République Française Au nom du peuple français La chambre, Cour des comptes

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Jugement n° 2021-0001                                           Communauté d’agglomération du
                                                                Grand Angoulême
Audience publique du 7 janvier 2021                             (016 003 998)
                                                                Département de la Charente
Prononcé du 8 février 2021

                                                                Exercices 2014 et 2015

                                   République Française
                                 Au nom du peuple français

                                            La chambre,
Vu le réquisitoire n° 2020-0006 en date du 11 mars 2020, par lequel le procureur financier a saisi la
chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine en vue de la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire de Mme Sophie X... et de M. Damien Y..., comptables de la communauté
d’agglomération du Grand Angoulême au titre d’opérations relatives aux exercices 2014 et
2015, notifié aux comptables les 27 mai 2020 et à l’ordonnateur le 4 juin 2020 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la communauté d’agglomération du Grand
Angoulême, par Mme Sophie X..., le 1er janvier 2014, et M. Damien Y..., à compter du 2 janvier
2014 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu l’arrêté du président de la chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine n° 2019-39 du
19 décembre 2019 relatif aux attributions des sections et des formations délibérantes ;
Vu l’arrêté du président de la chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine n° 2019-40 du
19 décembre 2019 fixant la composition des sections et l’affectation des vérificateurs de la chambre
régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine ;
Vu le jugement avant-dire droit du 9 octobre 2020 ;
Vu la décision du 13 octobre 2020 par laquelle le président de la troisième section a désigné
Mme Françoise Falga, première conseillère, en qualité de magistrat chargé de l'instruction ;
Vu le rapport à fin de jugement des comptes de la communauté d’agglomération du Grand
Angoulême, déposé au greffe de la chambre régionale des comptes le 1er décembre 2020 ;
Vu les réponses apportées par M. Damien Y... les 28 mai 2020, 4 et 24 novembre 2020 ;
Vu les réponses apportées par Mme Sophie X... les 14 août 2020 et 10 novembre 2020 ;
Vu l’ensemble les pièces à l’appui ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
                    3, place des Grands Hommes CS 30059 - 33064 BORDEAUX CEDEX - www.ccomptes.fr
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Entendus lors de l’audience publique du 7 janvier 2021, Mme Françoise Falga, première conseillère,
en son rapport, et M. Sébastien Heintz, procureur financier, en ses conclusions, les comptables et
l’ordonnateur n’étant ni présents ni représentés à l’audience ;

Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;

Sur la présomption de charge unique à l’encontre de Mme Sophie X... et de M. Damien Y... pour
défaut de justification du solde débiteur du compte 445888 « Taxe à la valeur ajoutée – autres taxes
sur le chiffre d’affaires à régulariser en attente » au 31 décembre 2016

   1. Sur le réquisitoire du procureur financier du 11 mars 2020

Considérant que le réquisitoire n° 2020-0006 du 11 mars 2020 soulève une présomption de charge
unique de 8 666,50 € à l’encontre de Mme Sophie X..., comptable de la communauté d’agglomération
du Grand Angoulême jusqu’au 1er janvier 2014 et de M. Damien Y..., comptable en fonctions pour
l’exercice 2014 à compter du 2 janvier 2014 ; que cette présomption de charge est motivée par un
grief de premier rang, relatif à une absence de justification, à concurrence de ce montant, du solde
débiteur, au 31 décembre 2016, du compte 445888 « TVA - Autres taxes sur le chiffre d’affaires à
régulariser ou en attente » du budget principal de la communauté d’agglomération du Grand
Angoulême, auquel un second grief, lié à une carence en matière de recouvrement, est susceptible de
se substituer ;

Considérant en effet que le procureur financier rappelle que tout solde débiteur doit être justifié, d’une
part, et qu’un compte débiteur de taxe à la valeur ajoutée (TVA) laisse présumer l’existence de droits
à déduction, lesquels se prescrivent par deux ans en application des dispositions de l'article 208 de
l’annexe II du code général des impôts, d’autre part ;

Considérant que le réquisitoire relève que le compte 445888 « TVA - Autres taxes sur le chiffre
d’affaires à régulariser ou en attente » du budget principal de la communauté d'agglomération du
Grand Angoulême était débiteur de 27 663,21 € au 31 décembre 2016, solde inchangé depuis le 31
décembre 2013 ; que ce montant comprenait une somme de 8 666,50 € résultant de deux écritures
effectuées en 2014 et datées du 31 décembre 2013, ayant eu pour effet d’apurer les comptes 44571
« TVA collectée » pour 1 157,97 € et 4566 « TVA sur autres biens et services » pour 7 508,53 € ;

Considérant que le procureur financier constate que le solde du compte 445888 au 1er janvier 2013
était débiteur de 20 231,71 €, en raison d’écritures antérieures à l’exercice 2006, désormais
prescrites ; que ce solde a été porté à 27 663,21 € au 31 décembre 2013 par suite de différentes
écritures parmi lesquelles les deux mouvements précités d’un montant global de 8 666,50 € ; que,
dans la mesure où ces derniers résultaient d’écritures réalisées en 2014, la somme de 8 666,50 € était
susceptible d’être irrécouvrable au plus tard le 31 décembre 2015 ;

Considérant, enfin, que M. Damien Y... a émis des réserves sur l’intégralité du solde débiteur du
compte 445888 à la date de son entrée en fonctions, y compris ladite somme de 8 666,50 €,
mouvementée en 2014 et rattachée à l’exercice 2013 ;

   2. Sur la réponse de l’ordonnateur

Considérant que l’ordonnateur n’a fait parvenir aucune réponse ;
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   3. Sur les réponses des comptables

Considérant qu’il ressort de l’instruction et qu’il n’est pas contesté que les écritures de régularisation
précitées ont été passées par M. Damien Y..., les 19 février et 6 mars 2014 ;

Considérant que, Mme Sophie X..., comptable en fonctions le 1er janvier 2014, avait fait savoir, dans
le cadre de l’instruction du jugement avant-dire droit rendu le 9 octobre 2020, n’avoir « pas d’élément
de réponse à formuler à la lecture du réquisitoire, les écritures en cause ayant été enregistrées en
2014 » ;

Considérant qu’il ressort des réponses apportées par Mme Sophie X... dans le cadre de la présente
instruction que le solde du compte 445888 au 31 décembre 2013, reconstitué à partir du livre
auxiliaire des comptes de tiers et financiers (LACTF) arrêté à cette date, s’élevait à 20 152,71 € ; que
ledit LACTF retrace des écritures effectuées au cours de l'exercice 2013, comprenant notamment des
écritures avec une date comptable postérieure au 31 décembre 2013 et enregistrées à cette date ; que
Mme Sophie X... soutient que, selon le LACTF, les comptes 44571 et 44566 ont été entièrement
soldés par les opérations de liquidation de la TVA afférentes aux mois de novembre et de décembre
2013 ; que celle-ci précise qu’en tout état de cause les comptes 445 « État sur le chiffre d’affaires de
TVA » ne peuvent, en tant que comptes de tiers, faire l’objet d’écritures au titre de la journée
complémentaire d’un exercice comptable ;

Considérant que M. Damien Y... avait, dans le cadre de l’instruction du jugement avant-dire droit
rendu le 9 octobre 2020, fait valoir que toutes les écritures à l’origine du solde du compte 445888 à
la date de son entrée en fonctions, soit globalement 27 663,21 €, et visées par ailleurs dans ses
réserves, avaient été passées avant la clôture de l'exercice 2013 ; qu’il en avait déduit qu’elles
relevaient de la responsabilité du ou des comptables en poste avant le 1 er janvier 2014 ; qu’il avait
précisé, en outre, que la somme de 8 666,50 €, objet du réquisitoire du procureur financier, ne
correspondait en aucun cas à de la TVA à récupérer ; que celle-ci résultait d’écritures destinées à
« ajuster » les comptes de TVA dans l’application Hélios ;

Considérant qu’il ressort des éléments produits par l’intéressé lors de la présente instruction que les
comptes 44566 et 44571 ont donné lieu à des écritures d’un montant total de 8 666,50 €, saisies
« pendant la journée complémentaire » de l’exercice 2013 afin de les mettre en conformité avec la
situation de la communauté d'agglomération du Grand Angoulême en matière de TVA récupérable
au titre de 2013 ; qu’il justifie ce décalage par une pratique existante antérieurement à son entrée en
fonctions au sein du poste comptable ;

Considérant que M. Damien Y... a communiqué, à l’appui de ses réponses, uniquement des numéros
de mandats et de titres de recettes annulatifs à l’origine des écritures précitées ;

   4. Sur l’existence de circonstances constitutives de la force majeure

Considérant qu’aux termes du paragraphe V de l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du
23 février 1963 modifiée : « lorsque […] le juge des comptes constate l’existence de circonstances
constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du
comptable public » ;

Considérant que les comptables successifs mis en cause dans le réquisitoire du procureur financier
n’ont pas invoqué de circonstances constitutives de la force majeure au sens du premier alinéa du V
de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susmentionnée ; qu’aucun autre élément de l’instruction
n’a permis de caractériser, au cas d’espèce, l’existence de telles circonstances exonératoires de
responsabilité ;
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   5. Sur le manquement du comptable

Considérant que M. Damien Y... a communiqué uniquement des numéros de mandats et de titres de
recettes annulatifs à l’origine des écritures précitées, sans exciper des déclarations que l’ordonnateur
aurait émises auprès de l’administration fiscale en vue de la récupération de la TVA afférente aux
mois de novembre et de décembre 2013 ; qu’il ressort du dossier que les écritures d’un montant global
de 8 666,50 €, objet du réquisitoire, réalisées en 2014 et rattachées à l'exercice 2013, ne sont étayées
par aucune pièce précise permettant d’identifier les mandats de dépenses grevées de TVA
correspondants ; qu’en tout état de cause les soldes des comptes 445666 et 445671, d’un montant
global de 8 666,50 € antérieurement aux écritures de régularisation effectuées en 2014 et datées du
31 décembre 2013, n’étaient pas non plus justifiés ;

Considérant que, sans qu’il soit besoin d’examiner l’existence d’une éventuelle carence dans le
recouvrement de la somme en cause, les éléments produits par le comptable en fonctions ne
permettent pas de reconstituer le solde du compte 445888, ni de justifier que les écritures de
régularisation précitées avaient pour origine des opérations relevant de l’exercice 2013 ;

Considérant que tout solde débiteur non justifié constitue un manquant dont la responsabilité incombe
au comptable en fonctions à la date à laquelle le solde est apparu inexpliqué ;

Considérant qu’en application du IV de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables « se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou
un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, (…) » ;

Considérant que la circonstance exposée par M. Damien Y..., selon laquelle ce manquement serait dû
à l’organisation du poste comptable antérieure à son entrée en fonctions, ne saurait l’exonérer de sa
responsabilité personnelle et pécuniaire ;

   6. Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du comptable

Considérant qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 : « … Lorsque
le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à
l’organisme concerné…, le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers
personnels la somme correspondante » ; que la notion de préjudice financier est définie comme un
appauvrissement définitif de l’organisme ;

Considérant qu’au cas particulier l’existence d’un solde débiteur injustifié d’un compte de tiers est
nécessairement constitutif d’une situation ayant entraîné un appauvrissement patrimonial non
recherché de l’organisme ; que, par conséquent, conformément à l’article VI de l’article 60 de la loi
du 22 février 1963 précitée, M. Damien Y... doit être constitué débiteur de la communauté
d'agglomération du Grand Angoulême à concurrence de 8 666,50 € ;

Considérant qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963
modifiée : « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de
la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce il y a lieu de
retenir comme point de départ des intérêts au taux légal, la date de notification du réquisitoire du
procureur financier au comptable, soit le 27 mai 2020 ;

Considérant qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « (…) Les
comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas
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mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise
gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable public ou de respect
par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses,
aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité
personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget
étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable public une somme au moins égale au
double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI. » ;

Considérant qu’aucune disposition du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense ne saurait être
appliquée au cas d’espèce, caractérisé par l’existence d’un manquant au niveau d’un compte de tiers ;
que, par suite, la somme mise à la charge du comptable ne pourra faire l’objet d’une remise gracieuse
totale par le ministre en charge des comptes publics ;

Par ces motifs,

                                              Décide

Article 1er : M. Damien Y... est constitué débiteur de la somme de huit mille six cent soixante-six
euros et cinquante centimes (8 666,50 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 27 mai 2020 ;

Article 2 : Une éventuelle remise gracieuse accordée à M. Damien Y... ne pourra être inférieure à 3
‰ de son cautionnement, conformément aux dispositions du paragraphe IX alinéa 2 de l’article 60
de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Article 3 : En raison de la charge prononcée à son encontre, il est sursis à la décharge de M. Damien
Y... pour la période allant du 2 janvier 2014 au 31 décembre 2015 jusqu’à l’apurement de la somme
arrêtée à l’article 1er ;

Article 4 : Mme Sophie X... est déchargée de sa gestion des comptes de la communauté
d'agglomération du Grand Angoulême au titre de l'exercice 2014, pour la journée du 1er janvier 2014 ;

Article 5 : Mme Sophie X... est déclarée quitte de sa gestion des comptes de la communauté
d'agglomération du Grand Angoulême terminée le 1er janvier 2014 ;

Fait et jugé par M. Jean-François Monteils, président, MM. Gilles Kovarcik et Pierre Grimaud,
présidents de section, MM. Daniel Cocula et Laurent Bourgin, premiers conseillers.

En présence de M. Manuel Daviaud, greffier de séance.

                  Manuel Daviaud                                Jean-François Monteils
                  Greffier de séance                              Président de séance
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