QUOI DE NEUF - INCLURE ACCOMPAGNER - Le journal des adhérent e s d'Île-de-France - Trimestriel numéro 57 mars 2022 1,20 € - Sgen-CFDT
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QUOI DE NEUF Le journal des adhérent·e·s d’Île-de-France sgen INCLURE ACCOMPAGNER Trimestriel • numéro 57 • mars 2022 • 1,20 €
QUOI DE NEUF Contacts Le journal des adhérent·e·s d’Île-de-France sgen Confédération INCLURE URI CFDT ILE DE FRANCE ACCOMPAGNER 78 Rue de Crimée 75019 PARIS 01 42 03 89 00 contact@iledefrance.cfdt.fr Fédération FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE Trimestriel • numéro 57 • mars 2022 • 1,20 € 47 Avenue Simon Bolivar 75950 PARIS CEDEX 19 01 56 41 51 00 Directeur de la publication sgen@cfdt.fr Philippe Antoine Syndicats Rédacteur en chef Recherche EPST Philippe Antoine contact@epst-sgen-cfdt.org Maquette Administration centrale Rémi Roudeau administration-centrale@sgen.cfdt.fr Comité de rédaction Académie de Créteil Vincent Albaud 11/13 rue des Archives Jean-Pierre Baills 94010 CRÉTEIL cedex Xavier Boutrelle 01 43 99 58 39 Évelyne Clavier creteil@sgen.cfdt.fr Anne-Laure Collomp Antenne 77 (Melun) · 01 64 64 00 22 Christian Jolivet 77@sgen.cfdt.fr Aude Paul Antenne 93 (Bobigny) · 01 48 96 35 07 Rémi Roudeau 93@sgen.cfdt.fr Florent Ternisien Antenne 94 (Créteil) · 01 43 99 12 40 Impression 94@sgen.cfdt.fr Société Jouve - CS 70004 Académie de Paris 11 boulevard Sébastopol 7/9 rue E. Dehaynin 75036 Paris cedex 01 75019 PARIS ISSN 01 42 03 88 86 1953-6712 paris@sgen.cfdt.fr CPPAP Académie de Versailles 1126 S 08060 23 place de l’Iris Sgen-CFDT Académie de Versailles 92400 COURBEVOIE-La Défense 23 place de l’Iris 01 40 90 43 31 92400 Courbevoie versailles@sgen.cfdt.fr versailles@sgen.cfdt.fr Antenne 78 (Trappes) · 01 30 50 89 82 78@sgen.cfdt.fr Imprimé sur papier recyclé Antenne 91 (Évry) · 01 60 78 37 34 avec des encres végétales 91@sgen.cfdt.fr Antenne 92 (La Défense) · 01 40 90 90 88 92@sgen.cfdt.fr Antenne 95 (Cergy) · 01 30 32 67 55 95@sgen.cfdt.fr
EDito Voici un numéro qui donne l’opportunité au Sgen-CFDT de réaffirmer ses valeurs AESH en lycée : le syndrome de « la case à cocher » au moment où le débat sur l’inclusion se fait une place dans les médias et dans la campagne électorale. Début 2022, force a été de constater que la place de p4 certain·es élèves à besoins éducatifs particuliers au sein de la communauté scolaire est encore interrogée. Dès le 18 janvier 2022, le Sgen-CFDT a dénoncé fermement Un parcours de combattante des propos qui remettent en cause la dimension inclusive de l’école et les fonde- p5 ments constitutionnels de celle-ci. Une prise de position courageuse dont nous sommes fièr·es ! Dans le même geste, il a demandé un plan pour rendre crédible et Rendre accessibles les apPRentissages concrète l’utopie de l’école refondée inclusive, celle qui prend en charge la diversité pour soutenir l’inclusion scolaire des élèves et leur offre un égal accès aux savoirs et aux apprentissages. p6 SEGPA : d’une structure d’enseignement Les articles de ce journal invitent à envisager la dimension inclusive sous de mul- adapté à un dispositif inclusif ? tiples aspects – dispositifs inclusifs pour des élèves en situation de handicap, pour des élèves allophones, SEGPA, mission handicap à l’université – et à croiser les p8 regards : celui d’une AESH, celui d’enseignantes coordonnatrices ULIS titulaires du À l’école, CAPPEI, celui de référent handicap à l’université, celui des formateurs et forma- en Unité localisée d’inclusion scolaire trices à l’INSPÉ, celui d’une enseignante en situation de handicap qui témoigne de p 10 son parcours de combattante. Chacun et chacune dit les nombreuses difficultés rencontrées face auxquelles elles et ils ne renoncent pas, mu·es par un projet com- Accueillir et inclure : les raisons d’une formation mun, celui d’une école plus juste qui pourrait prévenir les exclusions de l’intérieur. p 11 Se pose la question centrale des moyens alloués à un véritable fonctionnement inclusif, qui reste à penser et à réorienter. Et si nous étions encore trop souvent Regards croisés en ULIS dans des représentations intégratives opposant structures spécialisées et environ- p 12 nement ordinaire ? Différents textes mettent en lumière la notion de parcours. Pen- sés dans l’idéal pour que toutes les autrices et tous les auteurs “regardent dans la Inclure les élèves allophones même direction” en appui sur les compétences des familles, les parcours reposent sur des documents trop méconnus et des pratiques d’équipe laissées de côté par p 13 manque de temps alloué à la coopération des professionnels partenaires. Se pose Sensibilisation au handicap : donc aussi la question de la formation et de sa conception. un long chemin Ce dossier témoigne aussi de l’évolution du métier d’enseignant·e spécialisé·e. De p 14 l’enseignant·e à part pour des élèves à part, institué en 1909, le métier s’oriente Accompagner progressivement vers la coordination de parcours scolaires, entre l’expertise ren- À l’université Paris-Nanterre dant possible la prise en compte des besoins éducatifs particuliers en classe, et la p 15 ressource pour la communauté scolaire. C’est aussi à la reconnaissance de leurs missions inclusives complexes que le Sgen-CFDT va s’atteler ! Le Sgen-CFDT a mis en place une liste d'échange nationale éducation inclusive ouverte à toutes et tous : si vous souhaitez vous y inscrire, envoyez un message au syndicat. Évelyne Clavier, enseignante coordinatrice ULIS, titulaire du CAPPEI (certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive) et Pierre Lignée, formateur au département de l’école inclusive de l’INSPE de Paris.
AESH en lycée : le syndrome de « la case à cocher » Mélanie G. est AESH dans un lycée de la région parisienne. Témoignage désabusé d’une professionnelle de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Aude Paul : Tu as pu accompagner des élèves de tous Quel est ton parcours? âges. La perception des AESH est-elle homogène? En 2011 quand j’ai commencé, j’étais vraiment « à fond ». En Mélanie G : Non, clairement ! Dans les écoles maternelles où 2014 la hiérarchie a décidé qu’il fallait que j’arrête de suivre j’ai travaillé, j’étais une adulte de plus pour gérer les élèves. une élève de laquelle j’étais devenue « trop proche ». Cette Ça m’est arrivé d’avoir l’impression d’être une 2ème ATSEM, élève a ensuite décroché, et j’ai fait l’expérience d’une forme voire une 2ème professeure des écoles. Dans le second degré, de perte de sens de mon métier. Les moyens limitent notre les missions sont plus clairement délimitées. action, mais également certaines décisions incompréhen- sibles. Cette année je suis affectée au suivi d’un étudiant de Tu travailles désormais en lycée. Est-ce qu’il y a une BTS en informatique mais je ne comprends pas ce qu’il fait. raison particulière? Il fait donc des lignes de code sur son ordinateur et je ne J’ai une licence de psychologie, et selon ma hiérarchie j’ai un peux pas l’aider, alors que d’autres élèves auraient besoin de niveau trop haut pour être affectée dans une école mater- moi. Je me vis parfois comme une case à cocher, et c’est dur. nelle. Or il ne faut pas moins de compétences pour être AESH en école maternelle qu’en lycée ! Les conditions maté- Comment es-tu encadrée? rielles du métier font fuir : je suis en contrat à 35h / semaine, Difficilement ! Cette année j’ai commencé sans recomman- mais la grande majorité de mes collègues sont embauché·es dation de la Maison Départementale des Personnes Handi- pour des contrats de 24h qui ne permettent pas de vivre capées. Les enseignant·es référent·es changent régulière- correctement. ment, et j’ai dû décider seule que je suivais tel ou telle élève en fonction de ce que je savais du lycée. La situation a été Comment as-tu vécu le passage aux Pôles inclusifs régularisée ensuite. Il y avait entre 2 et 3 réunions d’équipe d’accompagnement localisé – PIAL ? de suivi de scolarisation par an quand j’ai commencé, on en J’ai maintenant une dizaine d’établissements dans mon est péniblement à une désormais. Le COVID n’aide pas. secteur. D’autres collègues en ont 4 ou 5, cela dépend aussi de la taille des communes. Le PIAL stipule qu’en cas Quelle est la particularité dans ton travail au lycée? d’absence prolongée d’un·e élève, je peux être affectée Au collège je trouve que le suivi est plus faisable car il existe ailleurs pour en suivre un·e autre. J’ai 3 élèves à suivre au des dispositifs qui disparaissent au lycée, comme les ULIS lycée, et 35h sont couvertes par ma présence sur un besoin (unité localisée pour l’inclusion scolaire). Pourtant les diffi- de 58h notifiées par la MDPH, il est donc peu probable que cultés des élèves, elles, ne disparaissent pas, le lycée devient je sois réaffectée. donc un endroit violent pour certain·es élèves. Rien n’est pensé pour une inclusion réelle : on autorise les élèves à ne Tu sembles un peu désabusée par la situation, non? pas suivre certains cours pour éviter la fatigue, mais ces ma- La situation est compliquée. Je trouve que la qualité du suivi tières ne disparaissent pas des examens ! On les conduit donc a baissé. Plus que les besoins des élèves, ce sont les emplois sciemment à une forme d’échec, c’est difficile d’assister à cela. du temps et la pénurie du nombre d’AESH qui régissent le travail. Ça m’amène à faire des choses inutiles, comme être présente en EPS pour une élève pour laquelle ce n’est pas pertinent. J’ai parfois la sensation que mon métier devient un métier « poudre aux yeux ». page 4
Un parcours de combattante Au commencement est la douleur, Ensuite, il y a la lourdeur des démarches pour constituer la fatigue, la gêne, l’angoisse. son dossier auprès de la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées ou MDPH et l’attente du résultat qui est bien souvent supérieure à trois mois. Et, quand on Un témoignage d’Alaïs Barkate, en- a enfin la RQTH (reconnaissance de qualité de travailleur·se seignante dans un collège et handicapé·e), il vous faut reprendre rendez-vous avec la militante du Sgen-CFDT de Créteil. médecine de prévention du rectorat pour pouvoir bénéficier d’une préconisation médicale ou d’un aménagement de poste, dont il faudra par ailleurs demander tous les ans le renouvellement, et ce quel que soit le handicap... Mais ça ne s’arrête pas là ! Arriver dans un établissement ou un service avec une pré- conisation médicale, c’est aussi s’exposer à des agressions Physique, sensorielle ou morale, c’est de la douleur, de la verbales voire à des discriminations. On peut entendre par fatigue, de la gêne, et de l’angoisse. Et c’est à un point tel exemple : « c’est compliqué ce que vous me demandez et que cela peut prendre toute la place, étouffer, handicaper. puis, ça va créer une inégalité par rapport à vos collègues Seulement, dans 80% des cas, ce handicap est invisible, si avez une seule salle », ou bien : « c’est injuste que les alors comment le vivre au quotidien, sur son lieu de travail ? handicapés aient une bonification pour muter », « ça va, tu Comment le faire reconnaître ? Le faire accepter ? Et avant as la belle vie avec ton emploi du temps », « on n’a qu’une cela, comment accepter de se dire que oui, cela en est à un clé pour l’ascenseur donc il faudra aller la chercher et la tel point que ça handicape et qu’on est légitime à demander remettre à la loge »... Être une personne en situation de han- un droit et un aménagement de son poste de travail et/ou dicap n’est ni un choix, ni un privilège. de son service. Et c’est là que le parcours de la combattante ou du combattant commence, pour accepter son état de Prendre contact avec le Sgen-CFDT m’a aidée à comprendre santé mais aussi pour faire reconnaître un droit sans jamais que je n’étais pas responsable de mon état de santé, que se résumer à celui-ci. des solutions existaient, que j’étais légitime à les demander et que je pouvais même être accompagnée pour cela. Alors aujourd’hui, je tâche de rendre la pareille aux collègues qui Être une personne en situation de nous contactent afin de les écouter, les conseiller, et les handicap n’est ni un choix, ni un privilège. accompagner dans toutes ces démarches qui sont pesantes. Même si les médecins de prévention manquent cruellement depuis plusieurs années et que les sollicitations des collè- Dans une administration française qui fonctionne au ra- gues en souffrance augmentent, être accompagné·e dans lenti, il faut et se soigner et patienter car être reconnu·e ses démarches, bénéficier d’une adaptation de poste ou handicapé·e, c’est avant tout beaucoup de démarches et de service est un droit pour les personnes en situation de beaucoup d’attente en plus d’un quotidien rythmé par les handicap, et les militantes et militants du Sgen-CFDT sont là contraintes médicales. pour aider à le faire respecter. Il s’agit aussi pour nous d’une Il faut par exemple beaucoup de démarches et de patience façon de faire vivre et de conjuguer la solidarité. pour avoir un rendez-vous avec la médecine de préven- tion du rectorat : dans l’académie de Créteil, il y avait en 2019, trois médecins des personnels pour 78 500 agents et un médecin conseiller technique du recteur... page 5
Rendre accessibles les apPRentissages pour soutenir l’inclusion scolaire Lorsqu’il s’agit d’inclure. désigné·es handicapé·es celle qui, selon la défini- peuvent ainsi accéder, en tion de l’ONU 1, cherche à inclusion, à toutes les disci- réduire les obstacles et Par Évelyne Clavier, plines scolaires du collège, les situations de handicap membre du laboratoire international sans exception, en fonction à l’école. accrochage scolaire et de leurs appétences et de Ma collègue, professeure alliances éducatives (LASALÉ), leurs compétences. Dans d’histoire-géographie EMC Haute école pédagogique ces conditions, l’AESHco (en (Enseignement moral et fonction collective) joue un civique), très inventive et du canton de Vaud (Suisse). rôle clé et son accompa- très investie dans la scolari- gnement en classe relève sation des élèves à besoins d’une mesure de compen- éducatifs particuliers est sation très appréciée par déjà parvenue à trouver une les enseignant·es, mais par- réponse pour Ethan, une fois également considérée réponse qu’elle a recher- « Quand l’AESH (Accompa- (Unité localisée pour l’inclu- comme stigmatisante par chée en concertation avec gnante d’élève en situation sion scolaire) TFC (Troubles certain·es adolescent·es qui la personne ressource que de handicap) est là, l’inclu- des fonctions cognitives). préféreraient ne pas avoir à je suis et en coopération, en sion d’Ethan fait sens. Le J’en suis l’enseignante coor- y recourir. situation d’enseignement, reste du temps, quand bien dinatrice. En tant que titu- Dès lors, comment faire pour avec l’AESH. Elle a pris la même certains camarades laire du CAPPEI (certificat que, sans accompagnant·e, décision de favoriser l’entrée l’incluent vraiment, c’est dif- d’aptitude professionnelle l’inclusion ne paraisse pas dans les apprentissages ficile pour lui. » aux pratiques de l’éducation inutile et dénuée de sens ? dans ses matières d’ensei- Voici ce qu’a écrit une de inclusive), j’ai fait le choix Comment (ré)-engager gnement par les images et mes collègues, dans le cadre - conformément à la circu- des élèves très éloignés de les schémas qu’Ethan décrit de la préparation de l’ESS laire du 21 août 2015 et en la norme scolaire dans des et commente à l’oral. Quand (équipe de suivi de scolari- accord avec les équipes pé- processus cognitifs et leur l ’A E S H co n ’e st p a s l à , sation) d’Ethan, un élève en- dagogiques et de direction offrir un égal accès aux elle prend sa place ou la core non lecteur et non scrip- de mon établissement de savoirs et aux appren- 1 Voir Un guide pour assurer l’équi- teur, scolarisé en 5ème avec le ne pas en faire une classe tissages ? Tel est l’enjeu té et l’inclusion dans l’éducation, soutien d’un dispositif ULIS spécialisée. Les élèves de l’éducation inclusive, UNESCO (2017) Photo d’un élève de 3ème ULIS, non lecteur, non scripteur page 6
laisse à un élève de la classe. des métiers du professorat et inclusives qui ne repose- partenariat avec son ortho- Ainsi n’a-t-elle pas sollicité de l’éducation. raient pas uniquement sur phoniste. Dans mon ensei- l’AESH lors de la dernière Mais quelles alternatives des technicités médico- gnement pluridisciplinaire, évaluation. Elle a trouvé une à l’écrit - qui ne soient pas pédagogiques cloisonnées je vise également à diver- méthode pour qu’Ethan en- hyper individualisées et par type de troubles. Dans sifier les entrées et les sup- toure des éléments sur des déconnectées de la dyna- le sillage de la conception ports pour développer des images proposées en rela- mique collective - mettre en universelle de l’appren- fonctions cognitives, telles tion avec les mots clés du place pour ne pas amener tissage, rendre accessible l’attention, la mémorisation, cours, énoncés oralement. à l’auto-exclusion ou à des consiste à proposer des l’imagination créative, la D’elle-même, elle a agi pour phénomènes de margina- supports variés offerts au planification. Je fais ainsi vo- que la réponse à une scola- lisation complexes au sein choix des apprenant·es lontiers usage de l’étayage risation inclusive ne repose du groupe ? ainsi qu’à optimiser l’usage du kinésique parfois oublié pas uniquement sur l’AESH. des outils numériques. En dans les apprentissages et Elle a fait preuve de flexibi- C’est peut-être en pensant modifiant le contexte didac- leur mise en accessibilité . tique d’apprentissage et le contexte évaluatif, il s’agit Au-delà de l’inclusion des Promouvoir l’accessibilité de chercher à développer élèves à besoins éducatifs du bâti scolaire et l’autonomie et la capacité particuliers, l’accessibilité à agir en réduisant les obs- didactique et pédagogique l’accessibilité des apprentissages. tacles cognitifs (reliés au est une voie à explorer pour cerveau), mais également favoriser l’accrochage sco- les obstacles émotionnels laire et les alliances éduca- lité pour faciliter l’engage- l’école inclusive davantage (reliés au cœur) ainsi que les tives de manière à prévenir ment dans la tâche et mettre en terme d’accessibilité obstacles psychomoteurs toute forme d’exclusion. en place des évaluations dif- qu’en terme de compensa- et kinesthésiques (reliés au Dans son souci de justice férenciées. Elle n’a ainsi pas tion, comme elle l’est actuel- corps). sociale, notre syndicat doit renoncé au principe d’éduca- lement, et en cherchant à De mon côté, je n’ai pas promouvoir, avec la com- bilité et à la prise en compte développer chez les ensei- renoncé à faire entrer pensation, l’accessibilité du de la diversité des élèves, gnants et les enseignantes Ethan dans la lecture et bâti scolaire et l’accessibilité comme le demande le en formation initiale et dans l’écriture en temps de des apprentissages. référentiel de compétences continue des habiletés regroupement ULIS, ce, en page 7
SEGPA : d’une structure d’enseignement adapté à un disPOsitif inclusif ? Stéphane Huot est évolutions prend corps dans la considérer non plus directeur de la Segpa du la circulaire du 28 octobre comme une structure à part, collège Henri Sellier de Suresnes (92). 2015, qui rappelle que la mais plutôt comme un pôle SEGPA est une structure ressource de la difficulté qui a toute sa place dans scolaire favorisant comme Enseignant spécialisé depuis 20 ans, le traitement de la grande les ULIS le proposent, l’in- il a été directeur d’un centre médico- difficulté scolaire. Parallè- clusion, l’individualisation psycho-pédagogique et d’un bureau lement, en décembre 2016 et les adaptations à des- paraît un Vade-mecum tination de tous les élèves d’aide psychologique universitaire, d u fo n c t i o n n e m e n t d e en difficulté et en réponse puis directeur adjoint au sein du la SEGPA en mode inclusif, à leurs besoins ». Pôle Santé Mentale de tiré de l’expérimentation de la Croix-Rouge Île-de-France. l’Académie de Lille d’une Qu’en est-il sur le terrain de « 6ème inclusive » initiée à la cette évolution attendue ? rentrée 2014. Cet outil nous Tout d’abord, la perspective À l’heure où certains s’auto- ment Spécialisé (SES, créées rappelle que la SEGPA et d’une 6ème SEGPA inclusive, risent à mettre en scène au en 1965) et sont définies ini- l’ensemble du collège sont et les modalités nouvelles cinéma de prétendus élèves tialement par la circulaire du invités à fonctionner sur d’orientation en 6 ème (qui de SEGPA, en réalité des 6 février 1989 qui intro- un mode inclusif, « dans devient une pré-orienta- jeunes déscolarisés repre- duit les enseignements la droite ligne du principe tion, validée ou non au cours nant tous les clichés les plus généraux et profession- d’inclusion énoncé par la Loi de l’année de 6ème), ont eu éculés sur les élèves en dif- nels adaptés, puis par celle de refondation de l’École ». un impact important sur ficulté, un retour s’impose du 20 juin 1996 qui établit Dans ce cadre, la SEGPA les effectifs à l’entrée en sur la réalité de la SEGPA, l’appellation SEGPA. est « appelée à devenir un SEGPA : on note une baisse très loin des poncifs et des Depuis, les SEGPA ont fait dispositif ressource pour de 10% des effectifs globaux approximations, à la lueur l ’o b j et d e n o m b re u s e s l’inclusion, pour l’ensemble entre 2012 et 2017, sur le des enjeux qui sont ceux des études et rapports, notam- du collège ». territoire national. enseignements adaptés au- ment de l’IGEN. Ces éclai- Enfin, plus récemment, et Ces chiffres sont différents jourd’hui et plus particuliè- rages sont venus par la suite dernier en date, un « bilan d’une académie à l’autre, rement celui de l’inclusion. alimenter les évolutions du des SEGPA » de l’IGEN de voire d’un département à Les Sections d’Enseigne- cadre de la SEGPA. juillet 2018 donne une série l’autre. Ainsi les Yvelines ment Général et Profes- de préconisations dont le et la Val d’Oise ont des sionnel Adapté trouvent Le traitement de la point de jonction permet SEGPA aux effectifs impor- leur origine dans l’évolution difficulté scolaire de « conforter la SEGPA tants, s’approchant des des Sections d’Enseigne- La plus récente de ces dans sa spécificité et de seuils (16 élèves par sec- page 8
tion, soit 64 élèves en tout), disparu et le reste des for- lorsque les Hauts-de-Seine mations de l’enseignement voient une baisse conti- spécialisé et adapté a lui nue et très importante des aussi fondu comme neige effectifs (-22,55% depuis au soleil. Plus de spécialité 2019 en rapport avec les donc, mais une « qualifica- prévisions de rentrée 2022, tion » à l’école inclusive bien soit près de 200 élèves en légère au regard des problé- moins dans les 17 SEGPA matiques de nos élèves. du département). Au sein d’un même dépar- Des profils complexes, tement, on trouve des dis- l’enjeu de la formation parités importantes selon les Le profil des élèves de collèges : certains ont des SEGPA reste complexe, par- 6ème entièrement inclusives, fois situé à la frontière du d’autres moins ; les élèves trouble (du comportement, de 4 ème et 3 ème SEGPA ont de la personnalité), et sou- pour certains des « cours en vent dans cette partie floue barrettes » avec les ensei- des difficultés d’apprentis- gnements de français et de sage dont l’abord exige des mathématiques, ou bien de réponses pédagogiques l’ensemble des matières qui particulières. Nos élèves pré- seront proposées au DNB, sentent tous des difficultés d’autres non. majeures d’apprentissage Ces disparités ont des auxquelles s’agrègent pour causes multiples et di- une partie d’entre eux diffi- verses d’un établissement cultés sociales et familiales, à l’autre : culture de l’inclu- amenant notre travail à na- projets au sein de leurs éta- À moyens constants, l’inclu- sion ancrée ou non, « turn- viguer constamment d’une blissements, celle des CPE et sion sera « bricolée », impar- over » des équipes, possi- rive à l’autre des domaines des Assistants d’Éducation faite, insatisfaisante, tout bilité pratique de créer des sociaux, psychologiques et qui supervisent l’organisa- juste bonne à alimenter tel groupes d’élèves, pertinence médico-sociaux. tion de la Vie scolaire. ou tel tableau de remontées des emplois du temps… de chiffres. Le réel enjeu Toutefois, une constante Redonnons aux collègues Donner les moyens est celui de la réussite des d’inclure et de réussir élèves que nous accueillons, Un besoin de formation et de moyens Mais ce n’est pas suffisant, du chemin retrouvé et apai- à la hauteur des enjeux. car l’autre enjeu pour une sé des apprentissages, d’une SEGPA qui se verrait inclu- orientation choisie et perti- apparaît, qui saute aux yeux qui choisissent la SEGPA sive, c’est celui des moyens. nente (à quand, d’ailleurs, lorsqu’on pousse la porte les conditions d’une véri- La thématique de l’inclusion un réel plan de transforma- d’une SEGPA : très peu table formation, préparons- est aujourd’hui accompa- tion et de valorisation de d’enseignants y sont « spé- les au public accueilli, et, gnée de celle des co-inter- l’enseignement profession- cialisés », et donc formés surtout, arrêtons de nom- ventions, co-animations, nel ?), celui d’une scolarité aux enseignements adaptés, mer des collègues débu- co-enseignements. Pour- construite, accompagnée et nourris des textes anciens et tants en SEGPA, celles et quoi pas ? Mais avec quels porteuse de sens. récents, préparés au « choc ceux qui parfois fuient ou moyens ? Avec une dotation pédagogique » qu’une s’écroulent face à la difficulté horaire reconduite d’année La SEGPA peut devenir un classe de SEGPA peut, par- de la tâche ! en année, ou qui baisse dans dispositif ressource pour l’in- fois, susciter… Première réponse donc, certains collèges, comment clusion, innovant et adapté, Il fut un temps, pas si loin- aux enjeux de la SEGPA de organiser concrètement la mais il est indispensable de tain, où les enseignants 2022 : la formation ! Celle co-intervention ? Comment s’interroger sur le contexte de SEGPA passaient une des enseignant·es du pre- dégage-t-on le temps des nécessaire à sa réalisation, spécialité, dite « F », qui mier degré qui y travaillent, Professeurs de Lycée et qui ne pourra faire l’écono- permettait de travailler en du second degré qui ac- Collège ou des Écoles pour mie d’une réelle formation SEGPA et en EREA dans le cueillent nos élèves en inclu- préparer, conduire et éva- et des moyens à la hauteur cadre des enseignements sion, celle des personnels de luer l’inclusion d’élèves de des enjeux. adaptés. Cette spécialité a direction, qui impulsent les SEGPA dans leurs classes ? page 9
À l’école, en Unité localisée d’inclusion scolaire Isabelle Menard, Je suis enseignante spécialisée, j’explicite le handicap de titulaire du CAPPEI chacun de mes élèves, j’adapte le travail au moment des inclusions qui s’opèrent souvent sur des matières fonda- (certificat d’aptitude professionnel mentales comme le français ou les maths, je suis présente aux pratiques de l’école inclusive), en classe ordinaire. Je permets à mes collègues d’accepter est enseignante spécialisée et que ces élèves apprennent différemment des autres, et c’est coordonnatrice ULIS dans le 92. à moi de trouver les portes d’entrées pour leur permettre d’apprendre. Mission impossible sans l’aide des AESH. Il y a aussi l’AESH- Témoignage Co, qui accompagne nos élèves orientés en ULIS, sans elle je ne pourrais rien faire ! Nous avons des temps de concer- tation, de discussion informelle. Lors de son arrivée, je lui ai expliqué le dispositif et elle m’a suivi en classe pour mieux comprendre. J’accueille tous les AESH lors de leur arrivée, J’ai eu depuis la loi de 2005 des élèves porteurs de handicap en leur donnant des conseils sur la posture, les adapta- dans mes classes ordinaires avec ou sans assistante de vie tions possibles pour les élèves. L’enseignante spécialisée est scolaire. Engagée depuis dans une mission de coordination, personne ressource. j’ai la volonté de comprendre les enjeux de l’école inclusive dont les réalités quotidiennes sont bien éloignées de leur présentation théorique. J’assure le lien entre les enseignants Accepter la différence de l’autre. des classes ordinaires, les structures médico-sociales, les parents et les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) pour coordonner leurs actions au service L’école inclusive permet aussi à des acteurs extérieurs du projet de vie des élèves. d’intervenir sur le temps scolaire : les centres médico- sociaux permettant un regard croisé avec l’école. Ce sont Mon objectif est de permettre à tous de regarder dans la deux mondes qui ne se connaissaient pas. Maintenant nous même direction, de voir l’intérêt de l’enfant, je souhaite aussi devons travailler ensemble. L’acteur éducatif travaille pour faire évoluer le regard que nous portons sur le handicap. un enfant en particulier, il a pour objectif de l’éduquer en Cela commence à l’école car le regard de l’enfant est sou- fonction de ses besoins spécifiques. Ma vision est différente, vent sans jugement et bienveillant. Je le remarque tous les je vois l’élève appartenant à un groupe classe et je dois jours dans la cour de l’école : accepter la différence de l’autre organiser ses apprentissages en fonction de la classe, les à 6 ans permettra je l’espère de l’accepter à l’âge adulte. attentes ne sont pas les mêmes, mais elles doivent le deve- Mais ce n’est pas simple au quotidien. Notre institution qui nir, c’est pour cette raison qu’il faut dialoguer. Je collabore promeut une École inclusive reste normative. Mes collègues facilement avec les services d’éducation spéciale et de soins ont des programmes à terminer, des compétences à valider, à domicile (SESSAD) qui ont en charge certains de mes des livrets à renseigner… Les élèves du dispositif sont « hors élèves. Nous apprenons de nos compétences respectives et normes » : comment faire accepter à mes collègues qu’ils nous progressons, plus particulièrement en ce qui concerne ont leur place à l’école ? les enfants avec troubles du spectre autistique (TSA) qui sont de plus en plus nombreux à l’école. Bien sûr il ne faut pas oublier les parents ! Sans leur adhé- sion nous ne pouvons rien faire, il y a un projet de vie des parents pour leur enfant, ce sont eux qui le connaissent le mieux. Nous sommes là pour les renseigner, les aiguiller. L’élève porteur de handicap, pour devenir un élève appre- nant puis un citoyen actif, doit avoir un temps partagé entre l’école et le médico-social. Par manque de place dans les structures, avec par exemple des listes d’attente auprès des orthophonistes, bénéficier du suivi indispensable est un vrai parcours du combattant pour les parents. Il y a encore du chemin à faire ! page 10
Accueillir et inclure : les raisons d’une formation Nous sommes deux formatrices et un formateur qui proposons des stages, dans divers lieux de l’Éducation nationale, sur les questions de l’empathie et de l’accueil. Des stages à dimension expérientielle forte, faisant travailler les compétences psychosociales pour découvrir ce qui se passe quand on se rencontre. Inclure mais pour quoi faire ? En termes de formation, tout cela peut bien sûr se borner Le concept d’inclusion qui dans le domaine scolaire a rem- à être purement théorique. Mais c’est pourtant un contre- placé celui d’intégration, a pour lui d’attirer l’attention sur sens surtout si l’on souhaite faire de la formation un levier ce qui doit être mis en place à l’intérieur de l’école pour du changement. Dans l’esprit du Master Art’Enact2, nous répondre aux besoins qui se font jour non seulement pour pensons que cette connaissance doit être encorporée, c’est- la personne à inclure mais aussi pour le groupe qui inclut. à-dire passée à l’épreuve d’une expérience corporelle réelle Or, les raisons de l’inclusion sont multiples : on pense bien et réflexive car il faut pouvoir développer la confiance dans sûr aux élèves porteurs de handicap, aux élèves allophones, sa propre créativité et dans celle des autres. Les pratiques mais, plus globalement, on inclut la différence qu’elle soit artistiques y ont donc toutes leur place. Le retour à soi, sur marquée, audible, visible ou non. La chercheuse Annick sa propre expérience au sein du groupe, est essentiel pour Ventoso-Y-Font a montré qu’une inclusion réussie « aide à être plus conscient de tout ce qui se joue dans la rencontre. la lutte contre toutes les formes de discriminations, qu’elles soient sexistes, raciales ou sociales. (…) Un enseignement Un travail approfondi des compétences psychosociales inclusif favorise également l’apprentissage de la tolérance En sortant du cadre habituel, on peut amener des stagiaires et l’acceptation de la différence chez autrui »1. L’enjeu est à reconsidérer leur abord d’un groupe. La simple activité donc de taille pour notre école. Pour autant, les équipes « Briser la glace ? » est pour nous toujours un bon départ. enseignantes et éducatives qui ont la charge de déployer les Il n’y a pas de réponse unique à cette question mais de processus d’intégration sont-elles réellement sensibilisées multiples mises en situation qui peuvent prendre en compte et formées ? Que se joue-t-il, par exemple, dans l’inclusion et jouer avec les données immédiates du tout début de la d’un élève qui, maîtrisant une ou parfois plusieurs langues, séance de formation. Cette activité de brise-glace déclinable ne parle pas le français ? et transformable à souhait permet un approfondissement progressif de l’expression de soi dans le groupe et de la mise en relation avec les autres. Nous constatons que ce travail Développer la confiance dans sa propre développé dans la durée, à travers des mises en situation de créativité et dans celle des autres. groupe dans une dimension qui peut être artistique et des moments de réflexivité qui font émerger la complexité des identités, permet de révéler les fonctionnements à l’œuvre Mettre en résonance inclure et accueillir dans le groupe. Les stagiaires commencent à être en mesure Avant tout, en tant que formateurs, nous faisons réson- d’exprimer ce qui est en jeu dans la rencontre avec l’autre, ner la notion d’inclusion avec celle d’accueil. Inclure sup- dans la représentation que l’on se fait de soi et des autres. Il pose qu’on prépare le terrain pour répondre aux besoins : est essentiel alors de faire appel à leur créativité pour qu’ils c’est là que l’accueil entre en jeu. « Accueillir, » cela semble construisent eux-mêmes, en petits groupes, un module à une évidence, mais est-ce si aisé ? Accueillir et inclure sup- proposer aux autres. posent une connaissance de soi, des aptitudes personnelles Xavier Boutrelle et interpersonnelles, une connaissance des mécanismes Tiziana Jacoponi de la rencontre et du groupe, du recul sur les questions Nabila Souaber de l’empathie. 2 Master Art’énact : «Pratiques ARTistiques dans une écologie ENACTive des apprentissages» Master MEEF Pratiques et ingénierie de la formation, 1 Annick Ventoso Y Font, Comprendre l’inclusion scolaire, 2016 Université Paris-Est-Créteil page 11
Regards croisés en ULIS Regards croisés dans les Yvelines entre Cécile, en fin de carrière, et Camille qui est au tout début de la sienne. Plongeon dans le dispositif Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire (ULIS). Cécile a choisi ce poste il y a quelques années maintenant. ne souhaite pas trop s’y frotter, on imagine ce qui s’y passe Ayant beaucoup travaillé dans l’enseignement spécialisé, avec son vécu personnel et ses a prioris au sujet du handi- elle souhaitait retourner dans une école après de nom- cap. Ce n’est pas le film polémique Les SEGPA qui va aider breuses années d’exercice en hôpital ou en IME, avec des les collègues, ni le grand public, à faire évoluer les préjugés... élèves âgés de 13 à 20 ans en moyenne. Elle aspirait éga- Cécile souligne le manque de temps d’échanges entre collè- lement à se retrouver de nouveau au contact de collègues gues au sujet de l’inclusion des élèves, la solitude du poste professeurs des écoles. (seule enseignante spécialisée de l’école) et le risque d’iso- Camille s’est intéressée très tôt à l’enseignement spécialisé. lement au sein de l’équipe, ainsi que les craintes de certains Le concours en poche et n’ayant pas obtenu de poste pour collègues. Camille souligne que les enseignants sont sou- son premier mouvement, elle décida de postuler en ULIS, vent réticents car ils ne sont tout simplement pas formés à sur un poste proche de chez elle, et demanda très vite à l’accueil d’un tel public. « Ils ne savent pas faire et se sentent passer le Certificat d’Aptitude Professionnelle aux Pratiques souvent démunis » selon elle. C’est là, nous dit Camille, de l’Éducation Inclusive. qu’apparaît le rôle primordial de l’enseignant coordonnateur spécialisé, qui va devoir ouvrir le dialogue avec l’enseignant, l’aider à dépasser ses appréhensions en créant ainsi une Bien souvent, le dispositif ULIS fait figure relation de confiance et un accompagnement de tous les instants, pour une inclusion harmonieuse et réussie . « S’il d’épouvantail. n’y a pas de dialogue, il n’y a pas d’ULIS » nous dit-elle. Toutes deux ont démarré avec joie et fierté de voir leurs En définitive, et d’après ces deux témoignages, la fonction élèves heureux et épanouis dans ce dispositif qui semble d’enseignant coordonnateur en ULIS-école semble passion- tout à fait bénéfique et adapté à ce type de public : groupe nante, variée et pleine de défis à surmonter pour une inclu- d’une douzaine d’enfants pour deux adultes (PE et AESH), sion réussie de tous les élèves. tissage de liens forts avec les élèves mais aussi leurs fa- Cependant, cette enquête permet également de mettre en milles… L’ULIS étant le lieu où l’élève en situation de handi- lumière un certain décalage entre la politique d’inclusion cap peut « se ressourcer, se confier, progresser à son rythme débridée (et à moindres frais évidemment) d’un côté, et et retrouver une certaine confiance » explique Cécile. la réalité du terrain de l’autre, avec des professeurs des Cependant, malgré ce versant valorisant et épanouissant de écoles accueillant ces élèves sans formation ni sensibili- la fonction, toutes deux s’accordent à dire que la plus grosse sation préalables, la seule « ressource » disponible étant part des difficultés qu’elles rencontrent se trouve ailleurs. l’enseignant coordonnateur... Bien souvent, au sein d’une école élémentaire, le dispositif Par Nicolas Combres « ULIS » fait figure d’épouvantail auprès des collègues. On page 12
Inclure les élèves allophones Professeure de lettres modernes, Tiziana Jacoponi s’est spécialisée dans l’inclusion des élèves allophones comme enseignante en UPE2A à Créteil puis à Nice. Elle est actuellement responsable au CASNAV des Alpes-Maritimes. Propos recueillis par Xavier Boutrelle. En quoi consiste l’inclusion énoncés : l’inclusion des Quelles conséquences postures professionnelles des élèves allophones ? élèves en classe ordinaire sur l’établissement et la face à la nouveauté. Bonne question ! Par où comme but à atteindre ; la pédagogie ? commencer ? Je parlerai priorité donnée à l’appren- Le passage de la classe au Quel est le gain pour les de la difficulté française à tissage du français enseigné dispositif n’a pas été facile et élèves ? inclure puisque l’école fran- comme langue de scolari- c’est toujours un sujet sen- Ils veulent être comme les çaise a été caractérisée sation ; la nécessité d’ac- sible, dans le second degré, autres et détestent les éti- jusqu’en 2005, au moins, compagner l’élève au-delà il reste un long chemin en- quettes qu’on leur colle. Ils par des classes fermées d’une première année de core à parcourir. rêvent d’entrer en classe qui accueillaient les élèves fréquentation de l’UPE2A ; L’organisation de la sco- ordinaire et connaissent à besoin éducatifs particu- l’implication de l’ensemble larité repose, hélas, essen- souvent de grandes dé- liers et parmi ceux-là nous de l’équipe pédagogique. tiellement sur les épaules ceptions. Les professeurs retrouvons les élèves allo- Dans cette circulaire, on du professeur d’UPE2A : d’UPE2A ont également une phones. Sous ce terme et insiste sur un terme, le dis- création des emplois du fonction d’explicitation et ses multiples acronymes positif, qui remplace celui temps de chaque élève, de transmission des codes (EANA, UPE2A, NSA1), nous de classe. choix des matières d’inclu- scolaires et sociétaux fran- retrouvons tous les élèves Ce changement de terme sion, orientation, suivi psy- çais. La réussite scolaire et provenant de l’étranger va déclencher le choc des cho-social (cantine, lien l’insertion sociale de ces scolarisés ou pas dans leur cultures. Les élèves allo- assistantes sociales, asso- jeunes sont fortement liées ciations, familles, foyers…). à la résolution des tensions Les arrivées se font à tout internes qui accompagnent Réussite et insertion sont liées moment de l’année d’où la ce processus. Il est aussi à la résolution de tensions internes. grande hétérogénéité du vrai que ces élèves sont public avec un mélange de souvent en réussite et par- pays d’origine. En 2012, le p h o n e s vo n t i m p a c te r niveaux et de classes d’âge, mi les meilleurs élèves de gouvernement publie une « toute l’équipe éducative » des élèves pas ou peu scola- l’établissement. circulaire qui va bouleverser pour citer la circulaire. risés antérieurement. les habitudes et les com- P o u rq u o i u n c h o c d e Les décisions d’inclusion du Quelles limites vois-tu à ce portements des équipes pé- cultures ? Petit pas en ar- professeur d’UPE2A sont ré- dispositif ? dagogiques. C’est la circu- rière… Il était une fois la classe gulièrement contestées par Si nous ne formons pas les laire du 2 octobre 2012 dont d’accueil (CLA). C’était une les professeurs, donnant lieu équipes enseignantes à le titre donne le cadre : classe qui regroupait tous à de longues négociations l’accueil de la diversité, à la Organisation de la scola- les élèves venant de l’étran- fastidieuses pour tous les différenciation, à l’accessi- rité des élèves allophones ger, le professeur couvait acteurs. Les collègues voient bilité, nous aurons encore nouvellement arrivés. ses élèves, parfois d’autres ces élèves comme un poids et toujours des situations Quatre principes y sont collègues venaient donner et non comme une richesse. mur-contre mur. L’autre 1 CASNAV Centre Académique pour des cours et quand on consi- Tout le monde se focalise grande limite est le nombre la Scolarisation des Nouveaux Arri- dérait que l’élève maîtrisait autour de la compréhension d’élèves qui n’est pas stable. vants et des enfants du Voyage suffisamment le français on ou non du français et on Enfin tout varie d’un éta- EANA élève nouvellement arrivé, pouvait alors le faire entrer gomme les parcours anté- blissement à l’autre, d’une UPE2A Unité pédagogique élève allophone nouvellement arrivé en classe ordinaire. rieurs. Il n’est pas facile de académie à l’autre. NSA non scolarisé antérieurement changer ses habitudes et ses page 13
Sensibilisation au handicap : un long chemin Laurence Poitout est correspondante handicap de l’académie de Créteil. Propos recueillis par Vincent Albaud. Quand avez-vous pris vos 82 000 agents de l’aca- handicap ne progresse pas Tr a v a i l l e u r H a n d i c a p é fonctions et quelles sont démie. Cependant, je suis et reste en-dessous des 3%, (RQTH) peut permettre un vos missions ? seule pour assurer mes mis- ce qui est inférieur au taux aménagement matériel et/ Précédemment cheffe de sions et je ne dispose pas affiché par le ministère de ou organisationnel du poste service au sein de la Divi- de gestionnaire. l’Éducation nationale et qui de travail. Des fonds existent sion des Établissements du place l’académie en queue pour cela. En outre, il y a un rectorat de Créteil, j’ai pris Quel est votre bilan ? de peloton. droit à la portabilité du ma- mes fonctions en septembre En positif, je pense avoir tériel en cas de mobilité. Et, 2018. Je dispose d’une lettre amélioré la visibilité du Quelles en sont les au-delà de l’aménagement, de mission qui émane de handicap et des disposi- conséquences ? déclarer son handicap per- la Mission d’Intégration tifs d’aide qui existent pour En 2021, suite à un nou- met de faire valoir des droits des Personnels Handica- mieux inclure les agents. Il veau calcul de la DOETH pour le calcul de sa pension pés (MIPH), elle coordonne y a eu plus d’information en (Déclaration d’Obligation de retraite. l’action des correspondants direction des agents pour d’Emploi des Travailleurs Il faut changer durablement handicap académiques. les sensibiliser à la question Handicapés), le ministère a le regard de l’ensemble des Je décline la politique aca- du handicap, globalement versé des pénalités finan- agents en rappelant que démique sur le handicap plus de communication. cières dont j’ignore le mon- 80% des handicaps arrivent au regard de la convention En revanche, la crise du tant. Précédemment, nous en cours de vie et que, par signée avec le Fonds pour Covid-19 a pris une énorme pouvions déduire l’intégra- conséquent, chacun peut l’Insertion des Personnels place et a éclipsé la problé- lité de la masse salariale des être touché pendant sa car- Handicapés de la Fonction matique du handicap du de- AESH/APSH du montant de rière. Le handicap n’est pas Publique (FIPHFP), sous la vant de la scène. Par ailleurs, la pénalité, réduisant ainsi issu uniquement d’une injus- responsabilité du DRRH. la multiplicité des politiques la contribution à zéro. Or, tice naturelle, il peut être Cette politique suit un plan RH comme la lutte contre les dorénavant, nous ne pou- issu d’une injustice sociétale pluriannuel dont les deux discriminations pourrait ré- vons plus déduire qu’un comme par exemple pour axes majeurs sont le main- duire la visibilité des actions pourcentage des budgets les victimes de terrorisme. tien dans l’emploi et le re- d’inclusion des personnes en académiques consacrés à la crutement de personnes en situation de handicap. prise en charge du handicap. Comment vous contacter ? situation de handicap. Suite à cette meilleure En outre, ce pourcentage va Une adresse mail fonction- diminuer au fil des années. nelle est dédiée à la prise de contact : 80% des handicaps arrivent Quels sont les priorités correspondant-handicap@ en cours de vie. pour l’inclusion ? ac-creteil.fr. Le principal effort doit être Merci d’indiquer impérati- porté sur la sensibilisation vement un numéro de télé- A qui vous adressez-vous ? communication, davantage des personnels. En effet, il phone et de faire preuve Je m’adresse à tous les d’agents se sont manifes- y a un défaut très important de patience, je recontacte types de personnels, du tés mais leur accompagne- de déclaration de handicap, toutes les personnes par secrétaire général à l’assis- ment a été plus difficile notamment parmi les per- téléphone : dans ces si- tant d’éducation, du fondé car aucun moyen humain sonnels de l’encadrement. tuations, il est plus facile de pouvoir à la secrétaire supplémentaire n’a été dé- Par peur d’ostracisme ? Par d’échanger de vive voix que de circonscription, de l’en- ployé. Enfin, l’indicateur de peur de voir sa carrière en- par écrit. seignant au technicien référence qui est le taux travée ? Alors que la Recon- informatique. Donc aux d’agents en situation de naissance de la Qualité de page 14
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