UC Berkeley crée un centre dédié à la blockchain et affiche sa volonté d'investir dans et l'innovation dans ce domaine

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UC Berkeley crée un centre
dédié à la blockchain et
affiche sa volonté d’investir
dans    la    recherche    et
l’innovation dans ce domaine
Bien que perçue comme réservée à un public d’experts en
matière de numérique, l’objectif de la blockchain est simple.
Il s’agit d’un ensemble de technologies permettant de
construire des systèmes décentralisés, basés sur un registre
de transactions, ces dernières étant vérifiables et ne
nécessitant pas de confiance au préalable entre les
parties[1]. D’un point de vue pratique, la blockchain a permis
l’implémentation de la notion de rareté d’un objet numérique.
Sa première implémentation, le Bitcoin, a consisté en un outil
donnant à l’utilisateur la possibilité d’être propriétaire
d’un bien numérique non duplicable, certifiable et
échangeable. Ainsi sont nées les crypto-monnaies. Par la
suite, en implémentant des biens similaires dont la propriété
d’unicité est substituée à la propriété de rareté relative,
une nouvelle catégorie d’actif financier est née : les Non-
Fungible-Token (NFTs). Ensemble, ces biens numériques, parfois
appelés « cryptoactifs », ont constitué la base d’un nouveau
domaine financier : la finance décentralisée, ou DeFi pour
Decentralized Finance.

Après avoir vu leurs valeurs se démultiplier en cinq ans et
atteindre dans le cas du Bitcoin un record de 68 990 USD en
novembre 2021, le cours des cryptomonnaies s’est effondré en
l’espace de quelques mois. Les entreprises qui mettent en
place des plateformes d’échanges de cryptoactifs effectuent
d’importants licenciements[2] et des banques numériques ont
gelé les cryptoactifs de leurs clients. Perçu par certains
comme un échec des promesses de la technologie, ce phénomène
est aussi conjoncturel : le cours du Bitcoin étant considéré
comme celui d’un actif financier en pleine croissance, celui-
ci a attiré de nombreux investisseurs, faisant par la même
occasion décoller sa valeur. Lorsque la Réserve Fédérale
américaine a annoncé qu’elle augmentait ses taux de 2% pour
faire face à l’inflation actuelle aux États-Unis[3], les
investisseurs qui considéraient les cryptoactifs comme des
actifs risqués les ont revendu, faisant diminuer leur valeur.
Ces investisseurs ont entraîné avec eux un vent de panique,
une sorte de « ruée vers les banques », et ont scellé le crash
du marché des cryptoactifs.

Un dynamisme de l’écosystème blockchain qui ne se tarit pas en
Silicon Valley

La région de la baie de San Francisco est la capitale des
licornes, toutes technologies confondues, avec 169 licornes,
devant la région de New-York et ses 102 licornes. A l’échelle
mondiale, la blockchain a permis le développement de 42
licornes depuis 2021. La baie de San Francisco contient un
tiers des licornes des États-Unis en matière de blockchain
avec un total de huit sur vingt-quatre. On remarque que les
licornes « cryptos » de la baie de San Francisco, comme la
grande majorité des autres dans le monde, sont axées sur
l’échange de cryptoactifs. En revanche, l’écosystème crypto de
San Francisco est bien plus diversifié qu’à New-York. En
effet, il existe à San Francisco de nombreuses autres startups
blockchain qui ne sont pas axées sur la finance. Les
investissements en matière d’entreprises et de startups axées
sur la technologie blockchain ont considérablement augmenté
ces dernières années. Les investisseurs anticipant la grande
diversité des innovations à venir ont pour la plupart engagé
des ressources conséquentes pour être acteurs du changement.
Le marché des fusions-acquisitions est passé de $1.1 milliard
à $55 milliards entre 2020 et 2021 et les fonds
d’investissements créent à tour de rôle des fonds spécialisés
dans cette technologie. Depuis le début de l’année 2022, plus
de six rounds d’investissement ont déjà été supérieurs à $400
millions, comme ceux des startups ConsenSys et FTX Exchange.
Les investissements dans des startups axés sur la blockchain
sont légion et incluent des investisseurs comme Bain Capital
Ventures et son Bain Capital Crypto à $560 millions ou encore
Sequoia Capital avec son Sequoia Crypto Fund à plus de $500
millions.

Dans l’écosystème de la baie de San Francisco, l’année 2022 a
vu naître l’initiative Orange DAO, prise par quelques alumnis
de l’accélérateur Y-Combinator (YC), un des premiers
accélérateurs de la Silicon Valley. Ce groupe d’alumni a
rapidement été rejoint par plus de 1000 autres et a pour
objectif d’aider des startups à être accepté dans YC et de les
suivre dans leurs early-stage. La particularité d’Orange DAO
est qu’il s’agit d’une Decentralized Autonomous Organization
(DAO), c’est-à-dire une entité à gouvernance décentralisée, un
type de gouvernance rendue possible par le développement de la
technologie blockchain.Sur le plan académique, la recherche
est très active dans la baie de San Francisco, notamment à UC
Berkeley (UCB) et Stanford, classées respectivement 3ème et
12ème des meilleures universités dans le monde pour la
blockchain par la plateforme Coindesk, et 1ère et 3ème à
l’échelle des Etats-Unis. Notons qu’elles étaient classées
respectivement 3ème et 4ème dans ce même classement en 2020,
ce qui témoigne du dynamisme de l’écosystème blockchain dans
ces universités et en particulier à UC Berkeley, en tête du
classement cette année.

 La recherche académique en matière de blockchain à UC
Berkeley (UCB)

À UCB, les acteurs principaux dans le domaine sont :
Blockchain at Berkeley : association fondée en 2016,
qui travaille au développement des blockchains sur le
campus sous le statut d’initiative associée à UCB.
L’association dispense des cours, qui peuvent être
pratiques comme théoriques, et permet aux étudiants de
se consacrer à des projets encadrés ;
      EECS (département de génie électrique et
informatique) : département composé d’une quinzaine de
chercheurs qui sont spécialisés dans des domaines liés
aux blockchains, que ce soit sur l’aspect de la
sécurité, les systèmes de gestion des données ou les
sciences de la communication. Le département offre en
parallèle de nombreux cours (en ligne ou sur le campus)
sur ces sujets, développés pour la majorité en
partenariat avec Blockchain at Berkeley.
     Haas Business School : école de commerce de Berkely
et   membre de la University Blockchain Research
Initiative, un programme fondé en 2018 par l’entreprise
Ripple, une licorne en blockchain de la baie de San
Francisco. Ce programme rassemble actuellement 41
universités à travers le monde et possède un financement
de 50 millions de dollars. Le but est d’appuyer le
leadership de UCB dans l’avancement de la compréhension
de la façon dont les blockchains transforment différents
secteurs de l’industrie et d’appuyer le développement de
la formation des personnes qui vont implanter ces
technologies sur le marché. Concrètement, ce partenariat
permet de soutenir la recherche universitaire, le
développement technique et l’innovation ainsi que de
mettre en place un programme complet axé sur la
blockchain, les systèmes distribués, les cryptomonnaies
et les paiements numériques.Par ailleurs, la Haas
Business School a en son sein une dizaine de professeurs
qui enseignent la finance ou l’économie en lien avec les
blockchains.
     Xcelerator :’Incubateur de UCB dédié aux startups
blockchain, qui a accueilli sa première cohorte en 2019
;
          Simons Institute for the Theory of Computing :
     Institut dédié à l’informatique théorique qui n’est pas
     consacré spécifiquement à la blockchain, mais aborde le
     sujet à travers un prisme computationnel ;
         UC Berkeley School of Law / Blockchain at Berkeley
     Law club: école qui accueille régulièrement en son sein
     des séminaires, conférences et ateliers sur le droit de
     la blockchain afin d’exposer les concepts de structures
     de données décentralisées et d’étudier les questions
     juridiques complexes que ce domaine émergent crée. Le
     Blockchain at Berkeley Law Club compte plus de soixante
     membres qui produisent des recherches, lancent des
     projets et conseillent le gouvernement.

Le “Center for Decentralized and Responsible Intelligence” :
nouvelle structuration des forces vives de UC Berkeley au
service de la blockchain

Pour focaliser les forces vives de UCB sur cette thématique,
actuellement dispersées dans plusieurs départements,
l’université a créé cette année un centre pluridisciplinaire
qui lui est consacré. Ce centre a pour ambition de ne pas se
limiter strictement à la blockchain, mais de traiter plus
généralement les technologies décentralisées (incluant ainsi
des technologies type “federated learning”). La blockchain est
tout de même au cœur des préoccupations de ce nouveau centre.
En se positionnant fortement sur les blockchains, le centre
aura plus de facilités à attirer des financements dédiés pour
faire avancer une recherche combinant théorie et pratique,
ainsi que droit, finance et ingénierie. Le centre pourra
également plus facilement structurer des cours conjoints
mêlant informatique et finance, ou informatique et droit, dont
la mise en place est prévue pour le semestre prochain. Il sera
également possible de travailler conjointement avec des
entreprises et ainsi bénéficier de leur aide financière.
La gouvernance du centre est assurée par une représentante de
la partie ingénierie, une représentante de la partie Haas
Business School, et d’une représentante de Xcerelator (via sa
directrice, Jocelyn Weber Phipps). Seize professeurs affiliés
à UCB se sont positionnés dans ce centre : dix sont issus du
département de génie électrique et informatique (EECS), quatre
de la Haas Business School et deux de UCB School of Law. La
directrice du Simmons Institute for the Theory of Computing et
gagnante de prix Turing pour ses travaux en cryptographie en
2012, Shafi Goldwasser, fait également partie de l’équipe.

La grande inconnue des régulations à venir

Un des enjeux majeurs à venir concernant l’écosystème de la
technologie blockchain est l’arrivée attendue de régulations
gouvernementales. En effet, depuis le début de son
développement, cet écosystème a toujours navigué dans des
flous juridiques, laissant le champ libre pour toutes les
innovations possibles. Cette réalité n’est plus d’actualité,
notamment depuis le crash du marché des cryptoactifs, celui-ci
ayant attiré l’attention des régulateurs et l’annonce de
programmes politiques à venir. L’enjeu pour les organisations
gouvernementales est celui de garantir un milieu fécond pour
les innovations et le développement d’un marché à fort capital
tout en garantissant la sécurité des consommateurs et des
institutions. Cet objectif a été matérialisé par la signature
en mars 2022 par le président américain Joe Biden d’un
Executive Order on Ensuring Responsible Development of Digital
Assets.

Pour le cas particulier des États-Unis, tracer un chemin clair
concernant les régulations à venir est primordial après avoir
été le lieu de décisions qui ont pu effrayer les investisseurs
concernant la blockchain comme la pénalité de $100 millions
reçue en février 2022 par l’entreprise BlockFi, entreprise
proposant une plateforme d’échange de crypto-monnaie, par la
Securities and Exchange Commission et 32 états pour avoir
violé des lois de sécurité[4].

Le contexte semble être aujourd’hui plus favorable concernant
les directions prises par le gouvernement américain avec
l’exemple récent du Responsible Financial Innovation Act[5]
proposé au Sénat américain et soutenu par une majorité
d’acteurs de l’industrie.

Un autre point de considération, atteignant particulièrement
l’Europe et la Californie qui ont mis en place des lois de
protection des données privées poussées, est de concilier une
technologie a priori paradoxale avec ces lois par immuabilité
et transparence des blockchains. Les discussions sur les
régulations ne touchent plus que les aspects financiers de la
technologie mais de nombreuses considérations éthiques. La
direction prise aujourd’hui est celle du maintien des lois de
protection privée et la favorisation du développement de
solutions compatibles avec les deux facettes de cette
problématique. La mise en place de régulations par les
gouvernements est nécessaire selon tous les acteurs. Les
règles instaurées doivent pouvoir être suffisamment claires
pour que les investisseurs et les entreprises puissent
développer tous les aspects de la technologie sans avoir une
incertitude planant constamment sur les possibilités de
commercialisation. Dans l’attente de ces régulations et malgré
les apparences du marché des cryptomonnaies aujourd’hui en
pleine tourmente, la Silicon Valley menée par Berkeley et la
création de son centre pluridisciplinaire dédié à la
blockchain s’affichent en fer de lance des recherches et des
innovations à venir, convaincus du l’immense potentiel de
cette technologie.

Rédacteurs :

François Moreau, stagiaire au service scientifique, San
Francisco, stagiaire-sf at ambascience-usa.org

Jean-Baptiste Bordes, attaché pour la science et la
technologie, San Francisco, attache-stic.sf at ambascience-
usa.org

Sources (sites internet consultés le 29/06/2022) :

[1] Définition basée sur celle du California Blockchain
Working Group Report

[2] https://news.crunchbase.com/startups/tech-layoffs-2022/

[3]
https://www.ledevoir.com/economie/723288/plus-forte-hausse-du-
taux-directeur-de-la-fed-depuis-1994

[4]
https://www.sec.gov/news/press-release/2022-26#:~:text=To%20se
ttle%20the%20SEC’s%20charges,Company%20Act%20within%2060%20day
s.

[5]
https://www.gillibrand.senate.gov/news/press/release/-lummis-g
illibrand-introduce-landmark-legislation-to-create-regulatory-
framework-for-digital-assets
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