RAPPORT - Projet prévention des conflits et de promotion du dialogue ...
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Programme de L’Union Europeenne pour la République Islamique de Mauritanie ASSISTANCE TECHNIQUE POUR L’INSTRUCTION DU PROJET DE PREVENTION DES CONFLITS ET DE PROMOTION DU DIALOGUE INTERCULTUREL EN MAURITANIE AXE 4 STRATEGIE DU SAHEL RAPPORT AVRIL 2012 1
Le contenu du présent Rapport relève de la seule responsabilité de son auteur représenté par Monsieur Tijani Mohamed El Kerim, Directeur de l’Institut Mauritanien pour l’Accès à la Modernité (IMAM) et ne peut en aucun être considéré comme reflétant l’avis de l’Union européenne 2
NOTE INTRODUCTIVE Le facteur religieux a toujours été un élément central dans la vie politique et sociale de la Mauritanie. Un pays anciennement islamisé et origine de plusieurs mouvements religieux dans son histoire. L’Histoire et la Géographique ont fait de la Mauritanie un lieu de rencontres entre des cultures et des civilisations diverses. Les empires qui s’y sont succédés (Ghana, Mali, Almoravides ) ont favorisé les échanges fertiles et un brassage ethnique et culturel aussi riche que varié. La Mauritanie a été aussi un carrefour pour le commerce caravanier , vecteur privilégié des échanges entre la Méditerranée , l’Afrique du Nord et l’Afrique sub- saharienne, générant un échange fécond de biens , services, mais aussi de courants de pensée et de culture qui ont beaucoup marqué l’espace sahélo- saharien. Aujourd’hui comme hier, l’espace mauritanien reste un carrefour par lequel transite toutes sortes d’échanges. C’est ainsi qu’au cours des vingt dernières années, ne pouvant échapper aux dynamiques internationales et régionales dans un monde de plus en plus globalisé, la Mauritanie a connu des tourments dus à la multiplication de facteurs déstabilisants allant des trafics illicites à l’action de groupes violents qui ont essaimé dans la bande sahélo- saharienne plaçant le pays en plein centre de ces activités criminelles et terroristes. L’aspect qui apparait aujourd’hui comme le plus inquiétant est celui de l’engagement de plus en plus marqué de jeunes Mauritaniens dans le Salafisme et partant dans l’extrémisme violent et la radicalisation. L’étude de ce phénomène inquiétant est l’objet du présent Rapport. METHODOLOGIE Réalisée à Nouakchott, Boutilimit, Kiffa, Kaédi, de la mi-décembre 2011 à la fin janvier 2012, l’Etude s’est déroulée selon la Méthodologie suivante : il s’agit : 1. d’un atelier, tenu les 18-19 décembre 2011 à Nouakchott et regroupant près de cinquante acteurs : Ulémas, Imams, représentants de diverses administrations, ONG nationales et étrangères, représentants d’Ambassades et d’organismes de coopération en Mauritanie. 2. Initiation d’entretiens semi-structurés avec des acteurs et personnes- ressources afin d’avoir une appréciation plus directe, nuancée et actualisée du phénomène de l’extrémisme violent et la radicalisation. 3. Organisation d’enquêtes sur le terrain 3
1. LES CAUSES DE LA RADICALISATION EN MAURITANIE 1.1 LA CENTRALITE DU FACTEUR RELIGIEUX 6 1.2 AUX ORIGINES DE LA CONTESTATION DU SOUFISME 6 1.3 LES BOULEVERSEMENTS SOCIAUX 8 1.4 LE NOUVEL ENVIRONNEMENT URBAIN 8 1.5 LA PRECARITE CHEZ LES JEUNES 9 1.5.1 L’ETAT CATASTROPHIQUE DU SYSTEME EDUCATIF 9 I.5.2 LE CHOMAGE ENDEMIQUE CHEZ LES JEUNES 10 I.5.3 L’INSUFISANCE CRIANTE DANS LES INFRASTRUCTURES DE JEUNESSE 10 1.6 L’ENTREE EN SCENE DES NOUVEAUX COURANTS RELIGIEUX 11 I.6.1 LE WAHABISME 11 I.6.2 LA DJAMA'AT AL-TABLIGH 12 I.6.3 LES FRERES MUSULMANS 12 I.7 L’AFFAIBLISEMENT DE L’ISLAM TRADITIONNEL 13 2. LES DIMENSIONS ACTUELLES DE LA RADICALISATION 2.1 L’AMPLEUR DU PHENOMENE 14 2.1 LES PRECURSEURS 14 2.1.2 HARATINES ET NEGRO-MAURITANIENS DANS LE VISEUR D’AQMI ? 15 2.2 LES FACTEURS AGGRAVANTS 16 2.2.1 LA FRAGILITE POLITIQUE 16 2.2.2 L’AGGRAVATION DE LA PRECARITE 17 2.2.3 LES DEFIS SECURITAIRES 18 2.3. LA VULNERABILITE DES JEUNES 19 2.3.1 L’ATTRAIT DU DISCOURS RADICAL 19 2.2.2 LE PROFIL DU RADICAL 20 2.3.3 CIBLES ET METHODES DE RECRUTEMENTS 21 3. LUTTE CONTRE L’EXTREMISME VIOLENT ET LA RADICALISATION 3.1. LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT 22 3.1.2 LA SECURITE 22 3.1.2 LE FRONT IDEOLOGIQUE ET POLITIQUE 23 3.1.3 LE FRONT SOCIAL 24 3.1.4 LES PROGRAMMES D’ACTION 2012-2014 25 4
3.2 LA COOPERATION INTERNATIONALE 3.2.1 L’APPUI DES ETATS UNIS DE LA FRANCE ET DE LA GIZ 26 3.2.2 L’UNION EUROPEENNE 26 4. SECTEUR I : L’APPUI INSTITUTIONNEL 4.1 LA CREATION D’UN CENTRE DE RESSOURCES INFORMATIQUES 29 4.2 LA CREATION D’UN CENTRE SUNNITE POUR LE DIALOGUE 29 5. SECTEUR II: LA SENSIBILISATION 5.1 RADIO QUR’AN 30 5.2 LA CAMPAGNE DE SENSIBILISATION 31 5.3 LE PROGRAMME : « VISITE DES PRISONS » 31 6. SECTEUR III: L’ENCOURAGEMENT DE LA TOLERANCE 6.1 L’APPUI AUX CONFRERIES 31 6.2 L’ENCADREMENT DES MAHADHRAS 32 6.3 LA FORMATION ET LA QUALIFICATION DES IMAMS: 32 7. SECTEUR IV: L’EMPLOI - FORMATION 7.1 L’APPUI A L’ANAPEJ 33 7.2 L’INSTITUTION D’UN SERVICE CIVIQUE NATIONAL 34 7.3 L’INTEGRATION DES SORTANTS DES MAHADHRAS 34 7.4 LA RECONVERSION DES CHOMEURS DE LONGUE DUREE 34 8. SECTEUR V: L’APPUI A LA JEUNESSE 8.1 LES INFRASTRUTURES SPORTIVES 34 8.2 LES INFRASTRUCTURE DE LOISIRS 35 8.3 LES FESTIVALS ET CARAVANES 35 8.4 LE CINEMA 35 9. SECTEUR VI: L’APPUI A L’ETAT DE DROIT 9.1 LE MANUEL D’EDUCATION A LA CITOYENNETE 35 9.2 L’APPUI A LA PROFESSIONNALISATION DES JOURNALISTES 35 9.3 LA REHABILITATION DE LA PRISON DES FEMMES 36 5
9.4 L’APPUI AUX FEMMES EN DIFFICULTE 36 9.5 LE POINT FOCAL CITOYEN 36 9.6 L’APPUI AUX ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE 37 9.7 L’APPUI AU SUIVI- EVALUATION 37 6
PREMIERE PARTIE : L’EXTREMISME VIOLENT ET LA RADICALISATION: LES CATRACTERISTIQUES ET LES DIMENSIONS 7
1. LES CAUSES DE LA RADICALISATION EN MAURITANIE Un regard sur l’Histoire du pays permet de déceler des facteurs pouvant expliquer la propagation de l’idéologie salafiste en Mauritanie, ce qui peut paraitre à première vue paradoxal dans un pays dominé par l’Islam malékite et le Soufisme. 1.1 LA CENTRALITE DU FACTEUR RELIGIEUX En Mauritanie, le facteur religieux occupe une place centrale dans la vie de tous les jours. C’est un pays qui est resté longtemps et qui demeure jonché sur les piliers de la tradition, où la loyauté va à la tribu, au clan et où chaque changement est perçu comme déstabilisateur. Cela marque profondément les mentalités. C’est ainsi que tout message appelant à un retour aux sources attire l’attention plus que la méfiance. C’est ainsi que, bien que marqué profondément par le Soufisme, le Mauritanien moyen est resté nostalgique des temps anciens, celui des Premiers Califes. Ce qui le rend vulnérable, souvent de manière inconsciente aux appels salafistes, ce Salafisme qui affirme constituer la continuation sans changement de l'islam fondamentaliste des premiers temps , celui du Prophète et de ses compagnons… 1.2. AUX ORIGINES DE LA CONTESTATION DU SOUFISME Les Mauritaniens sont d’obédience Sunnite Malékite et Soufi. Le Soufisme est apparu très tôt dans l’Islam. Il cherchait à travers l’intériorisation, la contemplation à arriver à la sagesse divine et à l’amour de Dieu. C’est un courant ésotérique et initiatique, qui professe une doctrine affirmant que toute réalité comporte un aspect extérieur apparent (exotérique ou «Zahir») et un aspect intérieur caché (ésotérique ou «Batin»). Le Soufisme s’est donc répandu en Mauritanie à travers trois écoles : la Qadiriya, première confrérie soufiste d’importance, fondée par Abdelkader El-Djilani (1075- 1166) à Bagdad, la Chadhiliya, la deuxième confrérie soufiste d’importance à voir le jour, établie par Abou El-Hassane Ali Ben Abdallah Chadhili né à Ghoumara en Ifriquiya (Tunisie) en 1196 et enfin la Tijaniya fondée par Abou Al Abbas Ahmed Tijani, un chérif né en Algérie en 1737. Pacifiques, profondément attachées aux rites sunnites et tolérantes, ces trois confréries se sont répandues en Mauritanie allant, sauf quelques rares exceptions, jusqu’à occuper la totalité des fidèles. La réaction à l’émergence et au développement du soufisme a été très forte dès son apparition au sein de certains milieux conservateurs musulmans. IbnTaymiyyah a dénoncé au 13eme siècle plusieurs dérives attribuées au Soufisme ainsi que le fondateur du Wahabisme Mohamed Abdel Wahab cinq siècles plus tard. En Mauritanie, certains cercles limités ont tenté de mettre en doute le Soufisme. D’ailleurs certaines tribus, une infime minorité il est vrai, n’ont jamais adhéré au Soufisme. C’est dans ces tribus que les premiers Jihadistes ont été recrutés pour 8
aller combattre en Afghanistan et certains de leurs membres ont été proches de Ben Laden comme son Mufti principal, Abu Hafs Al Mauritani1. Ce dernier selon le Rapport d’Enquête du Congrès américain sur les éventements du 11 septembre aurait fait une Fatwa contre l’attaque rejoignant le point vue du Mollah Omar qui avait sollicité son avis. Mais Ben Laden est passé outre et a planifié les opérations du 11 Septembre. Un autre Mauritanien Ould Selahi2 qui est à Guantanamo, est accusé d’avoir orienté vers l’Afghanistan trois des attaquants du 11 septembre. Ould Sellahi alors Imam d’une Mosquée à Hambourg aurait conseillé aux trois jeunes d’aller en Afghanistan plutôt qu’en Tchechenie. Il leur aurait facilité aussi l’obtention des visas vers le Pakistan. Parmi ces jeunes il y a Mohamed Atta le présumé chef de tous ces commandos du 11 Septembre. Tous ces éléments peuvent être consultés dans ledit rapport aux pages 166 et 198 Au début du 20eme, un Cheikh très influent, pourtant de la Confrérie Qadiriya, Cheikh Sidiya Baba, facilitateur de la pénétration française en Mauritanie a eu à développer certains propos qui contestent certains aspects du Soufisme quoi que lui même était considéré soufi par ses disciples et son grand père Cheikh Sidiya El Kebir était une figure très appréciée, adepte de la Qadiriya. Cheikh Sidiya Baba rappelait souvent à ses disciples que les cheikhs ne sont que des hommes normaux comme tout le monde et mettait souvent en doute leur capacité à guider par leur seule volonté les fidèles sur un droit chemin vers le paradis. Il rappelait à ses disciples et admirateurs sa nature de simple musulman dépourvu de toute puissance spirituelle, puissance que ne cessait de lui conférer pourtant ses disciples. Il faut noter que Cheikh Sidiya Baba qui avait fait des déplacements en Egypte et en Arabie en étaient rentré avec des idées réformistes qui incitaient à se fier plutôt aux textes originaux et sacrés qu’aux sheikhs soufis. Mais en réalité, ce phénomène est demeuré très marginal. Cependant une fracture est restée, entretenue par la rivalité existant entre les Cheikh des Mahadhras qui enseignaient les sciences islamiques pures (Coran, droit, langue arabe) et les Cheikh soufis qui s’adonnaient aux pratiques relevant du « Batin », précité. Cette fracture a résisté au temps, entretenue par des débats entre les deux tendances, les premiers se démarquant souvent des autres en se considérant plus proches de l’Orthodoxie religieuse. C’est ainsi que l’on on peut considérer que des facteurs favorables au développement du Salafisme existaient déjà mais de manière voilée et subtile dans la société mauritanienne, une société pourtant tolérante et totalement imprégnée de Soufisme. Ils n’attendaient que des situations favorables (éclatements des structures traditionnelles, offensive du wahabisme) pour s’exprimer et s’étendre._________________________ 1 et ² (Voir page 141 et suite du 9 /11 Congres report : www. 911commission.gov) 9
1. 3. LES BOULEVERSEMENTS SOCIAUX La Mauritanie dont la population était estimée à 3. 459.773 en 20101 a été confrontée à des problèmes d’ordre structurel dont une démographie galopante, conjuguée aux perturbations climatiques qui durent depuis des décennies provoquant un exode massif vers les villes. Malgré des ressources naturelles importantes, la Mauritanie est très dépendante de l'aide internationale. Le ratio de la population pauvre en fonction du seuil de pauvreté national est de 43,6%1. Le PIB par habitant n'est que de 860 dollars même et l’espérance de vie à, la naissance est de 58 ans2. Le pays vit sous la menace permanente de l'insécurité alimentaire: plus de 300.000 personnes souffrent de malnutrition et le pays doit importer 80 % de ses besoins en céréales. Ces bouleversements sociaux qui ont débuté il ya plus de quarante ans ont concentré aux fils des ans plus de 50% des habitants dans les cités urbaines 1. L’une des principales conséquences de cette situation est la fragilisation voire la dislocation des structures sociales traditionnelles et avec elles, celles de l’encadrement religieux. La Mauritanie est devenue ainsi perméable aux différents courants religieux venant de la péninsule arabique et en particulier au Wahabisme et son produit, le Salafisme 1.4. LE NOUVEL ENVIRONNEMENT URBAIN L’Islam est historiquement un phénomène urbain. Révélé à La Mecque, il a au cours de son expansion développé les villes. C’est dire que l’urbanisation s’accompagne souvent pour les populations nomades et rurales d’une vivification de la foi. C’est un phénomène historiquement connu dans le monde musulman car l’Islam est né dans la ville et s’intensifie plus rapidement dans celle-ci. Le fidèle retrouve la Mosquée près de lui et le sentiment communautaire se renforce. Cette situation éloigne cependant certains fidèles de leurs leaders religieux traditionnels et les exposent aux nouvelles influences religieuses venues d’ailleurs. Ainsi, la Mosquée devient un lieu de rencontres où le fidèle peut croiser des gens de différentes confréries et écoles et même des musulmans venant de pays étrangers. A Nouakchott et dans certaines autres villes de l’intérieur, le nombre des mosquées a explosé au cours des trente dernières années, offrant aux fideles de tous les quartiers des lieux de culte de proximité. Les pays du Golfe ont été d’ailleurs de généreux contributeurs. C’est dans les changements du paysage socio-économique, la dislocation des structures traditionnelles et l’urbanisation rapide et anarchique que les nouveaux courants wahabite et salafiste, plus outillés matériellement et très dynamiques ont trouvé un terreau propice surtout chez les jeunes, les conduisant au radicalisme. A _________________________________ 1 et 2. Données du CSLP (Cadre stratégique de lutte contre la Pauvreté -MAED 10
Nouakchott, certaines mosquées des Moughataa du Ksar, Riad, Arafat et Toujounine ont connu de très fortes activités salafistes entre 2001 et 2008. C’est dans ces mosquées que beaucoup de jeunes qui vont rejoindre Al Qaida se sont initiés à la contestation du Soufisme et ont adopté des comportements salafistes. Le recrutement a certainement eu lieu en dehors de ces mosquées mais la préparation idéologique a bien lieu dans ces lieux. Certains de ces jeunes figurent parmi les assassins des touristes français ainsi que ceux de l’américain de l’ONG Nour, accusé de prosélytisme et abattu en plein centre du au Ksar en juin 2009. D’autres ont été parmi les victimes du raid franco-mauritanien sur un repère d’AQMI en juillet 2010 dans le Nord Mali. 1. 5. LA PRECARITE CHEZ LES JEUNES La précarité des conditions de vie des jeunes s’explique fondamentalement par plusieurs facteurs : • L’état catastrophique du système éducatif qui laisse beaucoup de jeunes sans perspectives • Le fort taux de chômage qui frappe la jeunesse • Le désœuvrement de cette jeunesse face à une insuffisance, voire une absence criante de structures récréatives en matière de Sport, de Culture et de Loisirs… 1.5.1 L’ETAT CATASTROPHIQUE DU SYSTEME EDUCATIF L’enseignement en Mauritanie n’a cessé de se dégrader aux fils des ans. Le système hérité de la colonisation a été reformé au moins quatre fois. Des réformes faites souvent sous le signe d’urgence et pour des motivations politiques à courtes vues. D’où un enchevêtrement de systèmes mal agencés dont les élèves furent les frais. Aujourd’hui le système est malade avec un taux d’échecs très élevé, des enseignants démotivés, des parents en désarroi. C’est au niveau de l`enseignement fondamental que les performances les plus remarquables ont été constatées à travers une augmentation importante de ses effectifs. Ainsi, dans cet ordre d`enseignement, le nombre d`élèves a sensiblement augmente passant de 465 887 élèves en 2005-2006 à 512 998 élèves en 2008-2009 et le taux brut de scolarisation est passé de 96,9% en 2006 à 99% en 2009, dépassant ainsi la cible de 98% prévue en 20101. Par contre, au niveau du secondaire (premier cycle), le taux brut de scolarisation (TBS) a baissé, passant de 27,7% en 2006 a 22,9% en 2009 reflétant la même tendance à la baisse observée au niveau du taux de transit entre le fondamental et le secondaire : 56% en 2006 contre 36,7% en 2009. L`enseignement secondaire a connu au cours de la même période une régression de 15% de ses effectifs avec un TBS de 32,8% pour les garçons et 28,4% pour les filles ². A cela, s`ajoute une baisse observée de la qualité au niveau de cet ordre d`enseignement illustrée par la faiblesse des résultats à l’examen du BEPC et du Baccalauréat.___________________________ 2-SOURCES : PNUD/OMD 11
1.5.3 LE CHOMAGE ENDEMIQUE CHEZ LES JEUNES Les données les plus récentes situent le chômage à un niveau très élevé. Il a beaucoup progressé au cours des dix dernières années passant de 28% en 2000 à 33% en 2011. Ce sont les femmes et les jeunes qui en souffrent le plus. Le taux de chômage des jeunes de 15-24 ans est de 69% pour les femmes et 50,8% pour les hommes. Sur le marché du travail arrive une main d`œuvre jeune et souvent peu qualifiée. Le paradoxe est que des masses de jeunes sont en proie à une situation de chômage plus ou moins chronique, alors que les entreprises mauritaniennes continuent à faire appel à la main d`œuvre étrangère pour satisfaire leurs besoins en ressources humaines qualifiées. L`emploi, en général et celui des jeunes en particulier, constitue le défi majeur des pouvoirs publics eu égard au nombre de demandeurs d`emploi sans qualifications, qui arrivent sur le marché du travail et de l`étroitesse de celui-ci. Dans ce cadre, l`insertion professionnelle des jeunes devient une opération hardie, particulièrement chez les jeunes ruraux où les opportunités d’emploi sont moins importantes. 1.5.3 L’INSUFFISANCE CRIANTE DNS LES INFRASTRUCTURES DE JEUNESSE La Mauritanie est aujourd’hui complètement dépourvue d’infrastructures sportives et culturelles pour sa population qui est déjà majoritairement jeune. Les installations sportives sont quasi inexistantes hormis le stade de 10.000 places construit par la Chine, il y a plus de trente ans. Il n ya que deux maisons de jeunes dignes de ce nom à Nouakchott pour une mégalopole qui avoisine le million d’habitants. Il n’ ya presque pas de salles couvertes pour les spectacles et pas de salles de cinémas. La situation à l’intérieur du pays est quant à elle marquée par absence totale de ces infrastructure. C’est donc une absence totale d’activités récréatives, sportives culturelles, culturelles, qui laisse la jeunesse en désœuvrement. Ce qui l’expose à la criminalité et à l’emprise des réseaux terroristes. 1.5.4 LES FRUSTRATIONS Les échecs scolaires, le chômage, les difficultés au sein des familles elles-mêmes créent incontestablement des sentiments de frustration chez une frange de plus en plus importante de la jeunesse. Devant une telle situation, les jeunes ont des choix limités: soit chercher à émigrer ou tomber dans des activités illicites ; ce qui peut constituer une tentation. Dans la majeure partie des cas, les familles encore empreintes d’une veille tradition de solidarité arrivent à assurer un encadrement. Mais ces pratiques de solidarité s’effondrent peu à peu du fait des difficultés en milieu urbain, exposant des jeunes à l’isolement, isolement qui peut conduire à des engagements dans des activités criminelles consciemment ou inconsciemment. 12
1. 6. L’ENTREE EN SCENE DES NOUVEAUX COURANTS RELIGIEUX Deux courants religieux islamiques ont essaimé en Mauritanie au cours des quarante dernières années. Il s’agit du Wahabisme et du mouvement Dawa Wa Tablīgh. Sur un autre plan, politique celui-là, le courant des Frères Musulmans continue à gagner du terrain. C’est dire que le paysage religieux et même politique s’est lentement mais irrésistiblement modifié au cours des dernières décennies affectant de manière structurelle la société mauritanienne. 1 .6. 1 LE WAHABISME Le Wahhabisme est mouvement religieux (et même politique put-on dire), fondé par Mohammed ibn Abd el-Wahhab (1703 - 1792) vers 1744. L'intention affirmée de ce dernier qui était un érudit et juriste hanbalite était de ramener l'islam à sa «pureté originelle ». Il réfute ainsi toute tradition extérieure au Coran et à la Sunna, de même qu’il refuse toutes invocations de saints ou du prophète Mahomet lui-même à travers une intercession. Il estimait que les Musulmans sont tombés dans l’idolâtrie en visitant les tombeaux des saints et en suivant les Chefs Soufis. L'idéologie d'Ibn Abd al-Wahhâb servira à établir la domination des Al Saoud sur les tribus arabes voisines en leur donnant une légitimité religieuse. Grâce au prêche (dawah) du cheikh, ainsi qu'à l'autorité et la puissance du prince, ils réussirent à unifier les tribus arabes, ce qui permit à Mohammed Ibn Saoud de devenir l'imam du premier État saoudien et de transmette cette fonction de l'imamat à ses descendants. Et l’Arabie saoudite sera le berceau du Wahabisme qui devient la doctrine officielle du Royaume. Parfois perçu comme une secte, ce courant rigoriste radical se réclamant de l'orthodoxie sunnite est régulièrement présenté comme un mouvement ultra- orthodoxe. Le wahhabisme est étroitement lié à la notion de « salafisme », un courant fondamentaliste dont il se distingue difficilement. Ce Wahabisme va durant tout le 20eme siècle étendre son influence avec la montée en puissance de l’Arabie saoudite. Il va déteindre sur de nombreux érudits musulmans. Ce qui contribuera à affaiblir l’Islam traditionnel. En Mauritanie, l’influence wahhabite fera des percées remarquables au début des années 70 et surtout les années 80 grâce à un érudit mauritanien Abba Ould Khtour, un anti-soufi qui a émigré en Arabie saoudite et qui a contribué à étendre le wahabisme en Mauritanie dans la communauté mauritanienne résidente à Médine.. Des Imams et Ulémas de la nouvelle génération vont tisser des liens avec Sheikh Abd al-Aziz ibn Abd Allah ibn Bâz, plus connu nu sous le nom de Ibn Bâz, qui fut le mufti officiel de l'Arabie saoudite Président du Conseil des Grands Oulémas , Président du Conseil Suprême des Mosquées, de 1993 jusqu'à sa mort en 1999. Il va s’intéresser entre autres aux Ulémas mauritaniens en visite en Arabie saoudite, Ulémas dont semble-t-il il appréciait l’érudition. Des liens se tissent. 13
Dans ce cadre des fonds seront généreusement mis à la disposition d’Imams pour des projets sociaux et religieux (aide aux orphelins, prétendus rachats d’esclaves en vue de leur libération, construction de mosquées…). Tout cela va créer des connections et des imbrications et des implications qui auront pour conséquence une pénétration du wahabisme en terre mauritanienne comme d’ailleurs dans l’Afrique de l’Ouest en particulier au Mali et en Guinée… Ce Wahabisme va ouvrir la voie au Salafisme qui lui est très proche et qui a conduit au Jihadisme destructeur tel que nous le vivons. La principale divergence entre les wahabisme et Salafisme porte sur le thème de l'Etat islamique: le Wahhabisme se satisfait d'un dirigeant local - un roi, par exemple - s'il respecte et fait respecter la Chari’a, comme en Arabie Saoudite, tandis que le Salafisme souhaite revenir au Califat pour l'ensemble des croyants, avec comme transition l’acceptation d’un Emir local pour quelque temps. Dans les années 1980 dans les camps de Peshawar, au Pakistan, sur fond de guerre en Afghanistan, le Salafisme jihadiste, prend ses formes dans sa version radicale qui va séduire de nombreux jeunes musulmans. 1.6.2 LA DJAMA'AT AL-TABLIGH Communément appelé DOUAT ou l'Association pour la Prédication, La Djama’a Al- Tablīgh est un mouvement musulman revivaliste, apolitique, fondé à la fin des années 1920 en Inde par Muhammad Ilyas Al-Kandhlawi . Le mouvement présente sa mission comme visant à faire revivre l’obligation de prédication au sein de l'islam. La base opératoire du Mouvement se situe à Dhâkâ, au Bangladesh. Il est arrivé en Mauritanie au début des 80 pour se renforcer considérablement. Son activité missionnaire est apolitique, et ne vise que la transmission d'une pratique musulmane fondamentaliste. Leurs principes se ramènent à quatre idées : éviter la politique, ne jamais s’immiscer dans les problèmes qui divisent les Musulmans, ne pas prendre partie sur les controverses de rites, éviter de se faire supporter matériellement par les populations. Leurs acticités tournent autour de sorties par groupes pour sillonner le pays en campant dans les mosquées pour y faire des appels en faveur de la foi après chaque prière. A Nouakchott, le rassemblement a lieu chaque jeudi à la grande mosquée de Ryad. Les Douat ont gagné du terrain ces derniers temps en Mauritanie et introduisent de nouvelles pratiques inconnues jusqu’ici. Ils sont désormais définitivement incrustés dans le paysage religieux et comptent des personnalités importante s comme l’Imam de la Mosquée marocaine Abdul Aziz Sy (décédé accidentellement à Dakar le 1er mai 2012) mais aussi beaucoup de commerçants fortunés très présents dans les secteurs de la quincaillerie et celui de la vente des pièces détachées. 14
I.6.3 LES FRERES MUSULMANS C’est est une association fondée en en 1928 en Egypte par Hassan Al Banna .C’est une organisation panislamiste ayant comme objectif une renaissance islamique, la lutte contre l’influence occidentale et l’instauration de la Chari’a. Certains groupes en sont issus et directement inspirés comme le Hamas en Palestine. La lutte contre l’État d’Israël est au cœur des préoccupations du mouvement depuis sa fondation. Mais les frères musulmans sont contre la violence en dehors de la Palestine car ils àestiment que le Musulman ne doit pratiquer le Djihad que si les ennemis de l’Islam entrent dans ses terres pour se les approprier… Le leader actuel le plus en vue est Youssouf Al Qaradawi qui a récemment visité la Mauritanie et qui habite au Qatar. Il anime une émission très suivie dans l’ensemble du Monde arabe sur Al Jazeera. Ce courant est représenté en Mauritanie par le Parti TAWASSOUL dont le chef spirituel est le Prédicateur Mohamed El Hacen Ould Dedew, adjoint même Imam Al Qaradaoui à la grande Mosquée de Doha. 1. 7. L’AFFAIBLISEMENT DE L’ISLAM TRADITIONNEL Les changements politiques et sociaux intervenus en Mauritanie au cours de ces quarante dernières années ont irrémédiablement affaibli l’Islam traditionnel soufi en Mauritanie. Les confréries jadis puissantes ont connu un déclin progressif. Elles ont été victimes d’abord de l’Etat central qui en transférant tout le pouvoir à Nouakchott a éloigné le centre des décisions et porté un coup à des institutions qui étaient fortement implantées localement. La sécheresse en accélérant la sédentarisation et l’urbanisation a disloqué les structures sociales et partant les assises socialo-tribales de ces institutions. Mais, le fait le plus marquant est surtout celui de la pénétration des nouveaux courants au milieu des jeunes. Il faut noter aussi que le pouvoir politique n’a pas senti venir le danger et de ce fait, a toujours négligé les confréries qui n’ont jamais bénéficié d’appuis politiques ou médiatiques, contrairement au Maroc ou au Sénégal voisins. Au Maroc les confréries soufies sont considérées comme l’un pilier dela monarchie et du système socio-politique. Les plus hauts responsables ne manquent jamais l’occasion de le souligner. C’est un rampart contre tous les courants extremistes. D’ailleurs le Maroc historiquement est un berceau de la pensée soufi avec un développement important de zaouïas bien implantées dans tout le territoire. Des rencontres sont régulièrement organisées par le Ministère des Houbs et des Affaires religieuses comme celles de Sidi Shakir à Marrakech, organisée du 10 au 12 juillet 2009 pour les affiliés au Soufisme (Tasawwuf) qui était la deuxième édition du genre. Elle a réuni plus d’un millier de participants venant de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique. La première édition s’étant déroulée en 2004. Ces rencontres se déroulent à chaque foi sous le Haut patronage du Roi. Une instance mondiale des adeptes du Soufisme aurait été mise en place et serait en train d’être affinée. Au Sénégal, les confréries sont historiquement puissantes et encadrent fortement leurs adeptes grâce à des activités religieuses et sociales variées et continuelles 15
toute l’année. Parfaitement hiérarchisées, elles dominent tout le système social en milieu urbain et rural. Certaines mènent des activités économiques grâce au dévouement des adeptes. En Mauritanie , les confréries conservent encore des réserves car possédant toujours un maillage important dans tout le territoire national. Mais il se disloque de jour en jour si des actions ne sont pas entreprises pour le sauver. Car le Jihadisme est aussi le fruit de la fragmentation des structures traditionnelles de l’autorité musulmane au sein d’un nouveau paysage mondial agité. 2. LES DIMENSIONS ACTUELLES DE LA RADICALISATION 2.1. L’AMPLEUR DU PHENOMENE 2.1. 1. LES PRECURSEURS Au cours des vingt dernières années, les jihadistes (Afghanistan, Tchechenie, Al Qaida et AQMI) ont a été rejoints par des dizaines de jeunes Mauritaniens. Les départs et les recrutements ont commencé à l’époque du GIA algérien puis la guerre d’Afghanistan. Ils se seraient accélérés depuis fin 2001. L’introduction du téléphone cellulaire a grandement facilité les contacts. Certains Mauritaniens ont eu donc des contacts assez tôt avec les Jihadistes. Ainsi Cheikh Atiyett Allah El Haceni Chinguity, (El Hacen, signifie son appartenance à la tribu Idab Lehcen, originaire du sud ouest mauritanien) était le coordonnateur du GIA déjà en 1992. Il avait déjà des relations avec Ali Belhadj (fils d’un émigré mauritanien et né en Tunisie), No 2 du FIS à la fin des années quatre-vingt. Atiyett Allah a donc tenté, dès le début des années 1990, de fédérer les différentes factions islamistes armées en Algérie, manifestement sans trop de succès avant, finalement, de se décider à retourner en Afghanistan. Il n'est pas le seul Mauritanien à y avoir été. Plusieurs étudiants mauritaniens ont en effet effectué des déplacements en Afghanistan entre 1990 et 1995 et certains y ont laissé la vie. D’ailleurs dans un texte "Al Tabria", publié en mars 2008 par Aymen Dhawahiri et diffusé sur internet, le N°2 d'Al Qaida, à l’époque note : "Cheikh Atiyett Allah, savant et homme de Dieu, a émigré en Algérie où il a participé au Djihad avec le GIA et a traversé des épreuves, avant de rentrer en Afghanistan». Beaucoup de spécialistes consolidèrent Attiyett Allah comme l’idéologue d’Al Qaida. Au début des années 2000, à Nouakchott, Nouadhibou, les premiers cybercafés venaient d’ouvrir leurs portes et des jeunes désœuvrés ou à la recherche de l’aventure se sont ainsi engagés en prenant des contacts par la toile. Il y a eu aussi des connections avec la première génération des jihadistes qui a combattu en Afghanistan et en Tchechenie. Cette première génération a fortement impressionné la seconde, celle des années 2000 à 2004. La troisième vague serait celle de 2005-2009. Il s’agirait surtout de gens qui ont été encouragés par des réseaux mafieux, mais qui ont fini par tomber aux mains d’AQMI. Il faut noter que ces réseaux mafieux ont proliféré vers la frontière avec le Mali après que d’anciens réfugiés Touaregs en Mauritanie aient établi des connexions avec des 16
familles mauritaniennes. Certains éléments parmi c es mêmes anciens réfugiés Touaregs se sont adonnés aux différents trafics lucratifs dans la région. L’intérêt d’AQMI qui a ses sanctuaires dans l’espace sahélo-sahariens pour les Mauritaniens s’explique par plusieurs facteurs : les Mauritaniens possèdent une parfaite connaissance du terrain et un sens inné de l’orientation dans ce vaste désert (sud algérien, nord de la Mauritanie, nord du Mali et du Niger). Cette connaissance est utile pour le repérage des points d’eau, des circuits d trafics etc.… De solides connaissances religieuses pour encourager au recrutement de nouveaux adeptes Une expérience dans cette zone où ils peuvent communiquer et traiter facilement avec des populations arabophones du sud algérien, de l’Azaouad, et des négro- africains du Mali et du Niger. Beaucoup de jeunes ont été enrôlés par des « démarcheurs » qui recrutent des adolescents séduits par les thèses « jihadistes » et qui rêvent de devenir des héros envoyés pour combattre les « mécréants » et leurs complices. Aujourd’hui, l’ampleur de ce phénomène du départ de jeunes radicaux vers AQMI est encore méconnue dans toutes ses dimensions. Mais tout indique que l’engagement de jeunes Mauritaniens dans AQMI se poursuit et pourrait même prendre de l’ampleur étant donné la situation actuelle d’une bonne partie de la jeunesse qui subit le chômage, la précarité et le désœuvrement. Notre enquête nous a permis de constater que certaines familles ont connu des disparitions mystérieuses de jeunes qui partent sans plus donner de leurs nouvelles. Certains appellent leurs familles sans signaler leurs lieux de résidences. Le Toile et les contacts entretenus avec des étrangers et souvent issus des pays du Maghreb dont certains fréquentent par ailleurs des Mahadras en Mauritanie seraient des sources importantes de recrutement. Les différentes crises et leurs récentes évolutions (situation au Nord Mali, trafics illicites, crise libyenne…) sont des facteurs aggravants. Sans compter le renforcement d’Al Qaida et des Salafistes qui malgré les succès de l’Armée mauritanienne, continue de se « sahéliser». La guerre en Libye et les transferts d’armes ainsi que les déplacements de combattants touaregs sur-armés ont fini par déstabiliser la Région. Le déclenchement de la rébellion touareg au Mali le 12 janvier 2012 a fini par déstabiliser ce pays avec l’occupation de tout le Nord par des coalitions hétéroclites composée du MNLA (Mouvement National de l’Azawad), Aqmi, Ansar Dine et le Mujao , rejoints par des volontaires de Bokou Haram 2.1.2 HARATINES ET NEGRO-MAURITANIENS DANS LE VISEUR D’AQMI ? Jusqu’ici les Jihadistes se recrutaient surtout sinon exclusivement dans l’ethnie arabe en épargnant sa composante haratine. Mais depuis l’apparition du kamikaze devant l’Ambassade de France à Nouakchott et la tentative d’attentat contre une caserne à Néma, des inquiétudes se vont jour quant à l’engagement de jeunes Harratines dans les rangs d’AQMI. Cette hypothèse n’a jamais été réellement exclue par les experts étant donné la vulnérabilité de cette couche face au discours salafiste qui prône l'égalitarisme. Un 17
autre phénomène vient renforcer cette hypothèse, celui d’une vivification de la foi constatée ces derniers temps dans cette couche, une couche qui échappe désormais en partie à l’influence modératrice de l’Islam traditionnel. Couche nombreuse et déshéritée, les Haratines pourraient si des mesures urgentes ne sont pas prises constituer un terreau favorable au Jihadisme. Le risque est grand qu’ils soient aussi un vecteur pour l’extrémisme violent dans le reste du Sahel étant donné la facilité avec laquelle, ils peuvent se faufiler dans l’espace ouest-africain. On pourrait également s’interroger et s’inquiéter pour la population negro- mauritaniens, qui sent se sent relativement exclusion et qui est semble-t-il gagnée par un renouveau de ferveur religieuse. Cette interrogation parait d’autant plus justifiée que l’alternative que représentait l’émigration semble de moins en moins accessible. La forte prégnance de l’Islam traditionnel au sein du milieu négro- mauritanien semblent néanmoins limiter ce risque dans cette communauté. 2.2. LES FACTEURS AGGRAVANTS 2.2.1. LA FRAGILITE POLITIQUE L’interruption de l’ordre constitutionnel en aout 2008 , pour la seconde fois en trois ans , n’a pas été sans conséquences pour la pays, lequel s’est fragilisé . L’organisation d’un scrutin présidentiel consacrant la victoire du général Mohamed Ould Abdel Aziz a permis de normaliser la situation et favoriser le retour des bailleurs dans le pays. Le Gouvernement s’est alors lancé dans une politique de reformes et s’est engagé sur la voie de la lutte contre la corruption, fort du soutien tant politique que financier des partenaires au développement. C’est précisément grâce à un programme à coloration morale et sécuritaire que le candidat a été élu. Face à la fragilisation du pays, accélérée par la multiplication des enlèvements des étrangers et attaques d’AQMI contre les forces armées au Nord et à l’est du pays, le nouveau Pouvoir a agit avec une plus grande fermeté qui a donné des résultats avec un redéploiement plus efficace des unités armées, un rééquipement des forces armées, et surtout une attitude plus offensive et plus déterminée face aux groupes terroristes.. Aujourd’hui, le Pouvoir est engagé dans une politique de dialogue avec une frange de l’Opposition. Ce qui a conduit à une modification de la constitution qui prend en charge, dans le préambule la diversité culturelle, le statut de l’arabe comme langue officielle du pays et la citoyenneté comme modèle républicain d’identification ainsi que le rejet explicite de l’esclavage dans l’un des articles de la constitution. La nouvelle constitution consacre la responsabilité du Gouvernement devant le parlement, le Premier ministre soumettant le programme du gouvernement à un vote de confiance à l’Assemblée nationale. La révision constitutionnelle criminalise les changements anticonstitutionnels et les coups d’état militaires. 18
Cependant bon nombres de zones d’ombres persistent. Reste à assurer une plus grande cohésion sociale dans ce pays multi-ethnique où régulièrement de voix s’élèvent pour réclamer plus de justice pour les minorités, pour les anciens esclaves. Reste aussi à convaincre l’autre frange de l’opposition, certainement la plus importante, à rejoindre ce dialogue. Cette frange où se retrouvent les islamistes de Tewassoul et des opposants historiques et certains activistes harratines reste assez forte. Une frange qui s’impatiente en descendant fréquemment dans la rue et en appelant au départ du Président Ould Abdel Aziz, ne cachant pas d’ailleurs sa volonté de s’inspirer des révolutions arabes. Cette agitation que beaucoup imputent aux Islamistes du Tewassoul mais à laquelle participent aussi le RFD, l’UFP ainsi que beaucoup de personnalités dont l’ex Président Ely Ould Mohamed Vall ainsi que d’ex officiers supérieurs à la retraite créé une tension de plus en plus perceptible avec un lot quotidien de sit- in et manifestations… Le report indéfini des élections législatives et municipales déstabilisent un quelque peu plus les institutions. Aussi faudra-t-il au Pouvoir actuel une grande patience, e une bonne dose de dextérité ainsi qu’un grand réalisme de la part du Pouvoir actuel. Des efforts devront aussi être faits pour rendre l’Administration plus efficiente face aux menaces terroristes en combattant tout risque de collusion entre certains de ses éléments et les différents réseaux criminels ou terroristes. Enfin le régime gagnerait à se démocratiser plus en évitant tout autoritarisme et à rassurer tous les milieux d’affaires quant à la transparence dans la gestion des marchés publics et des rentes de l’industrie minière. Autant d’initiatives nécessaires pour consolider la cohésion nationale et rendre plus efficiente la politique de fermeté à l’égard d'AQMI entamée par le Président Ould Abdel Aziz. Car la prévention de l’extrémisme violent et la radicalisation va de pair avec une meilleure perception de la légitimité politique du Pouvoir par les populations et les acteurs politiques. 2.2.2 L’AGGRAVATION DE LA PRECARITE Malgré l’instabilité politique, les de développement en Mauritanie ont été marqués au cours des dernières années par quelques progrès au niveau de la gouvernance et la gestion de deniers publics. Mais des insuffisances persistent tant au niveau de la gouvernance politique, économique qu’administrative. Le pays reste d’ailleurs marqué par un faible indice de développement humain (IDH) 2011 de 0.443, plaçant le pays au 159e rang sur 187e pays classés1. On n’observe pas d’amélioration substantielle depuis quelques années. Les rapports sur la réalisation des OMD montrent que les principaux retards concernent le secteur de la santé, de l’environnement, de l’emploi et de certaines composantes importantes du genre1. La population est très jeune dans la mesure où 40,63% des habitants ont moins de 15 ans et 60,72% ont moins de 25 ans, la proportion des moins de 15 ans est plus importante en milieu rural qu`en milieu urbain. Cette structure caractéristique des pays en voie de développement crée des pressions importantes sur les services 19
sociaux essentiels que sont l`éducation, la santé, la nutrition, l`emploi et le logement. Cette situation pose le défi de la formation du capital humain et de l`emploi. En dépit des quelques performances économiques notées et des efforts fournis dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté (CSLP 2001- 2015) et de la priorité spécifique accordée par le Gouvernement à la question de l’emploi des jeunes, le niveau de chômage, particulièrement celui des jeunes, reste encore élevé. En effet, le chômage touche de façon plus prononcée la tranche d’âge 15-24 ans. Dans la population active, le taux de chômage des jeunes dépasse la moyenne nationale (32%), soit 66,7% pour les jeunes femmes et 44,1% chez les jeunes hommes. Selon les indicateurs publiés par l’EPCV (2008), le niveau de sous-emploi est estimé à environ 50%. Ce fort taux de chômage constitue un important facteur de marginalisation pour les jeunes et les femmes, surtout en milieu rural où les indicateurs de pauvreté et de chômage sont plus élevés que la moyenne nationale. De plus, la population en âge de travailler connait un accroissement rapide. Près de 50 000 jeunes sont exclus annuellement du système éducatif et environ 30 000 jeunes demandeurs d’emplois arrivent annuellement sur le marché du travail. D’une manière générale pour les autres catégories, la situation de l’emploi reste difficile: le taux de chômage est d’environ 33,5%, en hausse par rapport à celui de 2000, 28%. Le chômage est plus répandu chez les femmes que chez les hommes; soit un ratio de 0,52 (H/F). La participation des femmes aux décisions politiques a connu une remarquable amélioration depuis 2006, et des progrès ont été réalisés depuis. Cependant, les discriminations à leur égard demeurent fortes, notamment en matière économique. Le statut des femmes reste précaire: 40% de taux de divorces, nombre élevé de familles monoparentales, discrimination à l’égard des enfants pauvres. Cela est d’autant plus sérieux qu’il touche les classes moyennes et populaires1. La pauvreté demeure donc très répandue. Et l’accès aux services de base réduits. Autant de facteurs qui aggravent la précarité et l’exclusion chez les jeunes en particulier. 2.2.3 LES DEFIS SECURITAIRES La Mauritanie est devenue la fois le lieu de recrutement et la cible d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Une soixantaine de Mauritaniens au moins seraient déjà dans les camps d'AQMI en Algérie et dans le nord du Mali et au Niger. Le pays a également subi plus de quinze attaques au moins depuis 2005 dont certaines avec des pertes lourdes, des enlèvements d’étrangers et récemment d’un gendarme, devenant le pays le plus visé par AQMI. Les menaces s’exercent donc fortement sur le pays du fait des enjeux liés à la criminalité et au terrorisme. Le développement des trafics a bouleversé le statut quo en créant de nouveaux équilibres. C’est ainsi que des Touaregs passeurs ont noué des alliances avec des tribus arabes au Mali et en Mauritanie. La méfiance traditionnelle a laissé la place à des complicités voire à des amitiés. La partie orientale de la Mauritanie s’est plus soudée à la partie ouest du Mali. Ainsi la 20
criminalité s’est transnationalisée en se diversifiant. Cette criminalité qui se nourrit du trafic de la cocaïne, de l’héroïne, des cigarettes et des armes légères. La position géographique du pays et la faiblesse des contrôles aux frontières orientales et septentrionales ont historiquement contribué au développement de ces trafics autour de postes de relais comme Chegatt, Lemgheity et Al Ghallawiya. Déjà le mode opératoire d’Al AQIDA a évolué avec les assassinats et les kamikazes. C’était sans précédent en Mauritanie. Le danger se rapproche du fait de la prise de contrôle du Nord du Mali par des groupes dont trois au moins sont terroristes : AQMI, ANSR DINE et LE MUJAO. L’afflux des réfugiés fragilisent les structures administratives frontalières posent des problèmes de ravitaillement et de sécurité (quant aux infiltrations d’éventuels terroristes ou recruteurs…). L’effondrement de l’allié malien qui a été précipité par la prise du pouvoir par une poignée d’officiers subalternes dans un climat de laisser faire général complique d’avantage le tableau et alerte tous les états de la sous-région oust-africaine visiblement secoués. Pourtant, sur le plan conjoncturel on s’attendait à quelque chose depuis les évènements de Libye et sur le plan structurel, le Mali de Toumani Touré donnait des signes de faiblesses sinon de déliquescences… Face à cette situation et jusqu’à présent, la Mauritanie a su assurer un relatif contrôle de ses frontières en menant une politique offensive et volontariste de prévention. Ce qui est appréciable étant donné l’étendue des frontières et les faiblesses de toutes sortes du pays. Par rapport aux pays dela région concernés, elle semble avoir obtenu les plus grands succès … Mais cela ne pourra être durable que si de véritables coopérations régionales et internationales coordonnées se mettent en place sans louvoiement et arrière- pensées. Sinon "l’Arc de Crise " qui va de l’Atlantique à la Mer rouge se concrétisera et deviendra réalité de la Mauritanie à la Somalie en passant par le Mali, le Niger, le Tchad, le Soudan, tout en empiétant sur les territoires de trois des plus riches voisin: sud algérien, nord Nigéria et sud libyen… 2.3. LA VULNERABILITE DES JEUNES 2. 3. 1 L’ATTRAIT DU DISCOURS RADICAL Le discours radical exerce sur certains jeunes un attrait certain pour les raisons suivantes : Le discours radical est un discours qui propose un changement profond et les jeunes de chaque génération sont idéalistes et croient qu’ils ont le pouvoir de changer le monde et l’idéologie salafiste est une idéologie qui bouscule l’Islam traditionnel. 21
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