RAPPORT 2021 SUR L'AIDE BELGE AU DÉVELOPPEMENT - Coopérer pour la reconstruction post-Covid - CNCD ...

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RAPPORT 2021 SUR L'AIDE BELGE AU DÉVELOPPEMENT - Coopérer pour la reconstruction post-Covid - CNCD ...
RAPPORT 2021
SUR L’AIDE
BELGE AU
DÉVELOPPEMENT
 Coopérer pour la reconstruction
 post-Covid
RAPPORT 2021 SUR L'AIDE BELGE AU DÉVELOPPEMENT - Coopérer pour la reconstruction post-Covid - CNCD ...
02 – RÉSUMÉ
EXÉCUTIF

RÉSUMÉ
    EXÉCUTIF
Le Rapport 2021 du CNCD-11.11.11 sur l’aide belge au              De son côté, la Belgique peut être prudemment saluée en
développement présente une analyse critique de l’évolu-           termes de quantité de l’aide : son aide publique au déve-
tion des politiques belges en matière de coopération au           loppement est enfin repartie à la hausse en 2020, tant en
développement. Ce rapport analyse la période allant               volume qu’en pourcentage du revenu national brut (RNB).
de janvier 2020 à septembre 2021. Après un aperçu des             Néanmoins, cette augmentation s’est accompagnée de
tendances observées au niveau international (chapitre 1),         déséquilibres grandissants entre les canaux de la coopé-
le Rapport étudie les dernières évolutions en termes de           ration : les montants de la Coopération gouvernementale
quantité de l’aide (chapitre 2), de qualité de l’aide (chapitre   n’ont jamais été aussi bas en plus d’une décennie ; à l’inverse,
3), ainsi que de cohérence des politiques en faveur du déve-      l’aide humanitaire n’a elle-même jamais été aussi élevée.
loppement (chapitre 4). Son dernier chapitre (chapitre 5,         En outre, cette augmentation ne résulte pas nécessairement
«Zoom») présente cette année différentes recommandations           de décisions politiques structurelles, car elle est en grande
pour que la Belgique puisse contribuer à la reconstruction        partie le fruit d’un contexte spécifique et de décisions anté-
post-Covid dans les pays du Sud.                                  rieures. Dans son accord de coalition, le gouvernement
                                                                  belge a pris l’engagement de mettre en œuvre une trajec-
Au niveau du contexte international, la crise sanitaire a         toire contraignante de croissance afin que l’aide belge
bouleversé le monde tout au long de l’année écoulée, provo-       atteigne les 0,7% du RNB d’ici 2030. Un ancrage dans la loi
quant de plus une crise économique, financière et sociale au       s’impose pour concrétiser cet engagement.
Nord comme au Sud. Ces crises multiples ont accentué la
pauvreté et les inégalités dans le monde. Résultat : c’est        Au niveau de la qualité de l’aide, la politique belge de coo-
toute une décennie de progrès en matière de lutte contre la       pération au développement a été examinée dans le cadre
pauvreté mais aussi l’atteinte des Objectifs de développement     de l’examen par les pairs de l’OCDE en 2020. Le rapport qui
durable qui sont menacés. Malgré ce constat, l’aide               en ressort félicite la Belgique sur plusieurs points : la
publique au développement n’a augmenté que de 3,5% en             Coopération belge est guidée par des principes nobles et
2020 pour atteindre 161 milliards USD – une goutte d’eau          des priorités sectorielles pertinentes face aux conséquences
face aux 16 000 milliards USD déjà mobilisés de par le            de la pandémie de Covid-19, tout en concentrant son aide
monde pour faire face à la crise sanitaire.                       dans les pays dits « les moins avancés » et les contextes
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SOMMAIRE
                                                                                             LE BULLETIN DE L’AIDE
                                                                                      BELGE AU DÉVELOPPEMENT 04
                                                                                   1. CONTEXTE INTERNATIONAL 06
                                                                                              2. QUANTITÉ DE L’AIDE 16
                                                                                                3. QUALITÉ DE L’AIDE 30
                                                                                     4. COHÉRENCE DES POLITIQUES
                                                                                       POUR LE DÉVELOPPEMENT 48
                                                                                                         5. ZOOM 60
                                                                                         LA RECONSTRUCTION POST-COVID
                                                                                                  DANS LES PAYS DU SUD
                                                                                               RECOMMANDATIONS 70
                                                                                  ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES 74

fragiles. Les nouvelles approches dans les domaines de la         de cohérence et où la Belgique n’a pas tenu une position forte
souveraineté alimentaire et de la migration méritent aussi        en faveur de la cohérence des politiques pour le développe-
d’être saluées. Néanmoins, une clarification de la stratégie       ment. De son côté, l’avant-projet de Plan fédéral de dévelop-
d’appui au secteur privé reste nécessaire, tout comme des         pement durable pose question : sans changements subs-
mesures supplémentaires pour assurer le respect des               tantiels, il pourrait devenir un autre exemple d’incohérence.
principes d’efficacité de l’aide et du développement.
                                                                  Enfin, le Zoom de ce Rapport pose la question cruciale des
En matière de cohérence des politiques en faveur du déve-         mesures à mettre en œuvre pour contribuer à la recons-
loppement (CPD), elle aussi objet de recommandations              truction post-Covid dans les pays du Sud. Le principe de la
lors de l’examen par les pairs, notons que le mécanisme           cohérence des politiques en faveur du développement
institutionnel assez complet censé l’assurer a été détricoté      implique que la Belgique s’engage en faveur d’un accès
au cours de la dernière législature. Le nouveau gouvernement      équitable aux vaccins, de la réforme OCDE contre l’évasion
et la nouvelle ministre de la Coopération au développement        et l’optimisation fiscales des entreprises transnationales,
en particulier ont cependant pris des initiatives concrètes       de la taxe européenne sur les transactions financières, des
qui laissent entendre leur volonté de plus de cohérence.          allègements de dettes et d’une augmentation des finance-
Plusieurs initiatives sont à saluer, même si un organe de         ments climat. En parallèle, l’augmentation de l’aide publique
concertation interministériel se fait attendre. Dans la pra-      au développement demeure une partie indispensable de la
tique, certaines décisions ont été effectivement cohérentes        solution, allouée de manière prioritaire aux secteurs les plus
avec les objectifs de développement, et d’autres beaucoup         pertinents, dont la santé, la protection sociale et la sécurité
moins. En termes de cohérence, on relève le soutien de la         alimentaire.
Belgique au rehaussement de l’ambition sur le climat, ainsi
que sa décision d’interdire les agrocarburants à base
d’huile de palme et de soja dans le secteur des transports. À
l’inverse, le nouveau pacte de l’UE sur l’asile et la migration
ainsi que la réforme de la Politique agricole commune (PAC)
sont deux exemples de politiques européennes manquant
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04 – LE BULLETIN
DE L’AIDE BELGE
AU DÉVELOPPEMENT

 LE BULLETIN
DE L’AIDE BELGE
  AU
 DÉVELOPPEMENT
                                                                              QUANTITÉ DE L’AIDE
+    L’aide au développement de la Belgique a augmenté en 2020, en volumes et en pourcentage
du revenu national brut.

+    L’aide humanitaire et les financements de la coopération multilatérale ont augmenté de respectivement
13% et 23%.

+    L’aide belge gérée par la Direction générale Coopération au développement, qui permet de financer
des projets et des programmes concrets de développement, représente 60% de l’aide totale.

-     Les financements de la Coopération gouvernementale n’ont jamais été aussi bas en plus d’une décennie :
ils représentent moins de la moitié de ceux de la Coopération multilatérale.

-   L’aide totale de la Belgique est composée à 10% d’« aide fantôme », soit des financements qui ne sont pas
destinés au développement durable des pays du Sud.
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QUALITÉ DE L’AIDE
+     La quasi-totalité de l’aide de la Belgique est déliée, c’est-à-dire non associée à des obligations de recourir
à ses propres entreprises.

+     La Coopération gouvernementale belge se concentre dans les pays les moins avancés (PMA) et
les États en situation de fragilité.

+    La Coopération belge est félicitée pour ses efforts afin d’améliorer sa transparence et la prévisibilité de son aide.

+    La Note cadre « Migration et développement » reconnaît une vision positive de la mobilité et l’apport
des personnes migrantes au développement durable, à condition que cette mobilité soit sûre, ordonnée et régulière.

-   Le respect de l’alignement, l’appropriation et l’utilisation des systèmes nationaux des pays partenaires diminue.

-    Les instruments de mobilisation du secteur privé ne sont pas adaptés au contexte particulier des pays
les moins avancés et des États en situation de fragilité.

                                                    COHÉRENCE DES POLITIQUES (CPD)
+    La Belgique a soutenu le rehaussement de l’objectif européen en matière d’ambition climatique.

+    Les agrocarburants à base d’huile de palme et de soja seront proscrits dans le secteur des transports en Belgique.

-    Le mécanisme institutionnel ambitieux censé assurer la CPD, adopté en 2014, n’a été que peu mobilisé
et progressivement détricoté durant la législature passée.

-   La conférence interministérielle sur la CPD n’a toujours pas vu le jour.

-   Le Pacte UE sur la migration et l’asile se focalise sur une gestion répressive des migrations.

-    La réforme de la Politique agricole commune (PAC) n’est pas alignée sur le Pacte vert européen,
tant sur le plan environnemental que sur le plan social. Elle n’empêchera pas l’agro-industrie européenne de faire
de la concurrence déloyale aux paysans du Sud sur leurs marchés.

+/-        Le gouvernement belge s’est engagé à élaborer un Plan fédéral de développement durable,
mais la dimension internationale est fort limitée dans son avant-projet.
07 – CONTEXTE
                                  INTERNATIONAL

                                   1.
                                  CONTEXTE
                                    INTERNATIONAL
                                  La crise sanitaire a bouleversé le monde tout au long de l’année écoulée, provoquant de plus
                                  une crise économique, financière et sociale au Nord comme au Sud. Ces crises multiples ont accentué
                                  la pauvreté et les inégalités dans le monde. Résultat : c’est toute une décennie de progrès en matière
© UN Global Compact / Elma Okic

                                  de lutte contre la pauvreté mais aussi l’atteinte des Objectifs de développement durable qui sont
                                  menacés. Malgré ce constat, l’aide publique au développement n’a augmenté que de 3,5% en 2020
                                  pour atteindre 161 milliards USD – une goutte d’eau face aux 16 000 milliards USD déjà mobilisés
                                  de par le monde pour faire face à la crise sanitaire.
08 – CONTEXTE
INTERNATIONAL

COVID-19 : AUGMENTATION
DE LA PAUVRETÉ ET DES INÉGALITÉS
Le Covid-19 est resté en 2021 le thème prioritaire des débats       pays du Sud : près d’un tiers d’entre eux ont connu des
nationaux et internationaux. Au niveau mondial, ce sont             pertes de revenu par habitant qui annulent au moins une
officiellement plus de 4,3 millions de personnes qui ont perdu        décennie de progrès en la matière 6. Selon les Nations Unies,
la vie à cause du coronavirus 1 – mais les taux de surmortalité     ces pertes de revenus dans les économies en développement
indiquent un nombre de morts encore bien plus élevé. Si la          ont été les plus importantes en Afrique, en Amérique latine
crise sanitaire a particulièrement affecté les pays riches en        et dans les Caraïbes 7.
Amérique du Nord et en Europe, elle s’est aussi révélée
extrêmement grave dans plusieurs pays du Sud. Selon les             Un rebond des investissements est attendu en 2021 mais il
données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 2, le          devra être très important pour réparer les dégâts de l’effon-
top 20 des pays ayant enregistré le plus grand nombre               drement constaté en 2020. La contraction des investissements
cumulatif de cas de coronavirus comprend : l’Inde, le Brésil,       dans les pays du Sud a atteint un niveau record de 10,6%,
la Turquie, l’Argentine, la Colombie, l’Iran, l’Indonésie, le       bien plus élevé que pendant la crise financière de 2008 8.
Mexique, l’Afrique du Sud et le Pérou. Et si les États-Unis sont    En outre, les investissements directs étrangers vers les éco-
le pays avec le plus grand nombre de décès dus au Covid-            nomies en développement ont chuté de 16% – les flux ayant
19, ils sont suivis directement par le Brésil, l’Inde, le Mexique   diminué de 28% en Afrique, de 25% en Amérique latine et
et le Pérou. Or, en moyenne, ces quatre pays n’ont pu admi-         dans les Caraïbes, et de 12% en Asie, principalement en
nistrer respectivement, pour 100 habitants, que moins de la         raison de la résistance des investissements en Chine 9. À ceci
moitié des doses de vaccin administrées par les États-Unis 3.       s’ajoute la chute du prix des matières premières et des
Sans parler des pays particulièrement pauvres pour lesquels         transferts financiers des migrants vers leur pays d’origine,
les données n’existent pas ou de ceux où le vaccin reste            qui a particulièrement affecté les pays du Sud.
quasiment inexistant : moins de 0,1% de la population, pour
100 habitants, aurait reçu ne fût-ce qu’une dose au Soudan          À côté de la crise sanitaire et de la crise économique et
du Sud ou en République démocratique du Congo 4. La                 financière, la troisième crise fut sociale : la pandémie a
question de la levée des brevets pour accroître l’accès aux         perturbé les marchés du travail dans le monde entier, sans
vaccins pour les pays du Sud demeure donc une urgence               précédent historique. En 2020, 114 millions d’emplois ont
capitale (cf. chapitre «Zoom: la reconstruction post-Coviddans      été perdus par rapport à 2019, soit environ quatre fois plus
les pays du Sud »).                                                 que pendant la crise financière mondiale de 2008 10. Cela se
                                                                    traduit par une baisse du revenu mondial du travail estimée
Si la crise sanitaire n’a pas épargné les pays du Sud, il en fut    à 3 700 milliards USD, soit 4,4% du PIB mondial, les femmes
de même de la crise économique et financière qui a suivi.            et les jeunes étant touchés de manière disproportionnée.
Selon les Nations Unies, le PIB mondial s’est contracté de 4,3%
en 2020, marquant la pire récession depuis la Grande                En conséquence, alors que les Nations Unies se sont enga-
Dépression des années 1930 5. Les mesures de confinement             gées par les Objectifs de développement durable (ODD) à
dans de nombreux pays ont entraîné la réduction et parfois          éradiquer l’extrême pauvreté d’ici 2030, celle-ci a augmenté
l’arrêt de nombreux secteurs économiques, la diminution de          en 2020 : environ 120 millions de personnes supplémentaires
la demande et des perturbations dans les chaînes d’appro-           sont tombées sous le seuil des 1,90 USD par jour 11, et ce
visionnement qui ont ralenti le commerce international. Ceci        chiffre pourrait augmenter jusqu’à 150 millions au cours de
a entraîné une perte de production et de revenus pour les           l’année 2021 12. Ces personnes se trouvent surtout dans des
09 – CONTEXTE
INTERNATIONAL

zones urbaines et dans des pays où le taux de pauvreté est                        pour faire face à la crise sanitaire immédiate et renforcer
déjà élevé 13. C’est la première fois depuis plus de 20 ans que                   la capacité des systèmes de santé publique, soutenir les
ces chiffres augmentent. Selon les Nations Unies, si rien n’est                    travailleurs et travailleuses, et éviter des faillites en chaîne.
fait, c’est une décennie de lutte contre la pauvreté qui serait                   Parallèlement aux mesures budgétaires, les banques
réduite à néant à cause du coronavirus 14. À plus long terme,                     centrales du monde entier ont introduit des mesures d’as-
près de 800 millions de personnes pourraient encore vivre                         souplissement monétaire à une échelle sans précédent, en
dans l’extrême pauvreté en 2030, ce qui constituerait un aveu                     injectant des liquidités massives et en réduisant les taux
d’échec pour les Objectifs de développement durable (ODD) 15.                     d’intérêt. Fin 2020, 94 banques centrales avaient réduit
                                                                                  leurs taux directeurs à 256 reprises au total 17 – les banques
Un autre ODD particulièrement menacé aujourd’hui est                              centrales des principales économies mondiales affichant
l’Objectif 2 visant l’éradication de la faim dans le monde. La                    des taux d’intérêt proches de zéro permettant d’accéder à
FAO (Food and Agriculture Organisation ou Organisation des                        des financements bon marché.
Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) estime
que la pandémie de Covid-19 a fait basculer 118 à 160 mil-                        Ces interventions inédites des banques centrales et des
lions de personnes supplémentaires dans la faim chronique                         gouvernements, ainsi que l’expansion des déficits budgé-
au cours de l’année 2020 – les flambées de faim aiguë dans                         taires à des niveaux proches de ceux connus en période de
le contexte de la pandémie pouvant faire encore grimper ce                        guerre, ont permis d’éviter une crise économique encore
nombre ponctuellement. Cette nouvelle explosion de la faim                        plus grave. Mais elles risquent aussi d’exacerber les inégalités
vient exacerber une tendance à la hausse remarquée depuis                         mondiales : tous les pays n’ont pas été en mesure d’accéder
2014 : près de 690 millions de personnes ont souffert de la                        aux marchés internationaux des capitaux et de profiter des
faim en 2019, soit une augmentation de près de 60 millions                        taux d’intérêt extrêmement bas. Selon les Nations Unies,
en cinq ans16.                                                                    80% des mesures de soutien budgétaire ont été prises dans
                                                                                  les pays riches 18. De leur côté, les pays du Sud étaient
Heureusement, une crise exceptionnelle appelle des solutions                      confrontés à des baisses historiques de leurs recettes, à un
exceptionnelles. Des voix se sont élevées en faveur de                            lourd endettement préexistant et à de graves pénuries de
mesures financières sans précédent et certains tabous ont                          liquidités : ils n’avaient donc pas la marge de manœuvre
été brisés, notamment en matière de dépenses publiques.                           budgétaire nécessaire pour absorber les chocs de la crise
C’est ainsi que les gouvernements ont répondu à la crise par                      sanitaire, économique et sociale, et encore moins pour envi-
des mesures de relance budgétaire historiques, nécessaires                        sager d’importants plans de relance.

/ 1 Organisation mondiale de la santé (OMS). WHO Coronavirus (COVID-19) Dashboard. Site web : https://covid19.who.int/, consulté le 16 août 2021.
/ 2 Ibid. / 3 Ibid. / 4 Ibid. / 5 Organisation des Nations Unies. Financing for Sustainable Development Report 2021. New York : Nations Unies, 2021. / 6 Ibid.
/ 7 Ibid. / 8 Ce calcul exclut la Chine. Voir : Organisation des Nations Unies. Financing for Sustainable Development Report 2021. New York : Nations Unies,
2021. / 9 Ibid. / 10 Ibid. / 11 Christoph Lakner et al. Updated estimates of the impact of COVID-19 on global poverty: Looking back at 2020 and the outlook
for 2021. Blog de la Banque mondiale, 11 janvier 2021. / 12 Banque mondiale. COVID-19 to Add as Many as 150 Million Extreme Poor by 2021.
Communiqué de presse, 7 octobre 2020. / 13 Ibid. / 14 Organisation des Nations Unies. Financing for Sustainable Development Report 2021. New York :
Nations Unies, 2021. / 15 Ibid. / 16 Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). The State of Food security and Nutrition in the
World 2021. Juillet 2021. / 17 Organisation des Nations Unies. Financing for Sustainable Development Report 2021. New York : Nations Unies, 2021. / 18 Ibid.
10 – CONTEXTE
INTERNATIONAL

ÉVOLUTION MONDIALE DE L’EXTRÊME PAUVRETÉ (1,90 USD/JOUR),
2015-2021
           Millions de personnes
   760                                                                                                                                             751,5
             741,4
   740
                                716,9
   720
                                                                                                                                  732,9            730,9
   700
                                                               689,1
   680
   660
                                                                                 660
   640
                                                                                                      644,7                    613,7
   620
   600                                                                                                                                             588,4

   580
         2015                    2016                   2017                    2018                    2019                    2020                2021

                     Statistiques historiques                             Estimations pré-Covid

                      Scénario pessimiste post-Covid                      Scénario de base post-Covid

                      Source : Lakner et al. Updated estimates of the impact of COVID-19 on global poverty: Looking back at 2020 and the outlook for 2021.
                                                                                                                Blog de la Banque mondiale. Janvier 2021.

Les pays les moins avancés (PMA, pays dont les indices de                       En plus d’exacerber les inégalités entre pays, le Covid-19
développement humain sont les plus faibles) ont ainsi                           risque d’exacerber les inégalités à l’intérieur des pays
augmenté leur soutien budgétaire de seulement 2,6% du                           également. La pandémie et la crise économique ont eu un
PIB, contre 15,8% du PIB pour les pays riches 19. Or environ la                 impact disproportionné sur les femmes, les jeunes, les
moitié des PMA et des autres pays à faible revenu présen-                       travailleurs et travailleuses peu qualifiés, les ménages à
taient déjà un risque élevé de surendettement ou étaient en                     faible revenu, les personnes migrantes et les travailleurs du
situation de surendettement avant même l’arrivée de la                          secteur informel, en particulier dans les pays où les popula-
pandémie de Covid-19. Les mesures budgétaires, ainsi que                        tions ne sont pas ou très peu couvertes par des systèmes
la baisse des recettes, ont eu un impact supplémentaire                         de protection sociale. En outre, les sociétés inégalitaires
sur les niveaux d’endettement des pays les plus pauvres,                        sont par essence plus vulnérables aux crises : les inégalités
exacerbant la crise de la dette. Cette situation menace de                      préexistantes ont donc aggravé l’impact de la pandémie,
renforcer les inégalités internationales, avec un groupe de                     créant ainsi un cercle vicieux.
pays se redressant grâce à de fortes mesures de relance et
de nombreux autres s’enfonçant dans un cycle de pauvreté,
de dette insoutenable et d’austérité.

/ 19 C. P. Chandraekhar et J. Ghosh. « Prepare for a surge in global inequality » in Real-World Economics Review Blog. 17 janvier 2021.
11 – CONTEXTE
INTERNATIONAL

  LES FEMMES PARTICULIÈREMENT TOUCHÉES
  PAR LES CONSÉQUENCES SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA CRISE
  Les femmes ont été particulièrement touchées par la crise de Covid-19, d’abord en assurant de manière
  disproportionnée les charges supplémentaires en matière de soins des proches. La pandémie a également
  exacerbé les violences intrafamiliales et sexuelles, une situation qualifiée de « pandémie fantôme » par
  ONU Femmes 20. En avril 2020, le Guttmacher Institute a estimé qu’une perturbation mineure des soins
  gynécologiques en raison de la crise pourrait entraîner 15 millions de grossesses non désirées,
  28 000 décès maternels et 3,3 millions d’avortements non sécurisés 21.

  Les femmes représentent également près de 70% de la main-d’œuvre mondiale dans le secteur de la
  santé et des services sociaux – des emplois essentiels qui les exposent davantage au risque de contracter
  la maladie. En outre, les mesures de confinement ont eu des conséquences particulièrement néfastes sur
  les secteurs à fort taux d’emploi féminin, les fermetures d’écoles amplifiant encore l’impact démesuré de
  la pandémie sur les mères qui travaillent. Les femmes sont surreprésentées dans les secteurs du com-
  merce de détail, le tourisme et la restauration, qui ont été les plus durement touchés par la pandémie.
  Par exemple, l’emploi dans le secteur de l’hébergement et la restauration a connu une baisse de 20,3%
  en 2020 par rapport à 2019. En Asie du Sud, en Afrique subsaharienne et en Amérique latine, la majorité
  des femmes travaillent également dans le secteur informel, qui ne bénéficie que très marginalement du
  système de protection sociale en cas de confinement généralisé. Une première analyse de l’impact du
  Covid-19 en RDC montre également que les femmes étaient moins nombreuses à retourner au travail que
  les hommes en novembre 2020 22.

  Résultat : selon Oxfam International, au niveau mondial, les femmes ont perdu plus de 64 millions d’em-
  plois en 2020 – une perte de 5%, contre 3,9% pour les hommes 23. En termes de revenus, la crise a coûté
  aux femmes du monde entier au moins 800 milliards USD de perte de revenus en 2020, soit plus que le
  PIB combiné de 98 pays, toujours selon Oxfam – une estimation qui n’inclut même pas les salaires perdus
  par les millions de femmes travaillant dans le secteur informel 24. Oxfam estime donc que 47 millions de
  femmes supplémentaires dans le monde tomberont dans l’extrême pauvreté, vivant avec moins de 1,90
  dollar par jour, en 2021.

  / 20 ONU Femmes. La violence à l’égard des femmes, cette pandémie fantôme. Déclaration de Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive
  d’ONU Femmes, 6 avril 2020. / 21 Guttmacher Institute. « Estimates of the Potential Impact of the COVID-19 Pandemic on Sexual and
  Reproductive Health In Low- and Middle-Income Countries » in International Perspectives on Sexual and Reproductive Health, Volume 46, 2020,
  pp. 73-76. / 22 CASS – Social Sciences Analytics Cell. The impacts of the COVID-19 outbreak response on women and girls in the Democratic
  Republic of the Congo. Décembre 2020. / 23 Oxfam International. COVID-19 cost women globally over $800 billion in lost income in one year.
  Communiqué de presse, 24 avril 2021. / 24 Ibid.
12 – CONTEXTE
INTERNATIONAL

      « Si les pays donateurs avaient respecté
      l’engagement des 0,7% en 2020, ils auraient
      mobilisé assez de financements pour vacciner
      la population entière des pays à faible revenu ».

FACE AUX CRISES MULTIPLES,
L’AIDE MONDIALE RESTE INSUFFISANTE
Face à la pauvreté grandissante et aux inégalités exacerbées,     Néanmoins, malgré qu’elle ait augmenté pour atteindre
l’aide mondiale a-t-elle été à la hauteur en 2020 ? Les chiffres   0,32% du RNB, la moyenne internationale reste extrêmement
de l’Organisation de coopération et de développement éco-         loin de l’objectif de 0,7%. Ceci, alors même que l’augmenta-
nomiques (OCDE) 25 montrent une augmentation de 3,5% par          tion du ratio est due en partie à la diminution du RNB de la
rapport à 2019. L’aide mondiale a ainsi atteint en valeur         plupart des pays du CAD, conséquence de la récession liée à
absolue un niveau record de 161,2 milliards USD, représen-        la pandémie. Si le volume total de l’aide internationale peut
tant 0,32% du revenu national brut (RNB) cumulé des pays          sembler élevé, il ne correspond en réalité qu’à 1% des finan-
donateurs, contre 0,30% en 2019. Selon l’OCDE, cette aug-         cements mobilisés de par le monde pour les mesures de
mentation est le résultat de financements supplémentaires          relance post-Covid. Or, selon Oxfam International, si les
des donateurs pour lutter contre la pandémie, mais aussi          pays donateurs avaient respecté l’engagement des 0,7%
d’une augmentation de prêts souverains bilatéraux 26.             en 2020, ils auraient mobilisé assez de financements pour
L’aide bilatérale destinée à l’Afrique et aux pays les moins      vacciner la population entière des pays à faible revenu 27.
avancés (PMA) a augmenté de respectivement 4,1% et 1,8%.
L’aide humanitaire a progressé de 6%.                             L’augmentation de l’aide mondiale est donc tout à fait
                                                                  modeste si on tient compte du contexte. Elle s’accom-
Selon l’OCDE, 16 pays membres du Comité d’aide au dévelop-        pagne en outre de quelques tendances problématiques.
pement (CAD) de l’organisation ont augmenté leur aide,            Premièrement, selon l’enquête menée par l’OCDE, une partie
contre un recul dans 13 pays. De fortes hausses de l’aide, en     de cette aide mondiale – 12 milliards USD – a été mobilisée
montants totaux, ont été enregistrées dans les pays suivants:     pour un soutien à court terme pour aider à faire face à la crise
Allemagne, Canada, Finlande, France, Islande, Hongrie,            de Covid-19, centré sur les systèmes de santé, l’aide humani-
Norvège, Slovaquie, Suède et Suisse. Six pays en particulier,     taire et la sécurité alimentaire. Or, selon l’OCDE, de nombreux
parmi les membres du CAD, ont atteint ou dépassé l’objectif       pays donateurs ont indiqué avoir réorienté des fonds issus
adopté par les Nations Unies en 1970, selon lequel les pays       de programmes de coopération au développement au profit
donateurs doivent mobiliser 0,7% au moins de leur RNB             d’activités liées à la pandémie. Si de telles pratiques se
pour l’aide publique au développement. Il s’agit de la Suède      perpétuent, elles risquent de vider les programmes tradi-
(1,14%), de la Norvège (1,11%), du Luxembourg (1,02%), de         tionnels de coopération de leurs financements, menaçant
l’Allemagne (0,73%), du Danemark (0,73%) et du Royaume-           ainsi la prévisibilité, et donc l’efficacité, de l’aide.
Uni (0,70%) – qui font le choix structurel de respecter cet
objectif international depuis plusieurs années, nonobstant
des coupes récemment annoncées au Royaume-Uni.
13 – CONTEXTE
INTERNATIONAL

AIDE MONDIALE EN MILLIARDS USD, 2005-2020*
         Milliards USD
  160

  140

  120

  100

   80
                 2006               2008                 2010              2012                2014               2016                2018               2020

                                                                                                                       Source : OCDE. APD nette. Août 2021.
                                     * Les montants présentés ici ont été calculés selon la méthodologie dite « cash flow », pour permettre la comparaison
                avec les années précédentes – malgré qu’une nouvelle méthodologie dite de l’« équivalent don » ait été utilisée par le CAD à partir de 2019.

AIDE MONDIALE EN POURCENTAGE DU RNB, 2005-2020
         Pourcentage du RNB
     1

   0,8
                                                                                                                           objectif international 0,7%
   0,6

   0,4

   0,2

     0
         2005      2006     2007      2008      2009     2010      2011      2012     2013      2014      2015      2016      2017      2018     2019     2020

                                                                                                                           Source : OCDE. APD nette. Août 2021.

/ 25 Sauf mention contraire, tous les chiffres de ce chapitre sur l’aide mondiale proviennent de : OCDE. COVID-19 spending helped to lift foreign aid to an
all-time high in 2020 - Detailed Note. Paris, 13 avril 2021. Ces chiffres sont présentés en dollars constants (termes réels). / 26 OCDE. COVID-19 spending
helped to lift foreign aid to an all-time high in 2020 - Detailed Note. Paris, 13 avril 2021. / 27 Oxfam International. Slight increase in aid only a drop in the
ocean to combat the Covid-19 crisis. Communiqué de presse, 12 avril 2021.
14 – CONTEXTE
INTERNATIONAL

                                                       « Le déficit de financement des ODD
                                                       dans les pays du Sud a augmenté
                                                       d’au moins 50% en 2020 ».

Une deuxième tendance inquiétante est celle d’une augmen-                         L’augmentation de l’aide mondiale doit donc être sérieuse-
tation de la proportion de prêts, plutôt que de dons, dans                        ment relativisée. Cette augmentation est d’autant plus
l’APD mondiale : la part de l’APD bilatérale brute dispensée                      modeste que les financements normalement reçus en paral-
sous forme de prêts et de participations s’est élevée à 22% en                    lèle par les pays en développement se sont sensiblement
2020, contre une part d’environ 17% les années précédentes.                       réduits, qu’il s’agisse des investissements directs étrangers,
                                                                                  des entrées de capitaux privés ou des transferts d’argent de
Une troisième tendance inquiétante ressort de l’analyse des                       personnes émigrées –même si ces derniers se sont redressés
flux de l’APD en fonction des catégories de pays auxquelles                        avant la fin de l’année 2020. Résultat: le déficit de financement
ils sont destinés. L’APD bilatérale nette des pays donateurs                      des ODD dans les pays du Sud a augmenté d’au moins 50%
aux pays à faible revenu a en effet diminué de 3,5%, repré-                        pour atteindre 3 700 milliards USD en 2020 30. Comme l’a fait
sentant un total de 25 milliards USD. Au contraire, l’APD                         remarquer le Secrétaire général de l’OCDE, M. Ángel Gurría,
bilatérale nette affectée aux pays à revenu intermédiaire                          « à l’échelle mondiale, les gouvernements ont mis en place
inférieur a augmenté de 6,9%, équivalant à 33 milliards USD.                      des mesures de relance liées au Covid 19 équivalant à
Selon l’OCDE, cette tendance serait le résultat, entre autres,                    16 000 milliards USD, et nous n’avons mobilisé que 1% de ce
de l’augmentation des prêts consentis aux pays à revenu                           montant pour aider les pays en développement à faire face à
intermédiaire 28. Quoi qu’il en soit, les montants supplémen-                     une crise sans précédent pour les générations actuelles.
taires de l’APD n’auraient donc pas été destinés en priorité                      Cette crise est un véritable test pour le multilatéralisme et le
aux pays les plus pauvres qui en ont le plus besoin.                              concept même d’aide extérieure. Nous devons déployer un
                                                                                  effort beaucoup plus massif pour aider les pays en dévelop-
Enfin, quatrième tendance inquiétante, les frais d’accueil                         pement en matière de distribution de vaccins, de services
pour les demandeurs d’asile dans les pays donateurs                               hospitaliers, et pour soutenir le revenu et les moyens d’exis-
continuent d’être comptabilisés comme de l’aide au déve-                          tence des populations les plus vulnérables afin d’assurer une
loppement, alors qu’ils ne constituent pas des finance-                            reprise véritablement mondiale » 31 (cf. chapitre « Zoom : la
ments disponibles pour financer le développement durable                           reconstruction post-Covid dans les pays du Sud »).
dans les pays du Sud. Ils ont représenté plus de 10% de l’APD
totale pour le Canada, l’Islande et les Pays-Bas, et plus de
8% pour l’Allemagne, la France et la Suisse. Ceci n’est pas une
fatalité : le Luxembourg a fait le choix de ne plus comptabi-
liser ces frais d’accueil en APD 29.

/ 28 OCDE. COVID-19 spending helped to lift foreign aid to an all-time high in 2020 - Detailed Note. Paris, 13 avril 2021. / 29 Ibid. / 30 OCDE. 2020 official
development assistance levels and trends release. Remarques par Angel Gurría, Paris, 13 avril 2021. / 31 OCDE. Les dépenses liées au COVID-19 ont
contribué à hisser l’aide extérieure à un niveau sans précédent en 2020, mais l’effort doit être intensifié. Communiqué de presse, 13 avril 2021.
15 – CONTEXTE
INTERNATIONAL

  L’AIDE EST-ELLE FAITE POUR DURER ?
  L’aide publique au développement a été développée au fil des décennies sur base d’une idée fondamentale :
  l’aide ne serait pas faite pour durer, son essence même serait de se rendre obsolète, puisqu’elle devrait
  permettre de créer un monde dans lequel elle ne serait plus nécessaire. Depuis plusieurs années, l’aide
  est donc de plus en plus critiquée pour son inefficacité, du simple fait qu’elle existe encore.

  Or, selon le nouveau livre de Jonathan Glennie The Future of Aid 32, cette idée selon laquelle l’aide pourra un
  jour cesser d’exister est fondamentalement fausse. Il s’agit en réalité du plus grand malentendu du
  secteur de la coopération au développement. Si l’aide peut continuer à contribuer à la diminution de
  l’extrême pauvreté en termes absolus (vivre avec moins de 1,90 USD par jour), la pauvreté relative ainsi
  que les inégalités persisteront. Tant que l’être humain voudra améliorer ses conditions de vie, les finan-
  cements pour la coopération internationale devront être encouragés. Ceci, d’autant plus que nous vivons
  dans un monde interconnecté, où un virus peut déstabiliser en quelques semaines notre système de
  soins de santé et notre économie.

  Ce malentendu sur l’inefficacité de l’aide a encouragé les pays donateurs à se tourner vers d’autres
  manières d’encourager le développement, sous la bannière Beyond Aid (au-delà de l’aide) – qu’il s’agisse
  d’encourager les investissements privés, le commerce international, la mobilisation de ressources
  domestiques, une fiscalité plus juste, etc. Ces domaines sont effectivement extrêmement importants,
  mais le danger serait, selon Jonathan Glennie, d’oublier l’importance de financements publics via l’aide
  au développement, qui demeurent nécessaires. Ainsi, il écrit : « Si les pays riches réduisent lentement
  leurs budgets d’aide, comme la théorie conventionnelle de l’aide le suggère, comment envisageons-nous
  de lutter contre la pauvreté persistante, les inégalités, la dégradation de l’environnement, les crises
  sanitaires mondiales et le changement climatique ? L’argent privé peut-il sauver la situation ? Les mil-
  liardaires et leurs méga-fondations peuvent-ils le faire ? Les brillantes organisations caritatives telles
  qu’Oxfam peuvent-elles le faire ? C’est peu probable. Et ce n’est pas souhaitable. Bien que l’on ne puisse
  nier l’importance de la philanthropie privée, rares sont ceux qui soutiennent qu’elle peut ou doit remplacer
  les dépenses publiques pour les biens publics » .33

  Selon Jonathan Glennie, le problème de l’aide réside aujourd’hui dans son caractère néocolonial : la gou-
  vernance de l’aide serait restée coincée au XXe siècle, avec un petit nombre de pays riches qui prennent
  les décisions les plus importantes concernant les allocations de l’aide, qui fluctuent en fonction de la
  bonne volonté des donateurs. À la place, il promeut l’idée d’un Global Public Investment (investissement
  public mondial), soit un système permettant à tous les pays du monde de contribuer à un pot commun,
  et ensuite de recevoir de ce pot commun, en fonction des moyens et des besoins de chaque pays. À titre
  de comparaison, l’idée serait d’étendre au monde entier le système des différents fonds structurels et
  d’investissements qui redistribuent les richesses entre membres de l’UE (tels le Fonds de développement
  régional européen, le Fonds social européen ou le Fonds de cohésion). Au niveau mondial, de tels finan-
  cements ne devraient plus être considérés comme de « l’aide » d’un pays riche vers un pays pauvre, mais
  comme un investissement de chaque pays pour un monde plus égalitaire, stable, durable et solidaire.

  Il est donc temps de réfléchir à faire évoluer le concept d’« aide » vers des investissements plus conséquents
  et libérés des structures de gouvernance postcoloniales. Tout comme nous payons des impôts pour entre-
  tenir nos routes, nos hôpitaux ou nos écoles, nous devrions investir davantage dans la réduction des
  inégalités internationales et le respect des limites planétaires.

  / 32 Jonathan Glennie. The Future of Aid. Global Public Investment. Routledge, 2020. / 33 Ibid, p. 7.
17 – QUANTITÉ
                       DE L’AIDE

                            2.
                       QUANTITÉ
                           DE L’AIDE
                       La Belgique peut être prudemment saluée : son aide publique au développement (APD) est enfin
                       repartie à la hausse en 2020, tant en volumes qu’en pourcentage du revenu national brut.
                       Néanmoins, cette augmentation s’est accompagnée de déséquilibres grandissants entre les canaux
                       de la coopération : les montants de la Coopération gouvernementale n’ont jamais été aussi bas
                       en plus d’une décennie ; à l’inverse, l’aide humanitaire n’a elle-même jamais été aussi élevée.
                       En outre, cette augmentation ne résulte pas nécessairement de décisions politiques structurelles ;
                       elle est en grande partie le fruit d’un contexte spécifique et de décisions antérieures.
                       Dans son accord de coalition, le gouvernement belge a pris l’engagement de mettre en œuvre
© AFP / Odd Andersen

                       une trajectoire contraignante de croissance afin que l’aide belge atteigne les 0,7% du RNB d’ici 2030.
                       Un ancrage dans la loi s’impose pour concrétiser cet engagement.
18 – QUANTITÉ
DE L’AIDE

L’AIDE BELGE AUGMENTE,
DE MANIÈRE CONTRASTÉE
Tout comme l’aide internationale, l’aide publique au déve-        Le canal non-gouvernemental a, quant à lui, augmenté de
loppement (APD) de la Belgique a légèrement augmenté en           4%, passant de 241 à 250 millions EUR, ce qui lui permet de
chiffres absolus en 2020, passant de 1,908 à 1,994 milliard        compenser la diminution précédente de 2019 et de regagner
EUR (voir tableau détaillé p. 24) 34. L’aide belge représentait   le même niveau qu’en 2018. Cette évolution est cependant
ainsi 0,46% du revenu national brut (RNB) en 2020, contre         peu significative, puisque les acteurs de la coopération non-
0,40% en 2019. Cette augmentation des pourcentages est            gouvernementale disposent de programmes quinquen-
cependant à relativiser, car elle fait suite à la diminution du   naux de financements et que des coupes importantes
RNB lui-même, qui a baissé de près de 10% à cause de la           avaient été opérées en 2017. Il s’agira donc surtout d’ana-
crise économique liée au Covid-19.                                lyser l’évolution entre les programmes actuels qui courent
                                                                  jusque fin 2021 et la période suivante, qui couvrira les
L’aide publique au développement de la Belgique provient          années 2022 à 2026.
majoritairement du budget de la Direction générale
Coopération au développement (DGD) au sein du SPF                 Par rapport aux autres canaux, le canal multilatéral connaît
Affaires étrangères. Si la part de l’aide totale gérée par la      l’augmentation la plus importante, de 23%, passant de
DGD a eu tendance à diminuer au fil des années, passant de         357 à 441 millions EUR. Cette augmentation est principa-
68% en 2000 à seulement 57% en 2018, on a observé en              lement due à l’annulation de dettes par les agences multi-
2019 et 2020 un léger retour à la hausse, à 60%. Ceci mérite      latérales (équivalant à 46 millions EUR en 2020, soit le
d’être salué, car l’aide gérée par la DGD permet de financer       double du montant de 2019), à l’augmentation de la
des projets et des programmes concrets de développement.          contribution aux banques régionales de développement
Cette aide gérée par la DGD a même augmenté de 4% en              (passant de 14 à 50 millions EUR) ainsi que de celle à la
2020 pour se situer à 1 201 millions EUR, contre 1 155 millions   Banque mondiale (passant de 73 à 95 millions EUR), qui
EUR en 2019. Elle est divisée en trois principaux canaux :        s’explique en partie par des rééchelonnements de paie-
la Coopération gouvernementale (211 millions EUR), la             ments des années précédentes.
Coopération non-gouvernementale (250 millions EUR) et la
Coopération multilatérale (441 millions EUR). À cela s’ajou-      Outre les trois canaux principaux de l’aide gérée par la DGD,
tent divers autres montants (300 millions EUR) comprenant         l’aide humanitaire a aussi fortement augmenté, de 13%,
notamment l’aide au secteur privé ou l’aide humanitaire.          passant de 170 à 192 millions EUR. Cela est notamment dû
                                                                  au Covid-19, puisqu’un montant global de 25 millions EUR a
En 2020, les financements du canal gouvernemental ont              été mobilisé afin de répondre à la propagation du virus
fortement diminué, passant de 246 à 211 millions EUR, soit        dans les crises humanitaires. De ce montant, 22 millions
une baisse de 14%, et ce, malgré une augmentation subs-           EUR étaient additionnels au budget humanitaire de 170
tantielle de la ligne budgétaire « consolidation de la société    millions EUR initialement prévu pour 2020.
et bonne gouvernance ». Cette baisse est due surtout à la
diminution du financement pour Enabel (l’agence chargée            De leur côté, à première vue, les montants attribués à la
de mettre en œuvre la coopération gouvernementale), de            Société belge d’investissement, BIO, sous la ligne budgé-
la coopération déléguée et des prêts d’État à État. La dimi-      taire « Aide au secteur privé, BIO » semblent avoir fortement
nution particulièrement importante du financement pour             diminué en une année, passant de 46 à 5 millions EUR. En
Enabel (-21%) est surtout due à l’absence de nouveaux             réalité, cette apparente diminution n’est pas le fruit d’une
programmes de coopération gouvernementale pendant la              décision politique récente, mais plutôt la simple application
période des affaires courantes de notre gouvernement, en           du contrat de gestion de BIO, conclu pour une durée de 5 ans
plus de difficultés particulières liées au Covid-19 et aux          (2019-2023), qui prévoyait depuis longtemps une baisse
situations politiques de certains pays, tels le Mali, complexi-   des versements au cours de l’exercice 2020. En outre, BIO a
fiant la coopération gouvernementale.                              reçu en parallèle d’autres contributions en 2020, affectées
19 – QUANTITÉ
DE L’AIDE

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA BELGIQUE, 2005-2020*
         Milliards USD
                                                        2,93
     3
                                                                                                               2,45                                2,29
           2,22                                                           2,24              2,24                        2,25     2,26
                    2,16
                                               2,47              2,56
     2
                                      2,19                                          2,13              2,06                                2,21
                            1,92

     1
                    2006              2008              2010              2012              2014               2016              2018               2020

                                                                                                                      Source : OCDE. APD nette. Août 202.
                                    * Les montants présentés ici ont été calculés selon la méthodologie dite « cash flow », pour permettre la comparaison
               avec les années précédentes – malgré qu’une nouvelle méthodologie dite de l’« équivalent don » ait été utilisée par le CAD à partir de 2019.

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA BELGIQUE EN POURCENTAGE
DU RNB, 2005-2020
         Pourcentage du RNB
   0,8
                                                                                                                    objectif international 0,7%
                                                                0,536
   0,6
                   0,499            0,479              0,640             0,475    0,453     0,463             0,499                                0,467
                                                                                                     0,416             0,445     0,430    0,409
         0,526                                0,550
   0,4
                           0,426

   0,2
                   2006              2008              2010              2012               2014              2016               2018               2020

                                                                                                                      Source : OCDE. APD nette. Août 2021.

sous d’autres lignes budgétaires. Premièrement, dans le                         coûts de gestion de 3%) ont été inscrits sous la ligne bud-
cadre de la crise du Covid-19, une nouvelle ligne de finance-                    gétaire « Entrepreneuriat local, commerce équitable, BIO »
ment a été créée pour permettre à BIO de venir en aide aux                      – qui a d’ailleurs fortement augmenté en 2020 (passant de
entreprises locales en difficulté : 12 millions EUR de subsides                   12 à 31 millions EUR). Deuxièmement, conformément aux
en capital prévus par le contrat de gestion de BIO ont été                      dispositions du contrat de gestion, 25 millions EUR ont été
convertis pour permettre ce financement d’urgence. En                            versés à BIO pour des projets liés au climat en 2020, imputés
outre, BIO a reçu 20 millions EUR supplémentaires pour                          sur une ligne encore différente du tableau p. 24, « Politique
cette ligne de financement. Ces montants (diminués de                            climatique ».

/ 34 Sauf mention contraire, tous les chiffres présentés dans ce chapitre proviennent du tableau de la DGD, p. 24.
20 – QUANTITÉ
DE L’AIDE

L’AIDE FANTÔME REPRÉSENTE
ENCORE 10% DE L’AIDE TOTALE
D’autres montants comptabilisés comme de l’aide au déve-         deuxième rubrique de « l’aide fantôme ». Bien qu’ils soient
loppement ne proviennent pas de la DGD. Ceux-ci représen-        importants et nécessaires, ils ne représentent pas non plus
tent 40% de l’APD totale, suite à leur augmentation en 2020,     des financements additionnels disponibles pour le dévelop-
passant de 679 à 713 millions EUR. Cette augmentation est        pement durable de pays partenaires. Or, en 2020, ils ont très
principalement due à celle de la quote-part automatique          légèrement augmenté, passant de 42,8 à 43 millions EUR
belge de l’APD européenne (notre part de l’APD gérée par la      – représentant ainsi 2% de l’APD totale.
Commission européenne, sur la base du budget de l’UE),
mais aussi à celle des financements de la Région flamande.         Enfin, les annulations de dettes représentent la troisième
                                                                 composante principale de « l’aide fantôme ». Bien qu’elles
Au sein de ce canal « hors-DGD », se trouvent aussi des mon-     doivent être encouragées – et ce d’autant plus suite aux
tants comptabilisés en APD alors qu’ils ne représentent pas      conséquences du Covid-19 (cf. chapitre « Contexte interna-
des financements supplémentaires pour le développement            tional ») – elles ne devraient pas être comptabilisées comme
de pays du Sud. De telles dépenses sont appelées de « l’aide     des financements additionnels pour le développement de
fantôme ». Il en est ainsi des frais d’accueil de personnes en   pays partenaires. Or, en 2020, les montants en APD des
demande d’asile. L’OCDE permet de compter ces dépenses           annulations multilatérales de dettes ont doublé, passant de
comme de l’aide au développement pendant la première             23 à 46 millions EUR – contre 17 millions EUR en 2016.
année de présence des personnes concernées, alors qu’elles
sont par définition réalisées sur le territoire belge. Si elles   En conclusion, la proportion de « l’aide fantôme » dans l’APD
sont essentielles pour permettre à la Belgique de respecter      totale a-t-elle augmenté ou diminué en 2020 ? En termes de
ses engagements dans le cadre de la Convention de Genève         volumes, elle a augmenté, passant de 189 à 206 millions
sur les droits des réfugiés, ces dépenses ne constituent pas     EUR. Mais en termes de proportion, elle est restée stable,
de l’aide aux pays du Sud. Entre 2016 et 2018, ces dépenses      représentant 10% de l’APD totale, en 2019 tout comme en
avaient dépassé la totalité des montants attribués au canal      2020. À l’inverse, l’aide « réelle » en volume de la Belgique a
gouvernemental de la DGD – faisant de la Belgique la pre-        donc augmenté plus modestement que ce que les montants
mière destinataire de sa propre aide au développement.           totaux démontrent, entre 2019 et 2020.

La chute observée dans le nombre de demandes d’asile a           Le CNCD-11.11.11 continue de plaider pour que la Belgique
entraîné une baisse automatique de cette rubrique : la           encourage un changement de règles au sein du CAD de
contribution des dépenses de Fedasil à l’APD belge a été         l’OCDE, afin que l’ensemble des donateurs cessent de
divisée par trois depuis 2016, passant de 340 millions EUR 35    comptabiliser en APD les annulations de dettes, les coûts
à 118 millions EUR en 2020. Ces montants ne représentent         forfaitaires des étudiants, ainsi que les frais d’accueil des
donc plus que 6% de l’APD totale, contre 16% en 2016.            personnes en demande d’asile – aussi nécessaires soient
                                                                 ces dépenses par ailleurs. Le Luxembourg montre l’exemple,
Les « coûts imputés des étudiants » (un montant forfaitaire      puisqu’il a lui-même décidé d’arrêter de comptabiliser en
calculé sur base du nombre d’étudiants en Belgique qui sont      APD les frais d’accueil des personnes en demande d’asile,
originaires de pays en développement) représentent une           sans attendre de nouvelles règles de l’OCDE 36.
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