THÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS - Synthèse - S LES IMMUNO
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MAI 2018 LES IMMUNO- ÉTAT DES LIEUX ET DES CONNAISSANCES THÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse L’INSTITUT NATIONAL DU CANCER Créé par la loi de santé publique du 9 août 2004, l’Institut national du cancer est l’agence d’expertise sanitaire et scientifique chargé de coordonner la lutte contre les cancers en France. Groupement d’intérêt public, il rassemble en son sein l’État, les grandes associations de lutte contre le cancer, les caisses d’assurance maladie, les fédérations hospitalières et les organismes de recherche. Ses missions lA ssurer une approche globale des pathologies cancéreuses l Stimuler l’innovation lP roduire des expertises et recommandations pour les décideurs et professionnels de santé lA nimer les organisations territoriales en cancérologie lA nalyser les données pour mieux orienter l’action l Informer et diffuser les connaissances liées aux cancers Ce document doit être cité comme suit : © Les immunothérapies spécifiques dans le traitement des cancers / Synthèse, France 2018, Collection états des lieux et des connaissances, INCa. Les informations figurant dans ce document peuvent être réutilisées dès lors que : (1) leur réutilisation entre dans le champ d’application de la loi N°78-753 du 17 juillet 1978 ; (2) ces informations ne sont pas altérées et leur sens dénaturé ; (3) leur source et la date de leur dernière mise à jour sont mentionnées. Ce document est téléchargeable sur e-cancer.fr 2
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse INTRODUCTION L’immunothérapie agit principalement sur le système immuni- quement modifiées en laboratoire pour exprimer des récepteurs taire du patient pour le rendre apte à attaquer les cellules can- spécifiques à leur surface. Cette production de cellules permet céreuses. d’éviter les situations de rejet en s’affranchissant du contexte de la reconnaissance HLA préalable. Les récepteurs spécifiques Dans ce domaine, l’offre des médicaments anticancéreux a été exprimés à la surface des cellules lymphocytaires T modifiées, récemment bouleversée par la mise sur le marché de nouveaux alors appelées cellules CAR-T, leur permettront de repérer des médicaments d’immunothérapie spécifique, les inhibiteurs de antigènes présents à la surface des cellules tumorales et d’appor- points de contrôle (anti-PD-1, anti-PD-L1, anti-CTLA-4) dont le ter des protéines de co-stimulation de la réponse immune (1). mécanisme d’action est illustré ci-dessous (1). Ces médicaments permettent de bloquer les « freins de l’immunité » (PD-1, PD-L1, Les inhibiteurs de points de contrôle aussi bien que les cellules CTLA-4) et donc de réactiver le système immunitaire afin que CAR-T sont associés à de nombreux enjeux, notamment en termes celui-ci lutte plus efficacement contre les cellules tumorales. de recherche clinique et d’identification des patients répondeurs, de bon usage tant du point de vue des stratégies thérapeutiques À court terme en France, d’autres médicaments d’immunothé- que de la sécurité d’emploi, de l’organisation des soins et de rapies spécifiques, cette fois de thérapie cellulaire et génique, qui l’économie. À ceci s’ajoutent des enjeux éthiques et sociaux qui sont des médicaments de thérapie innovante (MTI), les cellules sont difficiles à appréhender dans la littérature de par le faible CAR-T (Chimeric Antigen Receptor-T, CAR-T cells), viendront nombre de publications existantes référencées à ce sujet. compléter cet arsenal. L’Institut national du cancer a ainsi souhaité dédier son rapport Dans ce type de traitement, des cellules immunitaires-les lym- annuel thématique aux immunothérapies spécifiques en ciblant phocytes T-, sont prélevées dans le sang du patient puis généti- plus particulièrement les inhibiteurs de points de contrôle et les cellules CAR-T. Ce rapport a notamment pour but de produire un état des lieux du FIGURE 1 : Mécanisme d’action des anti-PD-1, anti-PD-L1 et anti-CTLA-4 développement clinique, de l’arrivée sur le marché et du profil de sécurité de ces thérapies ainsi que de fournir une analyse sur les différents enjeux associés. Il s’adresse principalement aux profession- nels de santé, aux institutions et agences de santé françaises ainsi qu’aux autres parties intéressées. La présente synthèse reprend les points clés de ce rapport. Source INCa 3
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse UN DÉVELOPPEMENT CLINIQUE RICHE Le développement clinique des inhibiteurs de points de contrôle LES CELLULES CAR-T et des cellules CAR-T est intense. Une extraction sur clinicaltrial. gov (2) réalisée en juillet 2017 a permis d’identifier plus de 1 500 En 2017, 94 % des essais cliniques en cours avec des cellules CAR-T essais cliniques en cours, évaluant : étaient des essais de phases I et I-II. Les cellules CAR-T évaluées l 15 anti-PD-1 dans 733 essais cliniques, 83 en phase III ; ont des cibles variées traduisant la diversité de l’offre en cours l 8 anti-PD-L1 dans 311 essais cliniques, 50 en phase III ; de développement. l 3 anti-CTLA-4 dans 282 essais cliniques, 39 en phase III ; l 34 cibles différentes visées par des cellules CAR-T dans 189 L’efficacité des premières cellules CAR-T autologues, c’est-à-dire essais cliniques (dont 86 ciblant CD19). produites à partir des propres lymphocytes T du patient, a été démontrée dans des cancers hématologiques ; mais de nom- Cela représente plus de 285 000 patients inclus ou à inclure. breuses études sont en cours pour évaluer leur potentielle effi- cacité dans le traitement de tumeurs solides. LES INHIBITEURS DE POINTS DE CONTRÔLE De nouvelles générations de cellules CAR-T sont en cours de Une vingtaine de localisations sont concernées par le développe- développement : elles présentent des améliorations structurelles ment des inhibiteurs de points de contrôle. Pour les anti-PD1, les dont l’objectif est d’amplifier l’effet. deux cancers majoritairement concernés en phase III sont le cancer du poumon et le mélanome, ce qui correspond aux deux localisa- Des cellules CAR-T allogéniques, produites à partir des lympho- tions dans lesquelles le nivolumab (Opdivo®) et le pembrolizumab cytes T d’un donneur, sont aussi en développement et certaines (Keytruda®) ont reçu leur première autorisation de mise sur le d’entre elles pourraient permettre de standardiser la production marché (AMM). Les anti-PD-1 ont démontré leur efficacité ou sont et l’emploi de ces thérapies (« cellules CAR-T universelles »). en cours d’évaluation dans de nombreuses localisations, mais pour certains cancers, les développements ont été ralentis voire aban- donnés en raison d’une activité insuffisante ou d’une toxicité inacceptable. Ainsi, par exemple, les développements actuels en phase III dans les cancers du sein et colorectaux sont restreints à des sous-groupes de patients où les anti-PD1 semblent actifs (cancer du sein triple négatif et cancer colorectal avec une instabilité microsatellitaire élevée). Certaines études évaluant le pembrolizu- mab dans le myélome multiple en association à la dexamethasone et aux médicaments immunomodulateurs (IMID), ont par ailleurs été arrêtées en raison d’une augmentation du risque de décès (3). En outre, une part conséquente des essais cliniques concerne des associations comportant une ou plusieurs immunothérapies. Plus de la moitié des essais cliniques de phase III évaluent les inhibi- teurs de points de contrôle en association avec au moins une autre thérapie (anti-PD-1 : n=42/83 ; anti-PD-L1 : n=33/50 ; anti- CTLA-4 : n=30/39). Il s’agit le plus souvent d’associations avec des chimiothérapies conventionnelles ou avec une autre immuno- thérapie spécifique. 4
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse LES PROGRAMMES SOUTENUS PAR L’INSTITUT NATIONAL DU CANCER Les centres labellisés INCa de phase précoce (CLIP²), centres Le programme de recherche clinique AcSé vise à proposer et à investigateurs spécialisés dans les essais précoces de nouveaux sécuriser l’accès hors AMM à des thérapies déjà autorisées dans médicaments, reçoivent un soutien logistique et financier de une autre indication. Les traitements sont alors étudiés dans des l’Institut national du cancer. L’enquête annuelle d’activité des essais cliniques de phase II ouverts à des patients, adultes et CLIP² a permis de mettre en évidence l’augmentation importante enfants, atteints d’un cancer, en situation d’échec thérapeutique du nombre de nouveaux essais cliniques concernant les immu- et ne pouvant bénéficier d’un essai clinique actif. Lancé en 2013, nothérapies spécifiques : le programme Acsé poursuit son évolution et propose de nou- l 80 nouveaux essais cliniques de ce type ont été ouverts au sein veaux protocoles sur des innovations thérapeutiques émergentes. de ces centres en 2016 ; Ainsi, l’arrivée sur le marché des anti-PD-1 a conduit à la mise l les essais évaluant des inhibiteurs de points de contrôle sont en place de deux nouveaux essais AcSé au cours du premier passés de 27 en 2015 à 55 en 2016 ; semestre 2017. Ils ont pour objectif l’évaluation du nivolumab et l une majorité d’entre eux concernaient les anti-PD-1 et les anti- du pembrolizumab dans certains cancers rares en s’appuyant PD-L1, avec respectivement 30 et 23 nouveaux essais ; sur l’organisation des réseaux cancers rares labellisés par l’INCa. l 1 601 patients ont été inclus en 2016 dans des essais cliniques Au 1er janvier 2018, 51 patients ont été inclus dans l’essai AcSé évaluant des immunothérapies spécifiques au sein de centres nivolumab et 49 dans l’essai AcSé pembrolizumab. CLIP². 5
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse LES INHIBITEURS DE POINTS DE CONTRÔLE AUTORISÉS DANS L’UNION EUROPÉENNE ET LES CELLULES CAR-T AUTORISÉES AUX ÉTATS-UNIS TABLEAU 1 : PRÉSENTATION DES TYPES DE CANCERS DANS LESQUELS LES INHIBITEURS DE POINTS DE CONTRÔLE ONT (AU MOINS) UNE INDICATION THÉRAPEUTIQUE APPROUVÉE DANS L’UNION EUROPÉENNE INHIBITEURS DE POINTS DE CONTRÔLE anti-CTLA-4 anti-PD-1 anti-PD-L1 Types de cancers* Ipilimumab Nivolumab Pembrolizumab Avelumab Atezolizumab (Yervoy®) (Opdivo®) (Keytruda®) (Bavencio®) (Tecentriq®) Mélanome 2011 juin-15 juil-15 Cancer bronchique non à petites cellules oct-15 août-16 sept-17 Carcinome à cellules rénales avr-16 Lymphome de Hodgkin classique nov-16 mai-17 Cancer épidermoïde de la tête et du cou avr-17 Carcinome urothélial juin-17 août-17 sept-17 Carcinome à cellules de Merkel sept-17 * Les libellés exacts des indications sont présentés dans le rapport. LES INHIBITEURS DE POINTS DE CONTRÔLE LES CELLULES CAR-T Au 1er février 2018, cinq inhibiteurs de points de contrôle sont L’enregistrement de deux médicaments cellules CAR-T aux États- autorisés dans l’Union européenne dans sept types de cancers Unis s’est fondé sur des essais de phase II menés en ouvert et non différents. Les localisations concernées par les AMM de ces dif- comparatifs. Les localisations concernées par les indications férents médicaments sont présentées dans le tableau ci-après, américaines et les dates d’obtention des autorisations sont résu- couplées à la date d’obtention de l’indication. Ces AMM sont mées dans le tableau ci-dessous (9, 10). Au vu du taux de réponse soutenues par des essais cliniques pivots démontrant pour plus très prometteur, l’arrivée des CAR-T sur le marché européen est de la moitié le prolongement de la survie globale avec un traite- attendue et doit être anticipée compte tenu de leurs spécificités. ment par inhibiteur de point de contrôle, par rapport à un trai- tement de référence (4–8). TABLEAU 2 : MÉDICAMENTS CELLULES CAR-T AUTORISÉS AUX ÉTATS-UNIS Molécule Localisations Date (nom de spécialité) concernées d’autorisation par les indications par la FDA américaines* Tisagenlecleucel Leucémies aiguës 30 août 2017 (Kymriah™) lymphoblastiques de type B Axicabtagene Lymphome 18 octobre 2017 ciloleucel (Yescarta™) * Les libellés exacts des indications sont présentés dans le rapport. 6
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse UNE MÉDECINE DE PLUS EN PLUS PERSONNALISÉE Les inhibiteurs de points de contrôle font partie de ce que l’on Néanmoins, l’hétérogénéité de la qualité des prélèvements et la appelle la « médecine de précision ». Ce terme fait référence à variation de l’expression des gènes au cours du temps constituent une médecine qui repose sur des traitements développés à partir des facteurs limitants, inhérents aux approches de détection d’une connaissance plus accrue des mécanismes biologiques utilisant des prélèvements tumoraux. De plus, la faisabilité et le conduisant à l’apparition et au développement des tumeurs. déploiement de ces tests sur le territoire national ont un impact L’expression de certains biomarqueurs permet d’identifier des sur le choix de l’immunothérapie en pratique courante, et donc patients qui répondent mieux à un traitement que d’autres. Ainsi, potentiellement sur les stratégies thérapeutiques. certaines AMM sont maintenant conditionnées à la recherche préalable de biomarqueurs prédictifs : À ce jour, un certain nombre de biomarqueurs potentiels ont été l expression de PD-L1 : l’AMM européenne restreint la prescription identifiés, mais leur pertinence en pratique clinique et leur degré du pembrolizumab dans le traitement du cancer bronchique non de validation sont très variables. L’identification et la validation à petites cellules en première ligne aux patients ayant plus de de biomarqueurs prédictifs restent des enjeux majeurs de la 50 % des cellules tumorales exprimant PD-L1, l’expression de recherche clinique dans ce domaine afin de mieux distinguer les PD-L1 étant associée à une meilleure réponse au traitement (7) ; patients répondeurs des non-répondeurs et définir les popula- l instabilité microsatellitaire : une AMM « agnostique » a été attri- tions cibles où le rapport bénéfices/risques de ces médicaments buée au pembrolizumab par la FDA pour le traitement de cancers, est positif. toutes histologies confondues, chez des patients porteurs d’une anomalie des gènes de réparation de l’ADN (dMMR), ou présen- tant une instabilité microsatellitaire élevée (MSI-H) (11). 7
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse UN BOULEVERSEMENT DES STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES LES INHIBITEURS DE POINTS DE CONTRÔLE quatre cycles de traitement dans le mélanome, les AMM des anti-PD-1 et anti-PD-L1 recommandent une administration « jusqu’à L’arrivée sur le marché des inhibiteurs de points de contrôle a la progression de la maladie ou l’apparition d’une toxicité inaccep- entraîné la réévaluation des stratégies thérapeutiques de certains table » ou « tant qu’un bénéfice clinique est observé ou jusqu’à ce cancers, notamment le mélanome avancé (non résécable ou que le patient ne puisse plus tolérer le traitement » (4–8). métastatique, stade IIIB/IV), le cancer bronchique non à petites cellules métastatique et le carcinome rénal avancé. En venant LES CELLULES CAR-T renforcer l’arsenal thérapeutique actuel, les inhibiteurs de points de contrôle offrent ainsi la possibilité de nouvelles lignes de Le traitement par cellules CAR-T, quant à lui, est considéré par traitement, retardant aussi potentiellement le recours aux soins certains experts comme une révolution dans le traitement d’une palliatifs. partie des cancers hématologiques. L’immunothérapie cellulaire adoptive a d’ailleurs été identifiée comme « Advance of the year La redéfinition de ces stratégies thérapeutiques dans des recom- 2018 » par la Société américaine d’oncologie clinique (ASCO) dans mandations de bonnes pratiques est un enjeu majeur en termes son 13e rapport annuel sur les progrès contre le cancer (12). de bon usage. Cependant, une telle redéfinition se heurte parfois à des obstacles méthodologiques en l’absence d’essais cliniques Néanmoins, afin d’anticiper leur arrivée en France, en particulier comparatifs par rapport aux traitements de référence actuels. celle des deux médicaments déjà autorisés aux États-Unis, il est nécessaire de bien définir les profils de patients éligibles et la La question de la durée et de la dose optimale de traitement par place de la réinjection de cellules CAR-T. Des études comparatives inhibiteur de point de contrôle pour chaque localisation de cancer entre cellules CAR-T et greffes de cellules souches hématopoïé- reste également en suspens en l’absence de données cliniques tiques sont attendues pour affiner la définition des stratégies probantes. Ainsi, si aujourd’hui l’AMM de l’ipilimumab préconise thérapeutiques. 8
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse UN PROFIL DE SÉCURITÉ D’EMPLOI PARTICULIER LES INHIBITEURS DE POINTS DE CONTRÔLE il est difficile de tirer des conclusions quant à l’impact des inhibiteurs de points de contrôle sur la qualité de vie. En effet, son évaluation L’arrivée de ces nouvelles thérapies a induit un changement de demeure complexe de par la subjectivité de la mesure et l’absence paradigme en matière de gestion des effets indésirables. En effet, ces d’études spécifiquement dédiées. médicaments sont associés le plus souvent à des effets indésirables d’origine immunologique (EII) potentiellement graves et parfois LES CELLULES CAR-T imprévisibles. Ils peuvent survenir dès l’instauration de l’immuno- thérapie et jusqu’à plusieurs mois après la fin du traitement. La Dans les résumés des caractéristiques du produit des deux cellules gestion des EII repose souvent sur la prescription d’un traitement CAR-T anti-CD19 approuvées par la FDA, une attention particulière immunosuppresseur. Ces EII nécessitent des mesures de prévention, est portée sur deux types d’effets indésirables pouvant mettre en jeu de suivi et de gestion différentes des traitements classiques de le pronostic vital du patient. chimiothérapie. Dans ce contexte, la bonne information des profes- sionnels de santé hospitaliers et de ville sur ces mesures est fonda- D’une part, le syndrome de relargage des cytokines qui survient mentale. À cet effet, l’Institut national du cancer élabore des recom- généralement durant la première semaine suivant la perfusion des mandations dédiées à la prévention et la gestion des effets indésirables cellules CAR-T et qui peut durer jusqu’à sept jours. Ce syndrome se des anticancéreux (disponibles sur e-cancer.fr) et développe actuel- traduit cliniquement par la présence de fièvre, hypotension, tachy- lement une recommandation dédiée aux inhibiteurs de points de cardie, hypoxie, frissons, arythmies cardiaques. La prévention et la contrôle. gestion de cet effet indésirable nécessitent notamment la prescription d’anti-récepteurs solubles et membranaires de l’interleukine-6, tel En raison de cette spécificité immunologique et du spectre très large que le tocilizumab, hors AMM (spécialité commercialisée en France : des effets indésirables susceptibles de survenir avec ces médica- Roactemra®), et l’implication du service de réanimation médicale. ments, l’implication de spécialistes d’organe dans leur prévention et leur gestion, en lien étroit avec les oncologues ou les hématologues, D’autre part, une atteinte neurologique peut survenir dans les huit devient indispensable. Si les pathologies cutanées et les dysfonction- premières semaines après l’injection des cellules CAR-T et peut nements endocriniens (insuffisance antéhypophysaire, dysthyroïdie, provoquer chez le patient une encéphalopathie, des maux de tête, diabète) ont été largement évoqués, d’autres effets indésirables sont des tremblements, de l’anxiété et de l’épilepsie. Cet effet indésirable identifiés en vie réelle, tels que les toxicités cardiaques pour les peut durer environ deux semaines. anti-PD-1. Il convient de noter que s’agissant d’organismes génétiquement Ce dernier point souligne tout l’intérêt du suivi des inhibiteurs de modifiés, un suivi à long terme des patients est nécessaire pour points de contrôle en vie réelle en raison du peu de recul sur leur compléter les connaissances sur le profil de sécurité d’emploi en profil de sécurité d’emploi, du nombre limité de patients inclus dans particulier virologique des cellules CAR-T. les études cliniques et de la rapidité du déploiement de ces traite- ments. Un tel suivi passe à la fois par le système de pharmacovigi- La question du suivi en vie réelle de ces médicaments est cruciale et lance et par la collecte de données en vie réelle via des études dédiées. nécessite une anticipation avant la commercialisation en France, De telles études permettent en outre de surveiller les modalités voire dans l’Union européenne des cellules CAR-T. En raison des d’utilisation des médicaments et les prescriptions hors référentiels. enjeux de sécurité d’emploi à moyen et long termes spécifiques des cellules CAR-T et de leur population cible attendue, pour le moment Un risque d’augmentation de la fatigue a été aussi observé avec les assez restreinte, la mise en oeuvre d’un suivi exhaustif, par exemple inhibiteurs de points de contrôle. La fatigue reste le symptôme le via un registre des patients est à anticiper. À cet égard, un groupe de plus fréquemment ressenti par les personnes traitées pour un cancer travail s’est réuni le 9 février 2018 à l’European Medicines Agency et peut avoir un impact sur la qualité de vie des patients. Cependant, (EMA) sur cette thématique (13). 9
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse L’UTILISATION DES INHIBITEURS DE POINT DE CONTRÔLE EN FRANCE CONDITIONS DE PRESCRIPTION ET DE DÉLIVRANCE SERVICE MÉDICAL RENDU ET AMÉLIORATION DU SERVICE MÉDICAL RENDU Les inhibiteurs de point de contrôle commercialisés en France sont des médicaments de liste I, réservés à l’usage hospitalier. Ils Au 1er février 2018, la HAS a évalué le service médical rendu sont administrés par perfusion intraveineuse à l’hôpital. Les (SMR) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR) de trois prescriptions sont réservées exclusivement aux spécialistes (can- inhibiteurs de points de contrôle (pembrolizumab, nivolumab et cérologues/hématologues). ipilimumab) pour un total de douze indications thérapeutiques concernant cinq localisations de cancers : le mélanome, le cancer ORGANISATION DES SOINS : SÉANCES VERSUS bronchique non à petites cellules (CBNPC), le carcinome rénal, HOSPITALISATIONS COMPLÈTES le lymphome de Hodgkin et le carcinome épidermoïde de la tête et du cou (14–31) : Ces traitements sont le plus souvent administrés en hôpital de l plus de 90 % des indications évaluées ont été agréés aux collec- jour, sous surveillance adéquate, et nécessitent du temps médical tivités (84 % de SMR « important » et 8 % de SMR « modéré ») ; et un infirmier dédié. Seulement 5 % des administrations de l pour près de 70 % des indications évaluées, les immunothéra- nivolumab, 9 % pour pembrolizumab et 11 % de celles de l’ipili- pies spécifiques apportent un progrès thérapeutique par rap- mumab, ont été réalisées en hospitalisation complète en 2016 port aux traitements existants (notamment quatre ASMR III (données ATIH, traitement INCa). Face à la constante augmenta- « modérée » attribuées, soit 33 % des indications). tion de la file active, les personnels hospitaliers devront s’adapter aux contraintes logistiques qui en découlent. INSCRIPTION SUR LA LISTE EN SUS NOMBRE DE PATIENTS TRAITÉS À ce jour, toutes les indications thérapeutiques évaluées par la HAS sont inscrites sur la liste en sus, à l’exception du nivolumab Depuis 2014, on observe une diminution du nombre de nouveaux dans le traitement de la maladie de Hodgkin et dans le carcinome patients traités par ipilimumab (1 080 nouveaux patients en 2014, épidermoïde de la tête et du cou, ainsi que du pembrolizumab 561 nouveaux patients en 2015 et 322 nouveaux patients en 2016). dans le traitement du carcinome urothélial chez les patients iné- À l’inverse, on observe une augmentation du nombre de nouveaux ligibles aux sels de platine. À noter que l’ipilimumab a été radié patients traités par nivolumab (3 966 nouveaux patients en 2015 de la liste en sus depuis le 1er mars 2018 pour son indication dans et 8 720 en 2016) et pembrolizumab (903 nouveaux patients en le mélanome de l’adulte dans les suites d’une réévaluation du 2015 et 1 023 en 2016) (données ATIH, traitement INCa). SMR et de l’ASMR par la Commission de la transparence en 2017. POPULATION CIBLE La Haute Autorité de santé (HAS) a estimé les populations cibles en France pour ipilimumab, nivolumab et pembrolizumab, toutes indications confondues, à environ 20 000 nouveaux patients par an (14–31). 10
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse CELLULES CAR-T : UN CIRCUIT COMPLEXE Le processus de fabrication et le circuit de ces médicaments, France des cellules CAR-T nécessitera de se poser la question de illustrés dans le schéma ci-dessous, sont complexes. L’arrivée en la restriction de leur emploi à certains centres spécialisés. FIGURE 2 : Principales étapes d’un traitement par cellules CAR-T autologues Source INCa 11
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse LA SOUTENABILITÉ DES DÉPENSES DES PRIX ÉLEVÉS ment d’associations d’immunothérapies spécifiques entre elles est un autre facteur pouvant contribuer à l’accroissement des Seules trois des cinq immunothérapies spécifiques autorisées dépenses. Les tests moléculaires peuvent aussi engendrer une dans l’Union européenne ont actuellement un prix défini et augmentation des coûts totaux. disponible en France. L’atezolizumab et l’avelumab ayant obtenu leur AMM plus récemment, leur prix n’a pas encore été déter- DES ENJEUX ÉCONOMIQUES MAJEURS miné. À titre indicatif, il faut compter plus de 15 000 euros pour douze semaines de traitement avec un anti-PD-1 en monothéra- Les développements cliniques de phase III des inhibiteurs de pie pour un patient de 70 kilos. points de contrôle dans de multiples localisations tumorales, de plus en plus souvent en association sans durée de traitement Pour les CAR-T, aux États-Unis, le prix d’une injection de tisagen- déterminée, présagent d’une majoration des dépenses liées à ces lecleucel serait de 475 000 dollars (US) (32) et d’axicabtagene médicaments. ciloleucel de 373 000 dollars (US) (33). Ceci suppose une anticipa- tion des modalités de financement de tels médicaments lorsqu’ils L’arrivée des cellules CAR-T sur le marché américain et, à court seront autorisés en France. terme, dans l’Union européenne fait émerger de nombreuses nouvelles questions quant au coût réel d’un tel traitement, eu DÉPENSES ASSOCIÉES AUX INHIBITEURS égard au circuit complexe du médicament et au parcours qui en DE POINT DE CONTRÔLE découle pour le patient. Aux États-Unis, le financement des cel- lules CAR-T fait l’objet de « contrats de performances » avec pour L’évolution des dépenses associées aux inhibiteurs de point de critère d’évaluation la réponse au traitement. La France étudie contrôle est très rapide : en miroir de l’augmentation du nombre la pertinence et la faisabilité de tels contrats, dont la réussite est d’indications thérapeutiques autorisées pour les inhibiteurs de conditionnée au renseignement de registres exhaustifs, au bon points de contrôle, les dépenses associées à ipilimumab, nivolu- choix du critère de performance et à l’interprétation partagée mab et pembrolizumab ont presque triplé en un an, passant de des résultats obtenus. 120 millions d’euros en 2015 à plus de 340 millions d’euros en 2016 (données ATIH). L’impact budgétaire prévisible des inhibiteurs de points de contrôle et des cellules CAR-T conduit à s’interroger sur la capa- En outre, les coûts croissent en raison des modalités d’adminis- cité et les évolutions à envisager pour le système de protection tration au long cours de la plupart des molécules (jusqu’à pro- sociale français afin de maintenir un accès équitable à l’innova- gression de la maladie ou toxicité inacceptable). Le développe- tion et aux meilleurs traitements pour tous les patients. 12
LES IMMUNOTHÉRAPIES SPÉCIFIQUES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS / Synthèse LISTE DES PARTICIPANTS RÉDACTION, ANALYSE DES DONNÉES l Dr Guy-Robert AULELEY, Directeur adjoint, Pôle Recherche et ET COORDINATION Innovation, INCa l Dr Muriel DAHAN, Directrice, Direction des Recommandations l Elsa BOUEE-BENHAMICHE, Chef de projets, Département Obser- et du médicament, INCa vation, veille, évaluation, INCa l Sophie NEGELLEN, Responsable du département médicament, l Dr Jeanne Marie BRECHOT, Responsable de projets, Département INCa Organisation et parcours des soins, INCa l Elisabeth BERMUDEZ, Chef de projets, Département l Pr Christine CHOMIENNE, Directrice, Pôle Recherche et Innova- médicament, INCa tion, INCa l Hélène DENIS, Chef de projets, Département médicament, INCa l Frédéric De BELS, Responsable du département dépistage, INCa l Ghislain GROSJEAN, Chef de projets, Département médicament, l Pr Éric DECONINCK, PU-PH, Chef de pôle cancérologie, CHRU INCa Besançon l Manon SCHWAGER, Chargée de projets, Département l Marianne DUPERRAY, Responsable du département Bonnes médicament, INCa Pratiques, INCa l Dr Laetitia GAMBOTTI, Responsable du département recherche CONTRIBUTIONS clinique, INCa l Axel BOURSICOT, stagiaire, Département médicament, INCa l Pr Bernard GUILLOT, Dermatologue, Pôle cliniques médicales, l Quentin DARDONVILLE, Interne en pharmacie, Département Département de dermatologie, CHU de Montpellier médicament, INCa l Pr Stéphane HONORÉ, PU-PH, Pharmacie clinique et l Claire DAVOINE, Interne en pharmacie, Département oncopharmacologie, CHU de Marseille / Président de la Société médicament, INCa française de pharmacie clinique l Jérôme FOUCAUD, Responsable du département Recherche en l Pr Norbert IFRAH, Président de l’INCa sciences humaines et sociales, santé publique, épidémiologie, l Dr Géraldine JEUDY, Dermatologue, Hôpital Le Bocage, CHU INCa Dijon l Ségolène GURNOT-JEAN, Chargée de projet, Département l Pr Jérôme LARGHERO, Responsable de l’unité fonctionnelle de médicament, INCa thérapie cellulaire de l’hôpital Saint-Louis, AP-HP l Dr Nathalie HOOG-LABOURET, Responsable de la mission l Pr Céleste LEBBÉ, Responsable du centre d’oncodermatologie, AcSé, Recherche en pédiatrie, INCa Hôpital Saint-Louis, AP-HP l Frédéric LEGRAND, Chargé de projet, Département Biologie, l Dr Aurélien MARABELLE, Directeur clinique du programme transfert et innovation, INCa d’immunothérapie, Gustave Roussy l Oussama MAHDOUT, Interne en pharmacie, Département l Pr Noël MILPIED, PU-PH, Chef de service, Hématologie clinique médicament, INCa et thérapie cellulaire, CHU de Bordeaux l Frédérique NOWAK, Responsable du département Biologie, l Pr Catherine RIOUFOL, Pharmacien Chef de Service, PUPH, Transfert et Innovations, INCa Hospices civils de Lyon l Pr Jean Christophe SABOURIN, PU-PH, Directeur du laboratoire RELEVÉ DES DONNÉES DE CONSOMMATION d’anatomie et cytologie pathologiques, CHU de Rouen, Président l Philippe CAVALIE, Direction de la Surveillance, ANSM de la Société française de pathologie l Dr Christine LE BIHAN, Responsable de projets, Département l Dr Linda SAKHRI, pneumologue-oncologue thoracique, Institut Observation, veille, évaluation, INCa Daniel Hollard, Groupe hospitalier mutualiste de Grenoble l Pr Hervé TILLY, Hématologue PU-PH, Centre de lutte contre le RELECTEURS cancer Henri-Becquerel, Rouen l Dr Guy-Robert AULELEY, Directeur adjoint, Pôle Recherche et l Dr Jérôme VIGUIER, Directeur, Pôle santé publique et soins, INCa Innovation, INCa l Dr Ivan BIECHE, MCU-PH, unité de pharmacogénomique, RELECTURE INSTITUTIONNELLE Institut Curie l Agence nationale de sécurité des médicaments l Pr Nicolas BOISSEL, PU-PH, Unité Adolescents et Jeunes Adultes, et des produits de santé (ANSM) Service Clinique des Maladies du Sang, Hôpital Saint-Louis, AP-HP l Haute Autorité de santé (HAS) 13
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Pour plus d’informations e-cancer.fr Institut national du cancer 52, avenue André Morizet 92100 Boulogne-Billancourt France Tel. +33 (1) 41 10 50 00 Édité par l’Institut national du cancer Tous droits réservés - Siren 185 512 777 ETIMMUNOSYN2018 Conception : INCa ISBN : 978-2-37219-374-0 ISBN net : 978-2-37219-375-7 DEPÔT LÉGAL MAI 2018
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