivi en 2019 avec la construction de nouveaux modules. Édouard Sautai a conçu en 2018 une Capsule mobile d'observation,. Cette installation qui permet au visiteur qui déambule dans le paysage de faire station, lui offrant un lieu de rencontre avec le paysage mais aussi la possibilité de se reposer, de s’abriter d’une averse et pourquoi pas de rencontrer d’autres visiteurs et d’échanger. L'artiste propo- sera en 2019 une nouvelle série de stations de lecture du paysage. PROGRAMMATION A VENIR ÉTÉ LES JOURNÉES EUROPÉENNES DU DU 30 JUIN AU 3 NOVEMBRE 2019 PATRIMOINE > FLORA MAXIMA LES 20 ET 21 SEPTEMBRE 2019 AVEC JANOS BER, MARIE-CLAUDE BUGEAUD, > DANSE HORS-LES-MURS DAMIEN CABANES, CHRISTINE CROZAT, MARINE AVEC JEAN-BAPTISTE ANDRÉ, LOÏC TOUZÉ ET JULIE JOATTON, BERNARD JOUBERT, SYLVAIN LE CORRE, PERRIN. CHARLES MAUSSION, BERNARD MONINOT, JOSEF [CHÂTEAU] NADJ, ANNE TASTEMAIN, MANUELA MARQUES. LES RENCONTRES MUSICALES DE [COMMUNS] KERGUEHENNEC DU 19 AU 21 OCTOBRE 2019 > PIERRE TAL COAT / INAUGURATION DU > SECONDE ÉDITION PARCOURS PERMANENT ATELIERS ET CONCERTS DE POCHE AUTOUR DE LA EN REGARD CRÉATION MUSICALE D'AUJOURD'HUI. [CHÂTEAU] HIVER 2019/2020 > EXPOSITION COLLECTIVE AUTOUR DES ARTISTES ACCUEILLIS EN RÉSIDENCE
INFORMATIONS PRATIQUES DOMAINE DÉPARTEMENTAL DE KERGUÉHENNEC (MORBIHAN) 56500 Bignan 02 97 60 31 84 www.kerguehennec.fr DATES ET HORAIRES D'OUVERTURE DES EXPOSITIONS Du 31 mars au 2 juin 2019 Du mercredi au dimanche, de 14h à 18h Entrée libre et gratuite CONTACTS PRESSE Agence Observatoire / www.observatoire.fr / 68 rue Pernety, 75014 Paris Vanessa Leroy : vanessaleroy@observatoire.fr - 01 43 54 87 71 Domaine de Kerguéhennec / Adrien Courtecuisse - adrien.courtecuisse@morbihan.fr - 02 97 69 54 95 DÉPARTEMENT DU MORBIHAN // DOMAINE DE KERGUÉHENNEC // 21 / 22
Domaine de Kerguéhennec Une propriété du Département du Morbihan 56500 Bignan Tél. 02 97 60 31 84 www.kerguehennec.fr Département du Morbihan - Domaine de Kerguéhennec - janvier 2018 Création et impression
Vous pouvez aussi lire