Proposition pour la reconduction de la régulation de la population de cygne tuberculé Cygnus olor sur le marais audomarois

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Proposition pour la reconduction de la régulation de la population de cygne tuberculé Cygnus olor sur le marais audomarois
Proposition pour la reconduction de la régulation
de la population de cygne tuberculé Cygnus olor
            sur le marais audomarois
                                Période 2020-2025
                           Dossier déposé le 19 décembre 2020

Luc BARBIER, Parc naturel régional
Nicolas DELEPOUVE, DDTM 62
Thomas FROIDURE, Chambre d’Agriculture
Albert MILLOT, Parc naturel régional

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Proposition pour la reconduction de la régulation de la population de cygne tuberculé Cygnus olor sur le marais audomarois
Remerciements
La rédaction de ce dossier et la présentation de ces résultats n’auraient pas pu être menés à
bien sans la participation de l’ensemble des partenaires historiques du dossier cygnes du
marais audomarois qui restent mobilisés entre autres par le comité de suivi local animé par
Mr le Sous-Préfet de Saint-Omer.

       ● Les bénévoles qui participent aux deux comptages annuels
       ● La Chambre régionale d’agriculture
       ● La Communauté d’Agglomération de Saint-Omer
       ● La DDTM du Pas de Calais
       ● La DREAL Hauts de France
       ● La Fédération Départementale des Chasseurs du Pas de Calais
       ● La Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles
       ● Le Groupe Ornithologique et Naturaliste du Nord et du Pas de Calais
       ● la Ligue pour la Protection des Oiseaux du Pas de Calais
       ● L’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage
       ● Le Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale
       ● La Sous-Préfecture de Saint-Omer
       ● Le Syndicat des Maraichers du Marais Audomarois

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TABLE DES MATIERES

         Remerciements
         Introduction

I. Le Marais Audomarois : contexte et problématique
       1. Contexte général
       2. La reconnaissance Ramsar et la désignation Réserve de biosphère de l’UNESCO
       3. Problématique de l’agriculture du marais
II. Ecologie du Cygne tuberculé, étude de la population rapportée au marais audomarois
       A – Ecologie du Cygne tuberculé et impacts sur l’agriculture du marais
          1. Désignation précise du taxon
          2. Type de protection dont bénéficie le taxon
          3. Caractéristiques
          4. Historique, migration et sédentarisation
          5. Habitat
          6. Nourriture
          7. Reproduction
          8. Menaces
          9. Dégâts aux cultures
       B - Evolution de la population de cygnes tuberculés en France et dans le Nord-Pas de
       Calais
          1. Les effectifs nicheurs en France
          2. Les effectifs nicheurs du Nord-Pas de Calais
          3. Les effectifs hivernants au niveau national
          4. Les effectifs hivernants du Nord-Pas de Calais
          5. Les effectifs estivants locaux
III. Bilan des opérations mise en œuvre
       A – Mise en œuvre du programme de marquage
       B – Estimation des dégâts depuis 2013Mise en œuvre du programme de marquage
          1. Préalable

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2. Historique
           3. Bilan 2017-2019
           4. Méthodes d’effarouchement
           5. Bilan des prélèvements
IV. Propositions pour une reconduction du dispositif
V. Conclusion
VI. Bibliographie
VII.   Annexes.
       Annexe 1 :
       Annexe 2
       Annexe 3
       Annexe 4

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Introduction
Le marais audomarois couvre une superficie de 3726 hectares. Il est situé à la limite des
départements du Pas-de-Calais et du Nord dans la Région Hauts-de-France. Il possède
plusieurs particularités dont celle d’être le dernier marais maraicher de France avec 430
hectares consacrés principalement à la culture reine du marais qu’est le chou-fleur d’été.
C’est également un territoire complexe car divisé en 13200 parcelles cadastrées de terre et
d’eau qui sont la propriété de quelques 3950 personnes. Il est parcouru de 170 km de
rivières wateringues (rivières au sens de la loi sur l’eau) et de 560 km de watergangs (fossés).
Le marais audomarois a été classé au titre des zones humides de valeur internationale par la
convention de RAMSAR en 2008 et désigné par l’UNESCO comme Réserve de biosphère en
2013. Ces reconnaissances comme celle du Parc naturel régional créé en 1986,
reconnaissent un territoire d’exception aux fortes particularités. La ville de Saint-Omer est
devenue Ville Ramsar en octobre 2018.
Le cygne tuberculé Cygnus olor L. est présent sur le marais depuis les années 1300. L’espèce
y était alors élevée pour être servie à la table des grands. L’histoire locale nous apprend que
le cygne faisait partie du paysage du marais sans jamais semble-t-il poser de problème
particulier. A la fin du XXème siècle toutefois, des maraichers ont fait état de dégâts ponctuels
liés à la présence de familles de cygnes qui montaient sur les parcelles et consommaient des
feuilles provoquant des dégâts mineurs.
La situation a changé au début des années 2000 au gré d’un changement de comportement,
certainement en lien avec une augmentation de la population locale. Les dégâts constatés à
cette époque ont généré la création d’un « comité cygne » placé sous l’autorité du Sous-
Préfet de Saint-Omer. Ce comité s’est efforcé de regrouper toutes les organisations
concernées par le sujet depuis 2004. Il se réunit depuis lors plusieurs fois par an.
L’ensemble des éléments produits par le comité cygne a permis de constituer le fond de
dossier nécessaire pour préciser le niveau de la population, en assurer le suivi et également
proposer des mesures de limitation des impacts, voire de régulation quand cela était
nécessaire.
Le dossier du cygne tuberculé est devenu au fil des années un dossier important pour les
acteurs du marais audomarois dans leurs diversités.
Un premier avis du CNPN a permis de mettre en place des mesures dérogatoires au statut
d’espèce protégée dont bénéficie le cygne tuberculé : effarouchement des oiseaux,
réduction du nombre d’œufs féconds dans les nids, décantonnements à tirs, quand cela était
nécessaire. Le premier arrêté préfectoral qui régit le dispositif a été pris sur la période 2009-
2013, il a été reconduit pour la période 2013-2017 et enfin pour la période 2018-2020. Soit
11 années.
Outre de faire un bilan objectif de la période écoulée, l’objet du présent dossier est de
proposer la poursuite du dossier pour la période 2020-2025.

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I.   Le Marais Audomarois : Contexte et problématique

     1. Contexte général
La ville de Saint-Omer s’est établie aux portes du marais vers l’an 700. A cette époque le
marais était un milieu naturel où la présence de l’homme se limitait à sa périphérie
immédiate. Dès 800 les moines des abbayes entreprennent l’aménagement de cette cuvette
marécageuse de près de 4000 hectares, en premier lieu pour mieux y gérer l’eau puis
progressivement pour faciliter son défrichement et sa mise en culture. Au fil des siècles les
creusements de rivières, fossés et étangs, les défrichements et la mise en culture ont fait du
marais audomarois un territoire unique. Il comporte en effet quelques particularités dans le
monde des zones humides métropolitaines françaises. Il est le seul (ou le dernier) marais
maraicher de France, il est le seul marais habité de façon continue par quelques 4000
habitants en 2019 dont plus de 50 familles qui résident à l’année sur des îles.
Dans les faits, la culture des légumes a débuté dès le 13ème siècle afin de nourrir la
population de la ville Saint-Omer qui était alors considérée comme l’une des dix plus grandes
villes d’Europe avec une estimation de 40 000 habitants. Plusieurs éléments viennent
conforter cette « spécialisation » du marais audomarois comme la culture du chou-fleur
attestée des 1709.
Sans revenir sur l’ensemble des éléments déjà produits dans les rapports précédents, il faut
rappeler quelques grandes particularités du marais audomarois :
     -   Dernier marais cultivé de France pour 430 ha soit 11,5% de sa surface, il est
         également occupé par 1150 hectares de prairies soit 31% du marais ;
     -   13200 parcelles cadastrées de terre et d’eau, 3950 propriétaires, 700 kilomètres de
         canaux, 27 familles de maraichers, 50 légumes différents cultivés dont le chou-fleur
         (5,5 millions de têtes en 2019), 3500 tonnes d’endives en 2018…150 emplois directs
         et indirects générés par le maraichage ;
     -   Une histoire très riche en lien étroit avec les grandes abbayes dont l’abbaye Saint-
         Bertin ;
     -    Une grande diversité d’habitats naturels et culturels avec des prairies humides de
         grande qualité dans la cuvette tourbeuse de Clairmarais, les anciennes fosses de
         tourbage, les larges rivières du marais ouest dont la plus ancienne a été creusée sous
         Philippe d’Alsace vers 1200, les roselières rivulaires le long des canaux… ;
     -   Deux bateaux uniques en France dont l’avenir semble assuré grâce à la reprise d’un
         atelier de charpentier en bateau en 2009 dans les faubourgs de Saint-Omer ;
     -   Un patrimoine génétique lié aux légumes unique dans les Hauts-de-France. La
         majorité des accessions de légumes au Centre Régional de Ressources Génétiques a
         pour origine le marais audomarois ;
     -   113 espèces d’oiseaux nicheuses sur les 247 espèces observées dont plusieurs ont
         des niveaux de protection ou de menace très élevés ;

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-   De nombreuses espèces patrimoniales de groupes très différents : plus de 400
       espèces de plantes, 29 poissons dont 10 espèces patrimoniales et 6 espèces
       exotiques, 78 mollusques, 85 espèces d’araignées dont l’Argyronète….
   -   Un site localisé au cœur d’une région densément peuplée : 120 000 à 150 000
       visiteurs accueillis par les bateliers, plus de 1 millions de visiteurs dans le marais et sa
       périphérie immédiate (installation de 8 éco compteurs fin 2018) ;
   -   …

   2. La reconnaissance Ramsar et la désignation Réserve de biosphère de l’UNESCO
L’ensemble des données relatives au patrimoine naturel collectées sur le marais,
principalement par les services du Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale ont
permis d’alimenter les fiches de renseignements nécessaires aux reconnaissances
internationales.
Toutefois, ces deux désignations ne sont pas un engagement à protéger plus. Ramsar prône
l’utilisation rationnelle de la zone humide et la Réserve de biosphère le lien fort entre
l’homme et le territoire. Il s’agit donc plus de trouver le compromis entre la nature et les
activités humaines pour éviter que les dernières ne prennent l’ascendant sur la première,
comme c’est souvent le cas.
Parmi les éléments clés qui ont permis au territoire de candidater avec succès à ces deux
recommandations figure la gouvernance. Les actions développées sur le marais ont bénéficié
depuis les années 2000 des travaux du groupe de travail marais. Son objectif principal est de
garantir la préservation d’un territoire d’exception au service de ses habitants. Lors des
réunions trimestrielles, l’ensemble des sujets problématiques ou d’importance sont traités
et doivent trouver une solution collective.
C’est ainsi que de nombreuses opérations sont réalisées. Elles sont issues de la
programmation du contrat de marais ou arrivent au fil de l’eau. C’est ainsi que lors de la
dernière période 2017-2019, plusieurs chantiers d’importance ont été engagés :
   -   Programme INTERREG Bio Cultural Heritage and Tourism qui permet de définir le
       Schéma d’Aménagement et d’Interprétation de la Réserve de biosphère, de mieux
       travailler la fréquentation des sites et de réaliser un potager conservatoire régional ;
   -   La mise en œuvre en 2018 et 2019 d’un chantier d’arrachage de Jussie rampante (25
       tonnes en fin d’année 2018 et 1 tonne en 2019). Ce chantier non prévu a bousculé
       tous les agendas pour éviter la dispersion de bouture de cette peste végétale dans les
       700 km de canaux du marais ;
   -   L’acquisition par le Conservatoire du Littoral d’une ferme de 112 ha en zone de
       marais à Clairmarais. Au-delà de l’achat, des travaux lourds de remise en état des
       infrastructures d’élevage ont été réalisés ainsi qu’un travail d’amélioration de la
       connaissance sur un espace à gros enjeu écologique : 12 espèces de chauves-souris,
       13 espèces de poissons dont la Loche de rivière, 12 espèces de plantes protégées, la
       plus importante station régionale d’Aeschne isocèles, 3 espèce de mollusques

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relevant de la directive habitats naturels, 2 à 3 chanteurs de Butoir étoilé, 2 à 8
       chanteurs de Marouette ponctuée… Un suivi fin de la gestion de l’eau est réalisé en
       régie pour éviter tout phénomène de minéralisation en zone tourbeuse ;
   -   Gestion de plusieurs populations de Berce du Caucase chez des particuliers et
       sensibilisation de ces derniers aux techniques de destruction de la plante ;
   -   Renouvellement de la signalétique générale des rivières du marais et de la
       signalétique « 18 » facilitant l’intervention des services de secours sur le marais (850
       plaques implantées) ;
   -   Renouvellement avec les services de la Préfecture et de la Sous-Préfecture du
       Règlement Particulier de Police du marais limitant la vitesse des bateaux à
       6km/heure ;
   -   Doublement de la brigade de piégeurs de rat musqué sur le marais pour arriver à 4
       piégeurs permanents et un encadrant. Il s’agit là d’un réel enjeu puisque l’absence
       d’hiver rigoureux depuis plusieurs années a favorisé une portée supplémentaire voire
       dans certains cas a permis aux premiers jeunes de l’année de se reproduire dans
       l’année en cours. En moyenne, ce sont 7 000 à 10 000 rats qui sont piégés chaque
       année ;
   -   Un travail de recherche sur l’agro écologie piloté par le MAB France et financé par
       l’AFB en 2019 a permis de réaliser un diagnostic de terrain et d’organiser un atelier
       avec les agriculteurs pour inciter des changements de pratiques.
   -   …
L’équipe en place pour animer et suivre le marais et constituée en 2019 de 3 techniciens
côté Parc et de 2 techniciens côté Agglomération auxquels il faut ajouter 2 gardes
champêtres intercommunaux et 4 piégeurs.

   3. Problématique de l’agriculture du marais

     Malgré l’ensemble des efforts entrepris, le marais audomarois est menacé. Les
tendances lourdes observées sur d'autres territoires ruraux sont subies ici avec plus de
force. La perte de surfaces agricoles au profit de friches et de parcelles à vocation de loisirs
(HLL, plans d’eau…) s’est développée dans les années 1970. Elle semble désormais en voie
de stabilisation.
      Constatée en 2017, la diminution des surfaces agricoles consacrées au maraichage est
désormais stabilisée grâce au changement d’activité de la part de certains producteurs.
Cette stabilisation ne doit pas faire oublier les fortes contraintes qui pèsent sur le territoire :
un réseau hydraulique secondaire très important et globalement peu entretenu, parcelles
de petite taille (3500 à 5000 m² en moyenne pour les parcelles de terre), manque d’accès
et crues régulières.

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Du fait de la spécificité de la zone humide, maraîchers et éleveurs subissent de
nombreux surcoûts d'exploitation (Priester J.F, 2009) :

   Figure 1 : Les surcoûts de production engendrés par le handicap naturel (J.F. Priester, 2009)

      Des pertes de temps et la nécessité d’une main d’œuvre plus importante en raison
       de possibilité de mécanisation plus limitée, la moindre portance du sol et l’accès
       difficile aux parcelles,
      Le curage des fossés, une fois tous les 5 ans, le plus souvent en hiver,
      L’entretien des berges dans les parcelles, à l’aide d’une faucheuse ou d’un
       gyrobroyeur, trois à cinq fois par an,
      La vulnérabilité des parcelles aux crues,
      L’entretien des chemins pour optimiser leur accessibilité,
      Le paiement de la taxe Wateringue (tous les propriétaires du marais paient une
       redevance à une association forcée de propriétaires afin d’assurer l’entretien des
       rivières dites « wateringues »),
      La lutte permanente contre les nuisibles avec le Rat musqué, le Pigeon Ramier,
      L’effarouchement du Cygne tuberculé.

     Ces travaux nécessitent l’achat de matériels spécifiques et des moyens humains
supplémentaires. Ce surcoût est estimé à environ 560 €/ha/an (F.J. Priester, 2009 ; actualisé
2016), à la charge totale des maraîchers, sans aucune indemnisation possible en dehors de
la MAEC accompagnant le curage des fossés. Ainsi, la lutte contre les nuisibles constitue le
surcoût le plus important (210 des 560€ soit un montant de 90 000 € pour les surfaces en
maraîchage). Certaines exploitations ont subi des pertes de l’ordre de 30%. Les maraîchers
considèrent que des pertes liées aux aléas de la météo ou à des attaques de nuisibles sont

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« normales » à un taux de 8 à 15%. En 2019, les rats musqués qui en sont la cause
principale.
      Malgré tout, l’activité maraîchère semble toujours fragile. Le nombre de maraîchers
est descendu à 27 entreprises en 2019 [(ils étaient 40 en 2013 (PNR, 2013), 49 en 2009 (F.J.
Priester, 2009)]. Cette diminution du nombre de familles maraîchères n’a pas conduit à une
déprise agricole, mais plutôt à un agrandissement des exploitations. Ce chiffre est
néanmoins à tempérer au regard de l’évolution constatée depuis 2002, et de la baisse de
10% des surfaces maraichères entre 2002 et 2012 (A. Millot, 2012). Dans ce contexte
incertain et délicat pour les maraichers, les dommages causés par les cygnes sont perçus
comme une contrainte parfois très lourde s’ajoutant aux difficultés déjà supportées. Cette
situation difficile est renforcée par le fait qu'aucune intervention directe par les exploitants
n'est possible sur cette espèce protégée et qu'aucune indemnisation ne semble pouvoir
être envisagée. Depuis 2008, il apparait que les dispositifs d’effarouchement sont
inefficaces, inadaptés trop lourds à mettre en place en raison de l’adaptation des cygnes.
      A titre expérimentale, suite à des plaintes grandissantes de la profession maraîchère,
une demande de régulation est déposée en 2008 sous l'impulsion du PNR des Caps et
Marais d'Opale. Suite à l'avis favorable du CNPN, un arrêté est pris sur le périmètre du
marais audomarois, pour la période 2009-2013.

                    Avis de la
                     DDTM

Figure 2 : les différentes étapes d’obtention de la dérogation (C. Grillas, 2014)

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II. Écologie du cygne tuberculé, étude de la population rapportée au marais
    audomarois

A. Ecologie du Cygne tuberculé et impacts sur l’agriculture du marais

    1. Désignation précise du taxon

      Le Cygnus Olor (Gmelin, 1789) est une espèce paléartique (originaire du Nord de l'Asie
 et du centre de l'Europe), aussi appelée Cygne muet. Elle fait partie de l'ordre des
 Ansériformes et de la famille des Anatidés. Elle prospère en Europe occidentale et centrale
 (Wieloch, 1991).

    2. Type de protection dont bénéficie le taxon

       Le Cygne tuberculé est considéré comme une espèce de préoccupation mineure (LC)
 sur la liste rouge mondiale (Source : UICN, 2016). Le cygne tuberculé est considéré LC sur la
 liste rouge européenne de l’UICN (UICN, 2015). En France, il a été évalué sur la liste rouge
 des espèces menacées (mise à jour en 2016), LC « Préoccupation mineure » avec une
 tendance à la hausse des effectifs pour les effectifs nicheurs. Les effectifs hivernants de
 l’espèce n’ont pas été évalués.
       L’espèce est évaluée LC sur la liste rouge Nord-Pas de Calais des oiseaux menacés
 (statut non officiel et en attente de validation par l’UICN)
       Le Cygne tuberculé est mentionné dans :
        L'annexe II / Partie B de la Directive Oiseaux 2009/147/CE, qui « vise à assurer
       une protection de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage
       sur le territoire européen ».
        L'annexe III de la Convention de Berne (1979) qui concerne toutes les espèces de
       faune sauvage protégées tout en laissant la possibilité de réglementer leur
       exploitation conformément à la Convention.
        L'annexe II de la Convention de Bonn qui établit la liste des espèces migratrices
       dont l'état de conservation est défavorable et qui pourraient bénéficier de manière
       significative d'une coopération internationale.

      A l’échelle nationale, le Cygne tuberculé est une espèce protégée par la loi sur la
protection de la nature de 1976. Selon l'article L 411-1 du Code de l'Environnement, est
interdit :

     « La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction,
      la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation
      d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient, vivants ou morts, leur transport, leur
      colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur
      achat. » ;

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 « La destruction, l'altération ou la dégradation de ses habitats naturels ou de ses
     habitats d'espèce ».

   3. Caractéristiques

     Le Cygne tuberculé est le plus gros oiseau de France. La longueur de son cou est une
des principales caractéristiques de ce palmipède ; il lui permet de fouiller la vase et les
plantes aquatiques.
      Les adultes sont blancs avec un bec rouge-orangé et noir. Le mâle possède un
tubercule noir plus prononcé et un iris brun. Au contraire, les jeunes, sont gris brun avec la
gorge et le devant du cou blanc. Le bec et les pattes sont gris et le tubercule est à peine
marqué. Les scapulaires sont en grande partie blanches. Les jeunes subissent une mue
partielle de septembre à janvier puis deviennent complètement blancs après la mue
annuelle complète qui intervient à la fin de l'été. Le cygne peut vivre jusqu'à 25 ans mais la
durée de vie moyenne est plutôt de 5 à 6 ans (Ward, 2004). En période de couvaison, il est
territorial. Quand on l'approche, il peut chercher à pincer avec son bec et donner de
violents coups d'ailes.

   4. Historique, migration et sédentarisation

      Probablement absent de la faune de France à la fin de la dernière glaciation et tout au
long de l'Holocène jusqu'aux temps historiques, le Cygne tuberculé est classé par Pascal et
al. (2003) parmi les espèces allochtones de notre pays. Introduit volontairement en France
en tant qu'oiseau d'ornement dès le Xème siècle, il ne se reproduit pas à l'état sauvage. En
1936, dans son inventaire, Mayaud signalait même la présence du cygne comme « très
accidentelle en France durant les hivers rigoureux ». Le Cygne tuberculé est aujourd'hui
nicheur. Il a conquis de nombreuses régions française et son implantation s'est poursuivie
jusqu'à la fin des années 1990. Il est fort probable que durant la première moitié du 20 ème
siècle des prélèvements d’oiseaux sont réguliers notamment durant les périodes de guerre.
Ensuite, le Cygne est chassé régulièrement jusqu’en 1976. Ainsi, malgré une présence
pluriséculaire, la population de cygnes tuberculés du marais audomarois n’a-t-elle
commencé à croître qu’à partir des années 1990. Il semble également qu’une partie des
oiseaux soit d’origine d’individus domestiqués relâchés en pleine nature.
     Parallèlement, l'aire de répartition de la population sauvage d'Europe de l'Est s'est
étendue. Cette extension s’est faite simultanément à l'eutrophisation des milieux
aquatiques, la création et la colonisation de nouveaux habitats et l'attribution du statut de
protection d'espèces protégées en France en 1981 (Wieloch 1991 ; Kirby et al. 1994 ;
Fouque et al. 2007 ; Ward et al. 2007). L'implantation d'une population nicheuse en France
fait donc suite à la sédentarisation des hivernants couplée à des lâchers d’individus
domestiques, entraînant à la fin des années 1970 un important accroissement des effectifs
nicheurs.
     Au sein du marais audomarois, le phénomène de sédentarisation a été rendu possible
par un nourrissage hivernal par les habitants, qui vouent à cet oiseau majestueux une

          Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – 19 décembre 2019                    12
véritable fascination. Peu ou pas de prédateurs naturels, la forte disponibilité alimentaire
de la zone d'étude, la politique de protection et la haute plasticité écologique du Cygne
tuberculé ont également favorisé sa sédentarisation. Sur le marais audomarois, les œufs et
cygnons peuvent être prédatés par le rat surmulot, le renard ou encore les mustélidés.
Toutefois aucune observation locale, ni étude, ne permet de le confirmer. Renards et
fouines sont classés espèces susceptibles d’occasionner des dégâts dans le Pas-de-Calais. La
destruction de ces espèces peut ne pas favoriser la régulation naturelle des couvées de
Cygne tuberculé.
     Sur le marais, cette population sédentaire nicheuse est renforcée chaque année par
des individus migrants venus passer l'hiver, alors qu’une partie des jeunes issus du marais
quitte ce territoire pour s’installer ailleurs. Une partie des individus venus passer l’hiver
repart dès l'arrivée de la saison printanière, alors qu'une autre part se sédentarise et
complète les effectifs nicheurs. Aucune donnée ne permet de connaître la part des oiseaux
migrants devenus sédentaires. Ainsi, chaque année, la population audomaroise subit de
fortes fluctuations d'effectifs, liés aux apports d'individus, variables en fonction des
conditions climatiques de leur zone de résidence.

   5. Habitat

     Le cygne apprécie les plans d'eau douce saumâtre, calmes et peu profonds surtout
quand ils sont bordés de roselières où le cygne peut construire son nid. En France, une
partie de la population de cygnes se reproduit en milieu urbain sur des territoires plus petits
et dans des milieux dégradés. Il s’agit d’une espèce opportuniste et peu sélective quant à
ses habitats de reproduction en dehors du paramètre tranquillité.

   6. Nourriture

     Le régime alimentaire du cygne est surtout végétarien. Il se nourrit principalement de
plantes aquatiques prélevées au fond de l'eau. Il peut aussi fouiller la vase à la recherche de
mollusques ou également manger des insectes voire de petits poissons. Sur les berges, il
peut brouter les plantes et les racines. On considère qu'un cygne adulte consomme plus de
3 kg de végétaux frais par jour et 4,5 kg en période de mue (Cramps et Simmons, 1977). Si
en Suisse la Moule zébrée (Dreissena polymorpha) apparaît comme une ressource
alimentaire notable (Schuster, 1976), cela n’a pas été signalé dans le marais audomarois où
cette moule est présente.
     Dans le marais audomarois, le nourrissage artificiel par les habitants est relativement
anecdotique et concentré sur la zone urbaine du marais. Il contribue sans doute à réduire la
mortalité de certains individus au cours du premier hiver et favorise ainsi fortement la
croissance des populations (Rocamora &Yeatman-Berthelot, 1999).
     Quelques individus localisés dans les secteurs maraîchers se sont imprégnés du régime
alimentaire « feuilles de chou-fleur ». Cependant, les cultures de chou-fleur ne représentent
pas l'essentiel de leur consommation (la culture du chou-fleur se pratique de mars à
novembre). Ils continuent de se nourrir abondamment d'herbiers aquatiques. Les dégâts

          Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – 19 décembre 2019                     13
seraient a priori bien plus importants s’ils ne consommaient que des plants de choux ou
jeunes pousses de céréales. Les individus « spécialisés » représentent une minorité des
effectifs de la population. Les autres, cantonnés hors secteurs maraîchers, consomment les
herbiers aquatiques et se nourrissent sur les prairies.
      La gestion des cours d’eau classés wateringues est régit par un plan de gestion
approuvé. Jusqu’aux années 1990, il semble que le niveau d’entretien des rivières vis-à-vis
de la navigation n’était pas optimal. A la même époque toujours dans un souci de faciliter
l’accès aux rivières, le Parc naturel régional et la 7ème section de wateringue ont procédé à
l’acquisition d’un bateau faucardeur. Ce dernier intervient de juin à septembre sur le
marais. Toutes les végétations faucardées ne sont plus accessibles au cygne. De la même
façon, l’optimisation des moyens de curage a limité les conditions de développement de la
flore aquatique. Il semble donc que la ressource alimentaire naturelle du cygne sur le marais
ait diminué depuis cette période. Le manque d’entretien du réseau secondaire, hors secteur
maraicher, a également limité la ressource alimentaire en végétaux aquatiques des cygnes.

   7. Reproduction

      Les couples se forment pendant les mois d'hiver et se cantonnent sur les territoires
début mars. Le nid est ensuite construit au bord de l'eau ou des fossés dans des
phragmitaies ou des mégaphorbiaies. La matière première est fournie par les plantes
voisines. La ponte a lieu de la fin mars jusqu'en mai et la femelle produit généralement 3 à 7
œufs (Ward, 2004). Elle commence alors à couver alors que le mâle monte la garde à
proximité. Il faut en moyenne 5 semaines d'incubation (34 à 38 jours) pour que les poussins
gris voient le jour. Les couples sont fidèles à leur canton de reproduction et reviennent y
nicher chaque année, les sites de nidification sont donc réutilisés d'une année sur l'autre par
les couples habituels (annexe 1).
      En France, environ 4 à 5 jeunes par couple vont survivre après l'éclosion de début mai
à mi-juin (Yeatman-Berthelot, Jarry, 1994). Sur le marais audomarois, ce chiffre s’élève à 4,9
jeunes non-volants par couple (Millot, 2016 – n = 1021). Les poussins sont nidifuges. Ils
quittent le nid dès l'éclosion et se nourrissent aussitôt de plantes aquatiques. Ils acquièrent
la capacité de vol 4 mois et demi après l'éclosion, soit de septembre à octobre. C’est à la fin
de la première année que le plumage des jeunes cygnes devient blanc. La maturité sexuelle
peut être atteinte à partir de 2 ans, mais plus généralement vers l'âge de 3 - 4 ans
(Géroudet, 1999). Ainsi, à l’issue du premier hiver et après avoir été chassés du territoire
par les adultes, les groupes de jeunes cygnes non reproducteurs vagabondent et
stationnent de façon plus ou moins prolongée sur les plans d’eau, dans les vallées alluviales
et de manière générale dans les zones humides. Sur le marais audomarois, les
stationnements peuvent être sur les prairies et les parcelles maraîchères ou céréalières. En
début de printemps (vers avril-mai), en l'absence d'herbiers aquatiques, ils se nourrissent de
l'herbe tendre sur les prairies. Depuis une dizaine d’années certains individus s’attaquent
aux feuilles tendres du chou-fleur et des jeunes pousses de céréales.

          Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – 19 décembre 2019                     14
8. Menaces

             Sur l’espèce
     Le Cygne tuberculé est menacé par l’ingestion de plombs de chasse utilisés jusqu’en
2002 (date de l’interdiction des cartouches aux plombs dans les zones humides) ou de
pêche présents dans la vase des lacs et des étangs. Cela peut provoquer du saturnisme
(Andres C., 1999). L’espèce est également sensible aux pollutions par les hydrocarbures
même légères (Andres C., 1999). Concernant les maladies, et comme l’ensemble des
anatidés, il est particulièrement sensible à la grippe aviaire. Il est victime d’accidents par
percussions avec les lignes électriques et par les véhicules lors de la traversée d’axes
routiers (Andres C., 1999, obs. pers.).
      Sur le marais audomarois, les collisions avec des lignes à haute et moyenne tension
sont relativement fréquentes. Sur le marais audomarois, nous avons constaté depuis 2015
un cas de botulisme présumé et 2 cas d’infections intestinales aigues. Ces 3 cas ayant
entrainé la mort. Compte tenu des dégâts pour lesquels il est tenu responsable, des cas de
tirs délictueux, des destructions volontaires d’individus et de nids ont été constatés. Pour
certains, des poursuites sont en cours, pour d’autres la découverte tardive n’a pas permis la
réalisation d’autopsie afin de confirmer les causes de la mort.
             De l’espèce sur l’écosystème
      Le Cygne tuberculé peut constituer une menace pour son environnement et être à
l'origine de différents dommages :
     D’un point de vue écologique, il entrerait en compétition pour les sites de
      nidification et les ressources trophiques avec d'autres anatidés et oiseaux d’eau. En
      effet, du fait de son comportement territorial, sa présence semble augmenter la
      compétition avec d’autres oiseaux d’eaux nicheurs et limiter ainsi leur présence voir
      entraînerait leurs disparitions. Selon une étude (Andres C., 1999) la présence de
      cygnes en nombre sur les prairies de la RNN de Saint-Denis-du-Payré dans le marais
      Poitevin, serait responsable de la chute du nombre de couples reproducteurs de la
      Guifettes noires (Chlidonias niger) de 15 à 25 couples à 0-6 couples. Lors de leurs
      déplacements (envols ou atterrissement) ces derniers provoquent le basculement
      des nids de Guifette. Rien de tel n’a été constaté sur le marais audomarois ;
     sur les cultures, il provoque des dégâts par consommation et piétinement ;
     sur l'élevage, les fientes déposées sur l'herbe constitueraient un risque sanitaire.
      Cependant, ce risque n'a pas été confirmé par les services vétérinaires suite à
      l'expertise réalisée chez Mr Clay à Saint-Omer en 2008. Le Cygne tuberculé, peu
      migrateur, est plus une sentinelle de la présence du virus de l'influenza aviaire
      qu'un réservoir (Ministère de l’environnement, 2008). Sur les plans d'eau à vocation
      récréative, il peut être vecteur du virus de la grippe aviaire.

             Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – 19 décembre 2019                 15
9. Dégâts aux cultures

     La répartition d'une espèce au sein d’un territoire dépend de nombreux facteurs tels la
vitesse de déplétion des ressources alimentaires, le stade d'évolution de la ressource
trophique, l'écologie du paysage (taille et connectivité entre ces différents espaces) mais
aussi de la biologie de l'espèce et de son stade de développement.
     Sur le marais audomarois, les maraîchers font face à différentes espèces provoquant
des dégâts : rat musqué, lapin de garenne, pigeon ramier. Les dégâts liés au Cygne tuberculé
sont plus récents. Toutefois, ces espèces, à la différence du cygne, sont classées espèces
susceptibles d’occasionner des dégâts, ce qui permet d’engager des opérations de
régulation et/ou piégeage afin de limiter leur impact.
     La limitation des herbiers aquatiques pourrait notamment être une des raisons pour
laquelle le Cygne tuberculé a débuté la consommation de feuilles de choux fleurs. Les
modifications de l'écosystème (densité et qualité des herbiers aquatiques) ont induit des
changements sur l'avifaune et plus particulièrement sur le comportement alimentaire du
Cygne tuberculé. Toutefois le faucardage des rivières a débuté il y a 30 ans et ne concerne
que les rivières classées wateringues, soit 170 km sur les 760 km de canaux. Entre 2017 et
2019 15 à 22% des rivières ont été faucardées. Si l’on associe le réseau de fossés, le linéaire
de « cours d’eau » faucardé est de 3,6 à 5,3%. Il convient d’associer les étangs de Malhove
et Beauséjour également faucardés pour éliminer l’Elodée de Nuttal Elodea nuttallii.

                               volumes     de      végétations linéaires de cours d’eau concernés
                               faucardées en m³                en mètres
                               2016    2017   2018     2019     2016    2017     2018     2019
rivières                       886     1176   986      532      37060   36990    25025    26650
pourcentage par rapport aux rivières wateringues                21.8    21.76    14.72    15.67
pourcentage par rapport au réseau de canaux                     5.29    5.28     3.57     3.80
il s’agit des rivières classées Wateringues
canal Haut-Pont                8       40     300      712      970     970      1635     1635
le canal du Haut est situé en zone urbaine
Etangs Arques                  2384    1992   68       54
total                          3278    3208   1354     1298     38030   37960    26660    28285
Tableau 1 : volumes de végétations faucardées et linéaires de rivières faucardées sur le marais
audomarois (source : 7ème section de wateringues 2019)

      Aussi d'après les travaux de l’ONCFS (Fouque & al. 2007) réalisés sur des étangs
piscicoles de la région des Dombes, selon leur statut en période de reproduction, les
individus n'occuperaient pas le même type d'habitats durant le printemps-été. Les non

            Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – 19 décembre 2019                     16
reproducteurs occupent des étangs de grande taille (supérieure à 30 hectares)en lien avec
               des besoins alimentaires importants. A l'inverse, les individus reproducteurs occupent des
               étangs de taille moindre (10 à 30 hectares) mais avec un grand nombre d'étangs
               environnants (dans un rayon de moins de 2 kilomètres). En effet, des étangs de taille
               réduite mais peu dispersés offrent un plus grand choix d’habitats alternatifs au site de
               nidification lorsque les familles élèvent les jeunes non volants.
                     Le paysage du marais audomarois se compose d'une grande densité de petits étangs
               inférieurs à 10 hectares. Seuls quelques grands étangs (Malhove et Beauséjour à Arques et
               les étangs de la RNN du Romelaëre) ont une taille supérieure à 10 hectares. Suite à
               l'accroissement des effectifs d'oiseaux erratiques, il se peut que les étangs de grande taille,
               et donc la disponibilité alimentaire, manque. Les cultures sont consommées par quelques
               couples nicheurs installés sur le marais audomarois. Les dégâts réalisés par ces derniers sont
               très localisés et limités par rapport aux dégâts causés par les regroupements d'erratiques.
               Ils concernent les quelques plants de chou-fleur en cercle autour du nid. Seuls les couples
               localisés sur les secteurs maraîchers sont donc concernés. Ils traduisent des besoins
               protéiniques élevés dans la phase de préparation des oiseaux à la reproduction (ONCFS).
                     Les rassemblements d'oiseaux non reproducteurs peuvent provoquer dès le printemps
               des dégâts conséquents sur les cultures. Les cultures et les prairies fertilisées sont les plus
               sensibles car elles se développent plus rapidement et présentent à cette période plus
               d’appétence pour les Cygnes (ONCFS, rapport). De fait, les plantes cultivées, et
               particulièrement les choux, sont les plus exposées en début de saison, notamment en mars-
               avril. Cela engendre :

                  -        La disparition quasi totale du feuillage et donc une plante altérée qui ne produira pas
                           de pomme, ou alors en décalé, non commercialisable.
                  -        Les feuilles sont partiellement détruites, elles ne protègent plus la fleur exposée au
                           froid et aux coups de soleil, par conséquent des taches noires se développent en son
                           centre, le chou-fleur est alors déclassé et/ou non commercialisable.

                 janvier        février           mars               avril                mai              juin           juillet           août          septembre         octobre   novembre    décembre

                            achat des plants                                    achat des plants           Secondes plantations
 Culture du
                                                          premières plantations
 chou-fleur
                                                                                           -----                             période principale de coupe des choux fleurs                 -----
                                     -----          Bachage par P17             -----
                                     -----                            période conflictuelle avec le Cygne tuberculé                            -----
 Phénologie           appariemment                                                                                                                                                        appariemment
     de                              -----     Construction du nid      -----
reproduction                                        - - - - - ponte-couvaison - - - - -
  du Cygne                                                              -----       éclosion       -----
  tuberculé                                         -----          mue des reproducteurs           -----             -----           mue des erratiques        -----

               Figure 3 : phénologie de reproduction du Cygne tuberculé et de la production de chou-fleur.
               (Source : A. Millot – PNRCMO 2016.)

                  -        Les feuilles sont partiellement détruites mais la fleur se développe tout de même
                           avec cependant un retard de croissance, le chou-fleur perd alors de sa valeur

                                Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – 19 décembre 2019                                                                                                17
commerciale voire il est déclassé. S’il arrive à maturité trop tard, il ne sera pas coupé,
      le producteur ne pouvant pas attendre trop longtemps avant de replanter sa parcelle.

      Dans certains cas le remplacement du plant est possible, Mais cela doit se faire dans
des délais très courts après la première plantation. Ces repiquages se font manuellement,
leur coût est donc supérieur à une plantation mécanisée. Toute détérioration de plants qui
serait supérieure à 2-3 semaines après la plantation empêche le remplacement des plants.
La production peut donc être rapidement impactée.
     La mise en parallèle de la phénologie de la reproduction du cygne et de la production
de chou-fleur permet la mise en perspective d’une période de conflit.
     Les dommages sur les prairies se matérialisent par le dépôt de fientes, sur les zones de
mues ou les zones de regroupements, qui peuvent « griller » la plante et gêner fortement
son développement. Elles sont dénoncées par les éleveurs comme étant potentiellement
vecteurs de maladies pour le bétail (aspergillose, etc…). Cependant, les services vétérinaires
suite à l'expertise chez Mr Clay en 2008, tout comme le CNPN, n'ont pas validé ces
hypothèses.
     Le pâturage par la consommation directe de l'herbe entraîne une perte de rendement
de fourrage. Les regroupements et stationnements de plusieurs dizaines de cygnes pendant
plusieurs semaines sur les prairies peuvent avoir des impacts réels lors de la sortie des
troupeaux début mai.
     En 2013, le CNPN avait interrogé le territoire sur le potentiel de prédation du renard
pour réguler naturellement le Cygne tuberculé et demandé l’arrêt de la destruction des
prédateurs classés nuisibles. Globalement la littérature ne fait pas apparaître de prédation
remarquable des cygnes ou de leurs œufs par une autre espèce animale (Grillas, 2014).
L’étude de Coleman et al. 1980, portant sur 434 portées sur 1 400 km² et une période de17
ans relate 3 cas de prédation par le renard. Des cas de prédation par le Héron cendré, la

          Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – 19 décembre 2019                      18
loutre ou le vison (Brown et al. 2002) ou par le chien sont suspectés (Wlodarczyk et al.
2001).

     La recherche bibliographique internationale lancée durant l’année 2014 (Grillas C.,
2014) n’a pas permis d’identifier une étude spécifique sur la prédation du Cygne tuberculé.
Enfin, si la prédation par la faune sauvage semble exister, elle ne parait pas en mesure de
jouer un rôle notable de régulation que nous pourrions attendre. Le déclassement des
espèces classées nuisibles dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord ne peuvent
donc raisonnablement pas jouer un rôle sur les dégâts aux cultures.

          Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – 19 décembre 2019                 19
B. Evolution de la population de cygnes tuberculés en France et dans le Nord-Pas de
      Calais

Depuis les années 1980, les effectifs n’ont jamais cessé de croître. A l’heure actuelle, la
population mondiale est estimée à 598 000 / 615 000 individus (Wetlands International
2015). Quant à la population européenne, elle est en nette progression. Elle était estimée à
120 000 individus en 1977, 210 000 en 1999 (Delany et al. 1999) et 250 000 oiseaux
hivernants en 2002 (Wetlands International 2002), largement répartit sur l’ensemble du
continent Européen excepté l’Espagne (N. Issa et J.M. Boutin, 2010). Les effectifs européens
sont estimés à 86 000 – 120 000 couples (Birdlife International, 2004)

        1. Les effectifs nicheurs en France

      Les effectifs nicheurs ne sont pas recensés annuellement en France. Les données
suivantes sont issues de quelques synthèses nationales. Les effectifs nicheurs du Cygne
tuberculé ont augmenté régulièrement depuis ces trente dernières années :
         50 à 100 couples vers 1970 (Jouanin, 1970 tiré de N. Issa et J.M. Boutin, 2010) ;
         200 à 300 couples vers 1975 (Yésou, 1983) ;
         320 à 400 couples en 1978-1980 (Dubois, 1980) ;
         environ 400 couples en 1981-1982 (Yésou et al., 1983) ;
         600 à 700 couples entre 1985 et 1989 (Nouvel atlas des oiseaux nicheurs, Maury
            et Triplet, in Yeatman-Berthelot and Jarry, 1994) ;
         1 000 couples à la fin des années 90 (Dubois et al., 2000) ;
         1 500 à 2 000 couples dans les années 2000 (Dubois et al., 2008 tiré de N. Issa et
            J.M. Boutin, 2010) ;
         5 000 à 10 000 couples sur la période 2009-2012.
      Le Cygne tuberculé est un oiseau nicheur sédentaire largement distribué sur le
territoire et particulièrement dans les deux tiers nord de la France : Nord-Pas-de-Calais,
Picardie, Île-de-France, Normandie, Centre, Lorraine, Alsace, Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire.
L’espèce est moins présente en Auvergne, Bretagne, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon,
Corse, Provence- Alpes-Côte d’Azur (Issa N., Muller Y., 2015), mais elle est en forte
progression dans ces régions depuis 2009-2012.

        2. Les effectifs nicheurs du Nord-Pas-de-Calais

     En ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais, on relevait :
       5 à 10 couples nicheurs en 1976 ;
       50 à 75 couples nicheurs entre 1985 et 1995 (Tombal, 1996) ;
       103 couples nicheurs en 2012 (Source : Ward A, 2013- GON/RAIN) ;
       117-120 couples en 2016 (Ward A., GON/RAIN).

     Parmi les 103 couples nicheurs en 2012, 47 se reproduisaient au sein du marais
audomarois (Source : PNR des Caps et Marais d'Opale, 2012). Ainsi, avec près de 45 % des
couples nicheurs, le marais audomarois constituait en 2012 le plus gros noyau de
reproduction de la région Nord-Pas-de-Calais.

           Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – 19 décembre 2019                 20
Avec 24 couples reproducteurs en 2016, le marais audomarois ne représente plus que
20% de la population régionale.

         3. Les effectifs hivernants au niveau national

     En ce qui concerne la population des cygnes hivernants, les oiseaux sont originaires
d'une aire géographique allant de la Grande Bretagne à la Finlande, d'Allemagne et de
Suisse. On observe pour les oiseaux hivernants, comme pour les oiseaux nicheurs, une
augmentation de leur population en France (Source : Wetlands international):
        700 individus pour la période 1967-1976 (Hémery et al., 1979) ;
        1 200 à 2 100 oiseaux entre 1977 et 1981 ;
        5 561 en 1996 ;
        7 633 en 1999 ;
        8 789 en 2001 ;
        13 082 en 2005 ;
        20 802 en 2012 ;
        21 763 en 2016 ;
        22 450 en 2018.

 Figure 4 : Évolution des effectifs hivernants de la population de Cygne tuberculé en France à la
 mi-janvier. (Source : Gaudard C., et al. 2018.)

     De façon globale, les effectifs sont en constante augmentation depuis 2002. La
population hivernante de Cygne tuberculé continue de croître et d'étendre son aire de
répartition avec 321 sites de présence en 2018 contre 168 sites en 2000. Ainsi, à l'heure

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