Les Étendues imaginaires - Les Fiches du Cinéma
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
LE MENSUEL Les Étendues imaginaires MARS 2019 Rencontre avec Yeo Siew Hua Dernier amour de Benoît Jacquot C’est ça l’amour de Claire Burger Heart of a Dog de Laurie Anderson • M de Yolande Zauberman McQueen de Ian Bonhôte et Peter Ettedgui #3 Entretien avec Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti pour Sibel
SOMMAIRE FILMS DU 6 MARS 2019 A Kind of Magic de Neasa Ní Chianáin et David Rane HHH A Thousand Girls Like Me de Sahra Mani HHH Bêtes blondes de Alexia Walther et Maxime Matray HH Captain Marvel de Anna Boden et Ryan Fleck HH Le Cochon, le renard et le moulin de Erick Oh HHH Damien veut changer le monde de Xavier de Choudens HH Dans les bois de Mindaugas Survila HH Les Étendues imaginaires de Yeo Siew Hua HHH Rencontre avec Yeo Siew Hua Exfiltrés de Emmanuel Hamon HH Funan de Denis Do HHH Maguy Marin : L’Urgence d’agir de David Mambouch HH Le Mystère Henri Pick de Rémi Bezançon HHH Nos vies formidables de Fabienne Godet HHH On ment toujours à ceux qu’on aime de Sandrine Dumas m Sibel de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti HHH Rencontre avec Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti Stan & Ollie de Jon S. Baird HH FILMS DU 13 MARS 2019 Aïlo de Guillaume Maidatchevsky HH Depuis Mediapart de Naruna Kaplan de Macedo HHH Dragon Ball Super : Broly de Tatsuya Nagamine HHH McQueen de Ian Bonhôte et Peter Ettedgui HHH Ma vie avec John F. Donovan de Xavier Dolan H Meltem de Basile Doganis HH Mon bébé de Lisa Azuelos H La Petite fabrique de nuages Film collectif HH Quand je veux, si je veux de Susana Arbizu, Henri Belin, Nicolas Drouet et Mickaël Foucault HHH Rebelles de Allan Mauduit HH Rosie Davis de Paddy Breathnach HH Les Témoins de Lendsdorg de Amichai Greenberg HH Teret de Ognjen Glavonic HH We the Animals de Jeremiah Zagar HHH
FILMS DU 20 MARS 2019 Cómprame un revólver de Julio Hernández Cordón HH Le Corps sauvage de Cheyenne-Marie Carron HH Dernier amour de Benoît Jacquot HHHH Entre les roseaux de Mikko Makela H #Female Pleasure de Barbara Miller HH L’Homme qui a surpris tout le monde de Natasha Merkulova et Aleksey Chupov HHH Leur souffle de Cécile Besnault et Ivan Marchika HH M de Yolande Zauberman HHH Qui m’aime me suive ! de José Alcala HH Résistantes de Fatima Sissani HHH Le Rêve de Sam Film collectif HHH Sauvages de Dennis Berry H Sunset de László Nemes H Les Yeux de la parole de David Daurier et Jean-Marie Montangerand H FILMS DU 27 MARS 2019 Boy Erased de Joel Edgerton HH La Cacophonie du Donbass de Igor Minaev HHH C’est ça l’amour de Claire Burger HHH Compañeros de Álvaro Brechner HH Gentlemen cambrioleurs de James Marsh H Heart of a Dog de Laurie Anderson HHH Love, Cecil de Lisa Immordino Vreeland HHH Mon meilleur ami de Martín Deus HH Ne coupez pas ! de Shin’ichirô Ueda HHH La Section Anderson de Pierre Schoendoerffer HHH Sergio & Sergeï de Ernesto Daranas Serrano HH Still Recording de Saeed Al Batal et Ghiath Ayoub HHH Styx de Wolfgang Fischer H Synonymes de Nadav Lapid HH
LES FICHES DU CINÉMA ÉDITO 26, rue Pradier 75019 Paris Netflix : faire avec ou sans ? Administration & Rédaction : 01.42.36.20.70 Fax : 09.55.63.49.46 .............................................................. Aux Fiches, nous n’avons pas qu’à résoudre des problèmes RÉDACTEUR EN CHEF financiers structurels et conjoncturels, la question de notre survie Nicolas Marcadé n’a pas totalement ankylosé nos neurones. Nous avons également à redaction@fichesducinema.com RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT répondre à des questions nouvelles, des choix à faire, des décisions Michael Ghennam à prendre - et qui sait ? - des virages à négocier peut-être. Pour michael@fichesducinema.com une revue comme la nôtre, dont l’exhaustivité est la religion SECRÉTAIRE DE RÉDACTION - la salle et rien que la salle ! - la montée en puissance d’un acteur Thomas Fouet thomas@fichesducinema.com tel que Netflix nous amène à réinterroger notre posture critique et, .............................................................. plus largement, notre cinéphilie, à repenser ses socles, ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO à savoir le grand écran d’une part, les films partagés en commun de François Barge-Prieur, Michel Berjon, l’autre. Naturellement, nous pourrions faire la sourde oreille. Mais il Simon Blondeau, Isabelle Boudet, Sarah Brunelière, Jef Costello, nous paraît chaque mois plus douloureux de ne rien écrire quand les Isabelle Danel, Clément Deleschaud, œuvres de cinéastes comme Joel & Ethan Coen, Steven Soderbergh, Florian Fessenmeyer, Thomas Fouet, Alfonso Cuarón, J.C. Chandor, Paul Greengrass, Julian Schnabel, Margherita Gera, Michael Ghennam, Noah Baumbach, Dan Gilroy, Martin Scorsese et nombre à venir Mehdi Haddou, Roland Hélié, Simon Hoareau, Aude Jouanne, Cyrille assurément, échappent au périmètre qu’en d’autres temps notre Latour, Amélie Leray, Julie Loncin, revue a dessiné. On pourrait s’arc-bouter et reprocher Jacques-Antoine Maisonobe, Nicolas à ces cinéastes comme le fait l’AFCAE à travers la voix de François Marcadé, Keiko Masuda, Sulamythe Aymé, son président, dans une tribune qu’a publiée Le Monde, Mokounkolo, Marion Philippe, Marine Quinchon, Gaël Reyre, Chloé Rolland, de se laisser griser par les trompeuses sirènes de cette nouvelle Louis Roux, David Speranski, Gilles puissance de production, de trahir les réseaux d’exploitants qui Tourman, Marie Toutée, Valentine les ont soutenus jusque-là. Ce serait mal connaître les cinéastes, Verhague, Nathalie Zimra. tourner et réaliser est une obsession légitime, comment ne pas Les commentaires des «Fiches» reflètent l’avis général du comité le comprendre. Qui aurait à cœur d’admonester tel ou tel cinéaste .............................................................. d’autrefois d’avoir cédé à la puissance des studios ? Les films se PRÉSIDENT faisaient, voilà tout. Et bien souvent, ils étaient bons, “ils éclataient François Barge-Prieur de beauté” comme l’écrivait Nicolas Marcadé voici peu. On ne ADMINISTRATRICE Chloé Rolland saurait passer sous silence cependant que le cas Netflix relève administration@fichesducinema.com d’un débat spécifiquement franco-français dû, pour l’essentiel, TRÉSORIER à ce qu’on appelle la chronologie des médias. Initialement conçue Guillaume de Lagasnerie pour protéger la salle et les exploitants, elle s’est muée en Conception Graphique 5h55 un piège en passe précisément de se refermer sur eux. Des pièges, www.5h55.net ils peuvent en sortir, c’est loin d’être le premier qui leur est tendu, IMPRESSION leur vitalité le leur a toujours permis. En attendant, pour en finir Compédit Beauregard avec cette frustration dans nos pages, deux voies s’offrent à nous : 61600 La Ferté-Macé Tél : 02.33.37.08.33 considérer ces films comme des annexes ou des “curiosa”, de sales .............................................................. petits secrets d’alcôve, des bonus cachés d’œuvres déjà existantes DÉPÔT LÉGAL dont nous choisirions de ne circonscrire les appréciations critiques Mars 2019 qu’à notre seul site, ou comme des œuvres appelées à forcer COMMISSION PARITAIRE 0320 G 86313 - ISSN 0336-9331 la porte de cette exhaustivité rappelée plus haut, à légitimer par «Les Fiches du Cinéma». voie de conséquence un traitement analogue à tous les autres films Tous droits réservés. - éventualité inévitable dès lors que Netflix commencerait à produire Toute reproduction même partielle des et révéler de nouveaux talents de cinéastes - auquel cas nous textes est soumise à autorisation. Photo de couverture : nous sentirions tenus de leur consacrer autant de pages de notre Les Étendues imaginaires mensuel que nécessaire. Mais si nous commençons à ouvrir notre (Épicentre Films) champ d’action au-delà des sorties en salle, combien de temps © Épicentre Films le principe d’exhaustivité restera-t-il tenable ? Débat à suivre donc… WWW.FICHESDUCINEMA.COM ROLAND HÉLIÉ
A Kind of Magic Une année pour grandir (In loco parentis) de Neasa Ní Chianáin et David Rane En Irlande, l’école de Headford, dernier internat DOCUMENTAIRE Adultes / Adolescents primaire du pays, repose sur une pédagogie alternative. Parmi les enseignants, John et Amanda u GÉNÉRIQUE Leyden, un couple au seuil de la retraite. Un documentaire Images : Neasa Ní Chianáin Montage : Mirjam Strugalla Musique : émouvant et - c’est le cas de le dire - instructif. Eryck Abecassis Son : David Rane Production : Soilsiu Films et Grismedio Producteurs : David Rane, Angelo Orlando, Montse Portabella et Efthymia Zymvragaki Distributeur : Docks 66. © Docks 66 99 minutes. Irlande - Espagne, 2016 HHH Premier documentaire cinéma du duo Neasa Sortie France : 16 janvier 2019 Ní Chianáin et David Rane, A Kind of Magic a connu un véritable engouement en festivals avec plus de qui vit peut-être là sa dernière année avant la retraite, 80 sélections avec son actif, parmi lesquelles Amsterdam et après 46 ans d’activité. Une décision qui tourmente et Sundance. C’est à travers le regard de deux professeurs John et Amanda, lesquels n’ont connu que cet amour à l’humour british bien trempé, John et Amanda Leyden, réciproque pour Hadford et ses élèves. Néanmoins, que l’internat irlandais nous est présenté ; un cadre cela n’impacte en rien leur façon de faire : toujours qui a de quoi émerveiller, par le charme de la campagne qui à l’écoute et soucieux du bien-être des enfants, l’environne, et par l’architecture quelque peu particulière ils dédient tout leur temps, et toute leur énergie, - proche de celle d’un château - de l’école. Celle-ci repose à transmettre leur savoir. En cours, on aborde aussi sur des valeurs d’enseignement singulières, et met en avant la question du vivre-ensemble : vous en pensez quoi, une pédagogie dite alternative : bien qu’il y ait des cours de l’homosexualité ? Et du mariage homosexuel ? de mathématiques ou de français, la liberté est de mise : Les réactions sont divisées, mais jamais tranchées : au lieu d’imposer aux enfants un programme scolaire les enfants font preuve d’une intelligence rare, très cadré, les enseignants les invitent à partager leurs d’une curiosité précieuse et d’une ouverture d’esprit envies. Il leur revient même de choisir quels livres vont qui leur permet d’échanger dans le calme et le respect. être rangés en classe, ou s’ils ont plutôt envie de faire L’une d’elle semble clore le débat par une phrase du théâtre, du chant, de la musique, du sport... L’école à la fois naïve et touchante d’humanisme : “Parfois, propose beaucoup de temps libres, afin que chacun puisse c’est mieux d’être gay que d’être célibataire”. Utilisés s’exprimer et échanger, tout en apprenant les valeurs comme fil rouge, certains enfants sont présents du respect, du partage et de la créativité. Pour ce qui est tout au long du film, on peut alors peut constater du contenu des cours, quitte à les initier à la littérature, leur évolution, à commencer par celle d’Eliza, d’abord Amanda Leyden fait la lecture du Club des Cinq. De son peu épanouie, très renfermée sur elle-même. côté, John choisit le jeu pour tester la culture générale de Et pourtant, à la fin de l’année, elle retrouve ses élèves - avec des bonbons à la clé : en formant deux le sourire et remporte tous les prix d’excellence : équipes, les enfants s’amusent en s’instruisant et apprennent une réussite qui réchauffe le cœur. Dans ce à travailler ensemble. Mais A Kind of Magic ne se limite documentaire, personne ne s’adresse à la caméra ni pas la présentation d’une année en école alternative : par ne justifie sa méthode d’enseignement : les images le biais d’une double narration, le film rend également parlent d’elles-mêmes et pour eux. Un vrai rayon de compte d’une période difficile pour le couple d’enseignants, soleil, dont on ressort heureux et léger. _F.F. Visa d’exploitation : 150156. Format : 1,77 - Couleur - Son : Dolby SRD. 20 copies (vo). 5 © les Fiches du Cinéma 2019
A Thousand Girls Like Me (A Thousand Girls Like Me) de Sahra Mani Victime d’inceste paternel, une jeune Afghane décide DOCUMENTAIRE Adultes / Adolescents de porter l’affaire devant les tribunaux. Le film suit pas à pas, avec tact et intensité, le long chemin u GÉNÉRIQUE vers la reconnaissance de son statut de victime Avec : Khatera. dans une société réticente et patriarcale. Scénario : Sahra Mani, Khosraw Mani et Olivier Trives Images : Sahra Mani Montage : Sahra Mani Musique : Élodie du Détroit, Jacobo Velez Mesa et Cyril Orcel Son : Hussain Kargar Production : BBD Films et Les Films du Tambour de Soie Coproduction : Afghanistan Doc House, Marmitafilms et First Hand Films Productrice : Nicole Levigne Distributeur : Bluebird Distribution. © BBD Films 80 minutes. Afghanistan - France, 2017 HHH Khatera est une jeune afghane de 23 ans Sortie France : 6 mars 2019 qui, sa vie durant, fut violée par son père jusqu’au jour où elle décide de livrer son calvaire lors d’une émission femmes ne sont pas tirées d’affaire. Kathera donne télévisée. Devant les caméras, elle ose évoquer une vie naissance à un fils, mais ne parvient pas à faite de violences sexuelles, d’avortements successifs, l’abandonner. Tous quatre partent en vain à et de brutalité masculine. Le retentissement est immédiat : la recherche d’un lieu qui les protègerait du regard les autorités afghanes incarcèrent le père. Nous faisons désapprobateur du voisinage. Les réseaux sociaux connaissance avec Khatera, en attente des audiences perturbent la recherche de l’anonymat. Même si préliminaires au procès. Elle est enceinte des œuvres la justice de son pays l’a reconnue comme victime de son père, tenue de garder l’enfant comme preuve d’actes monstrueux, la société afghane considère “à charge”, et vit recluse en compagnie de sa mère et de la souillure que porte la jeune femme comme sa petite fille, qui est aussi sa sœur. Menacée de toutes indélébile. C’est ce que met en lumière avec parts par ses oncles, incitée à se taire par ses jeunes frères, force A Thousand Girls Like Me, film prenant par condamnée pour crime moral par la société, Khatera tient son intensité, ses moments d’incertitudes et de bon. Elle est conseillée par une avocate confiante en l’issue tensions s’apparentant, sans dérive spectaculaire, de l’affaire. La caméra de Sahra Mani accompagne la jeune à une forme de suspense. La réalisatrice a choisi femme dans les actes de la vie quotidienne, moments d’aborder son sujet frontalement, dans toute pendant lesquels elle raconte son histoire. Se dessine sa scandaleuse iniquité, quitte à être prise à alors une vue en coupe de la société afghane d’essence partie par les protagonistes. Elle cadre avec tact patriarcale et clanique. Les rues de Kaboul, personnage les moments d’intimité familiale, parfois apaisés, à part entière du récit, sont arpentées par des hommes, comme les brusques accès de désarroi. La situation jeunes ou vieux. Cette foule masculine est traversée de est suffisamment forte pour qu’il ne soit pas rares fantômes drapés, quasi invisibles. L’influence de nécessaire d’en rajouter. Le parcours de Kathera ce père monstrueux reste entière et se manifeste hors trouve une conclusion en demie teinte. Elle part champ malgré son incarcération. Il exhorte les membres s’exiler en France, où elle vit aujourd’hui. Incapable de sa famille à incendier la maison de Khatera, l’obligeant d’affronter ses contradictions et le statut indigne à des déménagements incessants pour lui échapper. réservé aux femmes, l’Afghanistan expulse le grain Les autorités tiennent à faire de ce procès un exemple. de sable qui risquerait de gripper cette domination Les juges condamnent le père à la peine capitale sans masculine. Ce document le montre avec force et statuer sur son exécution. Malgré le verdict, les trois authenticité, sa pertinence est une évidence. _J.C. Visa d’exploitation : en cours. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 6 © les Fiches du Cinéma 2019
Bêtes blondes de Alexia Walther et Maxime Matray Comme un rêve éveillé, les aventures d’une ex-vedette COMÉDIE ABSURDE Adultes / Adolescents de sitcom, d’un ange déchu et d’une tête dans un sac se jouent dans un inédit registre dionysaco-poético- u GÉNÉRIQUE marrant. Une bizarrerie pleine de rythme, de trouvailles, Avec : Thomas Scimeca (Fabien), Basile Meilleurat (Yoni), Agathe qui révèle l’univers singulier d’un duo à suivre. Bonitzer (Katia), Youssef Hajdi (Johann), Paul Barge (Ricky), Anne Rotger (Jacqueline), Bertrand de Roffignac (Lionel), Gaspard Delanoë (Michel), Lucille Guillaume (Claire), Harpo Guit (Erwan), Lenny Guit (Ronan), Alyzée Lalande (Corinne / Betty), Pierre Moure (Arnaud), Louise Ronk-Sengès (Sonia), Vanessa Bettane (la chasseuse), Margaux Fabre (la jeune conductrice), Akram Guellou (le vigile), Pascal Humbert (le chauffeur de taxi), Clémentine Kaul-Surdez (la petite fille), Romain Lacroix (l’officier), Hammoud Zouaghi (l’épicier), Mohammed Zeggaï (l’invité à la fenêtre), Coralie Russier (la barmaid), Emmanuel Rabita (l’homme au saumon), Saverio Maligno, Jean-Philippe M’Peng, Adrien Bardi, Sophia Djitli, Édouard Cabrera, Yannick Geiser, Vanessa Vicente, Kevin Sallibartan, François-Xavier Soupault, Pierre Destenave, Adrien Rob, Thomas Gendronneau, Stanislas Briche, Téo Fdida, Olivia Lioret. Scénario : Maxime Matray et Alexia Walther Images : Simon Beaufils Montage : Martial Salomon et Jeanne Sarfati 1er assistant réal. : © Ecce Films Kevin Soirat Son : Colin Favre-Bulle, Luc Meilland et Sébastien Pierre Décors : Barnabé d’Hauteville Costumes : Sabrina Violet et Adrien Genty Production : Ecce Films Producteur : Emmanuel HH Un jeune homme endormi, une clairière, Chaumet Productrice exécutive : Mathilde Delaunay Dir. de quelques notes de L’Après-midi d’un faune de Debussy... production : Louise Hentgen Distributeur : UFO Distribution. Ces premiers plans bucoliques de Bêtes blondes sont bien vite infléchis par un zoom qui dévoile des fruits pourris, 102 minutes. France, 2018 et un endormi plus brun cracra que prince imberbe. Sortie France : 6 mars 2019 Et comme le héros qui émerge dans le cadre au format 4/3, u RÉSUMÉ on se demande où on est, et dans quel drôle de film on Fabien se réveille égaré en foret. Il arrive dans une maison est allés se fourrer. Salué à la Semaine internationale de en deuil et s’incruste à la cérémonie. Katia, une serveuse, la Critique de la Mostra de Venise 2018, cet ovni est signé reconnaît en Fabien l’ex-vedette de @Sois pas triste Patrice, du duo franco-suisse Maxime Matray et Alexia Walther, une sitcom des années 1990. La famille doit enterrer le beau venu des arts plastiques. Ils signent, la quarantaine passée, Ricky. Alors qu’il va voir Ricky, mort décapité, il essaie de un premier long métrage que l’on peut classer dans lui voler sa boucle d’oreille et la tête se détache. Arrive la catégorie expérimentale, mais pas que. Car le récit offre Yoni, le petit ami de Ricky. La famille le conspue et refuse plusieurs niveaux de lecture qui font que l’on peut prendre qu’il entre. Fabien l’aide alors à voir le mort en échange d’un trajet à Paris. Ils s’échappent en voiture, Yoni ayant les aventures de Fabien et Yoni comme un road movie emporté la tête de Ricky dans un sac. Ils ont un accident. déglingué, où deux anti-héros tentent d’échapper à leurs Sur une aire, ils se racontent. poursuivants avec une tête dans un sac. Mais aussi, comme SUITE... Fabien évoque la mort de Corine, sa partenaire de l’expliquent les deux auteurs dans leurs intentions, comme sitcom, dans un accident, alors qu’ils roulaient à moto. Mais une épopée ultra référencée, inspirée par un vers d’Henri ils se battent. Sur la route, Katia prend Fabien en stop, avec Michaux, nourrie de pensée nietzschéenne, de références le sac. Il se réveille chez elle et révèle ne se souvenir de à la télé des années 1990 comme aux vidéos des artistes rien. Katia le fait se changer en look “Patrice”, et essaie de Paul Mc Carthy et Mike Kelley, sous l’influence scorsesienne le faire tourner dans un film “coprophage”. Fabien s’enfuit d’After Hours, dans une esthétique poético-trash à la Yann avec la tête. De son côté, Yoni rejoint Paris et se rend au Gonzalez... Alors, tout cela fait-il un film ? Eh bien oui ! Crachoir, bar dont lui avait parlé Fabien. Ce dernier n’a plus Car forts d’un travail dense sur l’image, les couleurs et la tête. Ils vont alors voir le président de son fan club, sorte d’oracle qui les dirige vers une serre. Là, ils ne trouvent rien. le son, Matray et Walther créent un monde cohérent, qui Fabien renvoie Yoni chez lui puis se rend sur le mémorial se tient et qui emporte. Loin d’une élucubration blagueuse, dédié à Corine. Là, le fantôme de Corine lui rend la tête. Et le film se demande “que faire pour vivre avec le souvenir de le libère. Chez lui, l’attend un trio à qui il doit de l’argent. la mort d’un proche”. Et y répond avec émotion, humour, Il leur cède la boucle d’oreille de Ricky. Yoni se réveille à poésie et originalité. _I.B. côté de la tête. Il part en moto avec la tête, jusqu’à la mer. Visa d’exploitation : 142871. Format : 1,37 - Couleur - Son : Dolby SRD. 100 copies. 7 © les Fiches du Cinéma 2019
Captain Marvel (Captain Marvel) de Anna Boden et Ryan Fleck Au milieu des années 1990, une guerre galactique fait SUPER-HÉROS Adultes / Adolescents rage. Une jeune femme amnésique devient la clé du conflit. Un scénario qui réserve de jolies surprises u GÉNÉRIQUE et un duo de comédiens en forme : ça ne suffit pas à Avec : Brie Larson (Vers / Carol Danvers / Captain Marvel), Samuel faire de Captain Marvel l’événement qu’il devrait être. L. Jackson (Nick Fury), Ben Mendelsohn (Talos / le directeur Keller), Jude Law (Yonn-Rogg), Annette Benning (l’Intelligence Suprême / le docteur Wendy Lawson), Lashana Lynch (Maria Rambeau), Djimon Hounsou (Korath), Lee Pace (Ronan l’Accusateur), Gemma Chan (Minn-Erva), Clark Gregg (Phil Coulson), Akira Akbar (Monica Rambeau), Algenis Pérez Soto (Att-Lass), Rune Temte (Bron-Char), McKenna Grace, London Fuller, Kenneth Mitchell, Colin Ford, Matthew Maher, Connor Ryan. Scénario : Anna Boden, Ryan Fleck et Geneva Robertson-Dworet, d’après une histoire de Nicole Perlman, Meg LeFauve, Anna Boden, Ryan Fleck et Geneva Robertson-Dworet D’après : le personnage de bandes dessinées de Roy Thomas et Gene Colan (1968) Images : Ben Davis Montage : Elliot Graham et Debbie Berman 1er assistant réal. : Lars P. Winther Musique : Pinar Toprak Son : Kyrsten Mate et David Acord Décors : Andy Nicholson Costumes : Sanja Hays Effets spéciaux : Dan Sudick Effets visuels : © Walt Disney Christopher Townsend Dir. artistique : Andrew Max Cahn Casting : Sarah Halley Finn Production : Marvel Studios Producteur : Kevin Feige Producteurs exécutifs : Louis D’Esposito, Victoria Alonso, HH Chez Marvel, la première super-héroïne à avoir Jonathan Schwartz, Patricia Whitcher et Stan Lee Distributeur : les faveurs d’un long métrage pour elle seule n’aura pas été The Walt Disney Company. la Black Widow de Scarlett Johansson (introduite dans l’oubliable Iron Man 2). Ni la Scarlet Witch d’Elizabeth Olsen (débarquée, elle, 124 minutes. États-Unis, 2019 dans Avengers : L’Ère d’Ultron). C’est finalement une nouvelle Sortie France : 6 mars 2019 venue, Captain Marvel, qui a les honneurs d’une “genesis story” u RÉSUMÉ (à la manière d’Iron Man ou de Doctor Strange) avant le grand 1995. Sur Hala, la planète des Kree, Vers s’entraîne avec son rassemblement d’Avengers : Endgame. Mi “buddy movie” - que mentor, Yon-Rogg. L’Intelligence suprême, qui dirige les Kree, vient surligner l’ambiance années 1990 - mi space opera, ce envoie Vers en mission avec Yon-Rogg et son groupe : ils Captain Marvel entreprend de présenter Carol Danvers, doivent secourir un espion sur une planète occupée par potentielle future figure clé d’une bande d’Avengers éreintée. les Skrulls, une espèce polymorphe belliqueuse. Mais Talos, La première incursion d’Anna Boden et Ryan Fleck - les auteurs le leader des Skrulls, capture Vers. Il fouille son subconscient du génial Half Nelson en 2006 - dans l’univers des super-héros pour y trouver la localisation du réacteur supraluminique laisse espérer un blockbuster qui prenne le risque d’être créé par Wendy Lawson, instigatrice du projet Pegasus. Vers se libère et fuit. Elle s’écrase sur la planète C-53 : la Terre. différent... Le film tend plutôt à toucher aux limites du système Marvel : le jeu des références apparaît à bout de souffle, SUITE... Vers fait équipe avec l’agent Fury, chargé d’enquêter, la nostalgie nineties reste curieusement inexploitée, la mise en pour échapper aux Skrulls. Talos se fait passer pour Keller, le directeur du SHIELD. Ils apprennent que Lawson est morte scène est impersonnelle. Et l’humour ? Omniprésent, il peut en 1989, et que Vers était certainement à ses côtés... En sonner creux comme faire mouche. Le scénario très rythmé Louisiane, ils interrogent Maria Rambeau, qui reconnaît Carol semble avoir cristallisé les efforts de la production : se reposant Danvers, sa meilleure amie et pilote de l’USAF comme elle, en sur l’alchimie entre Brie Larson et un Samuel L. Jackson rajeuni Vers. Talos fournit la preuve de la responsabilité de Yon-Rogg par les miracles de la technologie, il réserve quelques belles dans la mort de Lawson, en réalité Mar-Vell, une Kree. Parce surprises en assumant - un temps seulement - de brouiller qu’elle souhaitait sauver les Skrulls de la violence de son les cartes. Ce soupçon d’ambiguïté bienvenu, Boden et Fleck peuple, Yon-Rogg l’avait abattu sous les yeux de Carol, qui avait ne l’entretiennent malheureusement pas. On ne s’ennuie pas alors détruit le réacteur. Son corps avait absorbé l’énergie libérée… Carol, Fury et Maria décident d’aider Talos, et trouvent une seconde, mais on ne sera jamais secoué par le féminisme le labo spatial de Mar-Vell. Là, Talos retrouve sa famille. Yon- “light” de Carol, qui méritait d’afficher ses convictions avec plus Rogg capture Carol, qui le neutralise et permet à ses amis de fierté - et un film plus ambitieux en guise d’écrin. Ce sera de retourner sur Terre. Elle met en déroute les Accusateurs pour sa suite ? Car le véritable enjeu de ce Captain Marvel de Ronan, et renvoie Yon-Rogg sur Hala avec un message est de s’interroger sur l’avenir du MCU... _Mi.G. pour l’Intelligence suprême : elle va mettre fin à leur guerre. Visa d’exploitation : 150402. Format : Scope & IMAX (2D / 3D) - Couleur - Son : Dolby SRD Atmos. 8 © les Fiches du Cinéma 2019
Le Cochon, le renard et le moulin (Pig : The Dam Keeper Poems) de Erick Oh Laissé seul sur une colline menacée par la pollution, AVENTURES Enfants un petit cochon fait face à ses premières découvertes et angoisses. À mi-chemin entre le conte dystopique u GÉNÉRIQUE et la fable écologique, l’œuvre d’Erick Oh ravit par Scénario : Erick Oh D’après : le court métrage The Dam Keeper de son imagerie poétique et ses drôleries visuelles. Robert Kondo et Daisuke Tsutsumi (2014) Animation : Stéphanie Mercier, Sam Marin, Toshihiro Nakamura, Erick Oh et Toniko Pantoja Musique : Zach Johnston et Matteo Roberts Son : Hajime Takagi Production : Tonko House Producteurs : Robert Kondo, Daisuke “Dice” Tsutsumi et Daisuke ”Zen” Miyake Dir. de production : Courtney Lockwood Distributeur : Gebeka Films. © Tonko House HHH Tiré de l’univers de The Dam Keeper, court métrage d’animation réalisé par Robert Kondo et Dice Tsutsumi en 2014, Le Cochon, le renard et le moulin est de ces œuvres qui rassemble et émeut les plus grands et 50 minutes. États-Unis, 2017 les plus petits. Constitué de dix chapitres, le film d’animation Sortie France : 6 mars 2019 épouse, dans un premier temps, les codes attendus du récit u RÉSUMÉ initiatique. Non sans une belle fluidité, il narre entre autres la naissance d’une amitié et la notion de solidarité. Mais 1. Cochon naît. Il grandit auprès de son père. Ce dernier il aborde aussi l’inévitable question des responsabilités construit un moulin pour repousser un nuage sombre qui menace la colline. Un jour, le père part combattre le nuage, - ainsi que la solitude que ces dernières impliquent. laissant Cochon s’occuper d’une fleur jaune. En l’absence de son père, Cochon, le jeune héros, doit 2. Cochon prend soin du moulin et de la fleur. Un poisson en effet jongler entre les moments d’insouciance et son vole son arrosoir. À sa poursuite, Cochon rencontre Renard. devoir de veilleur des brumes. Car non loin de son moulin, 3. La fleur est devenue un arbuste. Renard et Cochon sont un nuage mortel menace la colline et ses habitants. Ce embêtés par une horde d’insectes. lourd héritage, porté par de si petites épaules, nourrit alors 4. Cochon pique-nique et partage tout ce qu’il a avec une gravité inattendue et offre au passage quelques tableaux les autres animaux. Une famille de lions s’apprête à poignants. À hauteur de son genre, le moyen métrage dresse le manger. Cochon est sauvé par ses amis. 5. Encouragé par Renard, Cochon découvre la baignade. ensuite le constat d’une urgence climatique dont seul Cochon Craintif, il finit par plonger pour sauver son ami de semble avoir conscience. Outre ses évidentes intelligence la noyade. et acuité écologique, l’œuvre d’Erick Oh surprend par son 6. Ayant chaud, Hippopotame tourne le moulin vers lui. Le nuage exigence formelle. Puisant dans les excès et les limites de noir envahit la colline, tuant la végétation. Trouvant le masque l’anthropomorphisme, le réalisateur nous offre des trouvailles de son père, Cochon sauve ses amis. visuelles, où même la poésie se fait la représentation de 7. Sur la colline, après la confusion, Cochon et ses amis moments plus anxiogènes - le jeune Cochon luttant contre recherchent leurs queues. un double maléfique ou encore le nuage noir avalant 8. Sur sa balançoire, Cochon se met à rêver que son double géant, poussé par le nuage, détruit le moulin. les jeunes animaux de la colline. Mais ces idées ne seraient 9. L’hiver est là. Les animaux jouent en famille. Seul, Cochon rien sans la finesse et la douceur des traits qui composent attend son père. Renard lui tient compagnie. les 31 000 photogrammes, tous peints à la main. Moins 10. Le père de Cochon réapparaît. Père et fils construisent anguleux mais tout aussi attachant que son modèle, le dessin un plus grand moulin et un barrage contre le nuage. Le père est un ravissement. À l’image de l’ensemble. _S.H. repart, laissant Cochon veiller sur la colline. Visa d’exploitation : 150400. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 90 copies. 9 © les Fiches du Cinéma 2019
Damien veut changer le monde de Xavier de Choudens Doté de solides atouts et d’un sympathique casting COMÉDIE SOCIALE Adultes / Adolescents habitué du genre, un “feel good movie” sincère et bienveillant, au sujet brûlant d’actualité, mais u GÉNÉRIQUE qui souffre d’un scénario trop manichéen et trop Avec : Franck Gastambide (Damien), Melisa Sözen (Salma), Gringe poussif pour être pris au sérieux. (Rudy), Camille Lellouche (Mélanie), Jessim Kas (Behzad), Youssef Hajdi (Marco), Bass Dhem (Souleman), Rémy Adriaens (Steve), Liliane Rovère (Madame Lopez), Patrick Chesnais (Vigo), Sébastien Chassagne (Vigo, jeune), Claire Chust (Carole), Tatiana Rojo (Rama N’Dongo), Roda Canioglu (Raissa Sakka), Anne Jacq (la présidente du tribunal), William Sciortino (l’agent de sécurité), Sarkaw Gorany (l’homme slave), Geoffrey De La Taille (le journaliste). Scénario : Xavier de Choudens et Charly Delwart Images : Pierre Aïm Montage : Sophie Reine et Thibaut Damade 1er assistant réal. : Sébastien Matuchet Scripte : Florence Mettler Musique : Sébastien Schuller Son : Gilles Vivier-Boudrier, Antoine Baudouin et François-Joseph Hors Décors : Christophe Couzon Costumes : Alice Cambournac Maquillage : Alice Robert Production : AGAT Films & Cie Coproduction : France 3 Cinéma, C8 Films et Apollo Films Producteurs : Muriel Meynard et Marc Bordure Dir. de production : Anaïs Ascaride Distributeur : Apollo Films. © AGAT Films & Cie HH Damien veut changer le monde, quatrième long métrage de Xavier de Choudens, marque le passage du réalisateur de Joseph et la fille (2009) à la comédie. Une première remarquée puisque le film était présenté 99 minutes. France, 2018 en compétition au Festival de l’Alpe d’Huez, seul événement Sortie France : 6 mars 2019 européen à mettre en avant la comédie au cinéma. u RÉSUMÉ Absent du palmarès, Damien... a surtout été ovationné Enfants de grands militants de gauche, Mélanie est avocate par le public. Le sujet du film, brûlant d’actualité, a en effet d’affaire et Damien surveillant dans une école primaire. de quoi séduire : pour renouer avec la fibre militante de Un jour, Damien doit rester avec Bahzad, un enfant dont ses parents, Damien se lance à corps perdu dans la mère est en retard. Sur un malentendu, Damien l’emmène la défense des droits des sans-papiers en formant à l’adresse qui lui a été donnée par son patron : c’est en une communauté de pères de substitution. Un combat fait un commissariat. Bahzad prend peur et lui dit que sa perdu d’avance pour son entourage, mais qui a le mérite mère et lui sont sans papiers. En voyant son fils, sa mère, de donner un sens à la vie de ces hommes et de Selma, est furieuse. Damien cherche une solution pour se rattraper et les aider. Selma lui dit que le seul moyen rendre hommage à la mère de Damien, brutalement de les aider est de reconnaître Bahzad. Après réflexion, décédée lors d’une manifestation. S’il est impossible il accepte, malgré les réticences de son ami Rudy et de de ne pas adhérer aux valeurs prônées par cette histoire, Madame Lopez, leur voisine retraitée. Plusieurs femmes il est beaucoup moins évident d’apprécier la qualité sans papiers se présentent chez eux avec leurs enfants et du film, qui disposait pourtant de solides atouts et demandent le même service... d’un casting habitué du genre, Frank Gastambide en SUITE... Damien et Rudy recherchent alors de nouveaux premier lieu. Mais les acteurs pataugent, englués dans “pères”. Selma trouve un nouvel emploi et entame un scénario mièvre et bâclé dans lequel tout va trop vite, une relation avec Damien, qui ne lui parle pas de ses et qui n’échappe pas à quelques clichés raciaux. L’écriture, activités. Lorsqu’il s’apprête à reconnaître une adolescente, on le sent, est portée par une profonde sincérité mais le père débarque à la mairie et provoque une bagarre. Tout se laisse guider par une vision trop manichéenne de son est découvert, y compris par Selma, qui rejette Damien. Mélanie aide tout le monde à se préparer pour le procès. sujet, et rate les élans dramatiques du récit qui, dotés de Selma tente de fuir avec Bahzad, mais elle s’évanouit et ils plus de subtilité, auraient pu nuancer l’ensemble. Damien sont transportés à l’hôpital. Ils se rendent au tribunal, où veut changer le monde constitue un feel good movie elle annonce à Damien qu’elle est enceinte. Ils se marient bienveillant et honorable mais bien trop poussif pour être quelques mois plus tard… puis Damien est à nouveau par pris au sérieux. _A.L. la police. Visa d’exploitation : 148256. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 250 copies. 10 © les Fiches du Cinéma 2019
Dans les bois (Sengire) de Mindaugas Survila Une plongée au cœur de la faune diverse et parfois rare DOCUMENTAIRE Adultes / Adolescents d’une forêt de la Baltique, époustouflante par la proximité des prises de vue, sa qualité sonore et le dialogue entre u GÉNÉRIQUE ses couleurs. Un documentaire sans commentaire pour Images : Mindaugas Survila Montage : Danielius Kokanauskis ressentir la beauté, même âpre, de la nature. Son : Saulius Irbonavicius et Jonas Maksvytis Production : Vsl Sengiré, Ou Vesiland et Ma.ja.de Filmproduktions Producteurs : Ginte Zulyte, Mindaugas Survila et Radvile Sumile Coproducteurs : Heino Deckert, Riho Västrik et Kestutis Drazdauskas Distributeur : Les Films du Préau. © Les Films du Préau 63 minutes. Lituanie - Estonie - Allemagne, 2017 HHH Rarement ressort-on d’un documentaire Sortie France : 6 mars 2019 avec une telle sensation d’immersion. Miracle dû à une double réussite : la certitude d’avoir vécu au cœur même ailes. Si chaque image possède sa magie visuelle, de l’environnement et une impression de proximité nous comme cette “roue” de dindon se déployant de ayant donné envie de toucher les animaux. Cette magie part et d’autre du tronc qui le cache, certains très est le prodigieux résultat de huit années de travail (quatre gros plans sont simplement fascinants. Celui de pour la préparation, quatre pour le tournage et le montage), la patte d’un rapace confine même au fantastique. de la collaboration de huit scientifiques, de 400 heures de Plus miraculeusement encore, Mindaugas Survila rushes et de centaines de bois investis avec la complicité des a l’art de nous faire ressentir “physiquement” autochtones avant d’être filmés et fondus en une seule forêt, la pesanteur du monde engourdi par la neige et ce symbole d’un Éden disparu. Contrairement à tant d’autres, qu’il faut d’efforts pour sortir de son trou, se mouvoir qui filment la vie comme un spectacle, Mindaugas Survila et se nourrir... Mais aussi la force de nous attendrir et ses deux opérateurs adjoints, Ainis Pivoras et Gintaras devant un sconse - une mouffette - se grattant Malmiga, font naître le spectacle de la vie elle-même. le ventre allongé sur le dos… Et la cruelle virtuosité Dès la première image, où de petites lumières volantes de nous faire partager, impuissant et sidéré, au et fixes nous laissent imaginer que nous allons découvrir déplacement puis au repas - tous deux silencieux - un ciel de nuit - alors qu’il s’agit d’une rivière survolée par d’un serpent dont on peut compter les écailles. On en des lucioles -, nous sommes prévenus : sans commentaire ressort admiratif, en pensant au travail qu’il aura fallu pour orienter notre interprétation, il nous faut mettre en pour capturer et restituer, sans les dénaturer, autant synergie nos sens. En effet, ce que l’on voit est aussi trompeur de sons et de couleurs, tant ils rythment de concert qu’inséparable de ce que l’on entend, y compris hors champ. le film au fil des travellings sur les décors fixes Par cette intelligence d’approche, le réalisateur nous rappelle alternant avec les plans fixes sur les animaux qui qu’étymologiquement, le spectacle est l’art de contempler, bougent... ou encore ceux des arbres ployant sous ce qui implique une part de détachement de soi - et des le vent. Tout comme le scandent, quasi musicalement, apparences - pour atteindre et “voir” l’essentiel. Jamais plus, le jour et la nuit, l’hiver et l’été, les hauteurs et après le générique de fin, on ne dissociera le calme apparent les profondeurs. Point d’orgue quasi chamanique des bois des murmures agités de l’eau et du bruissement de cette féerie qui ravive notre immarcescible part du vent... Ni le surgissement de louveteaux des hurlements d’animalité : le retour final sur la rivière, nous lointains de la meute des adultes... Ni la vision d’un combat rappelant que la nature est un cycle et que nous de dindons pour séduire une dinde du bruit agressif de leurs appartenons à un tout. _G.To. Visa d’exploitation : 150455. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD. 40 copies [sans paroles]. 11 © les Fiches du Cinéma 2019
Les Étendues imaginaires (A Land Imagined) de Yeo Siew Hua Un policier recherche un ouvrier disparu dans un chantier THRILLER Adultes / Adolescents d’extension de Singapour. Il y rencontre des chimères et des questions sans réponse. Un film fascinant par u GÉNÉRIQUE ses paysages étonnants, par sa réalisation inspirée, Avec : Peter Yu (Lok), Xiaoyi Liu (Wang), Luna Kwok (Mindy), Jack et par ses questionnements pertinents. Tan (Jason), Ishtiaque Zico (Ajit), Kelvin Ho (George), George Low (le contremaître Lee), Andie Chen (Ming Ming), Debabrota Basu (Hossein), Khalishan Liang (Tong), Tianshu Qin (Brat), Ottylia Liu (la copine de Brat), Jing Xiao (Zhou), Andy Nyo (Ah Hao), Joey Heng (la fille du couple), Gabriel Yeo (le garçon du couple), Hani Pham (la vendeuse), Jit Kin Tan (le propriétaire de la boutique), Sidd Perez (Madame Geylang), Alvin Eng Hui Kim (Troll862), Billal Hossain, Mosaraf, Bari Ceddeke et Maby Ujjul (les musiciens), Jony Kumar et Shahalam (les danseurs). Scénario : Yeo Siew Hua Images : Hideho Urata Montage : Daniel Hui 1er assistant réal. : Brian Chew Scripte : Vicki Yang Musique : Teo Wei Yong Son : Gilles Benardeau Décors : James Page Costumes : Meredith Lee Effets visuels : David van Heeswijk Maquillage : Dollei Seah Casting : Huimin Png Production : Akanga Film Productions, MM2 Entertainment, Films de Force Majeure et Volya Films Production associée : 13 Little Pictures © Épicentre Films et Singapore Film Commission Producteurs : Fran Borgia, Gary Goh, Jean-Laurent Csinidis et Denis Vaslin Coproducteurs : Gary Goh, Jean-Laurent Csinidis et Denis Vaslin Producteurs HHH Présenté comme une enquête policière associés : Melvin Ang, Ng Say Yong et Dan Koh Distributeur : à propos d’une disparition, ce film envoûtant n’est Épicentre Films. cependant jamais perçu comme un polar. Il s’agit d’un thriller original, aux frontières du cinéma politique, fantastique 95 minutes. Singapour - France - Pays-Bas, 2018 ou existentiel, selon le regard qu’on choisit de porter Sortie France : 6 mars 2019 sur lui. Politique, il l’est quand il met le doigt sur u RÉSUMÉ le trafic humain des ouvriers immigrés exploités tels des Singapour. L’inspecteur Lok enquête sur la disparition de esclaves et réprimés lorsqu’ils tentent de se révolter, Wang, un immigré chinois qui travaillait sur un chantier sur l’opacité des pratiques des BTP, sur le développement d’aménagement du littoral. Lok rencontre les chefs de mégalomaniaque de Singapour, bref sur la loi de la jungle Wang. Il avait été blessé au poignet sur le chantier et, du capitalisme global. Fantastique, il l’est dans la mesure en attendant sa guérison, était devenu le chauffeur du où la perception de certaines séquences est polysémique : patron. Lok se rend au dortoir de Wan et se couche dans qui est le cadavre vu dans le sable, Ajit ou l’ouvrier révolté son lit, d’où celui-ci, insomniaque, observait le cyber-café perché ? Aperçoit-on Wang ou son fantôme à la fin ? E-Lover-Cyberspace, de l’autre côté de la rue. Lok rêve qu’il est Wang, qu’il joue aux jeux vidéo dans le club, et qu’il Le cyber-café est-il une base de spectres virtuels et emmène son hôtesse mystérieuse, Mindy, au bord de la mer. son hôtesse (Luna Kwok, qui n’est autre que Yue Guo, Un ouvrier manifeste au chantier. Lors d’une crevaison, Wang découverte dans Kaili Blues) a-t-elle des super-pouvoirs ? se fait aider par Ajit, un collègue bangladais, pour changer Enfin, existentiel - comme pouvait l’être, dans un autre style, la roue. Ils sympathisent et participent à des soirées arrosées Le Désert rouge d’Antonioni -, il l’est par les questionnements de bière. Wang s’adonne aussi à des danses hypnotiques. que ce chantier d’agrandissement de la ville-État de SUITE... À la différence d’Ajit, Wang n’a pas confiance en Singapour implique : les îles créées ex nihilo, avec du Jason, le neveu du patron, qui retient les passeports des sable importé de Malaisie, du Cambodge et du Vietnam, immigrés. Ajit ayant disparu, Wang force le bureau de sont-elles vraiment une terre singapourienne ? Jason et y trouve le passeport d’Ajit, puis croit voir son Les personnages, souvent privés de sommeil et hypnotisés cadavre dans le sable. Au cyber-café, Mindy lui propose par la danse, vivent-ils dans un monde réel ? Le montage, de l’endormir par hypnose. Wang correspond avec Troll862 et rêve qu’il meurt dans un jeu vidéo. Il rêve aussi de Lok. subtil, parvient à brouiller les cartes : le policier se projette De son côté, Lok piège Troll862 avant de rechercher Ajit. dans le disparu, grâce à une sorte de mimétisme vertigineux, Jason lui fait visiter le chantier et le conduit dans une cabane rendant sa quête encore plus fascinante. Enfin, le paysage où se trouve Ajit qui, gêné, le rassure, mais garde le silence industriel est magnifiquement inclus dans le dispositif à propos de Wang. Mindy conduit Lok à une fête où il croit fictionnel. _M.B. voir Wang, de dos... Visa d’exploitation : 149660. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD. 90 copies (vo). 12 © les Fiches du Cinéma 2019
Rencontre avec Yeo Siew Hua “Vivre dans une société qui réinvente ses frontières, c’est quelque chose de fascinant” montrer que le rêve se fait le pont entre les différents états de conscience. Il ouvre un nouveau dialogue avec l’Autre. Ce concept de frontières fluides et mobiles est ce qui réunit mes personnages masculins. Par bien des aspects, l’inspecteur Lok et le travailleur Wang sont très différents. D’un point de vue social comme personnel. Pourtant, à travers les rêves, ils vont permuter. Celui qui a disparu finit par enquêter. Celui qui enquête finit par se perdre. L’insomnie est un aspect intrinsèque de la société singapourienne. De plus en plus de personnes vivent la nuit. Vous abordez ce phénomène à travers le prisme du film noir, mais aussi à travers les codes du documentaire... Par le passé, je me suis familiarisé avec les documentaires, cette expérience m’a beaucoup aidé. Dans l’esprit, j’ai toujours approché ce film par le biais du documentaire. Avec mes collaborateurs, je voulais saisir le réel en premier lieu. J’ai d’abord enquêté sur les étendues artificielles, leur processus de construction, ainsi que sur la vie des travailleurs. J’ai passé deux années à visiter les chantiers. J’ai longuement discuté avec les immigrés, partagé des moments avec eux. Une relation de confiance s’est installée et, à partir de là, j’ai pu récolter des récits qui ont été les premiers éléments narratifs de mon film. C’est votre second film après House of Straw [court Mais je me suis toujours efforcé de montrer la situation telle métrage sorti en 2015, ndlr]. Pouvez-vous nous en dire qu’elle était. C’est pour cela que je voulais que les figurants plus sur la genèse du projet ? soient de vrais travailleurs. Leur expérience du réel était Le film est tout d’abord né de ma fascination pour importante pour moi. Elle a constitué la matière première de les étendues artificielles qui, depuis plus de cinquantes ans, mon film. Mais je voulais aussi expérimenter la forme, d’où se multiplient à Singapour. Depuis l’indépendance d’avec l’insertion des motifs du film noir. Et il est vrai que le contexte la Malaisie, en 1965, Singapour n’a cessé de grandir et de spatio-temporel m’a aidé : c’est un monde qui vit naturellement s’étendre. Le gouvernement continue de créer des étendues la nuit. Le fait que le film ait été tourné pendant la mousson avec du sable importé d’autres pays. Vivre dans une société a aussi beaucoup participé à cet aspect naturellement moite et qui poursuit son extension, qui réinvente sa géographie et humide. Je me suis donc réapproprié les codes d’un genre ses frontières, c’est quelque chose de fascinant. Lorsque pour les transposer dans la société singapourienne. De ce je me suis penché sur ce phénomène, j’ai découvert que mélange, j’ai voulu créer un trouble. Notamment avec la 99,9 % des travailleurs embauchés étaient en réalité bande originale, qui mêle des éléments jazzy et electro, mais des immigrés. Le pays se construit littéralement sur le dos aussi avec le personnage de Mindy. La jeune femme n’est pas des migrants, et leur histoire fait partie intégrante la femme fatale que l’on pourrait attendre... désormais de celle du pays. J’ai alors commencé à imaginer la vie et les familles de ces personnes coupées Vos travaux de recherches vous ont-ils également aidé pratiquement de leurs racines. à appréhender les espaces ? Oui, dès le départ, je voulais que l’environnement soit Vous avez étudié la philosophie. Est-ce que cela a influencé un personnage à part entière. L’important était de puiser dans votre approche ? des sources d’inspiration déjà existantes. Avec mon équipe, Tout est parti, surtout, de mon intérêt pour la question de il nous fallait des lieux qui avaient déjà ce potentiel de l’identité. J’aime cette idée selon laquelle notre identité rêverie. Qu’il s’agisse des néons qui bordent le cybercafé ou se façonne par rapport à notre environnement, notre des plages artificielles, nous nous sommes tout simplement habilité à transcender notre propre conscience pour mieux nourris de décors “naturels”. Rien n’a été créé ex nihilo. comprendre les autres. Ce processus de transformation m’a poussé à explorer le concept du rêve. Contrairement à Vous avez fait vos armes dans le cinéma expérimental. la philosophie occidentale, l’approche orientale tend à Cela se ressent dans l’hybridité de votre œuvre, sur le plan narratif, dans la temporalité de votre histoire. 13 © les Fiches du Cinéma 2019
Vous pouvez aussi lire