SOMMAIRE LA LETTRE DE LA CIB - Lexbase est partenaire de la CIB - Conférence Internationale des Barreaux
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LA LETTRE DE LA CIB Lexbase est partenaire de la CIB SOMMAIRE EDITORIAL CALENDRIIER DE LA CIB VIE DES BARREAUX DEONTOLOGIE DE LA CIB LES ACTES DU COLLOQUE PRODUCTION SCIENTIFIQUE
ÉDITO Nul autre territoire francophone que celui du Tchad ne serait autant légitime pour accueillir ce Congrès de la Conférence Internationale des Barreaux de tradition francophone. De multiples raisons plaident en faveur du Tchad et justi- fient qu’il soit l’hôte de ce Congrès. Tout d’abord, les avocats tchadiens ont toujours été pré- sents et fortement engagés au sein de la CIB, y compris en des périodes sombres de l’histoire politique du pays, confronté par le passé aux guerres fratricides en vue de la conquête du pouvoir. Encore aujourd’hui, ce pays est en guerre, non plus pour une lutte politique, mais contre l’ir- rédentisme et le fanatisme religieux. Le Tchad est un pays de grands guerriers, déterminés à préserver ses frontières et son territoire tel qu’issus de l’indépendance. Les avo- cats tchadiens font partie de ces guerriers qui se battent, au prix d’énormes sacrifices, pour mériter de la patrie. Ensuite, les confrères tchadiens ont toujours été présents partout où il s’agit de défendre le droit, la justice et l’exercice professionnel. À de nombreuses reprises, ils ont exprimé par leur courage, empreint de volontarisme, leurs indéfec- tibles liens de solidarité avec les autres confrères, surtout dans les moments de détresse. Ces moments de détresse correspondent le plus souvent à des époques de transgression et de recul du droit, de né- gation des libertés et de violation du libre exercice de notre profession au service des faibles et des plus démunis. Un tel contexte est loin d’être une chimère, ici comme ailleurs. Plus ici que là-bas, ces réalités ont encore cours. Or, au Tchad et au-delà, c’est sur tous nos territoires que l’État de droit a vocation à s’implanter. Face aux menaces contre les États et contre l’État du Tchad, contre les irrédentismes et les obscurantismes, l’affirmation des droits et des libertés est un noble objectif qui doit être mené et poursuivi. La vocation des avocats tchadiens, comme de leurs confrères fran- cophones, est de donner corps et âme à une telle dynamique pour le bonheur des Tchadiens, et au-delà de l’ensemble des communautés francophones en quête de paix contre la guerre, de droit et de justice contre les violations. Faire preuve de vigilance accrue chaque fois qu’il s’agit d’affirmer des droits mais aussi de les préserver. Cette vigilance est de mise, surtout lorsqu’il s’agit de droits acquis ou en passe de l’être. Préserver les libertés et se dresser contre toutes les volontés rétrogrades sont des missions pour les avocats tchadiens au Tchad, mais aussi dans le continent et au-delà. Et c’est en cela que la solidarité vaut pour les avocats d’Afrique et les avocats francophones partout où ils exercent leurs activités dans le monde. Il n’y a pas de droit sans justice, mais il n’y a pas non plus de justice sans défenseurs des droits. Les défenseurs des droits en sont les gardiens ultimes. Ils sont avocats ! Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
L’institution judiciaire peine à se frayer un chemin vers son acceptation par des justiciables encore insatisfaits et mé- contents. Elle est également mise en cause par les investisseurs. Elle n’est pas loin d’occuper les derniers rangs dans la compétition vers l’universalité judiciaire. Cette mauvaise perception de la justice implique également les avocats que nous sommes, en Afrique, en Haïti et dans tous les territoires francophones du monde. C’est contre cette défaillance judiciaire que nous devons désormais nous élever, au sein de la CIB qui doit indubita- blement poursuivre des vocations nouvelles. De nouvelles pistes s’offrent à elle, dans un contexte francophone, mais ouvert à l’universalité et en compétition avec d’autres, parlant d’autres langues pour transmettre une culture juridique autre. Ces dissemblances qui apparaissent, tant à travers la langue que la culture juridique, ne doivent en rien constituer un obstacle. Ces différences ont existé à la création de cette magnifique organisation née du génie du Bâtonnier Mario STASI. Elle lui survivra grâce au talent du Bâtonnier VATIER, indéniable poursuiveur de cette œuvre gigantesque. C’est au regard de ces variations, constatées d’une étape à une autre et suivant les époques, que nous devons nous engager à évoluer. Nous devrions nous intéresser encore davantage à des sujets qui concernent nos pays, nos continents et nos commu- nautés, tant culturelles que linguistiques. Des sujets ayant trait à la politique, aux institutions, à la culture, au social, au communautaire, au cultuel. Par exemple, la question de l’État de droit en débat, la qualité de la gouvernance, l’effectivité de l’accès au droit et la transparence de la justice, l’éthique et la déontologie professionnelles, la promotion des droits humains, mais égale- ment les droits économiques en rapport avec les questions d’investissement sous le prisme des droits communau- taires. Ces perspectives, et bien d’autres, doivent constituer le substrat des nouvelles réflexions à mener au sein de la CIB, au travers de ses membres. Dans un tel contexte, des partenariats presque naturels sont déjà perceptibles avec des organismes et institutions qui interviennent sur les mêmes sujets. Des réflexions sur les questions de gouvernance sont en cours au sein de l’Union Africaine. Ces sujets touchent aux questions de paix et de sécurité. Ils ont sans doute besoin d’être contextualisés dans un cadre juridique adapté et performant. Les questions de justice et de démocratie sont également en discussion au sein de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Elles ont tout autant besoin de prendre en compte les dimensions éthique, déontologique mais également professionnelle. Enfin, sur ce plan, la profession d’avocat est en pleine mutation. Elle a besoin d’être mieux cernée et mieux appréhen- dée. Depuis très longtemps, elle n’a pas bénéficié d’études prospectives complètes. Il est important de les mener afin d’identifier les perspectives de son évolution future et de son adaptation au marché, dans un contexte concurrentiel accru. Croyons en la CIB, unissons-nous en son sein et entreprenons des petites actions, immédiates, efficaces et efficientes, qui soient les réponses directes aux obstacles de notre progression. Bon Congrès Mamadou Konaté Avocat aux Barreaux de Paris et du Mali, Ancien Garde des Sceaux Ministre de la Justice Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
DATE ÉVÈNEMENT Réunion du Conseil d’Administration 23 JANVIER 2020 de la CIB à Paris 31ème Concours International de Plaidoiries 24.25 ET 26 JANVIER 2020 du Mémorial de CAEN, en partenariat avec l’Ordre des Avocats de CAEN Colloque sur le droit du sport 20 FÉVRIER 2020 organisé par le Barreau des Hauts-de-Seine en collabo- ration avec l’association des Juristes Franco-Britannique 10, 11 et 12 FÉVRIER 2020 Forum régional consultatif du GIABA sur la conformité de LBC/FT à Dakar, Sénégal. organisé par le Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA). DU 25 AU 27 MARS 2020 Rentrée du Barreau de Guinée-Conakry Colloque sur le secret professionnel vs. 18 JUIN 2019 le legal privilege organisée par le Barreau des Hauts-de-Seine Rentrée du Barreau des Hauts-de-Seine 19 & 20 JUIN 2020 et soirée des éloquences francophones 20 NOVEMBRE 2020 Rentrée du Barreau de Liège DU 1 AU 2 DÉCEMBRE 2020 Formation organisée par le CIFAF DU 3 AU 5 DÉCEMBRE 2020 35e Congrès de la CIB à Libreville, Gabon Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
FOCUS CIB EN BULGARIE Il existe des foyers de francophonie dans les pays qui vivent de notre tradition juridique commune. La Bulgarie en est un exemple. Dans les années 2010 les avocats francophones, membres du barreau de Sofia, ont créé le « Club des avocats franco- phones » et ont adhéré à la CIB. Lors de l’inauguration du « Club des avocats francophones » le premier Président de la Bulgarie Monsieur Petar Mlade- nov a fait un discours pour souligner l’attachement de la Bulgarie aux valeurs communes du droit civil et l’intérêt pour la Bulgarie qui venait de quitter un régime totalitaire d’être membre de l’organisation internationale de la francophonie quand bien même la Bulgarie ne serait pas francophone. Le président mettait ainsi en valeur les objectifs de ce club : défendre les valeurs de liberté. Les liens de la CIB avec le Club des avocats francophones se sont enrichis cette année. La CIB et le Club des avocats francophones ont organisé conjointement colloque qui s’est tenu les 10 et 11 mai sur le thème la déontologie du procès équitable. Cette manifestation a pu être réalisée grâce à l’action du président de ce club, notre confrère Silvi Gavrilov, en présence des autorités ordinales bulgares, barreau suprême et barreau de Sofia et de l’association des cours suprêmes judiciaires francophones et le concours de l’organisation internationale de la francophonie, l’OIF. Ce colloque a été une très grande réussite car il avait pour intervenants des avocats bulgares libanais et français et des magistrats bulgares et français. Les questions relatives à l’indépendance et à l’impartialité du juge, au rôle de l’avocat ont pu être évoquées sans détour, chaque intervenant évoquant concrètement chacun de ces points au regard de son expérience. Ce colloque était une grande première puisqu’il rassemblait des avocats, des magistrats, et des représentants de la presse juridique et judiciaire français et bulgares. Les magistrats français, Messieurs Jean-Paul Jean, et Alain Lacabarats, présidents de Chambre hono- raires à la Cour de cassation, et respectivement secrétaire général de l’AHJUCAF et ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ainsi que Madame Éliane Houlette procureur national financier en France. L’ensemble des travaux a porté sur la discipline, le respect et les devoirs de chacun des acteurs. La comparaison des garanties attachées au statut de chacun des protagonistes de justice, et de celles attachées aux procédures discipli- naires a donné lieu à des débats qui ont mis en valeur l’intérêt de la coopération internationale multidisciplinaire dans un même espace, européen et culturel, en vue de voir appliqués les standards et règles déontologiques, de nature à garantir une justice indépendante et impartiale. Les débats ont également porté sur l’impact de la lutte contre la corruption et le financement du terrorisme et sur la profession d’avocat dans le monde moderne. Ces débats ont été riches et la confrontation des points de vues, ce qui a permis aux participants de mesurer les difficultés auxquelles les acteurs du procès pouvaient être confrontés et la nécessité d’une sensibilisation au droit issu de la CEDH et de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Le succès de cette manifestation nous conduit à poursuivre l’expérience l’année prochaine. Bernard Vatier Secrétaire général de la CIB Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
RETOUR SUR LE PREMIER CONGRÈS DES AVOCATS DE L’ESPACE UEMOA ‘’Intégrer par le droit’’, telle est la thématique générale qui a réuni les avocats de l’espace UEMOA du 30 septembre au 4 octobre 2019 à Lomé lors du tout premier congrès des avocats de l’espace UEMOA. Etaient aussi présents des avocats venus de la zone CEMAC et d’Europe. Selon le dictionnaire Larousse, intégrer c’est «faire entrer dans un ensemble plus vaste», c’est incorporer, inclure. L’in- tégration, d’un point de vue industriel, c’est l’opération qui consiste à assembler les différentes parties d’un système et à assurer leur compatibilité ainsi que le bon fonctionnement du système complet. D’un point de vue économique, c’est l’ensemble de procédés par lesquels deux ou plusieurs Etats créent un espace économique commun. Et cet espace économique commun qui nous concerne, l’UEMOA, a été créée un 10 janvier 1994 pour contribuer au développement de ses Etats membres. L’UEMOA a pour mission de réaliser l’intégration économique des Etats membres, à travers le renforcement de la com- pétitivité des activités économiques dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé. Le traité affirmait déjà donc l’importance de l’intégration par le droit. Intégrer par le droit revient à exploiter l’harmonisation des règles pour soutenir l’espace économique commun. C’est dans cette dimension que se retrouve l’avocat, acteur naturel de la vie juridique et judiciaire. Depuis 2006, un mouvement de rapprochement des avocats de l’espace UEMOA a été initié par l’adoption d’un règle- ment relatif à la liberté de circulation (Règlement n°10/2006/CM UEMOA relatif à la libre circulation et à l’établissement des avocats ressortissants de l’Union au sein de l’espace UEMOA). Huit années plus tard, les Etats membres de l’Union, auront l’audace d’adopter un règlement harmonisant les règles relatives à l’exercice de la profession d’avocat (Règle- ment n°05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA). L’intégration des Barreaux de l’espace UEMOA s’est ainsi mise en marche par un affranchissement progressif des barrières frontalières. Sans pour autant être parachevé, ce mouvement d’intégration repose aujourd’hui sur une har- monisation des règles régissant la profession d’avocat ainsi que sur le principe de la libre circulation au sein de l’espace UEMOA. Un certain nombre d’acquis existent déjà donc. Cependant, il est dommage de constater que des zones de résistances existent encore à bien des égards. Ici, de curieuses interprétations des textes freinent la création de cabinets trans- frontaliers. Ailleurs, la liberté de circulation se heurte à de constantes et agaçantes question de délivrances de visas. Se pose alors la question de savoir si l’intégration par le droit dont on semble ne pas douter de la pertinence théorique est effective en pratique. Quels sont les freins qui existent à l’essor de cette intégration véritable? L’avocat est-il réel- lement libre de circuler au sein des espaces communautaires ? A-t-on tous adhéré à l’opportunité de se regrouper ? Qu’est-ce qui nous uni réellement ? Des règles communes ou au-delà une vision commune de la profession ? Assiste- ra-t-on enfin à l’émergence de l’avocat ‘’UEMOA’’ et de façon générale de l’avocat africain ? Telles sont les interrogations qui ressortaient en filigrane des interventions des différents exposants au cours du congrès. Tout le monde s’est accordé à dire que les avancées réalisées à l’échelle de l’UEMOA sont à saluer. Sur le plan purement textuel, l’espace UEMOA a d’ailleurs une longueur d’avance sur l’espace CEMAC notamment, l’autre grand sous-en- semble de l’espace OHADA. Cette situation amène à décrier des pratiques professionnelles disparates dans le même espace OHADA qui a pourtant un seul Droit des Affaires dans les 17 Etats membres. L’UEMOA est donc une locomotive qui devra drainer la CEMAC pour aboutir à un nivellement par le haut au sein de l’espace OHADA. Les textes communautaires ont ainsi fixé un cadre intéressant dont les acteurs doivent se saisir. Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
L’harmonisation des règles régissant d’avocat au sein de huit Etats doit normalement contribuer à l’essor d’une grande profession communautaire. Elle doit notamment faciliter les échanges inter-barreaux ainsi que la création de ‘’gros’’ cabinets d’avocats au sein de cet espace où il ne sera plus question de nationalités mais de compétences. A l’épreuve, on constate cependant des zones de résistance tant les habitudes ont la vie dure. Pour aller vers une in- tégration pleine et parfaite, il faudra dépasser une position exagérément protectionniste de la profession pour tendre vers l’expansion concrète de celle-ci. L’accent devra notamment être mis sur le renforcement des compétences, le repositionnement des avocats sur le marché en tant qu’acteur juridique et judiciaire, la maitrise des modes alternatifs de règlement des conflits, l’exploitation maitrisée des ressources numériques etc… Il faudra rendra effectif l’idée d’une grande profession d’avocat qui se veut ambitieuse et qui tendra vers l’internationalisation tout en restant strictement attaché aux valeurs éthiques de la profession. L’adoption à Abidjan le 5 juillet 2019 d’un code de déontologie commun aux barreaux de l’espace UEMOA est en ce sens à saluer. En effet, si l’on ose dire, la compétence sans l’éthique n’est que ruine de la profession. Sommes toutes, l’espace UEMOA apparaît aujourd’hui comme un microcosme de ce qui peut se faire à l’échelle afri- caine. Saisir pleinement les vertus de l’intégration pourrait contribuer à l’essor d’une grande profession du droit à l’échelle du continent. En plus de permettre une harmonisation des pratiques professionnelles, ce défi aura le grand mérite d’inciter la création de structures capables de faire face à la concurrence internationale dans un monde de plus en plus mondialisé. Godwin Têko Seyram Amenyinu Avocat au barreau du Togo, Membre de la Commission Scientifique du Congrès Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
COMPTE-RENDU DU COLLOQUE D’ABIDJAN SUR LES VINGT ANS DE L’ARBITRAGE OHADA : BILAN ET PERSPECTIVES A l’occasion du vingtième anniversaire de l’adoption de l’Acte Uniforme sur le Droit de l’Arbitrage et du Règlement d’Ar- bitrage de la CCJA, la Conférence des Barreaux de l’espace OHADA et JUS AFRICA, en partenariat avec l’OHADA, la Cour internationale de l’arbitrage de la CCI, l’Union internationale des Avocats (UIA), le Comité Français de l’Arbitrage et l’Association pour la Promotion de l’Arbitrage en Afrique (APAA) ont organisé un colloque les 17 & 18 octobre 2019 à la Maison de l’entreprise à Abidjan sur le thème : «20 ans d’arbitrage : bilan et perspectives». En effet, l’adoption de l’Acte Uniforme sur le Droit de l’Arbitrage (AUA) et du Règlement d’Arbitrage (RA) de la CCJA le 11 mars 1999, a constitué un évènement majeur pour l’essor de l’arbitrage dans l’espace OHADA. En effet, ces deux textes ont été adoptés dans un contexte d’inexistence de législation sur l’arbitrage ou de textes lacunaires majoritairement hérités de la colonisation. Pour cette raison, l’AUA et le RA ont été vivement appréciés par la doctrine et les praticiens ; ils ont fourni un cadre juridique moderne pour une justice arbitrale conforme à la sécurité des investissements. Dans la foulée de l’entrée en vigueur de l’AUA et du RA, un mouvement massif de création de centres d’arbitrage s’est développé sous l’impulsion principale des Chambres de Commerce et de Fédérations d’Entreprises. Pour autant, il est difficile d’affirmer que depuis lors la pratique arbitrale a atteint sa vitesse de croisière dans l’espace OHADA. En dépit de la reddition de plusieurs sentences ad hoc ou sous l’égide de centres d’arbitrage nationaux et ré- gionaux, le nombre de décisions arbitrales en vingt ans n’est pas impressionnant. Ainsi, il y a lieu de se demander pourquoi malgré des textes libéraux, les justiciables ont timidement saisi les juridic- tions arbitrales. Cette situation conduit à s’interroger sur la coopération du Juge d’appui avec les Arbitres, ainsi que sur la jurisprudence judiciaire en matière d’arbitrage. Malgré le bilan jurisprudentiel globalement louable de la CCJA, il n’en demeure pas moins que l’exécution des sen- tences a souffert, à certains égards, des imperfections de la justice étatique et des lacunes des textes et procédures nationaux se rapportant à l’exequatur et aux voies d’exécution. Conscient des difficultés pratiques et soucieux de parfaire les textes de 1999, le législateur OHADA les a modifiés le 23 novembre 2017. Toute la question était de savoir si cette réforme a pris en compte toutes les pesanteurs empêchant un essor véritable de l’arbitrage OHADA. En outre, il était important de se demander si les innovations introduites en 2017 ont déjà commencé à produire leurs fruits. Aussi, les intervenants se sont interrogés sur le point de savoir si les Etats Membres de l’OHADA ont adopté les mesures nécessaires à l’effectivité de la réforme du 23 novembre 2017. Le vingtième anniversaire de l’adoption de l’AUA et du RA, âge de la maturité, constituait dès lors un bon cadre temporel pour esquisser le bilan et les perspectives de l’arbitrage OHADA. Procéder à un examen méticuleux de la pratique de l’arbitrage dans l’espace OHADA depuis l’adoption des textes s’y rapportant et proposer des solutions concrètes. Tel était l’objectif du colloque qui réunissait théoriciens et praticiens du droit OHADA. Dans la première partie du colloque, les intervenants ont esquissé le bilan des vingt ans d’arbitrage. Quels sont les enseignements de vingt ans d’arbitrage OHADA ? Quel rayonnement international de l’arbitrage OHADA ? Tels sont les questions sur lesquelles se sont penchés les intervenants de cette première partie. Comme enseignements, les intervenants ont évoqué l’aspect jurisprudentiel avec la question de la protection de la convention d’arbitrage, de l’intervention du juge étatique et de l’efficacité des sentences arbitrales. Ensuite a été abordé l’aspect arbitrage sous l’égide de la CCJA et notamment la double compétence de la CCJA à l’épreuve de la pratique, la place des pays membres de l’OHADA dans l’arbitrage CCJA et le rôle des praticiens africains dans l’arbitrage CCJA. Dans un deuxième temps, les intervenants se sont penchés sur le rayonnement international de l’arbitrage OHADA en rappelant sa place dans la communauté arbitragiste internationale et hors de son espace. Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
La seconde partie du colloque est consacrée aux perspectives de l’arbitrage OHADA. Où va l’arbitrage ? se sont inter- rogés les intervenants. Ces derniers ont tracé les contours du nouveau visage de l’arbitrage OHADA et dans une vision futuriste, évoqué les défis de l’arbitrage OHADA. Le colloque a été clôturé par la rapport de synthèse d’Achille Ngwanza, les recommandations de la conférence des barreaux de l’Espace OHADA et des allocutions de clôture de personnalités présentes. Le CIB, à travers son président et son secrétaire général a rappelé l’enjeu du futur congrès de la CIB qui s’est tenu en décembre à Ndjamena au Tchad. Aziber Didot-Seïd Algadi Docteur en droit, Rédacteur en chef de la Lettre de la CIB n° 8 et de la revue Lexbase Afrique-OHADA Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
LA QUESTION DE LA DÉFENSE PÉNALE À L’ÉPREUVE DES CAS LES PLUS VULNÉRABLES Aborder la question de la défense pénale à l’épreuve des cas les plus vulnérables au Tchad, c’est aborder toute la problé- matique de la place de la justice dans un pays pauvre, à voca- tion d’Etat de Droit. C’est lever le tabou qui couve la question de la primauté de la loi et de l’indépendance de la justice. Comme partout ailleurs, le Tchad consacre dans son arse- nal juridique les principes d’un égal accès à la justice, de la présomption d’innocence et du droit à un procès transparent et équitable. A cette fin, il est reconnu à tout citoyen soup- çonné d’un délit ou d’un crime le droit de se faire assister par un conseil de son choix, dès la phase d’enquête préliminaire. Ainsi, les avocats, organisés en barreau, ont pour mission de défendre les droits de la défense. Mais en pratique, la dé- fense de ces droits bute souvent sur de fâcheuses entraves liées aux réalités, tant culturelles, sociopolitiques qu’éco- nomiques. Aussi, la vulnérabilité, dans un tel contexte, est beaucoup plus une question d’éthique que technique. Dans un pays en crise perpétuelle où le pouvoir se trans- met par les armes, d’hommes forts à hommes forts, c’est souvent la loi de la force qui prime sur la loi de la force. La pri- mauté du droit ne dépasse guère le cap du slogan politique. La primauté ici est à la force de l’arbitraire. Tous les systèmes de sécurité, notamment le système judiciaire, sont conçus pour la seule sécurité du régime, et pour l’affirmation et la démonstration de la force du seul « président-fondateur ». Mais malgré tout, les seigneurs de guerre qui se succèdent et qui se ressemblent, développent paradoxalement une peur bleue de la justice. Afin de se garantir une totale impunité et un pouvoir à perpétuité, ils adoptent comme stratégie de bâillonner la justice. Tous les leviers de l’appareil judiciaire sont contrôlés depuis le recrutement, la formation et la gestion des carrières des fonctionnaires. Ils transforment leur peur en une permanente terreur qu’ils agitent sur la justice comme une épée de Damoclès. Ainsi, devant la justice pénale ou ce qui en tient lieu, les procédés primes sur les procédures. Gagner son procès relève d’un rapport de force et non d’un rap- port de faits à la loi. Dans un tel environnement, l’avocat, un professionnel, libéral, censé vivre de son métier comme tous, est obligé de s’adapter. Ceux qui s’accrochent encore à leur essence sont souvent combattus, battus, voire abattus. Au Tchad, les manettes de la justice pénale sont dans les mains de l’exécutif ou des hommes en tenue. Elle n’est réduite qu’à servir d’un moyen de répression contre les malaimés de la république qui osent encore réclamer un bout de liberté ou de dignité. Ainsi conçue, cette justice est forte avec les faibles et faible avec les forts. Tous ceux qui osent critiquer le système ou dénoncer les dérives du pouvoir sont jetés en pâture à la justice qui « va faire son travail ». Les défenseurs des droits humains, les hommes des médias et les activistes pris sous les mailles de la justice tchadienne sont présumés coupables. La défense pénale à l’épreuve des cas les plus vulnérables souffre de cette justice pénale, nominale, végétative, sans identité et sans justice. Dans ces conditions, les acteurs judiciaires (avocats et magistrats) se lassent et ne se sentent là que par défaut. Ils se sentent comme dans une simple passerelle et ne dépassent difficilement la conception biologique de leurs métiers. Ils proclament sans sourciller que « le pouvoir judiciaire ne nourrit pas son homme ». Plutôt, il ne sert à ses acteurs que de salon d’attente vers d’autres horizons plus ensoleillés et plus « juteux ». D’où l’intelligence de refuser son indépendance pour tenter en permanence de séduire l’exécutif dans l’éphémère espoir d’obtenir une bonne position. Dans sa courte marche, le barreau tchadien a le mérite de porter le flambeau du combat pour une justice digne et in- dépendante. Mieux que la simple défense de la primauté du Droit, le barreau tchadien, en tant qu’entité, est l’un des farouches défenseurs de l’Etat de Droit. Son indépendance, plus réelle, l’a toujours aidé à se mettre en hauteur et rester toujours ce rempart admiré de tous. Dans ce contexte de crise perpétuée, la seule force du faible reste la voix de l’avocat. De mémoire fraiche, en 2011, quand le pouvoir politique avait entrepris de supprimer de la Constitution l’indépendance du pouvoir judiciaire, la seule forte voix interne qui a pu le faire reculer fut celle du Barreau tchadien. Pour cette raison, ce Barreau ne doit jamais cesser de jouer la locomotive du changement au sein du système judiciaire. Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
Le jeune barreau tchadien, qui certes, a beaucoup fait en si peu de temps, ne doit pas s’essouffler en si bon chemin. Ja- loux de sa liberté et de son indépendance, il doit renforcer sa réputation et sa respectabilité. Il doit rendre plus équitable l’accès à cette profession aux jeunes qui en ont réellement la vocation mais exclus pour défaut d’accointances familiales. Les clivages qui caractérisent jusque-là l’accès à ce corps de prestige n’honorent pas ce jeune Barreau. Les jeunes qui ont réellement la vocation de ce métier en sont exclus parce qu’inconnus. L’avocature tchadienne ne se remplit que de ceux dont le seul atout est d’avoir une connexion familiale avec un avocat. Il n’est donc pas surprenant d’assister à certaines dérives qui la décrédibilisent : « l’abeille qu’on met de force dans une ruche ne produit du miel ». D’ici là, le Barreau doit surtout veiller à humaniser les conditions de formation des stagiaires dans les cabinets. Car il est incompréhensible qu’un maître de stage qui roule en grosse cylindrée ne puisse même pas assurer du savon à son stagiaire tout en exigeant de lui de se présenter toujours propre au cabinet. Aucun maître de stage ne se gêne de savoir comment son stagiaire ou son clerc, souvent recruté parmi les diplômés sans emploi, loge, se nourrit, se blanchit et se déplace. Peut-on inculquer à un tel stagiaire les valeurs d’humanité, de dignité et de loyauté sans accorder de la valeur à sa propre humanité, sa dignité et sans se montrer loyal à son égard ? Le Barreau doit en outre sévir de manière non discriminée des indélicatesses et indignités des déviants bien connus qui ternissent l’image de l’avocat Tchadien. Il est tout aussi incompréhensible que révoltant d’observer la grande célérité et la discrimination avec lesquelles le conseil de l’ordre s’abat sur certains vulnérables jeunes avocats ou stagiaires, pour très peu de choses, et la grande complicité avec laquelle il ferme les yeux sur les graves dérives d’autres, intouchables, parce que protégés de certains « confrères aînés ». Aussi, le barreau doit combattre cette pratique assez dégradante et illégale dite de « cléricature », nulle part prévue dans le statut de l’avocat. En l’état, le « clerc » n’est plus ni moins qu’un esclave arbitrairement séquestré et exploité pendant deux ans dans le cabinet d’un défenseur de la primauté de la loi. Enfin, le barreau doit exiger de tout maître de stage de donner un contenu et un agenda clairs à la formation de son stagiaire. Mieux, le Barreau doit reprendre en main et reconsidérer sérieusement la question de la formation des stagiaires. Tel que constaté actuellement, les stagiaires sont beaucoup plus brimés et abusivement exploités que formés. En définitive, ce qu’il faut à notre justice, c’est une réforme de fond, réforme des mentalités, réforme de la culture poli- tique, une réforme citoyenne et non une réforme de façade dictée par la communauté internationale, sans réel impact. Il nous faut, en réalité, une révolution judiciaire. Une simple volonté politique ne suffit pas. C’est d’un courage politique et un sursaut patriotique qu’il faut. Il nous faut cet orgueil de refuser d’être toujours à la traine des autres. N’Djamena traine toujours cette honteuse réputation d’être la seule capitale au monde à ne pas disposer d’un palais de justice et d’une prison digne de nom ! N’Djamena est la seule capitale au monde où les Justices de Paix, les Tribunaux et la Cour d’Appel squattent des bâtiments d’emprunt. Le Tchad reste le seul pays au monde où les Cours d’Appel squattent des bâtiments d’emprunt ! Le Tchad reste le seul pays au monde où les Justices de Paix se font expulser ou menacées d’expulsion des bâtiments qu’elles occupent pour impayés de loyers. Le Tchad est le seul pays où les avocats s’habillent en plein air, sous les arbres, sous les regards médusés des justiciables, parce que ne disposant pas de box affectés à cet effet. Face à tout cela, les membres de la famille judiciaire n’ont pas d’autre dignité que de combattre, de se battre et de militer pour le triomphe des valeurs que promeut la Conférence Internationale des Barreaux : Une justice humaine et indépendante pour tous. Ils doivent transcender leurs stériles querelles corporatives pour construire une solidarité plus horizontale pour y parvenir. Car ils partagent en commun la vocation de servir la justice de leurs pays. Surtout, quand on la chance de devenir un professionnel du droit et de la justice dans un pays pauvre comme en Afrique, l’on ne peut se comporter comme un bourgeois, arrogant, insolent, condescendant et indifférent, observant de son balcon la misère qui l’entoure, ni même pas juste comme un affamé des ghettos dont la seule obsession est de travailler juste pour manger à sa faim. C’est justement parce qu’on vient du ghetto qu’on ne doit jamais oublier les privations, la misère, la faim, les inégalités et toutes les injustices qui ont justifié toute sa lutte de jeunesse. Une justice digne est donc la seule richesse qu’un travailleur judiciaire est en devoir de transmettre à sa postérité, notamment au peuple au nom de qui la justice est rendue. La question de la défense pénale des cas les plus vulnérables ne trouvera réponse que devant une justice pénale humanisée, libérée et renforcée. Djimrabaye Bourngar Magistrat, Juriste des droits de l’homme et écrivain Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
MES REMERCIEMENTS Après avoir passé deux jours dans les locaux de la police judiciaire puis un mois et trois jours dans le purgatoire d’Am- sinéné, me voilà libre ce mercredi 08 Janvier 2020 ! Le même juge d’instruction (ou celui qui en tient lieu) qui avait délivré le 05/12/2019sans aucune charge sur moi un mandat de dépôt vient de signer le 08/01/2020 c’est à dire un mois plus tard, une ordonnance de non-lieu, reconnais- sant du coup avoir emprisonné impunément un innocent ; ce phénomène en soi est révélateur du degré de putréfaction avancée de notre système judiciaire. Dans les pays qui se respectent, le juge d’instruction est le magistrat le plus libre ; il prend ses décisions en toute in- dépendance ; c’est tout le contraire au Tchad où des individus au cursus douteux sont nommés juges d’instruction pour recevoir des ordres et servir ainsi de bras armé au pouvoir afin de neutraliser toute voix discordante. Nous reviendrons plus amplement sur la déliquescence du système judiciaire et pénitentiaire tchadien dans d’autres post. Pour l’instant, qu’il me soit permis d’adresser ici à toutes et à tous, ma très profonde gratitude ; surtout à ces per- sonnes, ces personnalités et organisations internationales et nationales ainsi que ces associations ou ces simples plateformes qui, à des degrés divers, de près ou de loin ont contribué à faire triompher la vérité. Mes remerciements s’adressent pour commencer à mes conseils défenseurs des droits humains : Me Kemneloum Delphine Djeraibé ; Me Jacqueline Moudeina, Me Mahamat Hassan Abakar ;Maitre Lambi Soulgan, Me Middaye Gué- rimbaye et maitre Ndiliam Nouadjimtog ainsi que tous les autres avocats nationaux qui s’étaient constitués spontané- ment pour moi. Ce sont d’éminentes personnes dont le professionnalisme et la perspicacité ont permis de mettre à nu les intrigues et autres machinations procédurales orchestrées par des pseudo magistrats au service exclusifs du mal. Je n’oublierai jamais l’acte posé par les présidents des barreaux des pays étrangers et les avocats étrangers venus par- ticiper à la Conférence Internationale des Barreaux (CIB) qui avaient sans hésiter, délégué plus d’une dizaine des leurs pour se constituer conseils pour moi. Il est clair que le travail accompli au niveau diplomatique par ces avocats et prési- dents des barreaux étrangers après leurs retours dans leurs pays respectifs a été déterminant et a contraint le dictateur à ordonner ma libération. Que ces éminentes personnalités reçoivent ici l’expression de ma profonde gratitude. Je pense notamment à Me : Pierre –François Feltesse ; Alexandra Boret ; Raphaëlle Rischmann ; Dominique Tricaud ; Amandine Sbidian ; Yves Oschinsky ; Delphine Jaafar; Martin Pradel ; Vincent Filola ; Cousi Olivier ; Sedilot Richard ; Laurence Crief ; Julie Godinek ; Emmanuel Ravanas ; Rachid Madid ; Braban et Saskia Ditisheim ainsi que tous les autres. Les soutiens intérieurs et extérieurs n’ont évidemment pas été du reste et leurs actions ont permis de vulgariser au ni- veau national, continental et mondial la vraie face de la gouvernance d’IDRISS Deby au Tchad démontrant ainsi au monde entier que les tchadiens sont livrés à un système despotique dissimulé derrière un grossier saupoudrage démocratique. Au plan intérieur, Mon infinie reconnaissance est d’abord pour les jeunes de la coalition FREE IBEDOU dont l’engagement et la ténacité dans les actions citoyennes ont permis de maintenir une pression permanente et de tous les instants sur les forces du mal. Une mention spéciale est à inscrire à l’actif des victimes des crimes et répressions de HISSEIN HABRE dont la mobili- sation n’a pas failli une seule seconde, et qui ont répondu présent à toutes les étapes de mon arrestation et incarcéra- tion ; bravant toutes les intempéries, les victimes de crimes et répression du système Hissein Habré en dépit de leurs âges avancés avaient toujours été là. Je n’oublierai jamais le précieux soutien multiforme apporté par, la plateforme syndicale, le Syndicat des enseignants du Tchad(SET), notre Collectif des organisations de la Société Civile(COSC) ; le Collectif des Associations des Droits de L’Homme (CADH), Je Comité de Suivi pour l’appel à la paix et à la Réconciliation (CSAPR) et toutes les Associations des Droits de L’Homme et Organisations similaires qui se sont manifestées par des communiqués et autres conférences de presse afin d’exiger ma libération immédiate. Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
Ma reconnaissance va également vers les partis politiques d’opposition démocratique dont l’élan de solidarité manifes- té à mon égard m’a été d’un réconfort inestimable. Mes remerciements vont également vers les contributeurs anonymes qui ont soutenu moralement et matériellement ma famille à surmonter cette épreuve durant cette période difficile ; ma pensée va également vers toutes les personnes ayant émis sur les réseaux sociaux des post en faveur de ma libération, ceux qui ont partagé et relayé sur Facebook la pétition Free Ibedou signée par de milliers de citoyens épris de dignité humaine et de justice sociale de par le monde. Nous ne saurons clore ce chapitre au niveau national sans adresser une mention spéciale à la presse écrite indé- pendante locale dont les éditoriaux et autres commentaires ont permis de mettre à nu les machinations éhontées du pouvoir. La presse parlée elle aussi n’a pas été du reste et en relayant les informations sur le complot ourdi sur ma personne et en éclairant le tchadien lambda sur les tricheries du pouvoir, elle a été d’un apport déterminant dans l’éclatement de la vérité. Je n’oublie pas la presse en ligne dont le soutien ne m’a jamais fait défaut pendant mon arrestation et qui figure en bonne place dans la liste des institutions ayant contribué efficacement à ma libération. Au niveau international Nous adressons nos sincères remerciements aux organes de presse étrangers et aux organes de presse en ligne ain- si qu’aux organisations qui ont produit des articles et communiqués de presse ainsi qu’aux personnalités politiques étrangères qui sont intervenues par des plaidoyers auprès des autorités tchadiennes pour faciliter les choses. Nous pensons aux différents acteurs suivants : La Conférence Internationale des Barreaux (CIB) ; Amnesty International ; la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) ; l’Organisation SURVIE ; ACAT-France, Secours Catholique, RADDHO , Tournons la Page, Avocats Sans Frontière (ASF) ; la délégation au Tchad de l’Union européenne et la division Afrique Centrale de l’U.E de Bruxelles ; l’Ambassade des Etas Unis au Tchad ; J’adresse à cette occasion, une reconnaissance spéciale à l’Organisation Tchad – Zéro Corruption qui, en m’attribuant le prix de l’Honnêteté au Tchad a permis de balayer l’image que les forces du mal voulaient à tout prix me coller, met- tant ainsi en échec les machinations grotesques du pouvoir. Une mention spéciale est adressée aux camarades patriotes de la diaspora ; ces compagnons de lutte, nos relais na- turels, nos soutiens de tous les jours ont toujours été à l’avant-garde du combat contre le régime exécrable de Deby n’ont ménagé aucun effort en dépit des perturbations du réseau des transports et de la rudesse du climat européen se sont mobilisés et ont manifesté pour exiger ma libération immédiate ; ma gratitude n’arrivera jamais à la hauteur des actes qu’ils ont posés. Parmi les personnalité qui s’étaient investies pour ma libération je citerai Thomas Dietrich, écrivain et universitaire, membre de la France Insoumise, Me Dominique TRICAUD, avocat aux barreaux de Paris, M.Bastien Lachaud, dépu- té France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, président de la France Insoumise, Patrice Finel, conseiller politique sur l’Afrique (France Insoumise), Michel Forst, rapporteur spécial des Nations Unies sur les défenseurs des droits humains et Alioune Tine, rapporteur spécial des Nations Unies au Mali, ; que ces éminentes personnalités reçoivent ici, l’expres- sion de notre profonde gratitude. Pour finir, je dirai que Je serai toujours reconnaissant à la quasi-totalité de tout le peuple de mon pays qui, me connais- sant ne s’était jamais laissé abusé par les intrigues et les machinations du pouvoir à mon encontre. Enfin, que celles ou ceux, organisations ou personne physique, qui ont certainement contribué à la réalisation de cet heureux événement et dont les noms n’ont pas été citées ici, sachent que cela l’a été par inadvertance ; qu’ils reçoivent ici, l’expression de mes excuses les plus profondes. A tous et à toutes, je dis en cinq lettres MERCI ! Mahamat Nour Ahmat Ibedou Secrétaire Général de Convention Tchadienne des Droit de l’Homme Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
INTERVIEW DU BÂTONNIER OLIVIER COUSI CIB : Monsieur le Bâtonnier, pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours et sur le barreau de Paris à la tête duquel vous avez été élu et dont vous al- lez prendre les rênes à partir de janvier 2020 ? Olivier Cousi : Je suis un avocat qui a beaucoup travail- lé à l’international pendant toute ma carrière et j’ai fait beaucoup de missions, et de travaux avec des confrères étrangers, notamment sur l’Afrique subsaharienne dans une vingtaine de pays et dans le domaine des technolo- gies, des médias et des télécoms. Pour moi, l’engagement pour l’élection au bâtonnat de Paris comprend un volet international très fort. Paris est une place de droit incontournable : nous avons plus d’avocats anglais inscrits à Paris qu’il y en a à New York et nous avons plus d’avocats américains inscrits à Paris qu’il y en a à Londres. Nous avons aussi la chance d’avoir à Paris de nombreux avocats issus du monde entier et, en particulier, du Continent Africain, du Tchad, du Came- roun, du Bénin, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Togo, de Tunisie, d’Algérie, du Maroc (pardon si j’en oublie) mais nous sommes conscients des difficultés liées aux modalités d’inscriptions et de réciprocité entre les barreaux, c’est un chantier dont je souhaite m’occuper prioritairement. Ce qui montre que Paris est une place de droit incontournable et internationale. CIB : Vous êtes venu de Paris pour participer à la CIB. Que représente pour vous la CIB ? Olivier Cousi : Comme je le disais, j’ai beaucoup travaillé dans les pays d’Afrique, j’y compte de nombreux amis et la CIB est un lieu unique où on peut échanger, tisser des relations professionnelles et profiter des expériences des uns et des autres. C’est aussi un lieu de soutien aux combats des avocats pour la liberté et lé défense. Paris n’est pas particulièrement mieux lotis en matière d’atteintes aux libertés que beaucoup de Barreaux. Nous devons aussi lutter pour la défense de l’avocat, le rôle central de l’avocat comme dans tous les pays dans le monde. Tous les gouvernements, toutes les autorités n’aiment pas l’indépendance des avocats, l’indépendance des Ordres. Ce combat est donc commun. Bien sûr, il y a des pays ou ce combat est tragique et beaucoup plus dramatique qu’en Eu- rope mais nous avons besoin de soutien et de cette communauté de tous les avocats de la CIB pour défendre ensemble et collectivement la défense de la défense. Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
CIB : Quelles actions envisagez vous de mener sur le plan international et pour la défense des avocats au cours de votre mandat de Bâtonnier ? Olivier Cousi : La politique internationale du barreau de Paris repose deux bases. L’une est sur la défense des droits de l’Homme et des droits de la défense partout dans le monde. La défense de la défense, le barreau de Paris s’y engage et nous continuerons à le faire auprès de tous les avocats qui sont poursuivis ou menacés dans l’exercice de leur activité professionnelle. L’autre c’est le rayonnement du barreau de Paris, c’est-a-dire permettre à toutes les avocates et les avocats du barreau de Paris d’aller exercer dans de bonnes conditions lorsqu’ils le peuvent et lorsque les clients le leur demande. Dans des juridictions étrangères, beaucoup d’avocats sont déjà installés dans le monde entier et nous aurons à cœur d’aller les visiter, d’aller les aider et de les accompagner. Et en sens inverse, ce développement des affaires doit permettre également aux avocats des barreaux étrangers de venir travailler à Paris dans de bonnes conditions, je souhaite que Paris soit un barreau ouvert à l’international. CIB : Quel est votre regard sur les avocats africains à travers ce thème de justice et sécurité qui est le thème de ce congrès ? Olivier Cousi : Les avocats africains des barreaux d’Afrique sont extrêmement courageux. Ils sont admirables parce qu’ils travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. Tout notre soutien va à ces confrères avec lesquels nous entretenons des relations excellentes de barreau à barreau mais aussi de personne à personne. Il y a dans la nature humaine, la nécessité d’être en lien les uns avec les autres. Et ce lien fait l’existence humaine, la relation à l’autre est l’essence même de la relation humaine. L’avocat est au cœur de cette relation parce qu’il est un tisseur, un passeur, celui qui fabrique ce lien et surtout le pré- serve de l’influence, de corruption et de la pression politique. Le rôle de l’avocat en Afrique plus encore qu’ailleurs est de faire porter cette liberté et cette indépendance des barreaux. CIB : Quel message souhaiteriez-vous adresser à vos confrères du Barreau de Paris et des pays membres de la CIB de façon plus globale ? Olivier Cousi : A mes confrères du barreau de Paris, je dirais : mettez les voiles, partez grand large, allez travailler à l’étranger, à l’extérieur de votre barreau. La mondialisation, c’est aussi la mondialisation du droit, des entreprises et donc il y a du travail partout et les avocats doivent partir et suivre leurs clients. A mes confrères de la CIB, je leur dirais que j’ai besoin de vous, je souhaite vous inviter tous pour que nous soyons tous réunis pour la plus grande réunion des barreaux du monde à Paris pour la CIB et montrer ainsi la puissance des Barreaux réunis. Olivier Cousi Avocat, Bâtonnier du Barreau de Paris Janvier 2020 Lettre de la CIB n° 8
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