Saint-Brice-en-Coglès, premier label ''Village en poésie''
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poésie Saint-Brice-en-Coglès, premier label ‘ Village en poésie’’ © Pôle artistique et culturel du collège Angèle Vannier Hôtel de ville de Saint-Brice-en-Coglès L’année 2012 aura été celle du lancement du label ‘‘Ville/Village en poésie’’ par le Printemps des poètes (Centre national de ressources de la poésie), avec le sou- tien de la FNCC. Pourquoi un label ? « Il nous a semblé que nous devions prendre en compte et saluer l’effort des équipes municipales qui ont accompagné notre ac- tion », explique Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes. Ce salut poétique a été adressé pour la toute première fois au village de Saint- Brice-en-Coglès (2 800 habitants), en Ille-et-Vilaine, à 50km au nord de Rennes. Aujourd’hui, déja une dizaines de villes et de villages ont déposé leur candidature pour l’obtention de ce label qui s’appuie sur une Charte comprenant quinze critères dont au moins cinq doivent être remplis (Charte Ville/Village en poésie). Saint-Brice- en-Coglès aura initié le mouvement, avec de nombreuses actions en faveur de la poésie : baptêmes des rues de noms de poètes, participation active à l’événement ‘‘le Printemps des Poètes’’ (qui inaugure cette année sa 14e édition, du 5 au 18 mars, sur le thème ‘‘Enfances’’), politique de publication d’inédits, présence forte de la poésie dans les activités du collège... Entretiens avec le maire et conseiller général Louis Dubreil et le directeur du Pôle artistique et culturel de Saint-Brice-en-Coglès, Serge Bouvier, principal maître d’oeuvre du rapprochement remarquablement dense entre le village et la poésie. On trouvera toutes les informations concernant le label ‘‘Ville/Village en poésie’’ sur le site du Printemps des Poètes : www.printempsdespoetes.com La Lettre d’Echanges n°81 - fin janvier 2012
Saint-Brice-en-Coglès, premier label ‘‘Village en poésie’’ Louis Dubreil, maire de Saint-Brice-en-Coglès « Mon rôle d’élu est d’être facilitateur. » D’où provient ce lien si particulier entre le vil- Comment est venue l’idée de demander le label lage de Saint-Brice-en-Coglès et la poésie ? Ville/village en poésie ? Jean-Pierre Siméon n’y est pas étranger. Il a été L’an dernier nous avons donné des noms de professeur à Saint-Brice-en-Coglès. Sans doute poètes à deux rues et à un espace : un person- a-t-il alors ensemencé quelque chose, laissé nage atypique, Jean-Jacques Kerouredan, poète quelques empreintes… Le rôle de Serge Bou- et homme politique [né à Quimper le 17 avril vier, ancien professeur d’art plastique au collège 1932 et décédé le 3 mai 2008], Eugène Guille- Angèle Vannier (poétesse qui habitait non loin vic et Jacques Lacarrière. Pour ma part, nous d’ici) et aujourd’hui Président du Pôle artistique faisons lire un poème à ces occasions. Puis, et culturel, a été aussi déterminant. Une histoire quand est sorti l’appel à projet pour le label plus ancienne, remontant à la Révolution et aux Ville/village en poésie, Serge Bouvier a solli- combats fratricides entre les ‘‘Rouges” du sud cité la commune. et les Chouans, a également légué à ce pays un Qu’apporte à votre commune cette présence de passé culturel particulier, avec une troupe de la poésie ? théâtre à Saint-Marc-le-Blanc qui a donné une pièce au succès retentissant. Dans une petite commune de 2 800 habitants, j’ai impulsé et soutenu cette orientation pour Enfin, le canton rural du Coglais [à 50km au lui donner une ‘‘âme” particulière. Par sa nord de Rennes], l’une des toutes premières proximité de l’autoroute A84, Saint-Brice-en- communautés de communes, avec onze vil- Coglès bénéficie aussi du label ‘‘Village étape” lages et une population totale de 12 000 habi- décerné, sous certaines conditions, par le minis- tants, a une forte histoire culturelle. Il y a 40 ans tère du Tourisme et de l’Equipement à des vil- s’est créée une association du Coglais pour le lages de moins de 5 000 habitants. La poésie est développement économique, social et culturel ici un ‘‘plus” qui vient compléter ce label en lui au sein de laquelle travaillent ensemble la JAC apportant une sorte de valeur ajoutée. (Jeunesse agricole catholique) et une associa- tion des Œuvres laïques. Cette collaboration a Comment les habitants ressentent-ils ce choix provoqué un déclic, une prise de conscience d’associer la poésie à leur village ? que les communes pouvaient prendre en main leur propre développement territorial. Cette Au départ, cela leur apparaissait un peu étrange, association organisait en particulier un ‘‘prin- ces noms de poètes pour les rues… Puis ils s’y temps culturel” qui s’est peu à peu conforté. sont intéressés pour comprendre pourquoi. Ici, les revenus ne sont pas très élevés. C’est une Quand Jean-Pierre Siméon est devenu directeur commune essentiellement agricole et ouvrière du Printemps des poètes, sa relation avec Serge dont les pratiques culturelles sont comme on Bouvier a permis de déclencher la participation dit ‘‘populaires”. Et finalement, je crois qu’ils du village à la manifestation du Printemps des ressentent comme une fierté chaque fois qu’on poètes. Est venue ensuite la nomination de rues inaugure une rue d’un nom de poète et qu’on de noms de poètes. A partir de là, l’engagement appose, à chacune, un panneau avec un poème. en faveur de la poésie s’est accentué et l’am- pleur des manifestations lors de la quinzaine Vous parlez de culture populaire. Y a-t-il un lien annuelle du Printemps des poètes n’a cessé de dans vos initiatives avec les principes de l’édu- se renforcer. cation populaire ? page La Lettre d’Echanges n°81 - fin janvier 2012 FNCC
© Pôle artistique et culturel du collège Angèle Vannier Eglise de Saint-Brice-en-Coglès Bibliothèque communautaite © Pôle artistique et culturel du collège Angèle Vannier L’éducation populaire est une idée chère à Serge Pour ma part je ne suis pas très au fait de l’art Bouvier. Au départ, c’était un peu élitiste. Puis contemporain. Mais cela n’a pas d’importance. les choses ont évolué. Par exemple, le Pôle Artis- Mon rôle d’élu est d’être facilitateur. Et je tique et Culturel organise plus d’une dizaine de constate que le résultat s’avère très positif. conférences, autour d’un pays, en en déclinant Les élus du Conseil municipal ont-ils bien ac- différents aspects – culturels, historiques, reli- cepté ce choix culturel et la demande du label gieux… – chaque hiver, des sociologues, des Village en poésie ? historiens de renom viennent. L’an passé, c’était la Turquie, et un représentant de l’évêque est Cela n’a pas été difficile. Au départ, les élus ont intervenu, là, dans un collège public... L’ouver- suivi poliment, sans motivation particulière, ture est toujours intéressante. Il y a à chaque fois mais sans opposition féroce. Plutôt une interro- au moins 70 personnes dans la salle. C’est un gation… Mais aujourd’hui, ce label nous donne peu comme une université populaire… un sérieux coup de pouce pour continuer dans cette voie. Pour les conseillers municipaux, Une volonté d’ouverture au monde notable… cela donne du sens à l’ensemble des initiatives En effet. Il faut dire que le Conseil général, prises. dont je fais partie, est très favorable à l’ouver- Pour ma part, j’estime qu’il importe que l’inter- ture, dans le cadre de son soutien au collège de communalité (mon premier adjoint y est vice- Saint-Brice, ce qui conforte ce que porte aussi président en charge de la qualité de la vie qui en elle-même la poésie. comprend la dimension culturelle) s’engage à Quelle est la part de votre engagement dans son tour sur ce label, car son budget est particu- cette orientation poétique, une orientation de lièrement important, environ 450 000€. Il faut surcroît tournée vers la poésie contemporaine dire que nous avons un théâtre de 200 places, – un art pas toujours d’un abord facile ? un réseau de bibliothèques très actif… FNCC La Lettre d’Echanges n°81 - fin janvier 2012 page
Saint-Brice-en-Coglès, premier label ‘‘Village en poésie’’ Serge Bouvier, président du Pôle artistique et culturel « J’espère beaucoup aller vers un label ‘ canton en poésie”… » Dans la présentation de la candidature de votre et de stéréotypes. Du pragmatisme aussi est village, on lit que vous aimeriez « sceller la com- nécessaire. Ainsi, par l’opération ‘‘une rue, un munion de Saint-Brice-en-Coglès avec la poé- poète”, nous avons maintenant une rue Paul sie ». ‘‘Communion”, c’est un mot très fort… Eluard, une autre René Char, Guillevic, Julien Gracq… Certains élus ont considéré que nous En effet, le terme est proche du sacré… Nous faisions fausse route, que ces dénominations vivons sur une terre aux paysages tellement den- des rues n’étaient qu’un geste extérieur. Alors, ses – la présence de l’eau, du granit, le bocage j’ai pris la balle au bond pour engager un tra- avec son réseau de chemins creux… – qu’il y vail pédagogique consistant à éditer un recueil a une sorte d’osmose immédiate avec des sen- de vingt-trois fiches sur les littérateurs dont les sations, des sentiments d’ordre poétique. Sans noms désignent nos rues. Je crois qu’il importe tomber dans un romantisme échevelé, disons d’insuffler la poésie dans la quotidienneté. que le canton du Coglais bénéficie de paramè- Cela contre la léthargie qui parfois gagne les tres qui le font tendre vers cette communion. pays ruraux. Ce qu’exprime Jean-Pierre Siméon dans la poésie qu’il a écrite sur Saint-Brice-en-Coglès La poésie est bien souvent associée à l’école et (cela fait partie du label qu’un poète écrive un à triste pratique de la récitation obligée… texte sur le village ou la ville labellisé) : « Ni Dans les établissements scolaires de Saint- hâte ni vacarme ici mais une tranquille obsti- Brice-en-Coglès, la vision associant poésie et nation à demeurer avec la pierre, avec l’herbe récitation a été profondément bousculée. Par et le ciel. […] Les rues de Saint-Brice se sou- exemple, la professeure de collège qui dirige viennent des chemins creux. » un atelier théâtre met la poésie en avant d’une Comment s’est construite la rencontre entre manière qui n’a rien à voir avec le caractère Saint-Brice-en-Coglès et la poésie ? contraignant et rigide le la récitation. Au fil des ans, progressivement. Depuis plus Auquel des quinze critères proposés par le de dix ans, nous accueillons chaque année, un label Ville/Village en poésie êtes-vous le plus poète de renom : Tahar Ben Jelloun, Jacques sensible ? Lacarrière, Vénus Khoury-Ghata, Charles Notre petite ligne éditoriale. Nous demandons Juliet, Guy Goffette, Yvon Le Men… Cette à chaque poète invité de nous livrer des inédits année, Jacques Roubaud. Des habitudes se que nous publions. Pour Jacques Roubaud, des forgent petit à petit. Les poètes rencontrent les textes seront confiés à la maternelle et nous élèves, puis les adultes. Leur travail est com- les éditerons avec des dessins des enfants. Ce biné avec les arts plastiques, avec la danse. Ce n’est pas démagogique. Simplement straté- terrain nourricier engendre une adhésion. gique. Peu à peu ces parutions génèrent une imprégnation. C’est une fierté aussi. Comment la population accueille-t-elle cet en- gagement en faveur de la poésie ? Avec quels financements éditez-vous ces livres ? Ce n’est pas forcément facile. Nous sommes Nous recevons une précieuse aide de la DRAC toujours dans une phase militante. On me et aussi – puisque que le Pôle artistique et traite parfois d’activiste de la culture… Mais culturel est lié au collège – du Conseil général il en faut, car la poésie est victime de clichés d’Ille-et-Vilaine. Mais c’est surtout la commu- page La Lettre d’Echanges n°81 - fin janvier 2012 FNCC
© Pôle artistique et culturel du collège Angèle Vannier nauté de communes, laquelle a pris la compé- Château tence culturelle, qui nous finance de manière Rocher-Portail remarquable. Ressentez-vous les effets de la crise ? Oui, on ressent une certaine frilosité, une vraie fragilité de la part des élus qui nous soutien- nent. Mais il est évident que la crise impose d’être très cohérent. On constate une distance des élites économi- ques et politiques vis-à-vis de la culture… Ici, dans ce territoire rural, ce n’est pas le cas. Nous ‘‘recrutons” essentiellement dans les classes moyennes, avec aussi une frange de l’autre, de tolérance. La poésie contribue à de population très précaire. Même si l’on désenclaver le village. entend parfois le ‘‘ce n’est pas pour moi”, il Que vous apporte le label ‘‘Village en poésie” ? n’y a pas de dédain culturel, au contraire. La culture est encore perçue comme un moyen Oh, ce ne sera pas des foules ! Mais, outre la d’émancipation, un chemin vers ce qu’Antoine fierté d’en être le premier bénéficiaire, il ins- Vitez appelait ‘‘l’élitisme pour tous”. Nous crira notre action dans la durée. Mais attention, nous opposons au nivellement par le bas – on ce ne doit être ni un feu de paille ni une fossi- pourrait dire, de manière un peu provocante, à lisation. la sortie à Disneyland. Quand nous décidons Quel est aujourd’hui votre projet ? d’aller à Paris, c’est plus volontiers pour visiter l’Institut du monde arabe afin de lutter contre Le président de la communauté de commune l’obscurantisme, contre un certain enferme- regrette que seul le village de Brice-en-Coglès ment dans une autarcie culturelle faite de folk- soit labellisé. J’espère beaucoup convaincre lore et d’histoire bretonne. Ce passéisme me les autres communes d’adhérer à la charte du hérisse. Il faut prôner l’ouverture et pour cela Printemps des poètes et aller ainsi vers un label la poésie est un bon moyen. Dans la société ‘‘canton en poésie”… qui est la nôtre, il y a besoin de compréhension Propos recueillis par Vincent Rouillon FNCC La Lettre d’Echanges n°81 - fin janvier 2012 page
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