Tumeurs du foie, primitives et secondaires (151)
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Faculté de Médecine de Marseille Tumeurs du foie, primitives et secondaires (151) Pr Yves Patrice Le Treut, Dr Jean Hardwigsen, Dr Stéphane Garcia, Pr Gilles Houvenaeghel Juin 2005 Objectifs : Diagnostiquer une tumeur du foie primitive et secondaire 1. Introduction Les progrès de l’imagerie des 15 dernières années ont bouleversé l’approche diagnostique des tumeurs du foie, qui pendant longtemps n’étaient découvertes qu’à un stade trop évolué pour espérer un traitement efficace quand il s’agissait de tumeurs malignes. Les tumeurs bénignes sont désormais bien identifiées. La chirurgie hépatique et la transplantation ont fait depuis 10 ans des progrès remarquables, permettant de traiter beaucoup de patients avec un risque opératoire acceptable. Les progrès de la chimiothérapie permettent d’entrevoir une amélioration significative des résultats du traitement des métastases des cancers colo-rectaux. Cependant, ces progrès ont aussi induit des situations dont les solutions thérapeutiques ne sont pas toujours codifiées (par exemple, la conduite à tenir devant une tumeur de découverte fortuite). Nous avons limité le sujet aux tumeurs solides du foie, qu’elles soient bénignes ou malignes, primitives ou secondaires, excluant de ce fait les lésions kystiques et abcédées du foie. La question est envisagée globalement, telle qu’elle se présente en pratique clinique, et non affection par affection, comme le sujet est ordinairement traité. L’accent est mis sur le diagnostic des lésions les plus fréquentes et, pour les lésions malignes, sur les lésions curables. 2. Epidémiologie Il est difficile de connaître la fréquence respective des différentes tumeurs bénignes et malignes du foie. On peut néanmoins retenir : 1. Parmi les tumeurs malignes, les métastases hépatiques sont 10 à 20 fois plus fréquentes que les tumeurs malignes primitives. 2. Parmi les tumeurs malignes primitives, le carcinome hépatocellulaire est le plus fréquent. Il est une des premières tumeurs malignes solides dans le monde. On observe de grandes variations géographiques de son incidence : en Europe occidentale, elle est de l’ordre de 10 à 50 cas par an et par million d’habitants (Mh) et de 10 à 200 dans le bassin méditerranéen. En Afrique, en Asie du Sud-Est et en Chine, l’incidence est de 50 à 350 /an /Mh. 3. Parmi les tumeurs bénignes, la prévalence de l’angiome est de 30 000 / Mh (soit 3 pour 100), identique à celle des kystes simples du foie ; la prévalence de l’hyperplasie nodulaire focale est dix fois moindre (3 pour 1000) ; la prévalence de l’adénome est dix fois moindre que celle de l’hyperplasie nodulaire focale (3 pour 10000). 4. Le tableau I donne une idée de la fréquence respective des tumeurs dans une très grande série autopsique (D’après Craig JR, Peters RL, Edmondson HA. Tumors of the liver and intrahepatic bile ducts. Atlas of tumor pathology, Second series, fascicule 26, Armed Forces Institute of Pathology, Washington, 1988.). Ces résultats recoupent à peu près les données cliniques : les métastases sont huit fois plus fréquentes que les tumeurs bénignes, qui sont presque toutes des angiomes, et 16 fois plus fréquentes que les tumeurs malignes primitives qui sont presque toutes des carcinomes hépatocellulaires. DCEM 2 – Module 10 1
Faculté de Médecine de Marseille Tableau I : Prévalence des tumeurs dans une série autopsique. TYPE DE TUMEUR N / 1000 Métastases (tous types) 840 Tumeurs malignes primitives 54 Carcinome hépatocellulaire 48 Cholangiocarcinome périphérique 3 Cholangiocarcinome hilaire 2 Autres tumeurs malignes primitives 1 Tumeurs bénignes 106 Angiome 98 Hyperplasie nodulaire focale 5 Cholangiome bénin 2 Adénome hépatocellulaire 1 Total 1000 Fréquences relatives rapportées à 1000, à partir de 96 625 autopsies, dont 8 685 présentaient une tumeur du foie. 3. Etiologie, Anatomie pathologique, Pathogénie La classification de Craig, Peters et Edmondson des tumeurs du foie (Tableau II) est basée sur l’origine embryologique de ses composants : l’épithélium de l’intestin antérieur donne les voies biliaires et le parenchyme hépatique, et le mésenchyme du septum transversum est à l’origine des vaisseaux et des cellules de Küpffer.. 3.1. Classification des tumeurs du foie (tableauII) Tumeurs épithéliales bénignes Hyperplasie nodulaire focale* Hyperplasie nodulaire régénérative Adénome hépatocytaire* Adénomatose Macronodule de régénération* Kystes hépatiques Kystes simples Cystadénome Polykystose hépatique Adénome biliaire (cholangiome) Tumeurs mésenchymateuses bénignes Angiome caverneux* Autres : hamartome mésenchymateux, hémangioendothéliome infantile, lymphangiomatose, angiomyolipome, léiomyome, fibrome, myxome, pseudo-tumeur inflammatoire Tumeurs épithéliales malignes Carcinome hépatocellulaire * : forme typique, fibrolamellaire, à cellules fusiformes, à cellules claires, fibrosant … Hépatoblastome Cholangiocarcinome * • Hilaire (tumeur des gros canaux biliaires (convergence) • Périphérique (tumeurs des canalicules biliaires) Cystadénocarcinome DCEM 2 – Module 10 2
Faculté de Médecine de Marseille Tumeurs mésenchymateuses malignes : Angiosarcome*, hémangioendothéliome épithélioïde, léiomyosarcome, fibrosarcome, lymphome. Tumeurs malignes secondaires ou métastases * (les astérisques correspondent aux lésions détaillées dans le cours) 3.1.1. L’hyperplasie nodulaire focale L’hyperplasie nodulaire focale est une lésion bénigne, qui résulterait de l’adaptation d’un territoire hépatique à une hypervascularisation artérielle. La lésion est unique dans 70 % des cas. Sa taille varie de 1 à 15 cm, en moyenne 5 cm. La tumeur est bien limitée mais non encapsulée. Sa coloration est un peu plus pâle que le foie adjacent. Lorsque la lésion mesure plus de 2 cm, on retrouve à la coupe une zone centrale fibreuse, stellaire, d’où partent des tractus qui donnent à la lésion un aspect lobulé pseudo-cirrhotique. Les remaniements nécrotiques et hémorragiques sont absents. Histologiquement, la lésion est constituée d’hépatocytes normaux. La zone centrale est constituée d’un tissu conjonctif dense contenant des vaisseaux artériels. De petits ductules biliaires peuvent être retrouvés dans les septa fibreux, mais aucune structure portale normale n’est retrouvée. La forme dite “ télangiectasique ” de l’hyperplasie nodulaire focale qui présente des remaniements vasculaires importants et peu de fibrose est difficile à distinguer d’un adénome 3.1.2. L’adénome hépatocytaire L’adénome hépatocytaire est une tumeur bénigne très rare, qui s’observe presque exclusivement chez la femme jeune, et qui est favorisée par la prise de contraceptifs oraux fortement dosés en oestrogènes. Elle est généralement unique, mesurant de 1 à 20 cm de diamètre, en moyenne 10 cm. A la coupe, la lésion est polychrome en raison de foyers fréquents hémorragiques et de nécrose. En dehors de ces zones, la couleur est proche de celle du foie normal. Il n’y a pas de fibrose intratumorale visible. Histologiquement, la lésion est circonscrite, parfois encapsulée, composée d’hépatocytes normaux, parfois stéatosiques, rangés en travées. La tumeur ne contient ni espace porte ni branche terminale de la veine porte, ni structure biliaire. Le diagnostic différentiel avec un carcinome hépatocellulaire hyperdifférencié est difficile, en particulier sur une ponction biopsie. L’adénomatose est caractérisée par la présence de nombreux adénomes (plus de 10) dans un foie par ailleurs normal. La maladie est différente de l’adénome : la prédominance féminine est moins marquée et il n’y a pas de relation avec la prise de contraceptifs oraux. Il existe un risque élevé d’hémorragie intratumorale ou intrapéritonéale. 3.1.3. L’angiome (ou hémangiome) caverneux L’angiome (ou hémangiome) caverneux est probablement la conséquence d’une malformation vasculaire congénitale. La lésion est le plus souvent unique. Elle mesure de quelques mm à 20 cm. Le terme d’angiome “ géant ” est réservé aux lésions de plus de 10 cm. L’angiome est de couleur rouge et s’affaisse à la coupe. Certains sont le siège de remaniements fibreux, notamment au centre de la tumeur, ces phénomènes témoignant d’une involution tumorale. Histologiquement, la tumeur est circonscrite, composée de cavités vasculaires de taille variable bordées d’un épithélium simple non atypique, séparées par des septa fins, souvent incomplets et peu cellulaires. Lorsqu’ils sont plus épais, ils peuvent contenir des branches artérielles et des petits canaux biliaires. DCEM 2 – Module 10 3
Faculté de Médecine de Marseille 3.1.4. Le macronodule de régénération Le macronodule de régénération est une lésion bénigne qui s’observe au cours des cirrhoses avec une prévalence de 10 %. Ils peuvent être uniques ou multiples, mesurent de 1 à 12 cm et font saillie sous la capsule. Histologiquement, ils sont composés de travées hépatocytaires de une à deux cellules d’épaisseur. Ils incluent habituellement des espaces porte complets plus ou moins normaux. Il n’y a pas de capsule véritable mais une densification du stroma péri- lésionnel. Le diagnostic différentiel avec un carcinome hépatocellulaire est difficile. Les macronodules dysplasiques sont des lésions précancéreuses. 3.1.5. Le carcinome hépatocellulaire Le carcinome hépatocellulaire se développe sur un foie cirrhotique dans 75 à 90 % des cas. Les cirrhoses post-hépatitiques C, les cirrhoses post-hépatitiques B ou B-D, les cirrhoses éthyliques et l’hémochromatose génétique sont les causes les plus fréquentes de carcinome hépatocellulaire (Parmi les causes rares, on peut citer la cirrhose auto-immune, la cirrhose wilsonnienne, la cirrhose par déficit en α1 anti-trypsine, la cirrhose biliaire primitive. Parmi les causes très rares : la cirrhose biliaire secondaire, la maladie de Rendu Osler, le syndrome d’Alagille, la maladie de Byler, la glycogénose de type I, la maladie de Franconi, la fructosémie, la tyrosinémie, l’exposition à l’aflatoxine, au thorotrast, au chlorure de vinyle, aux rayons X, la prise de stéroides anabolisants et/ou androgéniques ). La cirrhose est un état précancéreux : elle comprend une régénération hépatocytaire permanente c'est-à-dire une prolifération cellulaire continue et contrôlée. La filiation cirrhose-cancer est certaine et l’incidence annuelle du carcinome hépatocellulaire chez le patient cirrhotique est de 2 à 6 %. Les mécanismes de la carcinogénèse sont non spécifiques, liés à la nécrose et à la régénération cellulaire permanente. Seule la carcinogénèse liée à l’infection par le virus de l’hépatite B fait appel à des mécanismes spécifiques viraux (intégration au génome de l’hépatocyte). La carcinogénèse liée à l’infection par le virus de l’hépatite C est encore mal connue : son mécanisme est probablement non spécifique ; mais il existe aussi des cas de carcinome hépatocellulaire associés à une infection par le virus C sans cirrhose. L’examen macroscopique montre soit une tumeur unique, soit plusieurs tumeurs, soit plus rarement, une infiltration diffuse. La (ou les) tumeur fait saillie sous la capsule de Glisson (les métastases sont plutôt ombiliquées). A la coupe, la tumeur est classiquement jaune d’or et siège de nombreux remaniements (rétention biliaire, foyers hémorragiques d’âge variable) responsables d’un aspect polychrome, avec des zones de coloration verdâtre, rouge ou noire. Lorsque la tumeur est encapsulée (55 % des cas), elle a un aspect expansif et semble refouler le parenchyme péritumoral. L’envahissement tumoral de la veine porte est fréquent (> 50 %), celui des veines hépatiques n’est pas exceptionnel (10 à 20 %), celui des voies biliaires est rare (5 %). L’aspect microscopique est très variable d’une tumeur à l’autre et à l’intérieur d’une même tumeur. Dans les tumeurs bien différenciées, l’architecture est proche de celle du foie normal : des lames d’hépatocytes normaux sont séparées par des vaisseaux de type capillaire sinusoïde. Plus souvent, l’agencement des cellules est plus grossier. Dans les tumeurs peu différenciées, les cellules tumorales s’agencent en massifs cellulaires. Le stroma tumoral est grêle, sauf dans certaines variantes. Parmi les variantes histologiques du carcinome hépatocellulaire, le carcinome fibrolamellaire est une tumeur rare, du sujet jeune, qui se développe sur un foie non cirrhotique. La lésion est volumineuse. La fibrose peut y occuper jusqu’à la moitié de la masse tumorale. La macroscopie peut évoquer une hyperplasie nodulaire focale. L’invasion vasculaire ou biliaire est inhabituelle. Le pronostic serait meilleur que celui de la forme classique. Le carcinome à cellules fusiformes ou sarcomatoïde représente 3 à 5 % des carcinomes hépatocellulaires. Il pose un problème de diagnostic différentiel avec les sarcomes. DCEM 2 – Module 10 4
Faculté de Médecine de Marseille 3.1.6. Le cholangiocarcinome Le cholangiocarcinome est développé à partir de l’épithélium des canaux biliaires : il s’agit donc d’un adénocarcinome. L’existence d’une cirrhose associée est très rare. Parmi les facteurs étiologiques, on relève la cholangite sclérosante primitive, la lithiase intra-hépatique, l’infestation parasitaire chronique des voies biliaires, les dilatations kystiques congénitales des voies biliaires, l’exposition au thorotrast (Le thorotrast est une solution colloïdale de dioxide de thorium qui a été utilisée comme produit de contraste radiologique entre 1930 et 1953. La substance s’accumule dans le système réticulo-endothélial en particulier au niveau du foie, et émet des radiations alpha pendant très longtemps (demi-vie : 400 ans). Le temps nécessaire pour développer une tumeur se situe entre 12 et 40 ans.). Il existe deux formes de cholangiocarcinome : celle qui est développée au niveau de la convergence des canaux biliaires, ou cholangiocarcinome hilaire (ou encore de tumeur de Klatskin), qui se présente comme une tumeur des voies biliaires ; celle qui est développée au niveau des voies biliaires intra- hépatiques distales, ou cholangiocarcinome “ périphérique ”, qui se présente comme une tumeur du foie. Macroscopiquement, le cholangiocarcinome périphérique peut être massif, nodulaire unique ou multiple, ou diffus. A la coupe, le tissu tumoral est blanc-grisâtre, avec une rétraction centrale et une périphérie plus charnue. Comme le carcinome hépatocellulaire, elle fait saillie sous la capsule. Dans la forme diffuse, elle réalise un épaississement diffus des parois des voies biliaires, dont le caractère tumoral n’est pas toujours évident. Microscopiquement, le cholangiocarcinome a une architecture tubulée, avec une sécrétion de mucine dans la majorité des cas. Le stroma conjonctif abondant est très caractéristique. Il n’y a aucune différence histologique entre les formes hilaires et les formes périphériques. Le diagnostic différentiel avec la métastase d’un adénocarcinome est un problème majeur, parfois insoluble. L’immuno- histochimie n’a qu’un intérêt limité dans ce contexte. 3.1.7. L’angiosarcome L’angiosarcome qui est la plus fréquente des tumeurs mésenchymateuses malignes est une tumeur très rare, qui se développe à partir des cellules endothéliales bordant les sinusoïdes. L’angiosarcome primitif peut être difficile à distinguer des métastases d’un angiosarcome extra- hépatique. L’angiosarcome touche plutôt l’homme. Dans 30 % des cas, la tumeur est induite par un agent toxique, en particulier le thorotrast ou le monomère de chlorure de vinyle. La tumeur se présente très rarement comme un nodule solitaire ; elle est habituellement formée de multiples nodules de coloration gris-blanchâtre avec des foyers hémorragiques. Le foie péritumoral est sain. L'angiosarcome se manifeste par une hépatomégalie, une ascite, un ictère, un hémopéritoine, une thrombopénie, un souffle systolique dans l’aire hépatique. Son évolution est rapidement mortelle. 3.1.8. Les tumeurs malignes secondaires ou métastases Les tumeurs malignes secondaires ou métastases sont plus souvent d’origine épithéliale que conjonctive. Le tableau III (Même référence que les tableaux I et II ) montre la fréquence des métastases en fonction de leur site d’origine dans une série autopsique. Le foie est le premier site métastatique pour les cancers des organes drainés par la veine porte ; il peut être, souvent, le seul site pour certains d’entre eux comme les cancers colorectaux ou les tumeurs neuroendocrines. Mais le foie est aussi le premier site métastatique pour les cancers de siège extra-abdominal comme le cancer bronchique ou le cancer mammaire. Enfin, il n’est pas exceptionnel que la tumeur primitive ne soit pas retrouvée à l’autopsie. Macroscopiquement, l’aspect le plus évocateur de métastases est une dissémination de nodules dans un foie sain (la survenue de métastases sur un foie de cirrhose est tout à fait exceptionnelle). Classiquement, les métastases s’accompagnent d’une rétraction de la capsule de Glisson qui leur donne un aspect ombiliqué. L’aspect microscopique est très variable. Certaines DCEM 2 – Module 10 5
Faculté de Médecine de Marseille lésions bien différenciées permettent, sur leur aspect histologique, d’orienter aisément vers le site primitif. Les problèmes de diagnostic différentiel se posent surtout entre : a) cholangiocarcinome périphérique versus adénocarcinome métastatique ; b) carcinome hépatocellulaire à cellules claires versus métastase d’un adénocarcinome du rein : c) carcinome hépatocellulaire versus métastase par un mélanome ; d) caractère primitif ou métastatique de tous les sarcomes. Tableau III : Prévalence des métastases hépatiques dans une série autopsique Site du cancer Nombre Nombre de cas avec Fréquence (%) des primitif de cas métastases métastases hépatiques hépatiques Bronchique 682 285 42 % Colorectal 323 181 56 % Pancréatique 179 126 70 % Mammaire 218 116 53 % Gastrique 159 70 44 % Primitif inconnu 102 59 57 % 3.1.9. Les métastases des tumeurs carcinoïdes Les métastases des tumeurs carcinoïdes sont les plus fréquentes des tumeurs neuro- endocrines. Elles proviennent de tumeurs étagées sur les voies aéro-digestives, développées à partir des cellules entérochromaffines du système neuroendocrine diffus (Elles sont dites entérochromaffines, car elles sont colorées par le chromate de potassium. Les cellules de ce système neuroendocrine diffus ont des caractéristiques embryologiques, anatomiques et fonctionnelles communes, parmi lesquelles la propriété biochimique de capter et de décarboxyler des précurseurs aminés (APUD). Les tumeurs carcinoïdes se développent donc à partir de cellules similaires à celles qui donnent naissance aux tumeurs endocrines du pancréas et aux phéochromocytomes ). Les métastases hépatiques des tumeurs carcinoïdes de l’appendice sont très rares (2 %) ; celles des tumeurs carcinoïdes du colon et de l’intestin grêle sont fréquentes (30 à 60 %). Macroscopiquement, les lésions sont le plus souvent multiples et de petite taille, mais l’inverse est possible. Elles sont hypervascularisées. Microscopiquement, les tumeurs ne sont pas encapsulées, les cellules sont monomorphes, de forme polygonale avec un noyau central et des granules au pôle basal. Ces granules sécrétoires sont particulièrement bien observés en microscopie électronique. Les métastases hépatiques des tumeurs carcinoïdes sont responsables d’une sécrétion hormonale, inconstante, elle est d’autant plus fréquente que la tumeur primitive est haut située sur le tractus digestif. 3.2. Ce qu’il faut absolument comprendre • Les tumeurs bénignes du foie sont rares, sauf les angiomes qui sont fréquents (3% de la population) mais qui ne comportent aucun risque évolutif. • Les tumeurs malignes du foie les plus fréquentes sont les métastases. Elles peuvent être observées au niveau du foie dans l’évolution de la plupart des cancers, qu’ils soient de siège digestif ou non. Elles sont plus souvent multiples qu’uniques, et sont souvent associées à des métastases extra-hépatiques. • Le carcinome hépatocellulaire est de très loin la première tumeur maligne primitive du foie. Dans certains pays, il réalise un problème de santé publique. Il se développe dans la majorité des cas (75 à 90 %) sur un foie de cirrhose, qui peut être considéré comme un état précancéreux, et doit être surveillé comme tel. A l’inverse, les autres tumeurs hépatiques sont exceptionnelles sur un foie cirrhotique. La tumeur est souvent unique, hypervascularisée, encapsulée, et elle a un mode d’extension très spécifique : elle envahit la lumière de la veine porte et de ses branches. DCEM 2 – Module 10 6
Faculté de Médecine de Marseille • Le cholangiocarcinome périphérique n’est pas exceptionnel. Bien qu’il se développe au niveau des petits canaux biliaires, il se présente comme une tumeur du foie, hypovascularisée, infiltrant, histologiquement difficile à distinguer des métastases des adénocarcinomes. 4. Manifestations cliniques Les manifestations cliniques des tumeurs du foie dépendent : a) du volume des lésions : seules les lésions volumineuses sont susceptibles de donner des symptômes, (avec un seuil que l’on peut fixer à 5 cm environ) ; et b) du parenchyme extra-tumoral : en cas de cirrhose, les signes cliniques (et para cliniques) de la cirrhose s’ajoutent aux signes de la tumeur ; enfin, c) de l’apparition de complications évolutives au niveau de la tumeur ou du parenchyme hépatique, toutes deux étant volontiers corrélées. Rarement enfin, on peut observer des manifestations plus spécifiques de certaines tumeurs, comme la sécrétion hormonale des métastases des tumeurs neuro-endocrines ou certains syndromes para-néoplasiques des tumeurs malignes primitives carcinomes. 4.1. Symptomes et signes Parmi les SYMPTOMES ET LES SIGNES évocateurs, on peut noter : 4.1.1. Des douleurs hépatiques ou hépatalgies Elles seraient dues à la mise en tension de la capsule de Glisson par la tumeur, ou à l’irritation de la coupole diaphragmatique par l’hépatomégalie. La douleur est située dans l’hypocondre droit ou sous les dernières côtes droites, elle irradie vers le dos et le thorax, elle peut être continue ou intermittente, son intensité est variable, d’autant plus intense que l’augmentation du volume du foie (ou de la lésion) est rapide ; elle peut être spontanée ou provoquée par l’effort, les mouvements, la respiration ; elle est souvent soulagée par la position assise ; elle peut être reproduite voire majorée par l’ébranlement hépatique. L’hépatalgie est différente de la colique hépatique (L’hépatalgie est différente de la colique hépatique, mal nommée car il ne s’agit pas d’une colique (qui serait paroxystique) et parce qu’elle n’est pas d’origine hépatique (mais biliaire, par mise en tension des voies biliaires en amont d’un obstacle intermittent) : la colique hépatique siège plus souvent dans l’épigastre que dans l’hypocondre droit, elle a une irradiation vers la pointe de l’omoplate droite ; elle débute brutalement, atteint son intensité maximale en moins d’une heure, dure plusieurs heures sans paroxysme et cède rapidement ; elle entraîne une gêne ou une inhibition respiratoire, et s’accompagne souvent de vomissements ). 4.1.2. La constatation d’une masse palpable Est une autre circonstance de découverte. Pour être palpée, il faut que la tumeur soit volumineuse, ou siège sur le bord ou la face antérieure du foie. La masse siège au niveau de l’hypocondre droit (lobe droit) ou de la région épigastrique (lobe gauche). Son origine hépatique est probable si elle est mobile avec la respiration. Une tumeur pédiculée peut être anormalement mobile. Il faut préciser la consistance, les limites, la sensibilité de la masse. A l’auscultation, les tumeurs hypervascularisées (carcinome hépatocellulaire, angiosarcome) peuvent donner un souffle systolique. Si les tumeurs sont multiples, elles peuvent être responsables d’une hépatomégalie et à la palpation, donner l’impression d’un foie irrégulier, “ marronné ”. Si le volume tumoral est très important, l’hépatomégalie devient visible, soulevant le rebord chondral ; elle peut s’accompagner d’œdèmes des membres inférieurs par compression de la veine cave inférieure. DCEM 2 – Module 10 7
Faculté de Médecine de Marseille 4.1.3. La fièvre Inexpliquée est un mode de révélation classique des tumeurs malignes du foie, plutôt primitives que secondaires. Il s’agit d’une fièvre irrégulière, peu élevée. L’altération de l’état général (asthénie, amaigrissement) est un motif fréquent de consultation. 4.1.4. Les syndromes paranéoplasiques des tumeurs primitives du foie ne sont pas exceptionnels et ils peuvent dominer le tableau clinique. On peut citer : a) la polyglobulie due à une sécrétion d’érythropoïétine par la tumeur ; b) l’hypoglycémie due à la consommation de glucose par une tumeur volumineuse ; c) l’hypercalcémie due à la sécrétion d’une substance ayant une activité parathyroïdienne : elle est fréquente dans la variante fibreuse du carcinome hépatocellulaire. 4.1.5. Le syndrome carcinoïde Le syndrome carcinoïde est rare, mais pathognomonique des métastases hépatiques des tumeurs carcinoïdes. Il résulte des effets à court terme et à long terme des substances vaso- actives libérées par la masse tumorale dans la circulation générale, en premier lieu la sérotonine et la kallicréine. Les signes cardinaux du syndrome carcinoïde sont le flush (90 % des cas), la diarrhée (75 %) et les manifestations cardiaques (40 %). Le flush est constitué de bouffées vasomotrices qui prédominent sur la partie supérieure du corps, durent de quelques minutes à quelques heures, et sont associées à des sueurs, des palpitations, une hypotension ou une diarrhée ; ces épisodes peuvent être spontanés ou provoqués par l’effort, le stress, l’alcool, ou la palpation abdominale. La diarrhée est une diarrhée motrice, faite de 3 à 10 selles par jour, fécales, contenant des aliments non digérés. Les manifestations cardiaques sont liées au lent développement d’une fibrose qui touche surtout l’endocarde du cœur droit (et la valvule tricuspide) et qui aboutit à l’insuffisance cardiaque droite. 4.2. Principales complications Différentes complications peuvent révéler une tumeur du foie ou être observées au cours de son évolution. 4.2.1. L’ictère cholestatique L’ictère cholestatique (c'est-à-dire avec urines foncées et selles décolorées) n’est pas un signe révélateur fréquent des tumeurs du foie, alors qu’il est presque constant en cas de tumeur des voies biliaires. Il est exceptionnel en cas de tumeur bénigne. Il relève de deux mécanismes principaux. En premier lieu, l’ictère peut être du à une insuffisance hépatique : il peut s’agir de l’aggravation d’une cirrhose, ou de l’envahissement du parenchyme ; en l’absence de cirrhose, l’ictère par insuffisance hépatique ne s’observe qu’à la phase terminale de la maladie quand il existe un envahissement supérieur à 75 % du parenchyme hépatique. En second lieu, l’ictère peut être du à un obstacle sur la voie biliaire principale : il peut s’agir d’une compression hilaire par une tumeur primitive ou secondaire, d’une compression de la voie biliaire principale par des adénopathies métastatiques, d’un envahissement par la tumeur des voies biliaires au niveau du hile (cholangiocarcinome périphérique), ou d’une obstruction par des bourgeons tumoraux endo- biliaires, issus d’une tumeur intra-hépatique (métastase ou carcinome hépatocellulaire) 4.2.2. L’hémorragie par rupture tumorale L’hémorragie par rupture tumorale est une complication rare et grave. Elle se manifeste par un hémopéritoine aigu ou sub-aigu, localisé ou généralisé, dont l’origine hépatique n’est pas évidente si la tumeur n’est pas connue. Elle ne s’observe que si les tumeurs sont superficielles, DCEM 2 – Module 10 8
Faculté de Médecine de Marseille hypervascularisées, et rendues fragiles par un stroma non fibreux. En pratique, deux affections répondent à ces critères : l’adénome hépatocytaire de la femme jeune, et le carcinome hépatocellulaire avec ou sans cirrhose chez l’homme. Une hémorragie sub-aigue d’origine tumorale peut aussi se traduire par la constatation d’une ascite sanglante à la ponction. 4.2.3. L’ascite L’ascite, en cas de cirrhose, peut être due à l’aggravation de la cirrhose ou à l’obstruction de la veine porte par les bourgeons tumoraux d’un carcinome hépatocellulaire. En l’absence de cirrhose, l’ascite témoigne d’une carcinose péritonéale. 4.2.4. Le syndrome de Budd-Chiari Le syndrome de Budd-Chiari qui associe des hépatalgies, une hépatomégalie, et une ascite est une complication rare des tumeurs du foie. Le mécanisme est une obstruction des grosses veines hépatiques et/ou de la veine cave inférieure terminale, par compression par une tumeur maligne, ou par invasion veineuse endoluminale par un carcinome hépatocellulaire (qui est la cause la plus fréquente de ce mécanisme, avant le cancer du rein, de la surrénale, ou le léïomyosarcome de la veine cave inférieure). Enfin, il est fréquent que le patient soit ASYMPTOMATIQUE. La tumeur est alors découverte de façon fortuite : par exemple, dans le bilan d’une perturbation modérée des tests hépatiques, ou sur une échographie effectuée pour un syndrome dyspeptique ou pour une colique néphrétique, etc. : c’est le cas de la plupart des tumeurs bénignes, même volumineuses, et de la plupart des petites tumeurs malignes. Un autre mode de découverte des petites tumeurs est celui de la recherche systématique dans le bilan ou le suivi d’une affection : surveillance d’une cirrhose, surveillance ou bilan d’un cancer, en particulier colorectal. 5. Moyens d’explorations 5.1. Tests hépatiques Comme les signes cliniques, les perturbations biologiques dépendent de la qualité du parenchyme extratumoral et de la taille de la tumeur. Si la tumeur est de petite taille et le foie extra-tumoral normal, les tests hépatiques sont normaux. Si la tumeur est de grande taille (bénigne ou maligne) et le foie extra-tumoral normal, on observe souvent une augmentation isolée des phosphatases alcalines et de la gamma GT. Si le parenchyme extra-tumoral est cirrhotique, les tests hépatiques montrent les anomalies habituellement observées en cas de cirrhose. La classification de Pugh-Child est alors très utile pour apprécier la “ réserve fonctionnelle ” hépatique, à visée pronostique et thérapeutique. Classification de Pugh-Child. Pour chaque malade, un score est établi en additionnant les points. La classe A correspond aux malades ayant un score de 5 ou 6, la classe B aux malades ayant un score de 7, 8 ou 9, et la classe C aux malades ayant un score de 10 à 15. 1 point 2 points 3 points Encéphalopathie absente confusion coma Ascite absente discrète modérée Taux de prothrombine > 50% 40 à 50 % < 40 % Bilirubine < 35 umol/L 35-50 umol/L > 50 umol/L Albumine > 35 g/L 28-35 g/L < 28 g/L DCEM 2 – Module 10 9
Faculté de Médecine de Marseille 5.2. Marqueurs tumoraux • L’alpha-foeto-protéine (AFP) est une protéine sérique, abondante pendant la vie fœtale, et qui n’est présente qu’à l’état de trace chez l’adulte normal (valeur normale < 20 ng/mL). L’AFP est augmentée dans 75 % des carcinomes hépatocellulaires et d’autant plus souvent que la tumeur est volumineuse. Un taux d’AFP > 500 ng/mL peut être considéré comme presque spécifique du carcinome hépatocellulaire. Une augmentation progressive de l’AFP, même < 500 ng/mL a aussi une grande valeur diagnostique. Une augmentation de l’AFP, généralement < 500 ng/mL s’observe dans la plupart des dysembryomes malins, et peut s’observer dans quelques cas de cancers des voies biliaires, de cholangiocarcinome périphérique ou de cancer de l’estomac, au décours d’une poussée d’hépatite aiguë, ou de poussée de cytolyse sur hépatite chronique, et enfin au cours du troisième trimestre de la grossesse. Une augmentation très importante de l’AFP est observée en cas d’hépatoblastome. • L’antigène carcino-embryonnaire ou ACE (valeur normale : < 10 ng/mL) est élevé dans 80 % environ des métastases hépatiques des cancers digestifs, colorectaux ou autres. Une élévation progressive du taux a une bonne valeur diagnostique. Un taux < 100 ng/mL peut être observé en cas de cholestase ou d’hépatopathie chronique. • L’antigène carbohydrate CA 19 .9 (valeur normale : 0-37 UI/L). Il serait un peu plus spécifique des métastases des cancers du pancréas et des cancers des voies biliaires (comme le cholangiocarcinome périphérique). Une élévation modérée (< 60 UI/L) peut être observée en cas de cholestase. • La neurone spécifique énolase (NSE) est un marqueur des tumeurs carcinoïdes et des cellules neuroendocrines en général (il est recommandé de doser la sérotonine plasmatique et son métabolite urinaire, l’acide 5-hydroxy-indol-acétique (5HIAA) pour affirmer le diagnostic de syndrome carcinoïde). 5.3. Imagerie L’imagerie est déterminante pour le diagnostic des tumeurs et pour en apprécier l’extension. 5.3.1. l’échographie l’échographie est le procédé d’imagerie le plus utilisé, et l’examen de dépistage le plus important. Il permet de recueillir de nombreuses informations sur la tumeur et sur le parenchyme hépatique, ses contours, ses vaisseaux afférents et efférents, sur les voies biliaires, le système porte, la rate et la cavité péritonéale. L’échographie peut être couplée à un Doppler. Enfin l’échographie peut être utilisée au cours d’une intervention (échographie peropératoire) pour rechercher des plans de coupes, et des tumeurs non détectées jusque là. L’écho-endoscopie a peu d’intérêt dans ce contexte. Quand la tumeur est de petite taille, elle se traduit par une zone hypoéchogène (la plupart des tumeurs), isoéchogène (beaucoup d’adénomes et d’hyperplasies nodulaires focales) ou hyperéchogène (angiomes). Quand la tumeur est de grande taille, elle devient habituellement hétérogène avec des zones hypo- et hyperéchogènes ; le centre de la lésion peut se nécroser, lui donnant un aspect pseudo-kystique, trompeur. La tumeur refoule les structures vasculaires et les canaux biliaires. L’envahissement des vaisseaux est un signe de malignité, et la constatation d’un bourgeon néoplasique dans la lumière des veines du système porte ou des veines hépatiques est très caractéristique du carcinome hépatocellulaire. Cependant, l‘échographie est le plus souvent insuffisante pour caractériser les lésions. 5.3.2. la tomodensitométrie la tomodensitométrie (TDM) a beaucoup évolué : la technique spiralée permet une acquisition rapide des images, une amélioration de la définition, et après. injection de produit de contraste d’étudier la cinétique des lésions aux temps artériels, portaux et parenchymateux. La plupart des DCEM 2 – Module 10 10
Faculté de Médecine de Marseille tumeurs du foie sont hypodenses avant injection. Parmi les tumeurs hypervascularisées, on compte les angiomes (de façon lente et centripète, très caractéristique), les adénomes et les hyperplasies nodulaires focales (de façon intense et fugace), les carcinomes hépatocellulaires, les métastases des tumeurs neuroendocrines. A l’inverse, les cholangiocarcinomes périphériques et les métastases colorectales ne sont pas hypervascularisées. La notion d’encapsulation, qui peut paraître rassurante est plutôt évocatrice du carcinome hépatocellulaire. 5.3.3. l’imagerie par résonance magnétique nucléaire l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) est la technique d’imagerie la plus récente. Elle ne doit pas être faite en première intention. Elle comporte des séquences pondérées en T1 (le foie normal y apparaît plus intense que la rate) et en T2 (le foie normal apparaît moins intense que la rate). La plupart des tumeurs se comportent comme la rate, c'est-à-dire qu'elles sont moins intenses que le foie en T1 et plus intenses que le foie en T2. L’IRM permet mieux que les autres examens d’imagerie de caractériser certains composants lésionnels (liquide, sang, graisse) et d’étudier les contrastes par injection de gadolinium. Les kystes et les angiomes apparaissent très intenses en T2 (et cet examen est très utile en cas de difficulté diagnostique pour ces affections). 5.3.4. les autres examens d’imagerie Parmi les autres examens d’imagerie, la radiographie sans préparation est de peu d’intérêt, sauf pour mettre en évidence des calcifications dans l’aire hépatique ou dans l’aire vésiculaire, images elles aussi accessibles à l’échographie et à la TDM. Les principales causes de calcification intra-hépatique sont le kyste hydatique, la lithiase intrahépatique et la tuberculose. Mais des calcifications peuvent être observées dans certaines tumeurs comme les angiomes, les métastases des cancers colorectaux, le carcinome hépatocellulaire. L’artériographie n’a pratiquement plus de place à titre diagnostique, ni même comme bilan préopératoire, sauf cas très particuliers. Il en va de même pour la scintigraphie hépatique. 5.4. Les examens anatomo-pathologiques La ponction biopsie du foie consiste à retirer un cylindre de parenchyme hépatique au moyen d’une aiguille spéciale (aiguille de Menghini), pour un examen histologique. La ponction à l’aiguille fine permet uniquement un examen cytologique (cytoponction). L’utilisation respective de l’une ou l’autre de ces deux méthodes dépend avant tout des habitudes des centres. Le malade doit être prévenu des modalités et des risques de l’examen. La biopsie d’une tumeur du foie doit être précédée et guidée par une échographie ou une TDM. Il est important de pouvoir disposer d’un prélèvement de la tumeur et d’un prélèvement du foie non tumoral. La ponction biopsie du foie comporte un risque de complication faible mais certain : il est inférieur à 1 pour 100 pour les complications inquiétantes (hémorragie, pneumothorax, etc …) et inférieur à 1 pour 1000 pour les complications nécessitant une intervention chirurgicale ou les complications létales. C’est pourquoi la ponction ne doit pas être effectuée s’il existe une ascite, des troubles de la coagulation (TP < 50%, Plaquettes < 80 Giga/L), un foie congestif, une tumeur hypervascularisée ou un kyste hydatique. En cas de tumeur maligne, il existe aussi un risque de dissémination tumorale le long du trajet de ponction ( > 2 %). Les risques de la ponction à l’aiguille fine sont plus faibles que ceux de la ponction biopsie mais sa rentabilité diagnostique est moindre. Il faut enfin savoir que la fiabilité de la méthode n’est pas absolue : en cas de nodule de 3 cm, le risque d’échec de la méthode est de l’ordre de 30 % (prélèvement et analyse). La valeur d’un résultat négatif est discutable si on soupçonne une tumeur maligne. Dans beaucoup de cas, la biopsie n’est pas nécessaire pour le diagnostic, ou pour la conduite à tenir (en particulier si la tumeur sera réséquée quelle que soit la réponse). Au total, la ponction biopsie ne doit être faite que si elle est indispensable à la décision thérapeutique. DCEM 2 – Module 10 11
Faculté de Médecine de Marseille 5.5. La laparoscopie La laparoscopie consiste à examiner la cavité péritonéale au moyen d’un endoscope introduit à travers la paroi abdominale après création d’un pneumopéritoine. Il s’agit d’un examen invasif, qui nécessite une anesthésie générale. Sa place dans le diagnostic des tumeurs du foie reste limitée, même si elle a des indications dans le cadre du bilan préthérapeutique : recherche d’une carcinose péritonéale, macro-biopsie d’une tumeur bénigne sous contrôle visuel. 5.6. Ce qu’il faut absolument comprendre En dehors des complications, la plupart des tumeurs du foie sont asymptomatiques. Seules les tumeurs volumineuses (> 5 cm, voire 10 cm) peuvent occasionner des signes et des symptômes : hépatalgies, hépatomégalie, fièvre ou altération de l’état général, syndromes paranéoplasiques. Si l’on excepte les adénomes, qui sont volontiers symptomatiques ou compliqués, les complications évolutives (ictère, ascite, rupture, etc…) ne s’observent pratiquement que pour les tumeurs malignes. Les perturbations biologiques ne s’observent qu’en cas de cirrhose et/ou de tumeur volumineuse. La classification de Pugh Child doit être connue, car elle est couramment utilisée pour apprécier la fonction hépatique. Des marqueurs tumoraux élevés sont très utiles pour caractériser une lésion ; normaux, ils n’écartent aucun diagnostic. L’imagerie est déterminante pour le diagnostic : l’échographie est un très bon examen de dépistage, tandis que la tomodensitométrie ou l’IRM permettent presque toujours de caractériser les lésions en analysant leur vascularisation et leurs composants. Il peut être utile de faire une biopsie percutanée d’une tumeur ; mais ce geste n’a d’intérêt que s’il doit modifier la conduite thérapeutique : par exemple indiquer une chimiothérapie ou contre indiquer la chirurgie. La biopsie est inutile si le patient doit de toute façon être opéré (tumeur volumineuse ou symptomatique), tandis qu’une biopsie du foie non tumoral est souvent utile pour établir le diagnostic de cirrhose. 6. Diagnostic différentiel • Les tuméfactions de la paroi abdominale doivent être reconnues car elles ne sont pas mobiles avec la respiration. • Les tumeurs sous-hépatiques sont mobiles avec la respiration : certaines tumeurs malignes de la vésicule biliaire quand elles infiltrent le foie, peuvent aisément en imposer pour une tumeur médio-hépatique, y compris sur les examens d’imagerie. • Les hépatomégalies non tumorales sont aisément reconnues en échographie. • Les pseudo-tumeurs hépatiques peuvent poser des problèmes diagnostiques plus difficiles : les pseudo-tumeurs inflammatoires, stéatose pseudo-tumorale peuvent nécessiter une biopsie per- cutanée. • Les lésions kystiques du foie, très fréquentes (la prévalence des kystes simples est de 3 %), sont facilement reconnues. Quand elles sont volumineuses ou accessibles à l’examen clinique, leur surface est régulière et leur consistance rénitente. Une polykystose hépatique peut cependant donner l’impression d’un foie “ marronné ”. L’échographie est déterminante pour le diagnostic : les kystes se présentent comme une lésion arrondie, à limite nette, totalement anéchogène : il en est ainsi des kystes simples du foie, des kystes simples multiples (où il n’y a pas de kystes rénaux associés), de la polykystose hépatique (où il y a des kystes rénaux) et de beaucoup de kystes hydatiques uniloculaires. Si le contenu du kyste n’est pas totalement anéchogène (végétations, cloisons, sédiments, etc) on peut évoquer un kyste simple compliqué d’hémorragie intrakystique, un kyste hydatique, un cystadénome (exceptionnel) ou un abcés du foie. Certaines lésions kystiques peuvent à l’imagerie en imposer pour des tumeurs solides : c’est le cas des formes pseudo-tumorales des kystes hydatiques du foie ; la sérologie spécifique de l’hydatidose est utile si elle est positive (70%¨des cas) ; la ponction biopsie n’est pas DCEM 2 – Module 10 12
Faculté de Médecine de Marseille recommandée, car elle fait courir un risque de choc anaphylactique. A l’inverse, certaines tumeurs solides nécrosées peuvent en imposer pour une lésion kystique : c’est le cas de quelques métastases, en particulier des tumeurs neuroendocrines. • Les abcès du foie (suppurations collectées dans le parenchyme hépatique) sont aisément reconnus : les symptômes généraux (fièvre, asthénie, anorexie, amaigrissement) sont presque constants, les hépatalgies sont très fréquentes, le foie est gros et douloureux à l’examen clinique. L’échographie (ou la TDM) montrent une ou plusieurs zones hypoéchogènes cernées par un halo hyperéchogène. La ponction permet de retirer du pus, d’isoler le germe et d’affirmer le diagnostic. Cependant, certaines lésions hépatiques peuvent être surinfectées : en particulier un cancer nécrosé peut être difficile à distinguer d'un abcès. 7. Diagnostic étiologique Le diagnostic d'une tumeur du foie est dominé par la hantise de méconnaître une lésion maligne. Il faut souligner l'importance considérable du contexte dans la démarche diagnostique : l'anamnèse, la présence de symptômes et les tests biologiques sanguins sont déterminants pour le diagnostic de malignité. Plusieurs situations cliniques fréquentes peuvent être envisagées. 7.1. Tumeur bénigne Chez une femme jeune, surtout asymptomatique, la découverte d'une tumeur hépatique fait en premier lieu discuter une TUMEUR BENIGNE… Il y en a trois principales qui, dans l’ordre ci- après, sont 10 fois moins fréquentes les unes que les autres : 7.1.1. l’angiome l’angiome est fréquent et pour cette raison il peut être observé dans beaucoup de circonstances (contexte néoplasique, symptômes) dont il est indépendant. Il est également fréquent chez la femme et chez l’homme. Quand il est de petite taille, il est découvert fortuitement par une échographie. Quand il est de grande taille, voire “ géant ” (> 10 cm) il est généralement asymptomatique ; mais il peut aussi occasionner une gêne due à son volume, des hépatalgies et de la fièvre en rapport avec des remaniements thrombotiques intra-tumoraux, et très rarement une thrombopénie et une fibrinopénie en rapport avec une coagulopathie intratumorale (syndrome de Kasabach-Merritt). La rupture des angiomes est exceptionnelle, sauf en cas de biopsie. Le diagnostic repose avant tout sur l’échographie, et en cas de doute sur l’IRM où il se traduit par une image hyperintense dans les séquences en T2. Les formes très fibreuses sont de diagnostic difficile. 7.1.2. L’hyperplasie nodulaire focale L’hyperplasie nodulaire focale est une affection de la femme 9 fois sur 10. Elle est le plus souvent asymptomatique et découverte fortuitement par une échographie. Quand elle est volumineuse (> 5cm), elle peut entraîner une augmentation isolée de la gamma GT ou des hépatalgies. Les complications sont exceptionnelles. Le diagnostic repose sur la TDM et/ou IRM dans la majorité des cas : la lésion est hypervascularisée de façon intense et fugace ; elle n’est pas encapsulée et présente une cicatrice centrale très évocatrice. Dans un quart des cas environ, le diagnostic différentiel avec un adénome est très difficile. 7.1.3. L’adénome hépato-cellulaire L’adénome hépato-cellulaire est une tumeur très rare. Elle s’observe presque exclusivement chez la femme en période d’activité génitale. L’adénome de petite taille est généralement asymptomatique. Quand il est volumineux ( > 5 cm), il se manifeste une fois sur deux par des hépatalgies en rapport des remaniements hémorragiques ou nécrotiques intra-tumoraux, ou par DCEM 2 – Module 10 13
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