La santé, TOUS ! un droit pour - vision et recommandations Solidarité Mondiale mène la campagne La santé, un droit pour tous avec

 
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La santé,
 un droit pour
    TOUS !

   vision et recommandations

Solidarité Mondiale mène la campagne La santé, un droit pour tous avec
 les Mutualités chrétiennes, Altéo, le CIEP, Jeunesse & Santé et l’UCP.
La santé, TOUS ! un droit pour - vision et recommandations Solidarité Mondiale mène la campagne La santé, un droit pour tous avec
Sommaire

La santé, un droit pour tous!........................................ 3

1. Le droit à la santé.................................................... 4

2. Santé et médicaments............................................ 7

3. La lutte contre la commercialisation
     des soins de santé.................................................10

4. La pénurie de professionnels de santé................13

5. Une politique de protection sociale......................16

6. Recommandations................................................19

Editeur responsable
Andre Kiekens
Solidarité Mondiale asbl
Chaussée de Haecht 579, 1030 Bruxelles
solidarité.mondiale@solmond.be, www.solmond.be

Auteurs
Gijs Justaert, Bart Verstraeten, Valérie Van Belle,
Caroline Lesire.

Photos
Solidarité Mondiale

Graphisme
Gevaert Graphics

Janvier 2011

Solidarité Mondiale au Nord et au Sud,
avec le soutien de: Groupe Arco, VDK, DVV, Dexia
et DGD, la coopération belge.

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La santé, TOUS ! un droit pour - vision et recommandations Solidarité Mondiale mène la campagne La santé, un droit pour tous avec
La santé, un droit pour tous !

La santé est fondamentale. Plus encore, c’est un droit de          la Déclaration d’Alma Ata, document de base pour un
l’homme. Et pourtant les chiffres mondiaux en matière              accès universel aux soins de santé. Le droit à la santé
d’acces à la santé sont alarmants. Actuellement, 2,5               a été associé à des notions comme la justice sociale,
milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès               la participation, l’autonomisation, les soins de santé de
aux soins de santé de base. Parce qu’elles ne peuvent              base et des rapports mondiaux justes. L’objectif de la
pas payer le droit d’entrée au centre de santé ou les mé-          santé pour tous, comme l’a affirmé la Déclaration d’Al-
dicaments, parce que les centres de santé sont trop éloi-          ma Ata, aurait du être atteint aux alentours de l’an 2000.
gnés ou parce que le personnel médical ou le matériel              Dix ans après l’échéance, ces objectifs sont loin d’être
nécessaire manquent à l’appel. Chaque année, au moins              réalisés. Nous n’arrivons toujours pas à organiser des
20 millions de personnes meurent dans les pays en dé-              soins de santé accessibles et de qualité pour tous,
veloppement, faute de soins de santé de base adéquats.             surtout dans les pays en développement.
Parmi ces morts facilement évitables, les innombrables
mères qui meurent encore pendant leur grossesse ou à               Pour y faire face, comme cela s’est passé chez nous
l’accouchement ou les enfants en bas âge qui succom-               il y a longtemps, les citoyens se mobilisent. Ils pren-
bent à des pathologies bénignes. Dans la plupart des               nent eux-mêmes des initiatives pour améliorer leur
cas, les personnes tombent malades et meurent d’af-                santé via des mutualités, des mouvements sociaux.
fections faciles à prévenir et à traiter. En Belgique aussi,       Ensemble, ils revendiquent leur droit à la santé en dé-
les inégalités sociales en matière de santé restent im-            veloppant un système d’assurance maladie, en créant
portantes. Les populations défavorisées vivent non seu-            un fond commun et en rendant les coûts des soins
lement moins longtemps mais elles sont également en                médicaux plus supportables. Mais aussi pour amélio-
mauvaise santé nettement plus tôt dans leur vie.                   rer la qualité des soins. En effet, la santé est l’un des
                                                                   premiers soucis des individus.
Pour bon nombre de personnes, vivre en bonne san-
té n’est qu’un rêve lointain. De nombreux problèmes                Solidarité Mondiale, les Mutualités chrétiennes et les
trouvent leurs racines dans les échanges inégaux                   partenaires de campagne pensent que l’accès aux
entre pays dits développés, émergents et en dévelop-               soins de santé doit être une des priorités principales
pement. Les autorités investissent trop peu dans le                des autorités et des décideurs politiques partout dans
secteur public, privant ainsi une grande partie de la              le monde. Et à cet égard, les gouvernements des pays
population de soins de santé accessibles. Le manque                du Sud ne sont pas les seuls à jouer un rôle important :
de médicaments et la commercialisation des services                la Belgique, l’Union européenne et la communauté in-
de soins de santé empêchent la majorité de la popula-              ternationale doivent se mobiliser et agir pour apporter
tion, aux moyens financiers limités, de se faire soigner.          leur contribution. Avec les dix recommandations de
Les conditions de travail et de vie poussent de nom-               ce dossier, nous voulons, ensemble, donner un signal
breux prestataires à s’installer dans d’autres régions             fort aux décideurs politiques.
plus propices. Sans quitter forcément le pays, ils mi-
grent souvent vers le secteur privé lucratif ou les ONG
et programmes internationaux. Enfin, l’absence d’une
politique de protection sociale dans de nombreux pays              Andre Kiekens,
laisse les habitants vivre dans la pauvreté et l’inégalité         Secrétaire général Solidarité Mondiale –
sociale augmenter au lieu de diminuer.                             Wereldsolidariteit

En 1978 déjà, 134 pays ont signé, à l’initiative de l’Unicef       Marc Justaert,
et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),                   Président de l’ANMC

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1. Le droit à la santé

   Nous demandons que :

   > Les autorités belges consacrent 15% du bud-                > Dans les pays partenaires, les autorités belges
       get de la coopération au développement (APD)                réclament la participation des mutualités locales
       au renforcement des systèmes de santé dans                  au développement et à l’exécution d’une politique
       les pays partenaires.                                       de santé en vertu de laquelle chacun a accès aux
                                                                   soins de santé et peut défendre ce droit.

Le droit à la santé est de moins en moins acces-                devrait à titre d’exemple consacrer 15% de ce budget
sible pour un nombre croissant de personnes dans le             aux soins de santé – qui équivaut au pourcentage du
monde. C’est pourtant un droit fondamental pour tout            budget que les pays africains ont convenu de consa-
homme, quel que soit son statut dans la société. L’état         crer à la santé depuis 2001. Ce n’est qu’avec de tels
a la responsabilité essentielle d’assurer sa mise en            efforts accrus et prévisibles qu’un soutien financier et
œuvre. Malgré tout, 2,5 milliards de personnes dans             technique pourra être garanti à long terme pour le dé-
le monde, c’est-à-dire quasiment une personne sur               veloppement de la politique de santé des pays du Sud.
deux, n’a pas accès aux soins de santé.                         Il convient également de revoir l’affectation de ce bud-
                                                                get, en accordant davantage de place à la prévention,
Bien que les gouvernements portent, entre autres res-           au renforcement du système de santé et à la rationali-
ponsabilités premières, celle d’assurer à leur population       sation de l’offre de soins.
une vie en bonne santé, rares sont les états qui, dans le
Sud, parviennent à offrir des services de santé acces-          Les mutuelles s’organisent
sibles et de qualité à la population. Au niveau africain,
les pays se sont engagés dans la déclaration d’Abuja            Afin d’améliorer l’accès aux soins de santé de qualité
(2001) à consacrer 15% de leur budget national aux              pour tous, les gens essaient de s’organiser dans des
soins de santé, mais seulement quelques-uns parvien-            mutuelles de santé et prennent ainsi ensemble leur
nent à dépasser le seuil des 10%.                               santé en mains. S’appuyant sur la solidarité entre
                                                                jeunes et vieux, riches et pauvres, malades et per-
L’accès aux soins de santé dépend beaucoup des pos-             sonnes en bonne santé, ils s’organisent pour faire va-
sibilités financières du patient et de son entourage,           loir collectivement leurs droits face au gouvernement
car près de 70% des dépenses totales de santé restent           et aux prestataires de soins de santé. Avec leurs res-
à charge des familles. Les soins de santé sont un luxe          sources et la cotisation de chacun, chaque membre
pour bon nombre de personnes et les coûts directs et            peut, le cas échéant, bénéficier des fonds mutuels
indirects liés à la maladie peuvent être élevés, surtout        pour contribuer au paiement des soins médicaux :
quand ces personnes ne bénéficient pas d’une assu-              une répartition du risque financier dans le temps et
rance maladie.                                                  entre les membres permet de rendre les coûts sup-
                                                                portables. On constate que les membres de mutuelles
Si l’on souhaite voir des progrès réels dans le domaine         vont plus régulièrement et plus rapidement consulter
des soins de santé, des efforts accrus sont néces-              au centre de santé puisqu’ils savent qu’ils pourront
saires, non seulement de la part de la Belgique, mais           payer la facture avec l’aide de la mutuelle (qui prend la
aussi de la communauté internationale. En 2009, la              plus grande partie en charge).
Belgique a consacré 9% de son budget de la coopé-               Les mutuelles tentent, autrement dit, de garantir
ration au développement aux soins de santé. Afin de             l’accès de leurs membres à un système de soins de
donner un coup de pouce aux pays du Sud, la Belgique            santé abordable et de qualité.

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Elles mettent par ailleurs souvent l’accent sur la sen-          sont renouvelables, il doit y avoir un certain équilibre
sibilisation et la prévention de diverses maladies, l’uti-       entre les hommes et les femmes. Ils font leurs propres
lisation de moustiquaires pour prévenir le paludisme,            choix pour améliorer leur santé et leur existence. Pro-
l’importance de l’hygiène et d’une alimentation saine            gressivement, c’est un réel contre-pouvoir qui se met
pour lutter contre la mortalité infantile, etc.                  en place. A l’échelon supérieur, les coordinations na-
Les mutuelles travaillent également, en tant que mou-            tionales de mutuelles de santé peuvent contribuer au
vements sociaux, à nouer un dialogue avec les gou-               processus décisionnel en matière de santé.
vernements et les prestataires de soins de santé. À
travers les conventions et les négociations avec ces             Dans le développement d’une politique de santé ac-
derniers, elles essaient d’améliorer le niveau de quali-         cessible et de qualité, les autorités des pays du Sud
té des soins et de contrôler les services rendus à leurs         doivent reconnaître le rôle et la contribution des mu-
membres dans les structures.                                     tualités. Elles doivent également encourager le mou-
                                                                 vement mutualiste et le subsidier et surtout ne pas
Les mutuelles peuvent ainsi contribuer à l’accès aux             s’en servir comme une excuse à l’inaction. Les mutua-
soins de santé pour les populations à revenus mo-                lités s’adressent surtout aux pauvres de la société qui
destes. Mais les mutuelles de santé qui démarrent                sont souvent exclus de l’accès aux soins de santé. La
peuvent difficilement prendre en charge les plus                 Belgique, l’Union européenne et la communauté inter-
pauvres, incapables de cotiser. Elles sont encore fra-           nationale doivent insister, dans leur dialogue avec les
giles, de par leur petite taille. Comme l’indique le rap-        pays partenaires, sur le fait que les mutualités doivent
port 2010 de l’Organisation mondiale de la santé, les            être impliquées dans le développement de soins de
mutuelles, certainement en Afrique, représentent un              santé nationaux accessibles à tous. En outre, la coo-
concept encore neuf, mais en croissance : au niveau              pération au développement belge peut grandement
national, elles ne remplissent pas encore toujours un            contribuer à la reconnaissance des mutualités, en
rôle significatif, ou alors exceptionnellement. Mais au          impliquant également ces mutualités locales et leur
niveau local, leur contribution à des soins de santé ac-         expérience accumulée dans leurs propres actions.
cessibles et de qualité est souvent substantielle.

En attendant, quelles solutions pour les plus pauvres?
Une assurance maladie rendue obligatoire dans la
gestion de laquelle participeraient activement les
mutuelles de santé pourrait créer une véritable soli-
darité entre les différents groupes sociaux. A l’heure
actuelle, les mutualités essaient de pallier au manque
d’initiative de l’Etat avec une assurance maladie volon-
taire, qui pourra ensuite servir d’exemples à l’échelon
national.

Dans les mutuelles de santé, la démocratie est un
concept clé. Les membres ont une influence sur les
choix qui sont effectués par leur organisation. De
par le paiement de leur cotisation, ils sont de facto
membres de l’Assemblée générale et peuvent siéger
dans les instances de leur organisation. Les mandats

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Burundi                                                     Parce qu’elles veillent, en tant que mouvements so-
Le rôle des mutualités dans                                 ciaux, à ce que les groupes de population pauvres
le dialogue national sur la santé                           et vulnérables de la société aient accès aux soins
                                                            médicaux, les mutualités veulent avoir leur mot à
Après une guerre civile de 13 ans qui s’est terminée        dire dans la définition d’un système de soins de
en 2006, la situation des soins de santé du Burundi         santé national. Elles veulent également être recon-
était dramatique et elle ne s’est pas beaucoup amé-         nues et soutenues parce que seule une institution-
liorée depuis. En 2010, il y a tout juste un médecin        nalisation, c.à.d. un encadrement légal de ces mu-
pour plus de 20.000 personnes, le taux de morta-            tualités, leur permettra d’étendre leurs activités.
lité infantile s’élève à 168 sur 1.000 enfants âgés         Avec la création de la Plate-forme nationale de
de moins de cinq ans et en moyenne 7 lits d’hôpital         concertation des acteurs des mutuelles de santé
sont disponibles pour 1.000 habitants.                      au Burundi en 2010, les mutualités burundaises
Depuis la fin de la guerre, les autorités burundaises       ont lancé la démarche. La MSAG, la Mutuelle de
s’efforcent de développer un système offrant à tous         Santé de l’Archidiocèse de Gitega, un partenaire de
un accès aux soins de santé via une assurance ma-           Solidarité Mondiale et de la MC, est membre fon-
ladie universelle, ce dont environ 85% de la popu-          dateur de cette plate-forme. Toutes les mutualités
lation est toujours privée aujourd’hui. Les mutua-          tiennent maintenant le même langage vis-à-vis des
lités burundaises s’adressent à ce grand groupe.            autorités en ayant comme première exigence une
Elles veillent à ce que ces personnes aient accès           reconnaissance légale et un cadre pour les mutua-
aux services de santé de base et aux médicaments,           lités. Aujourd’hui, la plate-forme réfléchit à la place
grâce à un système solidaire d’assurance maladie            des mutualités dans un système d’assurance ma-
où la mutualité prend la plus grande partie des             ladie obligatoire.
frais médicaux d’un patient à sa charge.

                                                                             Au Burundi, être membre de la mutualité
                                                                             signifie avoir accès aux consultations dans
                                                                             les centres de santé ou aux médicaments
                                                                             essentiels. Moyennant une contribution de
                                                                             5,5 € par année, la mutualité prend à sa
                                                                             charge 60% des frais médicaux. Pour les
                                                                             femmes et les enfants de moins de 5 ans,
                                                                             l’intervention est même de 100%.

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2. Santé et médicaments

   Nous demandons que :

   > La Belgique et l’Union européenne permettent               > Les autorités belges consacrent à la recherche
       aux pays en développement de décider et de                   sur les maladies délaissées une partie du bud-
       contrôler leur approvisionnement en médi-                    get dédié à la santé.
       caments vitaux, génériques, abordables et de
       qualité, via la production locale et une politique
       commerciale adaptée.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un             L’ ADPIC, ça pique énormément
accès élargi aux médicaments essentiels pourrait em-
pêcher le décès d’environ 10 millions de personnes              Depuis 1994, les accords de l’Organisation mondiale du
chaque année. 1,8 milliard de personnes, dont 98%               commerce (OMC) obligent les pays membres à se sou-
dans les pays en développement, n’ont pas accès aux             mettre aux ADPIC (Accords sur les droits de propriété
médicaments dont ils ont besoin. En revanche, 20% de            intellectuelle liés au commerce). Il n’est, en principe,
la population, principalement en Amérique du Nord,              plus possible de produire un médicament ou de l’ache-
en Europe et au Japon, utilisent plus de 80% de l’en-           ter à l’étranger sans l’autorisation du propriétaire de
semble des médicaments.                                         l’invention, qui garde ce pouvoir pendant au moins 20
                                                                ans.
Au niveau des dépenses de santé, le poste « médica-
ments » est de loin le plus important. Les plus pauvres         Selon les multinationales pharmaceutiques, « Big
y consacrent leurs maigres ressources.                          Pharma », la protection des brevets est indispensable
Le médicament est un bien de santé, l’accès aux trai-           pour assurer le développement et le financement de
tements est souvent une question de vie ou de mort.             l’innovation. Difficile d’avaler la pilule, quand on sait :
Pourtant, il est souvent considéré comme une simple
marchandise, soumis comme n’importe quel autre                  > que les budgets de marketing et de publicité sont
bien de consommation aux dispositions qui régissent                 deux fois plus élevés que ceux de la recherche;
le commerce international. Le prix du médicament est            > que la santé économique de cette industrie est
fixé par les marchés occidentaux et pas pour le pouvoir             plus florissante que jamais. Le secteur pharma-
d’achat des gens. Que ce soit pour traiter une diar-                ceutique est en effet le plus rentable de tous les
rhée ou un épisode de paludisme compliqué, les mé-                  secteurs économiques légaux;
dicaments sont inabordables pour la majorité de la              > qu’une pratique courante consiste à déposer une
population en Afrique. Les prix sont particulièrement               molécule sans l’exploiter, simplement pour s’as-
élevés pour les médicaments protégés par un brevet.                 surer que les concurrents n’exploiteront pas le
Et dans les cas où ils sont fournis gratuitement par                produit.
l’Etat (par exemple pour soigner la tuberculose ou le
VIH), d’autres problèmes surgissent : épuisement des            L’ADPIC, qui protège les droits de propriété intellec-
stocks, examens sanguins complémentaires payants,               tuelle et rend ainsi plus chères les connaissances
fraudes et revente des traitements…                             en matière de médicaments, a des conséquences
                                                                extrêmes pour les pays du Sud. Il bride en effet le
                                                                commerce en médicaments génériques malgré la dé-
                                                                claration de l’OMS selon laquelle l’ADPIC ne peut s’ap-
                                                                pliquer au détriment de la santé publique. En pratique,

                                                            7
la marge de manœuvre est extrêmement étroite : les             Très peu de recherche
pays ne peuvent en appeler aux médicaments géné-               sur les maladies tropicales
riques qu’en cas de « crise de la santé » et à condition
qu’une compensation financière soit versée à l’entre-          Certaines maladies infectieuses, comme la tubercu-
prise pharmaceutique détenant le brevet.                       lose, s’étendent ou font leur réapparition, en Afrique,
L’Union européenne veut même aller plus loin à ce              mais également en Europe centrale et orientale. La re-
niveau et, avec les mesures ADPIC-plus, protéger               cherche et le développement sur le traitement de ma-
davantage les droits de la propriété intellectuelle à          ladies spécifiques aux pays pauvres sont quasiment
l’avantage des grandes entreprises. Dans le cadre              abandonnés par les trusts pharmaceutiques parce
de cette politique, l’Union européenne veut imposer            que ces médicaments ne sont pas rentables, faute
ces mesures aux pays en développement via des ac-              de demande solvable. Au cours des trente dernières
cords de libre-échange, ce qui va ainsi radicalement à         années, plus de 1.500 nouveaux médicaments ont été
l’encontre d’autres obligations et engagements inter-          développés, mais 20 d’entre eux seulement étaient
nationaux, comme l’accès à des médicaments abor-               destinés aux maladies « tropicales » typiques. Dans
dables dans le monde.                                          les choix de recherche, le premier critère est le pro-
Mais tant que la concurrence des médicaments gé-               fit attendu. La règle du « blockbuster » concentre les
nériques sera empêchée par les pays occidentaux                recherches sur les médicaments qui rapporteront au
et leurs multinationales, le prix des médicaments              minimum un milliard de dollars de ventes annuelles.
continuera à être élevé. Selon les calculs de l’OMS, la
concurrence des génériques entraînerait une baisse             Les entreprises argumentent que les droits de pro-
des prix des médicaments de 40 à 80%.                          priété intellectuelle constituent un stimulant pour
                                                               l’innovation : elles investissent dans la recherche et le
La Belgique et l’Union européenne doivent permettre            développement en vue d’obtenir une position de mo-
aux pays en développement d’obtenir des médica-                nopole sur le produit final pendant une période déter-
ments essentiels, génériques, de qualité et acces-             minée. Mais elles empêchent ainsi que les connais-
sibles. Ce n’est possible que si les capacités de pro-         sances accumulées auparavant ne soient accessibles
duction et de distribution propres de médicaments              aux chercheurs. En outre, il est entretemps devenu
dans le Sud sont renforcées et si la politique euro-           notoire que ces droits de brevet ne mènent pas du tout
péenne de commerce n’instaure pas de barrières à               à l’innovation dans la recherche de médicaments pour
l’accès à ces médicaments via des réglementations              les maladies touchant les pays pauvres, tout simple-
imposées dans les accords commerciaux bilatéraux.              ment parce qu’il n’existe pas de marché rentable pour
                                                               ces médicaments. Par conséquent, moins de 10% du
                                                               budget de la recherche mondiale va aux maladies qui
                                                               touchent principalement 90% de la population.

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Quels liens avec les mutuelles de santé ?                       sociales qui s’occupent de santé ne se contentent pas
                                                                de constater le problème, mais tentent de le dépasser
L’accès aux médicaments représente une des princi-              en travaillant à une meilleure distribution des médica-
pales contraintes à la hausse de la qualité des soins           ments ou en créant elles-mêmes des pharmacies qui
et donc au développement du réseau mutualiste.                  travaillent dans une optique sociale.
Il s’agit avant tout de problèmes de disponibilité, de          Éviter la maladie, c’est encore mieux. C’est pourquoi
qualité et de coût. Souvent, il est difficile d’accéder à       les mutuelles de santé organisent des séances d’in-
des médicaments essentiels génériques de qualité et             formation et d’échanges sur des thèmes liés à la pré-
à coût abordable. Les mutuelles et les organisations            vention des maladies.

   L’Union européenne menace l’accès aux                        Au moyen de cet accord de libre-échange avec
   médicaments dans le Sud                                      l’Inde, l’Europe veut maintenant imposer des règles
                                                                plus strictes dans le domaine des droits de la pro-
   L’Union européenne et l’Inde négocient déjà depuis           priété intellectuelle. Les fabricants indiens de mé-
   un certain temps un accord de libre-échange en-              dicaments génériques auront par conséquent plus
   traînant bon nombre de conséquences sur l’accès              de difficultés à écouler leurs produits sur le marché
   aux médicaments dans le Sud. L’Inde est reconnue             et les prix augmenteront. L’accord de libre-échange
   comme la pharmacie des pays en développement.                UE-Inde menace non seulement une source de mé-
   C’est en effet l’un des rares pays en développement à        dicaments génériques abordables, mais il met éga-
   avoir développé sa propre industrie pharmaceutique           lement en danger d’innombrables vies humaines
   et à commercialiser des médicaments efficaces et             dans les pays en développement.
   abordables vers des dizaines d’autres pays en dé-
   veloppement. 90% des médicaments contre le sida              Source : Plate-forme Santé et Solidarité
   dans les pays en développement proviennent d’Inde.           www.sante-solidarite.be

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3. La lutte contre la
   commercialisation des soins de santé
   Nous demandons que :

   > La Belgique et l’Union européenne s’engagent,             > Les       institutions   internationales   telles   la
       tant ici que dans le Sud, à œuvrer pour le main-            Banque mondiale, le FMI et l’OMS investissent
       tien, le développement et le renforcement de                dans un système public de santé plutôt que de
       services de soins de santé et de mutualités qui             favoriser les systèmes de soins de santé privés
       ont exclusivement un objectif social.                       lucratifs.

Certains pays dépensent vraiment beaucoup d’argent             La nécessité d’un
dans les soins de santé, alors que les pays pauvres            système de santé public fort
disposent à peine des moyens nécessaires : moins de
30 dollars par an pour la santé d’un habitant d’un pays        La diminution des budgets de santé est le principal
en développement, contre cent fois plus (3.000 dollars         moyen pour arriver à la privatisation des soins de
en moyenne) pour un habitant d’un pays de l’OCDE.              santé. Sans moyens suffisants, la qualité des soins
Mais cherté ne veut pas nécessairement dire qualité.           publics chute et les patients qui en ont les moyens
Nulle part, on ne dépense autant en soins de santé             vont dans les structures privées. Mis à part les ONG et
qu’aux Etats-Unis, soit 7.500 dollars par an par habi-         les institutions caritatives, les prestataires privés sont
tant en 2010. Comment expliquer alors que, malgré les          plutôt tournés vers le profit et non vers les besoins de
réformes en cours, des millions d’Américains demeu-            la population majoritaire.
rent insuffisamment, voire pas du tout assurés contre          Le fossé qui sépare le secteur public du secteur privé
la maladie ? Le système de santé y est en grande par-          commercial est source d’inégalité, la prestation des
tie aux mains du secteur privé lucratif. Dans la pra-          services publics étant déficiente tandis que, dans le
tique, cela signifie davantage de commercialisation,           secteur privé, le surtraitement est monnaie courante.
moins de qualité, et moins d’accès aux soins médicaux          Dans les sections les plus riches du secteur privé, les
pour les plus démunis.                                         examens médicaux et les traitements sont semblables
                                                               à ceux des pays industrialisés, alors qu’ailleurs dans
Dans certains pays du Sud, la privatisation du secteur         le même pays, les gens ne peuvent même pas soigner
de la santé est en cours et les soins deviennent inac-         un épisode de paludisme.
cessibles à une partie de la population. Les malades
riches sont soignés par des prestataires privés tandis         Par ailleurs, il n’est pas du tout prouvé que la privati-
que les pauvres doivent se débrouiller avec un service         sation puisse avoir un effet positif sur la qualité ni sur
public à l’abandon, faute de moyens.                           les prix. Les soins de santé privés peuvent parfois ob-
                                                               tenir de meilleurs résultats sur le plan de l’efficacité,
Après avoir imposé le sous-financement des bud-                mais les marges bénéficiaires font par contre grimper
gets publics de santé des pays en développement via            les prix.
des programmes d’ajustement structurels (PAS), les
institutions financières internationales telles que la         La privatisation peut aussi passer par la sous-
Banque mondiale n’ont de cesse aujourd‘hui d’encou-            traitance au secteur privé. En 1997, la Colombie a aug-
rager des réformes qui conduisent généralement à la            menté les budgets de santé de 54% et appliqué depuis
privatisation des soins de santé.                              la sous-traitance au secteur privé. Force est pourtant
                                                               de constater que la population n’a que très faible-
                                                               ment profité de cette très importante augmentation
                                                               des budgets car, en réalité, celle-ci a surtout servi à

                                                          10
payer plus cher les soins facturés par le secteur privé.           santé doivent rester en dehors de l’Accord général sur
Comme l’Etat manque le plus souvent de moyens pour                 le commerce des services (AGCS).
contrôler ces structures, l’obligation de donner accès
à tous à une santé de qualité n’est pas respectée. La              Quels liens avec les mutuelles de santé ?
stimulation d’une politique de santé publique est dès
lors cruciale pour garantir l’accès universel aux soins            Dans les mutuelles de santé, ce ne sont pas que les
de santé.                                                          assureurs et les gestionnaires de capitaux qui ont droit
                                                                   au chapitre. La mutuelle ne travaille pas pour faire du
Santé et libre-échange                                             bénéfice, mais pour organiser des soins de santé ac-
                                                                   cessibles et de qualité à ses membres. Les mutuelles
Il ne faut pas sous-estimer l’impact du libre-échange              sont des acteurs qui revendiquent auprès des diffé-
extrême sur la santé. La mondialisation libérale, telle            rentes autorités des investissements dans le système
que nous la connaissons actuellement, est au service               de santé public. Que ce soit en Europe de l’Est, en Gui-
de multinationales et il est prouvé qu’elle élargit le             née, au Burkina Faso ou au Mali, des mutuelles créent
fossé entre les riches et les pauvres, les personnes en            l’offre de soins, travaillent avec le secteur non lucratif
bonne santé et les malades. Les pauvres deviennent                 ou encore visent à renforcer la qualité dans le secteur
plus pauvres et doivent de plus en plus prendre en                 public.
charge les coûts de leurs soins médicaux eux-mêmes,
en raison d’une mauvaise politique de santé.

Ce processus risque de s’accélérer encore avec la
mise en œuvre progressive de l’Accord général sur le
commerce des services (AGCS) car, en livrant la santé
aux intérêts du secteur privé, cet accord aboutirait à
un démantèlement du service public. Les déséqui-
libres actuels, dans le champ de la santé, ne feraient
que s’aggraver dramatiquement.
Pousser toujours plus loin la libéralisation des mar-
chés dans le Sud minerait encore davantage le peu
de services publics restants aujourd’hui. Les autori-
tés dans les pays en voie de développement ne seront
alors plus du tout en mesure d’assurer le paquet mini-
mum de services à leurs citoyens.

En pratique, la lutte contre les problèmes de santé
dans les pays en développement exige une approche
globale avec un commerce mondial servant également
les intérêts de la majorité pauvre. La santé doit rester
en dehors de la logique du marché, du libre-échange
et de la privatisation si elle veut être accessible à tous.
La santé ne peut pas constituer une sous-partie des
accords de libre-échange que l’Union européenne né-
gocie avec les pays du Sud et les services de soins de

                                                              11
Le combat de                                                des actions publiques. En 2009, une augmentation
l’Alliance des travailleurs de la santé                     de salaire de 3.000 pesos (52 euros) par mois a pu
contre la privatisation aux Philippines                     être obtenue pour le personnel de soins de santé
                                                            dans les hôpitaux publics. Elle sera complètement
Le syndicat philippin du personnel des soins de             réalisée en 2012, de sorte que le personnel des
santé, l’Alliance des travailleurs de la santé (Al-         soins de santé gagnera au minimum 9.000 pesos
liance of Health Workers ou AHW), a fait de la lutte        (environ 157 euros) par mois. En outre, l’AHW a pu
contre la privatisation des soins un de ses chevaux         mettre un frein à la privatisation mise en route.
de bataille. Les autorités philippines mènent de-           Sous la grande pression exercée par l’AHW, le gou-
puis 1996 une politique active en matière de pri-           vernement a provisoirement suspendu ses plans de
vatisation des soins de santé et le gouvernement            démantèlement des hôpitaux publics. Mais la ba-
continue de vendre les hôpitaux. Le rapport s’élève         taille est loin d’être gagnée : le nouveau président
maintenant à 700 hôpitaux privés contre 661 hôpi-           élu Aquino a fait beaucoup de promesses avant les
taux publics, avec un immense contraste entre les           élections, mais il semble de plus en plus les oublier.
deux. En raison du manque d’investissements de              Le budget consacré aux soins de santé continue à
l’État dans les hôpitaux publics, ils deviennent de         diminuer et les autorités mènent une politique ac-
plus en plus chers et doivent faire face à une pé-          tive de « brain drain » : elles concluent des accords
nurie chronique de médicaments, d’équipements               avec d’autres pays pour recruter des infirmières
techniques et de personnel. Le budget public pour           philippines et y gagnent même de l’argent… De l’ar-
les soins de santé a diminué en 2010 de 3,5% par            gent qui n’est pas consacré à leur propre système
rapport à 2009.                                             de soins de santé, mais au « remboursement de la
L’AHW essaie de lutter contre cette tendance par            dette publique… »
des concertations avec les autorités et surtout par

                                                                            “On va à Tondo pour mourir”, c’est ainsi
                                                                            que les gens décrivent Tondo, un des
                                                                            nombreux bidonvilles de Manille,
                                                                            la capitale des Philippines. Le sous-finan-
                                                                            cement structurel de l’hôpital local rend
                                                                            impossible un service de qualité. Il n’y a
                                                                            pas d’argent pour les médicaments, pas
                                                                            d’argent pour les appareils médicaux, pas
                                                                            d’argent pour le personnel, tout simple-
                                                                            ment parce que le gouvernement n’investit
                                                                            pas dans un secteur de santé publique.
                                                                            Les habitants de Tondo en sont les
                                                                            victimes, littéralement. Ils vont à l’hôpital
                                                                            quand c’est déjà trop tard.

                                                       12
4. La pénurie
   de professionnels de santé
   Nous demandons que :

   > La Belgique et l’Union européenne mettent en                 > La Belgique s’engage pour un travail et un sa-
       œuvre le code de pratiques sur le recrutement                 laire décents pour le personnel des soins de
       international du personnel de santé et adapter                santé au sein du secteur de la santé dans la
       ses interventions pour promouvoir la stabilité                politique de coopération au développement.
       des ressources humaines en santé dans les
       pays du Sud.

Pourquoi tant de pays à travers le monde sont-ils                 été chargée il y a quelques années de recruter des in-
confrontés à une carence de personnel soignant alors              firmiers en Roumanie. Or, le véritable problème chez
qu’il est dans notre nature humaine de prendre soin               nous n’est pas lié au nombre de diplômés, mais au fait
d’autrui et que nous le faisons naturellement pour                que plus de 30.000 d’entre eux ne travaillent plus dans
nos proches ? Plusieurs facteurs, tant internes qu’ex-            le secteur de la santé, et que près de la moitié le font à
ternes, peuvent expliquer cette pénurie. Générale-                temps partiel en raison entre autres du manque de re-
ment, on parle d’un certain nombre de facteurs « push             connaissance de la profession, des conditions de travail
& pull » (poussée et attraction). Les facteurs « push »           difficiles ou encore de salaires peu attractifs.
de plus en plus récurrents sont la pression, l’épuise-
ment, les mauvaises conditions de travail, le bas ni-             Cela soulève d’importantes questions éthiques car
veau et l’irrégularité dans le versement des salaires.            l’émigration (brain drain) constitue un facteur aggra-
Dans certains pays en voie de développement vient se              vant des problèmes des systèmes de santé de ces
greffer une situation politique instable ou dénuée de             pays. La Commission économique des Nations unies
perspective, avec tous les problèmes de sécurité qui              pour l’Afrique et l’Organisation internationale pour les
en découlent. Le principal facteur « pull » est l’insuffi-        migrations (OIM) estiment que depuis 1990, 20.000
sance de personnel dans les pays riches et le vieillis-           professionnels africains quittent annuellement leur
sement de la population, qui poussent les directeurs              pays. Selon l’OMS, l’Afrique totalise 22% des malades
d’hôpitaux ou de maisons de repos à recruter active-              pour seulement 2% du personnel soignant. A l’échelle
ment sur le marché international de l’emploi. Le per-             mondiale, on évalue à 4,3 millions le nombre de profes-
sonnel le plus compétent est ainsi littéralement chipé            sionnels supplémentaires nécessaires pour atteindre
aux institutions médicales du Sud.                                les Objectifs du millénaire pour le développement.
                                                                  Selon l’OIM toujours, les pays africains consacrent
« Brain drain »                                                   chaque année environ 4 milliards de dollars à l’emploi
                                                                  d’environ 100.000 expatriés non africains pour com-
La population dans les pays développés vieillit : la pro-         bler le déficit en ressources humaines de santé.
portion des plus de 80 ans aura doublé d’ici 30 ans.
Face à ce nouveau défi, nos pays font notamment appel             La Belgique devrait par conséquent prendre l’initiative
à deux catégories de travailleurs immigrés: ceux qui              de définir et surtout de mettre en œuvre un cadre lé-
acceptent des emplois mal payés, durs et dangereux et             gal qui prévienne le « brain drain » du personnel sani-
les professionnels hautement qualifiés, dont font par-            taire du Sud. Le point de départ devrait être le Global
tie les médecins et infirmiers. Sous couvert de pénurie,          Code of Practice on the International Recruitment of
les structures de soins de nos pays recrutent du per-             Health Personnel qui fut arrêté le 21 mai 2010 lors de
sonnel de santé en provenance d’Europe de l’Est et des            l’Assemblée mondiale de la santé, le plus haut niveau
pays du Sud. En Belgique, une société commerciale a               décisionnel de l’OMS.

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Des facteurs multiples                                          importante du sida chez les soignants) qui affectent la
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Tant que les facteurs qui rendent l’émigration pos-             tement du personnel de santé le plus compétent par
sible persistent, il est illusoire de penser résoudre le        les partenaires de l’Etat (ONG, agences des Nations
manque d’effectifs simplement par un retour des pro-            unies, bureaux de coopération). Ces mêmes agences
fessionnels expatriés. Dans les pays les plus pauvres,          ont en outre souvent recours à des experts techniques
des millions de personnes continueront à tenter leur            étrangers aux dépens des experts nationaux. Déjà en
chance dans les pays riches pour trouver des em-                1993, le PNUD (Programme des Nations unies pour le
plois rémunérateurs et améliorer leur niveau de vie.            développement) soulignait la persistance de la dépen-
En outre, l’émigration des professionnels de la santé           dance africaine envers un personnel technique d’ex-
ne se fait pas seulement vers l’étranger. En interne,           patriés.
on constate également un déplacement massif des
personnels soignants du secteur public vers le sec-             L’apport des mutuelles de santé
teur privé, de la pratique de la médecine à la santé
publique et des zones rurales vers les zones urbaines.          Via les conventions qu’elles signent, les mutuelles de
Le déficit le plus sévère se constate dans les services         santé contribuent à améliorer la viabilité et les condi-
publics ruraux, où les besoins sont pourtant les plus           tions de travail au sein des structures sanitaires. Elles
importants.                                                     offrent des mécanismes avantageux pour les patients
                                                                et pour les agents de santé. Une mutuelle de santé
Une des raisons importantes de cette hémorragie –               améliore la fréquentation du centre de santé et la ré-
tant interne qu’externe - est liée aux politiques éco-          gularité des paiements. Elle garantit aussi une trans-
nomiques internationales : les mesures d’ajustement             parence dans la gestion et les choix faits en termes de
structurel et autres édictées par le FMI et la Banque           dépenses : la création et le renforcement d’initiatives
mondiale dans les pays concernés ont pour consé-                mutualistes peuvent avoir un impact sur la qualité des
quence de réduire les dépenses consacrées au sec-               soins et la bonne gouvernance du secteur de la santé
teur public et donc les conditions de travail des pro-          par la création d’un contre-pouvoir formé, informé et
fessionnels de la santé. Extrêmement dépendants des             organisé, capable de mieux négocier sur pied d’égalité
bailleurs internationaux, ces pays sont contraints de           avec les prestataires de soins et de mener des actions
se plier à des objectifs de croissance économique en            de plaidoyer vis-à-vis des autorités locales, régionales
sacrifiant leur législation économique et sociale. Si           et nationales.
on prend le cas de la RDCongo, qui vient d’atteindre
le point d’achèvement PPTE (pays pauvres très en-
dettés), le budget 2010, qui s’élève à 6,2 milliards de
dollars - soit 77 fois moins que celui de la France pour
une population de taille équivalente - n’accorde qu’une
place réduite aux besoins fondamentaux de la popula-
tion. Cette situation sévit malheureusement dans de
nombreux autres pays en développement.

D’autres raisons sont internes : problèmes de gouver-
nance (salaires impayés) et mauvaises conditions de
travail (hôpitaux délabrés, pénurie de matériel, sur-
charge de malades, sécurité au travail – prévalence

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GK au Bangladesh investit dans                          place importante. GK a fondé une université située
la formation du personnel médical                       à Savar qui comprend une faculté de médecine et
                                                        une faculté dentaire. L’organisation forme égale-
Le Centre de santé populaire, “Gonoshasthaya            ment des paramedics (sorte d’infirmières polyva-
Kendra” en bengali, est une ONG de développe-           lentes), des travailleurs de santé spécialisés dans
ment intégré, animée par des équipes pluridiscipli-     les soins aux personnes âgées, des sages-femmes
naires bangladaises. GK a été créé en 1971 au len-      traditionnelles, des physiothérapeutes. Les para-
demain de la guerre de libération, par une équipe       médics sont les véritables vecteurs de la santé en
de médecins qui voulaient gagner une autre guerre       milieu populaire et rural, chaque paramedic ayant
“ la guerre contre la pauvreté, la faim et la maladie   la responsabilité du suivi de 700 à 800 familles ré-
des plus pauvres “. GK s’efforce de mettre en place     parties sur 1 à 4 villages. Après une formation de
des actions de développement intégré simples et         trois ans, les paramedics s’engagent à travailler
efficaces, adaptées aux réalités des populations les    pour GK encore quatre années. Quant aux méde-
plus pauvres et particulièrement les femmes et les      cins, GK n’en emploie qu’une quarantaine et en
enfants. L’émancipation féminine est le levier dans     forme donc beaucoup plus pour le pays.
la réalisation de ces actions qui bénéficient à plus    Avec cette stratégie, GK a réussi à atteindre les Ob-
d’un million de personnes en zones rurales et ur-       jectifs du millénaire dans ses zones d’intervention
baines.                                                 pour ce qui concerne les mortalités maternelle et
Parmi ses activités, la formation professionnelle       infantile. GK a ainsi réduit la mortalité infantile de
médicale dans le domaine de la santé occupe une         plus de 60% dans ces régions.

                                                                        GK organise des soins de santé à travers
                                                                        tout le Bangladesh. Il forme du personnel
                                                                        infirmier local, principalement des
                                                                        femmes. La formation est gratuite, mais
                                                                        les étudiants s’engagent en contrepartie à
                                                                        travailler pendant 4 ans pour l’organisation.

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5.	Une politique de protection sociale

   Nous demandons que :

   > La protection sociale soit une priorité dans les             > Les autorités, tant des pays donneurs que des
       politiques de coopération belge et européenne                 pays en développement, reconnaissent le rôle
       au développement et dans leurs relations                      des mouvements sociaux dans l’élaboration et
       étrangères.                                                   l’exécution d’un système de protection sociale.

La pauvreté et l’inégalité : des facteurs                         les soins de santé dans un contexte plus large : une
déterminants pour votre santé                                     politique qui inscrit la santé dans la lutte contre l’ex-
                                                                  clusion sociale et l’inégalité, la pauvreté et la vulnéra-
Le lien entre la pauvreté, l’inégalité et la santé n’est          bilité. Ce n’est pas différent chez nous, en Belgique, où
pas difficile à faire. Ce sont les pauvres qui ont le plus        les études montrent que les pauvres vivent en moyenne
de difficultés à se protéger, qui ont le plus de risques          deux à six ans de moins que leurs compatriotes plus
de tomber malades et qui n’ont pas les possibilités de            aisés. Dans le Sud, l’écart entre riches et pauvres est
se soigner lorsqu’ils sont malades. La pauvreté est,              beaucoup plus grand, littéralement, mortel.
de plus, également à la base de la malnutrition, ce
qui rend les personnes plus sensibles aux maladies et             Une politique de protection sociale
accidents. À cela s’ajoute le fait que les pays pauvres
manquent souvent de ressources pour offrir des ser-               Traditionnellement, on pense le plus souvent au sec-
vices de santé adéquats et de qualité à leur population.          teur de la santé afin de répondre aux maladies et aux
De plus, les gouvernements ne font pas les bons choix             besoins en matière de santé : fourniture de vaccins
politiques afin de répondre à ces problèmes.                      contre le paludisme ou création de centres de santé
La lutte contre la pauvreté et l’inégalité est par consé-         à proximité des gens. Le degré de mortalité et de ma-
quent cruciale pour que plus de gens vivent en bonne              ladie élevé, souvent chez les jeunes enfants, est ce-
santé. L’Organisation mondiale de la santé ne suggère             pendant en grande partie dû aux circonstances dans
pas sans raison que les inégalités en matière de santé            lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent,
sont dans une large mesure imputables aux circons-                travaillent et vieillissent. Les programmes de santé
tances dans lesquelles les individus naissent, grandis-           doivent par conséquent répondre à ces divers aspects
sent, vivent, travaillent, vieillissent et donc aux choix         sociaux : la souveraineté alimentaire, les conditions de
des gouvernements pour changer quelque chose à                    travail et de vie décentes, ainsi que l’éducation n’en
cette situation. La politique sociale, les relations de           sont que quelques exemples.
pouvoir économiques, les différences culturelles et
les mesures politiques dans ces domaines influencent              Grâce à une meilleure politique sociale et économique,
grandement ces conditions. En bref, plus haut vous                des conditions favorables peuvent être créées pour
vous situez sur l’échelle sociale, plus votre santé est           tous ces facteurs. Une politique où la protection so-
garantie. L’inégalité sociale tue des gens, et cela à             ciale joue un rôle important. Les pays avec une bonne
grande échelle. Ainsi, l’espérance de vie au Japon ou             protection sociale peuvent généralement afficher de
en Suède est de plus de 80 ans, tandis qu’en Afrique              meilleures notes sur le plan de la santé publique :
du Sud, elle atteint à peine 50 ans.                              des allocations familiales plus élevées sont liées à une
                                                                  mortalité infantile plus faible parce que ces familles
Peut-on alors prescrire une solution sur mesure ?                 ne sont pas obligées de choisir entre acheter de la
Non, certainement pas ! Afin d’offrir une réponse ap-             nourriture ou payer les frais médicaux ; des indemni-
propriée à ces différents facteurs, nous devons placer            tés de chômage plus généreuses et des pensions plus

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