So Long, My Son Rencontre avec Wang Xiaoshuai - Les Fiches du Cinéma
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LE MENSUEL So Long, My Son Rencontre avec Wang Xiaoshuai JUILLET 2019 Her Smell de Alex Ross Perry L’Œuvre sans auteur de Florian Henckel von Donnersmarck Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky • Diego Maradona de Asif Kapadia Midsommar de Ari Aster #7 rencontre avec Hazel Orencio pour Halte de Lav Diaz
SOMMAIRE FILMS DU 3 JUILLET 2019 Affreux et méchants de Cosimo Gomez HH Dario Argento : Soupirs dans un corridor lointain de Jean-Baptiste Thoret H La Grand-messe de Méryl Fortunat-Rossi et Valéry Rosier HHH Haut les filles de François Armanet H Manou à l’école des goélands de Christian Haas et Andrea Block H Pauvre Georges ! de Claire Devers HH Pour les soldats tombés de Peter Jackson HHHH Quand on crie au loup de Marilou Berry H Rojo de Benjamín Naishtat HH So Long, My Son de Wang Xiaoshuai HHHH Rencontre avec Wang Xiaoshuai Spider-Man : Far From Home de Jon Watts HH Yesterday de Danny Boyle HH FILMS DU 10 JUILLET 2019 Acusada de Gonzalo Tobal HH Anna de Luc Besson m Annabelle : La Maison du mal de Gary Dauberman HH Les Enfants de la mer de Ayumu Watanabe HHH Face à la nuit de Wi Ding Ho HHH Inna de Yard de Peter Webber HHH Joel de Carlos Sorín H L’Ospite de Duccio Chiarini HH Sur la peau de Srinath Christopher Samarasinghe HH UglyDolls de Kelly Asbury HH Vita & Virginia de Chanya Button H
FILMS DU 17 JUILLET 2019 100 kilos d’étoiles de Marie-Sophie Chambon HH Le Coup du siècle de Chris Addison m Folle nuit russe de Anja Kreis HH Her Smell de Alex Ross Perry HHH L’Œuvre sans auteur de Florian Heckel von Donnersmarck HHH Ombres et lumières de Olivier Nolin H Persona non grata de Roschdy Zem HH Roads de Sebastian Schipper HH Te Ata de Nathan Frankowski HH Le Voyage de Marta de Neus Ballús HH Wild Rose de Tom Harper HH Yuli de Icíar Bollaín HH FILMS DU 24 JUILLET 2019 Daniel Darc : Pieces of My Life de Marc Dufaut et Thierry Villeneuve HH Factory de Yuri Bykov HHH Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky HHH Ils reviennent... de Issa López HH Manta Ray de Phuttiphong Aroonpheng HHH The Operative de Yuval Adler HH La Source de Rodolphe Lauga H Sun de Jonathan Dessoindre H 303 de Hans Weingartner HH Wonderland de Keiichi Hara HH FILMS DU 31 JUILLET 2019 Comme des bêtes 2 de Chris Renaud HHH Diego Maradona de Asif Kapadia HHH Les Faussaires de Manhattan de Marielle Heller HH Halte de Lav Diaz HHH Rencontre avec Hazel Orencio Midsommar de Ari Aster HHHH Mon frère de Julien Abraham HHH Rêves de jeunesse de Alain Raoust H Ricordi ? de Valerio Mieli HH
ÉDITO L’éthique du cinéma à l’épreuve du terrorisme En décembre 2018, deux films retraçaient l’attaque terroriste de l’île d’Utøya, en Norvège. Sur Netflix, Un 22 juillet de Paul Greengrass présentait une approche macrocosmique de la tragédie. Au cinéma, Utøya, 22 juillet d’Erik Pope proposait quant à lui une expérience LES FICHES DU CINÉMA immersive littéralement éprouvante. Deux représentations 26, rue Pradier bien distinctes mais au demeurant problématiques, au regard 75019 Paris des réceptions divisées. Sans y répondre, les deux œuvres ravivaient Administration & Rédaction : 01.42.36.20.70 ainsi des considérations éthiques inhérentes à la nature et à Fax : 09.55.63.49.46 la fonction même du cinéma. Outre leur contexte de production et de .............................................................. financement, comment appréhender de tels projets : des devoirs de RÉDACTEUR EN CHEF mémoire, des reconstitutions fictionnalisantes ou des actes de purs Nicolas Marcadé voyeurisme et indécence ? Où fixer les limites - si tant qu’il faille redaction@fichesducinema.com RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT les fixer - de la retranscription : dans des choix de mise en scène, Michael Ghennam dans la sur-dramatisation de faits précis ? Thème ô combien sulfureux, michael@fichesducinema.com le terrorisme inviterait donc à la prudence cinématographique SECRÉTAIRE DE RÉDACTION et au dilemme moral. Dans les faits, la réalité est autre. Thomas Fouet thomas@fichesducinema.com En témoignent de nouveaux cas d’école tels que Attaque à Mumbai .............................................................. (sortie e-cinéma le 4 juillet), reconstitution détaillée des attaques ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO qui ont frappé la ville de Bombay, du 26 au 29 novembre 2008. Quelle Marguerite Debiesse, Clément que puisse être l’appréciation du film dans sa dimension de pur Deleschaud, Paul Fabreuil, Thomas spectacle (ou divertissement), quelle que puisse être l’exactitude Fouet, Venceslas Fouineteau, Margherita Gera, Michael Ghennam, de son scénario, en bout de course l’exercice se révèle passionnant (Pierre-)Simon Gutman, Roland dans sa manière d’embrasser, puis de contourner, ces réflexions. Hélié, Simon Hoareau, Astrid Jansen, Pour le meilleur comme pour le pire, Anthony Maras - dont c’est Aude Jouanne, Amélie Leray, Julie le premier long métrage - signe un thriller d’action doublé d’un drame Loncin, Nicolas Marcadé, Keiko Masuda, Sulamythe Mokounkolo, choral. Deux genres canoniques qui permettent alors une typologie Marine Quinchon, Gaël Reyre, Gilles très attendue des victimes et des bourreaux. Parmi elles, des habitants Tourman, Marie Toutée, Valentine s’affairant à leur tâches quotidiennes, des touristes insouciants Verhague. finissant leur repas dans un restaurant, des clients d’un hôtel pris Les commentaires des «Fiches» au piège, des employés prêts à se sacrifier pour protéger ces derniers reflètent l’avis général du comité .............................................................. ou encore des tueurs dépassés par leur mission. Pauvres, riches, PRÉSIDENT Blancs, Noirs, petits, gros, altruistes, égoïstes... on le sait, les balles François Barge-Prieur n’épargneront personne. Comme dans la vraie vie. ADMINISTRATION D’une efficacité redoutable - il faut le reconnaître - le film nous fait administration@fichesducinema.com TRÉSORIER craindre pour le sort de chacun, réservant son lot d’exécutions Guillaume de Lagasnerie sommaires mais également de situations crispantes (une baby-sitter Conception Graphique prostrée dans un placard est bientôt mise en danger par les cris 5h55 du nourrisson qu’elle surveille). Bien sûr, le long métrage ne s’attarde www.5h55.net pas que sur l’horreur. Il donne également à voir l’élan de solidarité .............................................................. «Les Fiches du Cinéma». qui anime certains survivants. Il offre surtout un visage et une voix Tous droits réservés. à la terreur - la séquence d’ouverture suit le groupe de jeunes Toute reproduction même partielle des terroristes infiltrant la plus grande ville de l’Inde. Offrant textes est soumise à autorisation. un espace à tous les acteurs et spectateurs du drame, Maras fait Photo de couverture : So Long, My Son (Ad Vitam) malencontreusement du non-spectaculaire et de la globalité de © Li Tienan / Dongchun Films son projet, une forme de sensationnalisme. Et bien qu’elle soit WWW.FICHESDUCINEMA.COM à géométrie variable, son impudeur est palpable. SIMON HOAREAU
Affreux et méchants (Brutti e cattivi) de Cosimo Gomez Papero, un ancien enfant de cirque infirme qui mendie COMÉDIE POLICIÈRE Adultes / Adolescents dans les rues de Rome, organise un braquage avec un groupe de marginaux. Mais le partage des gains u GÉNÉRIQUE ne se passe pas comme prévu. Un premier film punk à Avec : Claudio Santamaria (Benito Miranda, dit le Canard), souhait, acide au possible et complètement foutraque. Marc d’Amore (Giorgio Armani, dit la Merde), Sara Serraiocco (Rosabella Terzi, dit Ballerine), Simoncino Martucci (Ciro Carbone, dit Plissé), Narcisse Mame (Don Charles), Aline Belibi (Perla), Giorgio Colangeli (le commissaire Parisi), Filippo Dini (le Poulet), Fabiano Lioi (Senna), Rosa Canova (Katia), Maria Chiara Augenti (Mimma), Adamo Dionisi (Walter Masini), Rinat Khismatouline (Borush), Shi Yang (Shi Juan), Guo Qiang Xu (le patron Shi Peijun), Xianbin Zhang (Shi Dong), Stephanie Marie Diano (Dea Mami Wata). Scénario : Luca Infascelli et Cosimo Gomez Images : Vittorio Omodei Zorini Montage : Mauro Bonanni 1er assistant réal. : Giuseppe Bonito Scripte : Lara Rastelli Musique : The Sweet Life Society Son : Paolo Lucaferri Décors : Maurizio Sabatini Costumes : Anna Lombardi Dir. artistique : Maurizio di Clemente Maquillage : Frédérique Foglia Casting : Stefania Rodà et Martin Rougier Production : Casanova Multimedia et Rai Cinema Productions associées : Omnia Film et La Compagnie Cinématographique © Zellig Films Coproduction : Mille et Une Productions, Tchin-Tchin Production, Reborn Production, VOO et BeTV Producteurs : Fabrizio Mosca, Luca Barbareschi,Farès Ladjimi et André Logie Producteur HH Affreux et méchants, premier long métrage délégué : Ivano Fachin Producteurs exécutifs : Claudio Gaeta et du réalisateur Cosimo Gomez, n’a pas volé sa place dans Giulio Cestari Distributeur : Zelig Films. la programmation de L’Étrange festival de 2017. Avec une bonne dose d’hystérie, cette production sous acide, 85 minutes. Italie - France - Belgique, 2017 largement inspirée d’Affreux, sales et méchants d’Ettore Sortie France : 3 juillet 2019 Scola, retrace le braquage commis par un cul-de-jatte, u RÉSUMÉ un nain, une femme sans bras et un rasta défoncé en Papero et son frère siamois Pollo sont nés dans un cirque, permanence, à grands renforts de musiques électriques en Italie. Après leur séparation physique, les deux ne se et de couleurs saturées. Cette petite bombe d’une heure sont pas adressés la parole depuis trente-cinq ans. Papero et demie enchaîne les rebondissements, les situations a fini par mendier dans les rues de Rome, assisté de Merda, grotesques, et met en scène une galerie de freaks fabuleuse. un rasta qui passe son temps à consommer de la marijuana On y croise Claudio Santamaria, remarqué dans Jeeg Robot, et qui le transporte partout. Papero est marié à la Ballerina, ici en chef de gang qui rêve de s’offrir des prothèses de une femme sans bras. Tous deux rêvent de s’installer dans jambes bioniques, ou encore Marco d’Amore, révélé par une villa à Carthagène, et Papero, de se payer des prothèses de jambes. Il organise un braquage avec Merda et Plissè, son rôle de Ciro dans Gomorra, avec un regard vitreux et un nain maître dans l’art d’ouvrir les coffres-forts. L’objectif des dreads crasseuses, moins nonchalant qu’il n’y paraît. est de voler les 4 millions d’euros que la mafia chinoise Les deux excellent dans l’interprétation de ces personnages a déposé dans une banque. répugnants. Affreux et méchants véhicule un message plutôt SUITE... Le braquage se passe bien, mais Merda, manipulé limpide et littéral : on ne naît pas monstre, on le devient. par la Ballerina, se débarrasse de Papero en le laissant pour Et le monstre de foire, né et élevé dans un cirque, est plus mort dans une poubelle. La Ballerina demande ensuite humain que ceux qui s’en repaissent. Autour de ce mantra, à Plissè d’éliminer Merda pour qu’ils puissent se partager Gomez créé des dynamiques qui se renouvellent sans cesse. ses gains. Il s’exécute mais est arrêté par la police. La figure de l’affreux change régulièrement de visage, et La Ballerina s’enfuit avec le prêtre de sa chorale, mais donc de handicap. De même, le gore succède au burlesque, ils sont interceptés par la mafia chinoise, qui les tue. qui intervient lui-même après l’absurde, avec un rythme qui Papero, qui n’est pas mort, réussit à s’extirper de la poubelle et est trouvé par Perla, une prostituée africaine, qui l’aide. ne faiblit jamais. Passé les premières minutes de Cette dernière croit qu’il est l’élu qu’une déesse a mis sur circonspection - le temps de s’acclimater à cette proposition sa route pour l’aider. Ensemble, ils parviennent à récupérer perchée -, on entre sans ciller dans une cour des miracles l’argent. Papero s’offre des jambes bioniques, mais est qui se moque d’elle-même et de ses compagnons marginaux, renversé par une voiture. Il finit dans un fauteuil, mais dans mendiants, mafieux, prolos et prostitués. _A.Jo. une superbe villa à Carthagène avec Perla. Visa d’exploitation : 144507. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 5 © les Fiches du Cinéma 2019
Dario Argento, soupirs dans un corridor lointain de Jean-Baptiste Thoret Le documentaire de Jean-Baptiste Thoret sur Dario DOCUMENTAIRE Adultes / Adolescents Argento déçoit, d’autant plus qu’il est signé par l’un des meilleurs connaisseurs de l’œuvre du cinéaste italien. u GÉNÉRIQUE Fait de bric et de broc, il manque d’une construction Avec : Dario Argento. pertinente. Pour les inconditionnels. Scénario : Jean-Baptiste Thoret Images : Laurent Brunet Montage : Paul Gauthier et David Parra Musique : Jean- Baptiste Thoret Production : Aqua Alta et Les Films du Camélia Distributeur : Les Films du Camélia. © Les Films du Camélia 97 minutes. France, 2019 H Le critique Jean-Baptiste Thoret est l’un Sortie France : 3 juillet 2019 des meilleurs connaisseurs de l’œuvre de Dario Argento. Il est l’auteur d’un livre de référence sur le cinéaste italien, Sa structure est donc, pour paraphraser Rousseau paru en 2002 aux Cahiers du cinéma : Dario Argento, magicien définissant la musique baroque, chargée de de la peur. Avec son documentaire Dario Argento : Soupirs modulations (les superbes mouvements de caméra dans un corridor lointain, il continue son travail de mise en dans l’espace variant sans cesse) et de dissonances valeur d’une œuvre qui n’est pas encore tout à fait reconnue (le surgissement brutal et incongru de la violence à sa juste valeur. Le réalisateur italien est pourtant l’un meurtrière qui “casse” le rythme de la séquence). des plus grands créateurs de formes au cinéma, tout comme Il met aussi en valeur le bizarre, l’extravagant, voire Alfred Hitchcock, l’un de ses maîtres, à l’apport longtemps le monstrueux : par les lieux filmés, les références minoré. Dans quelle histoire du cinéma cela est-il souligné à la magie noire, à la télépathie, par l’intérêt pour ? L’intérêt principal, et presque exclusif, de ce film, sont les bizarreries du tueur (tenue vestimentaire, avec les propos qu’Argento tient sur sa méthode de travail dans gants de cuir noirs ; manières de tuer en coupant la première partie (la seconde, où le cinéaste déambule ou découpant une partie du corps de la victime : cou, dans quelques lieux romains où il a tourné, ne présentant tête, bras, doigt, etc.). Thoret insiste, avec pertinence, guère d’intérêt). Et, bien sûr, les quelques interventions sur l’importance de la scène dite de l’aquarium en voix off de Thoret : “Au commencement, il y a toujours dans L’Oiseau au plumage de cristal, le premier une vision, fugitive, parcellaire, ambiguë qui, à force d’être long métrage d’Argento, Le personnage assiste à ressassée, vire à l’obsession”. Le héros assiste au début une tentative de meurtre sans pouvoir intervenir car à l’un des crimes atroces commis par un maniaque. il est bloqué entre deux parois vitrées. Son impuissance Mais qu’a-t-il vu au juste ? Quelque chose d’essentiel est celle des héros argentiens à venir qui, faute d’agir, pour l’enquête, il le pressent, mais quoi ? Il va lui falloir devront interpréter ce qu’ils ont vu. Mais, en fin de comprendre ce qu’il a vu, élucider l’image qui a impressionné compte, le documentaire déçoit, car il manque de sa rétine... “La fin marque invariablement le retour sur lignes de force. Quand on croit en voir une se dessiner les lieux du crime, autrement dit, de l’image originelle. (ainsi, la recherche par le héros de ce qu’il y a derrière Entre ces deux séquences qui bornent tous les films de une image pour voir quel espace en trois dimensions Dario Argento, on assiste à une longue expérience de elle cache), elle est trop vite abandonnée. Enfin, déchiffrement”. Pleine d’arabesques, permettant au récit on aurait souhaité plus d’extraits de film à l’appui de et aux personnages d’être en mouvement presque tout propos mieux structurés, notamment en articulant le temps. Le cinéma d’Argento est en effet baroque. ceux du cinéaste avec ceux du critique. _P.F. Visa d’exploitation : en cours. Format : Scope - Couleur et Noir & Blanc - Son : Dolby SRD. 6 © les Fiches du Cinéma 2019
La Grand-messe de Méryl Fortunat-Rossi et Valéry Rosier Un témoignage tendre et empathique autour de fidèles DOCUMENTAIRE Adultes / Adolescents du Tour de France lors de l’étape du Col d’Izoard en 2017. Leur truculence associée à l’originalité du parti u GÉNÉRIQUE pris des réalisateurs aboutit à une œuvre sociologique Scénario : Méryl Fortunat-Rossi et Valéry Rosier Images : Méryl vivante et drôle, qui dépasse le cadre du cyclisme. Fortunat-Rossi et Valéry Rosier Montage : Julie Naas Son : Marie Paulus Production : Wrong Men et Supermouche Productions Coproduction : RTBF, France Télévisions et Datcha Film Producteurs : Benoît Roland, Emmanuel Georges et François Ladsous Distributeur : Docks 66. © Docks 66 70 minutes. France - Belgique, 2018 HHH Avec les frites et l’humour, la “Grande Sortie France : 3 juillet 2019 boucle” est la plus belle expression de la concurrence fraternelle entre la France et la Belgique. Né en de drone et du magnifique massif du Queyras, les 1903, séquelle incidente de l’Affaire Dreyfus, le Tour deux réalisateurs élèvent ce spectacle en moment de France est, à ce jour, le sport gratuit le plus sacré. Séquencé en 5 chapitres (La passion, Jour de populaire. Long de 2 428 km en 1903, le premier gloire, Les pèlerins, La montagne sacrée, l’Ascension), réunit six grandes villes et 100 000 spectateurs. Celui rythmé par le Gloria In excelsis Deo et le Bolero de de 2017, année du tournage, alignait 3 540 km, 21 étapes, 12 Ravel auquel il emprunte la montée en puissance, millions de spectateurs le long des routes et 3,5 milliards ce pèlerinage laïc a en effet ses fidèles revenant devant la télé. Il a ses lieux mythiques (Alpe d’Huez, chaque année, ses rites (se garer, se retrouver, se Puy de Dôme, cols pyrénéens...) ses héros (Bartali, déguiser, planter sa bannière, etc), ses miracles Bobet, Merckx, Hinault...), a divisé la France entre (la télé retrouvant in extremis le faisceau tombé pro Anquetil et pro Poulidor, filmé en direct l’agonie en panne !)... Omniprésente et scandant le temps de Tom Simpson sur le Ventoux, connu ses scandales (Lance qui passe, la “bouffe” évoque, à travers le plaisir Armstrong entre autre). Astucieusement, Méryl Fortunat- partagé, l’agapé chrétien. Et on voit même les Rossi et Valéry Rosier ont choisi de s’intéresser à quelques camping-cars se multiplier tel des pains à l’approche spectateurs et non à la course elle-même. Ils se sont du dernier jour ! Plus prosaïquement, ce hors temps donc arrêtés en équipe réduite sur cinq couples et un précédent le 20 juillet 2017, illustre à merveille ce Breton célibataire au Col d’Izoard. Ils sont sexagénaires qu’analysait le sociologue Jean-Didier Urbain : aller ou plus, corpulents, et ont le cliché facile. Pourtant, au ailleurs c’est recréer son chez-soi, à l’instar de ce fil de leur côtoiement, ils finissent par nous attendrir. moment hilarant où une femme rabroue un touriste Grâce en soit rendue aux deux réalisateurs qui ont su lui bouchant la vue d’un : “C’est chez moi ici !”. les observer avec empathie et une distance source de “Dure journée. Encore un Tour de fait”, conclut le moments de franche drôlerie. Mais parfois aussi émouvants, Breton après le finale. Alors, tandis que monte la comme celui où ils aident des coureurs amateurs épuisés. chanson du Belge Adamo, C’est ma vie, quelque chose Voire bouleversant, tel celui où l’un d’eux narre comment nous étreint. L’impression d’avoir été les témoins sa fille de 5 ans fut enlevée par un sadique et retrouvée privilégiés de la survivance d’une idée surannée mais sauve sur une place publique. Une séquence intense. authentique du sport et de la France de Pagnol, de En captant cette part d’humanité et en croisant l’horizontalité Giono et, bien sûr d’Antoine Blondin, qui donna au des mouvements humains à la verticalité des prises Tour ses plus belles chroniques. _G.To. Visa d’exploitation : en cours. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 80 copies. 7 © les Fiches du Cinéma 2019
Haut les filles de François Armanet Documentaire gentil tout plein sur les femmes dans DOCUMENTAIRE Adultes / Adolescents le (pop) rock français, Haut les filles ne s’incarne jamais devant nos yeux, comme corseté par une envie de bien u GÉNÉRIQUE faire qui finit par accoucher d’une ode compassée, Avec : Jeanne Added, Jehnny Beth, Lou Doillon, Brigitte Fontaine, assez roublarde finalement, à la femme artiste. Charlotte Gainsbourg, Françoise Hardy, Camelia Jordana, Elli Medeiros, Vanessa Paradis. Et la voix de : Élisabeth Quin. Scénario : François Armanet Images : Romaine Carcanade, Nicolas Bordier et Guillaume Schiffman Montage : Fabrice Rouaud Archives : Véronique Duvelle 1re assistant réal. : Mélissa Phulpin Son : Frédéric de Ravignan et Rémi Daru Production : Incognita Films Coproduction : Arte France Cinéma et INA Producteur : Édouard de Vésinne Producteur exécutif : Frédéric Bruneel Productrice associée : Alexia de Beauvoir Dir. de production : Thierry Cretagne Distributeur : Les Films du Losange. © Sonia Sieff 79 minutes. France, 2019 H Un documentaire sur les femmes dans Sortie France : 3 juillet 2019 le rock français, à travers les âges, les modes, les époques, les terminologies, pré-manifeste des 343 conducteur autre que sa note d’intention, tout salopes, post-manifestation pour la reconnaissance de coule - et nous avec. Mais, malin, le film sait aussi l’endométriose... Le sujet de Haut les filles avait de quoi où se rattraper : c’est ainsi avec une très gênante séduire, du moins intriguer. Comment “raconter” une histoire complaisance que la persona Brigitte Fontaine sans téléologie, comment s’intercaler dans les interstices est utilisée comme détonateur (le beau bizarre au musicaux d’un grand récit sociétal, comment, enfin, créer service du vide banal), laissant son œuvre riche et une coalescence féconde entre la femme qui nous parle et matricielle au rang de cabinet de curiosité annexe l’artiste que l’on écoute ? Par malchance, par paresse ou (une création originale en guise de générique de fin). par incompétence, le film ne répond pas à ces questions, De même, Elli Medeiros voit sa période Stinky Toys qu’il ne se pose, au demeurant, même pas. Haut les filles réduite à un pur épiphénomène de jeunesse, une fonctionne pas gros blocs déclamés : un extrait de scène, caution émancipée pour enfin retrouver le droit une idée développée, un entretien... et ainsi de suite, jusqu’à chemin pop(ulaire). Refuser d’interroger l’artiste installer le récit dans un faux rythme caoutchouteux dont uruguayenne plus en détail sur une période n’émergent que peu de témoignages. Témoignages, résolument radicale agit en contraire du mouvement qui d’ailleurs interpellent : si les frontières sont attendu par le film, censé célébrer la survivance poreuses, Camélia Jordana ou Imany ne font pas du rock, plus que pleurer les résidus. Le chapelet d’évidence Vanessa Paradis ne fait que l’effleurer, Françoise Hardy est donc bien vite dévidé, et même s’il est impossible n’est interrogée que sur sa période yé-yé... Cette drôle de nier la difficulté de se construire en tant que de terminologie du rock, dont l’élasticité semble relever du fille de (Charlotte Gainsbourg ou Lou Doillon), remplissage (pour un film de même pas une heure vingt...) vivre avec une tessiture ou des habits censément a de quoi dérouter. D’autant que le réalisateur semble - “masculins”, ou évoluer dans un milieu plus à raison - nettement plus fasciné par les figures à la sensible au regard corporel qu’à la performance fois intranquilles et sauvages, libres et corsetées, d’Elli vocale, l’apathie du traitement du propos assomme Medeiros, Charlotte Gainsbourg ou Brigitte Fontaine. Le plus qu’électrise. Et quand en plus, tout se clôt squelette du film est alors mal formé : un bel aveu est suivi dans un préjugé classiste et réactionnaire (“Le d’une platitude, une performance punk est affadie par un rock, loin des clichés virilistes du rap et du rock entretien pantouflard, une émotion naissante est chassée par bourrin (!?)...”), la coupe est pleine : Haut les filles, le poids lourd du montage télévisuel. Sans âme, ni fil ô, l’effroi ! _C.D. Visa d’exploitation : 147817. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 8 © les Fiches du Cinéma 2019
Manou à l’école des goélands (Manou the Swift) de Andrea Block et Christian Haas Premier long métrage coréalisé par Andrea Block et AVENTURES Famille Christian Haas, Manou à l’école des goélands peine à convaincre car restant bien trop dans les codes du u GÉNÉRIQUE film d’animation pour enfants. Néanmoins, il saura Avec les voix originales de : Josh Keaton (Manou), Cassandra probablement plaire au public visé. Steen (Kalifa), Willem Dafoe (Yves), David Shaughnessy (Percy), Rob Paulsen (Luc), Kate Winslet (Blanche), Arif S. Kinchen (Poncho), Julie Nathanson (Françoise). Et les voix françaises de : Vincent Dedienne (Manou), Camelia Jordana (Kalifa), Dominique Collignon-Maurin (Yves), Stéphane Ronchewski (Percy), Clément Moreau (Luc), Rafaèle Moutier (Blanche), Antoine Schoumsky (Yusuf), Charles Pestel (Poncho), Célia Asensio (Françoise). Scénario : Axel Melzener, Andrea Block et Phil Parker, d’après une idée de Christian Haas Montage : Dirk Stoppe et Kasper Leick Animation : Thilo Kienle Musique : Frank Schreiber et Steffen Wick Son : Frank Schreiber Dir. artistique : Andrea Block Production : Luxx Film Producteurs : Andrea Block et Christian Haas Producteur délégué : Michael Roesch Distributeur : ARP Sélection. © Luxx Film H Il est évident que Manou à l’école des goélands s’adresse aux enfants, et uniquement à eux - au contraire de certains films d’animation, comme ceux du studio Pixar, où les adultes peuvent également trouver leur 88 minutes. Allemagne, 2018 compte. De plus, il s’agit d’un premier long métrage Sortie France : 3 juillet 2019 produit par un studio encore jeune. On ne peut donc u RÉSUMÉ qu’espérer une inspiration plus convaincante pour leurs Manou, un martinet, éclot de son œuf mais ses parents ne projets futurs. Mais pour l’heure, Manou à l’école des sont pas là. Il se fait adopter par un couple de goélands. goélands est loin d’être une réussite : ce récit d’initiation Très vite, un autre œuf, de goélands cette fois, éclot pour à base de vivre-ensemble est bien trop codifié pour imprimer donner un frère à Manou, Luc. Manou va à l’école des sa marque. Les situations se devinent à des kilomètres, goélands mais, n’en étant pas un, peine à suivre le rythme. l’écriture est assez lourde, l’humour - à base de “on n’a De plus, il existe une certaine rivalité entre goélands et pas gardé les poussins ensemble” - peine à arracher un martinets qui place Manou dans une situation difficile avec sourire et la mise en scène, bien qu’efficace, ne présente les autres goélands. Il rencontre un groupe de martinets - dont une femelle, Kalifa, qui lui plaît immédiatement - qui rien de particulièrement original. L’animation, même si lui apprennent à voler comme un martinet. Pour prouver elle connaît quelques bon moments, est relativement qu’il n’est pas un imposteur parmi les goélands, il décide mauvaise, et les graphismes peinent à concourir avec de participer à la course de vol. les standards actuels. Néanmoins, s’il y a un point sur lequel SUITE... Manou gagne la course et se fait accepter par les Manou à l’école des goélands s’avère excellent, c’est dans autres goélands. Le soir, alors qu’il est de garde, il est son traitement de la lumière. Particulièrement lors de attaqué par un groupe de rats qui vole un des œufs, ce qui la séquence du sauvetage des goélands, entre les teintes conduit à l’exclusion de Manou. Il part donc vivre avec les dorées du ciel et le bleu nuit de l’intérieur du cyclone, qui martinets mais, même s’il se rapproche de Kalifa, il a du font penser que le projet - et donc, par extension, le studio - mal à s’intégrer. Les oiseaux vont bientôt migrer et Manou n’est pas sans potentiel, pour peu qu’il fasse preuve d’un peine à choisir entre ses deux familles. Mais avec l’aide de peu d’originalité. Cela ne vaut certes, à l’échelle d’un son frère et de ses amis, il trouve la cachette des rats et ramène les œufs - de martinets et de goélands - dans les film d’une heure et demie, que pour une séquence, mais différentes tribus. Kalifa prévient Manou qu’une tempête c’est une piste à creuser à l’avenir. Si l’écriture pouvait arrive, mais les goélands décident de partir quand même. également suivre ce chemin et tenter quelque chose de En chemin, ils tombent effectivement sur une tempête, mais moins conformiste, on pourrait alors nourrir quelque espoir ils sont sauvés par les martinets. Dorénavant, martinets et pour la suite. _V.F. goélands vivent en harmonie. Visa d’exploitation : en cours. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 9 © les Fiches du Cinéma 2019
Pauvre Georges ! de Claire Devers Prof de français émigré au Québec avec sa femme, TRAGICOMÉDIE Adultes / Adolescents Georges surprend chez lui un ado voyeur et déscolarisé. Contre l’avis de tous, il décide de le sauver, au risque u GÉNÉRIQUE de tout perdre. Un drame tragicomique enlevé, porté Avec : Grégory Gadebois (Georges Maurin), Monia Chokri (Emma notamment par l’excellent Grégory Gadebois. Maurin), Noah Parker (Zack Vachon), Pascale Arbillot (Lila Maurin), Stéphane De Groodt (Zweig), Mylène Mackay (Mathilde Gallucio), Sébastien Ricard (Carlo Gallucio), Élise Guibault (Mimi Devline), Patrice Robitaille (Charles Devline), Paul Doucet (Benoît Chevrier), Anne-Marie Cadieux (Marilyne Chevrier), Patrick Drolet (Rullin), François Létourneau (Ballot). Scénario : Claire Devers, Catherine Léger et Jean-Louis Benoît D’après : le roman de Paula Fox (1967) Images : Stefano Paradiso Montage : Virginie Messiaen Son : Pierre Mertens Décors : David Pelletier et Frédéric Devost Costumes : Jennifer Tremblay Dir. artistique : Frédéric Devost Maquillage : Karine Atalla Casting : Pierre Pageau et Daniel Poisson Production : Mon Voisin Productions Coproduction : Forum Films et Iris Film Productions Producteurs : Dominique Besnehard et Antoine Le Carpentier Coproducteurs : Richard Lalonde, Nicolas Steil et Marine Festré Distributeur : Jour2Fête. © Mon Voisin Prod. HH Adapté du roman éponyme de Paula Fox (1970) que les fans considèrent comme la “Tchekhov américaine” du XXe siècle, Pauvre Georges ! dépeint avec une lucidité cruelle et visionnaire le délitement d’une gauche 113 minutes. France - Canada - Belgique, 2018 embourgeoisée perdant de vue l’une de ses valeurs Sortie France : 3 juillet 2019 fondatrices du “développement égal de facultés inégales” u RÉSUMÉ (Louis Blanc). Tout commence par l’intrusion de Zack dans Georges et Emma Maurin s’installent à la campagne avec un la maison confortable en pleine nature québécoise de projet d’enfant. Prof de français dans un collège privé de Georges, enseignant français opiniâtre et taiseux désireux Montréal, Georges invite Lila, sa sœur divorcée, et son fils à de faire un enfant avec sa femme. S’il est d’abord effrayé, passer le week-end. Un soir, surprenant Zack, rentré par son projet s’éloigne par son aveuglement, lorsqu’ils ne voit effraction, Georges propose - à l’insu d’Emma - des cours plus dans ce voyou déscolarisé qu’une chance pour lui de lui particuliers à l’ado insolent et analphabète qui affirme inculquer son savoir, ses élèves nantis s’en désintéressant. n’avoir rien volé, attiré par le simple désir d’épier les gens La réalisatrice de Les Marins perdus, Max et Jérémie, riches alentour. Emma fait la jonction avec Mathilde Gallucio, jolie voisine alcoolique délaissée par un mari volage. Georges Chimère et Noir et blanc pointe ici du doigt une certaine soutient Zack quand Emma prétend avoir été harcelée. Les faillite de l’éducation, les profs du privé se faisant menacer voisins Devline convient les Maurin, les Gallucio, un couple par de riches élèves médiocres, “clients payants” qui d’amis et Lila à dîner : apeuré, chacun fantasme sur le contestent leurs notes, Zweig étant le seul prof à exiger le voyeurisme de Zack. rapport de maître à élève. Mais au-delà du collège, ce sont SUITE... Georges prodigue ses leçons à Zack qui, à part tous les adultes du film (Emma, les voisins) qui ont peur l’Égypte, ne s’intéresse qu’à l’intimité des voisins. Emma de quelque chose, à commencer par Georges lors de sa accuse Zack d’avoir volé son ordinateur, ce que Georges rencontre avec Zack, venu de nulle part. Pourtant, alors que réfute. Zack restitue le portable et annonce son départ pour l’ado cynique et manipulateur fait fantasmer et déstabilise le Berlin. Georges propose de financer son billet. Attisés par voisinage, dont les malfaisants Devline, Georges est d’emblée Mimi Devline, les commérages vont bon train. Georges est fasciné par son voyeurisme minable mais communicatif qui le soupçonné d’homosexualité avec Zack. Emma quitte Georges, qui vient s’épancher chez Zweig, son ami collègue, avant fait dérailler jusqu’au coup de feu. Claire Devers nous divertit d’épier nuitamment les Devline. Pris pour un rôdeur, Charles avec les dialogues tragicomiques nourris de quiproquos tire sur Georges. À l’hôpital, le couple l’accuse de pédophilie de ses protagonistes égarés, façon Noces rebelles de Sam envers leur fils. Georges apprend que Zack a été battu à Mendes. Si le propos semble parfois caricatural, l’objet mort par un gang. Zweig installe Georges dans un joli mérite d’être vu. _M.T. appartement et lui demande de raconter toute l’histoire. Visa d’exploitation : 125190. Format : 1,77 - Couleur - Son : Dolby SRD. 80 copies. 10 © les Fiches du Cinéma 2019
Pour les soldats tombés (They Shall Not Grow Old) de Peter Jackson Grâce à un remarquable travail de reconstitution, DOCUMENTAIRE Adultes / Adolescents Peter Jackson donne un nouveau visage, plus humain, à la Première Guerre mondiale. Les images u GÉNÉRIQUE sont saisissantes, les commentaires poignants Montage : Jabez Olssen Musique : Plan 9 Son : John Neill et le documentaire une réussite à tous les niveaux. Effets visuels : Wayne Stables Production : WingNut Films Coproduction : House Productions et Trustees of the Imperial War Museum, London Producteurs : Clare Olssen et Peter Jackson Producteurs exécutifs : Ken Kamins et Tessa Ross Distributeur : Warner Bros. © WingNut Films 100 minutes. Royaume-Uni - Nouvelle Zélande, 2018 HHHH Au premier coup d’œil, Pour les soldats tombés Sortie France : 3 juillet 2019 rappelle ces après-midis où la monotonie des cours d’Histoire était brisée par la projection d’un documentaire sur sons qui pouvaient exister dans les tranchées - pour la Première Guerre mondiale par ses images d’archives en un résultat qui subjugue de par son authenticité. noir et blanc. Cependant, une chose interpelle : le discours, Les commentaires des anciens soldats nous guident en voix off, des ex-soldats crée la stupeur de par son recul. au cœur d’une guerre qui, par la force des choses, est L’un dit : “Si c’était à refaire, je le referais”, un autre : devenue leur quotidien : des anecdotes burlesques, “C’était juste un travail à faire”. S’ensuit un récapitulatif des des confidences déchirantes ou des descriptions à mois avant la Guerre, du point de vue des soldats. Dans ce glacer le sang, toujours accompagnées par une bande documentaire, la guerre ne débute pas avec l’assassinat sonore aussi variée qu’immersive. Tout cela avec des de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche mais, plutôt, images qui, en plus de ne rien épargner au spectateur, par une anecdote burlesque : une rencontre sportive donnent un visage à ces combattants. Le récit entre deux équipes, l’une anglaise et l’autre allemande. d’un assaut constitue le point d’orgue du documentaire, Le soir même, avant de faire la fête, ils apprennent que une séquence d’une émotion rare où ce sont la guerre est déclarée mais, pour eux, “elle commencera surtout les témoignages qui nous guident au milieu demain”. Les témoignages et les archives en noir et blanc d’un carnage dont on peine à imaginer la violence nous communiquent alors l’esprit de ces soldats avant - qualifiée d’animale par l’un des intervenants. Ensuite, le front : les jeunes - qui n’ont parfois même pas encore Peter Jackson s’attarde sur les prisonniers allemands 15 ans - qui s’engagent, pour faire comme leurs amis ou qui aidèrent les britanniques à enterrer leurs morts pour échapper à la routine, puis l’armée, qui fait de ces et à transporter les brancards des blessés. De là, fils à maman des hommes, des combattants. Et malgré découle ce constat unanime des soldats des deux le règlement strict et les entraînements éprouvants, tous parties : cette guerre était inutile. Vient alors le récit semblent heureux de s’être engagés. C’est donc dans un de l’armistice et, avec lui, une nouvelle surprise : pas esprit de franche camaraderie (“pas une seule larme” nous de liesse du côté des “victorieux” mais le silence, dit l’un des intervenants) qu’ils partent au front. C’est alors puissante traduction de l’hébétement des soldats que Pour les soldats tombés dévoile ce qui fait de lui un lors de son annonce. Et le retour à la maison est dans documentaire unique en son genre : la couleur et le son. la même veine : incompris par leurs compatriotes, Évidemment, ces deux composantes ne sont pas d’origine : ces vétérans de l’enfer, en plus de leurs séquelles, elles ont demandé un travail titanesque - des centaines doivent supporter le désintérêt de celles et ceux qui d’heures de films restaurées et une recréation de tous les n’ont pas connu la guerre. _V.F. Visa d’exploitation : en cours. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD Atmos. 11 © les Fiches du Cinéma 2019
Quand on crie au loup de Marilou Berry Orphelin, Victor Bogomil vit avec son grand-père COMÉDIE Famille gardien d’immeuble. Il s’invente des histoires dont il est le héros et qui exaspèrent les résidents. L’irruption u GÉNÉRIQUE de braqueurs en cavale va lui rendre sa crédibilité. Avec : Gérard Jugnot (Joseph Bogomil), Marilou Berry (Romane), Une sympathique comédie familiale pour les petits. Bérengère Krief (Pauline Pividale), Nicolas Wanczycki (Wallace), Thomas VDB (Jasper), Noé Wodecki (Victor Bogomil), Constance Ollé (Lorraine), Julien Boisselier (Monsieur Martin), Anne Girouard (Madame Martin), Gustave Klépal (Georges), Niseema Theilaud (Madame Van Den Broeck), Nicolas Chupin (Monsieur Bonhomme), Lola Dubini (Clélia), Baptiste Lorber (Bob), David Salles (le policier), Jo Prestia, Benoît Tachoires, Arshavir Grigoryan, Ségolène Caillemer, Marius Colucci, Lya Oussadit-Lessert, Ambrine Lettat, Sienna Ball-Wilscam, Juliette Poissonnier, Medhi Mangal. Scénario : Robert Hospyan, Daniel Brunet et Nicolas Peufaillit Images : Christophe Graillot Montage : Thibaut Damade et Audrey Simonaud 1er assistant réal. : Alexandre Marie Scripte : Natasha Gomes de Almeida Musique : Erwann Chandon Son : Pierre André, Benoît Guérineau et Julien Gerber Décors : Denis Hager Costumes : Pauline Berland Maquillage : Frédérique Ney Casting : Swan Pham et Valérie Espagne Production : Wonder Films et © Paradis Films La Petite Reine Coproduction : Orange Studio Producteurs délégués : Nathanaël La Combe et Thomas Langmann Producteur exécutif : Nathanaël La Combe Producteurs associés : Nicolas H Malgré les airs à la Harry Potter de son héros, Barry et Jean-André Yerlès Dir. de production : Thierry Cretagne aux lunettes aussi rondes que les yeux, et ses références Distributeur : Paradis Films. à l’univers ado de Spielberg, Chris Columbus et autre Robert Zemeckis, c’est bien à Matilda, le film corrosif de Dany 83 minutes. France, 2019 de Vito (1996), échec cinématographique ressuscité par Sortie France : 3 juillet 2019 la télé, que fait penser ce deuxième film de Marilou Berry. u RÉSUMÉ Du reste, cette dernière s’en donne à cœur joie dans le Orphelin, Victor Bogomil s’invente des histoires dont il est le rôle de Romane, sorte de sœur jumelle d’Agata Legourdin. héros. Un soir, il se fait peur dans la cave de l’immeuble dont Mais si l’héroïne de Roald Dahl poursuivait l’injustice, son grand-père Joseph est le gardien et coupe le com teur Victor veut faire le deuil de ses parents morts et conquérir électrique. Excédés, les locataires exigent du syndic leur l’amour comme la confiance de son grand-père. D’emblée, expulsion. Wallace et Jasper, qui viennent de braquer une la lumière est splendide et soignée, le rythme soutenu bijouterie, prennent en otage Pauline, pédiatre, résidente et et la camera ingénieuse dans sa façon d’alterner les plans, amie de Victor. En distribuant le courrier, Victor aperçoit du les cadrages et les mouvements. L’envie d’amuser est sang devant sa porte. Il prévient. Personne ne le croit. Via un drone de sa fabrication, il voit par la fenêtre Pauline soignant sincère et le film n’est jamais vulgaire. Seulement voilà, il de force Jasper, qui s’est tiré dessus durant le vol. Il alerte la manque cette capacité qu’ont les Américains (cf. les “ZAZ”, boulotte Lorraine, qu’il aime, et vient lui prêter main forte. Mel Brooks, les frères Farelly, etc) de rendre la caricature SUITE... Venu chercher Victor chez Pauline, Joseph est plausible malgré sa nature outrancière, jamais lassante retenu à son tour. Puis Lorraine et Victor en tentant voire irrévérencieuse, donc politique. Ici, à quelques d’intervenir. Victor s’échappe avec les bijoux. Poursuivi belles trouvailles près (comme le drone en forme de pigeon) par Wallace, il perd le sachet dans le conduit des ordures. et hormis Gérard Jugnot égal à lui-même dans son rôle Romane, sœur de Wallace et Jasper, débarque à son de grand-père proche de Monsieur Batignole, ou encore tour avec trois autres sbires. De peur, Joseph blesse par Nicolas Wanczycki (formidable de crédibilité), les comédiens mégarde Joseph puis s’enfuit avec Wallace. Croyant que comme les situations virent trop souvent à l’hystérie, Victor détient les bijoux, Romane le poursuit. Pauline et suscitant une forme de distance parfois proche de l’ennui. Lorraine tentent d’emmener Joseph à l’hôpital malgré les trois sbires. Wallace et Jasper reviennent et aident Passé ces réserves, le thème de l’orphelin s’inventant les habitants de l’immeuble à neutraliser Romane et ses des histoires auxquelles il finit par croire pour tromper sa sbires après que l’un d’eux a sauvé Victor d’une chute tristesse est sympathique. Si on ajoute la bonne humeur mortelle. Wallace récupère et rend les bijoux puis disparaît générale, ce film devrait réjouir sans conteste le public en laissant son numéro à Pauline. Admirative, Lorraine pré-adolescent. _G.To. embrasse Victor. Visa d’exploitation : 131730. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 200 copies. 12 © les Fiches du Cinéma 2019
Rojo (Rojo) de Benjamín Naishtat Après une dispute qui tourne au drame, un avocat fait POLAR Adultes / Adolescents en sorte d’étouffer l’affaire. Mais son silence l’entraîne dans une spirale sans fin. Un polar perturbant, qui u GÉNÉRIQUE s’envisage comme un portrait symbolique de la société Avec : Darío Grandinetti (Claudio), Andrea Frigerio (Susana), argentine dans les années 1970. Alfredo Castro (l’inspecteur Sinclair), Laura Grandinetti (Paula), Diego Cremonesi (l’inconnu), Susana Pampin (la professeure de musique), Claudio Martínez Bel (Vivas), Rudy Chenicoff (le magicien), Mara Bestelli (Mabel), Rafael Federman (Santiago), Fabiana Uria (Helena), Abel Ledesma (Mozo). Scénario : Benjamín Naishtat Images : Pedro Sotero Montage : Andrés Quaranta Musique : Vincent van Warmerdam Son : Fernando Ribero, Pedro Sá Earp et Simon Apostolou Décors : Julieta Dolinsky Costumes : Jam Monti Effets spéciaux : Dolores Giménez et Daniela Deglise Maquillage : Dolores Giménez Casting : María Laura Berch Production : Pucará Cine Production associée : Bord Cadre Films, Le Tiro et Jempsa Coproduction : Desvia, Ecce Films, Viking Film et Sutor Kolonko Producteurs : Barbara Sarasola-Day et Federico Eibuszyc Coproducteurs : Emmanuel Chaumet, Rachel Daisy Ellis, Marleen Slot et Ingmar Trost Producteurs associés : Jamal Zeinal Zade et Dan Wechsler © Pucará Cine Distributeur : Condor Distribution. HH Prix de la Mise en scène et de la Photographie (en plus du Prix d’interprétation décerné à Dario Grandinetti) au Festival de San Sebastian en 2018, Rojo est le troisième long métrage du réalisateur argentin Benjamín Naishtat. 109 minutes. Argentine - Brésil - France - Pays-Bas - Dans la continuité de ses précédents Historia del miedo Allemagne, 2018. Sortie France : 3 juillet 2019 (2014) et El Movimiento (2015, inédit), le film traite de u RÉSUMÉ l’histoire de sa terre natale et, ici, d’une des périodes Argentine, années 1970. Claudio, avocat, attend sa femme les plus sombre de l’Argentine, les années 1970, marqués Susana au restaurant lorsqu’il est pris à partie par un inconnu par une terrible dictature militaire. Le personnage principal, qui entend s’asseoir à sa place. Ils commencent à se disputer un avocat renommé qui fait disparaître un homme croisé et, suite à un accès de colère, l’homme est expulsé de par hasard, est représentatif de la situation sociale force de l’établissement. En rentrant en voiture, Claudio et politique d’un pays où beaucoup préfèrent alors passer et sa femme sont immobilisés par l’inconnu, qui pointe un les choses sous silence (et ainsi préserver leur intérêt pistolet sur eux, puis se suicide. L’avocat décide de faire en personnel) plutôt que de suivre la voie de la justice. À travers sorte d’étouffer l’affaire et amène le cadavre dans le désert. un polar qui s’inspire du style cinématographique de SUITE... Trois mois plus tard, Claudio reçoit le mari d’une ces années-là, Naishtat cherche à créer le portrait amie de Susana à son cabinet, qui lui parle d’une maison symbolique d’une société où règnent l’indifférence et abandonnée qu’il voudrait acheter. Il accepte d’aller la voir en personne. Lors d’une fête, Claudio rencontre le détective la violence. La patine de l’image évoque le film argentique, Sinclair, lequel lui raconte qu’un homme a disparu. le recours aux ralentis, les dialogues presque théâtraux, Par la suite, il fait une sortie à la plage avec Susana et leur parviennent à reproduire fidèlement l’atmosphère des fille Paula. Le copain de Paula, jaloux de l’avoir vue avec films de l’époque, mais cette recherche esthétique prend un camarade de son cours de danse, interroge un ami de souvent le dessus sur la clarté de l’histoire. Si certaines celui-ci pour savoir s’il a couché avec elle. Le garçon refuse scènes enchantent (notamment celle où la famille de répondre : il l’oblige à monter en voiture avec lui. Peu du protagoniste assiste à une éclipse solaire, qui colore après, une femme demande de l’aide au détective, parce le monde en rouge), l’excès de sous-textes dans chaque que son fils a disparu. Pendant la nuit, Paula entend la voix d’un homme qui appelle son père. Ensuite, Sinclair conduit situation risque parfois de faire perdre le fil du discours. l’avocat dans le désert et lui dit qu’il connaît son secret : Les petits moments d’humour qui contrastent avec la gravité l’homme disparu est en effet celui dont il avait dissimulé du sujet contribuent en outre à l’absurdité qui fait de Rojo le cadavre. Claudio menace de le tuer avec un pistolet, mais un film perturbant et ambigu, comme la couleur dont il porte ne tire pas. Enfin, sa femme et lui vont voir le spectacle le nom. _M.G. de danse de Paula. Visa d’exploitation : 147870. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 80 copies (vo). 13 © les Fiches du Cinéma 2019
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