RAPPORT D'OBSERVATIONS DEFINITIVES
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ROD.0409 RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES - Caisse des écoles de Liévin - (Département du Pas-de-Calais) SUIVI, LE CAS ECHEANT, DE LA REPONSE DE L’ORDONNATEUR 14, rue du Marché au Filé 62012 - Arras cedex Téléphone 03.21.50.75.00 Télécopie 03.21.24.24.79
Résumé La chambre a examiné l’évolution de la gestion de la caisse des écoles de 2000 à 2006, en s’attachant plus particulièrement à apprécier la nature et les modalités d’exercice de ses compétences. La politique scolaire à Liévin constitue un axe fort qui englobe désormais plusieurs autres politiques municipales, en particulier la politique de la jeunesse. Elle s’est traduite institutionnellement par un renforcement des attributions de la caisse des écoles au bénéfice de laquelle plusieurs pans entiers de la compétence scolaire, relevant normalement de la commune, ont été transférés. Si, jusqu’en 2002, la caisse des écoles était seulement chargée de gérer la cantine et les garderies scolaires, le conseil municipal a choisi de lui confier progressivement la gestion du patrimoine, la gestion du personnel municipal, les dépenses de fonctionnement et d’investissement, tous domaines relevant du scolaire. La chambre constate que la ville se trouve dessaisie d’une partie de ses compétences communales au bénéfice de la caisse des écoles qui est ainsi devenue l’acteur majeur de l’exercice de la compétence scolaire. Cette organisation, quel que soit son intérêt pratique, empiète sur les pouvoirs du conseil municipal. Les caisses des écoles sont des établissements publics dont les compétences sont définies strictement au code de l’éducation et n’ont pas vocation à se substituer à l’exercice des compétences communales en gérant leurs dépenses. De surcroît, les pouvoirs propres du maire ne peuvent faire, en aucun cas, l’objet d’un transfert au président de la caisse des écoles. -2-
I. PROCEDURE L’examen de la gestion de la caisse des écoles de la ville de Liévin a porté sur la période courant à partir du 1er janvier 2000. L’entretien préalable prévu par l’article L. 241-7 du code des juridictions financières a eu lieu avec M. Jean-Pierre Kucheida, maire de Liévin et président de la caisse des écoles, le 19 octobre 2007. Lors de sa séance du 5 février 2008, la chambre a formulé des observations provisoires qui ont été adressées, conformément aux articles L. 241.9 et R. 241-12 du code des juridictions financières, à l’ordonnateur le 17 avril 2008. Sa réponse est parvenue à la chambre le 16 juin 2008. Après l’avoir examinée, la chambre, lors de sa séance du 4 septembre 2008, a formulé les observations définitives suivantes. Dans le cadre de son contrôle, la chambre a examiné l’évolution de la gestion de la caisse des écoles sous l’angle de l’exercice des compétences telles qu’elles sont prévues au code de l’éducation, et sa gestion budgétaire et financière par rapport aux liens juridiques et comptables que l’établissement entretient avec la commune. II. OBSERVATIONS DEFINITIVES Pour répondre aux besoins d’une population jeune dans un contexte socio-économique encore difficile1, la ville a souhaité organiser un accompagnement global de l’enfance. La caisse des écoles en constitue un des acteurs majeurs en assurant la coordination des diverses composantes de la politique scolaire et d’autres politiques municipales. Ainsi, outre toute la compétence scolaire communale, s’est-elle vu rattacher : - le « compartiment jeunesse » de la politique de rénovation urbaine (appelée politique de la ville) ; - le service jeunesse qui gère plusieurs équipements et services dédiés à la jeunesse en dehors du temps scolaire : colonies de vacances, soutien scolaire à la famille (hors du temps scolaire), Point Information Jeunesse et les 4 centres pour adolescents ; - les centres sociaux qui sont des structures associatives agréés par la caisse d’allocations familiales. Sans ignorer les préoccupations de la commune, la chambre observe que le choix de la caisse des écoles comme organe central de la coordination de la politique éducative, est porteur de risques juridiques significatifs. Cet établissement, soumis à un principe de spécialité relativement restrictif, ne peut notamment se voir confier des compétences scolaires attribuées par le législateur au maire ou au conseil municipal. I - LES MISSIONS DEVOLUES A UNE CAISSE DES ECOLES La création des caisses des écoles résulte de l’article 15 de la loi sur l’enseignement primaire du 10 avril 1867. Aux termes de celui-ci, il pouvait être créé « dans toute commune, une caisse des écoles destinée à encourager et à faciliter la fréquentation de l’école par des 1 Taux de chômage : 13,9 % au 30 juin 2007 au sein de l’arrondissement (source : DRTEFP « Perspective du marché du travail », juillet 2007). Par ailleurs, 68 % des ménages ne sont pas imposables et 47 % des foyers ont moins de 686 € par mois pour vivre. -3-
récompenses aux élèves assidus et par des secours aux élèves indigents ». Si, à l’origine, la création d’une caisse des écoles était facultative pour les communes, le législateur l’a rendue obligatoire à partir de 1882. En 2000, les dispositions concernant les caisses des écoles ont été codifiées aux articles L. 212-10 à L. 212-12 du code de l’éducation. Ainsi « une délibération du conseil municipal crée, dans chaque commune, une caisse des écoles destinée à faciliter la fréquentation de l’école par des aides aux élèves en fonction des ressources de leur famille ». L’article 130 de la loi 2005-32 de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a complété l’article L. 212-10 par la disposition suivante : « Les compétences de la caisse des écoles peuvent être étendues à des actions à caractère éducatif, culturel, social et sanitaire en faveur des enfants relevant de l’enseignement du premier et du second degré. A cette fin, la caisse des écoles peut constituer des dispositifs de réussite éducative ». Si les caisses des écoles ont vu leur mission s’élargir au fil du temps, elles n’en demeurent pas moins des établissements publics soumis au principe de spécialité. Personnes morales dont la création n’est justifiée que par la mission qui leur a été confiée, elles n’ont pas de compétence générale au-delà de cette mission2 et disposent de leur propre organe d’administration et d’un mode de financement spécifique. Ainsi, l’article R. 212-26 du code de l’éducation dispose que la caisse des écoles est administrée par un comité présidé par le maire et constitué de l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de la circonscription ou de son représentant, d’un membre désigné par le préfet, de deux conseillers municipaux désignés par le conseil municipal, et de trois membres élus par les sociétaires réunis en assemblée générale. Le conseil municipal peut, par délibération motivée, porter le nombre de ses représentants à un chiffre plus élevé. Dans ce cas, les sociétaires peuvent désigner autant de représentants supplémentaires que le conseil municipal en désigne en plus de l’effectif normal. Quant à son financement, l’article L. 212-10 dispose que « le revenu de la caisse se compose de cotisations volontaires et de subventions de la commune, du département ou de l’Etat. Elle peut recevoir, avec l’autorisation du représentant de l’Etat dans le département, des dons et des legs ». Les communes assurent le plus souvent l’équilibre des budgets des caisses des écoles par des subventions, les participations des familles, quand elles sont instituées, s’avérant le plus souvent insuffisantes pour équilibrer les dépenses des cantines. II - LES ACTIVITES DE LA CAISSE DES ECOLES DE LA COMMUNE DE LIEVIN AU REGARD DU PRINCIPE DE SPECIALITE La caisse des écoles a été créée à Liévin par une délibération du conseil municipal du 21 juillet 1941. Devenu progressivement un acteur majeur du service communal de l’éducation, elle s’est vu transférer des pans entiers de la politique scolaire qui dépassent les attributions que le législateur lui a confiées. 2 Voir par exemple en ce sens un arrêt de la CAA de Paris du 9 août 2000, EPAD n° 00PA00870. -4-
A - Le patrimoine La caisse des écoles joue aujourd’hui un rôle déterminant dans la gestion du patrimoine scolaire : - L’ouverture, en 2002, d’une section budgétaire d’investissement a permis à la caisse des écoles de prendre en charge l’ensemble des travaux d’entretien et les acquisitions de biens mobiliers. Selon la présentation analytique communiquée à la chambre, ces dépenses seraient de 1 M€ en 2003 et de 2,6 M€ en 2006. - Le conseil municipal a choisi, par délibération du 2 décembre 2002, de transférer à la caisse l’essentiel du patrimoine scolaire, avec la mise à disposition, au 1er janvier 2003, de 22 écoles primaires et maternelles et de 4 centres d’animation jeunesse. L’année suivante, par une délibération du 12 décembre 2003, un centre culturel et social lui a également été affecté au 1er janvier 2004. - En revanche, le financement des constructions nouvelles (2,8 M€ en 2005) continue de relever directement du budget communal. Son importance varie significativement d’une année à l’autre. Ainsi, à compter du 1er juillet 2003, la commune réalise les constructions neuves et les extensions en matière de bâtiments scolaires. Si la commune reste propriétaire des locaux et en assure la construction, reconstruction et extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement sont assurés par la caisse des écoles. Le conseil municipal délibère préalablement sur ces opérations, et pour ce qui est des travaux en régie, ils font l’objet de délibérations conjointes et concordantes. B - Le personnel et la gestion Jusqu’en 2002, la caisse était chargée de gérer la cantine et les garderies scolaires, et assurait aussi la gestion des crédits de fonctionnement des écoles. Par délibération du conseil municipal du 12 décembre 2003, l’ensemble du personnel technique municipal chargé de l’entretien des locaux scolaires lui a été transféré par mise à disposition, à compter du 1er janvier 2004. La caisse des écoles est désormais habilitée à le gérer et à le rémunérer elle-même. Ainsi, moyennant une subvention annuelle croissante reçue de la commune (1,6 M€ en 2002 et 4,4 M€ en 2005), la caisse des écoles rémunère le personnel d’entretien ou d’assistance des écoles, gère les frais de fonctionnement, décide des travaux d’entretien, adopte les tarifs des activités périscolaires et acquiert le matériel et le mobilier. La caisse prend également les décisions relatives à l’ouverture ou à la fermeture des classes. C - La confusion de gestion Le même dessaisissement des pouvoirs du conseil municipal au profit de la caisse des écoles se retrouve tant pour l’investissement que le fonctionnement. Quelle que soit l’organisation comptable et financière retenue, les pouvoirs pleins et entiers d’une commune ne peuvent se confondre avec ceux de l’un de ses établissements publics qui ne disposent que de l’autonomie juridique, dans le cadre de compétences spécialisées. -5-
La caisse des écoles ne peut exercer dans le domaine budgétaire des compétences qui sont celles de la commune, même si les crédits sont correctement affectés d’une entité à l’autre et qu’une comptabilité analytique plus fine au niveau de chaque établissement scolaire permet, comme le fait valoir l’ordonnateur, de mieux retracer les coûts, et en outre, de recueillir des subventions, en particulier de la CAF dans le cadre du contrat Petite Enfance. Dans cette modalité de gestion, ce qui apparaît critiquable, ce n’est pas tant une insuffisante information du conseil municipal appelé à voter les crédits et garantir les emprunts relatifs aux investissements de la caisse des écoles, mais le dessaisissement de ses pouvoirs propres, lesquels ne peuvent, juridiquement, être attribués à une autre instance. Un plus grand nombre de conseillers municipaux représentant la commune au comité de la caisse des écoles, n’efface évidemment pas cette critique d’exercice par la caisse des écoles de compétences relevant du conseil municipal. III - LE RESPECT DES COMPETENCES DEVOLUES AU CONSEIL MUNICIPAL L’organisation mise progressivement en place résulte d’une interprétation extensive des textes. Si les compétences scolaires dévolues au maire (inscription, gestion des locaux) n’ont pas fait l’objet d’un transfert formel au président de la caisse des écoles, néanmoins les missions confiées à la caisse des écoles empiètent sur les compétences du maire ou du conseil municipal. Le conseil municipal de Liévin n’intervient plus en matière scolaire que pour la détermination de la subvention annuelle attribuée à la caisse et pour les décisions concernant le patrimoine, dont la ville reste propriétaire. Or, juridiquement seul le conseil municipal est compétent pour délibérer de : - l’implantation des écoles et classes élémentaires d’enseignement public après avis du représentant de l’Etat dans le département (article L. 212-1 du code de l’éducation, en application de l’article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales) ; - la gestion des écoles (article L. 212-4 du code de l’éducation) : la commune est propriétaire des locaux, elle en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement ; - la gestion des crédits de fonctionnement (article L. 212-5 du code de l’éducation) qui constituent des dépenses obligatoires ; - la fixation du ressort des écoles publiques (article L. 212-7 du code de l’éducation). Le comité de la caisse des écoles avait adopté, par délibération du 11 mai 2007, le périmètre scolaire. Cette délibération a fait l’objet d’une demande de retrait de la part du sous-préfet de l’arrondissement de Lens. La chambre note que la caisse des écoles a effectivement retiré sa délibération, et la commune, compétente, a délibéré le 28 septembre 2007. En conclusion, la chambre recommande à la caisse des écoles de redéfinir ses compétences et son organisation afin que celles-ci soient conformes aux dispositions du code général des collectivités territoriales et du code de l’éducation. * * * -6-
Données chiffrées (en milliers d’euros) Recettes et dépenses globales de la caisse des écoles 2003 2004 2005 2006 Recettes 346 440 605 574 Administration générale Charges -641 -730 -598 -530 S/T -295 -290 7 44 Recettes 553 695 725 828 Cantines scolaires Charges -735 -643 -805 -783 S/T -182 52 -80 45 Recettes 164 206 197 193 Classes extérieures Charges -137 -147 -181 -164 S/T 27 59 16 29 Recettes 133 148 149 148 Garderie périscolaire Charges -78 -79 -135 -152 S/T 55 69 14 -4 Recettes 1 051 1 570 1 846 2 340 Groupes scolaires Charges -1 068 -1 561 -1 795 -2 582 S/T -17 9 51 -242 Recettes 0 399 12 19 Programme santé Charges 0 -385 -11 -11 S/T 0 14 1 8 Recettes 2 247 3 458 3 534 4 102 Sous-total scolaire Charges -2 659 -3 545 -3 525 -4 222 S/T -412 -87 9 -120 Recettes 1 658 1 524 2 258 2 409 Sous total jeunesse et social Charges -1 442 -1 556 -2 131 -2 245 S/T 216 -32 127 164 Recettes 3 905 4 982 5 792 6 511 Total Caisse des écoles Charges -4 101 -5 101 -5 656 -6 467 Total -196 -119 136 44 Dépenses scolaires inscrites au budget de la ville (budget ville, fonction n° 2) 2002 2003 2004 2005 Charges à caractère général 498 383 0 0 Personnel 1 253 761 215 33 Gestion courante 1 758 Total charges de fonctionnement 3 509 1 144 215 33 Part de la subvention versée par la ville à la caisse des écoles (compte 75736) 2002 2003 2004 2005 Subventions caisse des écoles 1 639 2 491 3 862 4 389 Total participations et subventions 6 191 7 980 8 663 9 547 Part de la caisse des écoles 26% 31% 45% 46% -7-
ROD.0409 REPONSE AU RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES - Caisse des écoles de Liévin - (Département du Pas-de-Calais) Ordonnateur en fonction pour la période examinée : - M. Jean-Pierre Kucheida : Réponse (2 pages) + annexes (8 pages) « Les destinataires du rapport d’observations disposent d’un délai d’un mois pour adresser au greffe de la chambre régionale des comptes une réponse écrite. Dès lors qu’elles ont été adressées dans le délai précité, ces réponses sont jointes au rapport. Elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs » (article 42 de la loi 2001-1248 du 21 décembre 2001). 14, rue du Marché au Filé 62012 - Arras Cedex Téléphone 03.21.50.75.00 Télécopie 03.21.24.24.79
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