Saint Joseph : notre père dans la foi - Père Frederick L. Miller - SÉRIE " CONSTRUIRE L'ÉGLISE DOMESTIQUE " - Knights of Columbus

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Saint Joseph : notre père dans la foi - Père Frederick L. Miller - SÉRIE " CONSTRUIRE L'ÉGLISE DOMESTIQUE " - Knights of Columbus
Saint Joseph : notre père dans la foi
            Père Frederick L. Miller

SÉRIE « CONSTRUIRE L’ÉGLISE DOMESTIQUE »
Saint Joseph : notre père dans la foi - Père Frederick L. Miller - SÉRIE " CONSTRUIRE L'ÉGLISE DOMESTIQUE " - Knights of Columbus
Construire
    l’église domestique
      Tout en renforçant notre Paroisse

« La famille en tant qu’église domestique est essentielle au travail de
la nouvelle évangélisation et à la durabilité future de nos paroisses ».
                                   – Carl Anderson, Ex- Chevalier Suprême
Les Chevaliers de Colomb présentent
 La série « Construire l’église domestique »

   Saint Joseph :
notre père dans la foi
        Père Frederick L. Miller, S.T.D.

                Rédacteur en chef
         Père Juan-Diego Brunetta, O.P.
         Service d’information catholique
    Conseil suprême des Chevaliers de Colomb
Nihil Obstat :
                             Censor Deputatus
                Révérend Monsignor James C. Turro, S.S.L., Ph.D.

                                   Imprimatur :
                       Très Rév. John J. Myers, D.D., J.C.D.
                             Archevêque de Newark
                                 Le 30 juin 2008

Le Nihil Obstat et l’Imprimatur sont des déclarations officielles attestant qu’un
livre ou un dépliant est exempt d’erreur doctrinale ou morale. Ce document
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Tous droits réservés.

Couverture : Carlo Maratti, La fuite en Égypte, vers 1664, Metropolitan Museum
of Art, New York, New York

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                          800-735-4605 télécopieur

                        Imprimé aux États-Unis d’Amérique
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
JOSEPH : L’HOMME DE FOI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
JOSEPH : L’HOMME JUSTE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
   Joseph a-t-il soupçonné Marie d’adultère ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
   Joseph était-il désorienté ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
   Joseph était émerveillé par le formidable acte divin ! . . . . . . . . . . 14
   L’Esprit Saint dans la vie de saint Joseph. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
SAINT JOSEPH ET LA VIE SPIRITUELLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
   Dieu est à l’œuvre dans le monde à travers les personnes
      qui croient en Lui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
   Saint Joseph et la culture de la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
   Terreur des démons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
   Modèle de contemplation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
   Saint Joseph et le mystère pascal du Christ . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
   Prière à saint Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
   Memorare à saint Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
   Litanie à saint Joseph. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
NOTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
LECTURE COMPLÉMENTAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
À PROPOS DE L’AUTEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Saint Joseph :
                     notre père dans la foi
                              INTRODUCTION
     Bien que les évangélistes n’aient rapporté aucune des paroles de
Joseph de Nazareth, au cours des âges, l’Esprit Saint a inspiré aux
chrétiens l’amour du mari de la sainte Vierge Marie et père adoptif du Fils
de Dieu. Du fait de la relation que saint Joseph entretenait avec Jésus et
Marie, sa relation avec l’Église est l’une des bases de l’Église. Le Pape
Jean-Paul II a souligné que l’exemple de saint Joseph « transcende tous
les états individuels de l’existence et sert de modèle à l’ensemble de la
communauté chrétienne, quels que soient la condition et les devoirs de
chacun ses membres. »1
     Pour tous les croyants, saint Joseph représente l’amour sans
restriction envers Jésus et sa mère, la Vierge Marie. Il est un exemple
d’une fidélité totale envers la volonté de Dieu. Il est le champion de la
sainteté du mariage, de la chasteté pour le bien du royaume de Dieu, de
la valeur du travail humain et de la prière contemplative. Par son
exemple, saint Joseph enseigne aux chrétiens comment aimer et servir
Jésus, et comment vivre et mourir en sa présence. Il est un modèle pour
tous les fidèles : les laïcs, qu’ils soient mariés ou célibataires, les religieux
consacrés et les membres du clergé.
    Au cours des siècles, l’Église a reconnu l’amour, la force virile et la
protection de saint Joseph. Les saints nous disent qu’avec la Mère de
Dieu, Joseph bénéficie d’un important pouvoir d’intercession. Sainte
Thérèse d’Avila, par exemple, écrit ce qui suit dans le Livre de sa vie :
        J’ai choisi comme intercesseur et seigneur le glorieux saint
        Joseph et je m’en suis sincèrement remise à lui. J’ai clairement
        vu que dans ce besoin spécifique, ainsi que dans d’autres plus
        importants concernant l’honneur et la perte de l’âme, ce père et
        seigneur que j’avais choisi venait à mon aide de bien plus de
        manières que je n’aurais pu le demander. Jusqu’à aujourd’hui, je
        n’ai pas souvenir d’une seule occasion où il n’ait pas répondu à
        l’une de mes prières. Je suis stupéfaite devant les innombrables
        faveurs que Dieu m’a accordées par la médiation de ce saint
        béni, et devant les dangers dont mon corps et mon âme ont été
        libérés. Si le Seigneur semble avoir donné aux autres saints la
                                      -1-
grâce d’apporter une aide pour un besoin précis, ce saint
       glorieux est en mesure, selon mon expérience, de nous aider
       quels que soient nos besoins et le Seigneur veut nous faire
       comprendre que tout comme il était soumis à saint Joseph sur la
       Terre (car étant donné qu’il portait le titre de père et remplissait
       le rôle de tuteur du Seigneur, Joseph pouvait ordonner à
       l’Enfant), de même au Ciel Dieu fait tout ce qu’il commande.2

     Pendant plus d’un siècle, les successeurs de saint Pierre au Saint-
Siège de Rome ont cherché à répandre et renforcer la connaissance et
l’amour de saint Joseph parmi les catholiques. Le 8 décembre 1870, le
Bienheureux Pape Pie IX déclara saint Joseph Patron de l’Église
universelle. Dans son encyclique sur saint Joseph, Quamquam Pluries,
en date du 15 août 1889, le Pape Léon XIII a appelé le peuple de Dieu à
renouveler sa dévotion à saint Joseph. Dans ce document, le pape
décrivait l’Église sur Terre comme l’innombrable famille de Joseph
dispersée dans tous les pays et qu’il dirige avec une sorte d’autorité
paternelle, car il est l’époux de Marie et le père du Christ.3 Le Pape Saint
Pie X a approuvé l’utilisation publique de la Litanie de saint Joseph dans
l’Église (voir la page XX). Le Pape Benoît XV a ajouté l’invocation à St
Joseph aux Louanges de Dieu faisant partie de la prière adressée par les
catholiques à la fin de la bénédiction du Saint Sacrement. Pie XI nomma
saint Joseph protecteur spécial de l’Église contre les attaques du
communisme. Le Pape Pie XII a ajouté la fête de saint Joseph Artisan le
1er mai au calendrier liturgique romain afin de contrebalancer l’influence
du communisme dans les pays catholiques.
    Lorsqu’il a convoqué le concile de Vatican II, le bienheureux Pape
Jean XXIII l’a confié à saint Joseph, devenu ainsi le saint patron du
concile. En 1962, à la fin de la première session du concile, le pape a
ajouté une commémoration de saint Joseph au Canon Romain (prière
eucharistique 1).
    Le 15 août 1989, pour commémorer le centième anniversaire de la
publication de la lettre encyclique Quamquam Pluries du Pape Léon XIII,
le Pape Jean-Paul II a publié une exhortation apostolique sur saint
Joseph intitulée Redemptoris Custos (Gardien du Rédempteur). En un
sens, cette encyclique est le pendant de l’encyclique Redemptoris Mater
(Mère du Rédempteur) dédiée à la Sainte Vierge. Ces encycliques
papales expliquent la vénération de l’Église pour la Sainte Vierge et saint
Joseph en leur qualité de personnes les plus proches du Fils de Dieu
                                      -2-
incarné. Elles soulignent également la place importante occupée par
Marie et Joseph dans l’Église et dans la vie spirituelle de tout croyant.
      Plusieurs hommes et femmes récemment béatifiés ou canonisés ont
appelé l’Église à mieux apprécier la mission de saint Joseph et son
pouvoir d’intercession : Sainte Elizabeth Ann Seton a placé sous son
patronage ses Sœurs de la Charité, ainsi que les premières écoles
paroissiales. Saint John Neumann, le quatrième évêque de Philadelphie,
imita deux autres célèbres saintes du 19e siècle, Thérèse de Lisieux et
Bernadette Soubirous, dans leur fréquent appel à saint Joseph dans les
prières. La bienheureuse Jeanne Jugan, fondatrice des Petites Sœurs
des pauvres (une congrégation se consacrant à l’aide aux personnes
âgées démunies), a pris saint Joseph, l’homme qui a accueilli la Sainte
Vierge et son enfant dans sa maison, comme modèle de l’hospitalité
chrétienne qu’elle-même et ses sœurs offrent aux pauvres. Le
bienheureux André Bessette, à l’Oratoire Saint Joseph de Montréal, a
aidé une myriade de malades à trouver la guérison physique et la paix
grâce à l’intercession du saint. Le bienheureux Louis Guanella a attiré
l’attention sur saint Joseph en tant que patron d’une mort heureuse,
c’est-à-dire d’une mort dans la compagnie de Jésus et de Marie. Saint
Josémaria Escriva, fondateur de l’Opus Dei, a fait de saint Joseph le
modèle de la sanctification du travail quotidien ordinaire. Le 13 octobre
1917, à l’occasion du « miracle du soleil » à Fatima, au Portugal, saint
Joseph est apparu avec Marie et l’Enfant Jésus à Lucia, Jacinta et
Francisco, les voyants de Fatima. La Sainte Famille était, et demeure, le
symbole de l’Évangile de la vie que les hommes et les femmes
modernes, piégés dans la culture de la mort, ont si désespérément
besoin d’entendre.
     Suivant en cela les conseils des vicaires du Christ sur Terre et
l’exemple de ses saints, les croyants devraient chercher à mieux
comprendre le rôle de saint Joseph dans le mystère de la rédemption et
chercher à développer une relation plus intime et plus personnelle avec
lui par la prière. Le but recherché est de se rapprocher de saint Joseph
dans la foi et dans l’amour. Pour atteindre cet objectif, cette réflexion se
concentre sur trois thèmes : Joseph, l’homme de foi ; Joseph, l’homme
juste et Joseph le père spirituel de tous les chrétiens.
                                    -3-
JOSEPH : L’HOMME DE FOI
     L’Évangile selon saint Matthieu, chapitre 1, versets 18 à 25, décrit
l’exposition de Joseph au mystère de l’Incarnation. Selon l’enseignement
du Pape Jean-Paul II dans Guardien du Rédempteur, ce texte pourrait
être intitulé « L’annonciation à Joseph ». Dans sa lettre apostolique, le
Pape Jean-Paul II suggère que le chapitre 1, versets 26 à 38 de l’Évangile
selon Saint Luc et le chapitre 1, versets 18 à 25 de l’Évangile selon saint
Matthieu devraient être lus simultanément : « Il existe un parallèle étroit
entre « l’annonciation » [à Joseph] dans le texte de Matthieu et dans celui
de Luc [à Marie]. Le messager divin introduit Joseph au mystère de la
maternité de Marie. »4
     Le père jésuite Joseph Fitzmeyer a identifié 12 points qui relient les
textes de l’Annonciation à Marie dans l’Évangile selon saint Luc à
l’annonciation à Joseph dans l’Évangile selon saint Matthieu. Luc et
Matthieu sont d’accord sur les points suivants :
       1) La naissance de Jésus s’est produite à l’époque d’Hérode
          le grand.
       2) Marie, une jeune fille vierge, est fiancée à Joseph. Ils n’ont
          pas encore vécu ensemble.
       3) Joseph appartient à la Maison de David.
       4) Un ange venu du ciel annonce la naissance de Jésus.
       5) Jésus est reconnu comme un fils de David.
       6) La conception de Jésus est déclarée avoir eu lieu par
          l’intervention du Saint Esprit.
       7) Joseph n’est pas impliqué dans la conception de Jésus.
       8) Le nom de « Jésus » Lui est imposé par le ciel avant
          Sa naissance.
       9) L’ange reconnaît en Jesus le « Sauveur ».
      10) Jésus est né après que Joseph et Marie ont commencé à
          vivre ensemble.
      11) Jesus est né à Bethléhem.
      12) Jésus s’établit à Nazareth, en Galilée, avec Marie et Joseph.5
     Remarquant les similitudes entre les deux textes, le Pape Jean-Paul
se concentre principalement sur le contenu du message révélé à Marie
et à Joseph, et à leurs réponses identiques pleines de foi. Alors que Luc
présente le mystère à travers les yeux de Marie et révèle sa réponse,
                                   -4-
Matthieu présente le même mystère du point de vue de Joseph et
indique ce qui suit :
       Or, voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère,
       avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient
       habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
       Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la
       dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret.
       Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui
       apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas
       de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est
       engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et
       tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son
       peuple de ses péchés. » Tout cela est arrivé pour que soit
       accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
       Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui
       donnera le nom d’Emmanuel (Isaïe 4, 14), qui se traduit : « Dieu-
       avec-nous ». Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du
       Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il ne
       s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils, auquel il donna
       le nom de Jésus (Matthieu 1, 18-25).

     L’ange salue Marie Comblée-de-grâce (Luc 1, 28). Cette salutation
présente Marie comme la vivante personnification du peuple d’Israël, la
grâce de Dieu atteignant la perfection en elle. Elle est la Fille de Sion
dont la vocation est d’accueillir le Messie au nom de son peuple. En
Marie, la synagogue est personnellement transformée, par la grâce, en
l’Église. La Vierge de Nazareth est le pont entre l’Ancienne Alliance et la
Nouvelle. En Marie, Israël accueille son Sauveur et est transformé par la
grâce de Dieu.
     L’ange s’adresse à Joseph en utilisant son nom exact, Fils de David.
Bien qu’il soit très éloigné des fastes de la royauté (et, en fait, c’était un
homme pauvre), Joseph descendait d’une famille noble du peuple
hébreu dans laquelle les prophètes avaient annoncé que le Messie
naîtrait. La formule employée par l’ange indique que la vocation de
Joseph est directement associée à la mission du Messie.
     L’ange promet que Dieu soutiendra Marie et Joseph dans la mission
qui leur est confiée. Gabriel a dit à Marie « Sois sans crainte ». De même,
l’ange a dit « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi
Marie, ton épouse. » Cette assurance suggère qu’aussi bien Marie que
                                       -5-
Joseph sont invités à accepter une mission importante et significative :
une tâche qu’il serait humainement impossible d’accomplir sans la grâce
de Dieu.
     Conformément à la tradition juive de l’époque, le mariage eut lieu en
deux phases distinctes. Les fiançailles avaient d’abord lieu à la
synagogue en présence du rabbin. À ce stade, le marié et la mariée ne
commençaient pas à vivre ensemble. Après une période de plusieurs
semaines ou plusieurs mois, la famille de la mariée l’accompagnait en
grande cérémonie jusqu’à la demeure du marié. Ce n’est qu’alors qu’ils
commençaient à vivre sous le même toit en tant que mari et femme. À la
différence de l’habitude moderne de procéder aux fiançailles avant le
mariage, ces dernières constituaient le contrat de mariage légal et
religieux.
     Rien dans les Écritures ni dans la tradition catholique ne permet
d’affirmer que Joseph était un vieil homme quand il fut fiancé à Marie.
Joseph avait probablement le même âge que Marie ou était plus âgé de
plusieurs années. Ils s’aimaient certainement comme un mari et une
femme. L’Église, bien qu’elle ait toujours reconnu le caractère unique de
ce mariage, n’a pas hésité à insister sur le fait qu’il s’agissait d’un
véritable mariage chrétien, même s’il n’a jamais été consommé par
respect pour l’œuvre de l’Esprit Saint dans le corps virginal et l’esprit de
Marie.
      Dans les premiers récits de Luc et de Matthieu, l’ange du Seigneur
apparut à Marie et à Joseph après leur mariage légal, mais avant qu’ils
ne commencent à vivre ensemble comme mari et femme. Par
l’intermédiaire de l’ange, Dieu intime à Joseph de ne pas craindre de
prendre Marie chez lui comme sa femme. La partie suivante de cette
dissertation abordera la raison pour laquelle Joseph décida de répudier
Marie en secret. Cette décision est, en fait, à l’origine du rêve de Joseph
que nous examinons ici.
    L’ange expliqua à Marie que Dieu avait accepté l’offrande de sa
pureté virginale. En tant que personnification d’Israël, Marie avait pour
vocation d’être l’épouse de Dieu et la mère de son Fils : « Le Saint-Esprit
viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre.
C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. »
(Luc 1, 35). L’ange révèle aussi à Joseph, dans son rêve, que l’enfant
                                    -6-
dans le sein de Marie est le fils de Dieu : « L’enfant qui est engendré en
elle vient de l’Esprit Saint. » (Matthieu 1, 20).
     Le Père Raymond E. Brown a fait une observation importante.
Il écrit :
       Le fait que les deux récits [de l’annonciation] mentionnent la
       conception par l’Esprit Saint plutôt que par une génération
       masculine suggère qu’il s’agit d’une formulation très ancienne,
       préalable aux deux évangélistes et issue de la tradition
       chrétienne [c’est-à-dire la transmission orale du Verbe de Dieu
       révélé].6

      Par cette révélation, il est demandé à Marie aussi bien qu’à Joseph
de faire preuve du même acte de foi. Il est demandé à Marie de croire
qu’elle deviendra la mère vierge du Messie par la force de l’Esprit Saint.
Joseph est invité à croire que sa femme enceinte porte en elle un enfant
conçu par l’Esprit Saint. Autrement dit, chacun est invité à croire à
l’origine divine de l’enfant de la vierge.
      L’acte de foi de Marie et de Joseph prend précisément fin dans
l’origine transcendantale de l’enfant à naître de Marie. Cet enfant, conçu
par le pouvoir de l’Esprit Saint, est le seul Fils de Dieu. Ils acceptent, de
façon primordiale et fondamentale, la vérité qui sera à jamais la
profession de foi chrétienne : L’homme Jésus est le seul Fils de Dieu,
conçu par l’Esprit Saint. Dans cet acte de foi, Marie et Joseph sont
révélés en tant que premiers disciples croyant au Christ.
     Convaincue par la parole de Dieu transmise par Gabriel, Marie se
soumet, sans réserve, au plan de Dieu en déclarant : Je suis la servante
du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole (Luc 1, 38). Joseph, sans
prononcer un mot, fait exactement ce que Marie a fait. Par la foi, il
soumet toute sa vie au mystère de l’Incarnation. De façon pragmatique,
saint Matthieu écrit : Joseph s’étant réveillé fit ce que l’ange du Seigneur
lui avait ordonné (Matthieu 1, 24).
    Dans son explication de ce texte dans Guardien du Rédempteur,
Jean-Paul II déclare : « [Joseph] prit [Marie] dans tout le mystère de sa
maternité. Il la prit avec le Fils qui était venu dans le monde par la
puissance de l’Esprit Saint. Il montrait ainsi une disposition de volonté
semblable à celle de Marie en ce qui concerne ce que Dieu lui avait
demandé par l’intermédiaire de l’ange. »7
                                    -7-
Résumant l’acte de foi de Joseph, Jean-Paul écrit : « …Joseph est le
premier à partager la foi de la Mère de Dieu et, en agissant de la sorte,
il soutient son épouse dans la foi de l’annonciation divine. Il est
également le premier à être placé par Dieu sur le chemin du pèlerinage
de la foi de Marie. »8
     Faisant référence à la prophétie faite par Nathan au roi David, (voir
le 2e livre de Samuel 7, 12-16), l’ange dit à Marie que son fils sera le
Messie annoncé : « Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le
Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il régnera sur la
maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin. » (Luc
1, 32-33).
    De même, Joseph est invité à ne pas craindre de prendre Marie
dans sa demeure comme sa femme, car sa mission spécifique est de
donner son nom de famille à Jésus, c’est-à-dire Fils de David. Et tu lui
donneras le nom de Jésus (Matthieu 1, 21).
      Certains auteurs ont parfois présenté Marie comme une
descendante du roi David. Nous n’avons pas à étudier cette question ici.
Il suffit de dire qu’il était le père de la famille qui a donné son nom à son
enfant. Si le fils de Marie devait être le Messie, il devait impérativement
appartenir à la famille du roi David par la lignée masculine. Alors, la
mission de Joseph, révélée par l’ange, était d’intégrer Jésus, le fils de
Marie, dans la descendance de David, conférant ainsi, humainement
parlant, le titre de Messie à Jésus. Conformément à la loi et à la coutume
juives, Joseph adopta légalement l’enfant de Marie quand il l’accueillit
dans sa demeure. Quand Marie, portant Jésus en son sein, passa le seuil
de la maison de Joseph, Joseph donna son nom, Fils de David, à l’enfant
qu’il avait ainsi adopté en toute connaissance de cause. Joseph conféra
le titre de Messie à Jésus par son acte de foi.
      Dans son ouvrage The Image of Mary according to the Evangelists,
(L’image de Marie selon les évangélistes), le Père jésuite Horacio
Bojorge souligne que tout comme Jésus a été conçu du fait de la foi de
Marie dans le message de l’ange, de même il a été adopté et légalement
intégré à la descendance de David par l’acte de foi de Joseph envers
l’origine divine de l’enfant de Marie. Le père Bojorge déclare :
       Le Messie est le Fils de David non par la volonté, ni par l’action
       d’un homme ou de la généalogie. Il entre au contraire dans la
                                      -8-
généalogie en vertu de l’assentiment de foi de Joseph, Fils de
       David, que ce qui lui est révélé est l’œuvre de Dieu dans Marie.
       Le Messie est le Fils de Dieu non par la volonté ou l’action d’un
       homme, mais en vertu de l’assentiment de foi de Marie que
       l’Esprit est à l’œuvre en elle.
       Pour que le Messie, Fils de Dieu et Fils de David, puisse entrer
       dans le monde et afin qu’il s’inscrive dans la descendance de
       David, deux assentiments de foi étaient nécessaires : celui de
       Marie et celui de Joseph. Ces deux assentiments établissent le
       véritable Israël, le véritable descendant d’Abraham, qui est né,
       qui est propagé et qui est perpétué non par une génération
       humaine, mais par la foi.9

    Matthieu dresse la généalogie de Jésus dans son Évangile et cite
une longue liste d’un père après l’autre ayant engendré un fils :
       Abraham engendra Isaac ; Isaac engendra Jacob ; Jacob
       engendra Juda et ses frères ; Juda engendra Thamar Pharès...
       Éliud engendra Éléazar ; Éléazar engendra Matthan ; Matthan
       engendra Jacob ; Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de
       laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ [Messie] (Matthieu 1,
       2-16).

     La lignée physique se termine avec Joseph. Joseph adopte le fils de
Marie et lui donne le nom de Fils de David simplement en accueillant
Marie dans sa maison comme son épouse. L’intention de Matthieu est de
démontrer que l’enfant de Marie est le Messie précisément par le biais
de l’adoption par Joseph, dans et par un acte de foi divine. Jésus n’hérite
cependant pas de Joseph la disgrâce qui, au cours des âges, s’est
attachée aux rois et à la lignée de David.
      Les récits de l’annonciation à Marie dans l’Évangile de Luc, et à
Joseph dans l’Évangile de Matthieu, révèlent que Dieu a accompli sa
plus grande œuvre en collaboration avec deux êtres humains par le biais
de l’obéissance et de la foi. Jésus, le Fils Éternel du Père, est devenu le
fils de Marie du fait de sa foi dans la Parole annoncée par Gabriel. Par sa
volonté de recevoir Marie dans sa demeure comme sa femme et
d’adopter son enfant en devenir, Joseph a rejoint Marie dans son acte de
foi envers l’origine divine de l’enfant. Par la foi de Marie, le Fils de Dieu
s’est fait homme. Par la foi de Joseph, l’enfant de Marie est devenu le Fils
de David, le Messie d’Israël.
                                      -9-
Comme Marie, saint Joseph doit sa grandeur à sa foi, une foi qui
exigeait une confiance incroyable dans la puissance de Dieu et un
niveau de charité héroïque. Dans les propres termes de Jean-Paul II, il
est : « …le premier à partager la foi de la Mère de Dieu... . Il est également
le premier à être placé par Dieu sur le chemin du « pèlerinage de la foi
de Marie ». ...Le cheminement de la foi de Joseph allait dans la même
direction [que celle de Marie] : il était totalement déterminé par le même
mystère, dont lui, avec Marie, avait été le premier gardien. »10
    Célébrant avec enthousiasme Joseph comme un modèle de foi,
Jean-Paul II déclare :
       Comme l’a dit la Constitution dogmatique sur la révélation divine
       du Concile Vatican II, l’attitude de base de l’ensemble de l’Église
       doit être « d’entendre la parole de Dieu avec révérence », une
       soumission absolue en vue de servir fidèlement la volonté
       salvatrice de Dieu révélée en Jésus. Déjà au début de la
       rédemption humaine, après Marie, nous trouvons le modèle
       d’obéissance incarné en saint Joseph, l’homme connu pour avoir
       fidèlement exécuté les commandements de Dieu.11

     Par sa réponse à la parole de Dieu qui lui est communiquée par
l’ange, sa confiance totale dans la puissance salvifique de Dieu et son
tendre amour envers Marie et son fils, saint Joseph est l’exemple même
de l’obéissance de la foi, de l’espoir et de l’amour pour chaque membre
de l’Église. Par son intercession céleste, Joseph obtient une part pour
l’Église dans son obéissance de la foi. Avec un amour tout paternel, il
plaide pour que chaque membre de sa famille sur la Terre puisse
partager sa connaissance et son amour du Messie qui était son fils de
façon unique.

                       JOSEPH : L’HOMME JUSTE
     Nous devons maintenant répondre à une question qui a
délibérément été laissée sans réponse dans la section précédente de ce
livret : pourquoi saint Joseph a-t-il décidé de répudier Marie en secret
quand il a découvert qu’elle était enceinte ? Pourquoi a-t-il eu besoin de
l’assurance du ciel pour la prendre dans sa maison ?
    Saint Joseph est l’homme juste de l’Évangile. Cette dénomination
est essentielle pour comprendre pourquoi Joseph a décidé de répudier
Marie en secret quand il a découvert sa grossesse. Pour les juifs à
                                     - 10 -
l’époque du Christ, ce titre était l’un des compliments les plus élevés
qu’une personne puisse recevoir. Lorsqu’il présente Joseph comme
juste, saint Matthieu démontre que Joseph se montre remarquablement
fidèle envers le pacte conclu par Dieu avec son Peuple élu. Son
obéissance à la loi de Dieu était motivée par le même amour à l’origine
de sa promulgation. En fait, en le présentant comme un homme juste,
saint Matthieu dit que Joseph a participé à l’alliance de fidélité et
d’amour de Dieu et qu’il en a fait preuve dans toutes ses relations. La
justice de Joseph est un partage de la justice et de la sainteté mêmes de
Dieu. Sa justice est une manifestation de la grâce de l’Ancienne Alliance
et, d’une certaine façon, un reflet de la justice et de la sainteté que le
Christ doit apporter par sa mort et sa résurrection.
     Dans son œuvre intitulée The Beatitudes in Context (Les béatitudes
en contexte), le père jésuite Dennis Hamm offre une définition de
l’adjectif grec dikaios (juste) et du nom de l’abstraction dikaiosyne
(justice) utilisés par les auteurs du Nouveau Testament. Il déclare :
       C’est principalement Dieu qui est présenté comme dikaios [juste]
       ou comme faisant preuve de dikaiosyne [justice] du fait que Dieu
       est fidèle aux relations d’alliance avec le peuple de Dieu. On dit
       qu’un être humain est dikaios ou fait preuve de dikaiosyne si
       cette personne « est tout à fait avec Dieu », c’est-à-dire si elle
       applique dans sa vie la relation d’alliance avec Dieu et son
       prochain. Nous recevons la dikaiosyne de Dieu comme un
       présent ; nous cherchons à atteindre notre propre dikaiosyne
       comme on entreprend une tâche, en protégeant la dikaiosyne
       de Dieu.12

     Matthieu indique que Joseph avait décidé de renvoyer Marie en
secret justement à cause de sa justice. Au cours des siècles, plusieurs
interprétations ont été avancées pour expliquer la décision de Joseph
de répudier Marie. Dans un article intitulé « The Justice of Joseph
Revisited » (La justice de Joseph revisitée), le père Arthur Calkins
présente trois explications de l’ancienne Église pour la décision de
Joseph : certains considéraient que Joseph soupçonnait Marie d’avoir
commis le péché d’adultère. D’autres ont suggéré que Joseph, conscient
de la sainteté et de la chasteté de Marie, était profondément émerveillé
par sa grossesse et avait décidé de se mettre en retrait. D’autres encore
ont suggéré que Joseph, pleinement conscient de l’origine divine de la
grossesse de Marie et se sentant indigne d’une telle proximité avec
                                     - 11 -
l’œuvre puissante de Dieu, s’est retiré du fait d’une crainte et d’une
révérence pieuses. La section suivante, y compris les citations de
sources patristiques, est une synthèse de l’excellente étude du Père
Calkin.13

Joseph a-t-il soupçonné Marie d’adultère ?
     Selon la première interprétation des Pères de l’Église, Joseph a
soupçonné Marie d’infidélité et a donc décidé de mettre fin à leur
relation. Sa justice, disent-ils, est le fruit de son désir de respecter la Loi
de Moïse. Une base ancienne de cette hypothèse apparaît dans
l’Évangile apocryphe connu sous le nom de Protoévangile de Jacques,
composé avant l’an 200. Ce texte a influencé l’interprétation du doute de
Joseph par de nombreuses personnes, notamment par saint Augustin et
saint Ambrose dans l’Église d’Occident, et saint Jean-Chrysostome dans
l’Église d’Orient.
        Son sixième mois arriva, et voici que Joseph revint des
        chantiers ; il entra dans la maison et s’aperçut qu’elle était
        enceinte. Et il se frappa le visage et se jeta à terre sur son sac et
        il pleura amèrement, disant : Quel front lèverai-je devant le
        Seigneur Dieu ? Je l’ai reçue vierge du temple du Seigneur et je
        ne l’ai pas gardée. Qui m’a trahi ? Qui a commis ce crime sous
        mon toit ? Qui m’a ravi la vierge et l’a souillée ? Et Joseph se
        releva de son sac et appela Marie : Toi la choyée de Dieu, qu’as-
        tu fait là ? As-tu oublié le Seigneur ton Dieu ? Et Joseph dit : si je
        garde le secret sur sa faute, je contreviendrai à la loi du
        Seigneur. Mais si je la dénonce aux fils d’Israël, et que son enfant
        vient d’un ange, ce dont j’ai bien peur, alors je livre à la peine
        capitale un sang innocent.14

    Selon cette interprétation, lorsqu’il découvre la grossesse de Marie
et juge qu’elle est adultère, Joseph décide de la répudier.
Conformément à la loi, Joseph aurait eu le droit d’exiger un procès pour
déterminer si Marie avec volontairement consenti à l’adultère
(Deutéronome 22, 20-24) ou si elle avait été contrainte contre sa volonté
à un tel acte (Deutéronome 22, 25-27). Dans la loi Mosaïque, le
châtiment pour l’adultère était la mort par lapidation.
    Cette première interprétation pose la question suivante : Pourquoi
Joseph serait-il considéré comme juste, c’est-à-dire comme un
observateur exemplaire de la loi Mosaïque si sa stratégie consistait à
                                        - 12 -
contourner la pleine puissance de la loi pour violation supposée du
Sixième Commandement par Marie ? Saint Jérôme perçut la
contradiction au cœur de cette interprétation et orienta le débat dans
une autre direction. Il est donc à l’origine de l’interprétation suivante à
étudier.

Joseph était-il désorienté ?
     Saint Jérôme pense que Joseph, sans perdre sa confiance en Marie,
était si profondément désorienté par sa grossesse qu’il décida de se
retirer de leur relation. Saint Jérôme déclare : « Comment Joseph peut-il
être qualifié de juste s’il cache la faute de sa femme ? Ce qui parle en
faveur de Marie, c’est précisément le fait que Joseph, connaissant sa
chasteté et émerveillé par ce qui est survenu, dissimule dans le silence
un fait dont il ne comprend pas le mystère ».15
      Francisco Suarez, un théologien jésuite du 17e siècle, propose
l’interprétation suivante :
       Joseph était incapable de juger durement ou de soupçonner la
       Vierge. Poussé dans une direction par les preuves factuelles
       qu’il percevait, et dans un autre par la sainteté exaltée de la
       Vierge, qu’il connaissait d’expérience, il s’est abstenu de tout
       jugement parce qu’il était submergé par une sorte de
       stupéfaction et un grand émerveillement. Il fit réellement preuve
       d’un acte de pure justice en ne s’emportant pas face à une
       question aussi grave tout en ne se laissant pas aveugler par une
       passion ou des sentiments extrêmes. Il s’est convaincu que
       l’événement pouvait être survenu sans péché. Par conséquent, il
       ne voulait pas exposer Marie. Mais comme, pour lui, rien dans la
       situation n’était suffisamment clair, il pensait que la justice lui
       imposait de se séparer de cette femme et de la renvoyer en
       secret.16

      À la lumière de la justice de Joseph, cette interprétation de sa
décision de répudier Marie en secret du fait de sa confusion, comme
l’interprétation précédente selon laquelle il la soupçonnait d’adultère, est
également perturbante et présente des difficultés logiques. Un homme
peut-il être qualité de juste, à cause de sa confusion, surtout quand une
femme enceinte et un enfant en devenir sont concernés ? Saint Joseph
pourrait-il être considéré comme juste en abandonnant Marie s’il était
                                     - 13 -
perturbé et confus quant à l’origine de son enfant alors qu’il était
convaincu de son intégrité morale ?

Joseph était émerveillé par le formidable acte divin !
     La troisième et dernière interprétation considère que Marie informa
Joseph de l’intervention de l’Esprit Saint et que Joseph la crut. Empli d’un
pieux émerveillement face à l’acte puissant de Dieu, Joseph décida qu’il
n’était pas digne d’être si étroitement impliqué dans l’œuvre de salut. Sa
décision de répudier Marie en secret reposait sur son sentiment
personnel d’être indigne et sur sa crainte emplie de révérence devant la
présence et l’œuvre de Dieu. Selon cette interprétation, saint Joseph est
juste précisément du fait de sa révérence envers Marie, son enfant et,
surtout, envers l’origine céleste de la grossesse de Marie. Pour saint
Joseph, vivre avec Marie et son enfant revenait à installer son atelier de
charpentier dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem. Cette
proximité intime avec Dieu aurait été inconcevable pour un juif qui
s’efforçait méticuleusement de respecter les exigences de l’alliance.
C’est cette attitude de crainte respectueuse qui a conduit un ange venu
du ciel à rassurer Joseph, l’homme juste !
     Plusieurs des Pères orientaux de l’Église ont adopté cette
interprétation. Par exemple, Romain le Mélode met les mots suivants
dans la bouche de saint Joseph :
       Ô Être de lumière, je vois une flamme, un feu qui t’entoure et j’en
       suis terrifié. Marie, protège-moi et ne me consume pas. Tes
       entrailles sans péché sont soudain devenues une fournaise
       emplie de feu ; ne le laisse pas me consumer, épargne-moi, je
       t’en supplie. Tu voudrais que, comme Moïse dans l’ancien temps,
       je me déchausse, que je m’approche de toi et que je t’écoute et
       que, éclairé par toi, je te dise « Je te salue, épouse vierge ».17

    Le texte suivant, attribué à un évêque du sixième siècle, a été lu lors
des Matines la veille de Noël pendant des siècles jusqu’au récent
renouveau liturgique :
     Joseph était juste et la Vierge était immaculée : mais quand il pensa
à la répudier, sa décision provenait du fait qu’il avait reconnu en elle la
puissance d’un miracle et un vaste mystère qu’il se sentait indigne
d’approcher. Se sentant humble devant un phénomène aussi grand et
ineffable, il chercha à s’effacer, tout comme saint Pierre se jeta aux pieds
                                     - 14 -
du Seigneur et lui dit « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un
homme pécheur », comme le notable fit dire au Seigneur « Je ne suis pas
digne que tu entres sous mon toit. C’est pourquoi je ne me suis pas
autorisé, moi-même, à venir te trouver », ou encore comme sainte
Élisabeth dit à la très Sainte Vierge « Et comment m’est-il donné que
vienne à moi la mère de mon seigneur ? ». De même Joseph, l’homme
juste et humble, s’examine et redoute l’union avec une telle sainteté.18
      Saint Bernard de Clairvaux considère cette interprétation comme la
compréhension des Pères de l’Église. Dans son supplément à sa Summa
Theologiae, Saint Thomas d’Aquin fait sienne la position suivante :
« Joseph avait décidé de renvoyer la Sainte Vierge non parce qu’il la
soupçonnait de fornication, mais parce qu’en raison de la révérence que
lui inspirait sa sainteté, il craignait de cohabiter avec elle. »19
     Parmi les spécialistes contemporains des Écritures, le Père René
Laurentin et le Père jésuite Ignace de la Potterie considèrent que cette
interprétation du texte de Matthieu 1, 20 est la meilleure. Le Père
Laurentin, par exemple, traduit ainsi l’Évangile de Matthieu 1, 20 :
« Joseph, Fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton
épouse. L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle
mettra au monde un fils auquel tu donneras le nom de Jésus car c’est lui
qui sauvera son peuple de ses péchés. »20
     Le Père de la Potterie traduit le même texte de la même façon :
« Joseph, Fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie,
ton épouse, car l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ;
elle mettra au monde un fils [pour toi] auquel tu donneras le nom de
Jésus ».21
     Selon le Père Laurentin et le Père de la Potterie, le texte indique de
l’ange n’est pas apparu à Joseph dans son sommeil pour dissiper ses
soupçons quant à un possible adultère de Marie ou sa perplexité quant
à l’origine de sa grossesse. L’ange a plutôt été envoyé par Dieu pour
assurer à Joseph que même si sa crainte pleine de révérence devant
l’œuvre puissante de Dieu était pieuse et le satisfaisait, le Seigneur
souhaitait néanmoins qu’il épouse Marie et adopte son enfant comme le
sien.
    Dans cette interprétation, l’ange est apparu à Joseph pour le
conforter dans sa conviction que l’enfant de Marie est bien celui de
                                   - 15 -
l’Esprit Saint et pour lui confirmer que sa vocation est d’épouser Marie et,
par là même, d’adopter son fils Jésus. Sa mission est de donner à Jésus
le nom Fils de David et d’être son père. Saint Joseph est juste en raison
de sa profonde révérence envers l’œuvre merveilleuse de Dieu,
accomplie par l’Esprit Saint en Marie, et du fait de son humilité face à
cette gloire. D’une certaine façon, l’humilité de saint Joseph est le reflet
de l’humilité de Dieu qui consent à devenir chair et à vivre parmi nous.
    Il est intéressant de noter que le Pape Jean-Paul II se fait l’écho de
cette interprétation dans Gardien du Rédempteur : « Bien que décidé à
se retirer pour ne pas faire obstacle au plan de Dieu qui était en train de
se réaliser en elle, sur l’ordre exprès de l’Ange, il la garde chez lui et
respecte son appartenance exclusive à Dieu. »22
    Ayant fondé son interprétation du saint émerveillement sur le texte
de l’Évangile selon Matthieu, le Père de la Potterie parvient à des
conclusions convaincantes :
       Le récit de Matthieu nous montre ce que devrait être la façon
       chrétienne authentique d’accepter avec foi ce mystère de la
       conception virginale de Marie. Dans ce sens, nous pourrions dire
       (en utilisant une expression moderne) que Joseph, l’époux de
       Marie, nous donne l’exemple de la première véritable
       « acceptation » de ce mystère par son attitude emplie de foi,
       d’humilité et de respect. Son comportement devient donc un
       modèle pour tous les croyants, en particulier aujourd’hui. À une
       époque où, bien trop souvent, la conception virginale et la
       virginité de Marie ne sont évoquées que pour jeter le doute sur
       elles en réduisant la discussion à leur sujet sur l’aspect physique,
       l’exemple de Joseph nous invite à reconnaître en Marie le
       mystère de l’acte de Dieu.23

L’Esprit Saint dans la vie de saint Joseph
     Le moment est peut-être idéal pour rappeler le rôle de la grâce de
l’Esprit Saint dans la vie de saint Joseph. Non seulement l’Esprit Saint
invite Joseph à être le mari de la Vierge et le père par adoption du Fils
du Père céleste, mais il lui donne également la grâce de remplir cette
tâche immense.
    C’est l’Esprit Saint lui-même qui est à l’origine de l’amour conjugal
de Joseph pour Marie et de son affection paternelle envers le fils de
Marie. L’Église nous enseigne que Marie et Joseph vécurent un véritable
                                      - 16 -
mariage. Ils éprouvaient une profonde affection conjugale l’un pour
l’autre et partageaient tous les bienfaits du mariage : Marie et Joseph se
jurèrent fidélité pour la vie et étaient prêts à recevoir une nouvelle vie de
Dieu. Par l’intermédiaire de leurs vœux de mariage, Dieu les a unis dans
un lien d’amour qui est devenu une source de grâce toute leur vie dans
la Nouvelle Alliance. Bien évidemment, dans le cas de leur mariage,
l’union ne fut jamais consommée par respect pour l’enfant que Dieu leur
avait donné. Joseph, dans son amour conjugal pour Marie, est le gardien
de sa virginité. Il est aussi le gardien du fils que Marie et lui-même ont
reçu de Dieu. Lui, le chef de la Sainte Famille sur Terre, continue à
exercer une paternité spirituelle dans l’Église depuis sa place dans le
ciel.
      Dans son encyclique Gardien du Rédempteur, Jean-Paul II a fait
remarquer que Joseph témoigna à Jésus tout l’amour naturel que
chaque père éprouve pour son enfant. L’Esprit Saint était la source de
l’affection paternelle ressentie par Joseph envers Jésus. Il est ainsi facile
de se représenter Joseph tenant le bébé dans ses bras, jouant avec
l’enfant, lui apprenant à marcher, écoutant ses premiers mots... On peut
se représenter Joseph s’amusant à lancer l’Enfant Jésus ravi en l’air et à
le rattraper, ou l’enfant grimpant sur les genoux de son père, jouant avec
sa barbe, se pelotonnant sur sa poitrine. Jospeh a peut-être parfois
oublié que cet enfant n’était pas le sien. Quel émerveillement a dû être
le sien chaque fois qu’il s’est souvenu que Jésus était le fils naturel du
Dieu d’Israël !
     Il existe un autre fait qui ne doit pas être passé sous silence : Joseph
a fait pour Jésus tout ce que n’importe quel père fait pour son fils sur le
plan de son développement humain. Saint Thomas d’Aquin décrit
finement le rôle du parent masculin dans la formation humaine de
l’enfant. Il déclarait ainsi : « Il est clair qu’élever un être humain requiert
non seulement les soins de la mère, qui le nourrit, mais encore plus les
soins du père, qui doit l’instruire, le défendre et le rendre meilleur dans
ses qualités intérieures aussi bien qu’extérieures. »24
     Comme les catholiques croient que le Fils Éternel de Dieu a
véritablement pris la nature humaine (une nature humaine semblable à la
nôtre en tout, sauf en ce qui concerne le péché), nous devons affirmer
que Joseph l’a défendu et l’a rendu meilleur dans ses qualités
intérieures aussi bien qu’extérieures. Jésus devait parler comme saint
                                     - 17 -
Joseph. Il devait marcher comme saint Joseph. Il doit avoir imité les
gestes et les expressions de saint Joseph. En tant qu’apprenti dans
l’atelier de charpentier de saint Joseph, Jésus a certainement acquis des
compétences professionnelles auprès de Joseph. Qui peut évaluer la
profondeur du rôle formateur de Joseph à tous les niveaux de
l’éducation affective et psychologique de Jésus ? Bien que le Fils du
Père ait été entièrement prédisposé dans sa nature humaine à respecter
la volonté du Père, le charpentier de Nazareth a toutefois imprimé sa
marque paternelle sur la formation de cette nature humaine.
     En choisissant Joseph comme père adoptif de son Fils, Dieu le Père
a choisi l’homme qui, par la grâce, lui ressemblerait le plus. Joseph a été
à juste titre décrit comme l’image humaine de Dieu le Père. Quel
bonheur de recueillir les premières paroles humaines de Jésus. Peut-
être a-t-il dit abba, le mot araméen voulant dire père, ou papa ? Peut-être
l’Enfant Jésus a-t-il d’abord dit ce mot à Joseph qui, à son tour, a peut-
être éveillé dans sa conscience humaine une compréhension plus
approfondie de son origine issue d’un autre Père ? La relation
qu’entretenait notre Seigneur avec sa mère, Marie, et avec son abba,
Joseph, était si intime et si tendre que Dieu a choisi de dissimuler un
grand nombre de ces détails à tous hormis Marie, Joseph et Jésus.

                SAINT JOSEPH ET LA VIE SPIRITUELLE
     Le Pape Jean-Paul II a indiqué que l’Église, à l’aube d’un nouveau
millénaire, et dans son désir d’amener le monde entier à partager une
relation salvatrice avec Jésus Christ, a besoin de saint Joseph et de son
intercession. Dans Gardien du Rédempteur, il a écrit :
       [Saint] Joseph a acquis un renouveau d’actualité pour l’Église de
       notre temps, en rapport avec le nouveau millénaire chrétien.
       Le Concile Vatican II nous a encore une fois tous sensibilisés aux
       « merveilles de Dieu » et à « l’économie du salut » dont Joseph
       fut particulièrement le ministre. En nous recommandant donc à la
       protection de celui à qui Dieu même « confia la garde de ses
       trésors les plus précieux et les plus grands », nous apprenons de
       lui, en même temps, à servir « l’économie du salut ». Que saint
       Joseph devienne pour tous un maître singulier dans le service
       de la mission salvifique du Christ qui nous incombe à tous et à
       chacun dans l’Église : aux époux, aux parents, à ceux qui vivent
       du travail de leurs mains ou de tout autre travail, aux personnes
                                     - 18 -
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