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Promouvoir l’investissement et l’innovation privés pour répondre aux besoins en information et en communication des populations pauvres d’Afrique subsaharienne
Avertissement Le présent rapport, financé conjointement par infoDev et Alcatel, a été rédigé par les consultants Peter Baldwin et Laurent Thomas. Ce rapport a été super- visé par Kerry McNamara et Seth Ayers d’InfoDev et Souheil Marine du Département « Digital Bridge Initiative » d’Alcatel. Les auteurs et les superviseurs internes et externes qui ont lu les épreuves initiales du présent rapport et suggéré des améliorations conséquentes. Nous remercions spécialement Cathe- rine Camus, éditrice de la Revue des Télécommunications, pour son aide lors des phase de relecture, traduction, mise en formes ainsi que la production matérielle du présent rapport. Les constatations, interprétations et conclusions qu’il contient n'engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue d’Alcatel, d’infoDev, des donateurs d’infoDev, de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale ou de ses institutions affiliées, ni des membres du Conseil des Administrateurs de la Banque mondiale ou des pays qu'ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données figurant dans ce document. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent docu- ment n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que la Banque mondiale reconnaît ou accepte ces frontières. Le contenu de cette publication fait l’objet d’un dépôt légal. Aucune partie de la présente publication ne peut être reproduite ou transmise sans l’autorisation préalable de la Banque mondiale. La Banque mondiale encourage la diffusion de ses études et, nor- malement, accorde sans délai l’autorisation d’en reproduire des passages. Pour obtenir cette autorisation, veuillez contacter infodev@worldbank.org. Copyright © 2005 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433, U.S.A. Tous droits réservés Illustrations et mise en page : Atelier Antoine Maiffret (www.maiffret.net) Imprimé en France par : MACON Imprimerie 22, rue du 134e Régiment d’Infanterie - 71000 Macon. France Crédits photos couverture : © Alcatel et © Afrique Initiatives
SOMMAIRE Résumé 1 Introduction 4 Chapitre 1 : Études de cas 8 Chapitre 2 : Comprendre les structures de la demande en TIC dans les pays en développement 21 Chapitre 3 : La desserte des zones rurales : de nombreux défis à relever 28 Chapitre 4 : Miser sur les nouvelles technologies et les infrastructures existantes pour couvrir les besoins en TIC des populations rurales pauvres 35 Chapitre 5 : Comprendre la chaîne de valeur 47 Chapitre 6 : Développer des modèles économiques viables pour les opérateurs de réseaux en zone rurale 53 Chapitre 7 : Création de cadres favorables aux TIC en Afrique subsaharienne 64 Chapitre 8 : Pistes pour l’avenir 71 Annexe A : Glossaire 73 Annexe B : Entraves possibles à l’efficacité réglementaire 75 Bibliographie 76
Avant-propos Aujourd’hui, plus de deux milliards de personnes, soit près du tiers de la population mondiale, sont abonnés à des services de télécommunications. Pourtant, malgré l’explosion des services mobiles ces dernières années, plusieurs milliards de personnes, vivant en majorité dans les pays en développement, n’ont toujours pas accès à des services susceptibles de couvrir leurs besoins essentiels en matière d’information et de communication. De surcroît, si la fracture numérique entre pays développés et pays en développement tend à se réduire, elle ne cesse de s’aggraver en revanche au sein même des pays en développement. Il s’agit là d’un enjeu particulièrement important pour de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, dont la population est rurale à plus de 60 % en moyenne, et qui réclament dès lors des solutions innovantes pour la fourniture d’ap- plications et de services localisés, l’extension de la couverture en infrastructures et l’optimisa- tion des opportunités de marché. infoDev et Alcatel œuvrent depuis de nombreuses années pour répondre à ce défi en assistant les acteurs clés du secteur dans la mise en place d’un cadre propice à l’utilisation des TIC comme instrument de lutte contre la pauvreté et de développement durable et diversifié. Notre travail a porté sur la demande aussi bien que sur l’offre de services TIC. Du côté de la demande, nous avons, indépendamment ou de concert, soutenu des projets pilotes innovants pour faire la démons- tration du potentiel de développement que recèlent les services d’information et de communi- cation localisés ; projets qui ont aussi permis de mettre en évidence les entraves politiques et réglementaires à la fourniture de ces services. Du côté de l’offre, Alcatel a développé des modè- les économiques et commerciaux innovants, mobilisant les infrastructures de télécommunica- tions existantes et à venir pour fournir des services à valeur ajoutée, tout particulièrement dans les zones rurales ou mal desservies. Pour être plus efficaces, il est clair que nous devons mieux comprendre l’écart entre l’offre et la demande, et permettre aux acteurs locaux de combler cet écart. Notre collaboration dans le cadre de cette étude tente d’apporter un peu de lumière sur ces questions. Nous croyons que les moyens et les possibilités pour combler cet écart sont à portée de main, mais qu’il faut pour cela ima- giner des approches innovantes en matière de technologies, d’applications et de services, déve- lopper des modèles d’entreprise viables, et mettre en place des cadres politiques et réglemen- taires propices à la fourniture de services TIC dans les zones mal desservies. Le secteur privé est appelé à jouer un rôle majeur, mais il faudra aussi explorer des pistes de partenariat public- privé innovantes. En tant que contribution conjointe à la deuxième phase du Sommet mondial sur la société de l’information, cette étude vise à mettre en lumière les possibilités qui s’offrent à nous d’attein- dre des objectifs de développement essentiels en comblant l’écart entre l’offre et la demande en TIC, afin de répondre aux besoins en information et en communication des communautés rura- les et/ou mal desservies d’Afrique subsaharienne. Mostafa Terrab Thierry Albrand InfoDev Program Manager Alcatel, Vice President Digital Bridge
Résumé L’ idée, derrière cette collaboration entre bien les spécificités de la structure de la infoDev et Alcatel, était que le premier demande en ASS : les pays subsahariens ont procède à une analyse de la demande des taux de mortalité infantile parmi les plus pour les services d’information et de élevés du monde, et il n’existe pas de service communication, tandis que l’équipementier télé- TIC comparable dans le monde développé ; coms se pencherait sur les contraintes du côté • l’information étant un bien normal, la demande de l’offre, afin de dresser un tableau complet du augmenterait avec la diminution du coût de la marché des services liés aux technologies de l’in- bande passante, qui est plus élevé en Afrique que formation et de la communication (TIC) en Afri- partout ailleurs dans le monde. Les solutions pour que subsaharienne (ASS). infoDev a puisé dans faire baisser ce coût passent nécessairement par son imposante bibliothèque de projets TIC en une concurrence accrue entre opérateurs, l’intro- ASS. Nombreux étaient ceux qui donnaient un duction d’obligations d’accès universel et la mise aperçu intéressant du marché africain des ser- en place d’échangeurs IXP nationaux ou régionaux. vices TIC, mais la liste des projets demandant à Une infrastructure dorsale suffisante est également être examinés de plus près s’est sensiblement une condition indispensable au développement de réduite au regard des critères suivants : services TIC sur une base élargie ; • s’il faut s’attendre à ce que la téléphonie vocale soit 1. les services proposés représentent le fruit la technologie dominante, surtout dans les pays à d’une étude de marché réalisée par le secteur faible taux d’alphabétisation, la demande pour des privé des pays concernés ; services de données n’est pas négligeable pour 2. les services répondent à des besoins non sat- autant. La clé réside dans le développement de con- isfaits identifiés par les objectifs du Millénaire tenus applicatifs locaux et de services à valeur pour le développement ; ajoutée à des tarifs abordables. Chacun des cinq 3. dans la mesure du possible, les projets sont prestataires de services à valeur ajoutée étudiés au financièrement autonomes. chapitre 1 témoigne de l’existence d’une demande effective pour des services de données ; Nous avons ainsi sélectionné cinq projets • la diffusion des TIC en Afrique subsaharienne répondant à ces critères. Ils portent sur des se heurte à des obstacles majeurs – réglemen- domaines aussi différents que la santé, la ban- tation inadéquate, entraves au marché, manque que mobile ou les systèmes d’information sur d’infrastructures. Plus précisément, l’absence les prix et les marchés. de cadre politique constructif en matière de con- D’importantes recherches documentaires et currence et d’accès universel, les difficultés de terrain ainsi que de nombreuses consulta- d’accès aux capitaux d’investissement ainsi que tions auprès d’opérateurs télécoms implantés le manque de culture informatique générale et en Afrique subsaharienne ont permis de déga- de ressources humaines qualifiées dans le ger plusieurs constatations : secteur des TIC constituent trois grands chantiers à ouvrir pour les gouvernements sub- • la demande pour des services d’information et sahariens. En termes absolus, le projet malien de communication est forte en ASS. Les IKON dépense, par kilobit, près de huit fois ce prestataires locaux ont identifié des besoins qu’il dépenserait dans un pays développé. La dans le secteur de la santé, de la banque, de la société sénégalaise Manobi rencontre géolocalisation, de la gestion foncière, des d’énormes difficultés pour obtenir un crédit places de marché virtuelles, etc. Les services bancaire, car elle ne possède pas d’actifs proposés répondent à d’autres réalités que dans physiques qu’elle puisse offrir en garantie. Les les pays développés, et empruntent d’autres deux entreprises supportent en outre des canaux. Des services comme le programme de taxes de l’ordre de 50 à 100 % sur le matériel «cyberpédiatrie» Pésinet, au Sénégal, illustrent informatique et de télécommunications ; Promouvoir l’investissement et l’innovation privés 1
Résumé • les opérateurs et les prestataires de services la Mauritanie et de l’Éthiopie. Entre 1995 et 2003, peuvent réaliser des profits dans les zones la Mauritanie a mis aux enchères deux licences de rurales et les marchés à faible ARPU (revenu téléphonie mobile, privatisé l’opérateur historique moyen par abonné) s’ils parviennent à réduire et institué une autorité de régulation transparente leur coût total de possession en optimisant et efficace. L’Éthiopie n’a rien fait de semblable. Au leurs dépenses d’investissement (CAPEX) et cours de cette période, le taux de pénétration des leurs dépenses d’exploitation (OPEX). Il leur télécommunications a grimpé en flèche en Mau- faut pour cela mettre au point des solutions ritanie, passant de 0,41 % à 11,07 %, tandis que rentables adaptées aux configurations rurales/ celui de l’Éthiopie plafonnait à un très bas niveau périphériques. Les opérateurs doivent aussi (de 0,25 % à 0,61 %), alors même que le taux de faire usage de modèles économiques et com- pénétration des communications mobiles pour l’en- merciaux innovants, exploitant de nouveaux semble de l’Afrique subsaharienne (hors Afrique dispositifs financiers, qui leur permettent de du Sud) progressait de 0,26 % à 3,34 %. mieux répondre à la demande en s’appuyant sur des stratégies de commercialisation et des Meilleur accès aux capitaux canaux de distribution adaptés ; Le projet IKON, au Mali, de même que la • les utilisateurs à faibles revenus ont besoin de société Manobi, au Sénégal, ont fait état de leurs solutions personnalisées, adaptées à leurs con- difficultés à obtenir des prêts des établissements traintes et à leurs besoins en termes de de crédit de leurs pays respectifs. Le manque microcrédit, de plans tarifaires, de solutions d’actifs physiques, les fortes exigences en de paiement/prépaiement/rechargement élec- matière de constitution de garanties (jusqu’à 80 tronique, de fonctionnalités du terminal, etc. % du montant du prêt), le niveau des commis- sions prélevées, les retards importants dans le Facteurs déterminants de succès versement des fonds, sans compter les droits Au-delà de ces constatations communes, l’étude d’importation relatifs au matériel TIC (qui peu- a permis de faire ressortir plusieurs facteurs vent atteindre 50 %), empêchent les start-ups de déterminants pour la réussite du déploiement de capitaliser sur leur projet. services d’information et de communication : Gisement de main-d’œuvre qualifiée Concurrence effective dans le secteur des TIC1 Les dirigeants d’IKON et de Manobi ont égale- Un récent rapport de la Banque mondiale met en ment insisté sur le problème du manque de cul- lumière l’importance de la concurrence pour sti- ture informatique et de compétences en appli- muler l’investissement dans les infrastructures TIC. cations TIC. Il n’est pas rare que les candidats Il compare à cet effet les politiques respectives de à un poste manquent des connaissances infor- matiques les plus élémentaires et ne sachent pas Appels internationaux : tarifs élevés en Afrique subsaharienne même se servir d’un ordinateur. Si les pays sub- par manque de concurrence sahariens veulent rejoindre l’économie mon- diale, il faut que leurs universités dotent les étu- 6 50% diants des compétences nécessaires. Coût d’un appel de 3 mn vers les Etats-Unis (USD) 45% 45% La réforme du système éducatif, à tous les 5 40% niveaux, est une condition préalable à la réus- 38% 35% site du déploiement des infrastructures et des 4 30% services d’information et de communication. 29% Quatre des cinq projets étudiés dans le cadre 3 25% du présent rapport sont le résultat d’une thèse 20% 2 17% de doctorat soutenue par le fondateur de la 15% 13% société. À côté de cela, on peut se demander 10% 1 combien de services à valeur ajoutée demeu- 5% rent en friche en Afrique subsaharienne, faute 0 0% Afrique Asie orientale Asie Amérique latine Europe et d’un enseignement adapté. subsaharienne et Pacifique du Sud et Caraïbes* Asie centrale rojets étudiés dans le cadre du présent rapport Coût d’un appel de 3 mn vers les Etats-Unis (USD) (2000) sont le résultat d’une thèse de doctorat soute- % de pays de pleine concurrence nue par le fondateur de la société. À côté de cela, * Les données ALC remontent à 1999. La région MENA ne compte aucun pays de pleine concurrence. on peut se demander combien de services à Source: : Competition in International Voice Communications, Banque mondiale, 2004, sur la base des Indicateurs du développement dans le monde 2003, citant des valeur ajoutée demeurent en friche en Afrique données de l’UIT. subsaharienne, faute d’un enseignement adapté. 2 Promouvoir l’investissement et l’innovation privés
Résumé Contenus locaux Le faible taux d’alphabétisation reste un obsta- finals. Les cinq projets décrits dans ce rapport ont cle majeur à la diffusion des TIC. À cela s’ajoute identifié chacun une demande spécifique et, mal- le manque de contenus locaux proposés dans les gré toutes les difficultés – manque d’infrastructu- langues locales. Le projet IKON est une parfaite res, déficit de ressources humaines, contraintes illustration des avantages d’un logiciel adapté, financières -, presque tous dégagent aujourd’hui des utilisant Linux en langue bambara. profits. Un meilleur accès au financement ainsi qu’aux ressources réseaux permettraient à ces Cadre politique, législatif et réglementaire favorable entreprises de se développer et de monter en au développement de services TIC en zone rurale charge, ce qui se traduirait aussi par une croissance Les pays subsahariens doivent s’atteler à des du trafic pour les opérateurs de réseaux. questions comme l’accès universel, la confiden- À la lumière des résultats des ateliers organisés tialité des données, le règlement des différends avec différents opérateurs de télécommunications ou les frais d’interconnexion pour faciliter le dans le cadre de cette étude, les auteurs sont déploiement des services d’information et de convaincus que la solution au défi du « seuil de communication. Il leur faudra également régler croissance» pour les prestataires de services (exis- la question de la téléphonie VoIP (Voice over tants ou futurs) passe par l’analyse du terrain, qui Internet Protocol – Voix sur IP). doit permettre d’identifier au plus près les besoins en information et en communication des popula- Partenariats public-privé tions rurales pauvres. C’est la réponse à ces Les partenariats public-privé sont une solution besoins qui doit dicter les choix technologiques et à envisager pour le déploiement d’infrastructu- les considérations commerciales, et non l’inverse. res TIC2, mais ils peuvent aussi produire des Étant entendu qu’une bonne régulation du secteur externalités négatives. La conception du dispo- des TIC est indispensable à la stabilité d’un mar- sitif financier est déterminante à cet égard. La ché ouvert, la capacité des individus ou des entre- mise aux enchères inversées de licences d’ex- prises à fournir des services à valeur ajoutée ne ploitation du spectre ainsi que d’autres systèmes doit pas être entravée. Les études de cas présen- de « subventions intelligentes » ont déjà donné tées ici montrent des prestataires de services des résultats dans certains pays (le Chili par exploitant les infrastructures TIC selon des moda- exemple). Les partenariats public-privé peuvent lités et pour des usages que les opérateurs se révéler particulièrement utiles dans le cadre n’avaient pas anticipés, preuve s’il en est que la du renforcement des capacités (programmes demande en infrastructures TIC est aujourd’hui éducatifs, incubateurs, etc.). plus forte que ne le pensent les opérateurs télé- coms, suffisante en fait pour justifier leur déploie- Délimitation du champ de l’étude ment dans les zones rurales du continent africain3. Le présent rapport formule une série de recommandations stratégiques, sans chercher 1 Connecting Sub-Saharan Africa: A World Bank Group pour autant à se livrer à un examen précis du Strategy for Information and Communication Technology cadre politique et réglementaire des 48 pays Sector Development, WB Working Paper n° 51, Banque que compte l’Afrique subsaharienne. Ce soin mondiale, 2005. est laissé à d’autres publications de la Ban- 2 L’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans les pays les moins avancés pour une que mondiale ou d’autres organismes. Les croissance économique durable, Union internationale des lecteurs qui seraient intéressés par une dis- télécommunications, édition 2004. Voir aussi Anders cussion plus approfondie des recommanda- Engvall et Olof Hesselmark, Profitable Universal Access tions en matière de politique et de réglemen- Providers (rapport pour la Swedish International Develop- tation sont invités à lire, parmi d’autres ouvra- ment Agency), Stockholm, 2004 (http://www.eldis.org/static/DOC14699.htm) et Establi- ges, l’étude de la Banque mondiale Connecting shing Community Learning and Information Centers (CLICs) Sub-Saharan Africa: A World Bank Group in Underserved Malian Communities: Report of Assess- Strategy for Information and Communication ment Mission, mars 2005, Microsoft Unlimited Potential Technology Sector Development (2005). Grant (http://www.dot-com- alliance.org/resourceptrdb/uploads/partnerfile/upload/2 76/mali_MnE.pdf). Enseignements tirés de la présente étude 3 Pour plus d’informations sur les meilleures pratiques, Les prestataires de services à valeur ajoutée les études de cas et les technologies d’accès pour exploitent aujourd’hui les infrastructures TIC pour zones rurales et/ou périphériques, consulter la page proposer des services innovants aux utilisateurs http://www.itu.int/ITU-D/fg7/. Promouvoir l’investissement et l’innovation privés 3
Introduction F ace aux ambitions proclamées par les c’est aussi ce que la présente étude s’attache à objectifs du Millénaire pour le montrer, les zones non encore desservies con- développement (OMD)1, certains s’in- stituent un potentiel de profits et de croissance terrogent sur l’opportunité d’investir important pour les opérateurs télécoms. dans les technologies de l’information et de la La mondialisation des technologies de l’infor- communication (TIC). Les critiques estiment en mation et de la communication apparaît, d’une effet que les moyens limités disponibles seraient certaine façon, comme un phénomène irré- mieux employés à combattre les causes pro- sistible. Malgré tout ce qui a été dit sur la « frac- fondes de l’extrême pauvreté et de la faim, de ture numérique », les faits montrent que l’écart la mortalité infantile, ainsi que de la propaga- entre pays développés et pays en développe- tion du VIH/sida et d’autres maladies, pour ne ment tend à diminuer dans ce domaine3. Sans citer que ces trois objectifs du Millénaire *. Il faut surprise, la littérature spécialisée classe les TIC comprendre néanmoins que les TIC ne viennent parmi les biens économiques positifs, en ce sens pas en substitution, mais en complément de l’in- que la demande pour ces technologies croît avec * La déclaration du Millé- naire, adoptée par la commu- vestissement consenti dans le cadre des efforts le revenu4 (voir tableau ci-après). nauté internationale et les de développement « classiques »2. Les TIC ser- États membres des Nations Unies, énumère huit objectifs vent des objectifs de développement aussi fon- Plus préoccupantes sont les fractures pour le développement : damentaux que la santé et l’éducation en per- numériques intranationales, qui risquent de 1. Réduire l’extrême pauvreté et la faim mettant aux « citoyens de seconde classe », et s’aggraver à mesure que les « adopteurs préco- 2. Assurer l’éducation pri- notamment aux populations pauvres des zones ces », les riches et la diaspora adoptent les TIC. maire pour tous 3. Promouvoir l’égalité et l’au- rurales, de s’autonomiser, de participer directe- La perspective de faciliter l’accès des ruraux tonomisation des femmes ment à l’identification des problèmes qui les pauvres aux TIC et de réduire les fractures 4. Réduire la mortalité infan- tile concernent et de s’informer sur les sujets les numériques internes devrait sans doute suffire, 5. Améliorer la santé mater- plus divers, qu’il s’agisse de renseignements à elle seule, à justifier la nécessité de promou- nelle 6. Combattre le VIH/sida, le vitaux sur la prévention du VIH/sida, ou d’in- voir la diffusion des TIC dans les pays en paludisme et d’autres formations commerciales, sur les marchés, développement. Or c’est dans les zones urbaines maladies 7. Assurer un environnement etc. Ainsi mises en perspective, les TIC appa- que les opérateurs télécoms peuvent toucher le durable raissent comme des outils particulièrement plus de clients potentiels avec des coûts d’infra- 8. Mettre en place un parte- nariat mondial pour le adaptés pour compenser les handicaps dont structure réduits, ce qui explique qu’ils se développement. souffrent les ruraux pauvres. D’autre part, et concentrent d’abord sur le tissu urbain. En PIB par habitant et pénétration des communications mobiles 14 PIB par habitant (USD) (est. 2004) 12 Maurice Afrique du Sud 10 Botswana 8 Seychelles Namibie Tunisie 6 Gabon 4 Égypte Maroc Maldives Guinée équatoriale 2 Sénégal Mauritanie Congo-Brazzaville 0 RDC Mali 0,00% 10,00% 20,00% 30,00% 40,00% 50,00% 60,00% Sources: : CIA World Fact Book pour le PIB par habitant en Parité de pouvoir d'achat, Alcatel pour les taux de pénétration des communications mobiles 4 Promouvoir l’investissement et l’innovation privés
Introduction Afrique subsaharienne - Faits et chiffres (hors Afrique du Sud) même temps, les populations rurales sont con- INDICATEURS ANNÉE RÉSULTATS frontées à des coûts d’opportunité plus impor- Population 2003 647 M tants, car les canaux de communication dont PIB par habitant (USD) 2002 342 elles disposent sont à la fois plus rares et plus dispersés. Autrement dit, dans les pays en Population urbaine (%) 2003 36 développement, la carence d’infrastructures Taux d’analphabétisme (% de la population de plus de 15 ans) 2003 35 physiques (routes, etc.) fait que l’inaction en Taux brut de scolarisation primaire (% de la population en âge d’être scolarisée) 2003 87 matière d’infrastructures TIC a un coût encore Lignes téléphoniques principales (%) 2003 0,96 plus élevé en milieu rural que dans les zones Lignes principales résidentielles (% des ménages) 2002 3,5 urbaines. Abonnés mobiles (%) 2003 2,78 - % carte prépayée 2003 91,2 Parce qu’il est généralement plus réactif à une - % couverture mobile 2003 47,6 demande et à un environnement en évolution Télédensité effective (fixe + mobile) (%) 2003 2,68 rapide, l’investissement privé constitue un Ordinateurs personnels 2003 0,75 levier essentiel pour la généralisation des TIC Utilisateurs Internet 2003 0,7 dans les pays en développement (PED). Non que Téléviseurs (‰) 2001 60 l’investissement public n’ait pas un rôle impor- Postes de radio (‰) 2001 198 tant à jouer, mais, vu l’ampleur des investisse- Source : UIT African Telecommunication indicators 2004 ments nécessaires et les fortes tensions budgé- Banque mondiale – Indicateurs du développement taires que doivent affronter les gouvernements des PED, c’est essentiellement par l’effet démul- se penche sur cette économie de la demande en tiplicateur qu’il peut induire sur l’investissement analysant les besoins spécifiques des usagers privé ainsi que par sa concentration dans les des pays en développement. Elle est l’aboutisse- domaines où l’intervention privée achoppe ment d’un projet conjoint d’infoDev (Informa- sur des coûts élevés à l’entrée ou sur les tion for Development Program), organisme risques commerciaux liés à la prestation de multilatéral hébergé par la Banque mondiale, services en zone rurale que l’investissement et d’Alcatel, équipementier français en télécom- public s’avère le plus efficace. Nombre de munications. petites entreprises privées des pays en développement constituent de véritables Pourquoi l’Afrique subsaharienne ? moteurs d’innovation dans les TIC ; certains L’explosion des technologies de l’information et PED sont déjà très avancés dans la constitution de la communication, et notamment de la télé- d’un secteur TIC, ou capitalisent fortement sur phonie mobile, montre clairement qu’il s’agit là les TIC pour améliorer la compétitivité de leur de technologies transformationnelles dont nous secteur privé ou l’efficacité de leurs administra- n’appréhendons pas encore toutes les consé- tions publiques. Malgré cela, la montée en puis- quences. Les mêmes forces du marché qui ont sance de l’investissement et de l’innovation transformé l’activité humaine de bout en bout privés dans les TIC reste un défi majeur pour avec les nouvelles technologies font déjà sentir la majorité des PED. leurs effets dans les «BRIC» (Brésil, Russie, Inde et Chine). C’est pourquoi tout le monde s’ac- L’une des principales difficultés réside dans le corde à dire que le « prochain milliard » d’abon- développement de nouveaux modèles nés mobiles, à l’horizon 2015, viendra de ces économiques et de nouvelles structures de pays. Pendant ce temps, l’Afrique subsaha- services qui répondent directement aux besoins rienne (hors Afrique du Sud) ne fournira pour des usagers des PED. L’essentiel du débat sur sa part que 20 millions de nouveaux consom- la facilitation de l’accès aux technologies de l’in- mateurs de TIC. Ce qui amène tout naturelle- formation et de la communication et sur le ment à s’interroger sur la raison pour laquelle développement des services TIC dans les PED ce projet s’est focalisé sur le continent noir. La gravitait ces dernières années autour de l’offre, réponse est simple : les BRIC s’appuient déjà, c'est-à-dire du déploiement d’infrastructures pour la plupart, sur une certaine dynamique « réseaux sur les marchés non desservis. Or, s’il offre/demande/cadre incitatif », si bien que y a un consensus qui se dégage, c’est pour ces pays sont (relativement) avancés dans le souligner que la clé du succès pour l’innovation déploiement des infrastructures. D’autre part, privée dans les TIC, dans les pays en développe- bien que l’Afrique subsaharienne parte d’un ment, réside d’abord dans une bonne com- taux de pénétration plus faible que les autres préhension de la demande. La présente étude régions, la téléphonie mobile y connaît une Promouvoir l’investissement et l’innovation privés 5
Introduction croissance plus rapide que partout ailleurs. brièvement d’autres facteurs, comme la régu- Enfin et surtout, si les TIC constituent un ins- lation, qui ne sont pas sans effets sur la trument au service des objectifs du Millénaire, capacité des producteurs à créer de la valeur et notamment de la lutte contre l’extrême pau- le long de la chaîne. Lorsque les cadres régle- vreté, c’est incontestablement en Afrique qu’il mentaire et financier n’apparaissent pas suf- faut commencer. fisamment propices à la création de marchés, nous recommandons des réformes, mais aussi Le premier chapitre de ce rapport présente cinq le recours à des formes de partenariat public- exemples d’utilisations innovantes des TIC en privé. Le chapitre 6 propose une analyse des Afrique subsaharienne *, à partir desquels modèles économiques durables qui pour- nous essayons d’extrapoler le niveau de la raient permettre aux opérateurs télécoms, avec demande en TIC sur le continent. Partant de de meilleures stratégies de distribution et de cette évidence que les fournisseurs de services commercialisation, de créer de la valeur pour locaux sont les mieux placés pour comprendre eux-mêmes et pour leurs clients des zones les besoins de leurs marchés locaux5, nous rurales. Le chapitre 7 esquisse les grandes avons voulu savoir comment ces cinq sociétés orientations politiques et financières à suivre avaient évalué les besoins de leur clientèle pour faciliter et accélérer le déploiement des potentielle, et quels obstacles elles avaient infrastructures. Enfin, le dernier chapitre rencontré — et continuaient éventuellement de récapitule les enseignements tirés des projets rencontrer — dans la commercialisation de étudiés dans ce rapport et donne des orienta- leurs services. Sur la base de cette analyse de tions pour l’avenir. la situation sur le terrain telle que la perçoivent les prestataires locaux, le chapitre 2 tente de dégager les facteurs clés de succès qui pour- 1 Voir p. ex. le rapport de l’ONG Social Watch raient permettre à ces entreprises ou à d’autres Advance Social Watch Report 2005: Unkept comme elles d’atteindre une taille critique. Promises, http://www.mdgender.net/upload/ Après cette analyse de la demande, l’étude se monographs/SW-ENG-Advance-2005.pdf. * L’Afrique subsaharienne regroupe 48 pays : Afrique du penche brièvement, au chapitre 3, sur les défis 2 Kerry McNamara, Information And Commu- Sud, Angola, Bénin, Bots- que devront relever les opérateurs pour four- nication Technologies, Poverty And Deve- wana, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Como- nir les infrastructures nécessaires aux presta- lopment - Learning From Experience, info- res, Congo, Côte d'Ivoire, Éry- taires de services dans leur marche vers la Dev, 2003. thrée, Éthiopie, Gabon, Gam- bie, Ghana, Guinée, Guinée- taille critique, avant de passer à l’examen du 3 Voir p. ex. Africa: The Impact of Mobile Bissau, Guinée équatoriale, côté « offre » du marché des services d’infor- Phones, Kenya, Lesotho, Liberia, Madagascar, Malawi, Mali, mation et de communication. Le chapitre 4 http://www.vodafone.com/assets/files/ Mauritanie, Maurice, Mayotte, passe en revue les technologies d’accès exis- en/GPP%20SIM%20paper.pdf. Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, Républi- tantes permettant de desservir les zones rura- 4 Ibid. que centrafricaine, République les et/ou périphériques avec des services et des 5 À titre d’exemple : à son lancement, la démocratique du Congo, Rwanda, São Tomé e Príncipe, applications à valeur ajoutée rentables. Le cha- téléphonie mobile à carte prépayée était Sénégal, Seychelles, Sierra pitre 5 décrit les différents acteurs présents censée toucher une clientèle riche, alors Leone, Somalie, Soudan, Swa- ziland, Tanzanie, Tchad, Togo, tout au long de la chaîne de valeur des servi- qu’elle s’est en fait répandue dans tous Zambie et Zimbabwe. ces TIC en Afrique subsaharienne, en évoquant les pays en développement. 6 Promouvoir l’investissement et l’innovation privés
Introduction Connectivité en Afrique Bits/habitant Connexions sortantes EUROPE ME-WE 2/3(2x SEA- 20 Gb p s) Amerique du Nord 0.25 1 5 LFON Europe (5x 2 . 5 G bps) MAROC TUNISIE Intra-Afrique ALGÉRIE Asie LIBYE ÉGYPTE 1036 CAP 373 VERT 13 2 Mbit/s totaux MAURITANIE MALI NIGER 0 200 400 600 800 1000 1200 ERITHRÉE SÉNÉGAL TCHAD GAMBIE GUINÉE BISSAU BURKINA FASO DJIBOUTI GUINÉE SOUDAN BENIN TOGO SOMALIE CÔTE NIGERIA A tl SIERRA LEONE D'IVOIRE GHANA ant ÉTHIOPIE LIBÉRIA CENTRAFRIQUE is-2 CAMEROUN (2x 200 Ocean Indien OUGANDA 2 .5 0 GUINÉE EQUATORIALE KENYA Gbp ASIE s) SAO TOME GABON RWANDA ET PRINCIPE RÉPUBLIQUE CONGO DEMOCRATIQUE BURUNDI SAT-3 West Africa Ca Cabinda DU CONGO TANZANIE (ANGOLA) SEYCHELLES AMERIQUE SA DU SUD T-2 ( 2x 993 COMORES. 50 1 0 MALAWI ble (WAS M bp ANGOLA s) ZAMBIA C)( 2 x MOZAMBIQUE 2.5 G ZIMBABWE MAURICE RÉUNION NAMIBIE 2 0 G b p s) b p s) BOTSWANA MADAGASCAR 1000 km x 2.5 01 1000 mi. (4 M1 PIB/Habitant SWAZILAND TD USD 0-300 ) LESOTHO ps USD 300-1000 AFRIQUE 2 Gb 200 2 .5 USD 1000-2000 DU SUD ) (2x S A FE USD 2000-4000 st ( r Ea USD 4000-10000 ca & Fa Licences du réseau public VSAT n Afri Souther Source: CRDI (Centre de Recherches pour le Développement International) SAT-3/WASC/ Promouvoir l’investissement et l’innovation privés 7
Chapitre 1: Études de cas L es données ne manquent pas pour illus- criptions médicamenteuses dans les traitements trer et documenter le boom des TIC en chroniques ou de longue durée ; Pésinet au Séné- général et de la téléphonie mobile en par- gal, première ligne de défense contre les causes ticulier, qui devrait normalement se tra- principales de morbidité et de mortalité chez les duire par une forte demande d’infrastructures de enfants de moins de cinq ans en Afrique subsa- réseaux TIC. Il se trouve pourtant des sceptiques harienne ; Manobi, également au Sénégal, plate- qui remettent en cause la valeur des données rela- forme de services mobiles dédiés au secteur rural tives à la pénétration des communications mobi- (information sur les marchés et les prix agrico- les en Afrique subsaharienne. Très concrètement, les, services de géolocalisation, etc.) ; et enfin s’interrogent ces critiques, doit-on considérer MoPay, service de banque mobile basé en Afri- quelqu’un qui possède une carte SIM, mais qui n’a que du Sud. pas de téléphone, comme un utilisateur du réseau ? Faut-il comptabiliser comme client I. Projet IKON quelqu’un qui possède un téléphone, mais qui ne Vaste pays enclavé d’une superficie de dispose pas de crédit prépayé, de sorte qu’il peut 1 240 000 km2 pour une population de 11,6 mil- seulement recevoir des appels ? La «télédensité», lions d’habitants, le Mali ne compte que trois ou pénétration, ne répond pas à ces questions : hôpitaux nationaux et six hôpitaux régionaux. elle se contente de mesurer le nombre de télépho- C’est dans ce contexte que trois étudiants en nes par habitant, et non pas le niveau d’accès à médecine de l’université de Bamako, passion- la téléphonie. nés d’Internet et férus de logiciels libres, se sont Au vu de la difficulté à obtenir des données quan- penchés sur la nécessité d’améliorer l’accès des titatives fiables, certains experts préconisent de ruraux pauvres aux soins de santé, créant à cet privilégier les analyses qualitatives, explorant la effet le réseau IKON. Celui-ci assure des servi- manière dont les gens utilisent leurs téléphones ces de télédiagnostic radiologique dans les vil- (ou les téléphones auxquels ils ont accès)1. C’est les de Tombouctou, Mopti et Sikasso, qui ne dis- précisément l’objet des cinq études de cas qui sui- posent d’aucun médecin radiologue sur place. vent. Ces analyses n’ont aucune prétention à Les radiographies effectuées par un manipula- l’exhaustivité du point de vue économique. Elle teur radio sont transmises via Internet à un se limitent à illustrer le fait que i) la demande pour hôpital de Bamako, à des fins d’interprétation des services d’information et de communication et de diagnostic. de base existe et qu’elle est en progression ;2) les Le projet IKON est né à l’issue d’un atelier orga- infrastructures et les technologies TIC existantes nisé en mai 2003 par REOnet et l’ONG néerlan- sont utilisées pour fournir des services de base daise IICD (International Institute for Communi- (p. ex. soins de santé, services financiers) selon cation and Development). L’amélioration de la des formules tout à fait novatrices, inédites couverture des services radiologiques s’est impo- jusqu’alors dans les pays en développement ;3) ces sée comme l’un des besoins les plus urgents. Le modèles innovants de prestation de services et les Mali ne compte en effet que 11 médecins radio- modes d’utilisation correspondants pourraient logues, dont dix pour la seule capitale, Bamako. rendre nécessaire l’adoption de nouveaux indi- REOnet a élaboré en conséquence un projet pilote cateurs pour mesurer la demande. articulé autour de quatre objectifs : Les entreprises étudiées • améliorer la prise en charge des patients ; Dans le cadre de ce rapport, infoDev et Alcatel ont • réduire le nombre d’erreurs diagnostiques ; retenu cinq sociétés pour une étude en profon- • éviter les transferts inutiles de patients à deur : REOnet au Mali, avec son projet IKON de Bamako ; téléradiologie ; SIMpill en Afrique du Sud, système • réduire les dépenses de santé supportées par de gestion en temps réel de l’observance des pres- les populations rurales pauvres. 8 Promouvoir l’investissement et l’innovation privés
Études de cas Conception du projet Flux nets de trésorerie - Phase pilote L’équipe d’IKON a choisi les hôpitaux régionaux de Tombouctou, Mopti et Sikasso (qui n’ont pas 300 de médecin radiologue) pour les relier à l’hôpi- FCFA (x 1000) tal du Point G à Bamako. Les trois hôpitaux 250 régionaux ont été équipés en matériel pour la télétransmission des images : scanner à films 200 radiographiques, PC, alimentation électrique de secours, ligne téléphonique fixe le cas échéant, 150 etc. Au Point G, IKON a installé un serveur pour 100 la réception des images, une imprimante (repro- graphe) ainsi que d’autres périphériques. IICD 50 a fourni le capital initial nécessaire (69 000 000 FCFA, soit environ 140 000 USD) pour équiper 0 les trois établissements régionaux et l’hôpital du 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Mois Point G en matériel de téléradiologie ainsi que Source: Projet IKON pour former le personnel médical à l’utilisation de ces technologies. téléradiologie, IKON envisage, à terme, d’utiliser son infrastructure pour assurer toute une palette Méthodologie de services de télémédecine : diagnostic derma- Lorsqu’un médecin généraliste de l’hôpital régio- tologique, diagnostic traumatique et d’autres nal décide de faire passer une radio à un patient, diagnostics pathologiques. C’est dans cette inten- il procède lui-même à l’examen radiologique. tion qu’IKON a fait l’acquisition de caméras numé- L’image est ensuite numérisée à l’aide d’un scan- riques. Parallèlement, IKON projette d’organiser ner à films radios, enregistrée au format DICOM des modules mensuels de téléformation à l’inten- (Digital Imaging and Communications in Medicine) tion du personnel médical. et envoyée par liaison RTC au serveur de Bamako. La faible taille des fichiers (de 150 à 350 Ko) per- Perspectives de croissance met une transmission rapide, même par le réseau Alors que le réseau entre aujourd’hui dans sa * Les parts revenant à l’hôpi- commuté. Le spécialiste en radiologie de l’hôpi- phase pleinement opérationnelle, les perspecti- tal régional et au projet IKON tal de Bamako reçoit le fichier, l’imprime et éta- ves de croissance sont prometteuses. Avec un sont approximatives, car le montant réparti entre les blit son diagnostic, qu’il transmet ensuite par cour- investissement supplémentaire de quelque 64000 deux entités dépend du statut rier électronique au généraliste de l’hôpital régio- USD, IKON peut étendre ses services à quatre public ou privé de l’établisse- ment de soins. Un hôpital nal. Sauf dans les situations où le diagnostic est autres hôpitaux et couvrir ainsi l’ensemble des public perçoit 625 FCFA par urgent, les images radios ne sont transmises établissements hospitaliers du pays. image au titre de la couver- ture des coûts fixes liés au qu’une fois par jour à Bamako, d’où un délai de service, ce qui laisse 375 24 heures pour les réponses (ce qui est du reste Obstacles à la croissance FCFA au projet IKON. En revanche, si la radio est effec- normal au Mali, même en radiologie in situ). En Bien que le modèle de fonctionnement commer- tuée dans un hôpital privé, cas d’urgence, le réseau IKON peut produire un cial d’IKON dégage des flux de trésorerie large- IKON encaisse 1 000 FCFA. diagnostic dans l’heure. Le service est facturé 2 500 FCFA (environ cinq dollars) par image. Ce montant est réparti entre Flux nets de trésorerie - Phase opérationnelle l’hôpital régional (600 FCFA), l’hôpital du Point 300 G (375 FCFA), le médecin diagnostiqueur FCFA (x 1000) (1125 FCFA) et IKON (400 FCFA)*. 250 L’ensemble du processus est géré par des systè- mes ouverts que l’équipe d’IKON a spécialement 200 adaptés à son application de téléradiologie. Le logiciel de transmission d’images assure le chif- 150 frement de la radio et des données confidentiel- les du patient, et gère également la facturation. 100 Au terme d’un an de fonctionnement en phase 50 pilote, il s’est avéré que la demande de services radiologiques était suffisante pour générer des 0 bénéfices. De fait, comme le montre le tableau ci- 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 après, IKON a commencé à devenir rentable dès Mois Source: Projet IKON le troisième mois de la phase pilote.Au-delà de la Promouvoir l’investissement et l’innovation privés 9
Études de cas Défis à relever pour une création d'entreprise au Mali ment positifs, qu’il s’appuie sur des technologies Les entrepreneurs doivent franchir 13 étapes pour la création d'entreprise qui requiert robustes et bien adaptées, et qu’il réponde à un en moyenne 42 jours. Le coût de création s'élève à 190,7% du PNB/habitant. besoin social, le docteur Romain-Roland Tohouri Les entrepreneurs doivent déposer au moins 490,8% du PNB/capita dans une banque souligne que le projet a eu les plus grandes dif- pour obtenir le numéro d'enregistrement de leur entreprise. ficultés à obtenir le financement nécessaire. Au Mali, les conditions de prêt aux entreprises pré- voient généralement une garantie d’emprunt qui INDICATEURS MALI REGION OCDE peut atteindre 80 %, et les droits à l’importation Nombre de formalités 13 11 6 sur le matériel informatique avoisinent les 50 %. Durée (jours) 42 63 19 Le tableau ci-après dresse une comparaison entre Coût (% de revenu/capita) 190,7 215,3 6,5 le Mali et le Royaume-Uni : Rappelons que ces Capital minimum (% de revenu/capita) 490,8 297,2 28,9 taxes sont calculées sur la valeur caf (coût, assu- Source : Doing Business in 2005: Removing Obstacles to Growth rance, fret), qui reste à peu près constante d’un pays à l’autre, alors que le PIB par habitant du 200 000 FCFA par mois, soit environ 400 USD, * Voir notamment les enquê- tes réalisées dans le cadre du Royaume-Uni est de 26 507 USD, soit plus de 100 pour une liaison commutée 128 Kbps. C’est au document de synthèse Ajuste- fois celui du Mali, estimé en 2004 à 260 USD2. moins dix fois plus cher que les tarifs pratiqués ment des petites entreprises à la libéralisation de l’économie D’autres études de la Banque mondiale confir- dans les pays développés pour un service com- dans cinq pays d’Afrique ment ce problème récurrent de l’accès au crédit*. parable ; il est certain que l’entreprise ne pourra (http://www-wds.world- bank.org/servlet/WDSCon- Il est particulièrement important, pour les guère songer à augmenter le volume d’images tentServer/WDSP/IB/2005/09 petites et moyennes entreprises dont le poten- transmises ou à se doter de capacités de visiocon- /14/000011823_2005091417 1114/Rendered/PDF/WDP27 tiel de croissance excède les capacités de finan- férence, que ce soit pour la formation ou pour le 1010FRENCH.pdf), où il cement interne ou informel, d’avoir un meilleur diagnostic en temps réel, si ses coûts de connexion apparaît que la majorité des répondants (62 à 90 %) consi- accès au crédit. Les mesures destinées à amé- ne baissent pas. dèrent les difficultés d’accès liorer les pratiques comptables des entreprises Autre obstacle, le temps d’attente ou « latence au crédit (essentiellement pour le fonds de roulement) ainsi que leur aptitude à produire des états », c’est-à-dire le délai nécessaire pour la trans- comme l’une des principales financiers certifiés sont de nature à renforcer mission du trafic sur le réseau. Le Mali ne dis- contraintes pesant sur leurs opérations. D’autre part, dans leur capacité de recours à l’emprunt dans la posant pas à l’heure actuelle d’échangeur IXP son rapport Doing Business in mesure où elles diminuent d’autant, pour les (Internet Exchange Point), tout le trafic entre 2006, la Banque mondiale relègue le Mali dans les pro- banques, le coût d’obtention d’informations fia- opérateurs Internet doit transiter par des dor- fondeurs du classement bles. De meilleurs systèmes juridiques documen- sales internationales, ce qui augmente la (parmi les dix derniers sur 155 pays), en raison notam- tant les biens offerts en garantie et réglemen- latence et fait grimper les coûts. Comme le mon- ment des contraintes régle- tant, en cas de défaillance de l’emprunteur, leur tre l’impression écran ci-dessous, le trafic mentaires que l’État malien fait peser sur les entreprises. saisie et leur vente permettraient aux banques Internet au Mali est grevé d’une forte latence. Parmi ces dix derniers pays de mieux gérer leur risque de crédit. Le déve- L’auteur a chargé la page d’accueil de REOnet du classement, neuf sont sub- sahariens : Burkina Faso, loppement de la concurrence bancaire est depuis une maison de Bamako, en utilisant une Congo-Brazzaville, Mali, essentiel pour inciter les banques à rechercher connexion via un fournisseur d’accès concur- Niger, République centrafri- caine, République démocrati- de nouveaux clients, notamment sur le marché rent. Bien que la distance physique ne fût que que du Congo, Soudan, des petits comptes3. de cinq km, le trafic a été acheminé via le Séné- Tchad, Togo. Les directeurs d’IKON font aussi état du manque gal, le Portugal, l’Espagne, la France (en deux # Le Royaume-Uni est signa- de candidats qualifiés en TIC. Ils ont le sentiment points distincts) et l’Italie, pour revenir enfin sur taire de l’Accord sur les tech- nologies de l’information que les programmes universitaires actuels ne pré- le continent africain. Une telle latence est (ATI). L’ATI est un accord parent pas correctement les étudiants à l’ère de rédhibitoire pour le déploiement de services de commercial multilatéral par lequel les signataires s’enga- l’information. REOnet s’efforce de remédier à cette visioconférence gent à éliminer tous leurs carence en organisant des ateliers sur l’utilisation On estime que l’utilisation de bande passante droits de douane sur les pro- duits informatiques et de télé- de différentes applications multimédias. internationale pour du trafic Internet local ou communications qui y sont Le coût de l’accès Internet constitue également un régional coûte à l’Afrique quelque 400 millions visés. L’accord couvre environ 95 % du commerce mondial frein à la croissance. À l’heure actuelle, IKON paye USD par an4. en la matière, estimé aujourd’hui à plus de mille milliards de dollars. Les pro- duits visés par l’ATI com- Taxes d’importation au Mali comparées à celles du Royaume-Uni prennent les ordinateurs, les Taxe sur les Taxe sur les Taxe sur les Taxe sur les Autres périphériques, les matériels ordinateurs composants d’ordinateurs logiciels manuels Taxes de télécommunications, les logiciels, les équipements de Mali 5% Inconnue 20% 0% 5% droits de douane fabrication de semi-conduc- sur la valeur caf ; teurs, les instruments analy- 7.5-55% taxes additionnelles tiques ainsi que les semi- Royaume-Uni# 0% 0% 0% 0% 17.5% TVA conducteurs et d’autres com- posants électroniques. Source : US Department of Commerce [ministère américain du commerce], Office of Technology and Electronic Commerce 10 Promouvoir l’investissement et l’innovation privés
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