Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma

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Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
LE MENSUEL

                            Si Beale Street
                            pouvait parler
                            de Barry Jenkins
JANVIER 2019

                            Bienvenue à Marwen de Robert Zemeckis
                            L’Ange de Luis Ortega
                            Doubles vies de Olivier Assayas
                            Green Book de Peter Farrelly
                            Un berger et deux perchés à l’Élysée
                            de Pierre Carles et Philippe Lespinasse
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                            rencontre avec
#1

                            Bi Gan pour Un grand voyage vers la nuit
Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
SOMMAIRE
                  FILMS DU 2 JANVIER 2019
A Bread Factory Part 2 de Patrick Wang                      HHH
Asako I & II de Ryûsuke Hamaguchi                           HH
Bienvenue à Marwen de Robert Zemeckis                       HHH
Never-Ending Man de Kaku Arakawa                            HHH
Premières vacances de Patrick Cassir                        H
Qui a tué Lady Winsley ? de Hiner Saleem                    H
Un beau voyou de Lucas Bernard                              H
Undercover de Yann Demange                                  HH

                  FILMS DU 9 JANVIER 2019
An Elephant Sitting Still de Hu Bo                          HH
L’Ange de Luis Ortega                                       HHH
Border de Ali Abbasi                                        HH
Creed II de Steven Caple Jr.                                H
Edmond de Alexis Michalik                                   H
Forgiven de Roland Joffé                                    HH
L’Heure de la sortie de Sébastien Marnier                   HH
In My Room de Ulrich Köhler                                 HHH
Les Invisibles de Louis-Julien Petit                        HH
Jean Vanier de Frédérique Bedos                             HHH
Les Révoltés de Michel Andrieu et Jacques Kebadian          HHH

                 FILMS DU 16 JANVIER 2019
Ayka de Sergey Dvortsevoy                                   HH
Ben Is Back de Peter Hedges                                 HH
Capri-Révolution de Mario Martone                           H
Colette de Wash Westmoreland                                H
Doubles vies de Olivier Assayas                             HHH
The Front Runner de Jason Reitman                           HH
Glass de M. Night Shyamalan                                 HH
L’Incroyable histoire du facteur Cheval de Nils Tavernier   HH
Une jeunesse dorée de Eva Ionesco                           H
Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
FILMS DU 23 JANVIER 2019
Another Day of Life                                  HH
de Raúl de la Fuente et Damian Nenow
Continuer de Joachim Lafosse                         HH
Eric Clapton : Life in 12 Bars de Lili Fini Zanuck   HH
Les Fauves de Vincent Mariette                       H
Green Book de Peter Farrelly                         HHH
The Hate U Give de George Tilmman Jr.                HH
Ma vie avec James Dean de Dominique Choisy           HHH
Moskvitch mon amour de Aram Shahbazyan               HH
L’Ordre des médecins de David Roux                   HH
Un berger et deux perchés à l’Élysée                 HHH
de Pierre Carles et Philippe Lespinasse
Yao de Philippe Godeau                               HH

                   FILMS DU 30 JANVIER 2019
L’Amour debout de Michaël Dacheux                    H
Don’t Forget Me de Ram Nehari                        HH
Les Estivants de Valeria Bruni Tedeschi              H
Minuscule 2 de Thomas Szabo et Hélène Giraud         HHH
Pearl de Elsa Amiel                                  HH
The Place de Paolo Genovese                          HH
P’tites histoires au clair de lune Film collectif    H
Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ?          m
de Philippe de Chauveron
Si Beale Street pouvait parler de Barry Jenkins      HHH
Skate Kitchen de Crystal Moselle                     HHH
Sorry to Bother You de Boots Riley                   HHH
Ulysse & Mona de Sébastien Betbeder                  H
Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan               HHH
Rencontre avec Bi Gan
Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
ÉDITO

                                                                 Les portes sont ouvertes
                                                                 Depuis plus de dix ans, à intervalles réguliers, parfois timidement,
                                                                 parfois à grands coups, les crises frappent à la porte des Fiches du
                                                                 cinéma. Dehors, souffle le vent d’une époque qui voit se réduire,
LES FICHES DU CINÉMA
                                                                 implacablement, les espaces de réflexion, d’échange, de liberté et
26, rue Pradier                                                  d’indépendance. Jusqu’à présent, la méthode a toujours été la même:
75019 Paris                                                      barricader les issues, souffler les bougies et s’arc-bouter contre
Administration & Rédaction :                                     la porte en espérant qu’elle tienne bon. Aujourd’hui, elle est devenue
01.42.36.20.70
                                                                 tellement fragile que nous préférons l’ouvrir en grand - et faire circuler
Fax : 09.55.63.49.46
..............................................................   l’air, l’énergie et les idées. Cette période de grands changements
RÉDACTEUR EN CHEF                                                a été une fois de plus l’occasion de voir à quel point la communauté
Nicolas Marcadé                                                  des Fiches est soudée, et solidaire. Nous avons lu avec attention les
redaction@fichesducinema.com
                                                                 nombreux retours de nos abonnés et de nos adhérents sur la nouvelle
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
Michael Ghennam                                                  formule - entièrement numérique - que nous mettons en place pour la
michael@fichesducinema.com                                       revue. Nous avons été touchés d’y lire votre attachement à nous suivre,
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION                                          non pas seulement pour notre exhaustivité, mais également pour
Thomas Fouet                                                     la qualité de nos commentaires critiques, pour les entretiens réguliers
thomas@fichesducinema.com
..............................................................
                                                                 que nous menons avec les cinéastes, bref pour ce que l’on pourrait
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO                                        appeler notre ligne éditoriale, qui consiste certes à rendre compte
François Barge-Prieur, Clément                                   des presque 700 films sortant chaque année en France, mais surtout
Deleschaud, Paul Fabreuil, Thomas                                à vous aider à vous y retrouver dans cette multitude vertigineuse
Fouet, Michael Ghennam, (Pierre-)
                                                                 de propositions. Car c’est parce que nous voyons tous les films que
Simon Gutman, Roland Hélié,
Simon Hoareau, Astrid Jansen,                                    nous avons une conscience aigue de la profonde crise que traverse
Aude Jouanne, Corentin Lê, Amélie                                actuellement le Septième Art. Pour une sortie médiatisée, combien
Leray, Julie Loncin, Jacques-Antoine                             de films restés dans l’ombre, condamnés à ne rencontrer que quelques
Maisonobe, Nicolas Marcadé, Marine
                                                                 spectateurs en salle ? De cette mission d’exhaustivité qui est notre
Quinchon, Gaël Reyre, Chloé Rolland,
Gilles Tourman, Marie Toutée,                                    marque de fabrique, nous tirons une grande responsabilité : mettre
Valentine Verhague.                                              en lumière la diversité du cinéma, et notamment le travail collossal
Les commentaires des «Fiches»                                    des producteurs, distributeurs et exploitants indépendants. C’est de
reflètent l’avis général du comité
                                                                 la partie immergée de l’iceberg (invisible, mais largement majoritaire)
..............................................................
PRÉSIDENT                                                        que nous souhaitons rendre compte avant tout.Notre site internet sera
François Barge-Prieur                                            le nouveau point de rendez-vous sur lequel nous continuerons d’étudier
ADMINISTRATRICE                                                  les rouages de la création cinématographique dans toute sa diversité.
Chloé Rolland                                                    En plus de l’actualité, nous y développerons les rubriques qui nous
administration@fichesducinema.com
TRÉSORIER
                                                                 tiennent à coeur depuis longtemps : portraits de professionnels, espace
Guillaume de Lagasnerie                                          dédié à l’éducation à l’image pour le jeune public, tribunes, podcasts
Conception Graphique                                             et vidéos… Les possibilités sont infinies. Nous avons ouvert les portes
5h55                                                             du numérique : la bicoque branlante qui grinçait sous les bourrasques
www.5h55.net
                                                                 se transforme en laboratoire ouvert et convivial. Mais il ne faut pas
..............................................................
DÉPÔT LÉGAL                                                      s’y méprendre : le vent continue de souffler, et il faudra être nombreux
Janvier 2019                                                     pour se tenir chaud. Un journal a besoin de lecteurs, donc d’abonnés.
COMMISSION PARITAIRE                                             Nous espérons être 1 500 d’ici le mois de Mars, et 3 000 d’ici la fin de
0320 G 86313 - ISSN 0336-9331
                                                                 l’année. Nous comptons donc sur vous pour être de l’aventure, et pour
«Les Fiches du Cinéma».
Tous droits réservés.                                            la relayer autour de vous. Nos vœux pour 2019 sont simples, et, nous
Toute reproduction même partielle                                l’imaginons si vous lisez ces lignes, exhaucés d’avance : restez curieux,
des textes est soumise à autorisation.                           exigeants, humbles et passionnés. Que cette année 2019 soit pour vous
Photo de couverture :                                            la plus cinéphile et chaleureuse possible. Nous serons honorés,
Si Beale Street pouvait parler
(Mars Films) © Annapurna Pictures
                                                                 et heureux, de la traverser à vos côtés.
WWW.FICHESDUCINEMA.COM                                                                                             FRANÇOIS BARGE-PRIEUR
Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
A Bread Factory Part 2 Un petit coin de paradis
de Patrick Wang                                                           (A Bread Factory Part 2 : Walk With Me a While)

Cette deuxième partie du diptyque de Patrick                                                                                     CHRONIQUE
                                                                                                                        Adultes / Adolescents
Wang consacré au centre culturel d’une petite ville
des États-Unis est une merveille d’inventivité et                           u GÉNÉRIQUE
d’intelligence, et un manifeste vibrant pour les arts                       Avec : Tyne Daly (Dorothea), Elisabeth Henry-Macari (Greta), James
collectifs, comme le théâtre, la “thérapie du pauvre”.                      Marsters (Jason), Nana Visitor (Elsa), Zachary Sayle (Max), Brian
                                                                            Murray (Sir Walter), Philip Kerr (Jean-Marc), Janet Hsieh (May),
                                                                            George Young (Ray), Trevor St. John (Karl), Martina Arroyo (Sandra),
                                                                            Eugene Brell (Darren), Jake Brinskele (Dima), James Chen (Ray
                                                                            Prime), Chris Conroy (le brigadier Jaymes), Keaton Nigel Cooke
                                                                            (Simon), Erica Durham (Julie), Maddox Elliot (Omar), Kit Flanagan
                                                                            (Pat), Jane Gennaro (Ann), Leo Heller (AJ), Jonathan Iglesias
                                                                            (Mariano), Bekka Lindstrom (Linda), Noah Matthews (Leo), Milton
                                                                            Craig Nealy (Sam), Nan-Lyn Nelson (Mavis), Glynnis O’Connor (Jan),
                                                                            Joe Paparone (Alec), Jessica Pimentel (Teresa), Raoul Silver (Joe),
                                                                            Logan Smith, Barak Tucker, Ann Davies, Sara Harman, Nicole
                                                                            Molinski, Linda Mussmann, Billy Thomas Myott, Wayne Pyle, Taylor
                                                                            Watson Seupel, Anni Krueger, Ashley Kobre, Jeremy Shinder.
                                                                            Scénario : Patrick Wang Images : Frank Barrera Montage :
                                                                            Elwaldo Baptiste 1er assistant réal. : Max O’Brasky Scripte :
                                                                            C. Rynne Musique : Melissa Li, Chip Taylor, Aaron Jordan, Andy
                                                             © ED Dist.     Wagner et Patrick Wang Son : Eric Thomas et Michael Suarez
                                                                            Décors : Bekka Lindstrom Costumes : Michael Bevins Maquillage :
                                                                            Paula Kelly Casting : Cindi Rush Production : In the Family et
   HHH       On se demandait ce qui allait se passer après
                                                                            Vanishing Angle Producteurs : Patrick Wang, Daryl Freimark et
la première partie de la chronique de Patrick Wang :
                                                                            Matt Miller Distributeur : ED Distribution.
à la fin, Greta et Dorothea avaient gagné les subventions
de la ville et pouvaient continuer à gérer leur centre                                      120 minutes. États-Unis, 2018
culturel, la Bread Factory, avec le soutien manifeste de                                    Sortie France : 2 janvier 2019
la communauté. Dans cette deuxième partie, les enjeux
                                                                            u RÉSUMÉ
dramatiques sont a priori moindres. Mais la survie est
                                                                            Jana partie, Max se retrouve seul pour s’occuper du journal
un sport de combat, et la défense de l’art, dans une société                local, mais elle lui a laissé beaucoup d’argent. Dorothea
de plus en plus indifférente à la culture - la ville est envahie            propose à Alec, mis sur la touche par le maire, un travail
par des agents immobiliers qui chantent tels des sirènes                    de surveillance à la Bread Factory. Greta, qui gère toujours
pour obtenir gain de cause et des touristes étranges qui se                 le lieu culturel avec Dorothea, décide de reprendre
prennent en photo dans le parking “où Dieu a été créé” -,                   les répétitions d’ Hécube d’Euripide. Elle propose à
une bataille permanente. En fin de compte, cette deuxième                   Teresa, la serveuse du restaurant, d’interpréter sa fille
partie est encore plus réussie que la première. Il y est                    Polyxène.
toujours question d’art et d’artisanat, de passion, de                      SUITE... Les touristes viennent à Checkford admirer
résilience et de transcendance. De cette idée que n’importe                 “ le plus vieux parking d’Amérique ”. Des agents
qui peut se révéler - ici, c’est une serveuse qui joue pour                 immobiliers, danseurs de claquettes à leurs heures
                                                                            perdues, s’intéressent de près à la grange de Dorothea, où
la première fois dans une pièce de théâtre. Patrick Wang est
                                                                            celle-ci entrepose le matériel de la Factory, mais elle
un poète du quotidien, qui fait surgir une comédie musicale                 refuse de vendre. Greta reprend les répétitions d’Hécube
sur un trottoir ou dans un restaurant, qui nous transporte                  avec Teresa. May Ray, toujours en vue, fait une nouvelle
en racontant les péripéties d’un jeune journaliste entouré de               performance et obtient la subvention accordée par
gamins reporters et de deux vieux bonshommes qui boivent                    le conseil de l’école. Max, qui s’est disputé avec son père et
leur thé au samovar. Un délicieux délire qui pointe aussi les               passe son temps au journal, se sent coupable d’un article
travers de la société individualiste. La guerre n’aura pas lieu,            qu’il a écrit sur le duo artistique. Peu de gens viennent
la tragédie, elle, est annoncée. A Bread Factory s’achève                   assister à la Première d’Hécube, mais le public est
                                                                            ravi. Le sceptique Jason est enthousiasmé et très fier que
sur la représentation d’Hécube d’Euripide. C’est magnifique,
                                                                            sa femme, Elsa, ait traduit la pièce. Ils apprennent que
bouleversant, remarquablement filmé. Du grand art                           Sandra, qui assistait à toutes les répétitions, est décédée.
qu’ils ne sont qu’une poignée à admirer dans le public. On                  Greta console Dorothea qui perd l’espoir de réussir à
espère qu’il sera plus nombreux à aller voir ce petit bijou                 entretenir la Factory. Elles évoquent leur histoire d’amour
de cinéma. _M.Q.                                                            et d’art.

                         Visa d’exploitation : 149982. Format : 1,66 - Couleur - Son : Dolby SRD. 30 copies (vo).

                                                                     5                                                 © les Fiches du Cinéma 2019
Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
Asako I & II      (Netemo sametemo)
de Ryûsuke Hamaguchi

Poursuivant son étude des mœurs après Senses,                                                                 CHRONIQUE SENTIMENTALE
                                                                                                                    Adultes / Adolescents
Hamaguchi emporte une jeune femme et ses deux
amants à la ressemblance troublante dans les vertiges                      u GÉNÉRIQUE
de l’amour. Bien que riche de subtils reliefs, son œuvre                   Avec : Masahiro Higashide (Baku / Ryôhei), Erika Karata (Asako),
offre une réflexion à l’ampleur quelque peu vaine.                         Koji Seto (Kushikashi), Rio Yamashita (Maya), Sairi Itoh (Haruyo),
                                                                           Daichi Watanabe (Okazaki), Kôji Nakamoto (Hirakawa), Misako
                                                                           Tanaka (Eiko).
                                                                           Scénario : Sachiko Tanaka et Ryûsuke Hamaguchi D’après :
                                                                           le roman Nete mo samete mo de Tomoka Shibasaki (2010)
                                                                           Images : Yasuyuki Sasaki Montage : Azusa Yamazaki 1er assistant
                                                                           réal. : Yu Koreyasu Musique : DJ Tofubeats Production : Nagoya
                                                                           Broadcasting Network et Bitters End Coproduction : Comme des
                                                                           Cinémas Production exécutive : C&I Entertainment Producteurs
                                                                           délégués : Yuji Sadai, Teruhisa Yamamoto et Yasuhiko Hattori
                                                                           Coproducteur : Masa Sawada Distributeur : Art House Films.

                                                      © Art House Films

    HH        Quelques mois après son ambitieux Senses
(diffusé en plusieurs parties en France), Ryusuke Hamaguchi
revient avec un film-dyptique s’inscrivant dans la continuité
de ses précédentes œuvres. Présenté en sélection officielle                             119 minutes. Japon - France, 2018
lors du dernier festival de Cannes, Asako I & II suit une jeune                           Sortie France : 2 janvier 2019
femme sur plusieurs années. De sa rencontre avec le fougueux
                                                                           u RÉSUMÉ
Baku à sa relation plus mature avec le fidèle Ryohei, la jeune
                                                                           Au sortir d’une exposition, Asako rencontre Baku. C’est le coup
et innocente Asako voit un coup du destin. La narration et                 de foudre. Malgré la mise en garde d’Haruyo, Asako s’attache
la mise en scène d’Hamaguchi - cultivant toujours l’art de                 à Baku. Bien qu’amoureux, ce dernier s’absente parfois sans
l’ellipse et de l’énigme – tendent à faire de cette résurgence             donner de nouvelles. Un jour, Baku disparaît et ne revient pas.
du passé un élément fantastique. À bien des égards,                        Deux ans plus tard, Asako est installée à Tokyo et propriétaire
le propos n’est pas sans rappeler un certain Vertigo.                      d’un café. Dans l’entreprise voisine, elle rencontre Ryohei,
À partir de ce trouble et de cette affiliation, l’œuvre déploie            qui ressemble trait pour trait à Baku. Troublée, elle le fuit.
une variation dramatique au rythme fébrile. Entre irrationalité            Les jours suivants, ce dernier tente de discuter avec elle.
                                                                           Il sympathise avec Maya, la colocataire d’Asako. Un soir,
et léthargie, l’errance d’Asako agace par son impression de
                                                                           Ryohei et son collègue Kushikashi dînent chez Maya et
déjà-vu et son non-aboutissement. Et si ces deux parties                   Asako. Les premiers rapports avec Maya et Kushikashi sont
peuvent être envisagées comme des films indépendants,                      tendus. Un matin, Ryohei avoue son amour à Asako. Malgré
elles peinent néanmoins à offrir un propos clair. Si bien que              les hésitations de cette dernière, une relation débute.
l’on pourrait confondre l’introspection des protagonistes                  SUITE... Cinq ans plus tard, Asako et Ryohei vivent ensemble,
avec une paresse d’écriture, les nœuds dramaturgiques avec                 Maya est enceinte de Kushikashi. Asako retrouve Haruyo.
une nonchalance formelle. Mais à d’autres moments,                         Celle-ci est surprise quand elle rencontre Ryohei. Asako
le cinéaste renoue avec les belles heures de ses projets                   apprend par Haruyo que Baku est devenu un mannequin
antérieurs. Notamment lorsqu’il décortique les rapports                    célèbre. Asako parle de son premier amant à Ryohei.
sociaux et amoureux de ses personnages. À l’image de                       Ce dernier avoue avoir déjà fait le rapprochement. Il demande
Senses, ce nouvel essai synthétise, non sans une acuité                    Asako en mariage. Le couple prépare son déménagement
                                                                           pour Osaka. Lors du dîner d’au revoir, Asako voit arriver
fascinante, le symbolisme des interactions sociales et
                                                                           Baku. Ce dernier demande à Asako de le suivre. La jeune
la culture des sentiments (honnêteté, frustration, colère,                 femme quitte ses amis et Ryohei et s’enfuit avec Baku.
pardon). Auteur prometteur, Hamaguchi révèle avec                          Le lendemain, Asako renonce à Baku et part retrouver
Asako I & II une bien meilleure appétence dans l’étude des                 Ryohei. Furieux et blessé, ce dernier la rejette. Mais Asako
mœurs que dans la capacité à faire vibrer son récit. _S.H.                 persévère et parvient à discuter avec lui.

                        Visa d’exploitation : 149380. Format : 1,66 - Couleur - Son : Dolby SRD. 80 copies (vo).

                                                                     6                                               © les Fiches du Cinéma 2019
Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
Bienvenue à Marwen (Welcome to Marwen)
de Robert Zemeckis

Victime d’une agression qui l’a laissé amnésique et                                                                                  DRAME
                                                                                                                       Adultes / Adolescents
traumatisé, Mark Hogencamp se réfugie dans un monde
imaginaire qu’il a créé de toute pièce. La psychologie                   u GÉNÉRIQUE
épaisse du récit ne nuit en rien à son usage inspiré de                  Avec : Steve Carell (Mark Hogancamp / le capitaine Hogie), Leslie
la motion capture, ni à la performance de Steve Carell.                  Mann (Nicol), Diane Kruger (Deja Thoris), Merritt Weaver (Roberta),
                                                                         Janelle Monáe (G.I. Julie), Eiza González (Carlala), Gwendoline
                                                                         Christie (Anna), Leslie Zemeckis (Suzette), Neil Jackson (Kurt /
                                                                         le commandant SS), Conrad Coates (Darius Johnson), Veena Sood
                                                                         (Martha Harter), Falk Hentschell (le Hauptstrumführer Ludwig
                                                                         Topf), Nikolai Witschl (le SS Rudolph), Stefanie von Pfetten (Wendy),
                                                                         Siobhan Williams (Elsa), Matt O’Leary (Benz), Eric Keenleyside
                                                                         (Larry), Jason Burkart (Tiny), Patrick Roccas (Stevie / le SS Stefan),
                                                                         Alexander Lowe (le SS Werner), Christie-Lee Britten, Robert Mann,
                                                                         Ralph Escamillan, Kate Gajdosik, Matt Ellis, Samantha Hum.
                                                                         Scénario : Robert Zemeckis et Caroline Thompson Images :
                                                                         C. Kim Miles Montage : Jeremiah O’Driscoll 1er assistant réal. : Lee
                                                                         Grumett Musique : Alan Silvestri Son : Chris Duesterdiek, Dennis S.
                                                                         Sands et Michael Semanick Décors : Stefan Dechant Costumes :
                                                                         Joanna Johnston Effets visuels : Kevin Baillie Dir. artistique :
                                                                         Chris Beach Maquillage : Ve Neill Casting : Scot Boland et Victoria
                                                          © Universal    Burrows Production : ImageMovers Pour : Universal Pictures
                                                                         et DreamWorks Pictures Production associée : Perfect World
                                                                         Pictures Producteurs : Robert Zemeckis, Jack Rapke, Steve
   HHH         Certes, Bienvenue à Marwen ne fait pas dans
                                                                         Starkey et Cherylanne Martin Producteurs délégués : Jacqueline
la finesse : ni dans l’énoncé du traumatisme de son personnage
                                                                         Levine et Jeff Malmberg Distributeur : Universal Pictures.
(qui, victime d’une agression et laissé pour mort, trouve
refuge dans un monde imaginaire qu’il a créé de toute pièce,                              116 minutes. États-Unis, 2018
et dans lequel un alter ego héroïque affronte pour lui tous                               Sortie France : 2 janvier 2019
les dangers), ni dans l’exposé de ses enjeux dramatiques
                                                                         u RÉSUMÉ
(dépasser ledit traumatisme, reprendre pied dans le réel).
                                                                         Belgique, années 1940. Surpris par cinq soldats allemands,
Il n’empêche que Zemeckis, vétéran qui, enfin, s’y envisage              le capitaine Hogie doit son salut à cinq jeunes femmes
comme tel (moins d’un an après Ready Player One, un nouveau              aussi vaillantes que séduisantes : Wendy, GI Julie, Anna,
clin d’œil littéral à Retour vers le futur y produit une émotion         Roberta et Caralala. État de New York, années 2000 : ces
moins geek que mélancolique), y trouve la plus belle                     aventures, imaginaires, sont l’œuvre de Mark Hogancamp.
application, l’aboutissement peut-être bien, des recherches              Hogie est son alter ego, et les jeunes femmes les avatars de
en motion capture entamées avec Le Pôle express (2004).                  celles qu’il a connues, ou connaît, depuis que cinq hommes
C’est dans la cohabitation entre deux récits, l’un réel,                 l’ont tabassé à la sortie d’un bar, le laissant pour mort,
                                                                         amnésique et incapable de dessiner - il était illustrateur.
l’autre fictif, puis dans la concurrence qu’ils se livrent, puis
                                                                         Depuis lors il met en scène et photographie, dans le village
enfin, toute frontière abolie par la psyché tourmentée du                fictif, et en modèle réduit, de Marwen, le combat de Hogie
personnage, dans leur interpénétration, que le film puise                contre les nazis. Wendy est ainsi la serveuse qui, la nuit
ses plus belles scènes. De par son jeu sur les échelles, mais            de l’agression, l’avait secouru ; Roberta tient le magasin
aussi dans sa façon de feinter le devenir-jouet et l’horizon-            où Mark se fournit en poupées... Le jour de l’énoncé du
figurine - le mieux que puissent envisager les interprètes du            verdict des agresseurs de Mark approche, ainsi que celui
multiverse Marvel - auxquels la génération Amblin, Zemeckis              de l’expo consacrée à son travail, mais, traumatisé, victime
                                                                         d’hallucinations, il ne compte pas s’y rendre. Un jour, Nicol,
compris, n’est pas tout à fait étrangère, Bienvenue... figure
                                                                         une nouvelle voisine, s’installe en-face de chez lui.
en somme l’envers du récent Ant-Man et la guèpe (2018).
Car le grand coffre à jouets qu’y déverse l’auteur sert ici              SUITE... Nicol, qui sympathise avec Mark, devient l’une des
un ludisme aux entrées multiples - la voie d’une création                héroïnes de Marwen, où une sorcière, Deja Thoris, empêche
                                                                         Hogie de vivre en paix. Lors de l’énoncé du verdict, Mark est
artistique envisagée comme thérapeutique, d’un retour en
                                                                         victime d’un accès de terreur. La séance est reportée. Mark
enfance mêlée de problématiques adultes - un homme seul                  demande en mariage Nicol... qui ne voit en lui qu’un ami.
se rêvant couvert de femmes, et dont l’alter ego affronte                Victime d’une crise, Mark se reprend : à Marwen, Hogie
le Mal chaussé de talons aiguilles... Steve Carell, comme                triomphe des nazis et de Deja. Au tribunal, Mark fait face à
toujours, y est impérial. _T.F.                                          ses agresseurs, puis, lors de l’expo, invite Roberta à dîner.

                             Visa d’exploitation : en cours. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                                   7                                                 © les Fiches du Cinéma 2019
Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
Never-Ending Man Hayao Miyazaki (Owaranai hito : Miyazaki Hayao)
de Kaku Arakawa

Kaku Arakawa nous offre, sur son ami Hayao                                                                    PORTRAIT DOCUMENTAIRE
                                                                                                                   Adultes / Adolescents
Miyazaki, magicien du film d’animation japonais,
le fruit de deux années de travail : un accès intime                       u GÉNÉRIQUE
et éclairant sur l’artiste, et son œuvre, brossant                         Avec : Hayao Miyazaki, Toshio Suzuki, Yuhei Sakuragi, Yukinori
le constat nostalgique d’un changement de monde.                           Nakamura, Nobuo Kawakami, Atsushi Okui, Michiyo Yasuda.
                                                                           Montage : Tetsuo Matsumoto Production : NHK Distributeur :
                                                                           Eurozoom.

                                                               © NHK

                                                                                              70 minutes. Japon, 2016
   HHH       Alors qu’on visite les locaux du studio Ghibli                                 Sortie France : 2 janvier 2019
qu’il a cofondé et qui est fermé depuis son départ à la retraite
en 2015, la voix du Maître résonne : “Aujourd’hui, c’est                   nostalgie et legs testamentaire, l’effort désespéré
le passé. La fin d’une époque. C’est peut-être mieux ainsi”.               d’un artiste (au sens plein) qui, s’il a intégré sa propre
Deux séquences puissantes illustrent cette phrase liminaire.               mort à venir, lutte contre les effets du vieillissement
Dans la première, on découvre le début “définitif” du court                au fil de l’annonce des décès de ses proches. Ainsi de
métrage Boro la chenille pour lequel il n’a cessé de tarauder              sa coloriste Michiyo Yasuda, disparue en 2016, après
l’équipe 3D pendant des mois. Devant la beauté du résultat                 50 ans de travail en commun. En ombres collatérales,
- et comparé aux premiers essais - on se sent tel le Salieri               une horloge égrenant son tic-tac dans la séquence
de Forman comprenant enfin (dans la sublime scène du                       d’ouverture et l’affrontement de deux mondes
Requiem) le gouffre séparant le génie du bon faiseur. Dans                 irréconciliables : la grosse machinerie d’un côté et
la seconde, comme le contre-miroir de celle-ci, sollicité                  l’artisanat de l’autre, la technologie face à l’humain.
pour donner son avis sur une sorte de zombie 3D marchant                   “Vous dessinez des gens, pas des personnages”,
avec sa tête (test virtuel d’un logiciel destiné à remplacer               explique-t-il aux dessinateurs 3D des productions
l’homme), il lâche, comme blessé, en évoquant un handicapé                 Ishii. “Ça manque de magie”, déplore-t-il plus tard.
de sa connaissance : “Vous n’avez pas réfléchi à la douleur,               La magie, ce petit plus qui fait que “seuls les enfants
c’est moche. C’est une insulte à la vie”. Il faut voir les jeunes          verront que les poils bougent quand Boro sort de son
techniciens semblant découvrir, gênés, leur hubris                         cocon”, s’émerveille-t-il, enfin satisfait du résultat
prométhéenne, fascinés qu’ils sont par leur technologie sans               final. Voilà pourquoi, quand il dit, “Je monopolise
conscience. “Bientôt, on n’aura plus besoin des hommes”                    toutes les bonnes idées”, il convient d’y entendre
conclut Miyazaki avant de refuser de travailler avec eux, nous             la juste conscience d’un artiste sachant à quoi son
rappelant salutairement qu’à l’inverse du clavier, la main                 talent l’oblige envers son public. Et pourquoi, torturé
est le prolongement du cerveau et des sentiments qu’il                     par l’anxiété du perfectionniste, la cigarette et le rire
transmet. Découpé en sept chapitres qui alternent, sur                     aux lèvres, il “avance”, tendu à se “dépasser” (ses
une musique piano bluesy, entretiens et images d’archives                  deux maîtres-mots). “Je suis heureux, j’ai fait ce que
ou actuelles, cet émouvant documentaire de Kaku Arakawa,                   je voulais”, assure-t-il. Aussi, en le voyant remettre,
réalisé entre juin 2015 (six mois après que Miyazaki a                     angoissé, son ouvrage sur sa table de travail pour
annoncé sa retraite) et octobre 2016 alors qu’il entame                    un long métrage qui devrait sortir en 2019 pour
finalement un nouveau long métrage avec la complicité de                   ses 78 ans, on se dit, perplexe et paraphrasant Camus :
son ami producteur Toshio Suzuki... nous fait découvrir, entre             “Il faut imaginer Miyazaki heureux”. _G.To.

                                 Visa d’exploitation : en cours. Format : 1,77 - Couleur - Son : Stéréo.

                                                                   8                                               © les Fiches du Cinéma 2019
Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
Premières vacances
de Patrick Cassir

Une fêtarde et un casanier tentent l’aventure du couple                                                      COMÉDIE SENTIMENTALE
                                                                                                                Adultes / Adolescents
en commençant par partir en vacances ensemble.
Malgré un duo vedette assez efficace dans le comique                    u GÉNÉRIQUE
de situation, le scénario déploie des gags un peu trop                  Avec : Camille Chamoux (Marion), Jonathan Cohen (Ben), Camille
caricaturaux pour conserver un récit crédible.                          Cottin (Fleur), Jérémie Elkaïm (Romain), Vincent Dedienne
                                                                        (Arthur), Dominique Valadié (Nicole), Svetlana Gergova (Koukou),
                                                                        Bar Levy (Yuval), Sagi Halperin (Almog), Alex Alexiev (Boyan),
                                                                        Jean-Charles Clichet (Jérôme), Zoé Bruneau (Pauline), Émilie
                                                                        Caen (Géraldine), Caroline Anglade (Élise).
                                                                        Scénario : Camille Chamoux et Patrick Cassir Images : Yannick
                                                                        Ressiegac Montage : Stéphane Couturier 1re assistante réal. :
                                                                        Bonnie Pirès Scripte : Bérengère Saint-Bezar Son : Stéphane
                                                                        Bucher Décors : Samantha Gordowski Costumes : Emmanuelle
                                                                        Youchnovski Effets visuels : Stéphane Bidault Maquillage :
                                                                        Christophe Oliveira Casting : Constance Demontoy Production :
                                                                        The Film Coproduction : NJJ Entertainment, Le Pacte et C8 Films
                                                                        Producteur : Michael Gentile Producteur associé : David Pierret
                                                                        Dir. de production : François Lamotte Distributeur : Le Pacte.

                                                         © The Film

     H        Écrit à quatre mains, celles de la comédienne
Camille Chamoux et du réalisateur Patrick Cassir, Premières
vacances est le déploiement sur 1h40 d’une idée : c’est
en passant des vacances ensemble que l’on sait si l’on                                   102 minutes. France, 2018
est fait l’un pour l’autre. À partir de ce postulat de départ,                          Sortie France : 2 janvier 2019
le film se déroule en trois temps : le choix de Marion,
                                                                        u RÉSUMÉ
la communauté, le choix de Ben. Évidemment le bonheur
                                                                        Marion et Ben se rencontrent via Tinder, et bien qu’ils
est dans les interstices. Taillé sur mesure pour le duo                 n’aient rien en commun - Marion est aussi spontanée que
vedette Chamoux-Cohen, le scénario réserve des                          Ben est prévoyant – ils décident, sur un coup de tête, de
situations en forme de gags bêtes et méchants (les toilettes            partir en vacances ensemble. Marion devait aller à Beyrouth
étant dans la chambre, Ben ira faire ses besoins dans                   avec Fleur et Romain, ses colocs. Ben devait retourner à
le jardin... face au voisin ; dans le chalet communautaire,             Biarritz avec sa famille. Ils partiront donc à mi-chemin : en
se partage aussi... le sexe) et fonctionne sur une dichotomie           Bulgarie. Marion a réservé une chambre d’hôte au bord de
basique entre les habitudes et caractères de chacun (l’une              la mer : celle-ci se révèle spartiate et la plage loin d’être
                                                                        paradisiaque ! Ben fait des efforts, mais les toilettes dans
délurée, l’autre coincé ; l’une aveuglément mondialiste,
                                                                        la chambre, c’est trop pour lui. Ils quittent la chambre
l’autre aveuglément individualiste...). Cette opposition                précipitamment sur un quiproquos et rejoignent un chalet
systématique peut être ici ou là un peu drôle, mais c’est               communautaire. Après quelques jours, ils se font plumer
surtout la caricature que l’on retient. Car, à l’instar                 par des colocataires peu scrupuleux. Marion réserve alors
de beaucoup de films français actuels, celui de Chamoux                 une surprise à Ben : rejoindre enfin un hôtel de luxe.
et Cassir, trouve sa dynamique en misant essentiellement                SUITE... Entre cocktail et spa, Ben est ravi. Marion, en
sur la technique de la vanne. Ce que renforce encore la                 revanche, est dépitée par tant d’inanité, d’autant plus
présence de Jonathan Cohen. L’histoire est donc un simple               qu’ils croisent un copain d’école de Ben, accompagné
prétexte à épingler les petits travers de la “normalité”                de femme et enfant, qui sont plus ennuyeux que jamais.
actuelle et chacun en prend finalement pour son grade.                  Marion finit par suivre un beau serveur pour aller faire la
Venu de la pub, où il a fait ses armes autant que ses preuves,          fête, mais déchante vite en constatant qu’il lui réclame de
                                                                        l’argent. Le couple rentre à Paris fâché et chacun reprend
Patrick Cassir filme ces aventures amoureuses en servant
                                                                        ses habitudes. Marion découvre que Fleur et Romain sont
à parts égales ses interprètes. Ceux-ci forment un duo                  tombés amoureux : elle va devoir déménager. Ben réalise
complice à l’écran, mais un couple un peu moins crédible                que son quotidien très bordé n’est plus ce qui le satisfait.
compte tenu du peu de place que réserve la mécanique du                 Après quelque temps de séparation, il retrouve donc Marion
récit à ce qui les rapproche. _Ch.R.                                    et la reconquiert.

                             Visa d’exploitation : 147187. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                                 9                                              © les Fiches du Cinéma 2019
Si Beale Street pouvait parler - Les Fiches du Cinéma
Qui a tué Lady Winsley ?
de Hiner Saleem

Ne trouvant jamais sa juste place entre le pastiche                                                                               FILM NOIR
                                                                                                                       Adultes / Adolescents
burlesque et la fable politique, Qui a tué Lady Winsley ?
prend bien malgré lui les atours d’une catastrophe                         u GÉNÉRIQUE
industrielle aussi embarrassante que prévisible, malgré                    Avec : Mehmet Kurtulus (Fergan), Ergün Kuyucu (le commissaire
l’investissement certain de toute la production.                           Çelik), Ezgi Mola (Azra), Turgay Aydin (Burak), Arin Kusaksizoglu
                                                                           (Fuat), Mesut Akusta (Ismail), Korkmaz Arslan (Sercan Birol),
                                                                           Senay Gürler (Lady Winsley), Haydar Sisman (le jardinier), Hülya
                                                                           Darcan (la mère de Birol), Ahmet Varli (Sadullah), Aytac Usun
                                                                           (le fils du jardinier), Aliye Uzunatagan (Dünya), Asli Samat
                                                                           (la femme de Sadullah), Feriha Eyüboglu (Mecmiye), Goncagül
                                                                           Sunar (Fatma), Laçin Çeylan (la servante), Lila Gürmen (Eylem),
                                                                           Serhat Midyat (le propriétaire du bar), Tugçe Tanis (l’infirmière).
                                                                           Scénario : Véronique Wüthrich et Hiner Saleem, avec la collaboration
                                                                           de Thomas Bidegain Images : Andreas Sinanos Montage : Marion
                                                                           Monnier, Sophie Reine, Claire Fieschi et Thomas Glaser 1res
                                                                           assistantes réal. : Sevgi Melis Silahtaroglu et Johana Katz
                                                                           Musique : Xavier Demerliac et Florence Caillon Son : Fabrice
                                                                           Osinski, Marc Bastien, Armelle Mahé et Emmanuel de Boissieu
                                                                           Décors : Burak Yerlikaya Costumes : Selin Sözen Casting : Harika
                                                                           Uygur Production : AGAT Films & Cie Coproduction : IFP, Versus
                                                      © AGAT Films & Cie   Production, Memento Films Production, Playtime, Les Films
                                                                           Chaocorp et Rebel Taste Producteurs : Marc Bordure et Robert
                                                                           Guédiguian Coproducteurs : Emre Oskay, Adnan M. Sapçi, Sadik
     H          Cinq ans après le sympathique mais fouillis
                                                                           Ekinci, Alican Yazicioglu et Bugra Pamuksüzer Dir. de production :
My Sweet Pepper Land, Hiner Saleem décide ici d’investir un autre
                                                                           Bünyamin Babaoglu Distributeur : Memento Films.
genre cinématographique devenu aussi sacré que raidi par
le temps : le film noir classique, sous perfusion d’Agatha Christie.              90 minutes. France - Turquie - Belgique, 2018
Sur une île perdue, restée au stade atavique d’une insularité                            Sortie France : 2 janvier 2019
aussi topographique que symbole d’une involution sans cesse
                                                                           u RÉSUMÉ
croissante (évidemment, terreau fertile aux secrets consanguins,
                                                                           L’inspecteur Fergan débarque sur l’île turque de Büyükada,
enfouis dans les recoins des arbres généalogiques touffus),                pour récupérer une enquête insoluble : le meurtre de Lady
un taciturne (mais pas trop) inspecteur enquête sur un meurtre             Winsley, une romancière américaine qui passait l’hiver sur
sordide (mais pas trop), et va voir le piège xénophobe et cocardier        l’île. Pas de traces de violences, juste une goutte de sang
se refermer sur lui (mais pas trop). Comme dans son film                   dans l’œil. Fergan se rend dans la maison de la victime et
précédent, Saleem a de l’idée politique, et sait la dissoudre              y croise Burak, un journaliste local, puis se rend dans son
dans l’air pour laisser les personnages de son cinéma                      hôtel, où il rencontre Azra. Entre eux, un jeu de séduction
l’attraper au vol. Las, ces rares séquences séduisantes                    s’installe. L’enquête piétine : tous les habitants de l’île étant
                                                                           plus ou moins cousins, l’ADN du sang de l’œil correspond
sont arrimées au sol grossier du burlesque le plus
                                                                           toujours partiellement. Fergan se dit alors que l’ancêtre de
apathique possible, fait de trognes improbables, de chutes                 cette grande famille, vétérinaire, devait bien avoir quelque
incongrues, de circonvolutions débullées - tout l’attirail de              liaison extraconjugale, et veut retrouver ce fils illégitime.
l’épate moderne. Saleem surligne plus qu’il ne suggère,
                                                                           SUITE... Fergan apprend que Winsley enquêtait sur le meurtre
figure plus qu’il n’esquisse, et finit par usiner une comédie              irrésolu d’un jeune poète et qu’elle s’apprêtait à révéler
policière tendue entre le pire des deux genres cités, ni                   le pot-aux-roses. Entre-temps, Burak découvre les origines
suffisamment drôle pour instiller une inquiétante étrangeté,               de l’inspecteur : Fergan est kurde, peuple que l’île entière,
ni suffisamment captivante pour que le hors-champ fascine                  sauf Azra, méprise. Pris en grippe, Fergan se réfugie
autant le spectateur que ce qu’il saisit dans l’écran. Qui a tué           à Istanbul, chez sa mère, afin d’en savoir plus. Il revient
Lady Winsley ?, à vouloir nous perdre, se perd - pêché véniel              sur l’île, et découvre qu’un jeune réserviste de l’armée
peut-être, mais éloquent : rendu exsangue par ses afféteries               est le fils illégitime du vétérinaire. Cependant, il se doute
                                                                           que ce jeune meurtrier protège quelqu’un d’autre. Suite
baroques, le film ne finit par dégager qu’une énergie en vase
                                                                           à une filature, il découvre que Burak avait tué le jeune
clos, car constamment en train de se regarder rire, sans                   poète kurde, avait étouffé l’affaire, et tué Winsley, qui allait
cesse lorgnant vers des cimes absurdes et inconséquentes.                  tout révéler. Piégé et faisant face à Burak, Fergan est sauvé
Il serait peut-être temps de rallumer la pesanteur que                     par le chef de police local. Avant de repartir, il embrasse
l’histoire personnelle d’Hiner Saleem mérite. _C.D.                        Azra.

                                Visa d’exploitation : 146163. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                                     10                                               © les Fiches du Cinéma 2019
Un beau voyou
de Lucas Bernard

À la veille du départ à la retraite, un commissaire de                                                                   COMÉDIE POLICIÈRE
                                                                                                                         Adultes / Adolescents
police poursuit un mystérieux voleur de tableaux.
Premier long métrage de fiction de Lucas Bernard,                             u GÉNÉRIQUE
Un beau voyou vaut essentiellement pour le couple                             Avec : Charles Berling (le commissaire Beffrois), Swann Arlaud
de restaurateurs, père et fille, qu’il met en scène.                          (Bertrand), Jennifer Decker (Justine), Jean-Quentin Châtelain
                                                                              (Charles), Erick Deshors (Bertaud), Anne Loiret (Madame Maupas),
                                                                              Pierre Aussedat (Étienne), Marina Moncade (Nicole), Victor
                                                                              Pontecorvo (Arthur), Samuel Brafman (Paul), Renan Carteaux
                                                                              (Olivier), Christian Benedetti (Georges), Alassane Diong (le petit
                                                                              cambrioleur).
                                                                              Scénario : Lucas Bernard Images : Alexandre Léglise Montage :
                                                                              Valentin Durning 1er assistant réal. : Franck Morand Scripte :
                                                                              Marie Prual Musique : Christophe Danvin Son : Simon Dumetz,
                                                                              Florent Vrac et Matthieu Dallaporta Décors : Anne-Charlotte
                                                                              Vimont Costumes : Julie Miel Maquillage : Amélie Salomon
                                                                              Casting : Tatiana Vialle Production : Les Grands Espaces
                                                                              Coproduction : France 3 Cinéma Producteur : Florian Môle Dir.
                                                                              de production : Julien Bouley Distributeur : Pyramide.

                                        © Claire Nicol / Les Grands Espaces

      H        Adossé à une structure bizarre, ce premier
film de Lucas Bernard semble ne pas bien savoir à qui
s’intéresser de son gendarme, veuf à la veille du départ
à la retraite, ou de son voleur, personnage mystérieux                                         104 minutes. France, 2018
dont motivations et ressorts resteront du domaine de                                          Sortie France : 2 janvier 2019
la pure spéculation. Ce qui ne serait pas bien grave si
                                                                              u RÉSUMÉ
le film ne prenait l’allure d’un vide-greniers à la chalandise
                                                                              Le commissaire Beffrois surprend un monte-en-l’air en
bobo où acquérir, pour le prix d’une place de cinéma par                      train de cambrioler son appartement avant de le laisser
conséquent, de vagues considérations sur l’art, la beauté                     repartir, non sans avoir récupéré les bijoux de son épouse
et, plus exactement encore, sur le goût - bon ou mauvais                      défunte. Deux vols de tableaux consécutifs le remettent
c’est selon -, sur l’avancée de l’âge et son déni, apparié au                 sur la piste d’un voleur qu’il poursuit, en vain, depuis
sentiment d’inutilité ou de vacuité qui se profile à l’approche               3 ans. Invité à dîner chez Charles et Justine Lazare, père et
de la retraite, sur la culture du secret hypothétiquement,                    fille, restaurateurs qui avaient eu à travailler sur l’une des
de la confiance qu’on n’accorde pas à ses proches, toute                      œuvres volées, il fait la connaissance du laconique Bertrand,
                                                                              le petit ami de Justine. Une nuit, qu’ils passent ensemble,
réflexion de seconde main, il va sans dire. Bref, ici un voleur
                                                                              Justine découvre qu’ils ne sont pas chez Bertrand comme
d’œuvres d’art dont nul ne saura rien aide, par sa seule                      elle le croyait et le somme de lui montrer où il vit. Lequel
existence, un fonctionnaire de police à franchir le cap de son                Bertrand semble gagner sa vie en arnaquant de riches
imminente mise au rancart. Tout cela endossé avec allant par                  étrangères en quête de locations immobilières.
un casting pas franchement des plus audacieux qui place,                      SUITE... Censés se retrouver chez Bertrand, Justine et celui-ci
face à face en haut de l’affiche, Charles Berling et Swann                    sont obligés de fuir quand arrivent les véritables locataires.
Arlaud en duel à fleuret moucheté. Restent Justine - Jennifer                 Bertrand n’a plus d’autre choix dès lors que de l’emmener
Decker, de la Comédie Française - formidable personnage                       dans son très modeste appartement. L’un des tableaux
dont la liberté d’allure, de ton, sexuelle, en fait une figure                retrouvés, Beffrois confond le juge qui en a fait l’acquisition
féminine comme le cinéma français mainstream ne sait                          illégale. Et parvient à tendre un piège à son voleur. Après
plus en concevoir depuis longtemps, et son père Charles                       l’avoir poursuivi sur les toits, puis démasqué, il reconnaît
                                                                              Bertrand et, sans en avoir l’intention, provoque son
- Jean-Quentin Châtelain toujours épatant décidément - qui
                                                                              arrestation. En dupant l’avocat commis d’office, Bertrand
n’esquive jamais quand il s’agit de mettre les pieds dans                     parvient à se faire libérer. Quelques mois plus tard, au cours
le plat. C’est sur ce couple-là qu’à nos yeux très agréablement               d’un séjour en Angleterre, alors que Justine et Bertrand
surpris se concentre tout l’intérêt d’Un beau voyou. Tout n’est               visitent un musée, Beffrois, désormais retraité, surgit et
pas perdu donc. _R.H.                                                         menotte Bertrand à une table de la cafétéria puis s’en va.

                               Visa d’exploitation : 145370. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                                        11                                              © les Fiches du Cinéma 2019
Undercover Une histoire vraie (White Boy Rick)
de Yann Demange

Parfaitement incarné par Matthew McConaughey                                                                                       DRAME
                                                                                                                     Adultes / Adolescents
et le prometteur Richie Meritt, ce deuxième long
métrage de Yann Demange, au rythme assez inégal,                       u GÉNÉRIQUE
convainc par sa capacité à placer le drame intime                      Avec : Matthew McConaughey (Richard Wershe Sr.), Richie Merritt
avant le contexte social dans lequel il s’inscrit.                     (Rick Wershe Jr.), Bel Powley (Dawn Wershe), Jennifer Jason Leigh
                                                                       (l’agent du FBI Snyder), Brian Tyree Henry (l’inspecteur Jackson),
                                                                       Rory Cochrane (l’agent du FBI Byrd), RJ Cyler (Rudell “Boo” Curry),
                                                                       Jonathan Majors (Johnny “Lil Man” Curry), Eddie Marsan (Art Derrick),
                                                                       Taylour Paige (Cathy Volsan-Curry), Bruce Dern (le grand-père
                                                                       Roman “Ray” Wershe), Piper Laurie (la grand-mère Verna Wershe),
                                                                       Raekwon Haynes (Edwin “Nugg” Crutcher), Ishmael “Ishdarr” Ali
                                                                       (“Freaky Steve” Roussell), James Howard (l’inspecteur en chef de
                                                                       la brigade des homicides Hill), YG (Leo “Big Man” Hanserd), Danny
                                                                       Brown (“Black Ed” Hanserd), Kyanna Simone Simpson, Morerice
                                                                       Thornton, Isaiah Ali, E’Xavion Walker, Lawrence Adimora, Alan
                                                                       Bomar Jones, Art Terry, Santos Velasquez, Heidi Sulzman.
                                                                       Scénario : Andy Weiss et Logan & Noah Miller Images : Tat Radcliffe
                                                                       Montage : Chris Wyatt 1er assistant réal. : Thomas Patrick Smith
                                                                       Scripte : Scott Peterso Musique : Max Richter Son : Willie D.
                                                                       Burton Décors : Stefania Cella Costumes : Amy Westcott Effets
                                                           © Sony      spéciaux : William Dawson Effets visuels : Pete Sussi Dir. artistique :
                                                                       Bryan Felty Maquillage : Anita Gibson Casting : Francine Maisler
                                                                       Production : LBI Entertainment, Le Grisbi et Protozoa Pour : Columbia
    HH       Quatre ans après son Prix du Jury au festival
                                                                       Pictures et Studio 8 Producteurs : John Lesher, Julie Yorn, Scott
du Film policier de Beaune et une pluie de nominations
                                                                       Franklin et Darren Aronofsky Distributeur : Sony Pictures.
prestigieuses pour ‘71, Yann Demange s’envole outre-
Atlantique pour son deuxième long métrage. Undercover                                   111 minutes. États-Unis, 2018
(White Boy Rick en version originale, un titre bien plus                                Sortie France : 2 janvier 2019
évocateur) conte l’histoire vraie de Richard “Rick” Wershe
                                                                       u RÉSUMÉ
Jr. - le plus jeune informateur du FBI de l’Histoire - dans
                                                                       1984. Richard vit à Détroit avec ses enfants, Dawn et Rick.
le Détroit des années 1980, qui fut condamné à la plus                 Avec son activité de revente d’armes, il peine à joindre
longue peine de prison pour possession de drogue sans fait             les deux bouts. Sous l’influence de son petit ami, Dawn se
de violence. C’est sur Richie Meritt, lycéen de Baltimore              drogue et fuit la maison. Rick, 14 ans, aide son père et se
sans aucune expérience du jeu, que Demange a jeté                      lie d’amitié avec une bande d’Afro-Américains, la Curry
son dévolu pour incarner Rick. Le jeune homme livre                    Crew. Deux agents du FBI, Alex et Frank, demandent à Rick
une interprétation étonnamment juste et mature face à                  d’infiltrer le réseau de drogue du coin. L’adolescent se prend
un Matthew McConaughey qui, après quelques prestations                 au jeu de l’argent et s’attache réellement aux membres
                                                                       de la bande. Il a une brève liaison avec Brenda. 1985.
outrancières, émeut dans sa composition plus sobre
                                                                       Les activités de Rick prennent de l’ampleur. Il continue à
de Richard Wershe Sr. Malgré quelques lenteurs, le scénario            fournir des informations au FBI.
est intelligemment construit sur les trois années qui
                                                                       SUITE... Ses complices s’en rendent compte : l’un d’entre
ont fait basculer la vie de l’adolescent et ne s’égare
                                                                       d’eux lui tire une balle dans le ventre. Il s’en tire après
jamais dans des futilités. Le cinéaste privilégie le drame             une longue convalescence et la collaboration avec le FBI
intime tout en l’inscrivant dans un contexte social violent            prend fin. Il apprend par le petit frère de Brenda qu’il a
et confus - les tensions raciales dans Undercover ,                    une fille d’un mois, Keisha. Il convainc son père d’aller
le conflit nord-irlandais dans ‘71. Sur une mise en scène              chercher Dawn, véritable junkie, et de l’aider à s’en
efficace et délicate, c’est à travers le parcours de Rick et           sortir. Pour leur avenir et celui de Keisha, Rick persuade
de son père, trahis par le système auquel ils s’étaient                Richard de lancer leur propre trafic de drogue. 1986.
alliés et freinés dans leur poursuite du rêve américain,               Dawn va mieux, Richard ouvre enfin le vidéo-club dont
                                                                       il rêvait. Mais Rick est arrêté en possession de 8 kilos
qu’Undercover dresse le portrait d’une ville gangrenée par
                                                                       de crack. Pour une telle quantité, la loi prévoit la prison
la corruption des forces de l’ordre et l’expansion du trafic           à vie et Rick est jugé coupable à l’unanimité. Alex et
de drogue. Le film abaisse subtilement les frontières                  Frank tentent furtivement, en vain, d’obtenir une réduction
du genre policier et constitue surtout un très beau drame              de peine. Dawn, Richard et Keisha lui rendent visite en
familial. _A.L.                                                        prison.

                            Visa d’exploitation : 148966. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                              12                                                    © les Fiches du Cinéma 2019
An Elephant Sitting Still (Da xiang xi di er zuo)
de Hu Bo

Le premier (et dernier) film de Hu Bo opère une plongée                                                                       DRAME SOCIAL
                                                                                                                         Adultes / Adolescents
dans une ville sinistre, où une poignée d’habitants
se heurte à la violence et à la misère sociales.                           u GÉNÉRIQUE
Une œuvre-fleuve dont la mélancolie accablante                             Avec : Peng Yuchang (Wei Bu), Zhang Yu (Cheng Yu), Wang Yuwen
étouffe continuellement le récit et les personnages.                       (Huang Ling), Liu Congxi (Wang Jin), Ling Zhenghui (Li Kai), Zhang
                                                                           Xiaolong (Yu Shuai), Li Kai Suyun (la mère de Bu), Wang Ning
                                                                           (la mère de Ling), Shunzi (la mère de Cheng), Wang Chaobei
                                                                           (l’ami de Cheng), Wang Xueyang (la femme de l’ami de Cheng), Li
                                                                           Danyi (la fille de Jin), Kong Yixin (la petite-fille de Jin), Kong Wei
                                                                           (le gendre de Jin), Rong Dong Xiang (le doyen), Guo Jing (la femme
                                                                           du doyen), He Miaomiao (la mère de l’ami de Cheng), Liu Jianmin
                                                                           (l’oncle de Bu), ZhaoYan Guozhang (le père de Bu), Zhuyan Manzi
                                                                           (la maîtresse de Cheng), Zhang Zhouqiang (le chef-cuisinier),
                                                                           Ember Yu (la réceptionniste de la salle de billard), Li Qing
                                                                           (le propriétaire du chien blanc), Huang Ximan (la propriétaire du
                                                                           chien blanc), Li Binyuan (le revendeur clandestin).
                                                                           Scénario : Hu Bo Images : Fan Chao Montage : Hu Bo 1er assistant
                                                                           réal. : Zhou Xiaoyan Musique : Hua Lun Son : Ren Yiming Décors :
                                                                           Bai Ruizhou Effets visuels : Feng Jingtao Production : Dongchun
                                                                           Films Producteur : Fu Dongyan Distributeur : Capricci Films.
                                                      © Dongchun Films

    HH        De son affiche à son argument, An Elephant
Sitting Still exhibe malgré lui un apparat tragique. Son
réalisateur, Hu Bo, s’est en effet suicidé quelque temps
après avoir achevé la post-production de son film et s’être                                   234 minutes. Chine, 2018
battu pour en conserver la durée initiale (3h54). Avant même                                Sortie France : 9 janvier 2019
d’avoir visionné l’œuvre, le spectateur peut se retrouver
                                                                           u RÉSUMÉ
pris en otage par cette information, savamment mise en
                                                                           Dans un immeuble, Wei Bu subit les remontrances de son
exergue par les louanges des pairs et des maîtres du défunt                père. Son voisin Wang Jin comprend que ses enfants veulent
(Béla Tarr, Gus Van Sant, Wang Bing). Ni chef-d’œuvre ni                   le placer en maison de retraite. Au même moment, Yu Cheng
déshonneur, le résultat se veut la somme encombrée de                      raconte à une femme avec qui il a couché la légende de la ville
dénonciations dévastatrices, traversées par quelques                       de Manzhouli. Selon celle-ci, un éléphant de cirque y reste assis
tableaux bouleversants. De l’égoïsme familial à la violence                toute la journée, immobile. Plus tard, le compagnon de
sociale, le monde dans lequel évoluent les protagonistes                   la femme se suicide. Il n’était autre que le cousin de Yu Cheng.
est aussi répugnant qu’infernal. En témoigne un brouillard                 Dans un autre immeuble, Huang Ling réveille sa mère en état
                                                                           d’ébriété. Au lycée, Wei Bu et son ami sont persécutés par
grisâtre qui nappe les moindres recoins de la ville post-
                                                                           un autre camarade. Ce dernier tombe violemment dans
industrielle. Aucun sourire ni aucun espoir ne traversera                  les escaliers en voulant frapper Wei Bu. Yu Cheng reçoit
le visage des protagonistes, victimes comme bourreaux.                     un appel de sa mère lui annonçant que son frère a été
Telles des âmes errant dans les limbes, ces derniers se                    attaqué au lycée.
croisent dans un récit choral à l’écriture (trop) millimétrée.             SUITE... Le chien de Wang Jin est tué par un chien errant.
Si la maîtrise est exemplaire, elle épuise également le potentiel          Recherché par Yu Cheng, Wei Bu se réfugie chez sa grand-
contemplatif, discursif et émotionnel du dispositif. Ne laissant           mère, morte dans son sommeil. Wang Jin se confronte aux
jamais ses personnages souffler ni souffrir complètement,                  propriétaires du chien. Huang Lin refuse de partir avec Wei Bu
le long métrage pêche par son excès de mésaventures mais                   à Manzhouli. Wang Jin découvre Yu Cheng fouillant le domicile
se rattrape de justesse par son absence de complaisance                    de Wei Bu. Huang Lin entretient une relation avec le proviseur
misérabiliste. En découle une œuvre continuellement sous                   du lycée. Yu Cheng apprend la mort de son frère. Alors que sa
                                                                           relation est dévoilée au grand jour, Huang Lin se dispute avec
tension, prise au piège par des désirs et des directions
                                                                           sa mère. Le proviseur et son épouse viennent les voir. Avec
contradictoires. Entre introspection mélancolique, brûlot                  une batte de base-ball, Huang Lin frappe l’homme. Yu Cheng
politique et fable intime, An Elephant Sitting Still peine                 retrouve Wei Bu mais le laisse partir. Il est blessé par l’ami
à trouver son identité et manque de devenir une œuvre                      de Wei Bu, qui se suicide ensuite. Wei Bu, Huang Lin, Wang
percutante. _S.H.                                                          Jin et sa petite fille quittent la ville pour rejoindre Manzhouli.

                               Visa d’exploitation : en cours. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD.

                                                                   13                                                  © les Fiches du Cinéma 2019
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