Revue francophone de haïku - Édition de l'Association française de haïku - Association Francophone de Haïku

 
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Revue francophone de haïku - Édition de l'Association française de haïku - Association Francophone de Haïku
Numéro 22
                                                  Janvier 2009
                                                     6ème Année

                                       Revue francophone de haïku
      Spécial Festival Montréal 2008

Édition de l’Association française de haïku
Revue francophone de haïku - Édition de l'Association française de haïku - Association Francophone de Haïku
Sommaire

                                Éditorial, C. Rodrigue     3
                            Coups de cœur du jury          4
                           Calligraphie, E. Sugiyama       5
                           Sélection Haïku, D. Duteil      6
                                  Haïga, I. Codrescu       13
           DOSSIER FESTIVAL À MONTRÉAL , C. RODRIGUE       14
             Le haïku : bénévole et libre, J. Belleau      16
            Sous vos pas, des haïkus, J. Painchaud         18
                 Haïku et mathématiques, R. Bilinski       20
                Le haïbun, une approche, H. Boissé         23
                          Haïku et Internet, D. Duteil     25
    Modernités : Variations sur une tradition, F. Kretz    28
                   Haïku, l’anarchisme…, A. Legoin         30
            Entretien avec A. Duhaime, J. Antonini         33
         Hommage à Bill Higginson, M. Thoma-Petit          36
                           Coups de cœur du jury           38
                        Calligraphie, E. Sugiyama          39
                        Sélection Senryû, D. Duteil        40
                                Haïga, I. Codrescu         43
               Entretien H. Boissé/C. Melançon             47
                                 Nous avons reçu           51
              Chroniques du Canada, H. Boissé              56
                                         Annonces          58
                      Vieil étang Héron, Tessa W.          59
                             Du Japon, K-D. Wirth          60
                                            Gongs          62

                Photographie de couverture : M. Lévesque

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Éditorial

Pour la première fois, la Grand-     trop vite. L’arrière-petite-nièce
tante Europe a quitté sa couet-      Montréal a organisé une fête
te. Il faut dire qu’elle n’est pas   avec beaucoup d’invités. Le
sorteuse la vieille tante, une       cousin Francis jouait du piano,
chance que l’arrière-petite niè-     on a vu le livre où Janick mon-
ce Montréal est délurée. Rece-       trait toutes sortes de regards. Le
voir la Grand-tante, c’est aussi     Consul général du Japon, Mon-
stressant que d’accueillir « ma      sieur Atsushi Nishioka, est venu
tante et mon oncle des États ».      avec sa dame. Il nous a fait
On les connaît par les cartes Fée    l’honneur de lire son premier 5-7-
Internet qu’on s’envoie.             5 en français. Le petit Franco-
Malgré tout, la Grand-tante Eu-      Haïku était content de rencontrer
rope est une bonne voyageuse.        quelqu’un de son pays d’origine.
La petite Montréal a été ravie,      Et il ne faut pas oublier la belle
le séjour du 9 au 12 octobre a       température. Cette galanterie
été bien rempli. Trop de cho-        automnale a permis d’agréa-
ses… La soixantaine de petits-       bles moments pour admirer les
cousins ça fait du monde à           feuillus, les dégustations au Mar-
chaque tablée. Les cousines Ja-      ché Jean-Talon, les promenades
nick, Jeannine et le cousin Pa-      au parc Jarry, dans la Petite Ita-
trick savent recevoir la parenté.    lie ou le Vieux-Montréal. Tout
En plus, ils ont des amis qui par-   pour enchanter la Grand-tante
lent de l’adopté de la famille,      Europe et l’arrière-petite nièce
Franco-Haïku, de ses aventures       Montréal parties en goguette
sur les trottoirs, avec les mathé-   pour un petit coup de 5-7-5.
matiques ou ses problèmes d’i-       Enfin, Grand-tante Europe, ne
mages au cinéma.                     comptez plus les tours de visite.
On a appris à danser le renku        Attendre deux ans, c’est long
et le tanka. Le plus difficile,      sans vous taquiner. Et en place
c’est de chanter du « slam-          pour un « rigodon 5-7-5 », nature
haïku » ; ici, on est habitué au     québécoise.
« rigodon » de Vigneault. De
toute façon, le temps passait                        Claude Rodrigue

                                                                    3
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Sélection Haïku

                                           Coups de cœur du jury

Envol                                  J’aime aussi la construction du
Du héron                               haïku en conformité avec le
Un poisson rouge de moins
                       GILLES BRULET
                                       mouvement de l’oiseau. L’oiseau
                                       décolle, s’élève lentement et
L’envol du héron est, je suppo-        d’un vol ample s’éloigne dans le
se, comme le saut de la gre-           ciel. Mais au lieu d’une belle
nouille ou la fleur de cerisier une    image, c’est un trait d’humour
image récurrente du haï-               que l’auteur nous donne à lire à
ku traditionnel. On s’at-                    l’extrême fin du tercet.
tend ici à lire un haïku                     Pour moi ce haïku est une
contemplatif, exprimant                      réussite. Il s’est définitive-
en quelques traits la grâ-                   ment inscrit dans mon esprit.
                                                           PHILIPPE QUINTA
ce de l’oiseau. Et non,
l’auteur pointe son re-
                                            arbre coupé -
gard vers autre chose.                      à la fenêtre vide
En l’occurrence, la proie                   le vertige
de l’oiseau et se réjouit – du                               DAMIEN GABRIELS
moins je le lis ainsi - précisant
que cela fait un poisson rouge         Au premier coup d'œil, ces trois
de moins dans la pièce d’eau.          lignes ont provoqué en moi la
C’est pour le moins inattendu et       sensation du vertige. Texte bref.
c’est ce que j’aime.                   Peu de mots, pas de verbe. La
Je ne peux m’empêcher de               structure syntaxique minimaliste
penser à ces gros poissons rou-        renvoie à l'encadrement froid et
ges japonais, que je confonds          vide de la fenêtre. Les sonorités
peut-être avec des carpes koi,         renforcent les images : occlusi-
à l’esthétique plutôt douteuse.        ves de la première ligne pour les
Voir ces créatures écaillées, à        coups contre le tronc, constricti-
la peau blanche et rouge, par-         ves en « f » et « v » pour les deux
courir le fond des bassins ne          autres... glissement infini vers le
m’inspire rien d’autre qu’une          vide. L'absence de verbe et
sorte de dégoût.                       l'unique préposition laissent la

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place au lecteur. Arbre coupé,          Thème des sélections
par qui, pourquoi ? Quelle fe-        Hors saison (Hélène Boissé)
nêtre ? Vertige de qui, de
quoi ? Du vide vertical ou hori-         Jury des sélections
zontal ?... Un bijou.                  Dominique Champollion
           DOMINIQUE CHAMPOLLION          Philippe Quinta
                                           Patrick Simon

Notes parfumées
De ma voisine au concert                   Nous avons reçu
Ecouter quand même !                   203 haïkus et 150 senryûs
                JEAN-PAUL GALMANN           de 47 auteur.es

                                           Nous publions
Ce que j'aime dans ce haïku
                                       102 haïkus et 82 senryûs
est à la fois l'utilisation de plu-
sieurs sens, l'odorat, l'ouie et le
jeu des notes de parfum et de               Calligraphies
musique. En même temps, il y a             Emiko Sugiyama
une certaine légèreté du poè-
me comme de l'émotion.                          Haïgas
                                             Ion Codrescu
                     PATRICK SIMON

                                                                    5
Dans l’herbe allongées                     la nuit agitée
au milieu du clos barbelé                  se glissant parmi mes rêves
les vaches ruminent                        une goutte d'eau
                                                                 MARTINE BRUGIÈRE
Le ciel est gris
personne ne s’en aperçoit
Plus un seul oiseau

Le fermier a garé
entre le cheval et l’âne
sa cylindrée bleue
                        JEAN ANTONINI

                                           Une petite fille
                                           Sa comptine
                                           Traverse la haie

                                           Pleine lune
                                           Au-dessus de sa cabane -
                                           L’enfant muet
tout ébouriffé
sur le piquet de clôture                   Envol
le merle                                   Du héron
                           HÉLÈNE BOISSÉ   Un poisson rouge de moins

                                           Chatte sur lui
                                           Le radiateur
                                           Ronronne
                                                                      GILLES BRULET

Couloirs du métro
l'écorce de clémentine
gagne sur la clope

Ai-je vraiment besoin                      ultime journée avant les congés
d'un globe terrestre éclairant -           il souffle un vent
où sont mes chaussettes ?                  de liberté
                       DANYEL BORNER                                 LAURENT CABY

6
Sur l’écran plasma                      Ce matin
à haute définition                      un peu de lumière
un film muet.                           se pose sur nous
                                                         CHRISTOPHE CONDELLO
D’un pays à l’autre
viaducs pleins de graffitis
même époque !

Trompeuse statue
le héron immobile                       La pluie s’intensifie
attend son poisson.                     Entre deux gouttes d’eau
                                        Une goutte supplémentaire
Lundi comme les autres                                        ANNA TADJUIDEEEN
dans l’avion, les vacanciers
au sol, les employés.
                        PIERRE CADIEU

                                        Couronne de travers
après la pluie                          Consternée devant le miroir
tous ces petits trous                   - Orgie de frangipane.
démasquant la fourmilière
                      MARYSE CHADAY     Encore seule
                                        Mais Oh ! La splendeur du ciel !
                                         - Inépuisable.
                                                            SANDRINE DELANOÉ

Sur le parquet
après le yoga
une araignée glisse

Sonates pour clavecin                   sur ma joue, après
Les mouvements d'horloge                l’hésitation de sa bouche
de l'araignée                           sur la mienne exprès

Trépidations                            d’humeur tristounette
d'une mobylette au loin                 la lune orpheline et moi –
La dernière étoile                      un air d’épinette
                   HENRI CHEVIGNARD                          DIANE DESCÔTEAUX

                                                                           7
Le chant du grillon                      Au dojo
semblant sortir des entrailles           Même une mouche
de mon chat qui dort                     Hésite à rêver.

Deux joueurs d'échec                     Le Maître parle
dans leur bulle de vert                  Du sommet de la montagne
au jardin des plantes                    Juste un bras s’élève.

Plus pâle le ciel                        Assis là, tout seul
depuis le champ de bleuets               Je bavarde
fraîcheur d'une source                   Avec n’importe qui.
                       PATRICK DRUART
                                         Devant le mur blanc
                                         À peine assis
                                         Déjà l’esprit tricote.
                                                              PHILIPPE DUC-MAUGE
Savon rond
Dehors
Lune pleine

Une salle d’attente
Remplie
De silence

Le merle hésite
Regardant le barbelé                     aéroport
Sans comprendre                          un moineau s’attarde
                            HÉLÈNE DUC   bar de l’escale

                                         escalier de pierre
                                         derrière le four à pain
                                         l'odeur du figuier

juste un plouf !                         queue
la lune refait son œil                   derrière le muret
l'étang se rendort                       quel chien ?

dans un ciel muet                        trajet nocturne
l'ombre de quelques nuages -             des ombres heurtent la vitre
pleine lune                              en silence
                     GÉRARD DUMON                                 DANIÈLE DUTEIL

8
arbre coupé -                          sous l’érable rouge
à la fenêtre vide                      tant de palabres
le vertige                             - dialectes venus de France
                                                               CLAIRE GARDIEN
à mon clin d’œil
il n’a pas répondu
le héron sur la berge

huit pattes deux pieds
une araignée et moi
sur le paillasson
                                       Même les morts
prime time -                           sous le marbre rose
seul dans la rue avec                  prennent le soleil
la pleine lune                                            MARTINE GONFALONE
                     DAMIEN GABRIELS

                                       Je ressens encore
                                       Le tronc d’écorce dure
                                       Du chêne de mon père.

                                       Lueurs d’argent,
                                       Lune et nuages sur le lac.
                                       Elle ne viendra plus.

                                       Un rai de lumière,
                                       Poussières en suspension :
Sur l’épaule ambrée                    Segment d’univers.
De fines bretelles noires                                  LUCIEN GUIGNABEL
Que nos pensées suivent

Notes parfumées
De ma voisine au concert
Ecouter quand même !

Décolletés pleins                      Poivre de Cayenne
Promesses parfois tenues               au lieu du paprika -
Toujours soutenues                     Erreur piquante
                  JEAN-PAUL GALMANN                                 LIETTE JANELLE

                                                                               9
Le poisson frétille                      Mercredi cinoche -
Au bout de la ligne…                     Une pile de rehausseurs
Le pêcheur, lui, dort                    sur le diable à roulettes
                        HENRI LACHÈZE
                                         Cloches tibétaines -
                                         Au front de la boulangère
                                         un peu de farine

la perle ou                              Au ciel un éclat -
le suivez-moi-jeune-homme                Le sillon net
Vermeer hésite                           Croise le sillon tremblé
                       CÉLINE LAJOIE
                                         Bassin vaseux -
                                         Autour de la pastille de chlore
                                         L'eau si pure...
                                                              PAUL DE MARICOURT
Devenu maigre !
Si maigre, passe deux fois
pour faire de l’ombre.                   Rose des vents
                       CLAIRE LEFEBVRE   Le désert blanc des hommes bleus
                                         Trace l’horizon
                                                                DENISE MALOD

piano détente                            Petite montagne
s’endormir                               La ville de Montréal
sans dormir                              A perte de vue

Impatiente                               Sur la vitre embuée
d’entrevoir le ciel                      Traces de doigts d’enfant
les perce-neige                          Dessin mystérieux

ma sœur habite loin                      Visage endormi
le Saint-Laurent nous sépare             Contre la vitre du train
on ne sait pas nager                     Sourire en coin

trou d’eau                               Solitude –
pieds bottés                             Le poids
l’enfant s’éclate                        D’une plume
            CÉLINE MALTAIS-ROBITAILLE                                LYDIA PADELLEC

10
à mon toucher                           du début jusqu'à la fin
la grenouille s’est gonflée             du déménagement
effet bœuf                              l'Aude n'a cessé de couler

dos à la porte                          crépitante
il ne voulait pas sortir                la lave noire
de ses pensées                          des fondants au chocolat

à regarder les conifères                s'arrêter de jouer
ton visage                              pour contempler le cadavre
en surimpression                        du coléoptère

nuit sans vent                          s'improvisant chanteuse
rien pour perturber                     micro dans une main
mon insomnie                            volant dans l'autre

glissement -                            une vieille connaissance
ma main sur ta joue                     en costume trois-pièces
doux séisme                             mon banquier m'a dit
                  CAROLE MELANCON                                    MONSIEUR N.

ce matin
face à face avec mes globules
rouges
                        LISE ROBERT

Sur le ciment frais                     inclinaison
quel oiseau a joué                      des cyprès centenaires,
les stars ?                             même sans vent

Sur le sable mouillé                    herbes aromatiques
les pattes des mouettes                 mes doigts rouge grenat
tracent des cerfs-volants               en cueillant les brins
                      CHRISTOPHE ROHU            MARIE-JEANNE SAKHINIS DE MEIS

                                                                           11
Compagnons de route                       Dos comme un roseau
Altéis et lipanor*                        un livre de Li Po en main,
font la circulation                       une femme blonde
             * deux noms de médicaments
                                          Perdu en forêt –
Voyage en avion                           ah ! sentiers qui ne mènent
Deux fois dans les nuages                 nulle part…
Grâce au léxomil
                                          Devant la Tour d’Argent
Entre parenthèses                         un mendiant ouvre une bouteille
Entre la vie et la mort                   avec les dents
Chambre 127
                      PATRICK SOMPROU     Le papillon
                                          sur ton épaule posé,
                                          ton pas plus léger
                                                                    OLIVIER WALTER

dimanche matin -
le geai sur le lampadaire
déjà réveillé

Jardin botanique -
c'était donc ça les deutzies
dont parlait Bashô

Pas vraiment le seul                      ombres de linge
à dormir dans cette chambre -             ondulant dans l'eau - sans bruit
papillons de nuit                         une gondole noire
                      JULIEN STRYJAK
                                          ressac et embruns
                                          formations de basalte
                                          un an de méduses

rêver de randonnée                        dans la cage d'extraction
en regardant par la fenêtre               le mineur enseveli
de mon bureau                             et la lumière du jour

la tombée du jour                         bouchon
une étoile suspendue                      les nuages
à un croissant de lune                    se dissipent
                         LOUISE VACHON                           KLAUS-DIETER WIRTH

12
13
Le 3°Festival du haïku francophone

Le 3e Festival international du haï-   nada. Monsieur le Consul géné-
ku francophone s’est déroulé du        ral mentionnait qu’il était recon-
9 au 12 octobre à Montréal. Le         naissant de notre engouement
comité organisateur (Janick Bel-       pour le haïku et que la langue
leau, Jeannine Joyal et Patrick        française lui donnera une nou-
Simon et d’autres bénévoles)           velle vie.
avec l’appui de l’AFH ont su
choisir des ateliers diversifiés et
l’intérêt de l’écoute des person-
nes participantes l’a démontré.
Durant ces quelques jours, les
activités n’ont pas manqué.
Premièrement, 65 personnes se
sont inscrites au Festival dont 13
venues d’Europe. Deuxième-
ment, 21 invités ont animé des
ateliers, ou bien présenté des
mini-conférences, sans oublier
les personnes qui ont fait diver-      De gauche à droite : Jean Antonini (AFH),
ses présentations ou ont modé-           Danielle Shelton (éd. Adage), le Consul
                                           général du Japon, Atsushi Nishioka
ré les discussions. Troisième-
                                         et son épouse lors de la remise du livre
ment, nous avons assisté à sept        Regards de femmes, à la soirée d’ouverture.
lancements de livres, dont deux                Photographie de Carole Daoust
ouvrages collectifs, entre au-
tres, Regards de femmes. Qua-          Cinquièmement, dix artistes haï-
trièmement, lors de la soirée          kistes ont exposé 30 œuvres et
d’ouverture officielle, parmi les      cinq photographes ont croqué
130 personnes, monsieur Atsushi        plusieurs moments du Festival.
Nishioka, le Consul général du         Sixièmement,    cinq  entrevues
Japon, était présent. Cette an-        (médias électroniques et écrits)
née marquait le 80e anniversai-        ont été accordées. Septième-
re d’un heureux échange                ment, dans toute cette efferves-
culturel entre le Japon et le Ca-      cence, nous avons remarqué

14
qu’il n’y a pas eu de moments                       trouve aussi dans les collectifs
arrêtés dans l’horaire pour des                  Pixels et Regards de femmes (2008).
                                              Elle participe au Groupe Haïku Montréal.
séances d’écriture, mais était-ce
                                                   Membre du Comité organisateur
absolument nécessaire ? Je ne                         du 3e Festival international
crois pas. Pour ceux qui éprou-                         du haïku francophone.
vaient l’urgence d’écrire, il était
possible de trouver quelques mi-                              Patrick Simon
nutes pour s’adonner à sa fou-                 habite Laval. Depuis 2004, il s’intéresse
gue inspiratrice, en plus de tout              au haïku, au renga et au tanka. Participe
                                               aux revues Gong, Haïku Canada, Haïkai,
l’après-midi consacré à l’Assem-                  Brèves littéraires. Il a publié dans
blée générale annuelle de l’AFH.              l’anthologie L’érotique poème court/haïku
On le sait, ce n’est pas une acti-                et deux livres À deux pas de moi et
vité, peu importe le pays, qui a                       Tout proche de moi (tanka).
la cote de popularité.                               Anime le forum haïku et tanka
Enfin, voici quelques mots de                        http://haiku-tanka.aceboard.fr/
                                                   et la Revue du tanka francophone
présentations des membres du
                                              http://www.revue-tanka-francophone.com
Comité organisateur.

              Janick Belleau
habite la Rive Sud de Montréal. Elle s’in-
téresse au haïku et au tanka depuis 1997.
    A publié dans diverses anthologies
 Haiku Canada Anthology depuis 2005),
        Le Bleu du martin-pêcheur
      La Rumeur du coffre à jouets.
  Elle se commet aussi dans diverses re-
vues dont GONG (depuis 2003), Arcade ,
  casse-pieds, Haiku Canada Review, la
 Revue du tanka francophone, Gusts, etc.
        A publié un recueil intitulé
     Humeur – haïku et tanka (2003),
 codirigé L’Érotique poème court/ haïku
(2006; finaliste, Prix Gros Sel du Public,
                 Belgique)
 dirigé Regards de femmes–haïkus fran-
             cophones (2008).
 En 2007, elle était conférencière invitée          P. Simon, J. Joyal, J. Belleau
 au Japon, en Amérique du Nord et le se-            Photographie de Monique Lévesque
 ra en Europe, en 2009. En 2006, elle re-
 cevait le 2e prix (section internationale)   Merci pour l’accueil chaleureux ;
   du Concours Haîku Mainichi Japon               Merci pour les nouvelles
     une mention honorable en 2007.
                                               rencontres et les retrouvailles ;
             Jeannine Joyal                   Merci pour la qualité du travail
habite Montréal, très fière de sa ville. Le     accompli qui se résume bien
haïku est entré dans sa vie depuis six ans.    avec le haïku à la fin du texte
 Elle a publié des haïkus dans les revues      de Janick Belleau : Le haïku :
 Haïkai, casse-pieds et GONG ; on la re-             bénévole et libre.

                                                                                       15
LE DÉROULEMENT                  anniversaire de la fondation de
                                        la ville de Québec ; MM. Jean
Nous présentons une synthèse            Antonini et Patrick Simon, coor-
de chacune des activités ; cel-         ganisateurs du Festival, l’un en
les-ci ont été rédigées par les         France et l’autre au Québec, en
animateurs des ateliers. Nous           savent quelque chose. Comme
procédons par ordre chronolo-           dirait ce dernier : « bref comme
gique et nous ferons une courte         le poème, allons de l’avant et
présentation de chacune des             ne nous laissons pas intimider ».
personnes en charge de l’ate-           Malgré les subsides refusés au
lier, de la mini-conférence...          jeune Festival de l’AFH, j’ai été
Pour débuter, en guise d’intro-         très heureuse pour la Capitale
duction, nous vous présentons           nationale. En effet, sans l’arrêt
le texte de Janick Belleau qui          de la flotte du Sieur Samuel de
explique, entre autres, com-            Champlain à Québec en 1608, il
ment certaines activités peu-           n’y aurait pas eu de Festival du
vent naître grâce à l’implica-          haïku à Montréal en 2008.
tion de personnes qui croient           N’est-ce pas Dany Laferrière qui
au dépassement et qui ne                a écrit dans Je suis un écrivain
comptent pas les heures pour            japonais que « les artistes détes-
une cause qui leur tient à              tent que l’État se mêle de leur
cœur. C’est une réalité bien vi-        cuisine ». Et pourtant, cela aurait
vante dans tout le Canada et,           été sympa d’être bien vu ou en-
nous imaginons, ailleurs dans le        tendu des fonctionnaires. J’ai le
monde.                                  sentiment cependant que pour
                                        recevoir des subventions gou-
 LE HAÏKU : BÉNÉVOLE ET LIBRE           vernementales, il aurait fallu at-
 On ne se consacre pas à la poésie ;    tendre l’année 2034, alors que
                     on s’y sacrifie.   l’on célébrera le 500e anniversai-
                    Jean Cocteau
                                        re de la fondation de la ville de
                                        Montréal et que le Festival inter-
Les politiques culturelles des
                                        national du haïku francophone
gouvernements du Québec et
                                        en serait à sa 16e édition.
du Canada favorisent de leur
                                        Je désire, à titre d’initiatrice et
soutien des associations bien
                                        de coorganisatrice de cet évé-
implantées dans leur milieu et
                                        nement à Montréal, souligner ici
des manifestations culturelles
                                        officiellement l’engagement bé-
régionales ou provinciales
                                        névole de toutes les personnes
ayant des retombées nationa-
                                        qui ont fait de ce 3e Festival du
les ou internationales.
                                        haïku un franc succès. C’est le
Dur, il est dur de rivaliser avec
                                        don de soi de ces femmes et de
une 24e édition du Festival inter-
                                        ces hommes de bonne volonté
national de la poésie à Trois-
                                        qui fait en sorte que la Poésie,
Rivières (début octobre) et en-
                                        qu’elle soit d’origine japonaise
core davantage avec le 400e

16
ou francophone, continue de           qu’au Canada français ou an-
rayonner sur la planète – et, ce      glais : prenons, comme exem-
faisant, d’offrir à l’être humain     ple, Haïku Canada, le seul orga-
quelques instants de bonheur.         nisme reconnu regroupant les
À l’instar de Jeannine Joyal,         haïkistes d’un océan à l’autre.
ma collègue coorganisatrice           Depuis 1977 que ce mouvement
dans cette belle aventure, je         tient son congrès annuel sans
dirai que « je trouve cela ma-        secours gouvernemental autre
gnifique (…) touTes ces interve-      que celui de l’adhésion annuel-
nantEs…) qui ont donné béné-          le de ses membres, de la vente
volement leur temps et leur ex-       d’un trimestriel toujours broché
périence pour faire avancer la        et d’une inscription payante mi-
poésie (…). »                         nimale pour la participation au
C’est la 3e fois qu’un festival in-   congrès. Et ainsi font nombre de
ternational de haïku en français      regroupements culturels locaux
est mis sur pied avec les             ou nationaux.
moyens du bord – Nancy, Paris,        Je terminerai en reprenant à
Montréal. La seule rémunéra-          mon compte, ce mot du prési-
tion qu’ont reçue les bénévoles       dent de l’Union des écrivaines et
– des poètes – est d’avoir assis-     écrivains québécois (UNEQ),
té ou participé au plaisir d’au-      Stanley Péan ; il a dit de Gilles
trui et à celui des mots. L’in-       Vigneault, à qui l’on rend sou-
convénient du travail non ré-         vent hommage, que « son pays,
munéré est de devoir mettre           c’est la poésie ». Et, selon moi, la
sous le boisseau ses vies person-     poésie, parente pauvre du ro-
nelle et privée pendant neuf          man, ne peut être que libre.
mois pour l’organisation d’une        fin de festival
fête biennale d’une durée de          neuf mois d’énergie ardente
trois jours. L’avantage des servi-    soleil d’automne
ces non marchands est de jouir
de la Poésie sans devoir s’em-
pêtrer dans les fleurs du tapis
de l’antichambre gouverne-
mentale. La liberté d’action est
un plat qui se savoure à jeun.
Sans le bénévolat, nombre
d’associations culturelles com-
munautaires n’existeraient pas.
Et, qu’est-ce qu’un pays sans
l’énergie, la foi et la détermina-
tion de ses poètes sur papier,
sur Internet et dans l’âme ?
Le bénévolat est une valeur tra-       Érables de toutes couleurs à Montréal
                                           Photographie de Monique Lévesque
ditionnelle tant au Québec

                                                                              17
LE VENDREDI 10 OCTOBRE                    Hors les murs, hors la page :
                                              le haïku
La journée du vendredi était                  Depuis toujours, je suis fascinée
consacrée, en avant-midi, a un                par l’art public et l’art de la rue,
parcours poétique intitulé Sous               qui font le pari d’aller vers les
vos pas, des haïkus et à un ate-              gens et de partager le quotidien
lier Haïku et Math. En après-                 du commun des mortels. J’a-
midi, nous assistions à Haïkus et             vais aussi lu que les lecteurs, en
modernité en francophonie se-                 public, supportent difficilement
lon trois perspectives.                       de lire plus de 7 lignes, tellement
                                              leur attention est sollicitée… Je
            Jeanne Painchaud                  me suis dit : le haïku est si court,
     S’intéresse à ce genre littéraire        pourquoi ne pas reprendre la
          depuis presque 20 ans.
                                              même idée et le faire descen-
   Elle a publié deux recueils en solo
   (dont Je marche à côté d’une joie),        dre dans la rue au sens littéral
   un renku avec Francine Chicoine,           du terme !
      a collaboré à une vingtaine de          J’ai donc imaginé un parcours
         collectifs et anthologies.           de haïkus inscrits sur les trottoirs
 Elle cherche à faire connaître le haïku      des rues d’un quartier. Mais
  par des ateliers dans les écoles et les     quelle devait être sa longueur ?
bibliothèques, des expositions littéraires,
  en présentant des haïkus dans la ville,     Ni trop long, ni trop court. J’ai
  comme un nouveau type d’art public.         choisi 20 haïkus écrits par 20
           Elle habite Montréal.              poètes québécois vivants, et
                                              tout cela a formé une sorte de
  SOUS VOS PAS, DES HAÏKUS :                  mini-anthologie du haïku qué-
     PARCOURS POÉTIQUE                        bécois d’aujourd’hui. Puisque les
      SUR LES TROTTOIRS                       poèmes allaient être inscrits
                                              dans un espace urbain et dans
Petit, mon fils m’a posé un jour              une saison particulière, il fallait
une question qui m’a fait sourire,            choisir le thème des haïkus en
presque sous forme de haïku :                 conséquence. J’ai donc évité
                                              les poèmes qui référaient à l’hi-
Est-ce que les dinosaures
peuvent s’échapper                            ver, ou à la campagne, ou en-
du temps des dinosaures ?                     core au bord de mer. Tous les
                                              poètes qui avaient écrit les haï-
J’ai repris la balle au bon, et me            kus choisis ont accepté de parti-
suis un jour demandée si les haï-             ciper à l’aventure.
kus pouvaient s’échapper… des                 Parallèlement à cette démar-
recueils, anthologies, revues et              che, je suis allée en repérage
pages web ! Après tout, il n’est              pour trouver le meilleur tracé du
pas toujours facile de lire, de sai-          parcours : des rues bondées,
sir et d’apprécier chaque haïku               des rues calmes, des ruelles ?
qui jaillit de la page, quelque               J’ai trouvé des rues qui lon-
soit le support utilisé.                      geaient un parc, une église, un

18
vieil arbre, un resto de quartier,
etc., ce qui allait permettre une
mise en contexte et un lien na-
turel et fort entre les thèmes des
haïkus et les lieux même où ils
seraient inscrits. Ainsi, le haïku
de Gisèle Otis :
il rentre son ventre
quand la jolie serveuse
dessert

a été inscrit presque sur le seuil
d’un resto de quartier sans pré-
tention, où aurait pu se produi-
re la scène même qu’illustre le
haïku.
Le parcours, en boucle, débu-
tait juste en face de l’édifice            Jeanne Painchaud expliquant
où avait lieu le festival, à l’an-           sa technique du pochoir.
gle du boulevard Saint-Laurent              Photographie de Hélène Leclerc
et de la petite rue Jules-Verne.
Quel beau nom de rue, tout de
même, et quel gage de dé-             faire faire par une firme spéciali-
couverte ! Deux coins de rue          sée des « pochoirs », sorte de né-
plus loin, il fallait descendre la    gatif des lettres à tracer à la
rue De Gaspé, puis tourner sur        peinture. Puis, une autre ques-
la rue de Castelnau, et ensuite       tion a surgi : quelle grosseur
remonter la rue Casgrain jus-         choisir, pour respecter la discré-
qu’à la rue Jules-Verne à nou-        tion du haïku, mais aussi pour
veau. Il ne restait ensuite qu’à      être en mesure de le lire facile-
revenir sur nos pas, mais sur         ment sur le trottoir, sans être obli-
l’autre trottoir, jusqu’au boule-     gé de se pencher ? 12 cm de
vard Saint-Laurent. Des flèches       haut par 24 cm de large, cela
inscrites sur les trottoirs permet-   m’a paru la grandeur idéale.
taient de guider d’un haïku à
l’autre ceux qui empruntaient         La réception du projet
le parcours.                          Au fur et à mesure que j’inscri-
                                      vais les haïkus sur les trottoirs, plu-
Un peu de logistique                  sieurs personnes du quartier
J’aurais pu inscrire les haïkus à     étaient curieuses de savoir ce
main levée sur les trottoirs, mais    que je faisais, et enchantées
il m’a paru plus esthétique et        que j’ai choisi leur quartier pour
plus clair d’utiliser des lettres     mon parcours : des jeunes cou-
d’imprimerie. Pour cela, il fallait   ples, une parolière d’un certain

                                                                             19
âge, un comédien, un père de
famille, une dame très sensible
à l’appropriation de la ville par
ses citoyens, etc.
Durant le festival, c’est par une
magnifique journée d’automne
que j’ai animé l’activité de dé-
couverte du parcours, et une
bonne trentaine de personnes
y ont participé. Nous étions loin
de la médiation du haïku par
ordinateur ou photo interpo-
sés : c’était du concret, du ci-                   Robert Bilinski expliquant
ment, de la peinture… et il fal-                   un concept mathématique.
                                                   Photographie de Carole Daoust
lait même parfois repousser
quelques feuilles mortes pour
                                               HAÏKU ET MATHÉMATIQUES
bien lire le poème ! Au fur et à
mesure que j’expliquais ma dé-
                                            Le beau en mathématiques…
marche, je me suis rendue
compte       que     le   lecteur-          Wow ! Que c’est génial !
promeneur lisant les haïkus du              Résumé en quelques lignes
                                            Travail de Titan
parcours expérimentait, en fait,
une position privilégiée : celle            Des heures à comprendre
du poète lui-même qui se laisse             Évolution de l’esprit
                                            Théorème subtil
inspirer par ses sens et l’atmos-
phère des lieux pour que puisse
                                            Les haïkus mathématiques sont
surgir… le haïku !
                                            parmi nous…
                                            Falaise juchant fleuve
               Robert Bilinski              Donnant le vertige à l’âme
              habite Montréal.              Cherche rive sœur
        « Sans le savoir, dit-il, j’écris
                                            Les mathématiques apparais-
     des poèmes courts depuis 10 ans,
        formellement, depuis 2 ans. »       sent implicitement déjà dans
 A publié dans Canadian Haïku Review.       nombre de haïkus. En effet, le
  S’intéresse depuis plusieurs années au    lexique mathématique peut ai-
lieu commun entre mathématiques et arts     der à analyser le propos d’un
      (tant dans la forme que le fond).     poème : espace, vertical, hori-
« Dès mes débuts en haïku, je me suis mis
                                            zontal, cercle, triangle, distance,
   à écrire des ‘haïkus mathématiques’,
     à part des haïkus traditionnels ».     etc. parce que la substance
     Son atelier visait trois objectifs :   mathématique se retrouve déjà
     parler du beau en mathématiques        dans le texte.
       lire ses haïkus mathématiques        Les mathématiques sont utilisées
      valider une approche artistique.      pour décrire le monde et la na-
                                            ture, mais sont aussi un reflet de

20
la nature humaine et indisso-        forme et ce sont les autres
ciable de celle-ci. De ce point      champs lexicaux qui contribuent
de vue, elles peuvent servir de      à comprendre un phénomène
référence à la nature dans la        mathématique.
structure du haïku.                  Le problème posé
Triangle volant                      Recherche minutieuse
Chères chairs de plumes vivantes     La preuve est faite
Repeuplant le nord
                                     Ultimement, les mathématiques
À un premier niveau, dans un         peuvent imprégner le haïku,
haïku mathématique, on peut          tant dans le fond, que dans la
expliciter les perceptions en uti-   forme et le lexique… et devenir
lisant le lexique propre aux ma-     incompréhensible sans connais-
thématiques. Celles-ci prennent      sance dans le domaine.
de plus en plus de place dans
la forme, sans toucher le fond,      Haïkus : Les mathématiques de
qui, lui, appartient à un tout au-   la poésie ?
tre domaine.                         C’est long et c’est lourd
Cône tronqué plein                   Réécrire pour raccourcir
De café latté moussé                 Mathématicien !
Voyage sensuel
                                     Le rapprochement à faire entre
La référence mathématique est        les haïkus et les mathématiques
universelle et ne demande pas        ne se limite pas à l’exposé fait
un savoir savant pour compren-       jusqu’à maintenant. En effet, le
dre le poème.                        haïku semble être la forme de
Optimisation                         poésie la plus proche de l’esprit
Combien de becs ensemble ?           qui habite le mathématicien :
Quand le temps s’étire               concision, densité et quête de
                                     légèreté dans une recherche de
Les mathématiques, par con-
                                     description du monde.
tre, prennent de plus en plus de
                                     Un autre aspect soulevé briève-
place, mais laissent encore de
                                     ment lors de l’atelier est la natu-
la place pour d’autres sujets.
                                     re « chaotique » du haïku. Ici, ce
Cercle vicieux                       mot est pris au sens mathémati-
Téléphone entre les gens
                                     que pour décrire un phénomè-
Message déformé
                                     ne variant de manière extrême
Progressivement, on peut faire       en fonction de petites variations
référence à un corpus de             dans ses « conditions initiales ». À
connaissances mathématiques          la manière des « attracteurs
universelles (espace, temps,         étranges », chaque mot du haï-
géométrie, forme, chaos, infor-      ku prend plus de place et d’im-
mation, groupe, etc.) On en ar-      portance dans le poème de par
rive à un point où les mathéma-      leur petit nombre. En changer
tiques occupent le fond et la        un change beaucoup le sens et

                                                                    21
l’effet du tout.                          Vidéographie des extraits présentés
                                          lors de l’atelier
                                          « Dimensions », documentaire gratuit,
Pour finir, les mathématiques
                                          disponible au http://www.dimensions-
semblent pouvoir aider les haï-           math.org/Dim_fr.htm ;
kistes à mieux comprendre leur            « The Moëbius transformation revea-
art, si on se fie aux récents arti-       led », « chaos », « fractales », visiona-
cles dans GONG et les autres              bles sur You tube.
ateliers présentés lors de ce fes-        Bibliographie sur
tival : on utilise les statistiques       les « mathématiques et les arts »
pour mieux définir les différents         BÉLA, Bollobás, « The art of Mathematics »,
                                          Cambridge University Press, 2006 ;
styles de haïku et les particulari-       BELCASTRO, S.-M. et YACKEL, C., « Making
tés de leurs conceptions en               Mathematics with needlework, A.K.Peters,
fonction de la provenance du              2008 ;
                                          BILINSKI, Robert, « Quelques réflexions sur
poète (canadien versus fran-              les Mathématiques et la Danse », chapitre
çais versus africain).                    dans Mathématiques : Une science hu-
Voici quelques exemples de                maine, Éditions Prodafor, 2004 ;
                                          BILINSKI, Robert, « Quelques réflexions sur
haïkus qui ont été produits du-
                                          les Mathématiques et la Danse », ré-
rant cet atelier :                        impression en feuilleton dans le webzine
                                          MARTHI MAG au :
Ôte Yin et Yang                           Partie    1    :   http://www.marthiii.com/
La paroi couleur d’automne                Marthi_mag/2007-07-jui/
Montre un Christ en croix                 marthi_mag_conceptuel.htm ;
                      MARTINE BRUGIÈRE    Partie    2    :   http://www.marthiii.com/
                                          Marthi_mag/2007-08-aout/
                                          marthi_mag_conceptuel.htm ;
Attracteurs étranges
                                          Partie    3    :   http://www.marthiii.com/
Lents préliminaires                       Marthi_mag/2007-09-sept/
Amours bleues                             marthi_mag_conceptuel.htm ;
                         DANIÈLE DUTEIL   BILINSKI, Robert, « Mathématiques en Mou-
                                          vement », Bulletin de l’AMQ, décembre
Spirales des corps                        2007 ;
Au centre les cœurs                       COLLECTIF, « Mathématiques d’hier et
Aux bords les sens                        d’aujourd’hui », Modulo Éditeurs, 2000 ;
                         FRANCIS KRETZ    EMMER,        M.     et    MARANESI,     M.,
                                          “Mathematics, Art, Technology and
                                          Cinema”, Springer-Verlag, 2003 ;
                                          NORDON, D., Obstinations d’un mathéma-
                                          ticien, Belin Éditeur, 2003.

 22
Francis Kretz

                                                                    Martine Gonfalone

                                                                     HélèneBoissé

                                                                     Danièle Duteil

                                                                     Photographie de
                                                                     Monique Lévesque

Vendredi après-midi, au magni-                  LE HAÏBUN, UNE APPROCHE.
fique soleil et aux couleurs à fai-
re rêver un haïkiste, nous avons              Je tiens d’abord à préciser que
préféré les propos d’Hélène                   je ne suis pas une théoricienne
Boissé, Danièle Duteil et Francis             de l’écriture. Par choix, je suis
Kretz sur le thème                            une pratiquante, c’est-à-dire
                                              une écrivante.
       HAÏKU ET MODERNITÉ
       EN FRANCOPHONIE                        Bashô
                                              Le haïbun est un legs de Bashô
Martine Gonfalone assumait la                 (1644-1694). À travers ses récits,
modération de l’atelier.                      Bashô ne raconte pas le voyage
Nous ajoutons ici le texte d’A-               pour lui-même, mais plutôt les
lain Legoin qui n’avait pas pu                événements et les rencontres qui,
venir au festival.                            durant ce voyage, l’ont interpellé.
                                              L’esprit importait davantage à
                                              Bashô que la forme : « Les for-
              Hélène Boissé
                                              mes sont faites pour qu’on s’en
           habite Sherbrooke.
     S’intéresse au haïku et haïbun           écarte. » (Bashô et son école,
     depuis le milieu des années 80.          Éd. Textuel, 2005).
A publié de la poésie, des récits, du haïku   Ses récits sont écrits dans une
    (Sentir la terre), et en anthologie       prose simple, sans prétention, et
    Regards de femmes, Carpe Diem,            sont à l’occasion entrecoupés
       le Bleu du martin-pêcheur.             de haïkus ou de senryûs qui, en
           Elle est membre du
   Conseil d’administration de l’AFH.         quelques syllabes, suspendent le
                                              temps du récit. Ces haïkus ou

                                                                                23
senryûs accordent, en quelque         vagues, de Virginia Woolf, j’ai
sorte, une respiration poétique       relevé cette phrase : « Rien ne
au récit. Cette respiration lie ce    devrait recevoir un nom, de
qu’on appelle le fueki : ce qui       peur que ce nom même le
est constant et immuable dans         transforme. »
la nature et dans l’humain, et le     Frère de sang du haïku, le haïbun
ryuko : la fluidité et les infinies   s’appuie sur les événements et
variations d’un monde qui se          les rencontres ordinaires de la vie
modifie sans cesse. De ce             de l’écrivant qui ont laissé en lui
contraste entre invariance et         des échos. Un haïbun naît d’un
mouvance naît le sabi, c’est-à-       moment d’attention au monde
dire la simplicité : liant qui for-   qui nous entoure, non d’un replie-
me l’unité en toute chose.            ment sur soi.
                                      Quelque chose est raconté !
Le haïbun… un récit de fiction        Mais quoi ? N’importe quoi ! ai-
ou de réalité ?                       je l’élan de répondre. Je n’ex-
Je déteste enfermer les choses        clus aucun événement ! Au ris-
dans des moules, en écriture et       que de me répéter, je soutiens
ailleurs. Aussi, je vais m’appli-     que l’intime a sa place dans
quer à être brève dans ma défi-       cette écriture ! Car il m’est sou-
nition. Comme pour le haïku qui       vent donné de vérifier, en atelier
naît d’une rencontre avec l’ins-      comme ailleurs, dans différents
tant présent, le haïbun naît de       textes lus sur des sites de haïbun,
la saisie d’un événement que          qu’on peut l’explorer en dehors
nous sommes en train de vivre.        de tout narcissisme, sentimenta-
Je n’exclus aucun événement           lisme, ou romantisme.
et je précise que même l’évé-
nement intime est le bienvenu !       De l’usage du je dans l’écriture
Car on peut explorer l’intime en      du haïbun
dehors de tout nombrilisme.           Dans le monde de l’écriture du
On écrit dans le présent, même        haïku, il m’arrive souvent de cons-
lorsqu’on écrit après l’événe-        tater une méfiance envers le JE.
ment. J’exclus généralement la        Forcément, quelqu’un écrit : je,
pure fiction de l’écriture du haï-    tu, nous écrivons. Chacun écrit
bun. D’autres lieux existent à tra-   à travers sa subjectivité, impossi-
vers lesquels explorer celle-ci.      ble de faire autrement ! Il me
Rien n’empêche cependant              semble que le JE du haïbun (et
qu’on puisse écrire des fictions      du haïku) n’est plus à défendre.
entrecoupées de haïkus et sen-        Le JE dont il est question ici éta-
ryûs. Simplement, je ne leur don-     blit une relation de variance-
ne pas l’appellation de haïbun.       invariance avec le monde,
Mais donner un nom à tout est-il      beaucoup plus grand que lui. Il
aussi important qu’on le croit ?      ne s’agit pas d’un JE qui résume
À ce propos, tiré du roman Les        ou réduit le monde à son petit

24
moi ! C’est davantage un JE                             Danièle Duteil
tremplin.                                              habite l’Île de Ré.
                                               S’intéresse au haïku depuis 2005.
Le JE du haïku et du haïbun ne
                                                 A publié dans diverses revues
se narcissise pas plus qu’il ne                       GONG, casse-pieds,
narcissise le monde dont il est                  Revue du tanka francophone.
tributaire. C’est sa relation à ce            Compte aussi des parutions en ligne :
qui est autre qui lui donne un                     Ploc ! Temps libres, 575,
corps et nourrit son esprit. On a                   AN+, Manteau d’étoiles.
l’impression que ce JE s’ouvre                  On retrouve de ses haïkus dans
                                                      Regards de femmes
sur le monde.                                    La Rumeur du coffre à jouets.
Voici un exemple.                                 Membre du C.A. de l’AFH.

Le poisson rouge, par Michaël                       HAÏKU ET INTERNET
McClintock     (tiré du    site
Contemporary Haïbun on line ,               Dans le cadre de l’atelier
traduction de Linda Montreuil)              « Haïku et Modernité en franco-
Dans nos yeux et notre sommeil et
                                            phonie », il m’a paru intéressant
nos réponses à tout, à la manière
dont nous avons mangé notre nourri-         de consacrer un volet aux tech-
ture et dont nous avons laissé traîner      nologies de l’information et de
nos odeurs et nos débris personnels         la communication, particulière-
partout dans la maison, nos cheveux         ment à l’utilisation d’Internet
coupés ou nos ongles, ou un mou-            dans la pratique du haïku.
choir froissé imprégné de salive, la
manière dont nous avons coordonné
                                            J’ai établi, avec l’aide de Serge
nos échanges ou des avis quand              Tomé, que je remercie vive-
nous sortions ou recevions des invités,     ment, un questionnaire détaillé
préférant différents livres de différents   publié sur le site de l’AFH et sur
auteurs et qui traitaient de choses         Temps Libre. Ce questionnaire a
différentes, la manière dont nous
                                            été envoyé à un panel de cin-
avons gardé pour nous-mêmes nos
sentiments, les couvant comme des           quante haïkistes, pour la plupart
verrues ou des plaies vives, la maniè-      adhérentEs de l’AFH. Dix-huit
re dont nous avons vécu en nous             personnes ont répondu. Un re-
éloignant l’un de l’autre et nous le        tour encourageant et intéres-
savions depuis plus de quatre ans,          sant à exploiter.
depuis le jour où tu as échappé le
poisson rouge dans la toilette et que
                                            La consigne donnée était de ré-
tu ne t’es jamais excusée. Tu as mê-        pondre à la première question, à
me ri.                                      savoir « Utilisation d’Internet par
« c’est temporaire » -
                                            rapport au haïku » et au moins à
concernant notre séparation                 une ou deux autres questions, da-
nous acceptons aussi de mentir              vantage si on le souhaitait. La plu-
                                            part de ceux-celles qui se sont
                                            prêtéEs à l’enquête ont répondu
                                            de manière détaillée. CertainEs
                                            ont spontanément joint des haï-
                                            kus à leur envoi. Que touTEs soient

                                                                                 25
ici sincèrement remerciéEs.           tation physique avec d’autres
Il ressort en premier lieu que, si    haïkistes. Ceux-celles qui ont pu
la majorité d’entre nous utilise      réaliser ce souhait en ont été, à
Internet dans la pratique du          une exception près, fort satisfaitEs.
haïku, cette utilisation peut n’ê-    On constate toutefois que peu de
tre que très occasionnelle et         gens ont participé à un kukaï.
l’outil Internet n’a pas souvent      Il n’est pas très fréquent d’être
constitué un révélateur : beau-       assidu à plusieurs listes simultané-
coup       connaissaient,    prati-   ment, chacunE courant après le
quaient le haïku indépendam-          temps. CertainEs de ceux-celles
ment de cet outil.                    qui le font sont souvent pousséEs
Par contre, le rôle des listes d’é-   par des motifs professionnels ou
change n’est pas négligeable.         des activités qui les y invitent.
Si bon nombre estiment qu’elles       Ce même manque de temps
permettent le partage, la             explique que beaucoup esti-
confrontation d’idées, la dé-         ment trouver sur Internet suffi-
couverte d’autres cultures, cer-      samment d’informations.
tainEs se disent déçuEs, n’ayant      Outre le désir de confrontation
pas trouvé en elles un espace         avec d’autres haïkistes et d’au-
très convivial.                       tres cultures, les recherches en
Le fonctionnement et la dyna-         relation avec le haïku sont orien-
mique de groupe sur les listes        tées vers des auteurs, des articles,
ont fait l’objet de nombreuses        des définitions, des analyses et
remarques positives ou négati-        des informations diverses relatives
ves. Il a notamment été fait al-      aux concours lancés ou aux ma-
lusion aux encouragements in-         nifestations proposées ici ou là.
suffisants vis à vis des débutants    S’il ne manque pas d’internautes
ou encore au manque de res-           haïkistes s’essayant à de nouvel-
pect de la différence.                les formes d’écriture (haïbun, tan-
Personne ne nie les dangers in-       ka, haisha, haïga…), beaucoup
hérents aux groupes, mais ils         se contentent du haïku, soit qu’il
paraissent inévitables et, som-       leur suffise, soit qu’ils ignorent les
me toute, normaux. Renforcer          autres genres.
les chartes et contrôler encore       Quoi qu’il en soit, ces écrits ou les
plus étroitement les inscriptions     divers échanges qui ont lieu sur
sont les moyens suggérés pour         Internet ne semblent pas entra-
limiter ces dangers. De même,         vés par l’outil technique qui n’est
l’évaluation et la critique publi-    considéré que fort exceptionnel-
ques ne sont en principe admi-        lement comme un obstacle.
ses que si elles sont constructi-     Si certains estiment que tous les
ves et formulées avec tact.           supports sont bons pour l’écritu-
À noter que les colistiers éprou-     re du haïku, il n’en reste pas
vent un réel besoin de s’échap-       moins qu’une grande majorité
per du virtuel pour une confron-      affectionne particulièrement le

26
support papier avec lequel des          tout à fait leur place dans le haïku :
liens très forts peuvent exister.       tous les sujets doivent être traités.
Les arguments en sa faveur              Le « kigo » peut tout à fait y figurer
abondent : afin de réaliser une         ou une alternative à ce mot mar-
belle édition, rien ne semblerait       queur. Cependant, les écrits dans
l’égaler, principalement par            le domaine des technologies ne
rapport aux possibilités de mise        sont pas encore prépondérants.
en page et de typographie               Parmi les aspects culturels mis en
qu’il offre.                            relief, celui des apports de listes
On admet que l’édition puisse           étrangères a suscité de nombreu-
aussi être virtuelle mais, en gé-       ses remarques. Leur fréquentation
néral, on ne concède pas à              permet en particulier d’appréhen-
cette dernière la même impor-           der d’autres formes de pensées,
tance ni le même poids culturel         des différences de style, d’écriture
qu’à l’édition papier.                  autant que de sensibilité.
Quelques internautes ont cons-          La traduction s’avère pour
truit leur propre site sur lequel ils   beaucoup importante, même
ne réservent pas forcément de           s’il est admis qu’elle est difficile
place à d’autres auteurs. Ce            et qu’elle ne peut pas restituer
site ne constitue que très rare-        parfaitement toutes les subtilités
ment une étape préliminaire à           d’un haïku. Les adaptations
la publication papier.                  qu’elle entraîne pour approcher
Le principal intérêt de la diffu-       une autre mentalité que la nôtre
sion par Internet semblerait rési-      sont considérables.
der dans la dynamique de l’é-           La traduction en anglais du haï-
change, la large diffusion et le        ku francophone peut en assurer
faible coût. Elle peut aussi per-       une plus large diffusion et l’on
mettre à des éditeurs de repé-          souhaite assez souvent une pré-
rer plus facilement des auteurs         sence forte du haïku francopho-
qu’ils n’auraient pas pu décou-         ne sur Internet.
vrir autrement.                         De là à importer des règles d’écri-
Le problème des droits d’au-            ture pratiquées dans la commu-
teur revêtant pour quelques-            nauté internationale, certains ne
uns une importance majeure, ils         l’envisagent pas tandis que d’au-
ne s’engageront pas dans la             tres voient dans cette démarche
publication électronique de             une réelle source d’enrichissement.
leur création tant que ces droits       Consciente que cet exposé ne
ne seront pas complètement              constitue qu’un reflet imparfait
protégés.                               de toutes les réponses collec-
Quelles que soient les opinions par     tées, je procèderai à des ap-
rapport à ce problème, tout le          ports complémentaires sur le site
monde est d’accord pour estimer         de l’AFH, dans la rubrique
que le monde moderne, la vie            « Réfléchir ». Plusieurs problèmes
technologique en particulier, ont       soulevés par l’enquête autour

                                                                          27
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