Samu Social Ville de Marseille

 
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Samu Social Ville de Marseille
IEJ Marseille - juin 2014 / Photographies : Ville de Marseille - Virginie Lecable -Canèle Bernard
                                                                                                    Ville de Marseille
                                                                                                                 Samu Social
Samu Social Ville de Marseille
Ce livret a été réalisé par les étudiants
      de 3e année de l’Institut Européen
 de Journalisme de Marseille en partenariat
 avec le Samu Social de la Ville de Marseille

   Pour prolonger la découverte des actions
du Samu Social, rendez-vous sur le site Internet
    développé pour l’occasion par l’équipe
      rédactionnelle de l’IEJ Marseille :

        www.ecs-marseille.com
Samu Social Ville de Marseille
Le sommaire                                                                                                  L’édito
                                                                                                           M
                                                                                                                     ettreenlumière,c’estextrairedel’obscuritécequel’onnevoitpasouque
                                                                                                                     l’onneveutpasvoir.C’estsansdoutel’intentionquiaguidécesjeunes
                       Un Samu Social unique                                                 p. 5 à 15               journalistes de l’Institut Européen de Journalisme quand ils choisirent
                                                                                                           comme projet de fin d’études, de sortir de l’ombre le travail patient de ces
                                                                                                           hommesetfemmesquiquotidiennementsoulagentceuxquelamisèreécrase.
                       Vivre en foyer                                                       p. 16 à 38     Enparcourantcemagazineondécouvrelesstructuresmisesenplaceparla
                                                                                                           municipalitécommeleSamuSocial,lesUnitésd’Hébergementd’Urgence.
                                                                                                           Marseilleestlaseulemunicipalitéàs’êtredotéedecesbrigadessocialesqui
                       La santé dans la rue                                                 p. 39 à 50     travaillentjouretnuitàredonnerunpeudedignitéauxsans-abri,enpartenariat
                                                                                                           aveclesnombreusesassociationsquiœuvrentdansMarseille.
                                                                                                           Lereportagequisuitestlerésultatd’uneenquêtedeplusieurssemaines.Ilestle
                       Les partenariats                                                     p. 51 à 66     fruitd’unetripleexpérience:
                                                                                                           - professionnelle pour cette dizaine de jeunes journalistes qui signent là leur
                                                                                                           premierlongreportage,
                       Grandes actions                                                      p. 67 à 72     -politique,ausensnoble,oùl’onvoitcombienilestcomplexedegérerladéshérence
                                                                                                           d’unepartiedelapopulationetl’exaspérationdeceuxquelamisèredérange,
                                                                                                           - humaine riche avec ces hommes et ces femmes qui méritent toute notre
                                       Le mot du Maire                                                     attention.
                                                                                                           Jeremerciepersonnellementtousceuxquiontcontribuéàréalisercemagazine
                                                     «Jesuisheureuxquel’InstitutEuropéende          etcesiteInternetimaginépourleSamuSocial.Ilspermettrontdecélébrerla
                                                     JournalismedeMarseilleaitretenuleSamu           bonté et l’abnégation de tous ces acteurs silencieux qui travaillent à rendre
                                                     SocialdelaVilledeMarseillecommeprojet         Marseilletoujoursplushumaine,plusaccueillanteetplusgénéreuse.
                                                     pédagogiqueannueldefind’études.
                                                     Dèsmonarrivéeàlatêtedelamunicipalité,                                                                                             Xavier Méry
                                                     j’ai créé ce service, unique en France avec                                                          AdjointauMaire,déléguéàlaSolidarité
                                                     celuideParis,quiadémontrésonutilitésociale                                                       etàlaLuttecontrel’Exclusion,SamuSocial
                                                     et humaine au quotidien. La générosité des
                                                     Marseillaisparticipeàsoulagerladétressedes
                                                     plus vulnérables grâce à leurs dons en tous
©VilledeMarseille

                                                     genres. Continuons à nous mobiliser pour
                                                     rendrel'espoiràceuxquisouffrent.»

                                                                               Jean-Claude Gaudin
                                                                                  MairedeMarseille
                                                                    SénateurdesBouches-du-Rhône

                                                                                                                     ©VilledeMarseille

                       4    UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme                                                   UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme   5
Samu Social Ville de Marseille
“Allo, ici le standard                                                                               auneautrefonctiontoutaussiimpor-
                                                                                                           tante.

          du Samu Social”                                                                                  "Tenir à jour la main courante"

                                                                                                           "Voiture5àPC". Commeavantchaque
                                                                                                           tournée,lesvoituressortantesappellent
                                                                                                           Christophesurlaradio.Lestandardiste
                                                                                                           répondafindenoterlenombredekilo-
                                                                                                           mètressuruncahier.à chaquesortie,
                                                                                                           les informations de kilométrage, les
                                                                                                           points de rendez-vous avec les SDF
                                                                                                           et les destinations sont notées sur le
                                                                                                           cahier des charges. "Tenir à jour le
                                                                                                           cahier de la main courante est très                                ©ElisaPhilippot

                                                                                                           important.Celanousapermisdevoir
                                                                                                           les abus de certains marginaux ou arrivaientsurplace,iln’yavaitplusper-
                                                                                                           particuliers.Lesgensnousappelaient, sonne.C’estpourcelaquemaintenant
©VilledeMarseille
                                                                                                           onsedéplaçaitmaisquandlesvoitures ondemandeauxpersonnesdenepas
                                                                                                                                                        bougerouauxSDFderestersurplace
          Le 115 reçoit chaque jour quantité d’appels qu’il bascule vers le standard                                                                    afindelestrouverfacilement",explique
           du Samu social. Beaucoup pensent que le numéro n’est actif que l’hiver                                                                       Christophe.
          mais à Marseille c’est toute l’année que le Samu Social est au bout du fil.
                                                                                                                                                            Letéléphonesonne,unautreSDFque

      “S
                   amu Social bonjour !" Cette           Je demande également les informa-                                                           leSamusocialdoitrécupérerauCentre
                   phraseChristophe,lestandar-           tionssurlapersonnequelesvoitures                                                          Bourse.“C'esttoi,Germinal?”,demande
                   diste,larépètetoutaulongde         doiventrécupéreretlelieuoùellese                                                         Christophe.
      l’après-midi.LeSamuSocialdeMarseille             trouve", confie le jeune standardiste.                                                      L'hommeautéléphoneacquiesceetle
      aunespécificité,ilasonproprestandard.          Une fois les informations en main, il                                                    standardisteluiannoncequ'unevoiture
      Le115estlenuméronationald’urgence              saisit la radio et communique les                                                         vavenirlechercher.“à forcedelesavoir
      et d’accueil des personnes sans-abri.            renseignements à la voiture la plus                                                        autéléphone,oncommenceàbienles
      Unnumérod’urgenceaumêmetitreque                 proche.Levéhiculerécupèrelapersonne                                                        connaître.Ilrestesouventdanslemême
      le 17, le 18 ou le 15. En appelant ce       ensituationprécaireetl’amènedansun                                                        secteur,ducoup,c’estplusfacilepour
      numéro,lespersonnessontdirectement                centred’hébergement.                                                                          nousdelesretrouvermaiségalementde
      basculées vers Christophe ou l’un de              La principale mission de Christophe :                                                       reconnaîtrelapersonneque l’on a au
      sestroiscollègues.Autreparticularité              dispatcherlesvoituressurlesdifférents                                                      boutdufil.”
      de cette centrale d’appels, elle est            endroitsoùlesSDFattendentlesvéhi-                                                         Même si c’est l’hiver que Christophe
      ouvertetouslesjours,365joursparan,             culespourleurtransportversunendroit                                                       reçoitleplusd’appels,auprintempsou
      de5hà1hdumatin.                                  oùdormir.                                                                                     enété,laligneestloind’êtremuette.Les
        "Quecesoitdesparticuliers,desSDF              Christopherépondauxpersonnesqui                                                             SDFontbesoind’aidetoutel’année.
      oule115,jerépondsàchaquepersonne               appellentettraiteleurdemandedans
      le plus professionnellement possible.              lesplusbrefsdélais.Maislerégulateur                                                                                       Florent Peyre

      6                UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme    Historique         Historique              UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme       7
Samu Social Ville de Marseille
Samu Social Story                                                                                Ainsi, dès que cela a été possible, en
                                                                                                     2003,leSamuSocialmarseillaiss’est
                                                                                                     lancé dans une action de bien plus
                                                                                                                                                      Socialmarseillais.Unrenouveauincarné
                                                                                                                                                      parunhomme,RenéGiancarli.
                                                                                                                                                      Ancienpolicier,ilprendladirectionde
  C’est à Paris que le Samu                                                                          grande envergure : le Plan Hivernal,        l'association, à la demande de Jean-
                                                                                                     axéautourdelamiseàdispositiond’un         ClaudeGaudin,etchangeenprofon-
      Social a fait son nid.                                                                         gymnase,celuideSaint-André.Undis-           deur son fonctionnement. "Quand je
   Créé en 1993 par Xavier                                                                           positifexceptionnelquiaenfinpermis          suis arrivé, le service  aspirait à se
     Emmanuelli, médecin                                                                             d’accueillirunnombreconséquentde             développeravectoutel’équipe.Nous
    et militant humaniste,                                                                           SDFpourlesmettreàl’abridesgrands          avons exploré toutes les portes,
                                                                                                     froids.                                         rencontrétouslespartenaires,rénové
il a depuis pour but premier
                                                                                                     Mais comme en Provence le calvaire          les locaux, aménagé les horaires
     de lutter chaque jour                                                                           caniculairedel’étépeutêtreluiaussi         d’interventionafind’êtreauplusprès
  contre la misère des plus                                                                          tout aussi redoutable, cette même            dessans-abri",explique-t-il.LeSamu
  vulnérables. Mais comme                                                                            année2003lepremierplancaniculea            Social entre alors dans une nouvelle
                                                                                                     étémisenplace.Dèsle1er juillet,des        ère. Mais le Samu Social c'est aussi
Marseille aime se distinguer,
                                                                                                     équipesspécialessillonnentlavilleet         unehistoiredepartenariats.2006sera
      la ville s’est permis                                                     ©VirginieLecable
                                                                                                     délivrent tout azimut de l’eau potable      une année phare, avec l'éducation
  d’inventer un Samu Social                                                                          auxsans-logis,oùqu’ilssoientsurla          nationaletoutd’abord.
     unique en son genre.                                                                            commune.                                        Leséquipesvontalorsdanslesécoles
                                                                                                     Aprèsplusde10ansd'existence,2005           afin de sensibiliser les jeunes à la

E
        n 1997, le nouveau Maire de         étaientorganisées.Mais,trèsvite,l’orga-       estaussiuneannéemarquantesous              misère,véritableprioritéduservice.
        Marseille, Jean-Claude Gaudin,          nisation avec plus de moyens a su           le signe du renouveau pour le Samu
        décidedecréerunSamuSocial            se développer. Le Samu Social a fait
quiseramunicipal.                               l’acquisition d’un véhicule puis de
Unepremière.Pourquoil’intégreràla            plusieurs, ce qui l’a rendu bien plus
ville?Lamisèreneprendpasdecongés,         présentsurleterrain.Aujourd’hui,avec
pourquoileSamuSocialenprendrait-il?         16 véhicules au moins, il a enfin les
Grâce à la municipalité, l’association         moyens de ses ambitions premières :
fonctionnedoncdésormais“365jours              aiderdansl’immédiattoutendonnant
paran,dejourcommedenuit”,seréjouit        unechancedes’ensortiretderegagner
RenéGiancarli,sondirecteur.                   uneplacedanslasociété.
“ChaquepersonneduSamuSocialest
fonctionnairevolontaireetsalariéede           Œuvrerpourlessans-abri,c’estaussi
lamairie.350élèvesdeslycéesprofes-          les protéger de leur environnement
sionnelsaccompagnentleséquipesdu              immédiat.Parcequelapériodedesfêtes
SamuSocial,chaqueannée,aucours               accroîtdouloureusementcesentiment
deleurstageenentreprise.”                     d’exclusion,en2001,leSamuSocial
Le Samu Social a débuté et fait ses       marseillaisamisenplaceunedistribu-
premièresarmesavecunepetiteéquipe            tiondecolisdeNoëlpourquepersonne
de neuf personnes.Au départ, seules          neresteàl’écart.Maislesfêtesdefin
desmaraudesàpieddejour etdenuit,           d’annéessontaussisynonymesd’hiver.                                                                                               ©VilledeMarseille

8            UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme    Historique             Historique              UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme                    9
Samu Social Ville de Marseille
d'hébergements.Réponseimmédiate,
                                                                                                avec l'ouverture en janvier 2012 de
                                                                                                l'écoleSaintLouis,quin'accueilleque                 à l’international
                                                                                                desfemmes.
                                                                                                                                                  Commelamisère,leSamun'apasde
                                                                                                Trop longtemps négligé, le secteur            frontière et agit tout autour du globe
                                                                                                médicalestenpleindéveloppement.               depuis 1998, date de la création du
                                                                                                Uneinfirmièredevraitintégrerlesma-           SamuSocialInternationalparledocteur
                                                                                                raudes courant 2014 pour traiter la          Emmanuelli. Depuis, de nombreuses
                                                                                                "bobologie" et surtout détecter si la        structuressesontétabliesàl'étranger,
                                                                                                personne a besoin de soins. Une             notamment sur le continent africain,
                                                                                                partieplusaffinéeparleSamuSocial            veillant toujours au bien-être des plus
                                                                                                parisien,Marseillesaitaussis'inspirer         démunis.
                                                                                                delacapitale.

                                                                                                                        Guillaume Lopez

                                                                                                Rencontre réalisée dans le cadre “EPRUS“

                                                                           ©VirginieLecable

                                          LeTribunaldeGrandeInstancedevient
                                          aussiunpartenaire.
                                          Environ 120 personnes par an effec-
                                          tuent des travaux d’intérêt général.
                                          Une relation avantageuse pour les
                                          deuxparties:“Ilnousarrived’aiderles
                                          travailleurs que nous recevons car
                                          ils sont souvent dans une situation
                                          difficile.Nousleursdonnonsparfoisdes
                                          vêtements,desadresses…”

                                          La force du service est d'évoluer au
                                          rythmedelaprécarité.Depuisplusieurs
                                          années,cevisageévolue,avecnotam-
                                          ment une augmentation importante
                                          de femmes SDF, qui engendre de
                                          nombreusesviolencesdanslescentres
                       ©CanèleBernard                                                          ©VilledeMarseille

10   UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme   Historique                 Historique                UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme     11
Samu Social Ville de Marseille
Le Samu Social en chiffres
                 Le Samu Social de Marseille, c’est l’aide, l’acheminement
          et la réinsertion d’un public précaire. Mais ce sont aussi des besoins
            et des outils, sans lesquels il ne pourrait répondre à la demande.
                 Coup d'œil sur la logistique du service aux mille visages                                                                                                             Fonctionnement
                                                                                                                                                                                       des services

                                                                                                                                                                                       Autres associations
                                                                                                                                                                                       solidaire

                                                                                                                                                                                       Unité d’hébergement
                                                                                                                                                                                       d’urgance
©VirginieLecable

                                                                                                                                      “L’UHU de la Madrague-Ville,
                                                                                                                                 représente les 3/4 de nos subventions”
                                                                                                                                     René Giancarli, directeur du Samu Social
                                Le nombre d’appels reçu par le Samu Social en 2013

                     Janvier
                     Février
                       Mars
                        Avril
                        Mai
                        Juin
                      Juillet
                       Août
Septembre
                     Octobre
        Novrmbre
   Décembre

                                0                500             1000             1500              2000        2500
                                                                                                                                                                                                   ©VilledeMarseille

12                                  UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme          Historique   Historique    UnecollaborationSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme              13
Samu Social Ville de Marseille
Marseille sans frontières                                                                        Les étudiants infirmiers sont restés       n’apassespapiersenrègles,nepeut
                                                                                                      interloqués, par le fonctionnement de       malheureusementpasbénéficierd’aide
                                                                                                      l'organisationmaisaussidesproblèmes         ou du fameux CPAS (Centre Public
                                                                                                      auxquelsMarseilledoitfaireface."Déjà       d’ActionSociale)quiœuvrecontrela
                                                                                                      cheznousàCharleroi,iln'yapasde          précarité.
                                                                                                      Samu Social. Il se situe seulement à
                                                                                                      Bruxelles. Nous avons quand même            Biensûr,lavillebelgetentetantbien
                                                                                                      des associations qui luttent contre la     quemaldesoutenirleserrants.Sile
                                                                                                      précarité", expliqueuneétudiante.             système de maraude est inédit pour
                                                                                                                                                      eux, l'Urgence sociale de Charleroi,
                                                                                                      Maislesdifférencesnes’arrêtentpas          peutpermettreletransportdessans-abri
                                                                                                      là.“Lafaçondetraiterlaprécaritén'est     et leur hébergement, mais les places
                                                                                                      pas du tout la même dans les deux        restent très limitées et les conditions
                                                                                                      pays,notammentauniveaudessans-             d’admissionrelèvent,encoreune,fois
                                                                                                      papier.”                                        duCPAS.
                                                                                                      Pas de papiers, pas d'aide. Telle est
                                                                                                      laréalitéenBelgique.Unsans-abriqui                                   Guillaume Lopez

                                                                                 ©VirginieLecable

Rencontre avec des infirmières belges

        Comme la Canebière, le Vieux-Port ou la Bonne Mère,
   le Samu Social marseillais attire “son monde“. Depuis sa création
   en 1997, l’originalité de son fonctionnement a suscité la curiosité.

L
     eSamuSocialmarseillaisestune             pourlesaideràcréerleurpropreSamu
     véritableattraction.Chine,Suède,           Socialetsurtoutlefaireévolueravec
     ou encore Norvège se sont déjà           eux au fil du temps”, explique René
déplacées afin de piocher des idées           Giancarli,directeurduSamuSocialde
dans le fonctionnement particulier de          Marseille.
ceSamu.DémuniedeSamuSocialily               Au printemps dernier, une délégation
aencorequelquesannées,l’Algériea              d’étudiantsinfirmiersbelgesestvenue
aussifaitledéplacementdececôté-ci            à son tour en visite à Marseille. Une
delaMéditerranéeets'estinspiréede            conférence de bilan sur la précarité
l’exemplemarseillais.                            àMarseilleetlesactionsmenéespar
“Onaeuplusieursfoisdeséchanges,on           le Samu Social leur a fait prendre
abeaucouptravailléaveclesAlgériens            consciencedelasituation.

14            UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme    Historique             Historique             UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme    15
Samu Social Ville de Marseille
centred’accueiloud’hébergement.Les          Bien se connaître…

                                                                                                   ©VirginieLecable
                                                                                                                                             maraudesdusoir,elles,ontavanttout
                                                                                                                                             pour mission de convaincre les SDF        Lamarchereprend.L'étapequisuitest
                                                                                                                                             deserendreàl’Unitéd'Hébergement            unbureaudetabacqueJulienconnaît
                                                                                                                                             d'Urgence (UHU), ou  vers d’autres         bien."Onpasseiciparcequelepatron
                                                                                                                                             centres. Histoire de pouvoir manger,        connaît les personnes qui viennent
                                                                                                                                             prendreunedoucheetsereposer…En            régulièrementfairelamanchedevant
                                                                                                                                             hiver, nous sommes beaucoup plus           son commerce. Donc je prends des
                                                                                                                                             présentsenjournée."                           nouvellespoursavoirquiilavurécem-
                                                                                                                                             Juliensortlaglacièreducoffre,ilsait      ment, si quelqu'un a été envoyé à
                                                                                                                                             oùaller,droitdevantsurlesmarches          l'hôpital. Toutes ces connaissances,
                                                                                                                                             d'un bâtiment. Là, trois matelas sont     commerçants,habitantsduquartier…
                                                                                                                                             alignés,chacunentredeuxcolonnes.            constituent le carnet de contacts des
                                                                                                                                             Sur l'un d'entre eux, un homme se        maraudeurs",expliquel'agentenrepre-
                                                                                                                                             réveille et répond encore groggy au        nantlamarche.Ilvadelieuxenlieux
                                                                                                                                             bonjourdumaraudeur."Lasanté,çava          habituellement fréquentés par les

        à Marseille, en rade
                                                                                                                                             ? Je vous sers un café ?", demande      SDF,unecartographiequ’ilconnaîtpar
                                                                                                                                             Julien en pointant le thermos. "Oui,       cœur. “Les équipes de maraudes
                                                                                                                                             merci", répond Gérard, SDF depuis          créentlelien.Petitàpetit,onlesvoit
       Matin et soir, le Samu Social parcourt la ville à la rencontre                                                                        quatreans.Lesdeuxhommesdiscutent           maisilsnousvoienteuxaussitousles
     des personnes vivant dans la rue. Les équipes sont sur le terrain                                                                       etlemaraudeurdemandeàsoninterlo-          jours.” “Eh!Jeveuxducafé”.Julienest
                                                                                                                                             cuteurs'ilabesoind'autrechose:pull,      interrompu par un jeune homme qui
       tout au long de l’année. La maraude : une mission cruciale.
                                                                                                                                             veste,couvertures...Avantdelequitter,      se dirige droit sur lui, une bouteille

G
         ants, gel assainissant, radio        fairelamanche.Normal,ilyaplusde                                                    illuiremetunguidedesadressesd'aide       d’alcoolentaméeàlamain.Derrière,
         reliéeaupostedecontrôledu           passage,doncplusd’argent", explique                                                     et de secours utiles à connaître sur     les personnes avec lesquelles il était
         SamuSocial...Ilesthuitheures,       t-il.Premierarrêtdansunepetiterue,                                                   Marseille:leGuidedel'urgencesociale.      assisleregardentfaire.
Julien,agentdemaraude,terminede              toutprèsduVieux-Port.
préparer le petit camion cinq places.
Danslecoffre,ilrangeminutieusement           Soir et matin, été comme hiver
sonoutildetravailleplusprécieux:la
glacière.à l'intérieur,toutyest,café,        Levéhiculegaré,lamissioncommence.
gâteaux,sucre,thermosd’eauchaude.             "Auprintemps,lesmatinssontencore
à côté de la caisse bleue, un grand        frais. Aussi, de huit heures à midi, je
sac de croquettes. "J’en donne aux          marche dans Marseille pour proposer
personnesdansunpetitsachet,pour              des petits encas aux personnes qui
leurchien",expliqueJulienenclaquant          refusentdeserendredanslesaccueils
la double porte arrière. D'un appel          dejour.C'estégalementl'occasionde
radio,ilprévientsescollèguesdeson           partageruncontacthumainaveceux.
                                                                                                                        ©VirginieLecable

départetenclenchelemoteur.                   L'après-midi,ilfaitbeauetchaud.
Direction le centre-ville. "Une grande        Les gens bougent et préfèrent rester
partiedesSDFsetrouvelà-baspour              à l'extérieur plutôt qu'aller dans un

16           UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme     Immersion                                                     Immersion              UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme    17
Samu Social Ville de Marseille
Le "SDF" ne s’encombre pas de poli-                                                                        quiouvreledébat."Dites,est-ceque
                                                                                                                                                                                   Maraude
                                                           demondeetplusd’argent.” Lavieille
tesses, il exige presque de l’agent ou               femmeracontequ'ellesorttoutjustede              vouspourriezmeramenerunepolaire?
qu’illuifournissedesproduitsd’hygiène.                l'hôpital après une opération. Mais à            Vous savez, avec la capuche là...",
                                                                                                                 lance-t-elleenfaisantminederabattre                  Contrairement à son sens pre-
Aujourd'hui,iln'yenapas.“Enatten-                   nouveausurpieds,elleaaussitôtrepris
                                                                                                                 lecapuchonsursatête.Enentendant                     mier plutôt négatif, la ma-
dant si tu veux j’ai ça”, propose                   lamanche,touslesmatins.Sarahest
                                                                                                                 Julien accepter, Cati ose du coup                   raude a pris aujourd'hui un
Juliensanssedémonterenluitendant                     rapidementrejointeparuneamie,Cati
                                                                                                                 demander,elleaussi,dequoisecouvrir.                 sens très positif. Grâce à elle,
unebouteilledegelassainissant.Refus                   etsonpetitchienditLulu.Méfiante,la
                                                                                                                 Le maraudeur sort de sa poche un                   le contact se noue entre les
catégorique, l'homme s'échauffe et                      nouvellevenuerépondaubonjourde
                                                                                                                 téléphoneportable,semetencontact                     équipes du Samu Social et les
commence à suivre le maraudeur en                     Julienparunsourireunpeucrispéet
                                                                                                                 avecd’autreséquipesduSamuSocial,                     gens dans le besoin.
sous-entendantqu'illuiment,avantde                    éluderapidementlesujetdelablessure
finalement laisser tomber et partir.                   qu’elle a au visage. L'une à côté de          pourfairepasserlemessageetfixerun
“Danscescas-là,ilfauttoujoursrester                  l'autre,lesdeuxfemmesdiscutententre              point de rendez-vous, où des agents
calmeetnepaschercheràargumenter                      copines pendant que le maraudeur                 remettrontàCaticedontelleabesoin.
troplongtemps.Lorsqu’ilsdécidentde                     leursertuncaféetdesgâteaux.Julien              “Lorsqu’ils n’ont pas de téléphone ou
tournertoutestesphrasescontretoi,ce                  n'est pas pressé, il sait qu'il faut du        d’endroit en particulier où on peut les
n’est pas la peine de continuer pour                 tempspourmettreenconfiance.Etça                 trouver,ons’entendsurunedate,une
rien…”                                                     marche. La maîtresse du petit chien,             heure et un point de rendez-vous.
                                                           Lulu,sedétendprogressivement.Elle                 CommeonvientdelefaireavecCati”,
Garder le contact…                                         souritplusvolontiers.Maisc'estSarah              explique Julien en repartant vers le
                                                                                                                 camionduSamuSocial.
En haut de la Canebière, l'agent du
SamuSocialaperçoitSarah*,unevieille                                                                                                     Elisa Philippot
                                                                                                                *Leprénomaétéchangé                                                                   ©ElisaPhilippot
damequ'ilal'habitudedevoirlà,assise
sur un carton. Elle fait la manche à
l’ombre, emmitouflée dans un grand                                                                                                         Mission transport

                                                                                                                 O
manteauqu’elletientbienserrépourse                                                                                 utrelesmaraudes,leséquipes             àl’arrièreducamion,pouvantaccueillir
protéger du froid. Pas question pour                                                                                duSamuSocialontégalement               jusqu’à cinq personnes, les agents
elle de se mettre au soleil. “Il y a la                                                                        pourmissiondetransporterles            contactentlePCpourqu’ilenregistre
sortiedemétrodemoncôté,doncplus                                                                           personneslesplusdémuniesjusqu’aux              l’heureetétablisseunsuiviminutieux
                                                                                                                 différentscentresd’accueiletd’héber-           desmissions.
                                                                                                                 gementdeMarseille.à borddesplus               “La gestion du temps a une grande
                                                                                                                 grands modèles de camions, les                 importance”, explique Laurent, agent
                                                                                                                 agents,engénéralpardeuxoutrois,              depuisprèsde16ansauSamuSocial.
                                                                                                                 sontenliaisonconstanteaveclePoste            “Ilfautserendrerapidementsurplace
                                                                                                                 deContrôle.à l’autreboutdelaligne,           pour récupérer les hommes et les
                                                                                                                 lestandardcommuniquelesinforma-                femmesàemmenerdanslesdifférentes
                                                                                                                 tionsnécessairescommelenomoule               structures de Marseille. Le transport
                                                                                                                 prénomdesSDFqueleséquipesdoi-                représente une part importante des
                                                                                                                 ventretrouver,ainsiqueleslieuxoùles         missions.”
                                                                                                                 conducteursdoiventlesemmener.Dès
                                                                                                                 qu’unsans-abriestrécupéréetinstallé                                                             E.P.
                                      ©VirginieLecable                                   ©VirginieLecable

18             UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme            Immersion                Immersion                 UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme                19
Les nouveaux                                                                                   d’origine et de la perte du logement.
                                                                                                                                                                    26%
   visages de
                                                                                                à Marseille, le Samu Social s’occupe
                                                                                                d’environ1800personneschaqueannée.                         desSDFmajeurs
                                                                                                                                                                   ontentre18

  la précarité
                                                                                                La faute à la crise ?                                           et29ans(Insee)

                                                                                                L’undeschangementsmajeursdepuis
                                                                                                quelques décennies reste celui de
                                                                                                l’explosiondestravailleurssansdomi-           Plus de jeunes, plus de personnes
                                                                                                cile : un quart des adultes SDF a un      âgées
                                                                                                emploi (Insee, 2012), la majorité est
                                                                                                en CDD (24%), en travail temporaire          Autreconstat,plusdejeunes,etnotam-
                                                                                                (15%) ou sans aucun contrat (22%).           mentceuxquisortentdeprison.“Au-
                                                                                                Cesemploissontsouventpeuqualifiés            jourd’huilesystèmecarcéralaccueille
                                                                                                et,pourlamoitié,seulementàtemps             tropdeprisonniers”, expliqueledirec-
                                                                                                partiel : 37% chez les hommes, 63%          teurduSamuSocial.“Ilsn’ontplusnile
                                                                                                chezlesfemmes.                                  tempsnilesmoyenspourlaréinsertion,
                                                                                                                                                  devenuetrèsdifficile.Lesfamilles,déjà
                                                                                                                                                  pauvres, n’ont pas forcément envie
                                                                                                                                                  de reprendre ces jeunes chez elles.
                                                                                ©SimonViens
                                                                                                                 25%                              Nous avons dû revoir notre prise en
                                                                                                              desSDFmajeurs                    comptepsychologiquepourlesrelancer
Depuis une décennie, la population de Sans Domicile Fixe a beaucoup                                           ontplusde50ans                  etressouderlesliensavecleurfamille.”
  évolué : plus de jeunes, plus de personnes âgées, plus de femmes                                                  (Insee)

                 et plus de travailleurs. état des lieux                                                                                          àl’opposé,deplusenplusdepersonnes
                                                                                                                                                  âgéessontsanslogementàcausede

L
     orsqueRenéGiancarliestdevenu             de précarité venant de l’emploi, ex-                                                        retraitestropminces;notammentdes
     directeur du Samu Social il y a        plique René Giancarli. Licenciement,       Plustouchéesparlacrise,lesfemmes            femmessuiteaudécès deleurmari.Le
     neufans,l’organisationaccompa-            harcèlement au travail obligeant à la    sont en effet de plus en plus nom-         chômage des seniors est également
gnait les “clochards” comme on les          démissionetfaisantperdrepiedàses        breusesdanslarue.Alorsqu’ilyaune          unecauseimportante.S’ilyaencore
appelaient à l’époque. à l’époque,             victimes. Un divorce ou une rupture      dizaine d’années. Celles-ci représen-          peu de SDF âgés par rapport à leur
beaucoupétaientSDFdepuisdesan-               peuvent également précipiter une          taient seulement 20% des SDF, ce            présence dans la population totale
nées, de grands marginaux qui pas-           personnedanslaprécarité.”                  chiffreaaujourd’huidoublé.Ontrouve           (47%desFrançaisontplusde50ans),
saient leur vie dans la rue. Mais ça,                                                    aussi régulièrement des jeunes filles         leurnombres’accroîtrapidement:en
c’étaitavant.Selonledirecteur,depuis         DansledépartementdesBouches-du-           jetées à la rue parce qu’elles sont        2001,ilsneconstituaientque2%des
environsixanslaprécaritéachangéde          Rhône, plus de 7000 personnes ont       enceintes.Pours’adapteràcenouveau            SDF.Ilssontaujourd’hui25%.
visage.                                           demandé un hébergement d’urgence           publicleSamuSocialetsespartenaires
                                                  en2013.Unsurseptétaitunenfant.        ontcréédenouveauxcentres,comme
D’après l’Insee, le nombre de SDF a         Laraisonlaplussouventcitéepourla       celuidel’écoleSaint-Louis.                                                       Elise Lasry
augmentéde50%entre2001etdébut               demandeestlaruptureaveclafamille
2012.“Nousavonsvuarriverbeaucoup             etlesamis,suiviedudépartdupays

20           UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme   Immersion          Immersion               UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme       21
Un jour
                                             Le Samu Social toujours à quai

en gare

                          ©CanèleBernard
                                             Saint-Charles, point de rendez-vous dans une vie de vagabond.
                                                 Depuis 2010, une convention a été signée avec la SNCF.
                                                        Les égarés savent désormais à qui parler.

                          A
                                   useindecettefouleimmensede                 “Iciilyadestoilettes,ducafédel'eau
                                   voyageurs,lessans-abripasse-                  potable...Essayezdetrouverdel'eau
                                   raient presque inaperçus. Mais                potable à Marseille”, explique Gilles,
                          detempsentemps,ilscréentquelques                    SDF,quipassesesjournéesàlagare
                          désagréments.Rarement,maisassez                        depuisqu’ilaquittél’Unitéd’Héberge-
                          pourgênerlesusagers,expliquantla                     mentd’UrgencedelaMadragueVille,il
                          créationdupartenariatentreleSamu                     yadeuxmois.
                          SocialetlaSNCF.
                          Depuis2010,deuxéquipesduSamu                         “Nous voulons éviter que certaines
                          Socialeffectuentleurmaraudeengare,                   personnespuissentrester7ou8ans
                          unelematinetl’autrel’après-midi.                    ici,ilpeutarriverqu’elless’enkystent.
                          “Lesgaresontdetouttempsfaitoffice                  Les agents du Samu Social font un
                          derefuge,parcequ'ilyauntoit,parce                 formidabletravaildefourmi.Sanseux,
                          quec'estunlieud'abrienpleincœurde                 ces personnes en difficulté n’auraient
                          laville”,expliquePhillippeDijol,manager              pasd’interlocuteurdumondeextérieur,
                          del'engagementsocialàlaSNCF.                        et le lien serait définitivement rompu”,
                          “Ilyaenpermanenceunevingtainede                   racontePhilippeDijol,citantl’exemple
                          précaires, de SDF sur la gare. Face à             de cet homme en fauteuil roulant,
                          cette problématique, la SNCF a voulu                méconnaissable depuis que le Samu
          ©SimonViens

                          apporteruneréponsesocialeethumaine,                  Sociall’aprisencharge.Désormais,il
                          quiadébouchésuruneconventionavec                    s’occupe d’enseigner le jeu d’échecs
                          leSamuSocial.”                                          dansuneassociation.

                          Immersion                        UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme     23
Salle Voltaire
                                                                                                           L
                                                                                                                  asallequisertd’abriauxSDFporte      ruerefusedesedoucher,cettevieilledame
                                                                                                                  lenomd’unpoèteendéshérence.Il        auxcheveuxblancrefusemêmedeparler.

       ou Salle Rimbaud
                                                                                                                  mourutàMarseilleaprèsavoirreçu        Pour Gilles, “la salle d’attente, c’est une
                                                                                                           des soins à l’hôpital de la Conception,     sallederepos.Lanuit,àl’extérieur,onne
                                                                                                           celui-là même qui accueillait les sans-      dortpas,alorsonvienticisereposer.C’est
                                                                                                           abri.                                            calmeetsurveillé”.
                                                                                                           La salle d’attente Arthur Rimbaud est       Iln’apasfermél’œildelanuit,cramponné
                                                                                                           la plus fréquentée de la gare avec la     àsesaffaires.“Lanuit,àpartirde22h,il
                                                                                                           billetterie.Elleestcentrale,bienenvue.      fautquitterlesgares.Ellesattirentd’autres
                                                                                                           Au milieu de cette salle inaugurée en      rôdeurslesoir,desgensplusdangereux”,
                                                                                                           fanfare par Patti Smith, en novembre         confie-t-il.
                                                                                                           2011,vousneverrezpasdeSDF.Ilsne           LesagentsduSamuSocialnefontguère
                                                                                                           souhaitent pas qu’on les voit. Mais ils     que quelques pas entre deux interven-
                                                                                                           sontlà,assissurlesbancsquijouxtent         tions.Toutlemondelesconnaîtici.Gilles,
                                                                                                           lesmursdelasalle.                            RumeneetNasko,AlainaliasGeronimo,
                                                                                                           Sécurité et confort sont difficilement        Jérome, Ramzy... Jeanne et Stéphanie,
                                                                                                           conciliablesquandoncohabiteavecdes           sont,avectantd’autres,leshabitantsde
                                                                                           ©SimonViens
                                                                                                           SDF.Parfois,lesusagersseplaignent,           lagare.Certainsontoubliédepuisquand
                                                                                                           commelorsqu'unhommedécided'uriner             ils la fréquentent, d’autres jurent qu’ils
                                                                                                           dans un coin. L'hygiène justement, les       quitterontbientôtsesquais.Demain,encore,

I
   lssontnombreuxàprofiterdusoleilà         Bulgarie, Nasko a même une fille au
   l’extérieurdelagare.Ilssontpeuà          pays, mais il ne gagnait pas assez,               agentsduSamuSocialenfontunpoint            lesagentsduSamuSocialviendrontleur
   restersurlesquais.Cettegareestun         mêmepoursurvivre.Stéphanie,agentdu                 d'honneur. “Des habits propres, une           porter assistance. Demain, encore, les
lieudemouvement.Difficiledetrouver            Samu Social, les aide à faire les dé-            douche,çachangelavie”, confirmeune           agents du Samu Social trouveront de
qui que ce soit sans compter sur la         marches administratives nécessaires                   jeunefemmeSDF.                                  nouveauxégarésGareSaint-Charles.
chance.Sicen’estlorsqu’onaprisren-          pour s’inscrire à Pôle Emploi, avoir un           Toutn'estpasparfait.Telvétérandela
dez-vous Square Narvik, ou que l’on           compteenbanque,uneadresse,unnu-                                                                                                       Simon Viens
entre salle d’attente Arthur Rimbaud.          méro de sécurité sociale... Depuis un
C’estsouventparlàquecommencent                mois ils remplissent des formulaires.
lesmaraudes,toujoursàpiedetsans              “Vousverrez,c'estçalaFrance”,rigole
distributiondecouverture,carnuln’est          Stéphanie. “Nomenclatura”, répond
censédormirengare.                              Nasko,rieur.Poureux,ilexisteuneporte
                                                   desortieàlaprécarité.C’estunlongche-
“C’est peut-être un nouveau départ”                minmaisàforcedepatienceetd'effort
                                                   certainsyparviennent.
La salle d’attente Voltaire est peu           “Rumene et Nasko sont extrêmement
connuedupublic.Situéeauboutd'un              motivés, c'est un plaisir de les aider”,
quai,c’estunendroitdepassagepour             confieStéphanie.
lesvoyageursquipeuventytrouverde             L’administratif est une partie du travail
lalectureets'yrestaurer.C'estsurla          desagentsduSamuSocial,etpouren
terrassequenousretrouvonsRumene                expliquer les subtilités, la Gare Saint-
etNasko,deuxBulgares.Ilssontvenus            Charlesestunbonlieuderendez-vous.
trouverdutravail,l’unestroutier,l’autre      Detouslescoinsdelaville,Rumeneet
maçon.Tousdeuxavaientunemploien              Naskosaventlaretrouver.                                                                                                                      ©SimonViens

24              UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme    Immersion                 Immersion               UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme           25
Apache
                   en LIBERté
                   P
                           arvisdelaGareSaint-Charles,unaprès-mididemai,Geronimo
                           discuteavecsesamis,commetouslesautresjoursdel’année.
                           Touslesjoursoupresque.Ilvientjustedesortirdeprison.Trois
                   moisauxBaumettespourdélitdefuite.“J’étaisbourré”,dit-il.
                   Geronimo,c’estsonsurnom."Unhommageaupremierpeupleexterminé
                   parlesblancs." Enréalité,ils’appelleAlain.Quandonluidemanded'où
                   ilvient,ilrépond,sourirenarquois,frondeur:"Jesuiscitoyendumonde,
                   ettoi?"
                   Couvertdenombreuxtatouages,ilamêmesonnumérodeSécurité
                   Socialegravédansledos.Unsouvenirdeprison."Parcequetuvois,
                   onn’estquedesnuméros."
                   Ilracontesonhistoire :unemoto,unevoiture,unemaison,untravail
                   danslesVosges.Unesituation.Puis,en2008,terminé,ilquittetout,
                   claquelaporteetseretrouveàMarseille.
                   Queluiest-ilarrivé?D’oùluiestvenuecetteenviedemettreles
                   voiles,pour,aufinal,vivredanslarue?
                   “Jesuisplusheureuxcommeça”,rétorque-t-il.Peut-êtreest-cevrai.
                   Alors,touslesjours,ilretrouvesa"bandedepotes" surleparvisde
                   laGareSaint-Charles.IlycroiseaussilesagentsduSamuSocial.
                   "C’estgrâceàeuxquel’onvitbien",souffle-t-il,avantdenouslancer,
                   droitdanslesyeux:"JesuisunTerrien,unhabitantdelaterre,et
                   j’aimelaviequejemène." Geronimoestunhommelibre.Unhomme
                   quisembleheureux.
                                                                                   Simon Viens

©CanèleBernard
                   Portrait            UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme   27
Femmes aux foyers
                                                                                          à l’école des femmes                          confort rêvé. Collectivité et proximité
                                                                                                                                        sontderigueurchaquesoir,maisoffre
                                                                                          Oùdormir?Lapremièredesquestions encontrepartieunpeudechaleur,un
                                                                                          dans la rue. Depuis deux ans, les repas,unlitetsurtout,lasécurité.
    Elles sont de plus en plus nombreuses, mais toujours motivées                         femmes isolées ont quitté la mixité au Psychologue,assistantsocial,infirmière
  pour s’en sortir. à Marseille, les centres d’accueil et d’hébergement                   seindel’Unitéd’Hébergementd’Urgence se succèdent dans le petit bureau du
            tentent d’offrir aux femmes soutien et sécurité.                              (UHU) de la Madrague-Ville pour se dernier étage qui sert également de
                                                                                          retrouver, entre elles, au sein de vestiaire,àladispositiondesfemmes

U
         ne petite entrée discrète, une                                                l’ancienne école Saint-Louis. Prêtée danslebesoin,oudesallederéunion.
         cour intérieure couvée par la                                               par la Ville de Marseille et gérée par “Le bâtiment semble grand, mais
         statue de la Vierge Marie,                                                  l’ArméeduSalut,lastructurehautede finalement nousmanquonsdeplace”,
l’accueil de jour pour femmes. La                                                   troisétagesestrestéeenl’état:une expliquelegérantPhilippeLeRendu.
Fontaine Saint-Vincent se présente                                                     douzaine de lits ont remplacé les Depuis le 21 janvier dernier, l’école
commeunvéritablehavredepaixau                                                       bureauxd’écoliersdanslesanciennes ouvresesportesà15 h,aulieude 17 h,
cœur de la circulation dense du                                                     sallesdeclasseauxcôtésdesgrands “maisellesarriventplutôtentre17 het
boulevard Baille. Douches, lessives,                                                   tableauxblancs.                             19 h,surtoutquandilfaitbeau”, précise
collations, depuis 1994, l’association                                                 SeulementquatreWCetdeuxdouches Christelle Leclerc, éducatrice spécia-
offreunaccèsàl’hygièneàuneving-                                                    pourprèsdecinquantefemmes,instal- lisée.Lespensionnaireschangentd’un
taine de femmes démunies par jour,                                                   lésàl'extérieur,àl’autreextrémitédela jour sur l’autre, difficile alors pour
maispasseulement.Lieudevieavant                                                     cour ; le site Saint-Louis est loin du l’équiped’établirunsuivioumêmede
tout,l’accueilproposedenombreuses ©ManonMathieu
animationspourrecréerunliensocial, maison”,expliqueMarie-ThérèsePrud’-
collectifaveccespersonnes.               homme,gérantedulieu.
                                            Ouvertdésormaisseulementleslundis,
Au jour le jour                             mercredisetvendredis,fautedebéné-
Peinture, couture, cuisine ou simples voles,l’accueildejourorganiseégale-
momentsdedétenteetdediscussion ment des sorties, des après-midi de
autourd’uncafé,prêtduchauffageen jeuxpourlesenfantsetunekermesse,
hiver, sur la terrasse ensoleillée les àlafindumoisdemai.Lesfemmesy
beaux jours. “Pour beaucoup de vendent leurs tableaux ou ouvrages
femmes,noussommesleurdeuxième textiles,“l’occasionderécolterquelques
                                            fonds pour rénover le local”. De tous
                                            âges, de toutes cultures, les nécessi-
                                            teusessontaccueilliesàbrasouverts.
                                            “On exige qu’elles viennent avec un
                                            papier d’une assistante sociale pour
                                            que l’on connaisse leur histoire et
                                            leur besoin, mais nous ne refusons
                                            personnepourautant”,préciseMarie-
                                            ThérèsePrud’homme.“Notreporteest
                                            toujours ouverte.” Du moins pendant
 ©ManonMathieu                            lesheuresd’accueil.
28           UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme   Immersion                                                                                ©VilledeMarseille
savoir combien elles seront
chaque soir. Qui dit vie en
communauté dit bien souvent
aussivolsetviolencesdansces
milieux instables, d'extrême
pauvreté.
Uneproblématiquesurlaquelle
ladirectionseveutaussistricte
quesurcelledel’hygiène.“Nous
offronsunaccueilinconditionnel
mais pas à n’importe quelles
conditions, se plaît à rappeler
                                        ©CanèleBernard
PhilippeLeRendu.
“S’ilfautexclureunepersonne
                                                           ©CanèleBernard
pour le bien-être et la sécurité
des 40 autres, je le fais.” Ces                       L’héritage de Jane Pannier                      litshaltesoinsantédestinésauxfemmes
dernierstemps,l’établissement                                                                            vivant dans la rue avec de graves
pourfemmesfaitrarementsalle                            Hébergerunecentainedefemmes,les            problèmes de santé et nécessitant un
comble, une bonne nouvelle                              écouter, les protéger, les orienter...     traitement mais pas nécessairement
pour le dirigeant comme pour                           Depuis1948,plusdemilleaccidentées          unehospitalisation, poursuitledirecteur.
l’éducatricequiconstatenttous                           de la vie, marginales ou violentées,       Nouslaissonscinqplacesàdisposition
deux “plus de volonté pour                            sontaccueillieschaqueannéeausein           du 115, pour les cas d’urgence. En
s’en sortir et d’espoir chez les                      de la Maison de la Jeune Fille du       général,lesfemmesrestentdeuxmois
femmesquechezleshommes”.                               CentreJanePannier.Véritablerefuge           ici,dansunpremiertemps.” Enréalité,
                                        ©CanèleBernard
                                                           dequatreétages,auhautdelaCane-           les résidentes peuvent rester tant
                                                           bière, partagé entre chambres indivi-       qu’ellesenontbesoin,àconditionde
                                                           duelles, salles de bain, pièce de vie,    réellementvouloirs’ensortir.“Réguliè-
                                                           entouréedebibliothèques,etcuisines.        rement, on fait le point avec elles.
                                                           “Notre but est de pouvoir garantir un    Chaquefemmetravailleavecunédu-
                                                           accueil inconditionnel aux femmes           cateur social référent, qui l’accompa-
                                                           majeures qui viennent ici”, explique       gneraletempsnécessaire”,développe
                                                           OlivierLandes,directeurdelastructure       Olivier Landes. Le directeur explique
                                                           depuis1987.                                   qu’en20ans,lapopulationdefemmes
                                                           Ouvertseptjourssursept,vingt-quatre        dansdessituationsd’urgence,livréesà
                                                           heuressurvingt-quatre,l’établissement        elles-mêmes dans la rue ou victimes
                                                           pourfemmesdémunies,leurpermetde            de violences s’est multipliée par dix.
                                                           constituer de nouveaux projets avec         “Maisnousn’avonspasplusdeplaces
                                                           uneéquipe,decréerundossierainsi           qu’avant.RentreràJanePannierde-
                                                           qu’un suivi, si compliqués à mettre       mande parfois d’attendre près de six
                                                           enplacedanslesaccueilsdejourou           mois…”,admet-ilàregrets.
                                                           d’extrême urgence. “Nous disposons
                                                           entoutde45lits,encomptantlescinq             Elisa Philippot et Manon Mathieu

                                        ©CanèleBernard   Immersion              UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme   31
“Il y a toujours pire que soi”

                                                                                                             “J
                                                                                                                       ’aihonte.HontedevenirunefoisparmoisprendreuncolisdelaBanque
                                                                                                                       Alimentaireetdénicherquelquesvêtements.Hontelorsquemesvoisins
                                                                                                                       mevoientici.” Yasmina*,venuefrapperàlaportedel’associationdes
                                                                                                             équipesSaintVincentparhasard,pourtrouverdutravail,refusel’assistanat.
                                                                                                             Sonmarietelleconnaissentbiendesdifficultés,sansemploietavecdeuxenfants
                                                                                                             desixetseptansàleurcharge.Ilsnesontpasàlarue,maisleurquotidienn’est
                                                                                                             pasunlongfleuvetranquille.“Jechercheunemploidepuisdesmois,vraiment,
                                                                                                             etjeseraisprêteàtoutaccepter,mêmelestâcheslesplusingrates”,prometla
                                                                                                             jeunefemmedetrenteans,dontleCVdeboulangèreestpourtantimpressionnant.
                                                                                                             “Aumoinsmesenfantsnesontpascapricieux,ilsn’ontqu’uncadeauparanmais
                                                                                                             saventlemériteretl’apprécier”,plaisante-t-elleavecoptimisme.Yasminaveut
                                                                                                             s’ensortir,pourelle,safamillemaisaussipour“laissersaplaceàceuxdontla
                                                                                                             situationestpirequelasienne”, confiet-elleavecbeaucoupd’altruisme.

                                                                                                                                                                                          Manon Mathieu
                                                                                                             *Leprénomaétéchangé

                                                                                  ©VilledeMarseille

     L’ABC de la réinsertion
D
        es vêtements de rechange, une boisson chaude et un peu d’écoute.
         Aucoeurd’uneruellecalmedu6èmearrondissement,les équipesSaint-
        Vincentaccueillentetrassurentunpublictrèslargementféminin.Précaires,
seulesouavecenfants,ellesviennentenquêtedeconseilsetdesoutien.Créées
parSaintVincentDepaulen1617,souslenomdelapremièreCharitéàl'hôpital
deChâtillon,leséquipesSaint-Vincenttravaillentenétroitecollaborationavecle
SamuSocialquienassurelefinancementvialaVilledeMarseille.
“Lesfemmesconstituententre70et80%despersonnesquiviennentcheznous”,
assureFrançoise,l’unedes22bénévolesducentre. “Lapopulationprécaireest
deplusenplusjeune”, ajoutet-elle.Plusencorequedesvêtementsoudescolis
alimentaires,lesateliersd’alphabétisationsontuneprioritéetunefiertépourles
équipes Saint-Vincent, permettant aux femmes de passer le DILF (Diplôme
d’Initiationdelalanguefrançaise),que“quatreélèvesontréussiàobtenirl’année
dernière”,affirmeChristineMarch,uneautrebénévole.
                                                                                                         ©VilledeMarseille
                                                                            Romain Risso

32          UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme    Immersion                       Immersion              UnpartenariatSamuSocial-InstitutEuropéendeJournalisme   33
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