L'histoire de la musique hongroise - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST

 
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L'histoire de la musique hongroise - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST
MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST

                                                                                                                          No 1/2001

          L’histoire de la musique hongroise
                                                                                           tique, du mode d’interprétation et de
Grâce à la richesse de ses programmes musicaux, à l’excellence de                          l’extension géographique des chansons
ses artistes de réputation mondiale, la Hongrie a, dans ce domaine,                        qui y appartiennent. On range donc dans
accédé à un rang nettement supérieur à ses proportions parmi tant                          cette    catégorie     les    complaintes
de pays pouvant se prévaloir de longues traditions musicales. Cette                        antérieures à la conquête du pays (896),
petite nation a en effet mérité d’être qualifiée de «grande puis-                          les musettes et les danses de porchers d’o-
sance» en la matière. Compte tenu de son histoire orageuse, émail-                         rigine médiévale, ainsi que les airs
                                                                                           majeurs et mineurs du XVIIIe siècle.
lée d’épisodes tragiques ayant également influé sur l’évolution de sa
                                                                                               Sur la musique des siècles antérieurs à
vie musicale, il ne lui était pas aisé d’y parvenir. Cependant, l’ab-                      la fondation de l’Etat hongrois en l’an
sence de conditions propices à son développement permanent ne                              1000, nous ne disposons pratiquement
pouvait entraver que momentanément la voie du progrès : les musi-                          pas d’informations. Nous ne pouvons
ciens doués ont de tout temps réussi à surmonter les difficultés et à                      que soupçonner comment étaient les
faire participer le pays à l’activité musicale de l’Europe.                                chants rituels récités par les chamans ou
                                                                                           les épopées perpétuant la mémoire des
                                                                                           ancêtres. Les mélopées funéraires nous

D
        ans les incessantes tempêtes de       coupole, une forme close, de longues         ramènent aux temps précédant la con-
        l’histoire hongroise, les docu-       séries mélodiques et une grande étendue,     quête : les complaintes pentatoniques
        ments relatifs aux débuts de la       diffère fondamentalement du précédent        proviennent de Transylvanie et les dia-
musique nationale (notes, instruments)        «style ancien». En effet, ce dernier pos-    toniques sont répandues sur tout le terri-
furent pour la plupart détruits. Ainsi les    sède une ligne mélodique descendante,        toire hongrois. A l’origine, ces airs ne ser-
musicologues intéressés par cette époque      indépendamment de la date, de la théma-      vaient pas uniquement à pleurer les
lointaine doivent-ils s’appuyer sur des
sources de seconde main ou les résultats
d’autres disciplines (archéologie, linguis-
tique, etc.). Comme en Hongrie la
musique savante évolue dès sa naissance
en étroite symbiose avec la musique
folkorique, seule l’étude de cette dernière
permet de remonter aux origines perdues
dans la nuit des temps. C’est que la
musique folklorique a su préserver au fil
des siècles l’essence ou du moins le style
des airs anciens. La ligne mélodique, l’é-
tendue, les syllabes, l’agrément et le
mode d’interprétation des chansons popu-
laires conservées jusqu’à nos jours
trahissent assez bien leur époque his-
torique et, malgré les légères modifica-
tions survenues au cours des siècles, les
variantes d’aujourd’hui ont les mêmes
caractéristiques, bien reconnaissables,
que les originaux.
    Le «nouveau style» né à la charnière
du XIXe et du XXe siècle, qui se carac-
térise par une structure ascendante à         Missel avec notes de musique (XIVe siècle)
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morts, mais ils étaient également associés en présence et avec le concours du peu- la musique lyrique la plus perfectionnée
à différents textes rituels ou épiques. ple jette les bases d’une même culture de l’âge de la chevalerie s’y enracina
Ainsi les chants dits héroïques, relatant la musicale partout dans le pays.          également.
vie, les faits glorieux et la mort des héros,     Moins nombreux sont les monu-          Les        grands           changements
devaient être récités sous une forme simi- ments de la musique laïque ayant sub- économiques et sociaux du bas moyen
laire.                                        sisté de cette époque. En l’absence de âge influent également sur l’évolution de
     Dans la deuxième moitié du Xe siè- notes d’origine, nous en sommes réduits la vie musicale. A côté des anciens centres
cle, les Hongrois s’intégrèrent dans la à l’utilisation de sources littéraires et ecclésiastiques, de nouvelles cités se met-
riche trame culturelle de l’Europe. Pour folkloriques. Les noms de personnes et tent à prospérer et la culture jouit d’un
nos ancêtres, le principal défi consistait de lieux figurant dans nos documents prestige croissant. La tradition antérieure
à assimiler les nouvelles valeurs et à médiévaux se réfèrent souvent à des de la musique grégorienne subsiste, mais
atteindre un niveau culturel plus élevé, instruments de musique et à des instru- le besoin de chanter en plusieurs parties
tout en conservant leurs propres spéci- mentistes (Sípos, Dobos, Igricfalva, se fait de plus en plus sentir. Au début, les
ficités et sans renoncer à leur identité. R e g t e l e k ,                          airs grégoriens sont interprétés à deux
Du point de vue de l’évolution de la                                                 voix, puis étoffés de courts textes poé-
musique hongroise, l’adoption, la propa-                                                     tiques. Cette pratique existe dès
gation et le renforcement du                                                                     les     XIIIe-XIVe        siècles.
christianisme eurent un                                                                              L’enrichissement des airs
rôle de toute première                                                                                autonomes de deux à
importance : c’est grâce à ce                                                                           trois autres parties
courant spirituel que s’y                                                                                cadencées aboutit à
enracinèrent les chants gré-                                                                              une         polyphonie
goriens, sommet de l’art                                                                                   encore plus raffinée.
suprême contemporain à                                                                                      Aux cours royales et
une partie. L’autre facteur                                                                                pontificales, on peut
essentiel à mentionner est                                                                                 entendre alors des
l’école médiévale qui a                                                                                    oeuvres composées
imposé le respect de la                                                                                    dans le style le plus
«musica» dans toute la                                                                                     moderne des motets
sphère culturelle. Dans le                                                                                  hollandais.
cadre des cours dispensés                                                                                        M a t h i a s
quotidiennement, les élèves                                                                                 Hunyadi         (1458-
devaient retenir des cen-                                                                                  1490) fut l’un des
taines de chants religieux et,                                                                            souverains les plus
à travers ceux-ci, l’écriture,                                                                           riches et les plus cul-
la lecture des notes et aussi la                                                                        tivés d’Europe dans la
théorie musicale. A cet                                                                                seconde moitié du XVe
égard, le système                                                                                            siècle. Le choeur de
scolaire instauré à                                                                                          sa chapelle royale se
l’échelle nationale                                                                                          composait de 40
est       homogène.                                                                                         musiciens et –
Qu’ils fréquentent                                                                                          comme le rapporte
les classes gérées                                                                                          le chef de la chorale
par les cathédrales                                                                                         papale en visite à
ou les plus petits                                                                                         Buda – il soutenait la
villages, les élèves                                                                                       comparaison, quant
étudient pour l’essen- Sebestyén Stulhoff a terminé en 1770 la construction de l’orgue de l’Abbaye       à son effectif et à son
tiel le même pro- bénédictine de Tihany                                                                  niveau,       avec     les
gramme liturgique et musical. C’est etc.), ce qui indique l’extension de la ensembles de la Cour pontificale ou de la
ainsi que se forme une variante typique- musique de fête et de divertissement. Cour de Bourgogne. A la Cour de
ment hongroise de la musique grégo- Les souverains de Hongrie accueillent Mathias, on jouait aussi de la musique de
rienne. Un nombre croissant de livres volontiers des musiciens étrangers à leur chambre, dont les partitions n’ont mal-
de choeurs et de manuscrits illustrés cour. Plus d’un trouvère ou heureusement pas été conservées. Les
adoptent une écriture musicale spéciale- Minnesänger de renom séjourna dans les compositeurs et les interprètes devaient
ment hongroise. Nous pouvons palais des rois de Hongrie. Gaucelm être probablement des artistes étrangers,
affirmer avec certitude que, dans la Faidit et Peire Vidal arrivèrent vers 1198 en premier lieu italiens et flamands. C’est
Hongrie médiévale, la connaissance de à la Cour d’Emeric (1196-1204) avec la que le roi, soucieux de maintenir un
la musique fait partie de la culture suite de sa jeune épouse d’Aragon. niveau élevé, engagea de nombreux musi-
générale et que, en dépit d’une scolarité Oswald von Wolkenstein (1377-1445) ciens étrangers célèbres, dont le compos-
obligatoire inexistante, la récitation vécut en Hongrie sous le règne de iteur flamand Jacques Barbireau (vers
quotidienne de choeurs dans les églises Sigismond (1387-1437). Cela montre que 1408-1491), le luthiste italien Pietro Bono

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L'histoire de la musique hongroise - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST
(1417-1497) et le fameux chanteur-com-
positeur Johannes Stockem, vraisem-
blablement membre de l’orchestre de
Mathias de 1481 à 1487.
    C’est cet univers musical varié d’une
richesse foisonnante qui s’effondre à la
suite de l’occupation ottomane (1524-
1686), entraînant la division du pays en
trois parties. Sur les territoires du centre
administré par les autorités turques, la vie
musicale avait pratiquement cessé. Après
avoir agonisé durant quelques décennies,
les chants grégoriens se sont définitive-
ment tus au début du XVIIe siècle.
    L’entrée en scène des premiers réfor-
mateurs protestants aux alentours de
1540 donne une nouvelle chance à la
musique homophonique de qualité. Au
départ, ce sont les anciens chants
liturgiques latins qui sont traduits en
hongrois, puis la pratique protestante
impose les cantiques populaires à
plusieurs strophes, propres à être enton-      Dans le chateau Esterházy de Fertôd, la vie musicale était dirigée par Joseph Haydn
                                                        ›

nés par l’ensemble des fidèles.
    L’apparition des contes en vers à une      artistique supérieure, dont la pratique      1571), István Báthori (1581-1586) et
voix date aussi de ces années-là. Ceux-ci      s’épanouit au bas moyen âge ne peut sub-     surtout Zsigmond Báthori (1588-1598) –
racontent en versets («chroniques») des        sister que dans quelques endroits isolés,    est connu aux quatre coins du globe et
épisodes historiques, des paraboles            tout d’abord à la cour des princes de        beaucoup de musiciens étrangers de
bibliques et des histoires galantes. Leur      Transylvanie. En louvoyant habilement        renom travaillent dans leur cour ou leur
mélodie était transmise surtout par la tra-    entre l’empereur habsbourgeois et le sul-    dédicacent des compositions. Parmi les
dition orale mais, de ces temps, on pos-       tan, la Principauté de Transylvanie, for-    plus célèbres citons Palestrina (vers 1525
sède heureusement deux livres de               mée à l’est du pays, accède à une relative   – 1594), l’auteur du premier manuel
musique imprimés dont l’un (1554) con-         autonomie et contribue amplement au          d’orgue, Girolamo Diruta (vers 1550 – ?),
tient les chroniques du jongleur bien          maintien de l’idée d’une Hongrie sou-        Lassus (vers 1532 – 1594) et son élève d’o-
connu, Sebestyén Tinódi.                       veraine. C’est à cela que sert notamment     rigine italienne, Giovanni Battista Mosto
    Dans la musique hongroise des XVIe-        l’imitation nostalgique des cours médié-     (vers 1550 – 1596), dont le premier
XVIIe siècles, l’homophonie devient la         vales. Le mécénat des princes de             recueil paru à Venise s’intitule Madrigaux
règle. La musique savante d’une valeur         Transylvanie – Jean-Sigismond (1559-         de Gyulafehérvár, comme pour rappeler

L’empereur d’Autriche et roi de Hongrie François-Joseph I er a également assisté au concert de Ferenc Liszt, feté par toute l’Europe
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L’HISTOIRE   DE LA MUSIQUE HONGROISE                                                                                                   3
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Les premières mesures de l’ Hymne hongrois                                                     Portrait de Ferenc Erkel en 1861

que ses magnifiques compositions poly-       de la musique religieuse que la bour-             à 15 membres, chanteurs, cordes, orga-
phoniques étaient destinées à la Chorale     geoisie instruite des villes frontalières au      niste et chef d’orchestre, complétés par
de la Cour de Transylvanie.                  développement dynamique de la                     les gardiens de la tour (instruments à
    L’activité de l’excellent luthiste et    Hongrie dite royale (le Nord, le Haut             vent), présentent des motets Renaissance
compositeur Bálint Bakfark (1506 ? –         Pays et la Transdanubie occidentale),             à quatre ou cinq parties, des «concertos»,
1576) se déploie également à cette           sous administration habsbourgeoise,               voire même un peu plus tard des
époque. Le premier volume de ses oeu-        entre en contact avec la culture musicale         morceaux religieux de style baroque.
vres paraît à Lyon (1553) et le deuxième     européenne. Ces contacts peuvent être                 A la fin du XVIIe siècle, la vie cul-
à Cracovie (1565). Dans le titre de ses      attestés notamment dans la vie musicale           turelle du pays en ruine, libéré d’une
publications, il assume fièrement ses        de l’ancienne Pozsony (auj. Bratislava),          occupation ottomane de 150 ans, a
racines transylvaines. Virtuose fêté de      de Sopron, de Bártfa (auj. Bardejov) et de        besoin d’être restaurée à son tour. Sur le
son instrument, Bakfark jouit des faveurs    Lôcse (auj. Levoca). Les autorités ecclé-         plan musical, cette restauration exige l’ac-
de monarques européens, suscite l’éloge      siastiques (évêques, chapitres) et la direc-      climatation du nouveau baroque
des poètes. Son art contribue de manière     tion municipale emploient des musiciens           européen et, par conséquent, l’adoption
décisive à l’éclosion, à l’émancipation de   correctement formés et rémunérés dans             de modèles étrangers, ainsi que l’invita-
la musique instrumentale en Hongrie.         les églises et lors des festivités locales. Les   tion d’un grand nombre de musiciens
    C’est avant tout par l’intermédiaire     «capella» composées de 8 à 10 puis de 10          étrangers. A compter du XVIIIe siècle, les

Portrait cubiste de Bartók dans les
années 1920                                  Scène du ballet Le Prince de bois

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L'histoire de la musique hongroise - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST
Zoltán Kodály chez lui                        Scène du vaudeville Háry János

évêchés se mettent à agrémenter la            le plus important de l’époque. Les           dants continuèrent à s’occuper de
liturgie de musique viennoise baroque et      évêchés       de    Pécs,     Veszprém,      l’orchestre, et se produisirent, à partir de
classique, puis apparaissent les oeuvres de   Szombathely, Székesfehérvár, Eger et         1727, sous la baguette du célèbre com-
compositeurs hongrois bien formés.            Várad, reconstruits après l’expulsion de     positeur viennois Gregor Joseph Werner
L’impressionnante collection de notes de      l’occupant turc, ont un répertoire et des    (1693-1766), auquel succéda en 1761 pour
la cathédrale de Gyôr contient entre          modes de fonctionnement tout aussi           près de trente ans Joseph Haydn. Cette
autres des opus signés Antonio Caldara        riches et variés.                            vie musicale effervescente, loin de carac-
(1670-1736), Johann Baptist Vanhal                La protection de la musique savante      tériser l’ensemble du pays, se limitait à
(1739-1813), Joseph (1732-1809) et            fut assumée surtout par les Eglises et les   une sphère restreinte de la société. Faute
Michael (1737-1806) Haydn, Wolfgang           membres de la haute aristocratie, au pre-    d’avoir bénéficié d’une formation musi-
Amadeus Mozart (1756-1791), Karl              mier rang desquels la famille Esterházy.     cale moderne, les classes moyennes cul-
Ditters von Dittersdorf (1739-1799) et        Le prince Pál Esterházy (1635-1713) créa     tivées manifestaient souvent de l’hostilité
Johann Albrechtsberger (1736-1809), qui       un orchestre à Kismarton (Eisenstadt) et     à l’égard de la musique savante.
passa quelques années à Gyôr. A partir de     publia sous son nom un recueil de 55 can-         A la charnière des XVIIIe-XIXe siè-
1766, l’orchestre de la cathédrale de Gyôr    tates religieuses intitulé Harmonia          cles se créent dans la moitié ouest de
est dirigé par Benedek Istvánffy (1733-       Caelestis, le premier document de la         l’Europe les conditions d’un système
1778), le compositeur hongrois peut-être      musique baroque hongroise. Ses descen-       bourgeois évolué. Pour les peuples

                                              L’éminent compositeur et professeur Ferenc Farkas fete ses 70 ans dans le cercle de
                                                                                                    ›

                                              ses anciens élèves, devenus ensuite ses collègues – Attila Bozay, Zsolt Durkó, György
Béla Bartók aux Etats-Unis                    Kurtág, Emil Petrovics, Lajos Vass, Sándor Szokolay et Miklós Kocsár

L’HISTOIRE   DE LA MUSIQUE HONGROISE                                                                                                 5
L'histoire de la musique hongroise - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST
Représentation de l’opérette Princesse csárdás, au théatre Gárdonyi Géza d’Eger
                                                      ›

                                                trouvons des airs combinant les har-           célèbre premier violon János Bihari
                                                monies et les formes occidentales avec les     (1764-1827) – accèdent à la notoriété
                                                traditions de l’ancienne musique de danse      d’abord chez eux puis, à partir des années
                                                hongroise. Ces danses dites de recrute-        1830, grâce à des mécènes hongrois, à l’é-
                                                ment (verboung) sont agrémentées d’élé-        tranger également. Dans la première
                                                ments décoratifs et rythmiques spéci-          moitié du siècle, presque tous les com-
                                                fiquement hongrois. Exécutées par des          positeurs hongrois ou vivant en Hongrie
                                                hommes, elles servirent initialement à         – János Lavotta (1764-1820), Antal
                                                recruter des soldats mais, plus tard, on les   Csermák (1774-1822), Márk Rózsavölgyi
                                                retrouve comme un genre autonome,              (1789-1848), Ignác Ruzitska (1777-1833),
                                                point de départ d’un langage musical           Joseph Bengráf (1745?-1791), Ferdinand
                                                moderne formé au XIXe siècle. Etant            Kauer (1751-1831) – signent des
                                                donné que cette musique était jouée en         Verboungs, des Danses hongroises ou des
                                                premier lieu par des orchestres tsiganes,      Chansons hongroises. Les éléments du
                                                beaucoup l’identifièrent à la musique tsi-     style propre aux verboungs passent
                                                gane, erreur que l’ouvrage de Ferenc           ensuite dans la musique vocale, tandis
                                                Liszt, paru en 1859 à Paris sous le titre      que les rythmes et les agréments carac-
                                                Tsiganes et musique tsigane en Hongrie, ne     térisant auparavant le genre instrumental
Imre Kálmán avec sa famille                     fit que renforcer. Pourtant, elle n’a rien à   s’infiltrent dans la musique de scène,
                                                voir avec le folklore proprement tsigane,      l’opéra et le lied, notamment chez Béni
                                                patrimoine des masses tziganes non musi-
d’Europe centrale et orientale, cette pério-    ciennes.
de correspond au réveil de la conscience             La musique tsigane authentique est à
nationale. Les couches nobiliaires, princi-     caractère proprement vocal et les paroles
pale force des Lumières hongroises, esti-       brassent généralement le hongrois et le
ment également important de préserver           rom. En revanche, les musiciens tsiganes
le caractère national de la culture. Où         jouent partout les mélodies de leur envi-
pouvaient-elles le trouver s’agissant de la     ronnement, adoptent les instruments et
musique ? La musique savante des siècles        le mode d’interprétation caractéristiques
précédents en effet n’avait rien de spé-        de la région donnée. Au XIXe siècle aussi,
cialement hongrois. C’est cette spécificité     un nombre croissant d’éléments emprun-
que certains pensent pouvoir découvrir          tés à la musique savante furent assimilés
dans la musique populiste imitant les airs      et combinés avec la musique de danse
folkloriques : ils écoutent donc avec           hongroise des époques antérieures. Le
plaisir les chansons et les lieds de ce type.   mode        d’interprétation       typique,
    Il y avait cependant un autre matériel      capricieux et pathétique, des musiciens
de musique «nationale» plus concret et          tsiganes est capable de transfigurer n’im-
plus prestigieux : la musique de danse de       porte quel air simple en «musique tsi-
la fin du XVIIIe siècle. Dans les collec-       gane».
tions de musique instrumentale, nous                 Les plus virtuoses d’entre eux – tel le   Ferenc Lehár

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L'histoire de la musique hongroise - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST
Egressy (1814-1851), Gusztáv Szénfy           Kolozsvár, puis également dans d’autres
(1819-1875), Kálmán Simonffy (1832-           villes, on présente régulièrement des
1881) et d’autres. Ces motifs joueront un     opéras et la musique de chambre jouée
rôle également important dans l’innova-       devant un auditoire forcément restreint
tion de la musique de chambre et des oeu-     cède peu à peu la place à des concerts
vres symphoniques. Dans l’esprit des          publics payants, comme cela se pratique
gens d’alors, le verboung adhère à l’image    aujourd’hui. La dynamisation de la vie
de la Hongrie, d’où la tendance de            musicale entraîne le développement de
plusieurs grands compositeurs étrangers       l’art de la scène et de la formation des
– dont Joseph Haydn, Ludwig van               musiciens.
Beethoven (1770-1827), Wolfgang                    Après       plusieurs       tentatives
Amadeus Mozart, Carl Maria von Weber          infructueuses pour synthétiser le ver-
(1786-1826), Hector Berlioz (1803-1869),      boung et la musique savante européenne
Johannes Brahms (1833-1897) – à intro-        de haut niveau, le grand compositeur
duire dans leurs oeuvres une couleur          hongrois Ferenc Erkel (1810-1893) réus-
hongroise, très à la mode à l’époque, par     sit cet exploit dans la première moitié du
l’utilisation de la tonalité des verboungs.   XIXe siècle. C’est dans ses oeuvres
Le morceau le plus connu né de cette          (Hunyadi László, Bánk bán) que l’opéra Le compositeur et musicologue
inspiration est la Marche de Rákóczi de       commence à s’exprimer en hongrois dans László Lajtha
Berlioz.
    Le romantisme hongrois, pour lequel
le caractère national se concentre dans la
poésie populaire ennoblie, célèbre dans le
verboung, élevé au rang de musique
savante, la naissance de la nouvelle
musique nationale. A côté du verboung,
la musique savante européenne de haut
niveau se répand aussi naturellement dans
les grandes villes de Hongrie. On y voit
s’ouvrir de plus en plus d’établissements
musicaux et se produire des interprètes de
renom devant un public toujours plus
nombreux. Au cours du XIXe siècle se
propage largement l’habitude d’organiser
des soirées musicales «de chambre», on
assiste à la fondation de conservatoires
municipaux, à l’édition de partitions, à la
fabrication d’instruments de musique, à la
parution de périodiques spécialisés, et la
fréquentation des salles de concert aug-      Annie Fischer, l’une des plus éminentes      Le cours de perfectionnement du pianiste
                                              parmi les pianistes hongrois du XXe siècle   György Cziffra au chateau Festetics de
                                                                                                              ›

mente. A Pozsony, Sopron, Pest,
                                                                                           Keszthely

Exercices en commun – Dezsô Ránki et Zoltán Kocsis à 18              Le concert commun de János Ferencsik et Yehudi Menuhin à
ans en 1970                                                          Budapest, en 1964

L’HISTOIRE   DE LA MUSIQUE HONGROISE                                                                                             7
L'histoire de la musique hongroise - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST
Sir George Solti était fier de son origine hongroise                                        Le duo de Placido Domingo et Andrea
                                                                                            Rost à leur concert de Budapest

un langage musical en tous points com-
parable à celui des compositions
d’Europe occidentale. Il n’est pas dû au
hasard que les critiques étrangers de
l’époque attirent l’attention sur le style
un peu italien de Bánk bán. Le succès des
oeuvres d’Erkel s’explique – outre leur
actualité politique – par l’utilisation
habile d’un langage musical hongrois,
créé pour caractériser ses scènes «hon-
groises» et sa combinaison ingénieuse
avec les styles français et italien.
    L’épanouissement de la nouvelle
musique savante hongroise s’attache au
nom de Ferenc Liszt (1811-1886) qui,
dans les années 1830-1840, subjugua toute
l’Europe par ses exceptionnelles qualités
de pianiste et de compositeur.
Découvrant ses racines lors des inonda-         L’orchestre tzigane de 100 membres, qui a
tions de Pest en 1838, il donne ensuite         feté en 2000 les dix ans de sa fondation,
                                               ›

plusieurs concerts dans son pays natal. A       sauvegarde et enrichit les traditions
partir de cette date, il contribuera de
diverses façons au développement de la          pelle Károly Goldmark (1830-1915), qui
vie musicale hongroise : sur la scène, par      doit sa renommée internationale avant
ses compositions, par l’acceptation d’un        tout à ses opéras.
rôle public, et même par une aide                   Dans la deuxième moitié du XIXe
matérielle. Liszt était en outre un citoyen     siècle, le niveau de la vie musicale à
du monde aux vues larges, capable d’ex-         Budapest atteint celui des métropoles de
primer ses sentiments patriotiques à un         l’Europe occidentale développée. Son
niveau digne des plus grandes figures de        opéra, ses orchestres, ses salles de con-
l’histoire universelle de la musique. Dans      cert et les chefs d’orchestre qui y tra-
ses oeuvres, le romantisme européen le          vaillent – entre autres Artur Nikisch
plus abouti et les traditions hongroises se     (1855-1922) et Gustav Mahler (1860-
fondent parfaitement. C’est ainsi que,          1911) – font de la capitale hongroise un
grâce aux opus de Liszt, l’héritage musi-       haut lieu de la musique européenne. Des
cal hongrois du XIXe siècle entra dans le       bancs de son Académie de Musique sor-
patrimoine universel de la musique. A           tent d’excellents musiciens, capables de
côté de Liszt, le deuxième compositeur          triompher plus tard sur les podiums du
                                                                                          Márta Sebestyén, interprète de chansons
hongrois le plus connu de ces temps s’ap-       monde entier, et l’on assiste à la nais- populaires

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L'histoire de la musique hongroise - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST
L’opéra rock Etienne le roi, de Levente Szörényi et János Bródy, a    L’un des artistes les plus originaux du jazz hongrois,
été présenté en 1983                                                  Károly Binder

                                               coles saisonniers (celles des journaliers) et   de musiciens de niveau international ne
                                               le service miliaire obligatoire passé loin      s’accompagne pas d’un nombre appro-
                                               du sol natal contribuent également à la         prié de professeurs de musique qualifiés
                                               propagation des nouvelles chansons po-          dans les écoles du pays, surtout en
                                               pulaires. L’apparition d’un style nouveau       province. En s’efforçant d’y remédier, à
                                               dans la musique populaire ne signifie pas       la fin des années 1890, il se tourne vers la
                                               nécessairement la destruction, l’oubli des      musique nationale authentique sous l’in-
                                               anciens. Ainsi l’illustre ethnographe Béla      fluence de Béla Vikár. De 1905 à 1914, il
                                               Vikár (1859-1945) découvre encore une           parcourt le Haut Pays et la Transylvanie
                                               culture musicale variée et vivace dans tel      à la recherche de chansons folkloriques
                                               ou tel village choisi pour en recueillir les    qui transformeront ensuite sa vision du
                                               vestiges.                                       monde en tant qu’homme et musicien. A
                                                   Au début du XXe siècle, les inter-          partir de là, sa vocation déclarée sera de
                                               prètes hongrois de la musique ont un            recueillir et d’étudier le patrimoine fol-
                                               public local sensible et cultivé. Le «va-et-    klorique hongrois, puis de l’intégrer dans
                                               vient» des artistes autochtones et              la culture quotidienne au moyen de l’édu-
                                               étrangers facilite le renforcement d’une        cation scolaire.
                                               culture de la scène à même de relayer les            En sa qualité de compositeur, Kodály
                                               valeurs traditionnelles et de rester            combine les traditions postromantiques
                                               ouverte aux courants musicaux mo-               avec l’univers des chants folkloriques
                                               dernes. Au tournant de notre siècle, le         hongrois. Après 1920, il compose essen-
                                               genre musical le plus populaire est             tiellement des oeuvres vocales, la plupart
                                               l’opérette. Aux pièces viennoises créées        d’entre elles pour choeurs, ainsi que deux
                                               sur le modèle de la grande opérette             oratorios (Psalmus Hungaricus, Te Deum
                                               française sereine, divertissante, mais un       de Buda), deux opéras (János Háry, Veillée
                                               peu mièvre – de Franz Suppé (1819-1895)         sicule) et de nombreux morceaux pour
L’opéra rock dont le sujet est l’histoire du   et de Johann Strauss fils (1825-1899) –         solistes. Sa célébrité mondiale est due,
chef des Huns a été présenté en 1993           succèdent bientôt des oeuvres hongroises        outre ses compositions, à sa méthode
                                               de qualité, composées par Ferenc Lehár          pégagogique dans l’enseignement de la
sance de la critique musicale et de la         (1870-1948), Imre Kálmán (1882-1953) et         musique. Il a souvent insisté dans ses
musicologie.                                   Jenô Huszka (1875-1960), qui ne                 études sur le rôle capital de la musique –
     La chanson hongroise de type nou-         tarderont pas à accéder à la renommée           d’une part folklorique véhiculant les tra-
veau prendra forme à la faveur de l’ul-        mondiale et dont la popularité ne s’est         ditions nationales, d’autre part savante de
time essor de la culture populaire dans les    pratiquement pas démentie jusqu’à nos           haut niveau – dans la formation de la per-
dernières décennies du XIXe siècle, au         jours.                                          sonnalité, dans la vie et l’échelle des
moment où, comme dans la plupart des               En dépit de la diversité de la vie musi-    valeurs de l’homme cultivé et bien équili-
pays occidentaux, la musique folklorique       cale hongroise, dans les années 1920            bré. C’est la raison pour laquelle il con-
est sur le point de disparaître. Les grandes   Zoltán Kodály (1882-1967) relève et cri-        sacra tant d’énergie aux questions rela-
migrations inhérentes aux travaux agri-        tique le fait que l’existence d’un opéra et     tives à l’éducation musicale des enfants et

L’HISTOIRE   DE LA MUSIQUE HONGROISE                                                                                                     9
L'histoire de la musique hongroise - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST
de la jeunesse et composa tant d’oeuvres          en premier lieu des opus de Kodály et de         György Ligeti (1923- ), décidèrent de
visant à réaliser ses objectifs didactiques       Bartók.                                          s’expatrier. D’autres, tel László Lajtha
en la matière.                                         Le style de composition de Leó              (1892-1963) d’orientation profrançaise,
     La synthèse universelle de la musique        Weiner (1885-1960) porte l’empreinte à           optèrent pour l’exil intérieur. Dans les
moderne et des traditions musicales hon-          la fois des maîtres romantiques et de la         compositions de Pál Járdányi (1920-
groises est liée au nom de Béla Bartók            musique populaire hongroise. Maints              1966), disparu prématurément, nous
(1881-1945), l’une des plus grandes fi-           instrumentistes de renommée mondiale             pouvons déceler les traces de son attache-
gures de l’histoire de la musique, dont           honorent leur maître en cet éminent              ment à la musique populaire, tandis que
l’oeuvre constitue une importante com-            enseignant de la musique de chambre.             certains, comme György Kósa (1897-
posante du patrimoine musical mondial.                 Kodály et Bartók ont exercé une             1984), réussirent à se forger un style indi-
Jeune, il débuta comme pianiste au talent         influence déterminante sur toute la              viduel et pourtant limpide.
exceptionnel et compositeur plein de              musique hongroise du XXe siècle. C’est               La prévoyance de l’Etat et le besoin
promesses. Son intérêt se dirige aussi, dès       leur activité qui a marqué la nature de la       d’une musique accessible à tous se mani-
1905, vers la musique folklorique, ce qui         vie musicale ainsi que la production de la       festèrent non seulement dans le domaine
l’incite à entreprendre des voyages d’ex-         jeune génération de compositeurs.                de la composition, mais aussi dans celui
ploration       en      Transylvanie,       en         Durant le régime socialiste instauré à      des concerts et de la pédagogie musicale.
Transdanubie, mais aussi dans les pays            l’issue de la Seconde Guerre mondiale,           La politique culturelle officielle encou-
voisins de la Hongrie. En tant que                l’idéologie officielle veilla au respect de la   rage l’entrée en scène des musiciens ama-
pianiste de notoriété mondiale, il effectua
des tournées en Hongrie, aux quatre
coins de l’Europe et même aux Etats-
Unis d’Amérique. C’était un génie doté
d’une capacité de travail incroyable. Il
notait régulièrement, 8 à 10 heures par
semaine au minimum, des mélodies po-
pulaires, donnait souvent des concerts et
composa des oeuvres importantes.
     La musique de Bartók est une «créa-
tion moderne». Allant au-delà des tona-
lités des siècles précédents, l’artiste libéra,
à l’instar de ses confrères occidentaux, les
douze sons du système tonal, à la
recherche de nouveaux principes d’a-
gencement musical. Ce sont les motifs
fondamentaux et les schémas rythmiques
des chants populaires étudiés par Bartók
qui lui fournirent la clé de la solution.
Parmi ses compositions les plus célèbres
mentionnons trois pièces destinées à la
scène (un opéra intitulé le Château de
Barbe-Bleue, un ballet, le Prince de Bois, et
une pantomime, le Mandarin mer-
veilleux), des cycles symphoniques, six           Le luthier Tibor Semmelweis montre à son         Le tableau Jeune fille au violoncelle de
quatuors à cordes, la Cantata profana,            élève les tours de main permettant de            Róbert Berény (1928) est l’une des oeuvres
trois concertos pour piano, un Concerto           remettre à neuf un violoncelle                   les plus connues de la peinture hongroise
pour violon, une Musique pour cordes, per-                                                         du XXe siècle
cussion et célesta, la série d’exercices pour     musique classique, mais il fallut admettre       teurs et cette aspiration correspond à la
piano Microcosme, le Divertimento pour            l’orientation imposée par l’Etat (en             concrétisation de la devise lancée par
cordes et le Concerto pour orchestre sym-         somme le parti communiste). Ce dernier           Kodály : «Que la musique soit à tous !»
phonique.                                         subventionna les recherches folkloriques         Dans l’enseignement de la musique, prio-
     Contemporain de Bartók et de                 et la musicologie en échange de l’accepta-       rité sera accordée aux chants fol-
Kodály, leur frère d’armes dans la lutte          tion de sa dictature sur le plan tant per-       kloriques, à leurs arrangements et aux
menée en faveur du renouveau de la                sonnel que professionnel. En isolant les         choeurs simples de style populaire. Le
musique hongroise, Ernô Dohnányi                  compositeurs des courants de la musique          mouvement choral qui s’épanouit alors
(1877-1960), devenu directeur des princi-         moderne, les responsables de la politique        permet vraiment à de larges couches de se
paux établissements musicaux de                   culturelle souhaitaient voir et entendre         familiariser avec la musique.
Budapest -l’Académie de Musique et la             une musique populaire conservatrice et               A mesure que l’emprise de l’Etat se
Société philharmonique – et après avoir           «facile à comprendre».                           relâche à partir des années 1960, les
dans sa jeunesse parcouru une brillante                Pour fuir l’oppression, quelques com-       artistes hongrois voient s’ouvrir devant
carrière de pianiste, oeuvra beaucoup à la        positeurs talentueux des années 1950, par        eux la possibilité d’entretenir des con-
propagation de la musique de son temps,           exemple Sándor Veress (1907-1992),               tacts avec la vie musicale moderne

10                                                                                                      L’HISTOIRE   DE LA MUSIQUE HONGROISE
d’outre-frontières. Ils découvrent et sui-     sont à l’origine d’une nouvelle tendance      tion des musiciens n’ont débuté que dans
vent peu à peu les courants d’abord dodé-      musicale s’inspirant des modèles              les années 1970. Le jazz hongrois a,
caphonique, puis sériel, aléatoire et enfin    étrangers auparavant inconnus en              depuis lors, acquis une célébrité consi-
minimaliste.                                   Hongrie – Erik Satie (1866-1925), John        dérable à l’intérieur et à l’extérieur du
     L’oeuvre des maîtres créateurs d’é-       Cage (1912-1992). Ces interprètes actifs      pays. Aux festivals, aux concerts et sur les
cole, par exemple Ferenc Farkas (1905-         ont mis un accent tout particulier sur la     disques on a vu surgir d’excellents solistes
2000) et Endre Szervánszky (1911-1977),        création d’un réseau de musiciens capa-       (Balázs Berkes, Károly Binder, László
trahit, outre l’influence de Bartók, celle     bles d’exécuter des morceaux contempo-        Dés, Csaba Deseô, Antal Lakatos, Aladár
de la dodécaphonie. C’est sous cet impact      rains et d’un public de connaisseurs. A       Pege, György Szabados, Béla Szakcsi
double que débute la carrière de György        partir des années 1970, leur présence à       Lakatos, Rudolf Tomsits, György
Kurtág (1926- ), actuellement le composi-      des festivals de musique contemporaine à      Vukán) et ensembles de niveau interna-
teur hongrois peut-être le plus connu à        l’étranger (Automne de Varsovie,              tional (Benkó Dixieland Band, Kõszegi,
l’étranger. Les deux élèves de Kodály –        Darmstadt, etc.) constitue une chance         Super Trió).
Rudolf Maros (1917-1982) et András             inouïe pour la jeunesse hongroise mélo-           Le climat de détente des années 1970
Szôllôsy (1921- ) – font partie des créa-      mane.                                         dans le domaine de la politique intérieure
teurs les plus originaux de leur généra-           Les membres du dernier groupe de          crée des conditions favorables au démar-
tion. Les représentants hongrois les plus      compositeurs apparus dans les années          rage du mouvement des maisons de danse
fertiles de l’opéra – et de l’art vocal en     1980 – György Orbán (1947- ), János           en Hongrie. Ferenc Sebô (1947-) et Béla

L’Opéra de Budapest, conçu par l’architecte Miklós Ybl et construit en 1887, est non seulement la théatre de représentations musicales
                                                                                                      ›

prestigieuses, mais abrite également des manifestations sociales et des bals

général – s’appellent Emil Petrovics           Vajda (1949- ), György Selmeczi (1952-)       Halmos (1946-) ont fondé la leur sur des
(1930- ) et Sándor Szokolay (1931- ) et        et Miklós Csemiczky (1954-) – ressusci-       chansons recueillies dans de petits vil-
aux côtés de Sándor Balassa (1935- ),          tent les styles et les genres d’autrefois     lages isolés de la culture moderne, avant
d’Attila Bozay (1939-1999) et de Zsolt         dans leurs morceaux à l’accent nostal-        tout en Transylvanie, et un jeu tradition-
Durkó (1934-1997), ils ont beaucoup fait       gique, d’un accès relativement aisé.          nel appris auprès de musiciens locaux. Le
pour la création d’un langage musical              Pareillement à la musique classique       réveil de la musique et des danses du fol-
moderne en Hongrie. Quant à János              moderne, le jazz n’a occupé, lui aussi, que   klore hongrois attire surtout la jeunesse
Decsényi (1927- ), József Sári (1935-) et      récemment la place qui lui revient sur les    urbaine, ce qui favorise l’émergence et le
József Soproni (1930-), ils sont en train de   podiums des salles de concert et dans les     succès de nombreux ensembles jouant
créer un oeuvre cohérent, fondé sur une        écoles hongroises. Bien que bon nombre        une authentique musique populaire
pratique sûre du métier.                       de solistes ou d’ensembles de jazz réputés    (Kolinda, Mákvirág, Muzsikás, Téka,
    Les membres du Nouveau Studio              s’activent dans le pays depuis le début de    Vízöntô, Vujicsics) et de chanteurs
Hongrois, formé en 1970 – Zoltán Jeney         notre siècle, les programmes organisés,       puisant dans ce même répertoire (Ilona
(1943-), László Sáry (1940-), László           les concerts financièrement soutenus par      Budai, Laura Faragó, Éva Ferencz, Irén
Vidovszky (1944-), Barnabás Dukay              les établissements musicaux, les clubs,       Lovász, Márta Sebestyén et Katalin
(1950- ), Zsolt Serei (1954- ) et d’autres –   l’édition régulière du disque, la forma-      Szvorák).

L’HISTOIRE   DE LA MUSIQUE HONGROISE                                                                                                  11
Le progrès technique de la fin du XXe populaires (Levente Szörényi-János subventions centrales a imposé à tous les
siècle – la muliplication des supports Bródy : Kelemen le maçon, Etienne le établissements musicaux le devoir de réu-
musicaux de plus en plus performants – roi, Anna Fehér, László et Edua, nir eux-mêmes les conditions matérielles
relègue au second plan la musique live L’excommunié ; Levente Szörényi- de leur fonctionnement, d’où la nécessité
tout en créant parallèlement les possibi- Sándor Lezsák : Attila ; László Tolcsvay- de trouver des sponsors et des mécènes.
lités de pratiquer la musique électronique. Péter Müller : L’Evangile selon Marie)         Sans doute les phénomènes susmention-
     Notre vie musicale fortement poli-          Malgré une plus grande liberté que nés caractérisent-ils ce domaine un peu
tisée a subi des transformations sérieuses par le passé, la musique classique, à l’ins- partout dans le monde.
lors du changement de régime de 1989. tar d’autres disciplines artistiques ou de la             Nonobstant les difficultés des décen-
Les vents nou-                                                                                                      nies        précé-
veaux        com-                                                                                                   dentes,      nous
mencèrent         à                                                                                                 pouvons être
souffler encore                                                                                                     fiers de ce que la
plut tôt dans la                                                                                                    Hongrie est con-
musique légère :                                                                                                    sidérée à l’é-
dès les années                                                                                                      tranger comme
1960, le rock                                                                                                       un haut lieu de
devint l’un des                                                                                                     la musique et
symboles de la                                                                                                      que bon nom-
résistance poli-                                                                                                    bre d’artistes de
tique. Ce style,                                                                                                    renom témoi-
jusque-là sévère-                                                                                                   gnent du niveau
ment condamné                                                                                                       élevé de la cul-
et donc pra-                                                                                                        ture musicale
tiquement                                                                                                           hongroise, dont
ignoré des gens,                                                                                                    le compositeur
fut enrichi d’une                                                                                                   de musique de
couleur et d’un                                                                                                     film      Miklós
contenu        spé-                                                                                                 Rózsa       (1907-
cialement hon-                                                                                                      1995, les chefs
grois par des                                                                                                       d’orchestre
ensembles (Illés,                                                                                                   Antal Doráti
O m e g a ,                                                                                                         (1906-1988) et
Lokomotiv Gt,                                                                                                       György Solti
Fonográf) et des La fresque d’Aladár Kôrösfôi Kriesch, intitulée Le jet d’eau des arts, orne le batiment de         (1912-1997), le
                                                                                               ›

solistes     (Klári l’Université des arts musicaux, qui porte le nom de Ferenc Liszt                                violoniste et chef
Katona, Zsuzsa                                                                                                      d’orchestre
Koncz, Kati Kovács, Sarolta Zalatnay, littérature, ne peut elle non plus échap- Sándor Végh (1912-1997), le violoniste
Péter Máté) sortis de l’anonymat lors des per à la politisation. Les acteurs de la Loránd Fenyves (1918- ), le compositeur
festivals et des compétitions «Qui sait scène musicale se livrent aussi des com- et chef d’orchestre Péter Eötvös (1944- ),
quoi?». A partir du milieu de la décennie bats pour les faveurs du public et des les pianistes György Cziffra (1921-1994),
1980, la musique rock revient à la mode, médias. Le passage à l’économie de Zoltán Kocsis (1952 – ), Dezsô Ránki
cette fois sous une forme dramatique. Les marché a conduit à la transformation du (1951- ), András Schiff (1953- ), le violon-
opéras et les oratorios nés de cette inspi- système institutionnel : après 1990, l’Etat celliste Miklós Perényi (1948- ), les
ration (pareillement aux opéras nationaux a perdu sa position de monopole dans chanteurs Éva Marton (1943- ), Szilvia
du XIXe siècle) s’illustrent moins par l’organisation des concerts, l’édition Sass (1951- ), László Polgár (1947- ),
leurs qualités musicales que par leurs musicale et le financement des ensembles Andrea Rost (1962- ).
sujets avant tout historiques, religieux et artistiques. La baisse spectaculaire des                                 Ágnes Dobszay

 Les numéros parus en français depuis          – La défense nationale hongroise              – L’enseignement en Hongrie
 1996 dans la série de publications            – Politique étrangère de la Hongrie,          – La Hongrie et ses habitants
 DOSSIERS SUR LA HONGRIE                         membre de l’OTAN                            – Les fêtes nationales de la
 (reproduits sur le site Internet du           – Au seuil du nouveau millénaire                République de Hongrie
 ministère)                                    – Les relations entre la Hongrie et           – Les symboles nationaux de la
                                                 l’Union européenne                            République de Hongrie
 – Mesures centrales destinées à pro-          – La Hongrie et le Conseil de l’Europe        – Mille ans de culture hongroise
   mouvoir l’intégration des Tsiganes          – Le chemin des Hongrois de                   – Les champions olimpiques hongrois
   de Hongrie                                    l’Orient à leur patrie actuelle             – La République de Hongrie
 – Minorités nationales et ethniques           – La Hongrie et l’OTAN                        – Minorités nationales et ethniques
   en Hongrie                                  – La révolution hongroise de 1956               en Hongrie
 – L’histoire de la Hongrie                    – Contribution hongroise à la cul-            – Lauréats d’origine hongroise du
 – Les Eglises historiques de Hongrie            ture universelle                              prix Nobel

               Adresse Internet du Ministère des Affaires étrangères de la République de Hongrie: http://www.mfa.gov.hu
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