Quelles énergies pour les transports au XXIe siècle ? - IAEA
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Quelles énergies pour les transports au XXIe siècle ? par Pierre-René Bauquis Professeur associé à l'Ecole Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs (IFP School) Ancien Directeur Stratégie et Planification du Groupe TOTAL Email: pr_bauquis@hotmail.com A James Lovelock. Des dangers de la prospective : "Dangereuse, puante, inconfortable, ridicule assurément, vouée à l'oubli rapide, telle est la voiture automobile qu'en Allemagne MM. Benz et Daimler viennent de présenter au Kaiser Guillaume" (G. Clémenceau, La Justice, 1882, cité par Rougemont). Introduction consommations mondiales d’énergie liées au secteur des transports. La révolution industrielle des XIXe et XXe Lorsqu'on tente d'analyser ce que pourrait siècles a été marquée par une modification être l'avenir des transports au cours du XXIe radicale des transports. Le XXe siècle en siècle, et en particulier des transports particulier a vu l'extraordinaire développement terrestres, on voit émerger deux questions de l'automobile et de l'aviation, modes de essentielles : transport reposant presque exclusivement sur l'utilisation de carburants pétroliers. • Comment assurer les besoins en énergie de ce secteur face au futur Il en résulte qu'à l'échelle mondiale, les déclin des productions pétrolières, consommations énergétiques du secteur des transports représentaient en l'an 2000 (qu'elles soient dites conventionnelles 1,9 Gtep (1,9 milliards de tonnes équivalent ou non conventionnelles) ? * L’état actuel pétrole), soit environ 20 % des de ce problème dit du « pic » de la consommations énergétiques mondiales production mondiale est résumé dans (9.3 Gtep d'énergies commerciales l’illustration n° 1 (voir Nota). produites et consommées en l’an 2000). Plus de 95 % des consommations d'énergie du secteur des transports sont assurées par le pétrole, pour environ 1.8 Gtep (sur un total de 3.7 Gtep de production mondiale * Nota : L’auteur a publié en 1999 un d’hydrocarbures liquides en 2000). Les article consacré en partie au sujet du transports, dont la consommation de pic puis du déclin de la production produits pétroliers représentait environ un pétrolière mondiale, intitulé “Quelles tiers de la production mondiale de pétrole au énergies pour le moyen terme (2020) moment du premier choc pétrolier (1973) en et le long terme (2050) ?”. représentent donc désormais environ la Cette publicitation se trouve dans la moitié (47 à 51 % selon les sources et les Revue de l’Energie (numéro spécial e 50 anniversaire N° 509 – Septembre modes de calculs utilisés). 1999). A eux seuls, les transports terrestres Le présent article est un prolongement représentent plus de 75 % des des réflexions présentées dans cet article de 1999. 1/27
Différents Scénarii de Prévision de la Production Mondiale de Pétrole Gb/a 45 124 Modèle Hubbert (liq. conv.) 40 Réelle (tout liq.) 111 Réelle (liq. conv.) ASPO (tout liq.) ASPO (liq. conv.) 35 Shell 2000 97 P. R. Bauquis 1999 AIE 2002 30 83 25 69 20 55 15 42 10 28 5 14 0 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 Source : ASPO Uppsala 2002 press release - USGS mean estimates 2000 (Shell) - Auteur * Meilleure adéquation d'une courbe de Hubbert basée sur les estimations actuelles des réserves. PRB/VL Illustration n° 1 2/27
• Comment assurer une maîtrise Un peu d'histoire progressive des émissions de gaz à effet de serre, et en particulier du CO2, par le Pendant des millénaires, les hommes ont secteur des transports au cours du XXIe développé les transports reposant sur la force siècle ? musculaire animale. Ils ont en particulier amélioré simultanément les caractéristiques des chevaux et de leurs modes d'attelage au L'objet du présent article est de répondre cours des derniers 40 ou 50 siècles. essentiellement à la première de ces Dès les premiers balbutiements de la machine questions, mais cette réponse ne peut être à vapeur, le rêve de son utilisation pour les dissociée d’une analyse portant sur la transports terrestres se fit jour. Ce rêve se question des émissions de gaz à effet de concrétisa dans la première révolution des serre. transports, celle des chemins de fer à vapeur. La question de l’avenir des transports Cette longue évolution est jalonnée par la terrestres présente d’autres aspects machine de Denis Papin (1698), puis celle de importants, tel l’aménagement des espaces Cugnot (1769) suivies de celles de James urbains, le rôle des transports collectifs ou la Watt et de Murdoch (toutes deux vers 1780). question des accidents automobiles. Ces La suprématie en matière de machines à questions ne seront pas traitées dans le vapeur revint finalement aux Anglais. C'est présent article. La question des « besoins de probablement pour cela que les trains roulent transports », sous-jacente à la question des à gauche dans la majorité des pays. besoins en énergie pour les transports, est la Cependant c'est un Français, Amédée Bollée, plus délicate : le danger de la prospective est qui porta à leur apogée les essais de de tomber dans les ornières de l’utopie transposition de la traction à vapeur aux sociale ou de l’utopie technologique. véhicules automobiles. Le 9 octobre 1875, il Une multiplicité de congrès, conférences, relia Le Mans à Paris avec son "Obéissante" articles sont consacrés à la question des après avoir obtenu le premier "permis de transports du futur, et en particulier au futur de circuler sur route". Malgré ce permis, il récolta l'automobile. La plupart de ces articles ou 75 contraventions sur son chemin, que le conférences se limitent à un horizon de temps Préfet de Police, inconscient du dangereux relativement court, et peu s’intéressent à la précédent, fera "sauter" deux jours après période postérieure à 2020. Il s'en dégage l'arrivée à Paris de l'"Obéissante". actuellement un message dominant : les J'ai cité un peu longuement cette anecdote problèmes du futur des transports terrestres car elle illustre le fait que les succès ou les seraient résolus par un nouveau "couple modes d'un moment ne sont pas les ressorts magique", celui de l'hydrogène marié aux piles du long terme. Ceux-ci dépendent en fait des à combustibles (PAC). "potentiels de performances technico- Avant de tenter d'explorer si l'avenir à long économiques", concept un peu abstrait, mais terme (2020-2050) et à très long terme (2050- point de passage obligé pour qui veut 2100) devrait conduire à l'émergence s'astreindre à une prospective ne reposant dominatrice de ce nouveau couple magique, il pas uniquement sur la boule de cristal ou sur est bon de se repencher sur le passé pour les modes du moment (les versions mieux comprendre pourquoi et comment s'est politiquement correctes ou médiatiquement imposé le "couple magique" actuel des séduisantes). transports terrestres : celui des moteurs à Ainsi, si 1875 marquait à la fois l'apogée et la combustion interne et des carburants fin prochaine de l'automobile à vapeur, c'est pétroliers (essence et diesel). parce qu'un concurrent très discret venait d'apparaître. En effet, le 16 janvier 1861, Beau de Rochas déposait le brevet du 3/27
premier moteur à explosion à quatre temps. presque, ne conservant que quelques En même temps, Pierre Michaux mettait au microniches dans la vaste arborescence point le premier "vélocipède à pédales". Un évolutive des transports terrestres. philosophe des transports pourrait voir dans Durant le XIXe siècle, ingénieurs et inventeurs cette coïncidence plus qu'un hasard, les deux avaient exploré presque toutes les méthodes inventions ayant en commun de transformer possibles de propulsion automobile : les en mouvement rotatif continu des poussées véhicules à gaz comprimé (David Gordon alternatives de haut en bas ! 1825, Samuel W. Wright 1828), à air sous Dans les vingt années qui suivirent, pression (Carl Hoppe 1862) et même à l'automobile telle que nous la connaissons, ou ammoniac (Charles Tellier 1867). Le plus presque, était née. De cette période faste surprenant est que le premier brevet de émergent quelques grands noms auxquels on moteur à explosion (dû au Suisse Isaac de doit les premiers véhicules de série : Gottlieb Rivaz), datant de 1805, est relatif à un moteur Daimler et Carl Benz en 1886, Panhard et fonctionnant à l'hydrogène. Peugeot en 1891, Rudolf Diesel en 1897, Il convient également de rappeler que les Louis Renault en 1898… premiers véhicules hybrides "essence- Mais la suprématie du moteur à explosion ne électricité" furent étudiés de 1901 à 1906 par fut pas immédiatement établie. En effet, Champrobert. Ces lointains ancêtres de durant les vingt dernières années du XIXe l'actuelle Toyota Prius furent abandonnés à siècle, on allait assister à une lutte au coude à cause de leur complexité et de leur fragilité, coude entre ces premières "voitures à pétrole" mais le concept était bien le même et les voitures électriques. qu'aujourd'hui. En effet la "voiture mixte" de 6 chevaux conçue par Champrobert était dotée Il ne faut pas oublier que la première voiture à d'un moteur à essence qui maintenait en atteindre les 100 km/heure était électrique (la charge des batteries électriques, et ces "Jamais Contente" de Camille Jenatzy à batteries actionnaient une motorisation Achères, près de Paris, en 1898). Il ne faut électrique qui entraînait les roues. L'objectif pas oublier non plus qu'à la veille de perdre était déjà de permettre au moteur à explosion cette lutte, tout comme la voiture à vapeur en de fonctionner à un régime continu ou quasi 1875, la voiture électrique semblait devoir continu, afin d'en optimiser le rendement. l'emporter. Au "concours des voitures 2 places" organisé en 1898 par le tout jeune De cet immense bouillonnement intellectuel et Automobile Club de France, c'est la voiture technique des origines de l'automobile, nous électrique qui domina largement. Ceci nous garderons en mémoire quatre avancées vaudra un article à méditer du meilleur symboliques par le fait qu'elles sont, de nos chroniqueur scientifique de l'époque, H.E. jours, toujours au centre des réflexions quant Hospitalier, dans "La Nature" du 9 juillet 1898 aux énergies qui propulseront les véhicules (ancêtre de la presse écologique). Dans cet routiers dans le futur (cf. Illustration n° 2). article il est écrit qu « ’il est désormais acquis Ce rappel historique illustre en effet les que le fiacre à moteur à essence ne saurait principales réponses possibles aux questions constituer un système d'exploitation de qui se posent pour les automobiles de demain voitures publiques dans une grande ville ». Là et d'après-demain : quelles énergies, pour encore, l'événement immédiat occultait la quelles motorisations ? compréhension des tendances fondamentales. Ce journaliste sembla avoir raison durant quelques brèves années, puisqu'en 1901 une "Krieger" électrique parcourut 307 km (Paris- Châtellerault) sans recharge. Puis, tout comme les véhicules automobiles à vapeur, les véhicules électriques disparurent ou 4/27
Quels besoins d'énergies pour les transports de demain ? Une tentative de réflexion sur les véhicules de demain (2020-2050) et d'après-demain (2050- 2100) repose sur diverses approches possibles : faut-il partir des technologies, c'est-à-dire de ce que nous savons pouvoir réaliser aujourd'hui et de ce que nous pouvons espérer mettre au point demain comme solutions "économiquement acceptables" ? Faut-il partir des ressources énergétiques à notre disposition aujourd'hui et demain ? Faut-il partir des contraintes environnementales (locales comme globales ) et de leur poids toujours croissant ? En fait la prospective oblige à une approche combinant ces trois aspects fondamentaux, afin d'essayer de dégager une ou plusieurs visions plausibles. Mais auparavant, nous rappellerons ce que sont aujourd’hui les automobiles, leurs parcs actuels et leurs grandes caractéristiques d'utilisation, caractéristiques dont résultent leurs besoins énergétiques. 5/27
L ’automobile d’hier et de demain : quelques dates clés Hydrogène Charbon Electricité Biocarburants 1805 1892 1899 1903 Le premier Le premier moteur La première Le record mondial moteur à explosion Diesel fonctionnait voiture à dépasser de vitesse est obtenu fonctionnait à au charbon les 100 km/h était par une l ’hydrogène: pulvérisé électrique la Gobron-Brillié à Isaac de Rivaz Brevet de Rudolf « jamais contente » éthanol agricole (Suisse) Diesel de Camille Jenatzy (177 km/h) (Allemand) (Français) (Français) Les technologies automobiles du futur ont presque toutes une longue histoire... Illustration n° 2 Le secteur des transports en l'an 2000 Le secteur des transports Le secteur des transports dans le monde (*) en France (*) MTEP % MTEP % Transports routiers 1 500 80 40 76 Transports aériens 200 10 6 12 Transports maritimes 100 5 3 6 Transports autres 100 5 3 6 1 900 100 52 100 Consommation énergétique totale 9 300 200 Transports en % du total 20% 25% (*) Valeurs arrondies (pour des valeurs précises et détaillées, on se rapportera au World Energy Outlook 2000 de l'AIE). Illustration n° 3 6/27
L'illustration n° 3 montre que la France § Nous avons tout d'abord supposé que possède une structure des consommations les transports terrestres restent énergétiques en matière de transports dominants en matière de besoins similaire à la structure mondiale. énergétiques tout au long du XXIe siècle, représentant les trois quarts du Si l’on veut porter un regard prospectif sur le total en 2100… tout comme aujourd'hui. long terme (2050) et le très long terme Ceci reflète le maintien de l'appétit de (2100) des transports, un second élément mobilité individuelle couplé à la de "cadrage" apparaît nécessaire : c’est croissance économique des pays celui des hypothèses retenues en matière émergents ou "non OCDE". de population, de consommations énergétiques globales et de développement § Nous avons par ailleurs supposé un économique à ces mêmes horizons. Ces ralentissement des croissances des éléments sont résumés dans l’illustration consommations. Ceci résulte de trois n° 4. Pour le passé, les données sont les phénomènes étroitement liés : le statistiques AIE ou OCDE arrondies aux progrès technique, l'intervention chiffres significatifs ; pour le futur, ce sont supposée croissante des législateurs et celles de l'auteur. Ces données de cadrage des régulateurs dans les performances font ressortir deux grands phénomènes qui et les utilisations des véhicules, et devraient marquer le XXIe siècle : l'accroissement des coûts des carburants pétroliers lié au déclin de la § Le très fort ralentissement de la production pétrolière mondiale à partir croissance démographique mondiale. de 2020 environ (ou 2030-2040 si de Certains auteurs prévoient même une fortes hausses de prix préalables au pic décroissance de la population mondiale de la production pétrolière mondiale après 2050. venaient à repousser et à étaler ce pic). § Le relatif ralentissement de la Nous allons, dans le prochain paragraphe, croissance économique mais surtout la essayer de montrer que les chiffres retenus "dématérialisation" de celle-ci et la forte sont compatibles avec certaines hypothèses baisse de son "énergivoracité", c’est-à- d’évolution des parcs automobiles (VP – dire du montant des quantités voitures particulières – et VU – véhicules d’énergies consommées par quantités utilitaires) mondiaux et des consommations de richesses ou d’unités de PNB unitaires, prévues en forte diminution. mondial. § Rappelons enfin que notre vision du On pourrait naturellement discuter à l'infini long terme des productions pétrolières ces grandes hypothèses et balayer de (voir illustration n° 1) est celle d'un multiples scénarios, mais au prix d'un début de déclin vers 2020, ou plutôt paysage obscurci ou même illisible en ce lorsque productions cumulées auront qui concerne l'avenir du secteur des atteint 1500 Gbbl (contre 800 milliards transports. L'avantage d'une vision centrale de barils cumulés en 2000). Dans une simpliste mais unique, aussi discutable soit- telle vision, la question centrale sera elle – à condition de n'être pas absurde – celle des sources d'énergies capables est de pouvoir être utilisée pour tenter d'assurer les 3.4 Gtep en 2050 et les d'analyser le futur. Ce cadrage de la quelques 4 Gtep vers 2100 nécessaires démographie, de l'énergie et de l'économie aux besoins du secteur des transports, aux horizons 2050 et 2100 permet d'établir tels que nous les avons imaginés à ces une vision globale des besoins énergétiques horizons (voir illustration n° 5). du secteur des transports, résumée dans l'illustration n° 5 : 7/27
Démographie, Economie et Energie: 1960 2100 1960 1980 2000 2020 2050 2100 § Population Mondiale Ghab 3.0 4.5 6.0 7.5 8.0 10.0 12 § PIB Mondial (Base PPA) 10 $ 8.0 20 35 70 150 300 1990 § Consommation d’énergies 3.8 6.4 9.5 14.0 18.0 23.0 commerciales (Gtep) § PNB/Tête (en $/90) 2670 4.440 5830 9.330 18.750 30 000 § Energie/Tête (en Tep/hab) 1.3 1.4 1.6 1.9 2.3 2.3 Nombre de TEP consommées 0.47 0.32 0.27 0.20 0.12 0.08 par 1000 $ 1990 de PIB mondial Nombre de $ 1990 de PIB mondial pour chaque Tep 2100 3125 3680 5.000 8330 10.000 consommée. Passé: Statistiques « valeurs arrondies » Futur: Estimations de l ’auteur Illustration n° 4 Les consommations énergétiques du secteur des transports 1980 2100 Consommations mondiales 1980 2000 2020 2050 2100 en milliards de Tep Transports terrestres 0.9 1.5 2.5 2.0 2.5 3.0 Transports aériens 0.1 0.2 0.5 0.4 0.5 0.6 Transports maritimes 0.1 0.1 0.1 0.2 0.2 0.3 Transports autres 0.1 0.1 0.1 0.1 0.2 0.2 TOTAL 1.2 1.9 3.2 2.7 3.4 4.1 Sources : AIE Auteur Illustration n° 5 8/27
L’hypothèse économique sous-jacente est quadruplement du prix du brut (passage celle d’un important changement du niveau d’une époque 1998-2003 à 25$/bbl à une des prix de l’ensemble des énergies, lié à la époque 2015-2025 à 100$/bbl en dollars question du pic, puis du déclin de la constants 2000). production pétrolière mondiale. Le pétrole joue en effet depuis plus de cinquante ans le rôle de prix directeur de l’ensemble des La façon dont ce second choc pourrait énergies, et son prix a été multiplié en gros survenir n’a pas grande importance. Pour par quatre en termes réels depuis les prendre une image géologique, on pourrait années 1970, du fait des chocs pétroliers de dire que nous sommes en face d’un 1973 à 1979, malgré le ou les contre-chocs problème de tectonique : les évolutions à (prix 1998-2003 de 25$ par baril comparés à venir doivent faire cesser l’accumulation des ceux de 1968-1972 de 6$ par baril en contraintes. En tectonique, ceci peut se faire monnaie réelle, c’est-à-dire en dollars par un décrochement brutal d’une faille constants de l’année 2000). Cette première majeure ou par le jeu de failles multiples de et forte hausse en termes réels a cassé le faibles rejets individuels. De même le rythme de la croissance de la demande rééquilibrage de l’ensemble du système pétrolière (en gros de 6 % par an entre 1950 énergétique mondial peut se faire par un et 1973 à 1,5 % par an depuis : voir événement brutal sur le prix du pétrole brut illustration n° 1). Un second choc sera comme en 1973 (même si celui-ci fut suivi nécessaire, quelque part entre aujourd’hui de diverses secousses secondaires), ou par et 2020, amenant à s’adapter à l’arrêt de une série d’ajustements successifs. toute croissance de la production d’hydrocarbures liquides naturels. Ce choc aura plusieurs conséquences : Une fois ce rééquilibrage réalisé, on peut s’interroger quant au relais du rôle joué par 1. Il permettra de développer à grande le pétrole en matière de prix directeur de échelle les économies de consommation l’ensemble des autres énergies. Nous d’énergies sous toutes leurs formes. pensons que ce sera le pétrole qui jouera ce 2. Il permettra de développer au maximum rôle, pendant longtemps encore, mais lui- de leur potentiel les énergies même verra son prix très fortement lié aux renouvelables. coûts des diverses formes d’hydrocarbures 3. il permettra une forte réduction des liquides de synthèse, qui joueront donc dans consommations unitaire des automobiles le système un rôle de « prix directeurs 4. il stimulera la production à grande invisibles ». échelle d’hydrocarbures liquides de synthèse. 5. il stimulera la production d’hydrogène à Dans ce nouveau contexte, une régulation des coûts compétitifs à partir du politique des prix (par l’OPEC ou d’autres nucléaire ou des énergies renouvelables, acteurs) ne sera plus nécessaire. 6. Et il stimulera enfin un redémarrage à grande échelle de l’énergie nucléaire au plan mondial, avec de nouvelles filières Cette nouvelle situation ne sera pas (voir génération IV à partir de 2020 dépourvue de risques. Par exemple, en ce environ. qui concerne les biocarburants, les nouveaux niveaux de prix des énergies risquent de rendre la « concurrence pour les L’ampleur du choc nécessaire telle terres arables et pour l’eau » impitoyable, qu’estimée par l’auteur est du même ordre acculant certaines régions à sacrifier leurs d’importance que celle du choc des années productions de ressources vivrières. De 1970, c’est-à-dire de l’ordre d’un nouveau même, cette évolution des prix engendrera 9/27
des tentations de « fuite en avant » en matière de biotechnologies, OGM ou autre, pour accroître les rendements des productions de biomasses à finalité énergétique. 10/27
Energie et Transports 2000 2100 Energie Monde (en Gtep) 2000 2020 2050 2100 Dont : Pétrole 3.7 5.0 3.5 1.5 Gaz 2.1 4.0 4.5 2.0 Charbon 2.2 3.0 4.5 4.5 Nucléaire 0.6 1.0 4.0 12.0 Renouvelables 0.7 1.0 1.5 3.0 Consommation totale d'énergie 9.5 14.0 18.0 23.0 (Gtep) Dont : Energies consommées pour les transports - Gtep 1.9 2.7 3.4 4.1 Pourcentage des consommations énergétiques assurant les 20% 19% 19% 18% besoins des transports Source : Passé : Statistiques AIE arroundies - Futur : Estimations de l'auteur Illustration n° 6 Nota : la quasi constance et même le léger déclin de la part de l’énergie mondiale consommée par le secteur des transports (20 % en 2000 versus 18 % en 2100) est contraire à certaines prévisions qui voient la part des transports augmenter fortement (jusqu’à 50 % et plus !). 11/27
Le parc automobile mondial 2000 2100 Parc automobile mondial 2000 2020 2050 2100 (milliers de véhicules) VP 500 900 1 200 2 000 VU 350 400 500 700 TOTAL 850 1 300 1 700 2 700 VP part OCDE 75% 66% 50% 33% VU part OCDE 50% 45% 40% 30% Source pour les prévisions : auteur Illustration n° 7 * Dans ce tableau on suppose la « géographie » de l’OCDE figée dans sa configuration en l’an 2000. Ce tableau n’est pas le résultat d’une étude (qui devrait incorporer l’évolution des modes de transports collectifs, de l’urbanisation, des kilométrages annuels parcourus, etc.). Il n’est qu’une estimation fournie pour permettre de vérifier une cohérence d’ensemble des chiffres avancés par l’auteur en matière de consommations d’énergies du secteur des transports. 12/27
Bilans énergétiques des transports routiers: valeurs des consommations relatives 2000 2050 2050 VP+VU à 2050 VP+VU à 2000 puissances puissances VP+VU moyennes moyennes inchangées abaissées de 50% (*) 1 2 3 Consommation unitaire moyenne Base 100 75 50 Pétrole Autres Pétrole Autres Pétrole Autres 98 2 50 25 30 20 GNV 1.0 GNV 3 GNV 2.5 Electricité 0.5 Electricité 20 Electricité 15 Biomasse 0.5 Biomasse 2 Biomasse 2.5 (*) L ’écart moyen actuel des puissances entre les versions les plus motorisées et les moins motorisés des mêmes modèles est de l ’ordre de 100%. Ces écarts se traduisent par des différences entre les moyennes de consommations de l’ordre de 30%. Illustration n° 8 Ecarts de puissance pour un même modèle automobile (Août 2002) Modèle le Modèle le moins puissant plus puissant Renault Clio 60 CV 172 CV Vel Satis 165 CV 245 CV PSA Peugeot 206 60 CV 137 CV Peugeot 307 75 CV 138 CV Peugeot 607 160 CV 210 CV Citroën Citroën C3 60 CV 110 CV Citroën Xsara 75 CV 167 CV Citroën C5 117 CV 210 CV Ford Fiesta 68 CV 100 CV Focus 75 CV 170 CV Volkswagen Polo 55 CV 100 CV PPolo Lupo 60 CV 125 CV Golf 75 CV 204 CV Honda Civic 90 CV 200 CV Fiat Punto 90 CV 130 CV Toyota Corolla 97 CV 192 CV Un écart moyen de puissances du simple au double pour les mêmes modèles. Des écarts de consommation de l ’ordre de 30%. Illustration n° 9 13/27
Quelles sources d’énergies pour les hydrocarbures naturels pourraient encore transports en 2050 et 2100 ? fournir 1 Gtep d’énergie au secteur des transports à l’horizon 2100. Déjà en 2050, Les contraintes physiques sur les un "déficit" de 1 Gtep pour le secteur des ressources en hydrocarbures liquides et transports serait donc à combler par gazeux et les contraintes d'émissions de d'autres sources d'énergies, sachant que gaz à effet de serre, tant pour les nous avons déjà intégré dans nos prévisions hydrocarbures que pour le charbon, un fort impact du progrès technique et des paraissent conduire à une forte réduction du législations visant aux réductions des rôle relatif des énergies fossiles au plan consommations des véhicules. Cet impact mondial au cours du XXIe siècle. représente dans nos hypothèses une L'illustration n° 6 résume ce second diminution de 50 % des consommations "cadrage" dans lequel doit s'inscrire notre unitaires moyennes sur les parcs VP + VU réflexion sur la problématique à long terme entre 2000 et 2050. (voir illlustrations n° 7, 8 de la satisfaction en énergie des besoins de et 9). transports. Le problème est donc, en gros, de savoir Une question s’impose lorsque l'on quelles énergies pourraient fournir au considère la fin du XXIe siècle : la production secteur des transports les 1 Gtep pétrolière mondiale serait, selon nous, de manquants en 2050 et les 3 Gtep l'ordre de 1,5 Gtep par an à l’horizon 2100, manquants en 2100 que les productions alors que les seuls transports nécessiteront d'hydrocarbures liquides naturels ne environ 4 Gtep d'énergie. Il ne peut donc pourraient pas satisfaire. être question d'une simple continuité des Il existe deux types possibles de réponses à sources d'énergies actuelles, avec en cette question, qui d’ailleurs pourraient se particulier l’ensemble du secteur des combiner. transports reposant à plus de 95 % sur le pétrole. Il n'y a aucun problème à extrapoler La première réponse possible est la jusqu'en 2020 les modes de transports production d'hydrocarbures de synthèse (ou actuels et les consommations d'énergies qui composés chimiques carburants équivalents leur sont liées. Mais dès avant 2050 on voit : alcools, esters, etc..) pour suppléer les se dessiner un basculement : à cette date, déficits. La seconde réponse possible est on disposerait d'une production pétrolière l'introduction massive de nouvelles sources mondiale de 3.5 Gtep (du même ordre de ou vecteurs d'énergie dans le secteur des grandeur que la production actuelle) alors transports, l'hydrogène et l'électricité faisant que les seuls transports en demanderaient a priori figure de favoris … Rappelons que presque autant. Il est clair que le pétrole ne leur utilisation dans le domaine des peut être réservé à 100 % de sa production transports terrestres a été envisagée (pour aux seuls transports : Du fait de sa valeur l'hydrogène) ou mise en œuvre (pour économique en tant que matière première l'électricité) depuis plus d'un siècle (voir (pétrochimie, solvants, cires et paraffines, illustration n° 2). bitumes, etc..), ou en tant que source d’énergie calorifique pour les consommateurs isolés (usines, plantations, habitations, etc…) le secteur des transports ne devrait pouvoir compter au mieux que sur environ 60 % de la production totale à l'horizon 2050, soient quelques 2.5 Gtep et un pourcentage logiquement moindre au delà. Nous supposerons, ce qui est probablement optimiste, que les 14/27
§ Les hydrocarbures de synthèse profonds, dessalement à grande échelle, etc.). Ceux-ci se rangent en trois familles, dont deux ont déjà une longue histoire : ceux Rappelons que le rendement net des produits à partir de biomasse (éthanol, biocarburants est au mieux de l’ordre de méthanol, huiles végétales, EMC, ETBE, 1 tep/ha/an, qu’il s’agisse des filières alcools etc..) et ceux produits à partir d'autres ou des filières oléagineux… et énergies fossiles, filières GTL (gas to probablement du même ordre demain pour liquids) ou CTL (coal to liquids), variantes du les futures filières ligno-cellulosiques. La procédé Fischer Tropsch ou par « concurrence pour la terre » limitera donc l’hydrogénation directe (variantes du le développement des biocarburants à procédé Bergius). Ces deux premières environ 10 % de nos besoins sur 2050 – familles de procédés sont bien connues et 2100, utilisant quelques 15 % des terres leur potentiel régulièrement réévalué. arables ou forestières. Même une Cependant, tant les carburants ex-biomasse "révolution OGM" ne semble pas pouvoir que ceux obtenus par synthèse Fischer faire sauter ces verrous limitatifs, permettant Tropsch semblent devoir connaître des seulement d'en reculer les niveaux et donc limitations quant à leur potentiel quantitatif. les dates d'apparition. Compte tenu des ordres de grandeur en Pour les carburants ex-synthèse Fischer cause, ces hydrocarbures synthétiques que Tropsch, les limitations sont aussi nous savons déjà produire nous économiques, mais liées au coût futur, permettraient peut-être de résoudre la logiquement croissant, d’une part des question posée jusque vers 2050, mais très émissions de CO2, et d’autre part des coûts probablement pas à un horizon plus lointain. également croissants de leurs matières En revanche, nous n’évoquerons pas les premières (gaz ou charbon). Ces procédés recherches portant sur des filières de sont, en effet, et resteront "énergivoraces". production d’hydrocarbures liquides Cette contrainte ne sera peut-être pas synthétiques par des voies plus exotiques, encore majeure en 2020 mais le deviendra dont les probabilités de succès au plan au-delà, bien avant 2050, date économique restent actuellement très approximative à laquelle, par contrainte sur faibles (polymérisation ou «homologation » les ressources, il faudrait passer du GTL au du méthane, bioprocédés à partir de CTL. Le recours massif au GTL ou au CTL cultures de divers unicellulaires ou autres). pour produire des carburants de synthèse Nous n’évoquerons qu’une seule filière supposerait que nous ayons su résoudre à « exotique » car elle nous semble avoir un un coût raisonnable la question de la réel potentiel : celle de la production séquestration du CO2 émis dans les usines d’hydrocarbures à partir d’hydrogène produit de production de ces carburants. soit à partir d’énergies renouvelables, soit plus probablement à partir d’énergie Nous avions dit qu'il y avait trois familles nucléaire. C’est ce que l’on pourrait appeler possibles d'hydrocarbures de synthèse, en la « carbonisation de l’hydrogène ». ayant seulement évoqué la troisième, qu’on pourrait appeler « l'hydrogène carboné ». Il Les limitations sont de nature différente pour s’agirait de produire de l'hydrogène à partir les biocarburants et pour les carburants d'énergies renouvelables ou nucléaires, et Fischer Tropsch. Pour les biocarburants, de le "carboner" à la source afin d'éviter c'est une question de coût croissant avec toute la coûteuse logistique du transport les besoins d’une part, et d’autre part, de massif de l'hydrogène, de sa distribution et besoins croissants en terres arables et en de son stockage à bord des véhicules. eau (cette dernière étant elle-même produite à l'avenir avec un contenu énergétique croissant : pompages de plus en plus Ce concept de la "carbonisation de l’hydrogène" ne semble pas avoir été 15/27
réellement exploré au cours du dernier demi-siècle, mais il est théoriquement séduisant. On peut mettre en œuvre ce concept par une voie analogue au Fischer Tropsch : on produirait de l’oxyde de carbone (par oxydation partielle de charbon ou de biomasses), qu’on combinerait avec de l’hydrogène très probablement d’origine « nucléaire ». On peut penser qu’il existera des mises en œuvre plus efficaces au plan économique, par hydrogénation directe de substances carbonées (successeurs des procédés Bergius développés en Allemagne en parallèle du procédé Fischer Tropsch dans le contexte de préparation à la seconde guerre mondiale). Naturellement, l’idéal serait de pouvoir utiliser du CO2 comme source de carbone, combinant alors séquestration du CO2 et carbonisation de l’hydrogène. Au total si les carburants de synthèse "classiques" ou nouveaux, comme l’hydrogène carboné, venaient à buter sur des limitations technico-économiques, il nous reste à évoquer les grands challengers possibles que sont l'hydrogène d'une part et l'électricité d'autre part. 16/27
§ L'hydrogène transports est la raréfaction des hydrocarbures et l'accroissement corrélatif Une vaste littérature nous rappelle depuis de leur coût, cette méthode d'obtention ne 1875 (Jules Vernes, l’Île mystérieuse) que peut donc apporter une réponse durable au l'hydrogène est le carburant de demain, car problème posé. De même le recours au il est inépuisable et idéalement propre charbon pour produire massivement de puisque sa combustion ne produit que de l’hydrogène sera en fait limité par les coûts l'eau. qui seront liés à l’émission du CO2 ou à sa Combien d'articles, de livres, de séminaires ségrégation. sur ce thème : un article des années 1930 Restent les autres méthodes possibles de mettait les Français en garde contre la production d’hydrogène. Si théoriquement la future armée allemande qui serait dotée de production d’hydrogène par des procédés camions à hydrogène ! Les publicités biologiques (bactéries, algues) est possible, actuelles de certains groupes industriels de on est actuellement loin de disposer de premier plan n'hésitent pas à affirmer un procédés potentiellement économiques. avenir radieux au plus léger des atomes L’écart actuel varie d’un facteur 100 à 1000 dans le secteur des transports. selon les études ou les procédés envisagés. Une première constatation s'impose lorsque En revanche, la production d’hydrogène par l'on parcourt la littérature relative à électrolyse (comme au début du XX e siècle) l'hydrogène : la relative discrétion quant à sa ou par la décomposition thermique de l'eau production, qui est le vrai problème, au profit via des cycles thermochimiques plus ou de longs développements sur son stockage moins complexes, est moins éloignée du et son utilisation dans les moteurs, turbines, seuil économique. ou piles à combustibles. Ces Ainsi, en Europe ou aux USA actuellement, développements soulignent le caractère avec du courant électrique à 20 ou propre des véhicules à hydrogène, 25 €/MWH, le coût de l’hydrogène obtenu à n’émettant localement que de l’eau, mais grande échelle par électrolyse serait de négligeant généralement les aspects deux à trois fois celui de la production économiques et les émissions de CO 2, en d’hydrogène par reformage ou oxydation amont des cycles hydrogène. partielle. Si on envisageait un recours L'hydrogène n'est pas en effet une source massif aux voies électrolyse ou cycles d'énergie mais un vecteur énergétique, et thermochimiques, cela revient à dire que, pour le produire, il faut d'abord utiliser pour produire massivement de l'hydrogène, d'autres énergies. Après avoir été produit il nous faudra disposer massivement par électrolyse au début du siècle, d'électricité ou de calories bon marché non l'hydrogène est actuellement produit à 98 % émettrices de CO 2. Sauf percées à partir d'hydrocarbures ou de charbon, inattendues du côté des énergies avec un coût de production allant de deux à renouvelables, c'est donc le nucléaire qui cinq fois celui des hydrocarbures utilisés devrait fournir l'hydrogène nécessaire à long pour le produire. Ce rapport est de l'ordre de terme pour assurer les transports de demain deux lorsqu'on part d'hydrocarbures "chers" (de même que l'hydrogène qui serait – reformage de gaz naturel ou de naphta en éventuellement utilisé directement comme Europe par exemple – et de l'ordre de cinq vecteur énergétique). lorsqu'on part d'hydrocarbures "bon marché" Supposons ce problème clef de la – gaz naturel dans un pays producteur production de l'hydrogène résolu. Il convient exportateur ou résidu lourd de raffinerie alors de s’interroger si cet hydrogène alimentant une unité d’oxydation partielle constitue un bon ou un mauvais vecteur (Pox) en Europe ou aux USA –. Ceci est énergétique pour assurer la fonction illustré par les schémas 10 et 11. Si la transports. Voici notre réponse. Dans notre raison pour recourir à l'hydrogène dans les 17/27
hypothèse économique – quadruplement du massivement à terre autrement que sous prix des hydrocarbures – l’hydrogène pression dans des canalisations. nucléaire devient compétitif. Mais pour Par ailleurs la mise à bord et le stockage de produire l’hydrogène à partir du nucléaire, il l’hydrogène dans un véhicule coûtent de faudra développer des réacteurs adaptés à l’ordre de cent fois plus cher que ceux d’un cette fonction : probablement des réacteurs carburant classique, essence, gas-oil ou HTR ou autres filières étudiées dans le kérosène. Et ceci très probablement restera cadre de la génération IV, combinant bons vrai quels que soient les modes de stockage rendements énergétiques et utilisation retenus pour l'hydrogène : réservoirs à très efficace des combustibles fissile. haute pression (400 bars ou même 800 Cependant l'hydrogène est et restera un très bars), hydrogène liquide cryogénique (à – mauvais vecteur énergétique en matière de 253°C), hydrogène chimiquement combiné transports terrestres. Il pourrait par contre (hydrures) ou adsorbé (nanotubes de être intéressant en matière de transports carbone par exemple). Dans tous les cas, aériens : cette question sera évoquée plus sauf celui de l’hydrogène liquéfié loin. Ces deux affirmations reposent sur une cryogénique, la difficulté technico- analyse des fondamentaux technico- économique est liée à la faible masse économiques de l'hydrogène, dont la d’hydrogène stocké par rapport à la masse caractéristique principale est de présenter du réservoir nécessaire. Par exemple dans une très bonne compacité énergétique par le cas de l'hydrogène sous pression, la unité de masse, mais une très médiocre masse de l'hydrogène stocké dans celui-ci compacité énergétique par unité de volume, n'est que de l'ordre de 2 ou 3 % de la masse quelle que soit la forme sous laquelle on du réservoir dans le cas de réservoirs assurerait son transport et son stockage. métalliques, bien qu’elle puisse atteindre la dizaine de pourcents dans le cas de Pour illustrer la médiocrité de la compacité réservoirs composites à 350 ou 700 bars. énergétique volumique de l'hydrogène, seule déterminante pour les transports De même, dans le cas des hydrures, il ne terrestres, quelques chiffres suffisent. Le semble pas que la masse d’hydrogène transport de l'hydrogène par canalisation utilisable puisse dépasser en pratique 2 % à coûte et coûtera à l'avenir environ deux fois 3 % de la masse constituée par le réservoir plus cher que celui du gaz naturel, qui lui- avec ses hydrures. même coûte environ cinq fois plus cher en Sa bonne efficacité énergétique exprimée termes de logistique que celui des en termes de contenu énergétique par unité hydrocarbures liquides. Il s'agit là de de masse se voit en fait totalement caractéristiques intrinsèques et la neutralisée par le fait que l’hydrogène non thermodynamique ne se modifie pas par le liquéfié nécessite un contenant, quelle qu’en progrès technique. On peut donc dire dès soit la forme, dont la masse est de l’ordre de aujourd'hui qu'en 2050 comme en 2100 une vingt fois celle de l’hydrogène contenu (voir logistique hydrogène par canalisations, illustration n° 12) massives ou capillaires, coûtera environ dix fois plus cher par unité d'énergie transportée En ce qui concerne la solution de qu'une logistique d'hydrocarbures liquides. l’hydrogène liquéfié cryogénique, les Ce facteur dix est d’ailleurs un minimum limitations sont plus liées au volume du calculé à partir des seules capacités réservoir qu’à sa masse. Elles sont énergétiques des canalisations de également liées au nécessaire «boil off » transports en oubliant tous les autres (évaporation du liquide cryogénique facteurs de "surcoûts" liés à la logistique nécessaire pour produire les frigories hydrogène : problèmes spécifiques de permettant de la maintenir à température sécurité et difficulté de le transporter constante) et à l’importante consommation d’énergie nécessaire à la liquéfaction de 18/27
l’hydrogène (de l’ordre de 25 à 30 % de la victoire à long terme de l’hydrogène, même charge). à l’intérieur de ces niches d’utilisation. Une émission d’hydrogène, même faible, Par contre, en ce qui concerne les n’est évidemment pas tolérable pour des transports aériens, l'hydrogène pourrait un voitures particulières, qui doivent pouvoir jour bénéficier de son atout de fort contenu être laissées dans des garages ou parkings énergétique massique : quasi-sans intérêt à pour des durées indéterminées. terre, cette caractéristique pourrait devenir intéressante pour le transport aérien à très L'annonce, par un constructeur automobile, long terme, disons après 2050. Cette idée au Congrès Mondial du Pétrole de Rio de n'est pas neuve et a déjà donné lieu à Janeiro en septembre 2002, de la mise au nombre de projets et même d'essais point d'un réservoir cryogénique embarqué (Bombardier B57 modifié en 1957, Tupolev sur automobile avec "zéro boil off" 154 modifié rebaptisé 155 en 1988, etc..). constituerait une percée majeure. On conçoit cependant mal sur quels principes Pour des avions, le problème de physiques un « zéro boil off » véritable l'encombrement volumique demanderait de pourrait reposer. consacrer 20 ou 30 % du volume du fuselage aux réservoirs d'hydrogène Au total, l’hydrogène apparaît donc bien cryogénique, ce qui ne devrait pas comme un très médiocre vecteur constituer un handicap insurmontable. énergétique en terme de coûts, aux trois stades essentiels de sa mise en œuvre : sa En fait, la question de l’utilisation éventuelle production, sa logistique tant massive que de l’hydrogène (sous sa seule version capillaire, et son stockage à bord des liquéfiée par cryogénie) dans l’aviation véhicules. mériterait une étude spécifique : nous avons vu que la question du «boil off » excluait La bonne efficacité énergétique de son une pénétration massive de l’hydrogène utilisation dans des piles à combustibles, liquéfié dans les transports terrestres, alors même si celles-ci étaient bon marché, ne que ce n’est pas un obstacle majeur pour semble pas pouvoir compenser ces les transports aériens par gros porteurs. Par handicaps économiques majeurs. Le fait ailleurs, le gain de poids a une grande qu’il puisse exister dans le monde des valeur économique pour les transports situations exceptionnelles (le cas de aériens mais pas pour les transports l’Islande) où les circonstances locales terrestres. Au total, un bilan H2 liquéfié pourraient justifier au plan économique le versus carburants de synthèse reste à faire recours au vecteur hydrogène ne permettent pour l’aviation, mais l’hydrogène devrait y pas d’infirmer ces conclusions. montrer des avantages nettement plus Il résulte de ces caractéristiques technico- marqués pour l’aviation que pour les économiques que l'hydrogène mis à bord transports terrestres. Ceci n’exclut des véhicules a fort peu de chances de cependant pas que d’autres facteurs, s'imposer en matière de transports comme l’émission d’oxydes d’azote par les terrestres et devrait rester cantonné à turbines à hydrogène, pourraient venir quelques niches restreintes (par exemple entraver le développement pratique de ce flottes urbaines de transports en commun à concept. hydrogène liquide ou à haute pression). Ces niches seraient en gros les mêmes que celles des véhicules "tout électrique" à accumulateurs. Malgré la quarantaine de « stations service » à hydrogène en activité ou en projet fermes existant actuellement (2003), rien ne permet de présager la 19/27
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