Programme pour la protection du climat - Vers une Suisse respectueuse du climat

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Programme pour la protection du climat - Vers une Suisse respectueuse du climat
Programme pour
la protection du climat
     Vers une Suisse respectueuse du climat
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Programme pour la protection du climat - Vers une Suisse respectueuse du climat
Pourquoi un Programme pour la protection du climat?

    L’Alliance demande une action rapide
    Les changements climatiques prennent des          L’attente n’est pas une solution
    proportions effrayantes. Par conséquent,          Les mesures prévues jusqu’en 2020 sont
    les mesures contraignant à une stabilisa-         quasiment sans incidence sur les coûts,
    tion, voire à une baisse de la concentration      car elles visent avant tout à améliorer l’effi-
    en gaz à effet de serre, et par là-même de        cacité des systèmes. À l’inverse, les projets
    la température dans l’atmosphère s’im-            ultérieurs de réduction des émissions obli-
    posaient depuis longtemps. Tandis que la          gent à instaurer un cycle de remplacement
    nécessité de prendre de telles mesures est        accéléré pour les bâtiments et les biens
    tout à fait incontestable, certaines incer-       d’équipement durables, ce qui implique
    titudes et certains désaccords persistent         des coûts d’adaptation considérables pour
    quant à leur portée, au moment de leur            le secteur privé et les consommateurs. Il
    mise en application ainsi qu’au choix des         est dans tous les cas plus sensé pour une
    instruments. Le Programme pour la pro-            économie nationale d’investir dans une
    tection du climat apporte une proposition         conception active de l’avenir, plutôt que
    systématique sous la forme d’un catalogue         consacrer ses dépenses à des mesures
    d’instruments. Il donne ainsi en premier lieu     réactives liées au réchauffement climatique.
    des signaux à long terme pour une Suisse          Les initiatives individuelles permettent à un
    respectueuse du climat. Le Programme              pays d’opter pour une démarche ciblant les
    accroît en parallèle la sécurité de planifica-    conditions-cadres locales et par là-même
    tion pour les entreprises du secteur privé,       de trouver les solutions les mieux adaptées
    ainsi que pour les autorités et les investis-     sur le plan social, écologique et économi-
    seurs. La Suisse y trouve un intérêt direct,      que.
    puisqu’elle est particulièrement concernée        La Suisse – particulièrement touchée par
    par les changements climatiques. Mais une         le réchauffement climatique! – a grand
    telle responsabilité lui incombe également,       intérêt à ce que la Communauté inter-
    car conjointement avec d’autres pays              nationale convienne le plus tôt possible,
    industrialisés, elle contribue de manière         dans le cadre de l’ONU, de nouvelles
    prépondérante à l’apparition du problème.         mesures contraignantes visant à atténuer
    Le problème revêt un caractère mondial,           les changements climatiques. Selon le
    mais les méthodes de résolution s’orientent       principe du pollueur-payeur et le principe
    selon des données nationales, et notam-           de précaution, à la base de la Convention
    ment en fonction des caractéristiques             sur les changements climatiques, les pays
    géographiques des différents pays. En             industrialisés devront prendre de nouveaux
    Islande par exemple, la géothermie offre          engagements de réduction pour la période
    de nouveaux potentiels énergétiques; en           allant jusqu’à 2020.
    Suède, on constate un intérêt renouvelé
    pour la biomasse; en Suisse, les gains
    d’efficacité dans les transports et le bâti-
    ment sont au cœur des préoccupations,
    associés à une utilisation économique des
    ressources ainsi qu’à un recours accru à           Contenu
    la biomasse, au rayonnement solaire et à           L’Alliance demande une action rapide            2
    la géothermie. Une efficacité énergétique          90 % de CO2 en moins – au minimum               3
    accrue et la contribution plus importante          Impact financier                                7
    des énergies renouvelables réduisent éga-          2000 watts pour vivre                           8
    lement la dépendance des États vis-à-vis           La politique climatique dans un monde unifié    8
    de l’exploitation gazière et pétrolière. Et cet    Les instruments en présence                    10
    argument est un argument de poids, car             Catalogue des instruments                      12
    nombre de ces régions exportatrices sont           Bibliographie                                  19
    menacées par des conflits.

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Vers une stabilisation du climat

90 % de CO2 – au minimum
En 2005, la température moyenne mon-           ques». Grâce au Protocole de Kyoto, ces
diale avait augmenté de 0,72 degré Celsius     objectifs prioritaires ont été concrétisés par
par rapport à l’époque préindustrielle. Le     des étapes et des mesures de réduction
changement de température est deux fois        obligatoires. Sur la base des connaissan-
plus élevé en Suisse: selon des analyses       ces du Groupe d’experts intergouverne-
réalisées par l’École polytechnique fédérale   mental sur l’évolution du climat (GIEC), il
de Zurich, la seule augmentation pour le
20e siècle est comprise entre 1,3 et 1,6        L’Alliance pour le climat l’exige: la
degré. Les conséquences de l’augmen-            Suisse doit
tation mondiale de la température sont           concevoir sa politique climatique de
aujourd’hui déjà visibles et sensibles, et      manière à ce que la rapidité du ré-
sont également largement prévisibles. Des       chauffement de l’atmosphère au niveau
périodes de sécheresse et des inondations       mondial reste inférieure à 0,1 degré
catastrophiques, la propagation accrue de       Celsius par an, et à ce que le réchauffe-
maladies telles que le paludisme, la hausse     ment mondial maximal reste inférieur à 2
du niveau de la mer, la dégradation des         degrés Celsius par rapport à la période
conditions de pêche, la disparition d’espè-     préindustrielle (valeurs moyennes).
ces animales et végétales, la déstabilisa-       réduire les émissions de gaz à effet de
tion des Alpes due au dégel du permafrost,      serre de 30 % d’ici à 2020 et de 90 %
                                                d’ici à 2050, par rapport à l’année 1990.
sont autant de scénarios envisageables.
                                                 se fixer un objectif de taux d’émission
La Communauté internationale a pris
                                                d’une tonne d’équivalents CO2 par per-
conscience du problème et a ratifié la
                                                sonne et par an. Pour une population de
Convention sur les changements climati-
                                                8 millions de personnes, cela correspond
ques en 1992 lors du Sommet de la Terre à
                                                à des émissions de 8 millions de tonnes
Rio. La Convention a pour objectif d’em-
                                                de gaz à effet de serre (tableau 1).
pêcher les «perturbations anthropogènes
                                                 faire de la société à 2000 watts un
dangereuses» et de permettre une «adap-         objectif législatif.
tation naturelle aux changements climati-

                                                                                                «Les terres sous l’eau»,
                                                                                                un phénomène qui
                                                                                                pourrait se produire plus
                                                                                                fréquemment en Suisse:
                                                                                                inondations à Locarno
                                                                                                en octobre 2000.

                                                                                                                       3
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convient d’établir d’autres périodes dites     des changements. Un taux de réchauffe-
    d’obligation ainsi que de nouvelles réduc-     ment de 0,05 degré par décennie laisse
    tions en matière d’émissions: la hausse        suffisamment de temps aux écosystèmes
    mondiale de la température doit rester         pour s’adapter – mais pour de nombreux
    inférieure à 2 degrés Celsius.                 systèmes, une augmentation de 0,1 degré
                                                   en 10 ans est déjà trop élevée.
    2 degrés au maximum
    En raison de l’influence de la formation       Objectifs pour la Suisse
    des nuages, de la pollution de l’air et        Jusqu’à présent, la Suisse s’est essen-
    d’autres facteurs, le rapport causal entre     tiellement concentrée sur la réduction des
    les changements de température et la           émissions de CO2 liées à l’énergie – mais
    concentration en gaz à effet de serre          avec peu de succès. Pour atteindre les
    dans l’atmosphère est très complexe. On        objectifs du Programme pour la protection
    peut tout de même cerner les risques de        du climat, fixés à huit millions de tonnes
    manière relativement précise. Dans le cas      d’équivalents CO2 par an, ce qui cor-
    d’une concentration de 550 ppm d’équiva-       respond à une tonne par personne, les
    lents CO2, l’augmentation de la tempéra-       émissions liées à l’exploitation de l’énergie
    ture dépasse 2 degrés avec une probabilité     (hors trafic aérien) devraient être réduites
    de 75 % (encadré «La notion d’équivalents      de 90 % et celles issues de processus
    CO2»). Dans le cas d’une concentration         non-énergétiques ainsi que de l’agricul-
    de 400 ppm, ce risque n’existe qu’à 20 %.      ture devraient être réduites de deux tiers
    Cependant, on enregistre aujourd’hui déjà      (tableau 2). Ces réductions sont condition-
    plus de 400 ppm, dont 380 ppm pour la          nées par une amélioration significative de
    seule concentration de CO2. Une brève          l’efficacité énergétique, un recours accru
    hausse à 475 ppm suivie d’une diminution       aux énergies renouvelables, des technolo-
    sous les 400 ppm limite également l’aug-       gies à faibles émissions ainsi qu’une modi-
    mentation à 2 degrés.                          fication du comportement de la population
    Une augmentation moyenne de la tempé-          sur la base de nouvelles conditions-ca-
    rature mondiale de 2 degrés par rapport        dres. Pour ce qui est du trafic aérien, il est
    aux conditions préindustrielles engendre       urgent d’établir des conventions internatio-
    déjà des risques considérables en matière      nales visant à la réduction des émissions.
    de dommages climatiques et devrait, de         En raison des taux de croissance élevés
    ce fait, servir de limite internationalement   et de la longue durée de vie des avions, le
    reconnue. Cette valeur mondiale signifie       potentiel de réduction est estimé à seule-
    pour l’espace alpin une augmentation de        ment 30 %, en dépit de mesures techni-
    près de 4 degrés Celsius ainsi que la fonte    ques très efficaces. Cette modeste baisse
    quasi-totale des glaciers. Pour la plupart     demande une compensation dans d’autres
    des écosystèmes, il convient de prendre        secteurs. Pour cette raison, l’importance
    en compte non seulement les valeurs            des puits de carbone par reboisement de
    absolues, mais également la dynamique          surfaces de terrain appropriées doit être

     La notion d’équivalents CO2                   des niveaux différents. Les émissions de
     Le dioxyde de carbone (CO2), mais éga-        gaz à effet de serre peuvent être conver-
     lement le méthane, le protoxyde d’azote,      ties en équivalents CO2 en fonction de
     les hydrofluorocarbures, les perfluoro-       leur efficacité relative. L’abréviation ppm
     carbones ainsi que l’hexafluorure de          signifie parties par million et est utilisée
     soufre sont les premiers responsables de      comme unité de mesure de la concen-
     l’effet de serre causé par l’homme. Ces       tration (nombre de molécules de CO2 par
     différents gaz à effet de serre agissent à    million de molécules d’air).

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Modifications en pour cent                                                    Graphique 1: Modifica-
  120                                                                          tions nécessaires des
  100                                                                          émissions d’équivalents
                                          2020                                 CO2 d’ici à 2020 et d’ici
    80
                                                                               à 2050 par rapport à
    60
                                                                               l’année de référence
    40
                                                    2050                       1990, afin de stabiliser
    20                                                                         la concentration en gaz
     0                                                                         à effet de serre dans
  - 20                                                                         l’atmosphère à 400
  - 40                                                                         ppm. Les différentes
  - 60                                                                         émissions actuelles
                                                                               ainsi que les diverses
  - 80
                                                                               possibilités de réduction
- 100
                                                                               des émissions selon les
         global    OCDE 90     EX-URSS et        Asie        Afrique et
                              Europe de l’Est              Amérique latine     groupes de pays ont été
                                                                               prises en compte [1].

  Émissions en tonnes d’équivalents CO2 par habitant et par année
  15
  14
  13
  12                                                                           Graphique 2: Émis-
  11                                                                           sions par personne
                  Importation nette d’émissions grises de gaz
  10                                                                           en Suisse en 1990
                  à effet de serre
   9                                                                           (année de référence)
                  Effet de serre trafic aérien
   8                                                                           selon l’Office fédéral de
   7                                                                           l’environnement, ainsi
                  Émissions non dues à l’exploitation d’énergie                que compensation du
   6
                  Émissions dues à l’exploitation d’énergie                    trafic aérien et objectifs
   5
                  (hors trafic aérien)                                         pour l’année 2050 selon
   4
                                                                               l’Alliance. La différence
   3
                                                                               entre les émissions
   2                                                                           d’une part et l’impor-
   1                                                                           tance des puits de
   0                                                                           carbone, ainsi que les
                                    Puits de carbone forêt
 -1                                                                            réductions à l’étranger
                                  Réductions à l’étranger                      d’autre part donne une
 -2
                                    non prises en compte                       tonne d’équivalents CO2
 -3
           1990                                            2050                par personne et par an
 -4
                                                                               pour l’année 2050.

Tableau 1: Émissions de gaz à effet de serre, années de référence 1990, 2004 et
objectifs pour 2050
Valeurs en millions de tonnes d’équivalents CO2                              1990     2004       2050
Emissions dues à l’exploitation de l’énergie, hors trafic aérien             41,6      43,5        4,5
Emissions non liées à l’énergie                                              10,7       9,2        3,5
Effet de serre causé par le trafic aérien (y c. vapeur d’eau et NOx)          9,8      10,7        7,1
Importance des puits de carbone forêt (incl. reboisement)                    – 1,3    – 2,1      – 7,1
Importation nette d’émissions grises de gaz à effet de serre                   36      39,5       17,0
Réduction issue de mesures mises en œuvre à l’étranger                                         – 17,0
Total                                                                        96,8 100,8            8,0

                                                                                                            5
Programme pour la protection du climat - Vers une Suisse respectueuse du climat
Le trafic de personnes
                                                                                                     motorisé produit d’énor-
                                                                                                     mes quantités de gaz
                                                                                                     à effet de serre – des
                                                                                                     alternatives sont néces-
                                                                                                     saires. Voici la Hy-Fly
                                                                                                     hautemente efficiente.

    intégralement portée au compte CO2 du            million de tonnes contre huit millions – et
    trafic aérien. La compensation faite à la syl-   les échanges d’électricité (un million de
    viculture est réalisée par l’intermédiaire des   tonnes contre cinq millions) contribuent lar-
    passagers aériens suivant le principe du         gement à cette réduction. Les autres sec-
    pollueur-payeur. Cependant, la contribution      teurs – par exemple le secteur alimentaire
    des nouvelles forêts agit pour le moment         – prennent part à la réduction à hauteur
    de manière limitée. Pour cette raison déjà,      d’environ dix millions de tonnes (contre 20
    on annonce des réductions supplémentai-          millions de tonnes aujourd’hui). La Suisse
    res d’émissions dans le trafic aérien. Dans      se doit également d’assumer la responsa-
    le même temps, l’exploitation des forêts         bilité de ces émissions résiduelles, comme
    garantit un bois de construction et un bois-     le propose l’Alliance, et de les compenser
    énergie sans incidence sur le climat.            au travers de projets de protection du
    Près de 40 % des émissions dont nous             climat adaptés à l’étranger – sans tenir
    sommes aujourd’hui responsables revien-          compte des objectifs nationaux. Ces pro-
    nent à l’étranger – dans la production de        jets de compensation doivent satisfaire aux
    biens importés en Suisse. Et ce, déduction       critères de «Gold Standard». Cette norme
    faite des émissions causées en Suisse par        de qualité initiée par des organisations non
    la production de biens destinés à l’expor-       gouvernementales fixe pour les projets
    tation. Les raisons de cette part élevée         de protection du climat des exigences en
    d’émissions grises de gaz à effet de serre       matière de durabilité, de type de projet et
    s’expliquent, dans le cas d’un commerce          de mode de calcul des réductions nettes.
    extérieur supérieur à la moyenne, par
    des exportations parallèlement faibles en
    produits gourmands en énergie. Concer-
    nant cette «importation nette d’émissions
    grises de gaz à effet de serre», l’Alliance
    fixe l’objectif pour 2050 à 17 millions de
    tonnes d’équivalents CO2, ce qui exige une
    réduction de 57 % par rapport à la valeur
    actuelle. La baisse de la production et du
    traitement des énergies à l’étranger – un

6
Programme pour la protection du climat - Vers une Suisse respectueuse du climat
Emploi, frais externes, bénéfice secondaire

Impact financier
Les calculs du Groupe d’experts inter-
gouvernemental sur l’évolution du climat
(GIEC), de l'OCDE, de l’EPF Zurich et d'un
grand nombre d'autres institutions démon-
trent que les coûts directs des mesures
de protection du climat sont totalement ou
partiellement compensés par les avantages
qui en résultent, tels que l'amélioration de la
santé, les économies d'énergie et la stimu-
lation de certains marchés. Sans compter
que cette comparaison n'intègre même pas
le bénéfice primaire résultant de la réduc-
tion des émissions de gaz à effet de serre!
L’EPF Zurich chiffre le coût annuel des
mesures impliquées par une taxe d'inci-
tation conformément à la loi sur le CO2 à
140 millions de francs. Ces coûts sont à
comparer avec les milliers de nouveaux
emplois qui pourraient être créés ainsi que                                                       De nombreuses mesu-
les économies réalisées en matière de             serre évalue le coût de la tonne de CO2 en- res visant à stabiliser le
frais externes, évaluées entre 220 et 400         tre 15 et 280 euros, en précisant que l'éva- climat produisent une
                                                                                               utilité économique nette.
millions de francs. Le bénéfice net peut          luation raisonnable peut être chiffrée à 70
ainsi être estimé à 80 millions de francs au      euros [3]. En extrapolant ce chiffre pour la
minimum. Des économies considérables              Suisse, on obtient un coût de quelque 10
pourraient être réalisées dans le secteur de      milliards de francs par an. Le fait que ces
la santé: une réduction des émissions de          coûts externes ne soient pas ou peu pris
CO2 de l'ordre de 10 % épargne 500 décès          en charge par les pollueurs eux-mêmes est
prématurés, 7000 cas de bronchite infan-          particulièrement révoltant. En effet, dans
tile et 430 000 jours de congés maladie.          le domaine de la protection de l'air et du
On peut dès lors se poser la question de          climat, les pollueurs ne prennent en charge
savoir pourquoi ces mesures économiques           qu'une partie des coûts; les frais non cou-
ne sont pas mises en œuvre de manière             verts sont considérables et peuvent être
conséquente.                                      estimés à 7 milliards de francs [4].
Il existe au moins trois raisons à cela:          En Suisse, les marchés de l'environnement
 En général, les coûts externes ne sont          génèrent actuellement 95 000 emplois
pas pris en compte dans les décisions             et produisent un chiffre d'affaires de 20
économiques et par les consommateurs.             milliards de francs (2002). Suivant un pro-
Ce qui se justifie sur le plan macro-éco-         nostic du WWF, ce chiffre d'affaires croîtra
nomique n'est pas toujours vrai pour une          de 46 % d'ici à 2015 pour atteindre 32
entreprise ou un consommateur.                    milliards de francs; parallèlement, l'emploi
 L’information sur les solutions et produits     augmentera de 37 % pour atteindre les
les plus rentables ne circule pas toujours        131 000 places de travail. Une étude de
bien; nombre d'obstacles bloquent des             l’EPF [5] confirme les chiffres du WWF.
décisions rationnelles.                           Selon cette étude, l'instauration d'une
 Un grand nombre d'acteurs du marché             taxe d'incitation sur le CO2 permettrait à
basent leurs décisions sur d'autres critères      elle seule la création de 20 000 emplois
que les seuls critères monétaires et la           supplémentaires. Les études réalisées en
maximalisation du bénéfice.                       Allemagne sur l'incidence de la réforme de
Une étude largement étayée portant sur            la fiscalité environnementale donnent des
les coûts des émissions de gaz à effet de         chiffres comparables.

                                                                                                                        7
Des modes de vie respectueux du climat

                        2000 watts pour vivre
                        La consommation énergétique des habi-
                        tants de notre pays, qui s’élève actuelle-
                        ment à 6000 watts par personne, est bien
                        trop élevée. C’est pourquoi une politique
                        et des modes de vie orientés vers la notion
                        de durabilité doivent avoir pour objectif
                        de réduire la consommation énergéti-
                        que d’un facteur 3, c’est-à-dire à 2000
                        watts par personne. Et cela est loin d’être
                        impossible, comme le prouvent, à l’aide
                        d’études détaillées, de nombreux instituts
                        scientifiques, parmi lesquels on compte la
                        Direction des travaux publics du canton de
                        Zurich, l’Office fédéral de l’énergie, quatre
                        instituts appartenant aux EPF, l’Aca-
                        démie Suisse des sciences techniques
                        (ASST) ainsi que plusieurs organisations
                        de défense de l’environnement [5]. Les
                        études présentées possèdent trois points
                        communs. Premièrement: les technolo-
                        gies aujourd’hui prêtes à faire leur entrée
                        sur le marché permettraient de réaliser
                        l’objectif d’une consommation énergétique
                        annuelle de 17 500 kilowatts-heure, ce qui
                        correspond, par personne, à 2000 watts
                        ainsi qu’à des émissions respectives d’une
                        tonne d’équivalents CO2. Mais cela ne se
                        fera pas du jour au lendemain, et c’est là                                                     Les énergies renouvela-
                        l’objet du deuxième point, car la mise en       en répondant au besoin résiduel par un           bles (ci-dessus) et des
                                                                                                                        modes de construction
                        application nécessite du temps; les délais      recours aux énergies renouvelables. Tou-
                                                                                                                          efficients (lotissement
                        se mesurent en décennies. Troisièmement:        tefois, cela nécessite en premier lieu une
                                                                                                                       Minergie-P «Konstanz» à
                        malgré les divergences dans l’évaluation        adaptation rigoureuse des constructions et      Rothenburg) sont la clé
                        des potentiels, toutes les études recom-        installations, des véhicules et des disposi-   d’un approvisionnement
                        mandent d’améliorer l’efficacité de l’exploi-   tifs, ainsi qu’une utilisation plus économi-       énergétique durable.
                        tation de l’énergie d’un facteur 2 à 20, tout   que des ressources.

    La politique climatique dans un              plan du commerce extérieur. Toutefois,         prendraient des décennies – sans garan-
    monde unifié                                 l'expérience donne une image totale-           tie de réussite. Toutefois, cette perspec-
    Le Programme pour la protection du           ment différente de la situation. Même          tive demeure la solution idéale.
    climat et ses instruments concernent         au sein de l'UE, la fiscalité reste une        Une proposition futuriste a été formulée
    exclusivement les émissions causées          compétence nationale et les tentatives         en Angleterre (www.feasta.org):
    par la Suisse, ce qui suscite la réappa-     d'instauration de taxes valables dans           Tous les habitants de la terre ont les mê-
    rition d'un vieil argument, d'une perti-     toute l'UE ont donné lieu à des appro-         mes droits en matière d'émission de CO2.
    nence pourtant limitée: les problèmes        ches minimalistes. En outre, pour tenir         Ces droits seraient fractionnés et répar-
    mondiaux requièrent un instrument            compte du pouvoir d'achat national, il         tis de manière égale conformément aux
    mondial. De fait, une taxe d'incitation      faudrait pouvoir fortement différencier        objectifs de réduction visant à empêcher
    de portée internationale présenterait        les taxes globales. Rien que sur ce            les changements climatiques dangereux,
    certains avantages, notamment sur le         point, les négociations multinationales        et seraient négociables sans restriction.

8
Chacun pourrait donc vendre ses droits        Ce système présente de nombreux             longue. La participation des grands
au tarif du marché à des intermédiaires       avantages. Les principaux bénéficiaires     pays tels que les USA serait indispen-
locaux, qui les revendraient aux person-      seraient les personnes et les pays les      sable. Ces pays seraient au départ
nes intéressées.                              plus pauvres. L'augmentation du pou-        obligés d'acheter des droits d'émission
 Une nouvelle devise, mondialement           voir d'achat permettrait aux pays indus-    pendant des décennies. La Suisse
reconnue, garantirait que le négoce inter-    trialisés d'obtenir de nouveaux marchés     devrait suivre avec intérêt ce type
national de certificats ne provoque pas       sans qu'il n'y ait d'obligation de crois-   d'approches, sans toutefois se borner
de raréfaction de l'énergie dans certains     sance. Conclusion: l'économie mondiale      à attendre leur mise en place. Les ins-
pays. À plus long terme, cette devise,        deviendrait plus équitable, plus stable,    truments nationaux déjà mis en œuvre
appelée «Ebcu» (Emissions-backed cur-         et plus durable, sur le long terme.         permettent d'améliorer l'acceptation
rency unit) compléterait voire remplacerait   Toutefois, la voie permettant la réalisa-   et de faciliter l'adoption d'un futur
le système monétaire traditionnel.            tion de cette proposition est encore fort   système global.

                                                                                                                                    9
Aperçu

                       Les instruments en présence
                       Critères d'évaluation des instruments              infrastructure, et particulièrement de l’ap-
                       Conformément à la méthode d'évaluation             provisionnement en énergie ainsi que des
                       du Groupe d’experts intergouvernemental            bâtiments, des véhicules et des appareils.
                       sur l’évolution du climat (GIEC), le choix         Il est également essentiel de voir s’instaurer
                       des instruments pour le Programme pour             une compréhension nouvelle des services
                       la protection du climat repose sur trois           énergétiques et, consécutivement, de voir
                       groupes de critères principaux (tableau 2):        la population adopter un comportement
                        L’efficacité environnementale: la mesure         orienté selon les objectifs de protection du
                       est-elle efficace?                                 climat. Mais de telles évolutions n’arrivent
                        L’efficience économique: la mesure               pas toutes seules. Elles nécessitent pour
                       permet-elle d'atteindre l’objectif avec un         ce faire un Programme de protection, la
                       minimum de frais?                                  mise en application des instruments de
                        La compatibilité sociale et la faisabilité       l’économie de marché, des instruments
                       politique: l'instrument est-il légitime, réali-    réglementaires et volontaires. L’assortiment
                       sable, juste et proportionné?                      d’instruments proposé obéit à un objectif
                       L'évaluation des 80 instruments dépend             unique: faire les comptes conformément
                       fortement de la manière dont ils sont pré-         au principe du pollueur-payeur, réduire les
                       sentés. Le présent document se borne à             émissions, éviter les dommages environ-
                       citer les instruments et à relever leurs effets.   nementaux et promouvoir la protection so-
                       Pour atteindre les objectifs fixés en termes       ciale. Ce n’est qu’au travers de ces nouvel-
                       de protection du climat, la Suisse doit ré-        les incitations et conditions-cadres que l’on
                       duire ses émissions nationales de gaz à ef-        pourra créer un environnement dans lequel
                       fet de serre d’un million de tonnes d’équi-        il vaudra la peine de prendre des décisions
                       valents CO2 par an pour les 45 prochaines
                                                                           Tableau 3: Catalogue des instruments
                       années. Par ailleurs, seule une réduction si-
                                                                           Émissions sectorielles de gaz à effet de serre aujourd’hui (2004)
                       gnificative de la consommation énergétique
                                                                           et lors de l’introduction de tous les instruments (2025)
                       permet un approvisionnement durable en
                       énergie. Cela exige une modification – d’un        Instruments principaux –                Instruments complémentaires
                                                                          application immédiate                    Ces instruments améliorent
                       point de vue actuel, étendue – de notre
                                                                           Ces instruments conduisent            l’efficacité des instruments
Tableau 2: Critères d'évaluation des différents instruments               respectivement, dans les 15             principaux et empêchent ou
Efficacité environ-    Efficience écono-      Compatibilité               ans suivant leur introduction,          réduisent les effets de transfert
nementale              mique                  sociale et faisabilité      à une réduction annuelle d’au           indésirables.
                                              politique                   moins 1 million de tonnes
 Réduction des         Rapport coût-         Effets sur l'emploi       d’équivalents CO2.
émissions après 3      efficacité pour les     Equité de la répar-        Sont privilégiés les instru-
                                                                          ments présentant une effi-
ans                    consommateurs et tition
                                                                          cience économique positive et
 Réduction des        les entreprises         Compatibilité avec
                                                                          compatibles sur le plan social
émissions après 15      Rapport coût-        le droit international
                                                                          et politique.
ans                    efficacité sur le plan  Principe du pol-
                                                                          Instruments principaux – à              Instruments de soutien
 Réduction de la      macro-économique lueur-payeur
                                                                          partir de 2013                           Ces instruments complètent
consommation            Coût administratif  Libre choix
                                                                           Certains des instruments prin-        les instruments principaux
énergétique après       Sécurité des inves-  Sécurité de l'ap-          cipaux sont appropriés à une            permettant d’atteindre les
15 ans                 tissements             provisionnement             application immédiate, d’autres         objectifs.
 Effets secondaires    Compatibilité                                    doivent entrer en vigueur au
 Feedback et          avec le commerce                                   plus tard en 2013.
transfert              extérieur                                          (Les chiffres entre parenthèses indiquent l’effet des instruments après 15
                        Incidence sur l'in-                              ans – comme mesure unique –, en millions de tonnes d’équivalents CO2
                       novation                                           par année. Les effets individuels ne peuvent être additionnés de manière
                                                                          quelconque.)

10
en faveur du climat et où les libertés ne
                                               Graphique 3: Émissions de gaz à effet de serre en
seront pas inutilement restreintes. Les
                                               2004 selon l’Office fédéral de l’environnement, ainsi
instruments déjà valables aujourd’hui font
                                               qu’en 2025 et 2050 selon le Programme pour la
partie intégrante de l’assortiment proposé,    protection du climat réalisé par l’Alliance; émissions
sans que ces mesures ne soient également       classées par secteurs.
répertoriées. Ceci s’applique par exemple
                                                 ³MISSIONS DE GAZ Ì EFFET DE SERRE EN MILLIONS DE TONNES DÏQUIVALENTS #/
aux programmes de SuisseEnergie, aux             PAR ANNÏE
dispositions en matière de construction,         
aux taxes routières ainsi qu’aux entreprises
consommant beaucoup d’énergie.
                                                 

Structure des instruments
Pour atteindre ces objectifs ambitieux, il        
est indispensable de combiner plusieurs
instruments, ce qui permettra de créer des        
incitations pour la prise de décisions en                                                    )MPORTATION NETTE DÏMISSIONS GRISES
                                                                                             DE GAZ Ì EFFET DE SERRE
faveur du climat et de réduire les émis-          
sions, sans porter préjudice à la qualité                                                    "ÊTIMENT
                                                                         4RAFIC DE
de vie ni engendrer de coûts nets pour                                  PERSONNES            4RAFIC AÏRIEN
                                                  
l’économie nationale. L’effet individuel des                    )NDUSTRIE ARTISANAT
instruments est quantifié dans les tableaux                               4RAFIC DE          ³LECTRICITÏ
                                                                    MARCHANDISES             $ÏCHETS                     !UTRES
6 à 13. Combiné à d’autres instruments,                                                     3YLVICULTURE                SECTEURS
                                                                        !GRICULTURE
l’effet global ne correspond pas à la
somme des effets individuels puisqu’ils           
se recoupent partiellement. Des descrip-                                                     0ROJETS DE PROTECTION DU CLIMAT
tions et évaluations détaillées de tous les                                                  Ì LÏTRANGER
                                                  
instruments étudiés sont présentées à
l’adresse www.wwf.ch/klimafakten. Le                                                                     
catalogue établit du reste une distinction        
entre instruments principaux, instruments
                                               Tableau 4: Effets des instruments par secteurs
complémentaires et instruments de soutien
                                               Valeurs en millions de tonnes d’équiva-                       2004    2025 2050
(tableau 3).
                                               lents CO2 par an
                                               Importation nette d’émissions grises                           34,5      30          16
Effets des instruments
                                               de gaz à effet de serre (sans échange
Les instruments répertoriés dans le ca-
                                               d’électricité)
talogue réduisent de 37 % les émissions
                                               Bâtiment                                                        19       6,4
d’équivalents CO2 causées en 20 ans par
                                               Trafic de personnes (hors trafic aérien)                       13,2      3,5
la Suisse, pour atteindre 63,9 millions de
                                               Industrie et artisanat                                          9,4      4,8
tonnes par an. Si l’on considère unique-
                                               Trafic de marchandises (transport routier                       3,4      2,1          8
ment les gaz à effet de serre émis dans le
                                               uniquement)
pays et mentionnés dans le Protocole de
Kyoto (hors trafic aérien), les émissions      Déchets                                                         1,8      1,1
de 1990 – 51 millions d’équivalents CO2        Agriculture                                                     5,4        4
– diminuent même de 64 % jusqu’en 2025.        Sylviculture                                                  – 2,1      –4          –7
On peut ainsi certainement atteindre, voire    Trafic aérien                                                  10,7      12           7
dépasser la valeur cible de 30 % d’émis-       Consommation et production d’électricité                        5,4        4          1
sions en moins d’ici à 2020. Ces progrès                                                                     100,8    63,9          25
présupposent la mise en application de         Projets de protection du climat à l’étranger                     0     – 38     – 17
l’ensemble de l’assortiment d’instruments      Total                                                         100,8    25,9           8
à partir de 2011 (tableau 4 et graphique 3).

                                                                                                                                    11
Par secteurs

                     Catalogue des instruments
                     Importance de la taxe d’incitation               50 % au moins. Étant donné que, parallè-
                     La taxe d’incitation intersectorielle repré-     lement à cette évolution, la consommation
                     sente la principale exigence établie par         énergétique baissera naturellement, les
                     l’Alliance. Les importantes fluctuations du      taxes devraient augmenter de 20 milliards
                     prix du pétrole liées au marché, ainsi que       de francs à plus long terme afin de conti-
                     le niveau maximum atteint aujourd’hui,           nuer à suivre les objectifs fixés.
                     s’avèrent être une base de départ insuffi-       Redistribution: nombreuses sont les
                     sante pour les investissements permettant        variantes de redistribution des recettes
                     de réaliser des économies d’énergie. À           issues des taxes sur l’environnement et
                     l’inverse, les taxes constituent une partie      l’énergie à la population ou au secteur
                     fiable et prévisible des modes de calcul         privé. La redistribution prévue de la taxe
                     des coûts; leur effet est par conséquent         sur le CO2 par personne et par l’intermé-
                     bien meilleur.                                   diaire de réductions des cotisations AVS
                     Il convient de ce fait d’une part d’introduire   des employeurs rencontre un accueil très
                     la taxe d’incitation applicable aux combus-      favorable et constitue par là-même au
                     tibles déjà prévue dans la loi sur le CO2 et     moins une option pour la compensation
                     d’augmenter progressivement les taux de          financière des futures taxes d’incitation et
                     la taxe en fonction de l’objectif, et d’autre    taxes sur l’énergie. Une partie des taxes
                     part d’étendre également cette taxe d’inci-      doit dans tous les cas servir à couvrir les
                     tation aux carburants et aux émissions de        coûts de mise en application de l’assorti-
                     gaz à effet de serre industriels.                ment d’instruments proposé.
                     En complément de la taxe d’incitation            Répercussions: les taxes d’incitation
                     concernant les gaz à effet de serre, une         influent en premier lieu sur le comporte-
                     taxe énergétique dynamique doit égale-           ment de la population et de l’économie.
                     ment accroître l’efficacité de l’exploitation    Les décisions en matière d’investissement
                     de l’énergie et contribuer à ménager les         sont par ailleurs davantage prises en faveur
                     ressources.                                      d’une substitution des énergies fossiles par
                     Les dépenses annuelles de la Suisse              des énergies renouvelables. Les mécanis-
                     dans le domaine de l’énergie s’élèvent           mes se recoupent dans leurs répercus-
                     aujourd’hui à 25 milliards de francs. Pour       sions et entraînent les plus gros effets de
                     garantir à plus long terme également l’effet     réduction après une dizaine d’années. La
                     incitatif souhaité et éviter les mécanismes      question de leurs répercussions entraîne
                     de compensation indésirables, la part de         une réponse plutôt flexible, qui illustre la
                     l’énergie – y compris les taxes – dans le        sensibilité des coûts de la consommation
                     produit national brut doit augmenter de          énergétique: une majoration des énergies
                                                                      fossiles de 10 % réduit les émissions de
Tableau 5: Instruments fondamentaux
                                                                      gaz à effet de serre de près de 3 %.
Réduction de 8,2 millions de tonnes d’équivalents CO2 par             En tant qu’instrument fondamental, la
année, répartie sur tous les secteurs (inclus)                        taxe d’incitation est efficace dans tous les
Instruments principaux –         Instruments de soutien               secteurs (et y est également quantifiée de
application immédiate             Suppression des subventions        manière détaillée). Elle représente l’instru-
 Taxe d’incitation sur le CO2   à l’énergie                          ment le plus efficace avec un potentiel de
applicable aux combustibles et    Étude de l’impact sur le           réduction de 8,2 millions de tonnes d’équi-
carburants                       climat                               valents CO2 par an.
Instruments principaux – à
partir de 2013
 Taxe d’incitation dynamique
applicable à tous les gaz à
effet de serre ainsi qu’aux
agents énergétiques

12
Le bâtiment                                     Les pouvoirs publics en exemple
Par comparaison avec les constructions          La Confédération, les cantons et les
que l’on rencontre aujourd’hui commu-           communes ainsi que d’autres collectivités
nément, les maisons Minergie-P et les           chauffent leurs bâtiments, utilisent des
maisons passives consomment 5 à 20 fois         véhicules et utilisent une grande quantité
moins d’énergie pour le chauffage et la         d’électricité pour différentes tâches. Les
production d’eau chaude sanitaire. Le po-       décisions prises par ces institutions
tentiel de réduction des émissions est tout     devraient en premier lieu se fonder
aussi élevé. En raison des faibles pourcen-     sur des aspects d’économie natio-
tages de nouvelles constructions ainsi que      nale. Les pouvoirs publics peuvent
des nombreux obstacles à la rénovation,         et doivent ainsi montrer l’exemple
la réalisation de bâtiments plus respec-        et s’affirmer en tant que pionniers, afin
tueux du climat exigera de très longs délais    de permettre de donner naissance à des
d’application. Le besoin moyen élevé            constructions, des produits et des services
ainsi que le dilemme locataire-propriétaire     respectueux du climat, d’en assurer la pré-
notamment constituent une entrave à la          sentation et d’en réduire le coût. Dans leur
couverture des coûts énergétiques. Cette
                                                 Tableau 6: Bâtiment
retenue dans les mesures de construction
                                                   MILLIONS DÏQUIVALENTS #/ PAR AN
importantes sur le plan énergétique s’op-
                                                    MILLIONS DÏQUIVALENTS #/ PAR AN
pose très nettement à la conclusion plau-
sible selon laquelle, compte tenu des prix       Instruments principaux –              Instruments complémentaires
                                                 application immédiate                  Incitations pour les maisons
actuels de l’énergie, le besoin en chaleur
                                                  Taxe d’incitation sur le CO2        passives et maisons Minergie-P
des anciens bâtiments peut être renta-
                                                 applicable aux combustibles           (0,3) et les maisons Minergie-
blement diminué de moitié. Une nouvelle
                                                 (3,4)                                 P par l’intermédiaire d’un plan
réduction est intéressante sur le plan de
                                                  Bourse de consommation              d’affectation (0,4), tant que le
l’économie d’entreprise en cas de double-
                                                 de chaleur ou part minimale           standard n’est pas introduit (3)
ment des prix de l’énergie, rendu possible,
                                                 d’énergies renouvelables (2            Passeport pour bâtiments (0,2)
sans perturber le marché, au travers d’une
                                                 à 6)                                   Outil de gestion du bâtiment
taxe dynamique sur l’énergie et les gaz à         Déduction fiscale des réno-         (1) ou obligation de plan de
effet de serre. Ces instruments principaux       vations énergétiques sur cinq         rénovation (1)
améliorent durablement la rentabilité des        ans (1,7)                              Cours aux maîtres d’ouvrage
mesures de construction. Au regard des            Fonds de rénovation lié au          (0,07)
obstacles connus, ils sont toutefois insuffi-    bâtiment (1)                           Diplôme additionnel pour archi-
sants. En outre, le dégrèvement fiscal des                                             tectes (–)
projets de rénovation importants sur le plan                                            Décompte individuel des coûts
énergétique doit permettre une déduction                                               énergétiques (0,9)
sur cinq ans et il convient de mettre en         Instruments principaux – à            Instruments de soutien
place une obligation d’alimenter un fonds        partir de 2013                         Part minimale des énergies re-
de rénovation à cette fin. La part maximum        Standard «maison passive»           nouvelables dans la production
d’énergies non renouvelables dans les            ou Minergie-P (3)                     d’eau chaude sanitaire (0,8)
nouvelles constructions, qui est aujourd’hui      Taxe d’incitation dynamique          Prime pour les projets de dé-
de 80 %, sera réduite à 20 %. Les bourses        applicable à tous les gaz à           construction (0,7)
de consommation de chaleur, lors desquel-        effet de serre ainsi qu’aux            Le concierge devient gardien
les sont échangés des certificats d’ap-          agents énergétiques (3,4)             de l’énergie (0,2)
provisionnement en chaleur de bâtiments,                                                Ciment pauvre en clinker (0,8)
sont très prometteuses mais ne s’inscri-                                                Bois substitué au béton (0,3)
vent que rarement au cœur des débats. Si         (Les chiffres entre parenthèses indiquent l’effet de réduction induit par
tous ces instruments sont introduits d’ici à     chaque instrument, 15 ans après son introduction, en millions de tonnes
2011, les émissions diminueront de deux          d’équivalents CO2. Les effets individuels ne peuvent être additionnés de
                                                 manière quelconque.)
tiers d’ici à 2025.

                                                                                                                             13
propre domaine d’influence, les pouvoirs        Trafic de personnes (hors trafic aérien)
                       publics peuvent ainsi réduire en l’espace       Au cours de ces dernières années, la
                       de 15 années les émissions de gaz à effet       consommation spécifique moyenne des
                       de serre de trois millions de tonnes par        véhicules de nouvelle génération a connu
                       an (cette réduction est considérée dans         une baisse insignifiante. Son effet positif
                       chaque secteur).                                a cependant été plus que compensé par
                                                                       le nombre croissant de véhicules et leur
                                                                       puissance plus élevée.
                                                                       La politique actuelle ne dispose que de
                                                                       peu d’instruments capables d’influen-
                                                                       cer le trafic de personnes; la pro-
                                                                       motion du trafic public et du trafic
                                                                       lent ainsi que les cours Eco-Drive
                                                                       en font partie. Les instruments
                                                                       requis dans le Programme de
                                                                       protection sont tout aussi nombreux.
                                                                       On retrouve également au premier plan la
                                                                       taxe d’incitation applicable aux carburants.
Tableau 7: Trafic de personnes (hors trafic aérien)                    Dès lors que la menace du «tourisme du
   MILLIONS DÏQUIVALENTS #/ PAR AN                           carburant» délimite étroitement ces taxes,
                                                                       l’efficacité des véhicules est encouragée
   MILLIONS DÏQUIVALENTS #/ PAR AN
                                                                       par une limitation des automobiles à forte
Instruments principaux –          Instruments complémentaires
                                                                       consommation – avec licences échangea-
application immédiate              Adaptation de la mesure de
                                                                       bles (système d’échange). Une augmen-
 Taxe d’incitation sur le CO2    consommation normalisée (–)
                                                                       tation marquante des taxes à l’importation
applicable aux carburants          Taxe sur les véhicules à mo-
(1,5)                             teur selon leur consommation         présente un effet similaire. Les structures
 Système d’échange pour          de carburant (0,4)                   d’implantation qui produisent un faible
l’achat de véhicules person-       Prime à la casse (0,4)             trafic et favorisent le trafic lent doivent
nels (5) ou augmentation de        Ravitaillements en carburant       être privilégiées au moyen d’instruments
la taxe à l’importation sur les   aux stations d’essence d’entre-      d’aménagement du territoire. En consé-
voitures (4,2)                    prise (0,075)                        quence, les réserves de terrains à bâtir
 Stabilisation des zones de       Imposition des véhicules           mal desservies par les transports publics
trafic (2)                        d’entreprise selon leur consom-      doivent être déclassées. La stabilisation
 Structures d’habitation à       mation de carburant (0,1)            des zones de trafic ainsi que les limitations
faible trafic (0,8)                Trafic lent et amélioration du     de vitesse généralement plus importantes
 Réduction fiscale pour les      trafic public (0,2)                  réduisent les kilomètres parcourus par les
carburants respectueux du                                              véhicules. Le projet Mobility-Pricing, qui
climat (1,5)                                                           couvre l’ensemble du territoire et encou-
Instruments principaux – à        Instruments de soutien               rage par ailleurs le passage à d’autres
partir de 2013                     Solutions de substitution re-      modes de transport, tend à la même
 Mobility-Pricing sur tout le    spectueuses du climat pour les       finalité. Il dépasse largement la notion de
territoire (3)                    climatisations des véhicules (0,3)   péage routier ou «road pricing», puisqu'il
 Limitations générales de         Gestion des aires de station-      englobe tous les types de trafics et permet
vitesse (2)                       nement (0,1)                         par là-même, outre le fait d’éviter les
                                   Voies de dépassement pour          embouteillages, de poursuivre des objectifs
                                  les véhicules occupés à plus de      de politique climatique. Enfin, l’allègement
                                  50 % (0,2)                           fiscal sur les carburants respectueux du
                                   Promotion du covoiturage (0,1)     climat possède un effet positif. Le recours
                                   Réduction des entraves aux         aux instruments proposés permet de ré-
                                  transports publics (0,1)             duire de trois quarts les émissions.

14
Trafic aérien                                   ment dans les entreprises consommant
De nombreuses conventions internatio-           une grande quantité d’énergie. Dans les
nales réglementent le trafic aérien. Elles      entreprises industrielles et artisanales plus
rendent plus complexe la taxation du            petites, on manque souvent du savoir-faire
carburant. En outre, le Protocole de Kyoto nécessaire pour optimiser les processus
n’attribue pas les émissions de gaz à effet     et les services énergétiques individuels.
      de serre – et par là-même la responsa- Cette situation initiale laisse prévoir des
         bilité de leur réduction – aux États   répercussions considérables des taxes
          individuellement. Des mesures dé-
                                                 Tableau 8: Trafic aérien
          terminées au niveau international
                                                    MILLIONS DÏQUIVALENTS #/ PAR AN
          devraient de ce fait se faire atten-
                                                    MILLIONS DÏQUIVALENTS #/ PAR AN
         dre. Soutenues par les réglementa-
                                                 Instruments principaux –                Instruments de soutien
    tions internationales, elles sont toutefois
                                                 application immédiate                    TVA sur les billets d’avion
impératives. À cet encontre, le projet de
                                                  Échange de quotas d’émis-             (0,7)
l’UE visant à intégrer le trafic aérien dans
                                                 sions pour le trafic aérien (3,3)  Pas de subventions pour les
un système d’échange de quotas d’émis-
                                                  Obligation de compensation            compagnies aériennes (0,05)
sions – avec la participation souhaitée de la
                                                 (12; effet incitatif uniquement
Suisse – s’avère avoir un impact positif. Ce
                                                 0,5)
projet constitue un instrument prioritaire de
                                                  Vente aux enchères de licen-
réduction des émissions. Dans ce contex-         ces de décollage et d’atterris-
te, il convient de considérer la position        sage (5)
particulière du trafic aérien dans la pro-       * Effet plus que proportionnel des émissions pris en compte
blématique climatique: les répercussions
des émissions sont de deux à quatre fois
                                                 Tableau 9: Industrie et artisanat
supérieures à celles des émissions de CO2
                                                     MILLIONS DÏQUIVALENTS #/ PAR AN
(NOx, vapeur d’eau et autres facteurs). Les
                                                     MILLIONS DÏQUIVALENTS #/ PAR AN
avions décollant en Suisse devraient être
contraints de compenser intégralement            Instruments principaux –               Instruments complémentaires
leurs émissions, par exemple en incluant         application immédiate                   Compensation de l’impôt
la contrepartie dans la taxe de décollage.        Taxe   d’incitation sur  le CO 2     marginal (–)
Dans le cas où ces instruments ne produi-        applicable    aux  combustibles    et   Échange de quotas d’émis-
                                                 carburants (1,5)                       sions explicite (1,2)
sent pas un effet suffisant, il faudra prévoir
                                                                                         Échange de quotas d’émis-
une concession de licences pour les
                                                                                        sions implicite (AenEC) (1,2)
décollages et les atterrissages, combinée
                                                                                         HFCs: taxe d’incitation, le cas
à un système d’échange. En raison de la
                                                                                        échéant interdiction (0,5)
hausse prévisible du trafic, l’effet des gaz à
                                                                                         SF6: convention de subs-
effet de serre émis augmentera de 10 % en
                                                                                        titution, taxe d’incitation ou
dépit des gains considérables d’efficacité.
                                                                                        interdiction (0,1)
                                                  Instruments principaux – à        Instruments de soutien
Industrie et artisanat
                                                  partir de 2013                     Registre des émissions (0,5)
Dans de nombreuses entreprises, les
                                                   Taxe sur les émissions de
contraintes imposant de brefs délais de
                                                  CO2 industrielles (0,5)
remboursement sur les investissements
                                                   Taxe d’incitation sur les gaz à
  empêchent la mise en œuvre de mesu-
                                                  effet de serre hors CO2 (0,7) ou
    res économiques visant à réduire la           sur l’ensemble des gaz à effet
    consommation d’énergie, ainsi que les         de serre et les agents énergé-
    émissions des processus industriels et        tiques (2,7)
    artisanaux. Elles contredisent de ce fait     AenEC: Agence de l’énergie pour l’économie; HFCs: hydrofluorocarbures;
  dans une large mesure les objectifs de          SF6: hexafluorure de soufre
gestion visant au gain d’efficacité, notam-

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