QUESTIONNEMENT SUR L'EVALUATION DES RELATIONS SANTE ET TRAVAIL, A PROPOS DU STRESS AU TRAVAIL.
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
QUESTIONNEMENT SUR L’EVALUATION DES RELATIONS SANTE ET TRAVAIL, A PROPOS DU STRESS AU TRAVAIL. Alain Dômont Il est difficile d’évaluer médicalement la santé au plan collectif. Les méthodes d’évaluation restent en effet entachées de nombreux biais. Le premier d’entre-eux concernant la définition que l’on entend donner au mot « santé ». Très souvent soins et santé sont à tord confondus ; il est fréquent que l’on emploie un mot à la place de l’autre. Les analyses que l’on diligente ne discernent également pas toujours très clairement dans l’étude dynamique de la dégradation de la santé en général et de la santé au travail en particulier, ce qui relève des facteurs individuels et personnels, de ce qui interpelle les environnements de vie au et hors travail. L’étude du stress au travail constitue un exercice intéressant, en ce sens qu’il oblige à faire la part des choses entre facteurs environnementaux et facteurs individuels dans l’analyse des effets pathogènes du stress chronique. La santé est une co-construction entre un individu, des individus et divers environnements de vie professionnelle et non professionnelle. Si chacun doit être acteur de sa santé, il doit aussi être conscient qu’il est également acteur de celle des autres, particulièrement lorsqu’il a la charge et la responsabilité d’organiser le travail et d’assurer la maîtrise des risques professionnels. Organiser le travail impose de réfléchir à son impact sur la santé de ceux qui réalisent les activités ainsi programmées. Dans les études de santé, la compréhension des rôles des uns et des autres imposera de distinguer les acteurs de santé (tout un chacun l’est pour autrui), les professionnels de la santé au travail, et les entrepreneurs et ceux qu’ils chargent de la promotion de la santé des travailleurs au travail (Directive du Conseil du 12 juin 1989). L’établissement des relations entre des données biocliniques et des facteurs de risques plus ou moins spécifiques, n’est pas aisé. Dans l’entreprise cette démarche concernera tous les professionnels de la santé au travail, pas uniquement les médecins du travail. Si l’épidémiologie en santé au travail apporte une aide précieuse à la connaissance des états de santé dégradés, le recueil des données objectives sur les nuisances rencontrées en milieu professionnel reste difficilement accessible aux médecins en général, mais aussi aux médecins du travail. Ce constat ne trouve pas son origine uniquement dans les limites de la métrologie d’ambiance1, mais aussi en raison des difficultés qu’il y a à accéder à la connaissance concrète des conditions de travail (différence entre le travail réel et le travail prescrit, entre travail théorique et travail vécu). Le champ de la santé mentale, qui concerne les études relatives au stress, surajoute ses propres difficultés : l’appréhension de l’origine de la souffrance mentale au travail est difficile, particulièrement dans la différenciation de ce qui relève de l’individu et de ses environnements de 1 M. GUILLEMIN - « Evaluation du risque chimique en milieu de travail » - rapport présenté aux 25ème journées de médecine du travail de Strasbourg - juin 1998. 1 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
vie. Pour toutes ces raisons l'évaluation sanitaire, telle qu'elle doit être obligatoirement pratiquée en santé au travail, dans une action conjointe médicale et ergonomique, portera : - individuellement sur l’évaluation psychologique et somatique de l’état de santé des agents au travail éligibles au bénéfice des surveillances médicales qu’imposent les risques professionnels (article 14 de la directive cadre européenne du 12 juin 1989), - et collectivement sur les facteurs de risque professionnel : Organisation du travail, conditions de travail, conditions de vie au travail, contrôle de l’hygiène de la sécurité et maîtrise des risques professionnels (article 1 à 12 de la directive cadre européenne du 12 juin 1989). 1. STRESS ET SANTE AU TRAVAIL. Toute évaluation de la santé, qu'elle s'inscrive dans le cadre du colloque singulier ou dans une approche collective, pose le problème de la définition de l'état de santé, et se heurte au fait que la santé s’inscrit dans un processus dynamique : ce n’est donc pas un état. De nombreuses définitions de la santé ont été données, elles découlent d’approches et de concepts différents. Celle proposée par l'OMS s’inscrit dans une approche dite « perceptuelle ». Cette instance définit la santé comme « un état de complet bien être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». D’autres définitions ont été proposées: • à travers une approche fonctionnelle de la relation Homme/travail, la considérant comme « la capacité optimale d’un sujet vis-à-vis de l’accomplissement efficace des rôles et des tâches pour lesquels il a été socialisé ». • ou encore à partir d’un concept d’adaptation, d’harmonie et d’équilibre. « La santé est l’ajustement réussi et permanent entre un sujet et son environnement, la maladie correspond à un défaut d’ajustement». La définition de la notion de stress au travail retenue par l’accord signée le 19 décembre 2008 relatif à la Position commune d’EUPAN2 et TUNED3 sur le stress au travail dans les administrations centrales, s’inscrit dans la perspective de cette dernière approche : « Le stress est un état accompagné de plaintes ou dysfonctionnements physiques, psychologiques ou sociaux, et qui résulte du fait que les individus se sentent inaptes à combler un écart avec les exigences ou les attentes les concernant. L’individu est capable de gérer la pression à court terme qui 2 EUPAN est un réseau informel regroupant les Directeurs généraux responsables de l'Administration publique des États membres de l'Union européenne. 3 TUNED est la délégation syndicale des administrations nationales et européenne représentant les syndicats du secteur de la fonction publique d’Etat affiliés à la FSESP (www.epsu.org) et à la CESI (www.cesi.org), 2 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
peut être considérée comme positive mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée à des pressions intenses ». FOCUS Dès lors que les études sanitaires s’intéressent spécifiquement au monde du travail, il convient de s’arrêter un instant sur la définition concertée de l’objectif de l’action en santé au travail qui a été proposée par le Comité Mixte O.I.T. /O.M.S., lors de sa douzième session à Genève en avril 1995 : « L’objectif de la santé au travail est de : - promouvoir et maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions ; - prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de leur travail ; - les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d’agents préjudiciables à leur santé ; - placer et maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques ; - en somme adapter le travail à l’homme et chaque homme à sa tâche. Les activités en matière de santé au travail comportent essentiellement trois volets : 1. le maintien et la promotion de la santé des travailleurs et de leur aptitude au travail, 2. l’amélioration des conditions et du milieu du travail pour assurer la sécurité et la santé au travail, 3. l’adoption de systèmes d’organisation du travail et de cultures d’entreprises susceptibles de contribuer à la sécurité et à la santé au travail et de promouvoir un climat social positif et le bon fonctionnement de l’entreprise. Dans le présent contexte, l’expression « culture d’entreprise » désigne les systèmes de valeur adoptés par une entreprise donnée. En pratique, elle se reflète dans les méthodes de gestion, dans la politique appliquée en matière de personnel, de participation, de formation et dans la gestion de la qualité de l’entreprise. » Les actions de santé au travail au plan européen, notamment celles relatives à la prise en compte du stress au travail, devront être « validées » à l’aune de cette définition. Elles devront également répondre au cadrage édicté par la directive du Conseil du 12 juin 1989(89/391/CEE) lors de la mise en œuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. 2. LES INDICATEURS DE SANTE AU TRAVAIL 2.1 CONDITIONS D’UTILISATION DES INDICATEURS DE SANTE Pour être utilisables les indicateurs de santé doivent être faciles à obtenir, stables, universels, simples à calculer, acceptables, faciles à comprendre, reproductibles, sensibles, spécifiques, fidèles. Parmi les critères de qualité : l’applicabilité, la facilité d’administration, la sensibilité, la fiabilité, la validité, la capacité d’agrégation seront recherchés. 3 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
Si en santé au travail nous disposons d’un certains nombre d’indicateurs issus en partie du système de soins (AT, MP, raisons de l’absentéisme maladie…), le contexte de l’accès aux droits qu’ils sont susceptibles d’ouvrir, et les modalités de leur compilation statistique, conduisent à les utiliser avec prudence : certains accidents du travail et de nombreuses maladies professionnelles ne sont pas déclarés, et certains accidents déclarés ne sont imputables uniquement aux conditions de travail (accidents de la route : la première cause de mortalité accidentelle dans le contexte du travail concerne le risque routier). En effet l’employeur, dans le cadre d’un travail réalisé en dehors des murs de l’entreprise, ne maîtrise qu’une partie du risque professionnel. Dans un autre ordre d’idée certains indicateurs indirects, comme ceux sociodémographiques (âge, sexe, niveau de scolarité..) doivent être compris comme des marqueurs de risque (et non comme des facteurs de risque), en ce sens que l’entreprise ne peut agir sur eux dans une stratégie « hygiène- sécurité- conditions de travail»: ils ne sont pas maîtrisables dans une société qui récuse à juste titre toute idée de sélection professionnelle sur des critères d’âge ou de sexe, et pénalise même la discrimination pour certains d’entre-eux (santé, appartenance culturelle). Les indicateurs de risque professionnel, proposés pour la mise en œuvre de la stratégie de prévention médicale en santé au travail, posent la question de leur validité « médicale prédictive »(15). Une surveillance de santé ne constitue pas toujours une garantie sur le long terme faute de disposer d’indicateurs biologiques d’effets validés, comme par exemple pour le risque cancérogène (8). Dans le cadre du dépistage des effets du stress chronique sur la santé, même si aucun indicateur biologique d’effets n’existe, il n’en sera pas de même. Ici l’utilité d’entretiens de santé (médicaux ou infirmiers) réguliers ou occasionnels est avérée. Ils contribuent au dépistage des premiers signes de souffrance, et devraient permettre d’agir en correction sur les conditions de travail, et sur la maîtrise des risques psychosociaux, avant que l’état individuel ou collectif de la santé dans l’entreprise ne se dégrade plus. Faire la part des choses est un art difficile. Le recours à l’épidémiologie descriptive, en distinguant marqueurs et facteurs de risque, permet d’améliorer la validité des modèles explicatifs en décrivant un « panorama » sanitaire de la population considérée le moins biaisé possible. Elle a cependant l’inconvénient d’être difficile à mettre en œuvre. L’approche qualitative (méthode des informateurs clé, méthode DELPHI…) ainsi ouverte n’en reste pas moins particulièrement productive dans le domaine de la santé au travail, pour peu que l’on s’en donne les moyens. 2.2 LA NOTION DE BESOIN DE SANTE Selon Pineault le besoin de santé se définit comme « l’écart entre une situation optimale (qui peut devenir l’objectif d’un programme de prévention sanitaire au travail) et la situation observée ». Cette notion relève de la phase ultérieure de la mise en place des procédures de maîtrise des risques. En santé au travail les besoins de santé (promotion de la santé au travail, réduction des AT/MP et de la souffrance au travail…) seront mis en adéquation avec les besoins de service (nature des missions de service public, impact de l’absentéisme lié aux « mauvaises conditions de travail » sur les objectifs à atteindre…), avant qu’ au final soient déterminés les besoins de ressources (adéquation des 4 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
moyens et des objectifs économiques [productivité] et sanitaires [réparation et prévention des pathologies professionnelles]). Ce type de démarche comparative interpelle directement la problématique de la gestion par objectif (évaluation des politiques publiques), et pose la question de la place des indicateurs de santé au travail relativement à celle des indicateurs économiques. Force est de reconnaître en matière de stress au travail, que le monde du travail associe encore aujourd’hui rarement à l’évaluation économique, celle de l’état de santé « psychique » des opérateurs en charge de la réalisation des objectifs qu’impliquent les dites politiques. La position commune d’EUPAN et TUNED sur le stress au travail dans les administrations centrales, apparaît donc comme une opportunité particulièrement pour la compréhension de l’aspect dynamique de la dégradation de la santé au travail. Elle devrait ainsi contribuer à terme, à une meilleure prise en compte de la dimension sanitaire qu’implique la promotion de la santé des travailleurs au travail, dans l’habituelle évaluation des performances professionnelles tant individuelles que collectives. 2.3 LE CHOIX DES PRIORITES EN SANTE AU TRAVAIL : STRATEGIE DES ENQUETES Si les problèmes de santé au travail dûment compris aux plans médical et ergonomique, devraient pouvoir (auraient du pour le passif de la médecine du travail) être résolus, au moins pour les facteurs de risque dont l’impact sur la santé est connu, les connaissances scientifiques étant « avérées» en santé au travail, d’autres nécessiteront une phase de recherche complémentaire, avant qu’il soit possible de déboucher sur leur indemnisation/ prévention. L’impact du stress au travail sur la santé rentre dans cette seconde catégorie. Si les effets négatifs du stress chronique sur la santé sont connus de longue date, il convient aujourd’hui de promouvoir leur reconnaissance en santé au travail sur le terrain. Il s’agit ici du passage d’une connaissance scientifique réservée à un petit nombre de chercheurs et de praticiens, à une large reconnaissance sociale acceptée par le monde du travail, et partagée par le plus grand nombre. En ce qui concerne la révélation et la reconnaissance de l’impact socioéconomique du stress au travail, son évaluation reste encore au quotidien sujette à de multiples interrogations. Se pose donc la question du niveau choisi pour l’analyse : niveau global (quelle globalité ?) et/ou niveau local (« loco dolenti ? »). Pour tenter de faire la part des choses de nombreuses stratégies d’enquêtes existent. Nous retiendrons plus particulièrement celle des algorithmes décisionnels (11), proposée par DAB et ABENHEIM car elle a fait ses preuves. Elle s’applique relativement bien à la pratique de la santé environnementale et à celle de la santé au travail. Ces deux auteurs proposent un screening linéaire articulé autour de cinq questions. 1- L’importance du problème est-elle reconnue ? 5 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
2- Le problème est-il suffisamment connu pour agir ? 3- Possède-t-on des moyens efficaces pour agir sur le problème ? 4- Dispose-t-on des moyens nécessaires pour mener à bien le programme ? 5- Dispose-t-on de stratégies d’interventions adaptées ? 1. L’importance du Stress au travail est-elle reconnue ? Si au niveau macroéconomique un consensus existe relativement à l’évaluation de l’importance du problème « stress au travail», le suivi analytique manque encore au niveau « micro ergonomique » ; c’est un des enjeux du protocole d’accord que de promouvoir ce type d’études. Selon l’INRS [1] le stress au travail concernerait en France 1 à 1,4% de la population active, soit 220 500 à 334000 personnes. Le coût social serait compris entre 830 millions et 1,6 milliards d’euros. En 1999 l’Agence européenne pour la sécurité au travail affirmait que le stress au travail était à l’origine de 50 à 60% de l’ensemble des journées de travail perdues en Europe. Selon une étude réalisée en France par le CNAM : 20% des patients arrêtés pour plus de trois mois vivaient une situation de conflit dans leur entreprise). Même si ces chiffres ne concernent pas spécifiquement le secteur public, celui-ci reste bien sûr concerné à un niveau qui pourrait être évalué dans la suite de la signature de la position commune européenne sur le stress au travail dans les administrations publiques. FOCUS En France en 2003 la Caisse Nationale d’Assurance Maladie souligne que les psychotropes arrivent en tête du peloton des médicaments consommés, juste derrière les antalgiques. La France consomme (actifs et non actifs confondus): 2 fois plus que l’Italie, 3 fois plus que la GB et l’Allemagne, 4 fois plus que les USA. Vingt-quatre virgule cinq pourcents des assurés ont bénéficié en 2003 du remboursement d’un médicament psychotrope. Les analystes montrent que les anxiolytiques arrivent à hauteur de 17,4% ; les Antidépresseurs 9,7% pour un peu moins de 5% de dépressifs4, les hypnotiques 8,8% ; les neuroleptiques 2,7%. Plus de 120 millions de boites sont remboursées cette année là, soit 6 fois plus qu’en 1980. L’augmentation des dépressions n’explique qu’en partie le « boom psychotrope » (OPEPS 1998) l’explication de ce phénomène qui croit de manière constante depuis 20 ans vient certes de « l’engouement suscité dans notre pays par le médicament en général », Zarifian stigmatise « la médicalisation systématique du moindre vague à l’âme », mais la pérennisation de ce type de souffrance, souvent d’origine multifactorielle, n’en pose pas moins la question de l’impact des facteurs de risques professionnels, à un moment où les demandes d’études sur les relations entre le suicide et le travail se multiplient en France... 4 [Si 20% des prescriptions d’AD ne reposent sur aucun diagnostic étayé, parmi les 80% restant on ne saurait mésestimer l’impact des facteurs environnementaux professionnels et privés.] 6 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
L’AFFSAPS souligne l’insuffisance de prise en charge médicale des « authentiques » dépressions dont le diagnostic en médecine générale est souvent défaillant. Pour autant elle ne s’appesantit pas clairement sur l’impact des facteurs environnementaux de stress professionnels. Faute d’action correctrice sur ces facteurs de risques relevant d’une intervention ergonomique de correction, le retour au travail devient difficile, voire impossible motivant alors une consommation de soins anormalement prolongée. L’impossibilité de reprise du travail débouche alors, soit sur des licenciements pour inaptitude médicale, soit sur des démissions. Parallèlement certains spécialistes (psychiatres et rhumatologues) posent clairement la question de l’impact des conditions de travail sur la dynamique évolutive des pathologies psychiques et rhumatologiques, ainsi que sur les modalités de leur prise en charge. En atteste le rapport rédigé en 2002 par le Docteur Junod, consécutivement à la demande d’analyse des motifs de l’absentéisme médical prolongé formulée par le Conseil National de l’Ordre des médecins(16). 2. La réalité clinique du stress chronique au travail est-elle suffisamment connue pour agir ? Dès lors que les risques sanitaires sont connus, la question de leur reconnaissance en milieu de travail pose plusieurs niveaux d’interrogation. Les effets cliniques du stress chronique répondent à cette deuxième question, par contre leur relation au travail est fréquemment contestée, mettant en avant la susceptibilité individuelle. Deux catégories de questions sont donc à poser : • S’agit-il uniquement de l’adéquation individuelle entre sollicitations/capacités médicales (pouvoir faire et pouvoir faire face) qui explique la souffrance? • Ou s’agit-il d’un problème de compatibilité des objectifs de travail avec les possibilités psychophysiologiques spécifiques individuelles disponibles pour y répondre : adéquation des objectifs, des moyens, des capacités et des compétences ? L’approche médico-ergonomique en santé au travail, offre la possibilité de mieux connaître (contrôler/analyser) l’impact sanitaire du stress sur l’acquisition des objectifs assignés aux missions de service public. On rappellera que l’adéquation des objectifs et des moyens est un enjeu social fort : aux manques de moyens il est opposé l’insuffisance des organisations. Ici se joue la place accordée ou non à l’évaluation ergonomique des situations de travail dans la gestion au quotidien des ressources humaines. L’analyse des effets de l’activité professionnelle sur les opérateurs et la perception par les salariés eux-mêmes de leur état de santé, ouvrent de nouveaux champs de recherche et d’analyse en santé au travail et en santé publique. En distinguant le travail prescrit du travail réel que définit l’ergonomie, les études « de santé au travail » devront donc analyser attentivement le vécu du travailleur au travail. Une fois recueillies, ces données seront utilisées pour l’élaboration des politiques locales de gestion des ressources humaines Les professionnels de santé au travail œuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire, aideront à faire la part des choses entre les éléments, pathogènes ou non, relevant de l'individu, de l’organisation du travail et/ou de l’environnement de vie professionnelle. La difficulté d’accès à la connaissance de la vie hors travail, liée au respect de la vie privée, peut bien sûr influer sur la qualité des évaluations globales de la santé ; le secret professionnel et médical devra cependant être toujours strictement respecté dans le déroulement des études. 7 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
Il convient d’être conscient que tout ne relève en effet pas que des soins ; au-delà de la prise en charge de la souffrance au travail, il faudra également prendre en compte les facteurs pathogènes liés aux mauvaises organisations du travail. La question du rôle relatif des praticiens en santé au travail et des médecins traitants se pose donc. Si le recueil des données sanitaires devait se faire auprès de ces derniers, dans les pays où n’existent pas de médecins du travail, il conviendrait de développer dans les cursus de formation médicale initiale et continue, l’enseignement de la santé au travail. La diffusion de ce type de connaissances est encore largement déficitaire en Europe, même vingt ans après la promulgation de la directive du conseil du 12 juin 1989. 3. Possède-t-on des moyens efficaces pour agir sur le Stress au travail ? Les moyens efficaces de prévention existent pour lutter contre la souffrance au travail. Cette dernière est en effet le plus souvent consécutive à des déficits d’organisation du travail « en cascades ». La considération du stress au travail ne peut donc se suffire d’une simple analyse locale. Les choix économiques « globaux » qui influent sur les activités professionnelles, devront envisager ces conséquences. La démarche d’analyse du stress au travail pose la question de savoir jusqu’où il faut faire remonter l’analyse des dysfonctionnements pour prévenir valablement le risque. La prise en compte de l’impact ergonomique organisationnel des choix économiques devrait être étudié au plus haut niveau de décision, c'est-à-dire au moment où ces choix politiques sont faits. Cela faciliterait d’autant le travail de terrain. L’insuffisance, voire l’inexistence de ce type de démarche est bien connue des ergonomes comme des autres professionnels de la santé au travail. Si ce constat vaut de manière générale, il est tout particulièrement vrai pour le stress au travail. L’action visant à diminuer le stress ne saurait donc se satisfaire d’une analyse limitée au seul niveau d’action « local ». La notion de globalité de l’indicateur pose la question de la globalité dont on parle. S’agit-il du simple collectif local, ou du système d’organisation du travail lui-même impacté par les choix stratégiques définis en amont? Les moyens pour l’évaluation des impacts sanitaires des choix économiques sur la santé existent-ils, sont-ils en place? 4. Dispose-t-on des moyens nécessaires pour mener à bien la lutte contre le stress chronique? La faisabilité, pour ne pas dire l’éthique de l’action préventive en la matière, devra passer par la recherche d’un meilleur équilibre entre la gestion des déficits, la gestion des emplois, le coût économique imputé à l’absence de prévention du stress au travail. Le coût sanitaire et social de la souffrance au travail, doit être évalué au plus près de l’activité professionnelle. L’évaluation médicale « ultime » des conséquences sanitaires du stress chronique au travail est possible ; elle sera menée à partir de l’analyse des motifs de consommation médicale accessibles par le contrôle médical des dépenses de Sécurité sociale. Dès lors les préconisations relatives à la prévention du stress seront mieux comprises et mieux acceptées. Ce travail « pluridisciplinaire » , transversal et pluri professionnel, impose un partage du pouvoir de réflexion, même si les processus de décision relèvent au final de l’Employeur. La promotion de la santé des travailleurs au travail est en effet de leur responsabilité (Directive du Conseil du 12 juin 1989) 5. Dispose-t-on de stratégies d’interventions adaptées pour lutter contre le stress chronique? 8 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
Se pose maintenant la question de savoir si parmi les moyens validés dans l’étape précédente, certains sont plus à même de maximiser les chances de réussite. Les caractéristiques économiques, organisationnelles, psychologiques, ergonomiques du milieu « fonction publique » seront listées, discutées,…afin d’établir la stratégie optimale d’évaluation/action. Diverses grilles existent pour faciliter les processus décisionnels. Elles ont été proposées par R.Pineault [9] à la lecture duquel nous renvoyons. 6. La validation Ce n’est qu’une fois toutes ces étapes franchies, que l’action pourra être valablement programmée. Après avoir été réalisée, elle sera évaluée. Cette « « Sixième étape » sera comprise comme une recherche/action, directement inscrite dans une stratégie globale d’évaluation/prévention en santé au travail. Il est bien entendu que concomitamment les demandes de soins seront assurées, sans qu’il soit nécessaire d’attendre le résultat des études et recherches… Au-delà des acteurs et des professionnels concernés (représentants de la GRH, représentants des personnels, chefs de services, collectifs professionnels, professionnels de la santé au travail et de l’action sociale…), la mise en œuvre d’une telle stratégie implique également une expertise épidémiologique spécifique. Cette indispensable contribution épidémiologique, présuppose le recours spécifique à des épidémiologistes spécialistes de santé au travail. Ils devront être bien sûr mobilisés dès le démarrage d’application du protocole. 3 PLACE DE L’EVALUATION MEDICALE DE SANTE AU TRAVAIL DANS L’ANALYSE DES ETATS DE SANTE 3.1. AU PLAN INDIVIDUEL A partir de l'analyse individuelle de l'état de bien être physique, mental et social qu'il aura pu réaliser au sein de l’équipe pluridisciplinaire, le praticien spécialiste de santé au travail (médecin ou psychologue) fera la part entre les anomalies biologiques (il n’existe pas d’indicateurs biologiques d’exposition validé pour le stress chronique) ; les doléances, la souffrance et les pathologies rencontrées (des indicateurs biologiques d’effets ont été proposés [12], mais ils sont encore discutables et discutés). Le praticien cherchera à différencier ce qui pourrait avoir un rapport direct avec le travail (organisation du travail et vie au travail) et ce qui n’y serait pas lié. Lors de cette difficile analyse clinique les médecins du travail éventuellement aidés par des experts, distingueront les signes cliniques objectifs, les signes cliniques subjectifs. La pertinence du diagnostic qu’ils pourront ainsi poser, sera étroitement liée au niveau d'intensité des troubles ; elle augmentera au fur et à mesure que l'on se rapprochera de la pathologie avérée. Les symptômes « précoces » de stress chronique les plus évidents sur le plan clinique sont en général considérés dans la « hiérarchie clinique » comme assez banaux. Il conviendra de ne pas s’arrêter sur ce point de vue, ces signes étant autant de justification à l’action ergonomique préventive. Ces symptômes sont habituellement classés en trois catégories : physiques : maux de 9 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
tête, troubles du sommeil, symptômes digestifs et malaises ; émotionnels : crises de nerfs et sentiments de mal-être ; comportementaux : consommation de médicaments psycho actifs et conduites addictives. Les pathologies avérées habituellement en relation avec l’hyper sollicitation adrénergique (modèle Laborit) sont les hypertensions fonctionnelles pouvant déboucher sur d’authentiques accidents vasculaires cérébraux, les troubles lipidiques chroniques participant au développement des coronaropathies. Les « addictions alimentaires réactionnelles aux stress » susceptibles de déboucher à termes sur le pré diabète, puis le diabète « gras »; les pathologies mentales réactionnelles : dépressions et burn-out ; certaines infections à répétition ; certaines dermatoses « allergiques »… Il faut être conscient que plus on se situera en amont de la maladie, plus la question de la valeur prédictive des indicateurs sera cruciale. Si le médecin réfléchit et travaille en prévention médicale, l’agent quant à lui s’attend à ne pas être malade du fait de son travail. La réponse à cette attente est directement liée aux moyens d’analyse clinique et ergonomique dont les professionnels de santé au travail disposent. Ils participent en effet à l’étude « indirecte » des conditions de travail, indirecte car diligentée au cabinet médical, c’est à dire à distance des lieux de travail, (diagnostic clinique du caractère pathogène de la situation de travail). Rappelons que l’objectif du praticien s’inscrit dans la perspective de prévenir les « altérations de la santé du fait du travail ». Un système de santé au travail « performant » ne saurait se contenter de la seule dimension d’observation de la dégradation médicale de la santé au travail ; c’est tout l’enjeu du développement de la pluridisciplinarité inscrite dans la réglementation européenne (directive du conseil de JUIN 1989). L’action de vigilance sanitaire inscrite à posteriori (prévention tertiaire), ne saurait en effet occulter le besoin d’agir en prévention primaire ; son intérêt ne doit pas pour autant être mésestimé. Au plan éthique il convient que, compte tenu des connaissances en psycho dynamique du travail, soient aujourd’hui mieux développées les actions de maîtrise des risques « a priori » (prévention primaire). Se pose ici la question de la nature, de la disponibilité et de la validité « prédictive » des indicateurs à retenir. Ils découleront du rapide descriptif clinique évoqué ci-dessus. Dans les stratégies d’évaluation de la santé au travail, il conviendra de bien distinguer les indicateurs ciblant l’évaluation clinique préventive en amont de la maladie (indicateurs d’exposition au risque), des indicateurs visant au dépistage des maladies (indicateurs d’effets). Ces derniers visent la découverte la plus précoce possible des symptômes, syndromes et maladies pour les traiter : elle n’ont pas été évitées. L’intervention réellement préventive au sens des attentes sociales d’aujourd’hui, devrait se situer nettement en amont de la maladie, et non plus uniquement en amont dans la maladie (indicateurs d’effet du risque [prévention secondaire]) . 3-2 LES INDICATEURS DE STRESS CONTEXTUALISES Il faut qu’aujourd’hui l’Europe de la santé au travail s’accorde, à partir des expériences menées dans les différents pays de l’Union, sur les indicateurs les plus pertinents en matière de stress au travail. Lors de cette approche commune il sera obligatoirement tenu compte des spécificités de chaque pays, des emplois considérés, et des statuts des agents publics. Le statut d’emploi, la protection 10 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
statutaire du travailleur, les droits médicosociaux de prise en charge des pathologies influent sur les modalités d’accès à la connaissance du risque ; il faudra en tenir compte. Chacun sait que certains indicateurs traditionnellement utilisés comme le dénombrement des accidents du travail et des maladies professionnelles, ou comme la durée des arrêts maladies, voire la reconnaissance de certaines entités pathologiques comme le stress pathologique, la fibromyalgie, la dépression consécutive à une fatigue professionnelle chronique…, sont dépendants du contexte médicolégal définissant et organisant ces prises en charge. Les modalités d’indemnisation varient en effet selon les régimes de protection sociale…Le contexte réglementaire de la reconnaissance des pathologies professionnelles influe bien sûr, sur la « conscience préventive » que chaque pays membre de l’Union peut ou veut en avoir ; il faudra savoir en tenir compte. De même les définitions cliniques des pathologies appréhendées lors des études de santé au travail doivent être cadrées. Le recours aux référentiels comme le DSM IV ou comme la classification internationale des maladies (CIM 10) sera indispensable, dès lors que l’on souhaite recueillir des informations au niveau européen. Ces points devront également être discutés. Un développement des études comparatives en santé au travail s’impose aujourd’hui. Il faut être conscient de toutes les « subtilités » que nous venons d’évoquer, dès lors que l’application de la Position commune d’EUPAN et TUNED, actée en décembre 2008, est le nouvel objectif. Les connaissances médico psychologiques relatives au stress étant largement partagées entre les différents partenaires européens, il conviendrait maintenant de s’entendre sur les définitions médicolégales et de santé au travail spécifiques, qui encadrent dans chaque pays de l’Union la reconnaissance de la prise en compte et de la prise en charge des effets sanitaires du stress au travail. L’enjeu est ici de se mettre d’accord sur des indicateurs « comparables » entre pays, alors que les systèmes de santé nationaux ne sont pas harmonisés. Comme évoqué au paragraphe précédent certains indicateurs peuvent être proposés pour l’évaluation du risque psychosocial (Cf.12). • Quelle plus value apportent-ils pour l’étude du stress au travail, peuvent-ils être « accrédités » pour établir des comparaisons entre pays? • Quelles garanties accorder à la répétition/réutilisation de ces indicateurs « tout au long de la vie active » pour assurer la crédibilité sanitaire des avis formulés par les professionnels de santé au travail. • A quelle échéance doit-on les recueillir ? • Quelle planification de la prévention proposer à partir de tels indicateurs, en sachant que l’organisation du travail dans le secteur public est directement dépendante des politiques d’emploi public, elles-mêmes liées à la maîtrise des déficits budgétaires? • Quel degré de conscience a-t-on des enjeux individuels (maintien de l'état de santé) face à la recherche ultérieure des responsabilités lors de la survenue d'un accident ou d’une maladie (l'employeur public comme l’employeur privé est le premier responsable vers lequel l’agent 11 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
est susceptible de se retourner, lorsqu’un problème de santé d’origine professionnelle apparaît) ? • Dans ce contexte que peut signifier en termes de performance sanitaire la surveillance de la santé proposée par l’article 14 de la directive de 1989 ? • Que peuvent signifier au plan de leur efficience sanitaire des surveillances de santé renouvelées pendant des années, si elle ne sont pas conjointement accompagnées d’une mise en place effective de la maîtrise des risques professionnels par les services de protection et de prévention définis à l’article 7 de cette directive, et inversement? Article 14 Surveillance de santé 1. Pour assurer la surveillance appropriée de la santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, des mesures sont fixées conformément aux législations et/ou pratiques nationales. 2. Les mesures visées au paragraphe 1 sont telles que chaque travailleur doit pouvoir faire l’objet, s’il le souhaite, d’une surveillance de santé à intervalles réguliers. 3. La surveillance de santé peut faire partie d’un système national de santé. 3.3. AU PLAN COLLECTIF Le niveau collectif apporte également son lot d'interrogations. La première concerne la démarche de santé au travail dont on sait qu’elle n’est pas encore harmonisée dans l’Union, malgré la directive du 12 juin 1989. L’analyse des modalités nationales de transposition /transcription de l’article 7 en droit interne par les différentes Administrations de l’Union, permettra d’établir le constat du degré d’harmonisation des pratiques en matière d’hygiène, de sécurité et de santé au travail. Les différences de points de vue sont en effet susceptibles d’introduire des biais, particulièrement dans les études sur le stress au travail. Rappelons également que la dimension psychologique de la souffrance au travail est directement dépendante des contextes socioculturels. Article 7 Services de protection et de prévention 1. Sans préjudice des obligations visées aux articles 5 et 6, l’employeur désigne un ou plusieurs travailleurs pour s’occuper des activités de protection et des activités de prévention des risques professionnels de l’entreprise et/ou de l’établissement. 2. Les travailleurs désignés ne peuvent subir de préjudice en raison de leurs activités de protection et de leurs activités de prévention des risques professionnels. Afin de pouvoir s’acquitter des obligations résultant de la présente directive, les travailleurs désignés doivent disposer d’un temps approprié. 3. Si les compétences dans l’entreprise et/ou l’établissement sont insuffisantes pour organiser ces activités de protection et de prévention, l’employeur doit faire appel à des compétences (personnes ou services) extérieures à l’entreprise et/ou à l’établissement. 4. Au cas où l’employeur fait appel à de telles compétences, les personnes ou services concernés doivent être informés par l’employeur des facteurs connus ou suspectés d’avoir des effets sur la 12 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
sécurité et la santé des travailleurs, et doivent avoir accès aux informations visées à l’article 10 paragraphe 2. 5. Dans tous les cas : - les travailleurs désignés doivent avoir les capacités nécessaires et disposer des moyens requis, - les personnes ou services extérieurs consultés doivent avoir les aptitudes nécessaires et disposer des moyens personnels et professionnels requis, et - les travailleurs désignés et les personnes ou services extérieurs consultés doivent être en nombre suffisant. Pour prendre en charge les activités de protection et de prévention, en tenant compte de la taille de l’entreprise et/ou de l’établissement, et/ou des risques auxquels les travailleurs sont exposés ainsi que de leur répartition dans l’ensemble de l’entreprise et/ou de l’établissement. 6. La protection et la prévention des risques pour la sécurité et la santé qui font l’objet du présent article sont assurées par un ou plusieurs travailleurs, par un seul service ou par des services distincts, qu’il(s) soit (soient) interne(s) ou externe(s) à l’entreprise et/ou à l’établissement. Le(s) travailleur(s) et/ou le(s) service(s) doivent collaborer en tant que de besoin. 7. Les Etats membres peuvent définir, compte tenu de la nature des activités et de la taille de l’entreprise, les catégories d’entreprises dans lesquelles l’employeur, s’il a les capacités nécessaires, peut assumer lui-même la prise en charge prévue au paragraphe 1. 8. Les Etats membres définissent les capacités et aptitudes nécessaires visées au paragraphe 5. Ils peuvent définir le nombre suffisant visé au paragraphe 5. 3.3. DU FACTEUR DE RISQUE INDIVIDUEL AU FACTEUR DE RISQUE ENVIRONNEMENTAL De nombreuses études et recherches en santé au travail tentent d’évaluer tantôt des facteurs individuels de maladie, tantôt des facteurs sociaux, tantôt des facteurs environnementaux ; les études relatives au stress ne font pas exception. Outre la difficulté d’appréhender un élément aussi global que la santé, il faut être conscient que dans les processus pathogènes, deux catégories de facteurs doivent être distingués afin que les conclusions tirées de l’analyse des relations santé/travail soient intelligibles, éventuellement opérantes et comparables d’un pays à l’autre. Il s’agira de distinguer les facteurs individuels et les facteurs environnementaux susceptibles de constituer des déterminants de la souffrance au travail. Ces facteurs doivent être clairement distingués lors des démarches d’évaluation, en tenant compte de la nature de l’information recueillie : quantitative, semi quantitative ou qualitative. 4. LES MODELES D’EVALUATION DU STRESS-LES QUESTIONNAIRES DE SANTE 4.1 LES MODELES EXPLICATIFS DE LA NOTION DE STRESS Si la définition des indicateurs de santé est en général laborieuse, vu la complexité de la notion de santé, leur définition est encore plus problématique dès lors que l’on envisage d’étudier des problèmes de santé dans leur contexte environnemental : ici le stress au travail. 13 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
Il ne s’agit en effet pas seulement d’étudier un besoin de soins, de définir une entité pathologique, mais il s’agit aussi de traiter des relations entre une sollicitation individuelle, les capacités individuelles pour « faire et faire face », et un contexte environnemental de vie au travail. Tout ceci dans une perspective de promotion de la santé (prévention). Ces difficultés se traduisent dans le nombre des modèles explicatifs existant que nous citons ci-dessous dans l’ordre chronologique de leur publication : 1-Modèle Selye : réponse/adaptation ; 2-Modèle Laborit : inhibition de l’action ; 3-Modèle Siegrist : effort/récompense ; 4-Modèle Karasek : demande/contrôle ; 5-Modèle Lazarus : évaluation/perception de la situation centrée sur l’individu. Retenir que ce qui est mesurable et ignorer ce qui ne l’est pas, constitue un biais méthodologique qu’il faut évoquer. Il renforce le besoin d’expertise épidémiologique en la matière. Dans l’appréhension des relations stress/travail/ souffrance, se pose donc avec une particulière acuité la question de l’approximation acceptable et socialement acceptée. Si l’on doit accorder une réelle attention au modèle transactionnel de Lazarus qui devrait être considéré comme un modèle théorique performant, il faut aussi considérer les difficultés qu’il y a à le mettre en œuvre. Les modèles de Karasek et de Siegrist sont quant à eux relativement clairs et faciles à utiliser. Ils sont cependant limités pour la compréhension des processus de développement du stress. Cela dit les différentes voies explorées par chacun de ces modèles, ne sont pas exclusives, mais complémentaires les unes des autres : Lazarus focalise sur le processus même du stress, Karasek et Siegrist sur la sollicitation/perception des opérateurs. La multifactorialité sera d’autant mieux appréhendée que l’on distinguera plus clairement les sources de stress (Health safety excutive- GB) des facteurs individuels « explicatifs » (questionnaire nordique-Copenhague : implication, motivation, déséquilibre entre vie privée et professionnelle). Le choix des questions retiendra celles dont la validité est reconnue ; traitera du volet environnemental et individuel…L’objectif est d’éviter les écueils sur lesquels nous allons revenir plus loin, après avoir brièvement listé les types de questionnaires. 4.2 LES TYPES DE QUESTIONNAIRES Au plan pratique on distingue habituellement : 4.2.1LES ECHELLES CLINIQUES STANDARDISEES EN PSYCHIATRIE : • CLINIQUES : échelles de dépression (HDRS, MADRS…BDI), échelles d’anxiété (HADRS…), échelles anxiodépressives, échelles de santé mentale (GHP RAND, SPPN…) 14 Pr Alain Dômont Santé publique-Santé au travail ; Université René Descartes PARIS V ; Tel : 00 33 6 07 05 88 58 ; email : alain.domont@ccl.aphp.fr
Vous pouvez aussi lire