SECHERESSE, CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET VULNERABILITE : LE DÉFI ENVIRONNEMENTAL DE L'AUSTRALIE - Corpus UL
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MELANIE JEAN SECHERESSE, CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET VULNERABILITE : LE DÉFI ENVIRONNEMENTAL DE L'AUSTRALIE Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en sciences géographiques pour l'obtention du grade maître en sciences géographiques (M. Sc. Géogr.) Département de géographie Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique UNIVERSITE LAVAL QUÉBEC 2011 ©Mélanie Jean, 2011
Résumé Le réchauffement climatique est un sujet brûlant d'actualité, dont l'impact peut être ressenti différemment selon l'endroit où nous vivons sur Terre. Probablement l'un des continents de la civilisation occidentale où les changements climatiques se font le plus sentir, l'Australie s'est réchauffée beaucoup plus rapidement qu'à bien des endroits sur la planète. Ce mémoire tentera de démontrer en quoi les phénomènes climatiques extrêmes, qui sont amplifiés par les changements climatiques actuels, sont générateurs de réactions et d'adaptations en Australie et sont aussi une source de problèmes socio-économiques. En plus de la variabilité naturelle du milieu, vient s'ajouter le défi des changements climatiques. De plus, ce mémoire se penchera sur la vulnérabilité de ce continent face aux changements climatiques et aux sécheresses de plus en plus récurrentes. Les résultats de ce mémoire permettent de mettre en évidence que l'Australie est soumise à une dynamique fort complexe comparativement à d'autres entités géographiques et que les activités humaines rendent l'environnement beaucoup plus fragile aux changements climatiques.
Remerciements Pour la réalisation de ce mémoire, je tiens tout d'abord à remercier mon directeur, Frédéric Lasserre, qui a toujours été disponible pour répondre à mes interrogations et pour me guider sur le bon chemin. Je tiens aussi à remercier madame Nathalie Barrette et monsieur Louis Guay pour leurs conseils judicieux ainsi que leurs suggestions respectives qui furent très utiles dans l'avancement de ma recherche. Finalement, un merci spécial à mon conjoint, Martin, pour son support moral sans faille. Merci de m'avoir accompagnée dans cette aventure au bout du monde et d'avoir découvert avec moi ce magnifique continent. Merci
Table des matières Liste des tableaux 6 Liste des figures 7 Introduction 8 Intérêt de la recherche 14 Chapitre 1 : Territoire à l'étude, historique et problématique 16 1.1 Localisation et description du territoire à l'étude 16 1.2 Historique du peuplement 22 1.3 Problématique 24 Chapitre 2 : Méthodologie, revue de la littérature, objectifs de recherche et hypothèses 27 2.1 Méthodologie 27 2.1.1 Définition des concepts 27 2.2 Revue de littérature 33 2.3 Position par rapport à la littérature 37 2.4 Objectif général 37 2.4.1 Objectif spécifique 37 2.5 Hypothèses 38 2.6 Méthodologie 38 Chapitre 3: un territoire au climat contraignant 43 3.1 La variabilité naturelle de l'Australie et les changements climatiques 43 3.2 Composantes du système climatique 45 3.3 Le phénomène El-Nino Southern Oscillation (ENSO) 46 3.4 Le dipôle de l'Océan Indien 50 3.5 L'Oscillation de l'Antarctique 53 3.6 Conclusion 54 Chapitre 4 : la vulnérabilité de l'Australie face aux changements climatiques 55 4.1 Définir la vulnérabilité pour mieux la comprendre 55 4.2 La vulnérabilité de l'Australie 57
4.3. La vulnérabilité du bassin Murray-Darling 57 4.4 La vulnérabilité du monde agricole 58 4.4.1 L'agriculture en quelques chiffres 59 4.4.2 Les contraintes environnementales 61 4.4.3 Les politiques d'aide aux sécheresses 63 4.4.4 La politique des circonstances exceptionnelles (CE) 64 4.4.5 L'impact sur l'industrie agricole 66 4.4.6 De nouvelles techniques agricoles pour contrer les changements climatiques? 67 4.5 La pression sur les ressources en eau 69 4.5.1 Le cas du bassin Murray Darling 70 4.6 Perceptions et valeurs du monde agricole australien face aux changements climatiques 71 4.7 Conclusion 73 Chapitre 5 : l'empreinte humaine sur l'environnement 76 5.1 L'activité humaine et son impact environnemental 76 5.2 Des données pour mieux comprendre 77 5.3 La transformation du paysage australien 79 5.3.1 Modification du couvert végétal et pressions sur l'utilisation des terres 79 5.4 La gouvernance comme solution 81 5.4.1 Le rôle du gouvernement local 81 5.5 Conclusion 83 6.1 Conclusion de la recherche 84 Discussion 89 BIBLIOGRAPHIE 92
Liste des tableaux Tableau 1. Ratio entre le maximum et minimum annuel Tableau 2. Tableau comprenant différentes périodes climatiques ainsi que la moyenne annuelle des précipitations et de ruissellement des eaux de surface qui leurs sont associées, pour la région du bassin Murray-Darling Tableau 3. Composantes du système climatique qui influence la variabilité du climat en Australie Tableau 4. Les fermes en Australie
Liste des figures Figure 1. Répartition moyenne des précipitations annuelles en Australie 1961-1990 Figure 2. Augmentation moyenne des températures globales et australiennes, basé sur la moyenne de 1961-1990 Figure 3. Proportion des terres irriguées par secteur d'activité 2002-03 et 2003-04 Figure 4. Variations de la température moyenne annuelle, 1910-2006 Figure 5. Variations des précipitations de 1950 à 2006 Figure 6. Séries chronologiques de la température moyenne annuelle de l'Australie 1910-2006 Figure 7. Séries chronologiques des précipitations de l'Australie 1900-2006 Figure 8. Les climats du continent australien (classification Koppen) Figure 9. La région du bassin Murray-Darling Figure 10. Précipitations dans le bassin Murray-Darling Figure 11. Variation des températures par rapport à la moyenne dans le bassin Murray-Darling (1961-1990) Figure 12. Variabilité annuelle des précipitations Figure 13. Apports mensuels dans le système du bassin Murray-Darling Figure 14. Projections de la diminution de l'écoulement dans le bassin Murray-Darling Figure 15. Évolution de l'utilisation de l'eau, 1985-1997, Australie Figure 16. Circulation convective normale de Walker (à droite) et le phénomène El-Nino (à gauche) Figure 17. L'effet El-Nino Figure 18. L'Australie subissant El-Nino, résultats établis sur une période de 12 années El-Nino Figure 19 : El Nino en 1967 Figure 20 : El Nino en 1982 Figure 21 : El Nino en 2006 Figure 18. Figure 22. Évolution d'une phase DOI positive Figure 23. L'Australie durant une phase positive du dipôle de l'Océan indien, hiver et printemps Figure 24. L'Australie affectée par El Nino ainsi qu'une phase positive du DOI (hiver et printemps) Figure 25. Schéma des composantes de la vulnérabilité Figure 26. Les régions agro-écologiques de l'Australie Figure 27. Carte de l'utilisation des terres en Australie Figure 28. Carte des types de sols en Australie Figure 29. Zones irriguées en Australie Figure 30. Répartition des secteurs bénéficiant de l'assistance des circonstances exceptionnelles Figure 31. Effet du système de travail du sol sur le rendement à Sidi El Aydi, Maroc, 2000 Figure 32. Évolution dans le temps des superficies sous semis direct dans le monde Figure 33. Moyenne des jours très chauds en Australie Figure 34 : Températures annuelles de l'Australie Figure 35. Estimation des dépenses du gouvernement australien liées à l'environnement, budget 2001-2007 Figure 36. Les dépenses publiques sur l'environnement, 2002-03
Introduction Mise en contexte L'Australie est un continent unique au monde. À l'exception de l'Antarctique, c'est le continent habité le plus sec de la planète. Avec des précipitations moyennes annuelles de l'ordre de 457 millimètres par année (Wahlquist, 2008), la majorité du continent est très aride et reçoit moins de 300 millimètres par année, comme le démontre la figure 1 suivante. Figure 1. Répartition moyenne des précipitations annuelles en Australie 1961-1990 Source : Australian Bureau of Meteorology 2003 Avec ses 7,6 millions de km2, l'Australie est un continent généralement plat, possédant des sols relativement pauvres en nutriments, un intérieur très aride et une pluviométrie qui varie considérablement sur une échelle de temps saisonnière, annuelle et décennale. Les interactions complexes entre l'atmosphère, les océans et la biosphère créent des variations climatiques régionales, comme c'est le cas pour le continent australien. Son climat est donc fortement influencé par les océans qui l'entourent. Ses principales caractéristiques climatiques comprennent les 8
cyclones tropicaux et de mousson dans le nord; l'influence de l'Océan Indien et du phénomène El- Nino, qui provoque des inondations, des sécheresses prolongées ou des feux de brousse dans l'est de l'Australie. Comme nous le verrons plus en détail dans le chapitre 3, les années El-Nino sont généralement synonymes de sécheresse et de précipitations inférieures à la moyenne (Pittock, 2003). De plus, le climat de l'Australie est aride aussi à cause du fait qu'il n'y a pas de grands plans d'eau sur le continent, ce qui ne favorise en rien l'humidité. Pourtant, si l'on remonte dans le temps, on découvre une tout autre facette de l'Australie. À l'époque de la Pangée1 il y a plusieurs millions d'années, l'Australie formait, avec toutes les autres terres émergées, un seul et unique continent. Lorsque la Pangée se brisa peu à peu en deux, la grande dérive des continents s'amorça. L'Australie fut d'abord poussée vers le pôle Sud, aux côtés de l'Antarctique, et se couvrit de forêts tropicales luxuriantes. Puis, il y a 65 millions d'années, elle largua les ultimes amarres avec sa voisine australe. La grande île remonta alors lentement vers l'équateur, jusqu'à sa position actuelle. Son long périple vers le nord n'est d'ailleurs pas encore achevé et se terminera, dans environ une cinquantaine de millions d'années, en rejoignant le continent asiatique (Le Cam, 2000). Le continent se retrouve donc aujourd'hui à des latitudes sud- tropicales, zone où l'on rencontre souvent de grands étendus désertiques (comme le Sahara dans l'hémisphère nord). De nos jours, le continent australien est davantage synonyme d'aridité et mis à part quelques régions du nord qui bénéficient d'un climat tropical ou du sud-est au climat un peu plus tempéré, la grande majorité du continent doit conjuguer avec un déficit hydrique fréquent et une pluviosité très variable d'année en année. Depuis la fin du 20e siècle, le continent australien est confronté à un nouveau défi, le changement climatique. Ce dernier vient bouleverser non seulement le climat de l'hémisphère nord et des régions polaires, mais aussi celui de l'hémisphère sud. L'équilibre écologique initial de l'Australie était déjà fragile et a été rompu principalement par l'exploitation massive des réserves en eau, principalement pour l'irrigation, ainsi que par les deforestations, mises en pâturages et introduction Supercontinent qui aurait dérivé depuis le Mézozoïque (de -250 MA à -65 MA) jusqu'à nos jours et dont les fragments constitutifs se seraient progressivement détachés les uns des autres pour former les continents que nous connaissons aujourd'hui.
de cultures européennes par les colons, qui ont entraîné un fort accroissement de la salinisation, de la désertification et de l'acidité des sols (Perez, 2002). Depuis le milieu du 20e siècle, l'Australie est aux prises avec de nombreux problèmes environnementaux (érosion côtière, feux de forêt et sécheresses prolongées) qui ne cessent de s'aggraver. Dernièrement, en février 2009, le sud-est de l'Australie fut ravagé par les pires incendies de forêt de son histoire. En pleine canicule, les feux se sont propagés rapidement et tuèrent des centaines de personnes. Pendant ce temps, dans le nord de l'Australie, la situation était inverse : dans l'état du Queensland, de nombreuses villes furent victimes d'inondations suite à des pluies diluviennes. Les récentes études scientifiques menées sur les changements climatiques, telles que celles faites par le GIEC2, arrivent à la conclusion que les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines continuent de modifier l'atmosphère d'une manière qui devrait influer sur le climat mondial. Les changements climatiques s'ajoutent donc au stress déjà vécu par l'Australie, notamment au sujet de l'utilisation durable de l'eau et des terres ainsi que la conservation de la biodiversité terrestre et aquatique menacée par le développement agricole et urbain. Comme l'expose la figure 2 suivante, la température moyenne de l'Australie, bien qu'elle subisse de nombreuses variations annuelles, augmente plus rapidement que la température globale. 1 nnwiwimimwwiiiiiriniiiiiimiiHwwmmiiinPiiiiiniimiw mi iwn 1910 1920 1930 19*) 1950 I960 1970 1980 1990 2000 Graph b i d on d * u horn &m BUTMU of Figure 2. Augmentation moyenne des températures globales et australiennes, basé sur la moyenne de 1961-1990 Rapport d'évaluation du GIEC, Bilan des changements climatiques 2001,2007. 10
Bien que l'agriculture ne représente que 3% du PIB australien, ce secteur utilise une large proportion des ressources en eau, soit 65%, ainsi qu'environ 60% de la superficie du pays (Year Book Australia, 2008). Les entreprises agricoles sont principalement engagées dans l'élevage bovin et ovin ainsi que dans la culture des céréales, activité gourmande en eau pour l'irrigation. La production agricole australienne aide à fournir des vivres et des vêtements pour une nation de plus de 20 millions de personnes. En outre, l'Australie exporte près de 65% de sa production agricole vers les marchés internationaux. La variabilité des précipitations est très élevée par rapport aux normes mondiales et aboutit souvent à de longues périodes sans pluie. Au cours des cinq dernières années, l'Australie a vécu deux des plus graves sécheresses enregistrées. En effet, certaines régions de l'Australie ont subi une longue sécheresse de plusieurs années. Les années 2002-03 et 2006-07, qui correspondent à ces deux sécheresses, ont d'ailleurs enregistré des températures records. En conséquence, ces conditions défavorables ont en quelques années affectées la production des produits de base et la performance économique du pays. Le secteur agricole demeure donc très sensible aux périodes de sécheresse, qui semblent s'aggraver avec le réchauffement climatique (Year Book Australia, 2008). Comme nous l'expose la Figure 3, l'irrigation prend une place très importante, voire même essentielle pour de nombreuses cultures telles que le riz ou le raisin par exemple, dont 99% et 91% des cultures étaient irriguées en 2003-2004. Certaines cultures en dépendent même à 100%. Part**torg f * » * M JJ • IM«i>NI I *•«•» M I m M tm m » 0 «M a Figure 3. Proportion des terres irriguées par secteur d'activité 2002-03 et 2003-04 11
Les ressources en eau sont donc vitales non seulement pour l'économie australienne, mais pour la subsistance même de ses habitants. Par ailleurs, les changements climatiques semblent empirer une situation déjà ardue pour le continent australien et les scientifiques s'attendent à ce que ces tendances se poursuivent au cours du 21 e siècle (Henson, 2008). La période d'analyse de ce mémoire s'étendra de 1950 à 2009 inclusivement, années correspondant aux données disponibles sur les émissions de gaz à effet de serre australiennes et mondiales. Cette période a été retenue, car elle correspond d'abord à la période où le développement des activités humaines s'est intensifié et, d'autre part, parce que la fin du 20e siècle et le début du 2L correspondent à une période assez particulière où les températures ont augmenté, les vagues de chaleur sont devenues plus fréquentes et les jours plus froids de moins en moins nombreux (Australian Bureau of meteorology). Les figures 4, 5, 6 et 7 résument bien cette tendance au réchauffement et à la diminution des précipitations du dernier siècle, surtout en ce qui concerne l'est du continent. ois ttf 000 «06 -aïo 4M Map of trends in annual mean temperature V CC/10 years), 1910-2006. Figure 4. Variations de la température moyenne annuelle, 1910-2006 Source : Australian Bureau of Meteorology 12
Map of trends in annual ^ J total rainfall (mm/yaar). V 1950-2006. Figure 5. Variations des précipitations de 1950 à 2006 Source : Australian Bureau of Meteorology mo i m tm iî*) 1950 1960 1970 i m im 2m 2010 Figure 6. Séries chronologiques de la température moyenne annuelle de l'Australie 1910-2006 Source : Australian Bureau of Meteorology 1900 1910 1920 1930 1940 1950 i m 1970 i m i m 2000 Y«ar Figure 7. Séries chronologiques des précipitations de l'Australie 1900-2006 Source : Australian Bureau of Meteorology 13
Intérêt de la recherche L'intérêt de cette recherche réside surtout dans le fait qu'il est pertinent d'observer l'impact socio- économique d'un phénomène climatique d'importance, dans ce cas-ci les sécheresses prolongées qui prennent des proportions inquiétantes. L'Australie fait aujourd'hui face à une véritable problématique de l'eau et de nombreuses tensions liées à cette ressource précieuse se font sentir. Puisque le continent est composé en grande majorité de désert, de plaines et de savanes, les pénuries d'eau sont fréquentes. Seules les parties au sud du continent bénéficient d'un climat un peu plus tempéré (figure 8). La grande majorité de l'île-continent est composée de déserts arides et vastes, où les précipitations sont très faibles. De plus, la variabilité naturelle du continent lui confère un aspect particulier. Le pays est déjà sensible à ces variations climatiques et le réchauffement de la planète vient donc amplifier ce phénomène. ri >—. » i ~ * r i * M p » > M t r antina > i ii i améH «»*—» i n n * Miian I Figure 8. Les climats du continent australien (classification Koppen) Source : Australian Bureau of Meteorology 2001 14
En rapport au domaine de recherche, l'étude de ce sujet est donc pertinente pour connaître les différents modes de mobilisation de la ressource en eau et l'impact socio-économique de ces sécheresses hors de l'ordinaire, qui pourraient peut-être s'expliquer par les changements climatiques. De fait, comment la société australienne s'est-elle adaptée jusqu'à présent à cette aridité ? Cette approche est-elle en train de changer ? Si la récurrence des sécheresses est imputable aux changements climatiques, il est pertinent de se demander si les acteurs sont en mesure de répondre au défi de l'adaptation à ces sécheresses. De plus, si les causes de ces changements ne sont pas que climatiques, alors la gouvernance s'avère peut-être un bon outil pour y remédier. 15
Chapitre 1 : Territoire à l'étude, historique et problématique 1.1 Localisation et description du territoire à l'étude Figure 9. La région du bassin Murray-Darling Source : Discover Murray, 2010 Le territoire à l'étude est celui du bassin versant du fleuve Murray-Darling (figure 9), situé principalement dans la partie sud-est de l'Australie. Ce bassin couvre une superficie d'environ 1 million de km2, ce qui représente 14 % de l'Australie. L'Australie est l'un des continents les plus arides. Plus de 80 % de sa surface connaît une pluviométrie annuelle inférieure à 600 millimètres, dont 94 % s'évaporent, 2 % s'infiltrent dans le sol et 4 % se transforment en ruissellement (Murray-Darling Basin Commission). La grande majorité de cette eau s'évapore ou est absorbée par les plantes, le reste recharge les eaux souterraines. De plus, certaines années, la pluie peut se faire plus rare, comme lors d'une année El- Nino, où les précipitations sont généralement plus faibles. 16
Murray Daring Bas*) Annual R » « * a l 1000 11 Ml Ml M II III I I I I ' I III I III 11 HI I III I l l l l 11II11 III II Ml l l l l 1111 l l l l l l l l l l l l l I I I .46000
Comme on peut le voir sur la figure 12, les précipitations en Australie varient beaucoup d'année en année. Par exemple, une variabilité des précipitations plus élevée signifie que les précipitations sont susceptibles d'être irrégulières d'une année à l'autre, de fortes pluies pour quelques années, et peu ou pas de précipitations pour d'autres. Les régions désertiques du centre de l'Australie ont tendance à avoir ce genre de régime des précipitations. ' 4* l l l l C~m ~$?y?. A •s , »^^ ■ «• iaa «•il MMM ^ - i yt y mmmm »£ Sn^fW ... Rainfall vartaNWy ^/;-,r7"^~/^^ «*««■*. JSA AIHMMI I « » M» M «B ., M.>ll—«tlpt Figure 12. Variabilité annuelle des précipitations Source : Australian Bureau of Meteorology, 2010 Les précipitations dans le sudouest de l'Australie occidentale ont diminué d'environ 15 %. Les recherches indiquent que les changements climatiques ont contribué à cette diminution (Cai & Cowan, 2006; Ryan & Hope, 2006; Van Ommen & Morgan, 2010). Il est également démontré que la diminution des précipitations dans le sudest de l'Australie ne peut pas s'expliquer uniquement par des variations naturelles. Les températures ont augmenté en Australie et un certain nombre de conséquences se font déjà sentir. Comme nous le démontre la figure 13 suivante, les récents apports mensuels en eau dans le bassin MurrayD arling (20072008) sont bien en deçà de la moyenne à long terme et même de la moyenne de 19892007. Grâce au tableau 1, nous pouvons aussi observer que pour la rivière Murray et surtout la rivière D arling, le ratio entre l'écoulement maximum et 18
l'écoulement minimum annuel est très grand. Les sécheresses sont aussi plus graves parce que l'augmentation des températures crée plus d'évaporation. L'incidence des conditions météorologiques extrêmes dans le sud-est de l'Australie a augmenté et il y a eu un certain nombre d'épisodes de blanchissement graves des bancs de coraux sur la Grande Barrière de corail au cours de la dernière décennie. Même si un accord international ambitieux était réalisé pour réduire les gaz à effet de serre, certains changements sont déjà en branle parce que les gaz à effet de serre reste longtemps dans l'atmosphère après qu'ils soient émis. Qui plus est, l'énorme quantité de chaleur absorbée par les océans du monde, au fur et à mesure que la concentration de gaz effet de serre augmente, signifie que les changements climatiques ne peuvent être inversés pour les années, voir les décennies à venir. L'un des enjeux cruciaux est d'enrayer l'aggravation et commencer à s'adapter aux changements qui sont déjà en cours. Même si les changements climatiques peuvent être contenus à environ 2 °C de réchauffement de la planète, l'Australie aura à gérer des risques graves ainsi que les impacts de ces changements. 2000 WOO t 1400 5 OOO 1 1000 •00 «00 1 400 »o —1— —r— —T- Od Dm Jan fat May Figure 13. Apports mensuels en eau dans le système du bassin Murray-Darling Source : Department of Climate Change, Australia 19
Tableau 1. Ratio entre le maximum et minimum annuel Country Rivar Ratio between maximum and minimum annual flows Bruit Amazon 14 SwiUartand Rhina 1.9 Chin» Yangttt 2 Sudan WhitaNtla 24 USA Potomac 4 South Africa Orange 17 Australia Hurray 30 Australia Huntar 54 Australia Darting «700 Source : Department of Climate Change, Australia Au niveau économique, le bassin Murray-Darling est d'une importance considérable pour le pays. En effet, il produit 53 % des céréales cultivées en Australie, dont entre autres 100 % du riz, 95 % des oranges et 54 % des pommes. On y retrouve aussi 28 % du cheptel du pays, dont 45 % des ovins et 62 % des porcs. Cette région génère ainsi 40 % du revenu national provenant de la production agricole. En Australie, l'irrigation est très importante pour l'agriculture : en effet, seulement 5 % des terres agricoles en Australie sont irriguées, mais garantissent 30 % du produit agricole et de ce total des terres agricoles irriguées, 70 % se trouvent sur le territoire de ce bassin (Murray-Darling Basin Commission). Le bassin Murray-Darling quant à lui abrite 70 % des terres irriguées et 40 % de la production agricole. L'agriculture utilise à elle seule pratiquement 60 à 70 % de l'eau consommée en Australie et l'irrigation consomme 90 % de cette quantité. Cette production irriguée vaut entre 8 et 11 milliards de dollars canadiens par an. En 2005-06, il y avait 44 800 agriculteurs utilisant l'irrigation en Australie, selon les statistiques. En 2004-05, l'agriculture représentait 65 % de l'eau consommée en Australie. La technique d'irrigation la plus utilisée est l'irrigation gravitaire. Celle-ci est utilisée sur 68 % des terres irriguées (20 % des fermes), suivie du goutte-à-goutte sur environ 8 % des 20
terres. De nombreux produits agricoles sont très dépendants de l'irrigation, par exemple, l'horticulture (fruits et légumes), le raisin, le riz et le coton. D'autres produits, comme les produits laitiers et le sucre, sont aussi très dépendants en fonction des saisons (Roth & Leonardi, 2008). Support de plus de 2 millions de personnes (Nouvelles-Galles-du-Sud (39 %) et Victoria (29 %)), le bassin Murray-Darling est le plus important réseau hydrographique d'Australie. Ses vastes zones humides sont essentielles et ses fonctions hydrologiques, biologiques et chimiques soutiennent la productivité et la santé de ses cours d'eau (Perez, 2002). Au cours des 100 dernières années, la vie dans le bassin Murray-Darling a été transformée par la construction de grands barrages sur ses rivières. Le volume total d'eau stocké dans le bassin est d'un peu moins de 35 milliards de m3. Ces stockages permettent d'emmagasiner de l'eau lors de périodes humides et de la libérer en cas de besoin au cours de l'été ou lors d'une sécheresse. Le système hydrographique du Murray-Darling se compose principalement de deux rivières, le Murray et le Darling, ainsi que leurs affluents. Ils font donc partie du système fluvial combiné Murray- Darling, long de 3 750 kilomètres, qui draine les terres des états de Victoria, de Nouvelle-Galles-du- Sud et du sud du Queensland. Le bassin couvre au total une énorme superficie de 1 061 469 km2, ce qui représente 14 % du territoire australien (Kirby et a l , 2006). Aujourd'hui, le bassin soutient une production agricole qui avoisine 4,8 milliards AUS$ (3,8 milliards de dollars canadiens). Parmi les autres secteurs économiques du bassin, notons la production minière (or, argent, charbon) et le tourisme. Toutes ces activités dépendent fortement des ressources en eau du bassin. Au-delà même des limites du bassin, plusieurs autres villes dépendent de ses ressources en eau, car le bassin représente leur seule source d'approvisionnement en eau (Perez, 2002). La dégradation dans les grands systèmes fluviaux n'est pas rare, mais les caractéristiques biophysiques du bassin Murray-Darling et les impacts du développement économique ont causé plus de dégradation que dans d'autres systèmes fluviaux (Connell, 2007), ce qui le rend encore plus fragile. Le bassin est par ailleurs situé dans une zone climatique très contraignante, à l'est d'un continent généralement très sec, au climat variable. Comme le démontre la figure 14, les projections 21
sur l'écoulement prévoient une diminution importante dans le bassin Murray-Darling (PMSEIC, 2007). Figure 14. Projections de la diminution de l'écoulement dans le bassin Murray-Darling Source : Commonwealth of Australia, 2007 1.2 Historique du peuplement Durant ces deux derniers millions d'années, le climat australien a progressivement évolué vers des conditions plus sèches et plus variables, ce qui favorisa entre autres le développement de végétations sclérophylles, mieux adaptées à la sécheresse, au profit d'écosystèmes d'eau douce (Kershaw et al., 2003). L'étude des grains de pollen provenant de l'est de l'Australie nous indique entres autre que les précipitations il y a 4000 à 5000 ans étaient généralement plus importantes qu'aujourd'hui (Schulmeister & Lees, 1995). De plus, en étudiant le corail du nord de l'Australie, on découvre que depuis 1661, les rivières du Queensland subissent de fortes variations interannuelles (Lough, 2007). L'arrivée des Aborigènes sur le continent australien, il y a environ 60 000 ans, eut une influence plutôt secondaire dans le changement environnemental qu'a connu l'Australie au cours des derniers millénaires. Puisque le continent australien a eu peu d'activité volcanique ou glaciaire dans son histoire, le continent ne bénéficie pas de sols très riches. En raison des sols qui n'étaient pas propices à l'agriculture, les Aborigènes avaient adopté un style de vie plutôt nomade. En effet, leur style de vie était clairement une adaptation à la disponibilité très erratique des ressources en eau. Le peu d'agriculture qu'ils pratiquaient se faisait sur brûlis, qui leur permettait de nettoyer et régénérer des territoires destinés à la chasse et à la cueillette. Les dommages qu'ils causaient ainsi à 22
l'équilibre écologique étaient compensés par leur petit nombre et leur mode de vie nomade. Ces feux contrôlés avaient aussi l'avantage de prévenir les incendies plus graves qui auraient pris naturellement. Les Européens, eux, estimèrent que les feux menaçaient leur vie et leurs propriétés et, pendant des années, s'efforcèrent d'y mettre un terme. Résultat : les incendies sont devenus beaucoup plus nombreux dans le bush, où la moindre étincelle y trouve un terrain propice. L'arrivée des Européens est donc venue bouleverser ce fragile équilibre (Kershaw et al., 2003). Deux cents ans de colonisation européenne ont transformé radicalement le continent australien. Dans les zones d'utilisation intensive du sud-est et du sud-ouest, approximativement 50 % des forêts denses et 65 % des plaines boisées indigènes ont disparu ou ont été sévèrement modifiées par les nouveaux arrivants. Les changements majeurs ont débuté vers 1890, avec l'apparition de l'élevage de moutons et de la culture du blé dans plusieurs régions du sud de l'Australie. Ils furent cependant accélérés après la Deuxième Guerre mondiale, où plus de 13 millions d'hectares de végétation indigène furent transformés pour l'agriculture (McAlpine, 2009). Aujourd'hui, autant dans le sud-ouest que dans le sud-est, la transformation de la végétation originelle a eu entre autres pour conséquence l'apparition des problèmes de salinité que nous connaissons de nos jours, car c'est l'agriculture et l'irrigation des terres qui est responsable de la salinisation des sols, c'est-à-dire du dépôt de quantités toxiques de sels divers dans le sol qui rendent la croissance des plantes impossible. En 2000, 28 % des terres irriguées étaient affecté par la salinisation. C'est la destruction du couvert forestier, l'élimination des plantes indigènes et leur remplacement par des plantations importées, d'une part, et l'introduction de techniques agricoles européennes, d'autre part, qui ont perturbé la dynamique hydrologique du bassin Murray-Darling : les quantités d'eau qui s'infiltrent dans les sols et y reviennent, chargées de sels, ont considérablement augmenté du fait des modifications du couvert végétal (Lasserre, 2005). 23
1.3 Problématique Selon le GIEC3 (Bilan 2007 des changements climatiques), l'essentiel de l'élévation de la température moyenne du globe observée depuis le milieu du 20< siècle est très probablement attribuable à la hausse des concentrations de gaz à effet de serre anthropiques. Tous les continents ont donc subi un réchauffement marqué depuis les cinquante dernières années et subissent des bouleversements d'ordre environnemental et social, comme c'est d'ailleurs le cas en Australie. Entre 1906 et 2005, la température mondiale moyenne s'est réchauffée de 0,74 °C. La fréquence et/ ou l'intensité de certains phénomènes météorologiques extrêmes a d'ailleurs augmenté au cours des 50 dernières années. Les vagues de chaleur sont plus fréquentes, à certains endroits du globe, le niveau de la mer a augmenté, des côtes se sont érodées et les observations récentes révèlent une augmentation de l'activité cyclonique dans l'océan Atlantique Nord et une fonte accélérée des glaciers, particulièrement ceux de l'hémisphère nord (GIEC Bilan 2007 des changements climatiques). En ce qui concerne plus particulièrement l'Australie, selon le rapport 2007 du GIEC sur les changements climatiques, certains sites d'une grande richesse écologique, comme la Grande Barrière de corail et les « Wet Tropics » (tropiques humides) du Queensland, devraient subir une perte importante de biodiversité d'ici 2020. D'ici 2030, les problèmes d'approvisionnement en eau devraient s'intensifier dans l'est et le sud de l'Australie ainsi que dans le Northland. D'ici 2030, la production agricole et forestière devrait décroître dans une bonne partie du sud et de l'est de l'Australie en raison de l'accentuation de la sécheresse et de la fréquence accrue des incendies. D'ici 2050, dans certaines régions de l'Australie, l'aménagement progressif du littoral et la croissance démographique devraient accroître les risques liés à l'élévation du niveau de la mer et à l'augmentation de l'intensité et de la fréquence des tempêtes et des inondations côtières. L'Australie a ratifié le protocole de Kyoto le 12 décembre 2007, ce qu'elle avait refusé jusqu'alors en s'alignant sur la position américaine. Elle s'est donc engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 5 % pour la période 2008-2012 par rapport à l'année de référence 1990 (UNFCCC, 2009). Selon la United Nations Framework Convention on Climate change (UNFCCC, 2005), les émissions de dioxyde de carbone, l'un des principaux gaz à effet de serre, étaient de 18,9 tonnes métriques par habitant en 2005, ce qui classe l'Australie au 8e rang mondial, juste derrière les États- Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat qui a pour mission d'évaluer de façon méthodique et objective les informations scientifiques, techniques et socio-économiques nécessaires pour mieux comprendre les risques liés aux changements climatiques. 24
Unis. L'Australie est d'ailleurs le plus grand exportateur de charbon au monde. Depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement travailliste de Kevin Rudd en novembre 2007, l'Australie a fait du changement climatique l'une de ses principales priorités. Avec une superficie de 7 millions de kilomètres carrés, la part d'eau sur le continent est plutôt faible, comparativement à d'autres continents davantage pourvus en eau. L'Australie a dû, très tôt dans son histoire, aménager ses ressources en eau, à l'aide d'infrastructures (digues, barrages, systèmes d'irrigation), afin de régulariser et d'assurer un débit plus constant sur le peu de ressource déjà disponible. Depuis sa colonisation, l'utilisation et la consommation d'eau en Australie n'ont cessé de s'accroître, augmentant alors la pression sur la ressource. Après l'agriculture, ce sont les secteurs urbains et industriels qui utilisent le plus d'eau en Australie. Comme l'illustre la figure 15, entre 1985 et 1996-97, l'utilisation totale de l'eau a augmenté de 65 %. Au cours des 20 dernières années, la surface irriguée a pratiquement doublé en Nouvelle-Galles-du-Sud et dans le Queensland. L'Australie a aussi connu une augmentation de 76 % du volume annuel d'eau utilisé pour l'irrigation entre 1985 et 1996-97 et la majorité de l'eau prélevée provient du bassin Murray- Darling (National Land and Water Resources Audit, 2000). ll.ti-r i l HOOQNsOonêlLênàmnd W f r Ptnoutcn Audit. Une* and W a t n Australia. 2001 Figure 15. Évolution de l'utilisation de l'eau, 1985-1997, Australie 25
Cela étant, plusieurs défis considérables subsistent dans la gestion de l'eau, d'autant que la consommation totale reste orientée à la hausse. Des bassins hydrographiques et aquifères souterrains importants demeurent surexploités, et l'incidence des proliférations de cyanobactéries n'a pas fléchi. L'Australie est donc confrontée à des défis très particuliers concernant l'exploitation durable de ses ressources en eau (OCDE, 2007). Même avant le développement industriel de l'Australie, l'aridité et la présence de sol moins propice à l'agriculture à cause de sa forte teneur en sel préexistaient déjà. De plus, l'Australie n'est pas un pays recevant beaucoup de précipitations (voir figure 1). Le nord de l'Australie reçoit un peu plus de précipitations que le sud, mais la moyenne demeure relativement peu élevée. En plus de ce climat aride, la dégradation de son écosystème forestier n'aide en rien face au réchauffement climatique que subit le pays. Cette aridité, composante intrinsèque du milieu australien, accentuent le phénomène de sécheresse que subit le pays ces dernières années. Ces sécheresses récentes et la diminution des ressources en eau, phénomènes d'une gravité importante, ont suscité un véritable débat social, car on cherche à savoir si les causes sont d'origine anthropique (développement socio-économique, problème de gouvernance de l'eau) ou bien si ces sécheresses exceptionnelles sont causées par les changements climatiques. Face à tous ces constats, on peut se poser la question suivante : les sécheresses exceptionnelles en Australie sont-elles causées uniquement par la variabilité naturelle du climat ou par les changements climatiques récents, ou bien l'ampleur de leur impact est-il plutôt la conséquence des activités humaines qui surexploitent les ressources en eau, ce qui amplifie le phénomène et provoque des problèmes socio-économiques? En effet, les sécheresses actuelles ont peut-être un impact plus significatif qu'autrefois, parce que la vulnérabilité de la société australienne a augmenté entre autres en raison d'une plus forte dépendance envers ses ressources en eau. 26
Chapitre 2 : Méthodologie, revue de la littérature, objectifs de recherche et hypothèses 2.1 Méthodologie 2.1.1 Définition des concepts Aridité, sécheresse, représentation, resilience et gouvernance sont des notions et des concepts essentiels dans cette recherche portant sur la société australienne et les phénomènes climatiques extrêmes en Australie. Dans le contexte des changements climatiques, le phénomène de sécheresse peut donc être perçu de différentes manières, les différents modes d'organisation sociale détenant des représentations différentes selon leur propre perception du phénomène. Tous ces concepts sont donc importants dans le cadre de cette recherche. Pour mieux comprendre le phénomène de réchauffement climatique que subit le pays, il est primordial de définir tout d'abord le concept d'aridité et de sécheresse pour mieux les distinguer. Tout d'abord, l'aridité : « Se dit de tout climat qui n'assure pas un minimum d'approvisionnement en eau pour la plupart des plantes cultivables : il n'y pousse rien ou seulement des végétaux très adaptés, et un climat aride ne donne que des possibilités pastorales, elles-mêmes réduites et impliquant la mobilité des troupeaux. Un espace donné pendant une période donnée est dit aride si les précipitations sont inférieures à l'évapotranspiration potentielle, un indice d'aridité » (Brunet, 2009). Le concept de sécheresse est l'un des concepts centraux de cette recherche. Ce déficit hydrique, spécifiquement pour l'Australie, fait partie du quotidien des habitants de ce pays naturellement aride. A priori, ce concept semble facile à analyser. Pourtant, les disciples ont discuté pendant de nombreuses années sur comment mieux définir cet état climatique particulier. La sécheresse météorologique est le type de sécheresse le plus évident : il ne pleut plus, ou du moins les précipitations sont en diminution flagrante, durant une période de temps. Dans les régions semi- arides ou les déserts, on mesure une sécheresse aux nombres de jours qu'il ne pleut pas du tout. Puisque les sécheresses épuisent nos approvisionnements en eau et causent des préjudices aux récoltes, les experts classifient les sécheresses non seulement en se basant sur les déficits en 27
précipitations, mais aussi en terme de sécheresse hydrologique ou agricole. À quel point le niveau du réservoir d'eau de la ville est-il bas ? Est-ce que les terres en amont reçoivent suffisamment de pluies ou de neige afin qu'elles puissent se recharger ? Tous ces facteurs aident entre autres à déterminer si nous sommes en face d'une sécheresse hydrologique (Henson, 2008). Il existe donc plusieurs définitions du terme sécheresse. Le concept de sécheresse se réfère à un déficit qui est momentané, inattendu, car les précipitations sont inférieures à ce que l'on espérait (Brunet 2009). Mais comment différencier la sécheresse de l'aridité ? « Une sécheresse peut se manifester sous tous les climats. Les conséquences en sont aggravées s'il n'y a pas d'eaux souterraines. Il en résulte des difficultés d'approvisionnement en eau et, selon les sociétés, des manifestations d'agriculteurs, des famines, etc. Au sens strict et physiologique, la sécheresse est le stade ultime où les plantes, manquant d'eau, se dessèchent et meurent. Elle est donc liée à la présence des plantes cultivées et à celles des hommes qui en vivent. La sécheresse est aussi question de réserve en eau dans les sols et de rendement » (Brunet, 2009). L'aridité est donc le résultat de sécheresses consécutives. La sécheresse implique un changement par rapport à une normale ; un climat peut changer suite à une succession de sécheresses pour devenir aride. On peut aussi dire que la sécheresse s'inscrit dans le temps et l'aridité dans l'espace. En effet, le terme d'aridité est celui que l'on utilise pour cartographier ce type de climat sec (Demangeot, 2002). La sécheresse est un phénomène normal, une caractéristique récurrente de la variabilité du climat. Elle diffère de l'aridité, qui correspond à de faibles précipitations régionales, une caractéristique permanente du climat. La sécheresse est un danger de la nature qui se produit dans la quasi-totalité des zones climatiques, bien que ses caractéristiques varient sensiblement d'une région à l'autre. La sécheresse est un temps anormalement sec, suffisamment prolongée en raison d'un manque de précipitations qui provoque un grave déséquilibre hydrologique et a des connotations de déficit en humidité en ce qui concerne les exigences de l'utilisation de l'eau (Mpelasoka et a l , 2008). La sécheresse est l'un des éléments climatiques les plus dommageables. De tous les risques naturels, la sécheresse figure parmi les moins bien compris, affectant plus de personnes que tout autre danger naturel. Bien que la sécheresse apparaisse d'abord comme étant synonyme de précipitations inférieures à la moyenne, elle peut passer d'un événement climatique à première vue normal en un 28
phénomène dangereux qui peut avoir de graves répercussions sur les communautés et les secteurs tributaires des ressources en eau. La sécheresse se distingue de la plupart des autres risques naturels à bien des égards, notamment parce que le début et la fin d'un tel phénomène sont difficiles à prédire. L'atténuation des sécheresses entraîne une planification rigoureuse des ressources en eau douce, nécessite la conception d'un plan d'urgence pour réduire les impacts et la mise en place des systèmes d'alerte précoces pour prévoir l'apparition des sécheresses à venir (Sonmez et al., 2005). Dans la littérature, il existe de nombreuses définitions de la sécheresse, mais le thème central de celles-ci demeure le déficit en eau. Bien que les précipitations soient le facteur déterminant de la sécheresse, d'autres facteurs climatiques comme de forts vents, de hautes températures ou une humidité relative faible peuvent contribuer à amplifier l'intensité de celle-ci. La sévérité d'une sécheresse dépend du degré de déficit hydrique, de la durée, et dans une moindre mesure, de la taille de la zone touchée. Les impacts de la sécheresse sont généralement ressentis en premier dans le domaine de l'agriculture, à travers la diminution de l'humidité du sol et des précipitations, ainsi qu'une forte évapotranspiration. L'eau du sol peut donc être rapidement épuisée lors des périodes de sécheresse prolongées. Les eaux de surface et les eaux souterraines sont habituellement les dernières à être touchées lors d'un épisode prolongé de sécheresse (Sonmez et al., 2005). La sécheresse fait partie intégrante de la vie en Australie. De tous les phénomènes climatiques qui affligent le continent, la sécheresse est probablement la plus coûteuse économiquement : les grandes sécheresses telles celle de 1982/83 peuvent avoir un impact majeur sur l'économie nationale. De plus, mis à part les mauvaises récoltes et les pertes de stock, les sécheresses mènent ensuite à d'autres phénomènes catastrophiques comme les incendies, les tempêtes de poussière et la dégradation des terres en général (Australian Bureau of Meteorology, 2010). Dans le contexte australien, la sécheresse est bien sûr un concept qui se réfère au climat, mais aussi comme étant un problème «calculable », qui est pris en compte par des politiques, qui requièrent non seulement un encadrement, mais aussi des formes directes d'assistance afin de prévoir la sévérité de tels événements. Considérée comme un objet de gouvernance, la sécheresse est passée, depuis les années 1990, de risque naturel au même titre que tous les autres, à risque particulier et gérable dans une catégorie à part (Higgins, 2001). 29
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