THE OLIVER WYMAN RETAIL JOURNAL - CONSOMMATION ET GRANDE DISTRIBUTION | VOLUME 2
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EDITORIAL Nous sommes heureux de vous présenter la deuxième édition du Oliver Wyman Retail Journal – Grande Consommation et Distribution. Vous y trouverez des articles que nous avons publiés cette année, des inédits et deux entretiens parus dans une revue professionnelle de référence. La période actuelle est riche en changements. Face à un contexte encourageant dans certains pays et plus difficile dans d’autres, de plus en plus d’enseignes ont pris le parti de privilégier les opportunités qu’offre le commerce en ligne omni-canal, et de réagir face à la pression sur les prix. Cela commence par des actions défensives. Comment réduire des handicaps en matière BERNARD DEMEURE de structure de coûts ? Comment gagner la bataille de l’image/prix ? Comment maintenir bernard.demeure@oliverwyman.com son avantage d’être une destination ? Et, dans certains cas, comment effectuer au mieux +33 1 45 023 209 une restructuration ? La priorité, quand c’est possible, est cependant au renforcement de la différenciation et de la croissance. Une offre omni-canal bien architecturée et séduisante ralentit le développement des concurrents, les magasins et le net se confortant mutuellement : les exemples en sont de plus en plus nombreux, les distributeurs doivent continuer à donner à leurs clients des raisons de se rendre dans leurs magasins. Les enseignes spécialisées peuvent remporter la bataille en rappelant à leurs clients qu’elles comprennent mieux leurs besoins que ne le font les enseignes généralistes. Et les distributeurs alimentaires ont intérêt à mettre l’accent sur leurs rayons Frais, facteurs-clés de différenciation et de fidélisation. Il peut être tentant, face aux évolutions actuelles, de chercher son salut dans l’innovation à tout prix et d’entreprendre des changements radicaux. Mais garder les fondamentaux à l’esprit et se renforcer sans cesse sur ceux-ci est crucial. Une proposition client attractive et résiliente et une structure de coûts basse constituent toujours des facteurs-clés de succès. Et améliorer les dizaines de milliers de décisions qui sont prises quotidiennement dans l’entreprise, même si elles sont chacune d’importance modeste, aboutit à gagner beaucoup lorsqu’on les additionne les unes aux autres. Adopter ce que nous appelons une approche de gestion « centrée sur la décision » et rendre chacun de ces choix individuels légèrement plus pertinent crée des gains de trafic, d’image, de chiffre d’affaires et de marge. Tout au long de ce recueil, vous découvrirez des articles explorant ces thèmes et des études de cas d’enseignes ayant fait face à ces problèmes. Nous espérons que vous y trouverez de l’intérêt.
SOMMAIRE STRATÉGIE DES PRODUITS FRAIS… VRAIMENT FRAIS LES ENSEIGNEMENTS DES LEADERS MONDIAUX DES PRODUITS FRAIS 6 AMÉLIORER À LA FOIS LE TAUX DE CASSE ET LA FRAÎCHEUR ENTRETIEN AVEC BERNARD DEMEURE 16 GAGNEZ EN FRAÎCHEUR ! 20 AMAZON FRESH AUX ETATS-UNIS 22 LA QUALITÉ, LE CHOIX ET LA DISPONIBILITÉ DES PRODUITS ENTRETIEN AVEC BERNARD DEMEURE ET XAVIER MUSSARD 28 POURQUOI METTRE VOS CLIENTS AU CŒUR 32 LE PARADOXE DE L’ORIENTATION CLIENT DE TOUT PEUT ÊTRE LA PIRE MANIÈRE DE LES SERVIR 40 TACTIQUES POUR DES TEMPS DIFFICILES 44 ENSEIGNES SPÉCIALISÉES COMMENT SURVIVRE DANS UN MONDE EN LIGNE ?
OPÉRATIONS 52 AMÉLIORER LE CHIFFRE D’AFFAIRES EN MAGASIN PAR UNE GESTION PLUS DYNAMIQUE DE L’ESPACE 60 GAGNER EN EFFICACITÉ DANS LES MAGASINS POUR AMÉLIORER L’EXPÉRIENCE DES CLIENTS ET DES ÉQUIPES 62 LA GARANTIE PRIX BAS EST-ELLE EFFICACE, ET DEVRIEZ-VOUS EN AVOIR UNE ? 66 DES ARGUMENTS PLUS PERTINENTS POUR DES BÉNÉFICES ACCRUS INVERSER L’ASYMÉTRIE D’INFORMATION 70 LE DSI, UN DIRECTEUR DE L’INNOVATION ENTRETIEN AVEC COLIN COBAIN PILOTAGE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE 82 DÉCOMPOSER SA MARGE BRUTE POUR MIEUX LA PILOTER 86 LE DÉVELOPPEMENT DURABLE DÉPASSER LES BONNES INTENTIONS ENTRETIEN AVEC JÜRG PERITZ
Stratégie DES PRODUITS FRAIS… VRAIMENT FRAIS LES ENSEIGNEMENTS DES LEADERS MONDIAUX DES PRODUITS FRAIS Les produits frais sont au cœur de l’offre et de l’activité d’un distributeur alimentaire : une offre attractive dans ce domaine est la base de toute proposition performante et différenciée. Pour autant, y parvenir est complexe. Le chemin « du champ jusqu’à l’assiette » passe par une stratégie cohérente où l’approvisionnement, la logistique, le merchandising et le service doivent être alignés pour que l’attractivité pour le client soit optimale, avec une bonne performance économique. Les pratiques et les niveaux de performance diffèrent très fortement d’un distributeur à l’autre. Quelles sont les approches les plus efficaces ? Pour répondre à cette question, il est utile de comprendre ce que les consommateurs souhaitent et ce qu’ils pensent de l’offre actuelle des différents distributeurs sur le frais. Oliver Wyman a mené une enquête auprès de plus de 10 000 consommateurs faisant leurs courses dans 120 enseignes implantées en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Etats-Unis. Il est intéressant de constater que les clients indiquent qu’il y a de grands écarts dans leur satisfaction vis-à-vis des offres « frais » d’enseignes concurrentes. Plus encore, ils confirment l’influence considérable du frais sur leur choix du magasin. Ce document présente des résultats clés de cette enquête et propose des pistes à partir des meilleures pratiques mondiales sur le Frais. Dans les années récentes, les prix bas ont été la priorité stratégique de beaucoup de distributeurs alimentaires. Les grands distributeurs ont focalisé l’attention des consommateurs sur le prix et les promotions ; un contexte économique difficile a encouragé ces consommateurs à se tourner vers des produits plus accessibles. Pour certaines enseignes, l’offre de produits frais a servi d’arme défensive : sur un marché de plus en plus sensible à l’argument prix, une offre frais efficace était en mesure d’attirer de nouveaux clients et fournissait un élément de différenciation très puissant. Plus récemment, des distributeurs marquants ont décidé d’investir pour améliorer leur offre de produits frais. De la décision de Walmart de recruter 70 000 responsables de rayons frais jusqu’au projet d’Amazon Fresh d’être présent sur 40 marchés locaux à travers les Etats-Unis avant la fin de 2014, les acteurs dominants de la distribution placent désormais le Frais en tête de leurs priorités. Copyright © 2013 Oliver Wyman 7
Pour les années qui viennent, dans un marché sans croissance et de plus en plus concurrentiel, les consommateurs ont clairement fait comprendre que les prix bas ne suffisent plus. La prochaine bataille – où se départageront gagnants et perdants – est bien le Frais. QUELLE EST L’IMPORTANCE RÉELLE DU FRAIS ? Le niveau de satisfaction sur le Frais est un critère primordial de choix du magasin principal, juste derrière les prix et la proximité. Plus de 50% des consommateurs français interrogés lors de notre récente enquête indiquent « qu’avoir accès à la meilleure qualité possible de produits frais est un critère prioritaire » dans le choix du magasin principal. La proportion est de 60% au Royaume-Uni et de 70% aux Etats-Unis (illustration 1). Lorsqu’on observe les performances des distributeurs alimentaires dans le monde, un trait commun apparaît : les enseignes aux performances globales les plus élevées obtiennent toutes des scores élevés sur le Frais. L’essentiel de leur avantage sur la satisfaction client globale provient de la différenciation qu’elles ont su creuser sur le Frais par rapport à leurs concurrents (illustration 2). L’écart de satisfaction entre les enseignes du haut et du bas du classement est presque quatre fois plus élevé dans les rayons frais que dans le reste du magasin. C’est sur le Frais que les enseignes les plus performantes créent l’écart concurrentiel qui leur permet d’attirer et de fidéliser les consommateurs. Bien que le Frais représente une opportunité majeure, il est difficile à optimiser et échouer dans ce domaine peut s’avérer fort coûteux, tant au plan financier qu’en termes de satisfaction client. La majorité des consommateurs interrogés par nos soins se déclarent prêts à faire leurs courses ailleurs s’ils ne sont pas satisfaits de l’offre Frais de leur magasin principal, et près de 40 % d’entre eux achètent déjà une partie de ces mêmes produits frais dans d’autres points de vente. Comme le savent tous les distributeurs, perdre des clients et des volumes peut rapidement détériorer la performance d’un magasin – mais aussi initier un cercle vicieux où une moindre rotation des stocks et une fraîcheur dégradée pénalisent encore davantage la perception client des rayons frais et conduisent à de nouvelles baisses de volumes. Illustration 1 : IMPORTANCE DE L’ACCÈS Illustration 2 : LES ENSEIGNES LEADERS À DES PRODUITS FRAIS DE QUALITÉ EN PERCEPTION PAR LES CLIENTS TIRENT L’ESSENTIEL DE LEUR AVANTAGE DU FRAIS Proportion de consommateurs affirmant qu’une excellente qualité de produits frais est l’élément le plus important lors du 5 PREMIERS VS. 5 DERNIERS choix de leur lieu de courses. DISTRIBUTEURS ALIMENTAIRES PAYS PROPORTION Etats-Unis 70% Royaume-Uni 60% France 52% Avantage provenant Avantage provenant du Frais de l’offre alimentaire Allemagne 43% hors Frais 8 Copyright © 2013 Oliver Wyman
Stratégie Le Frais est également un levier majeur de gain de chiffre d’affaires et de rentabilité. Les clients satisfaits de l’offre de produits frais de leur magasin le fréquentent plus souvent et y dépensent davantage à chaque visite, sur le Frais mais aussi dans les autres rayons. Nos travaux avec des distributeurs sur ce sujet ont permis à ceux-ci d’enregistrer des gains de chiffre d’affaires de 5-10 % et des améliorations de marge de 2-4 % dans leurs rayons frais. Une offre attractive en Frais encourage également les visites additionnelles en magasin, et produit également un effort de panier, de « halo » significatif sur le reste du magasin : sur le magasin moyen de notre enquête, une hausse de chiffre d’affaires de 1 € en frais entraîne 1,63 € de ventes supplémentaires au total. QUI SONT LES « GAGNANTS » DU MOMENT ? Seule une poignée d’enseignes excellent durablement sur le Frais : nous y faisons référence ici comme les « gagnants du Frais ». Waitrose, Marks & Spencer et Morrisons au Royaume-Uni, Globus en Allemagne, Wegmans, Whole Foods et H-E-B aux Etats-Unis, figurent parmi ces leaders (illustration 3). Sans surprise, ces enseignes sont également en haut des classements en termes de performance globale et de satisfaction client. Il est à noter qu’aucun distributeur français ne figure dans le top 10 même si les premiers n’en sont pas loin : il y a des places à prendre ! Le fait que les champions mondiaux adoptent des approches très différentes sur le Frais indique qu’il y a plusieurs manières de « gagner ». Au-delà d’une offre différenciée en Frais, les leaders du classement présentent des formats différenciés. Leur modèle économique s’est construit sur une capacité à attirer des clients venant d’au-delà de leur zone de chalandise primaire (celle typiquement couverte par un distributeur classique), en prenant le pas sur des enseignes plus proches géographiquement. Illustration 3 : LES « GAGNANTS DU FRAIS » À L’ÉCHELON MONDIAL – TOP 20 1 Wegmans 11 Super U 2 Waitrose 12 Harris Teeter 3 Marks & Spencer 13 Auchan 4 Whole Foods 14 Edeka 5 H-E-B 15 Stater Bros Mkt 6 Globus 16 Hyper U 7 Publix 17 Costco 8 Morrisons 18 Giant Eagle 9 Meijer 19 Albertsons (LLC) 10 Schnuck’s 20 Asda Source : Etude sur le frais Oliver Wyman réalisée aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. Les scores des enseignes sont ajustés par zone géographique et environnement concurrentiel. Un nombre de réponses minimum est requis. 80 distributeurs classés. Copyright © 2013 Oliver Wyman 9
Un premier groupe de « champions » tels, Wegmans, Marks & Spencer ou Whole Foods, arbore des comptoirs à haut niveau de service et jouent la théâtralisation en magasin ; ces enseignes proposent des produits de niche et veillent au développement durable ; ils équipent leurs magasins d’aires de restauration, proposent des solutions repas à emporter et affichent d’autres équipements susceptibles d’attirer les consommateurs. Ces enseignes ont un fort trafic et un chiffre d’affaires au m² élevé qui assure leur rentabilité, et la fraîcheur de leur offre. Un deuxième groupe de « champions » formé d’enseignes plus cœur de marché ou discount, telles Morrisons, Globus, H-E-B et Publix, réussissent via une offre étoffée et des investissements concentrés sur les éléments clés aux yeux des consommateurs. Ces enseignes parviennent à capter une part de marché élevée localement et à attirer un maximum de clients situés dans leur zone de chalandise primaire. Ceci se traduit, le plus souvent, par un chiffre d’affaires au mètre carré élevé qui, à son tour, permet une offre de qualité en frais et entretient un cercle vertueux. Il existe à l’évidence différentes façons de gagner sur le Frais et différentes leçons à tirer des distributeurs les mieux placés dans ce domaine. Quelle que soit l’ampleur de la zone d’attraction d’une enseigne, il existe des voies d’amélioration. QUE POUVEZ-VOUS FAIRE ? Les consommateurs et leurs comportements nous montrent qu’il existe différentes manières de gagner sur le Frais. L’observation de la réalité et des résultats leur donne raison. Toutefois, des thèmes communs ressortent. Nous avons identifié cinq « ingrédients » pour réussir sur le Frais (illustration 4). Bien sûr, la plupart des distributeurs font des efforts dans chacun de ces domaines. Mais être très bon dans l’ensemble de ces domaines est plus délicat, en particulier lorsqu’il s’agit d’exceller à travers l’ensemble de l’enseigne et de ses points de vente. Cependant, lorsque l’on y parvient, les gains sont significatifs : une étude de cas récente, détaillée ci-dessous, montre comment une enseigne est parvenue à améliorer son offre de manière spectaculaire en se concentrant sur les « ingrédients du succès » du Frais. 10 Copyright © 2013 Oliver Wyman
Stratégie Illustration 4 : CINQ « INGRÉDIENTS » POUR RÉUSSIR EN FRAIS LE MAGASIN LES PRODUITS DE QUOI S’AGIT-IL ? DE QUOI S’AGIT-IL ? • Format de magasin, agencement et • Une gamme de produits frais pertinente allocation de l’espace et adaptée • Aspect et « ressenti » des rayons frais, en • Des approvisionnements choisis, des particulier des étalages spécificités produits, des produits de qualité • Service, comptoirs et produits préparés • Des provenances (locales, régionales et nationales) LE SUCCÈS ? • Une expérience d’achat réussie, qui LE SUCCÈS ? renforce les valeurs clés de l’enseigne • Des produits qui suscitent l’enthousiasme • Une allocation de l’espace et une et créent un lien émotionnel présentation optimale pour chaque rayon, • Une gamme qui offre un « choix véritable » chaque catégorie et chaque article et des innovations plutôt qu’une simple liste • Les bons comptoirs, les bons services de références et les bons points de contact client • Dans les catégories où cela compte, des dans chaque magasin produits à l’approvisionnement spécial, avec un niveau de qualité élevé ou différencié LA LOGISTIQUE • Un assortiment différencié et correctement dimensionné pour chaque magasin, afin de DE QUOI S’AGIT-IL ? maximiser le choix en évitant les problèmes Une gestion efficace des produits sur toutes de manque de fraîcheur ou de « casse » les étapes logistiques : • Logistique et respect de la chaîne du froid L’EXECUTION • Entrepôts, plateformes et opérations • Contrôle qualité DE QUOI S’AGIT-IL ? • Gestion opérationnelle en magasin et • Gestion des stocks et prévision de en management la demande – gestion des stocks : commandes, LE SUCCÈS ? rotations, tri éliminatoire • Une chaîne d’approvisionnement – gestion du personnel : plannings configurée pour une rapidité maximale : elle horaires et responsabilités fournit aux magasins un niveau de fraîcheur • Normes et procédures en magasin réellement supérieur LE SUCCÈS ? • Des prévisions et commandes optimisées pour avoir la bonne quantité de produits au • Exécution cohérente des bonnes pratiques bon moment et au bon endroit, y compris d’un magasin à l’autre lors des pics et variations de ventes • Des indicateurs clés de performance (KPI) transparents et une prise de décision reposant sur des faits LA VALEUR • Un service client et une disponibilité DE QUOI S’AGIT-IL ? produit irréprochables, en particulier • Rapport qualité/prix dans les rayons frais à certaines heures-clés • Stratégie tarifaire et promotionnelle – par • Un travail en commun des différentes exemple, stratégie de prix bas tous les jours fonctions : merchandising, opérations ou avec plus de promotions – globalement et en magasin et logistique pour chaque catégorie LE SUCCÈS ? • Une stratégie valeur gagnante sur le Frais, adaptée à l’enseigne et à la situation du marché • Des stratégies qui augmentent la fraîcheur et la disponibilité produit… • … ce qui implique le plus souvent d’investir un peu plus dans les prix pour doper les volumes et les rotations de stock Copyright © 2013 Oliver Wyman 11
CONCLUSION Le Frais est déjà aujourd’hui un élément de différenciation majeur entre enseignes alimentaires. Son importance ira en s’accroissant dans les années qui viennent. Les consommateurs remarquent et valorisent les différences entre distributeurs. Ces différences ont une influence décisive sur le lieu où ils choisissent d’effectuer leurs courses au final. Ceci aboutit à faire du Frais une source d’opportunités considérables, avec des enjeux très significatifs pour qui sait adopter la bonne approche : 5-10 % de chiffre d’affaires additionnel à périmètre comparable et 2-4 % de marge additionnelle à court terme, en même temps qu’une perception client améliorée et des gains de part de marché significatifs à long terme. Les leaders du Frais partagent des points communs : ils cherchent à résoudre les défis complexes et spécifiques du Frais ; ils comprennent comment l’approvisionnement, la logistique et le service en magasin interagissent entre eux et comment ils affectent le choix du produit, sa qualité et son prix ; enfin, ils ciblent les investissements en conséquence. Les gagnants du Frais agissent sur les cinq leviers clés – magasin, produit, livraison, exécution et valeur – pour créer une offre que leurs clients plébisciteront et qui contribuera positivement à la performance. 12 Copyright © 2013 Oliver Wyman
Stratégie ETUDE DE CAS Ce distributeur faisait face à des conditions de marché difficiles, avec des volumes et un chiffre d’affaires qui déclinaient et mettaient ses résultats sous pression. Pour générer de la marge à court terme, l’enseigne a commencé par augmenter ses prix, en particulier sur le Frais, où il est plus difficile pour un consommateur de comparer les produits et les prix entre concurrents, contrairement aux produits manufacturés de grandes marques. Dans un premier temps, cette approche a dopé les marges. Elle a conduit ensuite à un nouveau déclin des volumes, particulièrement sur le Frais. Conséquence : la « casse » est devenue plus difficile à maîtriser en magasin et les points de vente ont reçu pour consigne de la réduire, ce qui a généré une réduction des quantités proposées à la vente, des problèmes de disponibilité et étouffé encore un peu plus les volumes et le chiffre d’affaires. Les rotations devenant de moins en moins rapides en magasin, le niveau de fraîcheur a baissé et les consommateurs ont continué à se détourner de l’enseigne. Comment ce distributeur pouvait-il sortir de ce cercle vicieux, alors qu’il manquait de ressources pour investir et renouer avec la croissance ? Il a d’abord amélioré l’exécution en magasin, en incitant et aidant son personnel à toujours engager la meilleure action possible pour le client. Un changement culturel était nécessaire dans l’entreprise tout entière : au lieu de se concentrer sur la casse et le coût, les employés ont reçu comme consigne de porter leurs efforts sur la fraîcheur. Les équipes en magasin furent ainsi formées aux bonnes pratiques en matière de réassort, de présentation et de tri. Parallèlement, de nouveaux indicateurs (tels que la disponibilité produit en rayon) furent introduits, en même temps qu’un processus d’incitation et de responsabilisation. Ces efforts furent presque immédiatement payants, surtout dans les magasins aux marges de progression les plus importantes. Mais se contenter de dire aux employés de s’améliorer n’était pas suffisant : il fallut remettre à niveau les procédures et améliorer les outils existants pour aider les équipes des magasins à prendre de meilleures décisions. Optimiser les livraisons est un deuxième levier pour améliorer l’offre en produits frais. Un problème majeur auquel ce distributeur était confronté était le temps de séjour excessif des produits dans la chaîne logistique et sur les étals. Les magasins manquaient d’outils d’aide à la décision pour les guider sur les quantités à commander et les délais. En conséquence, ils étaient souvent en situation de sur-commande – créant ainsi des problèmes de fraîcheur et de casse – ou de sous-commande – avec des problèmes de disponibilité. La chaîne d’approvisionnement, quant à elle, n’avait pas les moyens adaptés pour anticiper quels magasins commanderaient et stockeraient des quantités importantes pour faire face à la demande. De grandes quantités de produits frais « séjournaient » ainsi dans la chaîne logistique, pénalisant encore davantage la fraîcheur. Résoudre ces questions logistiques interdépendantes a permis de faire un pas en avant majeur. Une des clés du succès a consisté à introduire un outil de commande fonctionnant à partir de prévisions, grâce auquel les magasins ont pu gagner en précision sans perdre la maîtrise et la responsabilité du processus. Cette démarche améliora radicalement la pertinence du niveau des stocks dans les points de vente tout en rendant la chaîne d’approvisionnement plus prévisible et en réduisant le temps de transit et de stockage de la marchandise. Copyright © 2013 Oliver Wyman 13
Créer une expérience d’achat mémorable en magasin est un troisième levier-clé de succès en Frais. Toutefois, cela nécessite un investissement important en temps et en argent… deux denrées rares pour ce distributeur. Même si les enseignes gagnantes dépensent beaucoup de temps et d’argent à créer des concepts frais innovants, il est tout aussi important d’être performant sur les « basiques » : prévoir l’espace adapté à chaque sous-rayon, catégorie et article, adopter des présentations attractives à l’œil et pratiques en termes de réassort. Le défi pour ce distributeur résidait dans le fait que la plupart de ses magasins avaient été conçus et aménagés plusieurs années auparavant, à une époque où les volumes et le mix étaient très différents. Résultat : l’espace alloué à de nombreuses catégories du rayon frais était inadapté. Par exemple, le rayon fruits et légumes surdimensionné d’un point de vente entraînait un stockage très supérieur aux quantités qu’il était raisonnable de proposer. Le responsable du magasin devait choisir entre un niveau de casse excessif (prohibé par la politique de l’enseigne) et des clients déçus par des étals à moitié vides, donc peu flatteurs. Dans le même point de vente, le rayon boucherie disposait du tiers de l’espace nécessaire et ne parvenait pas à assurer un réassort correct en journée. La solution a consisté à mettre en place un programme d’actions rapides et simples, autant que possible à iso- équipement, pour analyser, identifier et traiter de manière rapide et systématique les erreurs les plus manifestes en matière d’allocation d’espace avec un investissement minimum en mobilier et en main d’œuvre. Enfin, dernier élément et non des moindres, proposer le bon produit dans le bon magasin est l’élément central de toute offre frais performante. Comme beaucoup d’autres, cette enseigne redoutait la complexité apparente d’une stratégie d’adaptation locale de l’offre, magasin par magasin, destinée à offrir chaque fois un assortiment adapté à la demande réelle des consommateurs. Il lui manquait les outils nécessaires pour gérer les assortiments à un niveau aussi fin et les systèmes informatiques en place n’étaient pas en mesure d’appuyer une telle stratégie. Une offre « à taille unique » avait été adoptée et l’on attribua à tous les magasins un assortiment similaire avec des adaptations régionales a minima. De nombreux magasins durent proposer des articles qui se vendaient mal, ce qui accrut le taux de casse. Au même moment, d’autres points de vente éprouvaient une certaine frustration : ils estimaient pouvoir vendre bien davantage que la gamme standard. Sur la base de ces constats, l’évolution fut de mettre en place une approche par « clusters » appliquée au Frais. Ceci permit « d’ajuster » l’assortiment à la demande client sur chaque site. La conséquence fut une réduction significative du taux de casse via la réduction de l’assortiment dans les magasins à faible volume, alors que des ventes additionnelles ont été réalisées dans les points de vente où la demande autorisait une gamme élargie. Prises conjointement, ces mesures obtinrent un succès exceptionnel. En 12 mois, l’activité Frais avait totalement changé de nature, passant du déclin à la croissance en termes de volume. La disponibilité en rayon s’est améliorée de manière significative et le taux de casse a été simultanément réduit (illustration 5). Au global, les ventes de produits frais ont enregistré une progression impressionnante de 9,2 % alors que la marge bénéficiait elle aussi de la réduction du taux de casse. 14 Copyright © 2013 Oliver Wyman
Stratégie Les gains réalisés ont permis à ce distributeur de réinvestir dans ses prix, améliorant ainsi son positionnement valeur pour les consommateurs. Nos travaux montrent par ailleurs que les produits frais ont un impact extrêmement élevé sur l’image prix globale : l’effet de halo positif sur la fréquentation et le panier moyen dépasse largement le simple périmètre du Frais, générant des ventes et de la marge additionnelle sur l’ensemble du magasin. Ce phénomène a fonctionné à plein dans le cas décrit ici : la baisse des prix sur le Frais a entraîné des hausses de volumes qui, à leur tour, ont eu un impact positif sur le taux de casse et la fraîcheur, alimentant ainsi un cercle vertueux de croissance. Illustration 5 : AMÉLIORATION DU CHIFFRE D’AFFAIRES, DE LA DISPONIBILITÉ EN RAYON ET DU TAUX DE CASSE EXEMPLE DE PROJET : HAUSSE DES VENTES DE PRODUITS FRAIS À PÉRIMÈTRE COMPARABLE PAR RAPPORT À L’ANNÉE PRÉCÉDENTE +9.2% En début d’année : baisse des ventes à périmètre comparable Début de mise en place du projet « Frais » par rapport à l’année précédente SEMAINES AMÉLIORATIONS SUR LA DISPONIBILITÉ PRODUIT ET LE TAUX DE CASSE Disponibilité Casse Mise en place -12 -9 -6 -3 0 +3 +6 +9 +12 +15 +18 SEMAINES DEPUIS LE DÉBUT DE LA MISE EN PLACE Copyright © 2013 Oliver Wyman 15
Stratégie AMÉLIORER À LA FOIS LE TAUX DE CASSE ET LA FRAÎCHEUR ENTRETIEN AVEC BERNARD DEMEURE Les distributeurs se rejoignent sur la nécessité de réinvestir sur les produits frais. Mais ce n’est pas toujours simple sans plomber la rentabilité, non ? Toutes les enseignes ont mis l’accent sur le frais ces dernières années, pour une raison évidente. Il a été maintes fois démontré que le degré de crédibilité d’un magasin sur le frais est déterminant pour sa fréquentation et son panier. Pour autant, il ne suffit pas de réaffecter des mètres carrés et de doper les gammes pour que le succès soit au rendez-vous. Dans un certain nombre de cas, quand croissance du chiffre d’affaires il y a, elle s’accompagne aussi d’une explosion des coûts, liée à la casse en particulier. Pour autant, vous prétendez pouvoir à la fois faire progresser la fraîcheur des produits et améliorer la casse. Où est la martingale ? Notre conviction est qu’il ne faut pas jouer avec la fraîcheur car les clients ne sont pas dupes, même si tous ne viennent pas s’en plaindre à l’accueil du magasin. La fraîcheur insuffisante et la casse élevée sont les deux versants d’un même problème que très peu d’enseignes abordent conjointement. Les distributeurs disposent d’ailleurs rarement d’un ratio interne pour mesurer la fraîcheur. Sur la casse, il faut se méfier des raisonnements ne reposant que sur des moyennes. C’est l’apparence et la qualité réelle des 20% de produits les moins satisfaisants qui forgent l’image du rayon. Avec un peu de méthode, les résultats sont assez spectaculaires. Nous avons pu diviser par deux le taux de casse de l’ensemble du frais avec un distributeur. Une autre enseigne de supermarchés a engrangé 10 millions d’euros dès la première année, en réduction de démarque, et plus de 100 millions annuels au bout de trois ans. Concrètement quels leviers actionner? Il y a un levier déterminant dans l’amélioration de la performance : la qualité de la prise de commande. Par nature, il est très compliqué de mettre en place des commandes automatiques sur ces rayons. Et les méthodes « manuelles » qui ont cours sont souvent très imparfaites et empiriques. Car la personne validant la commande a rarement les informations minimales utiles : une prévision de vente et une vision fiable du stock restant. Avoir la bonne info en temps réel permet de réduire les ventes manquées tout en limitant les surstocks qui pénalisent la fraîcheur. La clé est là. Copyright © 2013 Oliver Wyman 17
Cela paraît pourtant l’enfance de l’art pour un distributeur… Sauf que dans les faits regrouper ces informations, issues de systèmes souvent différents, est toujours très complexe. Ce sont des chantiers de plusieurs mois, voire plusieurs années. Établir des prévisions de vente fiables n’est pas facile non plus. Je vous donne un exemple. Si je fais une promo forte sur telle espèce de poisson en filet, je dois en tenir compte sur les commandes des autres filets de poisson car la cannibalisation est très forte sur ce type de produits. A défaut, je peux générer un gros chiffre d’affaires avec une belle opération promo mais faire exploser mon taux de casse sur le reste du rayon. In fine, quels critères doit comporter le « tableau de bord » idéal pour une bonne prise de commande selon vous? Il y en a trois essentiels : la disponibilité de la marchandise, la « fréquentation » du rayon (le nombre d’achats du produit) et la casse. Le tout pour chaque référence, bien sûr. Quels sont les autres leviers à actionner pour faire progresser le duo casse/fraîcheur? Dans un certain nombre de cas, on peut jouer sur la supply chain, évidemment. C’est surtout vrai sur la viande. Réduire le délai de commande de 36 à 24 heures a permis à une enseigne, avec d’autres leviers, de faire progresser son chiffre d’affaires boucherie de 10%. Les autres leviers majeurs sur lesquels il faut s’interroger sont l’allocation d’espace et l’adaptation des gammes au local. Là encore, cela paraît être des évidences. Et pourtant… Sur le volet de l’adaptation des gammes, les enseignes savent bien travailler les différences d’ordre régional, type nord-sud. En revanche, dans les réseaux supermarchés et proximité en particulier, on a tendance à standardiser l’offre au sein d’une même région. Ce qui est une erreur. Les besoins des magasins ruraux et urbains peuvent être très différents. Et avec des PCB trop standardisés et souvent trop élevés, certains magasins vont beaucoup casser sur des produits à faible rotation. Et sur la juste allocation des surfaces, quel constat dressez-vous et quelle est votre approche ? Les hypers en particulier ont pu avoir tendance à élargir leurs gammes et à agrandir leur zone frais et, par conséquent, à exposer un stock trop important en rayon au regard de la réalité des ventes. Dans notre phase de diagnostic, nous faisons une chose toute simple : devant chaque article nous plaçons une étiquette indiquant le nombre d’unités vendues en une journée, que l’on peut alors facilement comparer avec la quantité présentée en rayon. Sur certains codes en fruits et légumes on dépasse facilement cinq jours de ventes ! 18 Copyright © 2013 Oliver Wyman
Stratégie Vous suggérez par ailleurs que le paramètre fraîcheur soit intégré à la rémunération variable des équipes. Oui, et en mettant en place un système qui ne repose pas que sur le taux de casse. Il y a quelques années, une enseigne nous a sollicités car elle avait des rayons frais peu attractifs alors que le taux decasse mesuré était très bon ! Ce paradoxe s’est expliqué par le fait que les managers étaient explicitement « incentivés » sur la casse, ce qui les poussait à laisser en rayon des produits invendables pour ne pas plomber leurs objectifs. Cet « incentive » a été désactivé. Le taux de casse mesuré a d’abord doublé, puis a rebaissé, et le CA a augmenté de 8%. Plus globalement, ne risque-t-on pas de créer des usines à gaz avec des outils très performants sur le papier mais mal utilisés faute de formation ? L’expérience montre que ce n’est pas le cas si l’on met à la disposition des équipes des outils qui leur facilitent la vie et contribuent à améliorer leurs performances. Par ailleurs, les produits frais traditionnels font en général l’objet d’une file, d’un monitorat. Ces modèles permettent de déployer de la formation à grande échelle. Les distributeurs sont bien organisés. – Propos recueillis par Florent Vacheret pour le magazine LINÉAIRES n°288 (février 2013) Copyright © 2013 Oliver Wyman 19
Stratégie GAGNEZ EN FRAÎCHEUR ! Dans les rayons frais, la fraîcheur est le critère numéro un de la satisfaction client. Le parcours d’un produit frais de sa production à sa consommation requiert des centaines de décisions à différents niveaux, qui ont toutes un impact sur la fraîcheur des produits et l’attractivité générale de l’enseigne. Nous avons identifié cinq éléments pour mettre sous contrôle la fraîcheur sans le faire au détriment du coût (la casse) et de la disponibilité des produits : la surface de présentation, le choix d’assortiment, l’exécution, l’image-prix et la livraison. L’hétérogénéité du parc magasin et les comportements clients variables d’une région à l’autre font que les choix en matière de magasin doivent être pris au cas par cas. Une enseigne qui a fait le choix d’adapter par magasin les surfaces allouées aux produits a vu la satisfaction sur la fraîcheur battre des records tout en améliorant les ventes et diminuant la casse ! La fraîcheur se joue dès le choix des produits à l’assortiment : produits nationaux ou locaux, mais aussi variétés proposées, vont influer sur la fraîcheur. Une enseigne qui a rationalisé son assortiment en boucherie a à la fois réduit la casse et amélioré la satisfaction des clients, qui valorisaient plus, sur ce rayon, la fraîcheur des produits que la largeur de l’assortiment. C’est sur l’exécution du frais qu’une enseigne va également faire la différence : la gestion des commandes, des stocks ou encore des plannings assure une fraîcheur élevée. Suite à l’ajustement des plannings de production en boulangerie, une enseigne a significativement augmenté ses ventes en proposant du pain chaud à toute heure. Image-prix et fraîcheur ne doivent pas s’opposer. Chercher à gagner sur l’une au détriment de l’autre est contreproductif. En revanche investir en prix sur les bons produits permet d’assurer leur fraîcheur via une forte rotation tout en travaillant son image-prix. Enfin, la capacité à gérer la livraison permet de gagner plusieurs jours de fraîcheur pour un produit ! La qualité des prévisions de ventes et la configuration de la supply chain permettent de réduire le temps passé en transit. Une enseigne a réorganisé son approvisionnement pour gagner un jour de livraison de sa viande. Résultat : +10% des ventes ! Les distributeurs ayant amélioré significativement leur niveau de jeu sur cinq éléments clés ont vu leurs ventes et leur bénéfice croître de 5 à 10% et 2 à 4% respectivement, ce qui fait du Frais l’un des enjeux clés du secteur. Copyright © 2013 Oliver Wyman 21
Stratégie AMAZON FRESH AUX ETATS-UNIS Amazon Fresh, service de livraison alimentaire à domicile, a été lancé à Seattle et a ensuite été étendu à Los Angeles. Il va être étendu à d’autres villes des USA. De nos échanges avec divers distributeurs alimentaires, il ressort clairement qu’Amazon Fresh est considéré comme concurrent dangereux et une réelle menace concurrentielle. Ce qui nous frappe aujourd’hui est la similitude entre les propos actuels des enseignes alimentaires établies et ce que déclaraient il y a trois ou quatre ans les dirigeants de la distribution spécialisée. Or on sait aujourd’hui que les craintes des distributeurs spécialisés à l’égard d’Amazon et d’autres concurrents aux modèles commerciaux innovants tels que Vente- Privée.com étaient fondées. QUI EST AMAZON FRESH ? Opérant en mode « pilote » à Seattle depuis 2007, Amazon Fresh permet d’effectuer ses courses depuis son ordinateur ou son mobile. L’assortiment est large et profond, avec une gamme allant de 10 000 à 30 000 références selon les localités, qui comprend par exemple plus de 400 références de fruits et légumes, 500 en viande et produits de la mer, 1 300 en liquides et 4 000 en hygiène-beauté. A la différence du modèle originel d’Amazon.com, les prix d’Amazon Fresh sur les biens de consommation courante sont pour le moment, supérieurs à ceux pratiqués par les supermarchés locaux avec des promotions quasi inexistantes. La proposition client actuelle se concentre sur la praticité. Lancé à Seattle, Amazon Fresh a été étendu à Los Angeles et bientôt New York. Les modèles développés à Seattle et à Los Angeles incluent des différences telles que des grilles tarifaires distinctes pour l’adhésion et la livraison, et des profondeurs d’assortiments différentes. Ceci semble indiquer qu’Amazon est toujours en phase de test sur plusieurs aspects de son modèle, mais son déploiement dans des zones nouvelles suggère une confiance implicite dans sa viabilité économique. Quand Amazon.com décide de passer du pilote au déploiement, l’histoire montre qu’il procède très rapidement. Déjà, il a annoncé 14 nouvelles implantations en 2014. Copyright © 2013 Oliver Wyman 23
L’impact qu’a eu Amazon via ses ventes propres et sa place de marché sur de nombreuses enseignes spécialisées est aujourd’hui évident. Amazon a pris de fortes parts de marché et a modifié les attentes consommateurs en termes de prix. Un aspect moins étudié est le conflit entre canaux provoqué par l’entrée en concurrence avec Amazon.com. Ce dernier capte non seulement de la part de marché, mais oblige également les distributeurs spécialisés à transférer une partie de leurs transactions sur leur propre site marchand. Ces sites sont loin d’être les « machines à vendre » que sont les magasins. Dans une grande enseigne spécialisée, par exemple, la transaction en ligne moyenne compte seulement un quart du nombre d’articles de la transaction moyenne réalisée en magasin. Les distributeurs établis se retrouvent donc face à un dilemme : ils doivent développer leurs ventes en ligne mais, ce faisant, ils dégradent leurs résultats économiques. Toutefois, Amazon.com ne prendra jamais autant de part de marché aux enseignes alimentaires qu’il n’en a pris aux enseignes spécialisées. Les « défenses naturelles » des distributeurs alimentaires – des marges brutes réduites, l’accent mis sur les produits frais, les schémas de consommation immédiate propres à l’alimentaire, la dimension émotionnelle du choix des aliments que l’on donne à sa famille – signifient que le circuit des supermarchés dans son ensemble ne subira pas le destin d’enseignes comme Virgin, Comet, Borders. La menace n’est pas de voir les magasins devenir obsolètes : une telle vision est alarmiste voire naïve. Mais, même avec une part de marché modeste, Amazon.com peut entraîner des changements radicaux dans le secteur de la distribution alimentaire. Il n’est pas nécessaire d’entreprendre une analyse complexe pour démontrer ce risque. Le secteur dans son ensemble vit avec environ 2% de marge nette et une marge variable sur volume de l’ordre de 20%. En conséquence, une perte de chiffre d’affaires de 10% peut réduire à néant la totalité des bénéfices du secteur. N’importe quel dirigeant expérimenté de la distribution alimentaire sait que la plupart des enseignes comptent au sein de leur réseau un certain nombre de magasins qui sont rentables avec leur volume de ventes actuel mais passeraient rapidement en négatif s’ils subissaient une baisse modérée de chiffre d’affaires. Même sans connaître les ambitions finales d’Amazon dans l’univers alimentaire, si l’entreprise atteint 5% de part de marché, des changements majeurs seront inévitables. Les acteurs actuels devront soit augmenter leurs prix – ce qui initierait un cercle vicieux de perte de volume, de difficulté d’absorption des coûts et de nouvelles hausses de prix –, soit fermer des magasins pour retrouver la maîtrise de leurs coûts. Une perte de volume de 5% au profit d’Amazon Fresh entraînerait une réduction du parc de 10 à 20% car les volumes des magasins fermés ne seraient pas intégralement récupérés par les magasins conservés. Ceux-ci perdant de la proximité, certains clients et une partie des volumes se reporteraient sur les spécialistes et sur les enseignes en ligne. Il est trop tôt pour dire quel serait l’impact réel d’une telle montée en puissance d’Amazon Fresh, mais une 24 Copyright © 2013 Oliver Wyman
Stratégie première estimation montre qu’un magasin sur huit devrait fermer pour maintenir le niveau de rentabilité actuel sans augmenter les prix. Il ne sera pas facile de faire face. Prenons en exemple le développement en « tsunami » qu’a réalisé Walmart aux Etats-Unis. A l’époque, les meilleurs distributeurs alimentaires nord-américains se sont renforcés. Ils ont taillé dans leurs coûts, amélioré leurs savoir-faire et gagné aux dépends de concurrents plus faibles qui ne pouvaient s’adapter assez vite. Ils ont eu un certain temps pour accomplir tous ces efforts parce que Walmart ne pouvait pas ouvrir 1000 SuperCenters en une nuit. Dans ce cas-ci et de ce côté de l’Atlantique, l’efficacité des enseignes en place est supérieure – il y a moins à éliminer pour préserver sa rentabilité avec des volumes en baisse. Mais, face à Amazon, le rythme de changement du paysage concurrentiel n’est pas limité par le rythme auquel on peut ouvrir des magasins. Amazon.com doit certes créer des centres et des réseaux de distribution. Il possède déjà une marque forte aux yeux du consommateur. Cette évolution pourrait donc survenir plus rapidement que d’autres auxquelles le secteur a déjà dû faire face. QUE DOIVENT FAIRE LES DISTRIBUTEURS ALIMENTAIRES ? AU MOINS TROIS CHOSES Continuer à construire et renforcer leur offre omni-canal. A l’évidence, les enseignes doivent développer leur propre réponse aux courses en ligne et sur mobile, drives et cybermarchés, en offrant le choix entre les canaux ou des combinaisons de canaux. C’est là l’enjeu principal. Il vaut mieux cannibaliser les ventes de ses propres magasins que de les laisser partir à la concurrence. Ceci dit, il est délicat de rentabiliser de tels modèles et une attention toute particulière doit être accordée aux résultats à mesure que les ventes en ligne et sur mobile montent en puissance. Devenir irréprochable sur le Frais. Les produits frais sont cruciaux pour les clients. Si les clients jugent qu’ils ne peuvent pas obtenir le même niveau de qualité, de fraîcheur et de choix en ligne qu’en magasin, il s’agit là d’un frein au basculement vers les courses en ligne. Pour le moment, l’offre de produits frais d’Amazon Fresh est très irrégulière (voir illustration) mais il est raisonnable de penser qu’elle s’améliorera avec l’expérience. De plus, les schémas de livraison qui ne passent pas par les magasins peuvent permettre d’acheminer les produits plus rapidement du centre de distribution au domicile des clients et donc de gagner en fraîcheur. Un certain nombre de distributeurs sont loin du niveau qui pourrait être le leur dans le domaine du Frais. Devenir plus performant pour repousser la menace en ligne implique de repenser la chaîne d’approvisionnement, les pratiques en magasin et le merchandising. Cela suppose d’en finir avec les arbitrages habituels entre taux de « casse » et disponibilité produit, en gagnant sur les deux tableaux via de meilleures compétences et une plus grande responsabilisation. Copyright © 2013 Oliver Wyman 25
Se préparer à un monde avec moins de magasins. Une plateforme omni-canal efficace et une offre de produits frais améliorée sont des atouts importants dès maintenant et dans le futur. Nous pensons cependant que les distributeurs doivent d’ores et déjà anticiper un paysage commercial avec des magasins moins nombreux. La stratégie concurrentielle d’une enseigne alimentaire doit consister à conserver davantage de magasins que ses concurrents, et être prêt à bondir lorsque des concurrents affaiblis commencent à vaciller. Ceci implique de savoir comment emporter la bataille magasin par magasin et comment tirer le maximum de rentabilité de chaque mètre carré. Clairement, nous sommes optimistes sur l’avenir de la distribution alimentaire. Les transformations nécessaires seront un challenge pour tous et peut-être fatales à certains, mais les enseignes en sortiront renforcées. L’évolution en cours et une concurrence accrue forceront les enseignes à être des opérateurs encore meilleurs, plus réactifs encore aux demandes des consommateurs. Les distributeurs capables de réagir et de s’adapter feront mieux que survivre : ils permettront à leur entreprise de prospérer dans un monde nouveau. Illustration 1 : UN SONDAGE RAPIDE AUPRÈS DE CONSOMMATEURS MET EN ÉVIDENCE DES PERCEPTIONS TRÈS DIFFÉRENTES DE LA QUALITÉ DES PRODUITS D’AMAZON FRESH « C’est le genre de pommes que je « La date limite de vente sur le bœuf « Certains fruits rouges étaient recherche, souvent sans les trouver. Leur surgelé était juillet 2013 (livré en très mous et perdaient leur jus aspect est appétissant et leur goût, frais et septembre 2013). D’accord c’est du dans la boîte » sucré, avec une texture croquante qui surgelé, mais…» correspond exactement à ce que j’aime. C’était tout simplement délicieux ». 26 Copyright © 2013 Oliver Wyman
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