RÉDUCTION DES MÉFAITS ET CONSOMMATION DE SUBSTANCES ILLICITES - IMPLICATIONS POUR LES SOINS INFIRMIERS - CNA

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RÉDUCTION DES MÉFAITS ET CONSOMMATION DE SUBSTANCES ILLICITES - IMPLICATIONS POUR LES SOINS INFIRMIERS - CNA
RÉDUCTION DES
MÉFAITS ET CONSOMMATION
DE SUBSTANCES ILLICITES
IMPLICATIONS POUR LES SOINS INFIRMIERS
L’AIIC reconnaît la contribution des personnes suivantes dans l’élaboration et la mise à
jour de ce document de travail : Bernadette Pauly, inf. aut. , Ph. D. ; Marilou Gagnon,
inf. aut. , Ph. D. ; Irene Goldstone, inf. aut. , B. Sc. inf. , M. Sc. inf. ; et Timothy Christie,
Ph. D.

L’AIIC est la voix professionnelle nationale de plus de 139 000 infirmières et infirmiers autorisés du Canada. L’AIIC fait
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ISBN-978-1-55119-436-3

Mars 2011

Mise à jour : juin 2017
Table des matières
Sommaire ..........................................................................................1
Introduction .......................................................................................3
I.   La consommation de substances illicites au canada ............................... 5
     Méfaits sanitaires et sociaux de la consommation de substances illicites ................ 8
     Vulnérabilité aux méfaits de la consommation de substances illicites.................... 15
II. Survol de la réduction des méfaits ....................................................... 18
     Réduction des méfaits : définitions ........................................................................... 18
     Réduction des méfaits ; principes clés ...................................................................... 20
     La réduction des méfaits comme approche à la consommation de substances
     illicites ......................................................................................................................... 21
     Soins infirmiers, consommation de substances illicites et réduction des méfaits .. 22
III. Enjeux des politiques sur les drogues : propos divergents et
     réalités de l’heure ................................................................................ 26
     Politiques internationales en matière de drogues ................................................... 27
     Politique canadienne en matière de drogues .......................................................... 30
     Stratégie nationale antidrogue du Canada .............................................................. 32
     Politiques provinciales et municipales sur les drogues ............................................ 34
IV. Étude des données probantes pour des stratégies de réduction
    des méfaits .......................................................................................... 36
     Stratégies et interventions en matière de réduction des méfaits :
     situation actuelle et données probantes .................................................................. 36
         Programmes de distribution et de récupération de seringues .................................. 37
         Stratégies d’intervention communautaire ................................................................. 41
         Stratégies de prévention des surdoses d’opioïdes ................................................... 43
         Usage de la méthadone pour les traitements par agonistes opioïdes ....................... 44
         Buprénorphine/naloxone (Suboxone) ....................................................................... 45
         Diacétylmorphine ..................................................................................................... 46
         Sites de consommation supervisée et sites d’injection supervisée ............................ 47
            RÉDUCTION DU NOMBRE DE DÉCÈS PAR SURDOSE ....................................................... 48

                                                          RÉDUCTION DES MÉFAITS ET CONSOMMATION DE SUBSTANCES ILLICITES
RÉDUCTION DES COMPORTEMENTS À RISQUE ET DE LA TRANSMISSION DES
                 INFECTIONS À DIFFUSION HÉMATOGÈNE ....................................................................... 49
                 ACCÈS ACCRU AUX SOINS DE SANTÉ ET AU TRAITEMENT DE LA TOXICOMANIE ........ 49
                 AMÉLIORATION DE L’ORDRE PUBLIC ................................................................................ 50
                 OPINION DES PROFESSIONNELS ET DU PUBLIC .............................................................. 51
                 ÉVALUATION EXTERNE DES DONNÉES PROBANTES D’INSITE........................................ 52
                 MODÈLES DE SITES DE CONSOMMATION SUPERVISÉE ET SOINS INFIRMIERS .............. 52
              Inhalation de crack plus sûre et salles d’inhalation supervisée .................................. 53
              Logement d’abord ................................................................................................... 54
          Critiques à l’égard de la réduction des méfaits ....................................................... 55
      V. Soins infirmiers et réduction des méfaits : perspectives juridiques
         et éthiques .......................................................................................... 58
          Questions juridiques .................................................................................................. 58
              Distribution de fournitures de réduction des méfaits................................................ 58
              Services de consommation supervisée ..................................................................... 59
              Questions déontologiques ....................................................................................... 65
      VI. Conclusions.......................................................................................... 68
      Références .......................................................................................71

|| DOCUMENT DE TRAVAIL ||
Sommaire
Les infirmières et infirmiers autorisés (IA) prennent souvent soin de personnes subissant
les effets de la consommation de substances, peu importe les milieux dans lesquels ils
travaillent. Toutefois, le fait d’offrir des soins infirmiers dans le contexte de la
consommation de substances illicites peut soulever des questions pour eux et influer
sur la prestation des soins.

Le présent document de travail traite spécifiquement des méfaits sur la santé et la
société associés à la consommation de substances illicites. La « réduction des méfaits »
est une intervention en santé publique qui vise à diminuer les conséquences négatives
associées aux comportements à risque, dont la consommation de substances.

Il présente les perspectives actuelles et les données probantes sur les politiques et les
pratiques de réduction des méfaits, ainsi que les implications de ces questions au
niveau des politiques, de la pratique, de la recherche et de la formation en soins
infirmiers. On s’attend à ce que ces renseignements éclairent les discussions sur les
politiques, les pratiques et les normes pouvant améliorer la prestation des soins de
santé. Les infirmières et infirmiers peuvent et devraient prendre part à l’élaboration de
politiques organisationnelles et gouvernementales liées aux stratégies de réduction des
méfaits. De telles politiques doivent se fonder sur les meilleures données probantes
disponibles et s’intégrer à un cadre de référence axé sur les droits de la personne,
l’égalité en matière de santé et la justice sociale.

Il existe deux approches principales de la réduction des méfaits causés par la
consommation de substances illicites : (1) la première utilise la prohibition et
l’application de la loi pour criminaliser la possession et la consommation de substances;
(2) la deuxième, du domaine de la santé publique, vise un usage sûr des substances
illicites, afin de réduire les conséquences négatives sur la santé et le bien-être. Un
examen des politiques internationales, nationales, provinciales et municipales met en
évidence les tensions entre ces deux approches. Au Canada, les politiques fédérales,
provinciales et territoriales évoluent vers la réduction des méfaits, à la lumière de l’arrêt
unanime de la Cour suprême de 2011 qui met les sites d’injection supervisée à l’abri
des poursuites, ainsi qu’à la lumière de l’intention du gouvernement canadien de
légaliser la distribution et la réglementation du cannabis (marijuana). Toutefois, à
l’échelle mondiale, des tensions persistent. Les discussions tenues lors des réunions de
l’ONU en 2016 semblent soutenir les politiques actuelles axées sur l’application de la
loi. Malheureusement, malgré les preuves solides en faveur de la perspective fondée
sur la santé publique, un schisme au niveau des politiques continue de ne pas vraiment

                                         RÉDUCTION DES MÉFAITS ET DROGUES ACTUELLEMENT ILLICITES   1
soutenir les infirmières et infirmiers autorisés dans la prestation de soins éclairés par des
     données probantes.

     Il existe suffisamment de données empiriques à l’appui des avantages qu’offrent les
     stratégies de réduction des méfaits en ce qui concerne la santé publique et la sécurité.
     Il est prouvé que les programmes de distribution et de récupération des seringues
     représentent un moyen sûr, efficace et économique de réduire le risque de transmission
     du VIH tout en favorisant l’accès aux services sociaux et de santé pour les utilisateurs de
     substances injectables. Les stratégies d’intervention communautaire constituent un
     moyen économique et efficace d’atteindre les consommateurs de substances. Elles
     sont particulièrement efficaces quand elles font intervenir des pairs. Les services de
     consommation supervisée réduisent aussi le taux de décès par surdose et le risque de
     transmission du VIH tout en favorisant l’accès aux traitements de la toxicomanie et en
     réduisant le désordre public. Par ailleurs, les traitements par agoniste des opioïdes
     comme ceux à la méthadone, à la buprénorphine/naloxone (Suboxone) ou à la
     dyacétylmorphine (prescription d’héroïne) constituent des approches sûres et
     économiques. Les études sur la diacétylmorphine ont montré que cette pratique
     améliore les résultats sur la santé et réduit la consommation de substances illicites et la
     criminalité, sans effets négatifs pour la collectivité. De surcroît, les données probantes
     laissent entendre que des sites de consommation supervisée, comme Insite en
     Colombie-Britannique, devraient pouvoir étendre leurs activités dans d’autres
     municipalités canadiennes où la consommation de substances, les décès par surdose et
     la transmission de maladies transmissibles sont répandus.

     Cependant, un examen de la littérature révèle une lacune dans les recherches sur les
     modèles de prestation de services axés sur la réduction des méfaits (comme les sites de
     distribution et de récupération de seringues et les sites de consommation supervisée),
     et sur le rôle du personnel infirmier dans la prestation de ces services, qui peut offrir
     une réponse aux objections courantes contre la réduction des méfaits, Non seulement
     ces objections ne sont pas fondées sur des données probantes, mais elles sont souvent
     incompatibles avec les sentiments de la collectivité : les sondages d’opinion publique
     montrent souvent que les gens sont favorables aux programmes de réduction des
     méfaits.

     Les normes professionnelles et éthiques en soins infirmiers sont compatibles avec les
     valeurs de la réduction des méfaits et requièrent des infirmières et infirmiers qu’ils
     utilisent les meilleures données disponibles dans leur pratique. Dans les prochaines
     sections, nous traiterons des perspectives juridiques et éthiques en ce qui concerne la
     distribution de fournitures de réduction des méfaits, les services de consommation
     supervisée et la prestation de soins infirmiers aux consommateurs de substances
     illicites.

2   || DOCUMENT DE TRAVAIL ||
Introduction
Le personnel infirmier qui prend soin des patients à tous les stades de la vie, en soins
actifs et dans des contextes communautaires, peuvent rencontrer des situations où la
consommation de substances et les circonstances qui l’entourent ont des répercussions
sur la santé de certaines personnes. Ils peuvent constituer le premier point de contact
pour des groupes vulnérables aux méfaits causés par la consommation de substances
illicites dans toutes sortes de milieux, notamment les centres de santé communautaires,
les hôpitaux de soins actifs, les prisons et les services d’intervention dans la rue. Les
scénarios dans lesquels les infirmières et infirmiers peuvent être confrontées à des
enjeux associés à l’usage de substances illicites sont nombreux.

Les infirmières et infirmiers ont la responsabilité de fournir des soins sûrs, compatissants,
compétents et conformes à l’éthique aux personnes et aux membres de leur famille qui
peuvent être affectés par la consommation de substances, quels que soient le contexte
ou leur revenu, âge, sexe ou origine ethnique. Par exemple, les infirmières et infirmiers
qui œuvrent en santé publique peuvent rencontrer des jeunes à l’école qui consomment
des substances illicites ou en font un usage régulier. En milieu communautaire, ils
peuvent être appelés à prendre soin de familles touchées par les méfaits découlant de
la consommation de substances. En soins actifs, ils pourraient prendre soin de
personnes hospitalisées qui éprouvent des problèmes de santé chroniques ou aigus liés
à l’usage de substances.

La présente mise à jour du document de travail de 2011 a été entreprise pour faire
connaître les perspectives et les données probantes actuelles sur la réduction des méfaits
considérée comme un objectif ou une stratégie de politiques et de programmes portant
sur la prévention de l’usage de substances illicites. À partir de cet examen, les
implications pour les politiques, la pratique, la recherche et la formation en soins
infirmiers se veulent un moyen d’orienter les discussions sur les politiques, les pratiques
et les normes appropriées pour les soins aux consommateurs de substances illicites.
Deux objectifs précis guident ce document :

1. (1) Synthétiser les publications canadiennes et étrangères sur les théories et les
   stratégies de réduction des méfaits pertinentes du point de vue de la prévention de
   la transmission des pathogènes à diffusion hématogène, des maladies découlant
   des pratiques d’injection et d’inhalation, ainsi que des décès par surdose. (2) Faire
   de même avec les stratégies axées sur la collaboration (gouvernements, santé
   publique et associations professionnelles), les initiatives d’éducation, les
   programmes innovateurs de santé publique et d’intervention communautaire, la
   recherche, ainsi que les politiques publiques et les politiques de santé en place.

                                         RÉDUCTION DES MÉFAITS ET DROGUES ACTUELLEMENT ILLICITES   3
2. Décrire (1) les approches historiques et théoriques de la réduction des méfaits et les
        tendances en matière de politiques; (2) les innovations fructueuses et les ressources
        nécessaires pour renforcer la pratique infirmière dans les domaines de l’éducation,
        de l’administration et de la recherche; (3) les enjeux clés et les lacunes qui limitent le
        rôle des infirmières et infirmiers en matière de prévention, de traitement et de soins
        efficaces.

4   || DOCUMENT DE TRAVAIL ||
I. LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES ILLICITES AU CANADA
L’expression « consommation de substances illicites » s’entend de l’usage de
substances psychoactives qui sont considérés comme des substances réglementées par
la loi fédérale de lutte contre les stupéfiants et qui sont cultivés, achetés ou consommés
à des fins non médicales et non scientifiques, ou pour d’autres raisons non autorisées.
Au Canada, les substances illicites d’usage courant comprennent le cannabis 1, la
cocaïne et le crack, l’héroïne, les hallucinogènes, les amphétamines, les opiacés et
l’ecstasy, ainsi que des combinaisons de toutes ces substances. Dans ce document, le
terme substance illicite est utilisé pour faire état des liens entre ces substances et les
lois antidrogue en vigueur. Beaucoup de médicaments d’ordonnance comme la
morphine, l’oxycodone, les benzodiazépines et la méthadone, sont aussi achetés et
vendus illicitement. La consommation de substances peut se répartir dans tout un
continuum, soit de l’abstinence à la consommation récréative, en passant par la
consommation problématique et la dépendance ou toxicomanie (Ministère des Services
de santé de la Colombie-Britannique, 2004; Everitt et Robbins, 2016). Il n’y a pas de
progression sous-entendue dans ce continuum, puisque la consommation récréative ne
mène pas nécessairement à la consommation problématique.

Le Canada ne dispose pas à l’heure actuelle de registre national de visites,
d’admissions et de décès à l’hôpital pour cause de surdose ou liés aux surdoses.
L’acquisition de données à jour et pertinentes sur la consommation de substances
illicites est essentielle à l’élaboration de politiques et de programmes efficaces.
L’Enquête nationale sur la santé de la population et l’Enquête sur la santé dans les
collectivités canadiennes ont, entre d’autres, fait progresser ces objectifs grâce à des
indicateurs de prévalence obtenus par des données autodéclarées sur la consom-
mation de substances et d’alcool (Centre canadien sur les dépendances et l’usage de
substances [CCDUS], 2004). Alors que l’Institut canadien d’information sur la santé
(CIHI) fournit certains renseignements sur les taux de visites à l’urgence et
d’hospitalisation pour intoxication par opioïdes, il existe des failles dans les données
puisque ce ne sont pas toutes les provinces qui déclarent ces taux. Le manque
d’intégralité dans les séries de données courantes s’étend aussi à l’utilisation, à l’abus
ou aux méfaits liés aux opioïdes parmi les peuples autochtones (Russell, Firestone,
Kelly, Mushquash et Fischer, 2016).

En 2013, l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues (ECTAD) a vu le jour
comme étude bisannuelle auprès de la population générale sur la consommation de
ces produits chez les Canadiens âgés de 15 ans et plus. Menée par Statistique Canada
1
  Avec le projet de loi du gouvernement Libéral en avril 2017 en vue de légaliser le cannabis à des fins
non médicales, celui-ci n’est plus considéré comme étant illicite, malgré le fait que, tout comme pour
l’alcool, les stratégies de réduction des méfaits et les lignes directrices sur la consommation à faible
risque peuvent encore être utilisées pour prévenir les méfaits.

                                               RÉDUCTION DES MÉFAITS ET DROGUES ACTUELLEMENT ILLICITES     5
au nom de Santé Canada, l’ECTAD a remplacé et regroupé le contenu principal de
     l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada (ESTUC) et de l’Enquête de
     surveillance canadienne de la consommation d’alcool et de drogues illicites (ESCCAD)
     pour créer un outil de collecte de données plus efficace. L’ECTAD a pour objectif de
     surveiller et de comparer les « tendances canadiennes relatives à la consommation de
     tabac, d’alcool et de drogues [pour façonner les] stratégies, politiques et programmes
     nationaux et provinciaux [actuels et futurs] » (Gouvernement du Canada, 2015, 2e
     paragraphe).

     Selon les résultats les plus récents de l’ECTAD, 13 % des Canadiens, en hausse par
     rapport à 11 % en 2013, ont signalé avoir consommé au moins une des six substances
     illicites en 2015 (cannabis, cocaïne ou crack, amphétamines, ectasy, hallucinogènes ou
     héroïne). La hausse observée par rapport au cycle précédent est fondée sur la consom-
     mation de cannabis, d’hallucinogènes et d’ectasy. Le taux de consommation signalé
     était plus élevé chez les hommes que chez les femmes. En 2015, au moins 3 % des
     répondants âgés de 15 ans et plus disent « avoir vécu au moins un méfait causé par leur
     consommation de substances illicites au cours de la dernière année » (Gouvernement
     du Canada, 2015, paragraphe « Méfaits causés par la consommation de drogues
     illicites »). Chez les utilisateurs actuels de substances illicites (y compris les personnes
     ayant déclaré avoir abusé de médicaments psychoactifs), « une personne sur six (ou
     15 %) a déclaré avoir vécu des méfaits liés à [sa] consommation de drogues au cours de
     la dernière année » en 2015 (Gouvernement du Canada, 2015, paragraphe « Méfaits
     causés par la consommation de drogues illicites »). Statistique Canada a aussi fourni les
     taux de consommation de substances illicites « au cours des 12 derniers mois et au
     cours de la vie » par province. Bien que les taux soient plus ou moins les mêmes d’une
     province à l’autre pour certaines activités déclarées de consommation de substances
     (p. ex. , celle d’une des cinq substances illicites au cours des 12 derniers mois [entre 0,9
     et 1,9 %]), des écarts sensibles ont été observés pour d’autres indicateurs, comme la
     consommation déclarée de cocaïne ou de crack au cours de la vie (p. ex. , 4 % au
     Nouveau-Brunswick par rapport à 10,7 % en Colombie-Britannique) (Gouvernement du
     Canada, 2016a, tableau 11).

     L’ECTAD et l’ESCCAD produisent toutes deux des estimations des taux nationaux et
     provinciaux de consommation de substances et d’alcool. Cependant, bien que la
     prudence soit de mise lors de la comparaison de leurs estimations de la prévalence
     (en raison des différences entre les deux enquêtes), les résultats de l’ESCCAD de 2008
     montrent des variations faibles ou nulles dans les taux de consommation de sub-
     stances illicites pour les hallucinogènes, la cocaïne, l’héroïne et l’ecstasy (Santé

6   || DOCUMENT DE TRAVAIL ||
Canada, 2008a) 2. Compte tenu de la nature rétrospective de l’ECTAD et de l’ESCCAD,
les données n’illustrent pas un tableau précis des tendances en matière de consom-
mation de substances au Canada. Alors que les statistiques nationales ne sont pas
encore disponibles pour 2016-2017, le Canada est en proie à une crise des opioïdes,
en présentant des taux accrus de dépendance, de surdose et de décès (Gouvernement
de Canada, 2016c). Malgré l’absence de statistiques nationales, les données
provinciales de la Colombie-Britannique, soit la province actuellement la plus touchée
par la crise des opioïdes, mettent en évidence une tendance alarmante puisque la crise
commence à s’étendre à tout le Canada. Les données du B. C. Centre for Disease
Control indiquent que plus de 900 résidents de la Colombie-Britannique sont décédés
d’une surdose de substances illicites, et le fentanyl illicite serait responsable de 60 % de
ces cas (B. C. Centre for Disease Control [BCCDC], 2017). En 2014, 2015 et 2016, le
gouvernement de la Colombie-Britannique a identifié 366, 513 et 922 décès à la suite
de surdoses de substances illicites, respectivement, démontrant une hausse
exponentielle des fatalités liées aux surdoses (B. C. Coroners Service, 2017).

Les méfaits de la consommation de substances illicites sont exacerbés dans certaines
conditions sociales : les répercussions sur la santé et le bien-être sont amplifiées pour
les personnes affectées par la pauvreté et l’itinérance.

La consommation de substances illicites sévit dans toutes les sphères de la population
canadienne. Les résultats de l’ECTAD indiquent que la consommation de substances
illicites représente un pourcentage relativement faible de l’usage total de substances
par les Canadiens. En 2006, elle a été responsable de 20,7 % du coût social de la
consommation problématique de substances. En comparaison, la consommation
d’alcool et l’usage du tabac étaient responsables, respectivement, de 36,6 et 42,7 % de
ces coûts (Rehm et coll. , 2006) 3.

Selon un rapport publié en 2014 par le CCDUS 4, l’alcool, les opioïdes, les
cannabinoïdes et la cocaïne sont les substances illicites qui consomment le plus de
ressources hospitalières au chapitre du nombre de séjours, de leur durée et des coûts
connexes (Young et Jesseman, 2014) 5. On pourrait raisonnablement avancer que, en

2
  La consommation de ces drogues était inférieure à 1 % (sauf pour la cocaïne, qui a été consommée
par 1,9 % de la population).
3
  Pour Rehm et coll. (2006), les coûts liés aux soins de santé, à l’application des lois et à la productivité
au travail et à la maison qui découlent de décès prématurés et d’invalidités constituent le coût social
global de la consommation de substances, que l’on a estimé à 39,8 milliards de dollars en 2002. « Le
tabac comptait pour environ 17 milliards de dollars, soit près de 42,7 % du total, comparativement à
quelque 14,6 milliards (36,6 %) pour l’alcool et à approximativement 8,2 milliards (20,7 %) pour les
drogues illicites » (p. 1).
4
  Anciennement, le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies (CCLCT).
5
  À l’exclusion des troubles mentaux et du comportement (Young et Jesseman, 2014).

                                                 RÉDUCTION DES MÉFAITS ET DROGUES ACTUELLEMENT ILLICITES        7
2016, les coûts associés à l’abus d’opioïdes ont grugé un montant considérable de
     notre budget en soins de santé. Il est nécessaire de suivre et d’évaluer les coûts de
     l’usage de substances illicites au Canada, étant donné ces constatations et l’absence
     d’évolution positive au fil des ans.

     La dépendance envers les substances illicites contribue au fardeau global de la maladie
     et on l’associe à une augmentation de la morbidité, de la mortalité, de l’invalidité et des
     coûts des soins de santé (Association canadienne de santé publique, [ACSP], 2014;
     Fischer, Rehm, Brissette et coll. , 2005; Rehm et coll. , 2006; Wood, Kerr et coll. , 2003).
     De plus, les méfaits de la consommation de substances illicites sont exacerbés dans
     certaines conditions sociales : les répercussions sur la santé et le bien-être sont
     amplifiées pour les personnes affectées par la pauvreté et l’itinérance (ACSP, 2014;
     Galea et Vlahov, 2002). Par exemple, dans une étude sur la consommation de
     substances illicites dans cinq villes canadiennes, Fischer, Rehm, Brissette et coll. (2005)
     ont constaté non seulement que les utilisateurs de substances illicites injectables
     éprouvaient davantage de problèmes de santé physique et mentale, mais aussi que
     beaucoup d’entre eux n’avaient pas de logement permanent, n’avaient pas accès aux
     services de traitement et étaient marginalisés dans la société. La consommation de
     substances illicites, en particulier de substances injectables, est très stigmatisée et les
     personnes vivant dans la pauvreté et l’itinérance portent souvent le fardeau le plus
     lourd de la stigmatisation dans la société du fait de multiples facteurs convergents
     (ACSP, 2014; Strike, Myers et Millson, 2004; Takahashi, 1997).

      La consommation de substances illicites, en particulier de substances injectables, est
      très stigmatisée et les personnes vivant dans la pauvreté et l’itinérance portent souvent
      le fardeau le plus lourd de la stigmatisation dans la société du fait de multiples facteurs
      convergents.

     Méfaits sanitaires et sociaux de la consommation de substances
     illicites
     Beaucoup de méfaits sanitaires et sociaux sont associés à la consommation de sub-
     stances illicites. En 2012, elle a été classée 10e principal facteur de risque au chapitre du
     fardeau de la maladie en Amérique du Nord (Lim et coll. , 2012). La section qui suit
     présente quelques-uns des principaux méfaits 6.

     Maladies à diffusion hématogène : La consommation de certaines substances
     psychoactives injectées ou inhalées a contribué de façon inquiétante à la propagation
     du VIH et du virus de l’hépatite C (VHC) dans le monde. À l’échelle mondiale, la

     6
      Hunt et coll. (2003) ont décrit de nombreux méfaits physiques, psychosociaux, psychologiques et
     sociétaux associés à la consommation de substances. Ils ne sont pas tous inclus ici.

8   || DOCUMENT DE TRAVAIL ||
prévalence du VIH parmi les consommateurs de substances par injection est 28 fois
supérieure au reste de la population (Cook, Phelan, Sander, Stone et Murphy, 2016).
Dans les pays autres que ceux d’Afrique subsaharienne, près du tiers des infections par
le VIH sont attribuables à la consommation de substances injectables (Office des
Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 2016). Au Canada, cette forme de
consommation a causé environ 19 % des nouveaux cas d’infection par VIH en 2002
(14 % en 2005 et 13,7 % en 2011; Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2007;
ASPC, 2014a), même si le pourcentage a varié selon le lieu géographique et la
population. La consommation de substances injectables est la catégorie d’exposition
prédominante signalée parmi les peuples autochtones atteints du VIH et, dans certains
territoires ou provinces, ce groupe représente la majorité des nouveaux cas de VIH
(ASPC, 2014a). En 2011, 17 % des infections par VIH ont été constatées chez des
personnes qui s’injectaient des substances illicites et qui, dans deux tiers des cas,
avaient contracté le VHC (ASPC, 2009). En dépit du recul survenu entre 2002 et 2011, le
pourcentage estimatif des nouveaux cas d’infection par VIH associés à la consommation
de substances injectables demeure élevé à un point inacceptable. Cet usage constitue
aussi le principal facteur de risque de transmission du VHC (ASPC, 2010), qui
semble transmis plus facilement que le VIH par contact hématogène : 63 % des cas
d’infection par le VHC signalés au Canada entre 2004 et 2008 étaient associés à la
consommation de substances injectables (ASPC, 2010).

Certains comportements à risque, comme le partage de seringues et les rapports sexuels
non protégés, sont associés à la transmission d’infections à diffusion hématogène,
comme le VIH et le VHC chez les utilisateurs de substances injectables. En réaction aux
taux élevés et disproportionnés d’infection par VIH et VHC dans cette population,
l’ASPC a lancé I-Track, un système amélioré de surveillance comportementale et
biologique, en 2002. I-Track observe la prévalence du VIH et du VHC ainsi que les
comportements à risque associés chez les utilisateurs de substances illicites par
injection, afin d’orienter et d’évaluer les services de prévention et de traitement (ASPC,
2014b). Les résultats de la phase de l’étude qui a duré de 2010 à 2012 ont indiqué que
15,4 % des participants s’étaient injecté des substances illicites pour la première fois
avant l’âge de 16 ans. Les participants ont déclaré s’être injectés une variété de
substances au cours des six mois précédant l’entrevue. D’importantes différences entre
les sexes ressortent pour ce qui est du choix de la substance. La cocaïne a été la
substance illicite la plus couramment utilisée par les participants (64,3 %). Une
proportion significativement plus élevée d’hommes que de femmes a déclaré s’être
injecté de la cocaïne (66 % par rapport à 60,8 %), alors qu’une proportion
significativement plus élevée de femmes que d’hommes a déclaré s’être injecté de la
morphine non prescrite (51,3 % par rapport à 45 %) (ASPC, 2014b).

                                        RÉDUCTION DES MÉFAITS ET DROGUES ACTUELLEMENT ILLICITES   9
Les participants ont indiqué, dans une proportion élevée (59,3 %), s’être injectés des
     substances seuls (plutôt qu’avec des amis; ASPC, 2014b), ce qui constituait un facteur
     de risque de surdose et de mortalité lors d’études antérieures (Strike et coll. , 2006).
     Une proportion plus élevée de participantes a signalé des comportements d’injection à
     risque élevé, y compris l’utilisation d’aiguilles, de seringues ou d’autre équipement
     d’injection contaminés, ainsi que le partage de matériel usagé de ce type avec d’autres
     personnes (ASPC, 2014b). Combinés avec des données provenant de la surveillance
     systématique nationale, ces résultats démontrent qu’une proportion plus élevée de
     femmes adultes (par comparaison avec leurs homologues masculins) contracte le VIH
     par l’intermédiaire de substances injectables (ce qui laisse entendre que les utilisatrices
     de drogues injectables sont particulièrement vulnérables à l’infection par VIH; ASPC,
     2014b). Dans l’ensemble, 39,4 % des participants ont indiqué s’être injectés des
     substances dans un lieu public. Ce phénomène est très préoccupant, étant donné que
     la consommation de substances injectables dans de tels endroits est associée à des
     pratiques d’injection à risque élevé qui accroissent le risque de transmission du VIH et
     d’autres pathogènes à diffusion hématogène (ASPC, 2014b).

     En outre, on trouve chez les utilisateurs de substances injectables au Canada des taux
     élevés de séroprévalence du VIH (11,2 %) et d’exposition à vie à l’infection par VHC
     (68 %). Seulement 78,6 % des participants ayant obtenu un résultat positif au test de
     dépistage du VIH lors de leur entrevue étaient conscients de leur infection (21,4 % des
     participants séropositifs n’étaient pas au courant de leur séropositivité au VIH). Cette
     constatation met en évidence l’importance de procéder à un dépistage systématique et
     intégré du VIH et du VHC chez les utilisateurs de substances injectables (ASPC, 2014b),
     étant donné que les personnes qui ne sont pas au courant de leur infection ne
     chercheront pas à se faire soigner ou ne prendront pas les mesures nécessaires à la
     réduction du risque de transmission à autrui. En outre, le dépistage systématique
     permet d’accroître la sensibilisation aux pratiques d’injection sécuritaires et d’orienter
     les personnes vers des services de santé et de soutien social (ASPC, 2014b). L’injection
     n’est pas le seul mode de consommation de substances présentant un risque élevé de
     propagation de pathogènes à diffusion hématogène, puisque l’inhalation de crack est
     associée au risque accru d’infection par le VHC (ASPC, 2008). 7
     Surdoses : Un plus grand risque de surdose est associé à la consommation d’opioÏdes.
     Les décès par surdose ont contribué à faire grimper les taux de mortalité chez les
     usagers d’opioïdes (Bargagli et coll. , 2006; Darke, Ross et Hall, 1996; Hulse, English,
     Milne et Holman, 1999; Oppenheimer, Tobutt, Taylor et Andrew, 1994). Une étude
     canadienne (Fischer, Rehm, Brissette et coll. , 2005) a révélé que près d’un

     7
      Les difficultés respiratoires sont entre autres un autre problème courant que les chercheurs associent
     à la consommation de crack (Hunt et coll. , 2003).

10   || DOCUMENT DE TRAVAIL ||
consommateur de substances injectables sur cinq a signalé avoir connu une surdose au
cours des six mois précédents. En novembre 2016, l’ICIS et le CCDUS ont signalé une
hausse de 30 % du taux d’hospitalisation attribuable à une intoxication par opioïde
(entre 2007-2008 et 2014-2015). Certaines situations, comme la sortie de prison, les
programmes de désintoxication ou de réadaptation, lorsque la tolérance face aux
substances peut avoir diminué, exacerbent la vulnérabilité à la surdose. Toutefois, ces
données ne tiennent pas compte de la hausse fulgurante des surdoses par opioïde
observée vers la fin de 2015 jusqu’à l’heure actuelle en 2017. Elles ne tiennent pas
compte non plus de l’augmentation des surdoses à répétition.

On constate aussi couramment des surdoses chez les populations d’itinérants aux
États-Unis (Braggett et coll. , 2013). Cependant, au Canada, il y a un manque de
données sur les surdoses et les décès connexes. Seules quelques provinces font
activement état des décès par surdose, ce qui rend difficile « de comparer entre les
provinces, ou d’évaluer l’ampleur ou l’impact des dommages liés aux surdoses non
mortelles » dans tout le Canada (Coalition canadienne des politiques sur les drogues
[CCPD], 2013, p. 6). Alors que le rapport de l’ICIS et du CCDUS (2016) comprenait les
hospitalisations et les visites aux services d’urgence en raison d’intoxication par
opioïde, l’Ontario et l’Alberta étaient les seules provinces à fournir les données
nécessaires pour identifier les intoxications par opioïde pendant la période d’étude.
Ce que l’on sait est que « le taux annuel de surdoses mortelles chez les personnes qui
s’injectent des drogues illégales à environ 1-3 pour cent » (CCPD, 2013, p. 6). En
Ontario, entre 2006 et 2008, 58 % des décès liés à la consommation de substances
avaient un lien avec les opioïdes (Madadi, Hildebrandt, Lauwers et Koren, 2013). En
Colombie-Britannique, le nombre de décès par surdose de substances illicites a
augmenté « de 4,7 par 100 000 en 2010 à 9,9 par 100 000 en 2015 » aux niveaux régional
et provincial (BCCDC, 2016, p. 1; Tanner, Matsukura, Ivkov, Amlani et Buxton, 2014). Les
données de 2016 indiquent que cette tendance se poursuit, le taux de décès ayant plus
que doublé à 19,4 % par 100 000 (B. C. Coroners Service, 2017).
Infections des tissus mous et plaies : Les infections des tissus mous, comme les abcès
et la cellulite, vont souvent de pair avec la consommation de substances injectables
(Binswanger, Kral, Bluthenthal, Rybold et Edlin, 2000; Lloyd-Smith et coll. , 2005). Selon
une étude réalisée à Vancouver, les abcès, la cellulite et d’autres infections des tissus
mous avaient constitué, à 18,3 %, la cause la plus fréquente de visites aux services
d’urgence pendant une période de deux ans (Kerr, Wood et coll. , 2005). Une autre
étude a révélé que 65 % des personnes se présentant à Insite cherchaient à obtenir des
soins pour des infections et des plaies découlant de l’injection plutôt que des services
d’injection supervisée (Réseau ontarien de traitement du VIH [OHTN], 2014). Dans le
domaine des soins primaires, des personnes se présentent souvent à l’urgence avec
des plaies à faire traiter (OHTN, 2014).

                                      RÉDUCTION DES MÉFAITS ET DROGUES ACTUELLEMENT ILLICITES   11
Criminalisation : Les approches axées sur l’application de la loi n’ont pas réduit la
     consommation de substances. En fait, elles sont associées à une augmentation de la
     prévalence du VIH, en plus d’autres méfaits, comme la stigmatisation et la
     discrimination (Friedman et coll. , 2006; Wood, Spittal et coll. , 2004). Entre autres, la
     consommation de substances illicites peut être associée à des attitudes négatives et
     des stéréotypes (Strike, Myers et Millson, 2004) 8. Les approches axées sur l’application
     de la loi ont contribué à l’augmentation des populations carcérales et à la flambée des
     méfaits de la consommation de substances (Drucker, 1999; Friedman et coll. , 2006),
     comme dans le cas du lien entre l’incarcération et le risque accru de transmission du
     VIH (Small, Wood, Jurgens et Kerr, 2005; Werb et coll. , 2008; Wood, Montaner et Kerr,
     2005). L’expérience d’autres pays a montré que les lois sur les substances plus musclées
     n’ont pas résolu les problèmes associés aux substances illicites, et les ont même
     exacerbés dans certains cas. La criminalisation de la consommation et de la possession
     de substances signifie que les personnes condamnées pour ce type d’offenses
     pourraient avoir à surmonter des obstacles en ce qui concerne l’emploi, l’hébergement,
     l’éducation, l’assistance sociale et d’autres libertés civiles (Human Rights Watch et
     American Civil Liberties Union, 2016). Dans des pays comme la Colombie et le Mexique,
     la guerre internationale menée contre les drogues s’est avérée miner la stabilité
     politique et les relations économiques (Streatfield, 2001). Au Canada, on estime à
     5,4 milliards de dollars les coûts d’application de la loi qui sont liés à la consommation
     de substances illicites (Rehm et coll. , 2006).

     Violence : La consommation de substances illicites dans le contexte de la prohibition
     appliquée rigoureusement est associée à la violence à plusieurs niveaux : au sein de la
     communauté de consommateurs de substances illicites, dans la communauté en
     général (p. ex. la violence commise par des gangs de rue), au niveau national (p. ex
     en Colombie et au Mexique; Streatfield, 2001; Lacey, 2009) ou à l’échelle internationale
     (International Centre for Science in Drug Policy, 2010). Dans le but de réduire la
     violence contre les personnes, ainsi que la violence à grande échelle touchant les
     collectivités et la stabilité nationale, le Mexique a récemment décriminalisé la
     possession personnelle des substances illicites majeures (« Mexico Legalizes Drug
     Possession », 2009).
     Stigmatisation : L’usage de substances est souvent très stigmatisé. La stigmatisation
     constitue l’aboutissement de processus sociaux qui marquent la personne comme étant
     différente ou autre sur la base de caractéristiques négatives et qui donnent lieu à la
     dévalorisation sociale et à des identités gâchées (Goffman, 1963). La stigmatisation

     8
      Le personnel infirmier peut aussi inconsciemment adopter des attitudes sociétales faisant état de la
     criminalisation de la consommation de substances, qui peuvent attiser les attitudes négatives à l’égard
     des consommateurs de substances illicites et empêcher les infirmières et les infirmiers de participer
     aux programmes de réduction des méfaits (Pauly, Goldstone, McCall, Gold et Payne, 2007).

12   || DOCUMENT DE TRAVAIL ||
peut entraîner la discrimination active lorsque ses victimes internalisent les croyances
négatives au sujet de la personne ou du groupe stigmatisé. En identifiant ces
personnes comme des marginaux, la stigmatisation entraîne l’isolement social
(Takahashi, 1997). Les consommateurs de substances illicites sont souvent qualifiés de
malades ou de personnes nécessitant un traitement. Cependant, le modèle de
« toxicomanie comme maladie » est aggravé par la prohibition et la criminalisation.
Parce que les consommateurs de substances illicites peuvent être stigmatisés comme
étant des criminels et des gens violents, ils subissent la discrimination et l’exclusion
sociale et se heurtent à des obstacles à l’accès aux services (ASPC, 2014; International
Network of People Who Use Drugs [INPUD], 2014).

La stigmatisation et la discrimination associées à la consommation de substances
illicites peuvent restreindre l’accès aux soins de santé d’une personne et nuire à sa
santé et son bien-être (Butters et Erickson, 2003; Crockett et Gifford, 2004; Gelberg,
Browner, Lejano et Arangua, 2004; Napravnik, Royce, Walter et Lim, 2000; Stajduhar et
coll. , 2004). Cet impact éloigne les personnes de leurs collectivités, des services de
santé et des services sociaux, les rendant ainsi plus vulnérables à la violence, à l’abus
traitements et aux maladies à diffusion hématogène, comme le VIH et le VHC (INPUD,
2014). Souvent, les usagers de substances illicites sont réticents à accéder aux services
en raison de la discrimination et d’échanges problématiques. Ils peuvent aussi ne pas
révéler leur consommation de substances aux fournisseurs de soins et de services
(INPUD, 2014). Selon une étude réalisée par Ahern, Stuber et Galea (2007),
  Les recherches laissent entendre que, lorsqu’ils cherchent à obtenir des soins, [les
  consommateurs de substances] subissent souvent de la discrimination dans le milieu
  de soins de santé et reçoivent des soins de qualité moindre. […] Par conséquent, à
  titre d’obstacles aux soins, la stigmatisation et la discrimination peuvent nuire à la fois à
  la santé mentale et à la santé physique en empêchant l’admission dans le système de
  soins de santé, ce qui réduit la communication de renseignements exacts sur les
  problèmes de santé et diminue la qualité des soins reçus (p. 189). [traduction]

En raison des idées fausses et de l’incompréhension entourant les consommateurs de
substances illicites, bon nombre d’entre eux ont des interactions problématiques avec
les fournisseurs de soins de santé. On a constaté que de le personnel infirmier et
d’autres fournisseurs de soins voient d’un mauvais œil les consommateurs de
substances illicites (Bartlett, Brown, Shattell, Wright et Lewallen, 2013; Carroll, 1995;
McLaughlin et Long, 1996; McLaughlin, McKenna, Leslie, Moore et Robinson, 2006).
Souvent, on estime qu’ils ne méritent pas le même accès aux services (INPUD, 2014).
Dans le cadre d’un examen systématique de la littérature, van Boekel, Brouwers, van
Weeghel et Garresten (2014) ont dévoilé que les attitudes négatives des professionnels
de la santé envers les consommateurs de substances affectent négativement les
sentiments d’autonomie des patients et les résultats ultérieurs du traitement.

                                          RÉDUCTION DES MÉFAITS ET DROGUES ACTUELLEMENT ILLICITES   13
La stigmatisation et la discrimination associées à l’usage de substances illicites peuvent
     restreindre l’accès d’une personne aux soins de santé et avoir une incidence négative
     sur sa santé et son bien-être.

     Une étude menée par Skinner, Feather, Freeman et Roche (2007) a révélé que des
     attitudes négatives de ce genre n’étaient pas inhabituelles :
       Des sondages réalisés auprès de professionnels de la santé indiquent qu’une
       importante proportion d’entre eux ont des opinions négatives ou stéréotypées à
       propos des toxicomanes qui sont susceptibles de compromettre la prestation de soins
       de grande qualité […] Des études effectuées auprès d’infirmières et infirmiers ont
       constaté que les attitudes négatives et punitives à l’encontre des consommateurs de
       substances étaient relativement courantes. […] Non seulement ces comportements
       sont contraires à nos attentes à l’égard de l’éthique professionnelle dans le secteur de
       la santé, mais la perception que certains professionnels de ce domaine portent des
       jugements catégoriques ou sont peu compatissants ou hostiles risque de décourager
       les personnes aux prises avec des problèmes liés à la consommation de substances de
       se prévaloir des services de soins de santé. (p. 64) [traduction]

     Une revue systématique des interventions visant à réduire la stigmatisation liée à la
     consommation de substances a révélé que le changement peut se produire par le
     truchement de programmes éducatifs destinés aux professionnels (p. ex. , aux
     fournisseurs de soins de santé, aux policiers et aux conseillers) et aux étudiants en
     médecine (Livingston, Milne, Fang et Amari, 2012). Ces programmes sont susceptibles
     d’avoir des répercussions sur les infirmières et infirmiers (et la profession dans son
     ensemble), qui offrent souvent des services de soins primaires à cette population.

     Il est toutefois de plus en plus évident que les attitudes et les expériences négatives ne
     sont pas des incidents isolés pour les personnes en cause, mais qu’elles se manifestent
     plutôt dans un contexte culturel où les normes et les politiques sociales jouent un rôle
     (Boyd, 1991; Escohotado, 1999). Selon Boyd (1991), la criminalisation de certaines
     substances psychoactives fait maintenant partie de notre « scénario culturel ». Cependant,
     l’accent mis sur l’application de la loi peut aussi contribuer à une mentalité de « guerre
     contre la drogue » qui résulte des approches prohibitionnistes face à l’usage des
     substances de ce type et risque d’entraver des mesures fondées sur des données
     probantes qui visent à réduire les méfaits de la consommation de substances (Elliott,
     Csete, Palepu et Kerr, 2005).

     Dépendance et toxicomanie : Bien que la consommation de substances illicites
     n’entraîne pas toujours des problèmes, un de ses méfaits possibles est la dépendance
     ou la toxicomanie (Everitt et Robbins, 2016). La dépendance peut être de nature
     physique ou émotive. Les substances comme les opioïdes peuvent produire une
     dépendance physique qui gratifie et renforce l’usage. La tolérance et la dépendance

14   || DOCUMENT DE TRAVAIL ||
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