Une analyse des taux marginaux effectifs d'imposition au Québec
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Document generated on 07/14/2022 2:32 p.m. L'Actualité économique Articles Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec Jean-Yves Duclos, Bernard Fortin and Andrée-Anne Fournier Volume 84, Number 1, mars 2008 Article abstract This article draws up a portrait of effective marginal tax rates (EMTRs) on URI: https://id.erudit.org/iderudit/019973ar labour income in Quebec. It aims in part to provide a better understanding of DOI: https://doi.org/10.7202/019973ar the impact of tax policy on the labour market and saving behavior of agents. Using an accounting micro-simulation model that incorporates the system of See table of contents taxes and transfers in 2002 Quebec, we measure the EMTRs that result from the interaction of the mechanisms of income taxation and redistribution. Moreover, we evaluate the distribution of EMTRs in the population. The analysis of EMTRs shows, inter alia, that family policy, whose assistance is Publisher(s) targeted towards low to medium income families, generates high levels of HEC Montréal EMTRs ascribable to the generally rapid reduction of transfers as income increases. More than a quarter of the heads of single-parent households face an ISSN EMTR that can reach, and even exceed, 80%. As for the two-parent families, they mostly face EMTRs of around 50%. We finally show the importance of 0001-771X (print) accounting for EMTR heterogeneity, both with respect to family types and 1710-3991 (digital) income levels, in order to assess properly the variability of EMTRs in the population. Explore this journal Cite this article Duclos, J.-Y., Fortin, B. & Fournier, A.-A. (2008). Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec. L'Actualité économique, 84(1), 5–46. https://doi.org/10.7202/019973ar Tous droits réservés © HEC Montréal, 2009 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
L’Actualité économique, Revue d’analyse économique, vol. 84, no 1, mars 2008 Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec* Jean-Yves DUCLOS Département d’économique Université Laval CIRPÉE Bernard FORTIN Département d’économique Université Laval CIRPÉE CIRANO Chaire du Canada en économie des politiques sociales et des ressources humaines Andrée-Anne FOURNIER Groupe d’analyse ltée Résumé – Cet article dresse un portrait de la situation des taux marginaux effectifs d’imposition (TMEI) sur le revenu de travail au Québec. Il vise à permettre une meilleure compréhension de l’impact des politiques gouvernementales sur le comportement des agents économiques sur le marché de la main-d’oeuvre. À l’aide d’un modèle de microsimulation comptable reprodui- sant les systèmes d’impôts et de transferts au Québec pour 2002, nous mesurons les TMEI qui résultent de l’interaction des mécanismes de perception et de redistribution. En outre, nous en évaluons la répartition au sein de la population. L’analyse de ces taux démontre, entre autres, que la politique familiale du gouvernement, dont l’aide est ciblée vers les familles à faible revenu, engendre des TMEI élevés attribuables à la réduction généralement rapide des trans- ferts avec le revenu de travail Ainsi, plus du quart des chefs de famille monoparentale ont un TMEI pouvant atteindre, et même excéder, 80 %. Quant aux familles biparentales, elles font majoritairement face à un TMEI qui approche 50 %. Nous montrons l’importance de tenir compte de l’hétérogénéité, à la fois selon les types de familles et selon les niveaux de revenu, de manière à bien évaluer la variabilité des TMEI à travers la population. ___________ * Ce travail a pu voir le jour grâce à la collaboration du ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille du Québec où a été développé le modèle de microsimulation qui a permis de démarrer ce projet sur la situation des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec. Nous tenons à remercier de façon particulière Messieurs Marco de Nicolini et François Godin pour leur soutien, ainsi que le CRSH et le FQRSC pour leur appui financier. Nous sommes aussi reconnaissants envers deux rapporteurs anonymes pour leurs commentaires judicieux. Book 84-1 mars 08.indb 5 1/20/09 10:15:57 aM
l’actualité économique Abstract – This article draws up a portrait of effective marginal tax rates (EMTRs) on labour income in Quebec. It aims in part to provide a better understanding of the impact of tax policy on the labour market and saving behavior of agents. Using an accounting micro- simulation model that incorporates the system of taxes and transfers in 2002 Quebec, we measure the EMTRs that result from the interaction of the mechanisms of income taxation and redistribution. Moreover, we evaluate the distribution of EMTRs in the population. The analysis of EMTRs shows, inter alia, that family policy, whose assistance is targeted towards low to medium income families, generates high levels of EMTRs ascribable to the generally rapid reduction of transfers as income increases. More than a quarter of the heads of single-parent households face an EMTR that can reach, and even exceed, 80%. As for the two-parent families, they mostly face EMTRs of around 50%. We finally show the importance of accounting for EMTR heterogeneity, both with respect to family types and income levels, in order to assess properly the variability of EMTRs in the population. Introduction La mise en place de politiques gouvernementales redistributives donne généra- lement lieu au traditionnel arbitrage entre efficacité et équité. On dit d’un système fiscal qu’il est efficace lorsqu’il minimise les distorsions dans le comportement des agents économiques à chaque niveau donné de recettes fiscales. Or, les taux d’imposition que génère ce système fiscal – quoique nécessaires pour financer des programmes de redistribution de la richesse qui visent une plus grande équité – peuvent entraîner des coûts d’inefficacité non négligeables en modifiant l’envi- ronnement dans lequel les individus prennent leurs décisions. En outre, le système de transferts sociaux introduit des taux d’imposition (implicites cependant) dans la mesure où le montant de ces transferts diminue avec la hausse du revenu de l’individu. Dans un tel contexte, la conception de politiques gouvernementales efficaces ainsi que l’analyse de leur impact requièrent une bonne compréhension de l’interaction des systèmes de taxation et de transferts qui se combinent et s’en- trecoupent. C’est dans ce cadre conceptuel que s’inscrit cet article. Notre principale contri- bution consiste à mettre en œuvre un modèle de simulation reproduisant le sys- tème d’impôts et de transferts au Québec de façon à mieux comprendre l’impact des mécanismes fiscaux et des programmes de soutien du revenu sur les incita- tions au travail. Notre modèle permet en effet d’effectuer une analyse descriptive détaillée des taux marginaux effectifs d’imposition (TMEI) sur le revenu de tra- vail des individus et des ménages qui résultent de l’interaction des mécanismes de perception et de redistribution. Ces taux dépendent de façon complexe et non linéaire des caractéristiques des individus et des ménages ainsi que de leur revenu. À l’aide de notre modèle, nous estimons ces TMEI et en décrivons la répartition et la composition au sein de la population québécoise. Nous caractérisons les ménages dont la structure familiale et la composition du revenu sont telles que l’incitation financière au travail est à la marge très faible, parfois même nulle ou négative. Nous accordons dans le cadre de cet exercice une attention particulière à la situation des familles avec enfants puisque ce sont ces familles qui sont a priori Book 84-1 mars 08.indb 6 1/20/09 10:15:58 aM
Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec les plus touchées par la complexité des mécanismes québécois de perception et de redistribution du revenu. Une publication récente de l’OCDE où il est abondamment question des TMEI souligne l’importance d’une compréhension approfondie des mécanismes fiscaux, comme celle que permet notre analyse dans le cas du Québec : The analysis of how benefits and taxes depend on work status and earnings levels does not, by itself, tell us how changes in tax-benefit policy will actually influence labour supply or how many individuals live in income poverty and why. It does, however, contribute to a thorough understanding of the mechanics of tax-benefit systems. This understanding of how different tax-benefit instruments interact with each other, as well as with people’s particular labour market and household situations, is an essential pre-requisite for identifying tax-benefit reform priorities (OCDE, 2004). L’originalité de notre travail réside donc dans l’analyse de la répartition des TMEI dans la population québécoise. À notre connaissance, une seule étude cana- dienne, celle de Macnaughton et al. (1998), a permis d’estimer les taux effectifs et leur répartition à travers la population. Par contre, cette étude n’inclut pas tous les programmes de transferts que nous retrouvons au Québec, notamment l’aide sociale (ou l’assistance-emploi). Cet article permet donc de dresser un portrait riche et original de la distribution des taux marginaux au Québec. Cet article est organisé comme suit. La première section définit la notion de TMEI et discute de ses implications dans le calcul du coût marginal des fonds publics. Elle présente aussi une analyse qualitative de l’impact sur les TMEI de la politique familiale telle que celle qui a été mise en place récemment au Canada et au Québec. La deuxième section est consacrée à la présentation du modèle et des données utilisées. Les sections 3 et 4 discutent de l’ensemble des résultats obte- nus. On y présente différentes mesures de la distribution jointe des TMEI et des revenus, et des caractéristiques des ménages. On y effectue aussi une décomposi- tion des taux moyens pour mieux comprendre l’impact des différentes mesures de la fiscalité et des transferts. La dernière section conclut l’article. 1. Les taux marginaux effectifs d’imposition 1.1 Définition Les taux marginaux effectifs d’imposition (TMEI) résultent de la double action du gouvernement qui perçoit d’une part des impôts tout en maintenant d’autre part une politique de soutien au revenu. Dans un document publié par la Commission parlementaire sur la réduction de l’impôt des particuliers1 en 1999, ___________ 1. La Commission parlementaire sur la réduction de l’impôt des particuliers n’est pas la seule à s’être intéressée à la question des TMEI. En effet, elle fait suite à plusieurs autres commissions et études québécoises qui ont étudié ce phénomène, comme le Livre blanc sur la fiscalité des particuliers (1984), la Commission sur la réforme de la sécurité du revenu (1996) et la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics (1996). Book 84-1 mars 08.indb 7 1/20/09 10:15:58 aM
l’actualité économique les TMEI2 d’imposition sont en effet décrits comme un phénomène qui émane de deux mécanismes, soit le régime d’imposition des particuliers et les programmes de transferts. À ces deux éléments, nous ajoutons les taxes sur la masse salariale3. Le régime d’imposition définit un prélèvement effectué sur une partie du revenu et déterminé en fonction de l’importance de ce revenu et des caractéristiques des ménages. À l’inverse, les programmes de transferts sont mis en place afin de verser un revenu complémentaire à certains citoyens. Ils peuvent prendre la forme de transferts sociaux directs ou encore de dispositions fiscales qui réduisent l’im- pôt à payer (ou engendrent un remboursement). La progressivité de notre régime fiscal et la sélectivité caractérisant en général les programmes de transferts font en sorte que lorsque le revenu d’un ménage s’accroît, celui-ci doit souvent faire face à la fois à une réduction des transferts dont il bénéficie et à une hausse de l’impôt et des cotisations qu’il doit payer. Supposons, pour simplifier, un ménage composé d’un individu adulte. Mathématiquement, le TMEI se définit de la façon suivante. Soit l’identité sui- vante définissant son revenu disponible : YD = YT + YA – T + TR, (1) où YD = revenu disponible; YT = revenu de travail; YA = revenus privés autres que le revenu de travail; T = impôts et taxes (incluant les cotisations sociales); TR = transferts sociaux; avec T = T (YT, YA, Z) et TR = TR (YT, YA, Z) où Z est un vecteur de caractéristiques de l’individu. Nous avons donc : YD = YT + YA – T (YT, YA, Z) + TR (YT, YA, Z). (2) En différentiant par rapport à YT (nous supposons que T(·) et TR(·) sont diffé- rentiables en YT pour simplifier), nous obtenons : ___________ 2. Le gouvernement du Québec utilise le qualificatif « implicites » plutôt qu’« effectifs ». Il nous semble préférable d’attribuer l’expression « taux implicites » aux programmes de transferts, et d’associer celle de « taux effectifs » à la prise en compte de l’impôt et des transferts. C’est donc le terme « effectif » que nous utilisons principalement dans le texte. 3. On supposera dans l’analyse que les cotisations sociales payées par l’employé sont perçues comme des taxes et non comme une source de revenu futur (par exemple cotisations à la RRQ) ou comme une prime d’assurance pour la protection d’un risque social comme la perte d’emploi (par exemple cotisations à l’assurance-emploi). Book 84-1 mars 08.indb 8 1/20/09 10:15:59 aM
Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec dYD ∂T (⋅) ∂TR(⋅) = 1− − . (3) dYT ∂YT ∂YT À partir de l’équation (3), on définit le TMEI sur le revenu du travail de la façon suivante : dYD ∂T (⋅) ∂TR(⋅) (4) TMEI = 1 − = − . dYT ∂YT ∂YT L’expression de droite de l’équation (2.4) montre que le TMEI est le résul- tat de la hausse des impôts et des taxes, conjuguée, le cas échéant, à la baisse des transferts suite à un accroissement marginal de YT. Le TMEI comprend ainsi une composante explicite et une composante « implicite ». Cette dernière (qu’on appelle aussi le taux de récupération ou de réduction des programmes d’aide) se définit par la proportion du montant reçu en transferts qui est perdue à la suite d’une hausse marginale du revenu de travail. 1.2 Distorsions et coût marginal des fonds publics Les TMEI à l’étude engendrent un écart à la marge entre la rentabilité sociale et la rentabilité privée des comportements individuels sur le marché du travail. Ils sont ainsi à la source de distorsions dans de nombreuses décisions telles que la participation au travail et les heures travaillées, l’effort au travail, l’investissement en capital humain (éducation, formation professionnelle, etc.), la mobilité géogra- phique de la main-d’œuvre, les choix occupationnels et le travail au noir. La présence de TMEI modifie aussi le calcul du « coût marginal des fonds publics » (CMFP), c’est-à-dire le coût pour la société d’une hausse additionnelle de 1 $ de recette fiscale servant à financer des dépenses publiques. Ce coût sup- plémentaire doit en principe être incorporé dans toute analyse des programmes gouvernementaux. Browning (1976) a observé que le coût social du financement d’un dollar marginal de dépenses publiques est la somme de ce dollar, qui ne peut plus être utilisé pour un usage privé, et du changement dans le coût total en bien- être social causé par les distorsions sur les choix individuels que crée la hausse des TMEI requise pour générer ce dollar. La somme donne le CMFP, qui prend donc en compte le fardeau direct de la taxe ainsi que la charge excédentaire. Le calcul précis du CMFP dépend de la distribution jointe et complète des élasticités des différents types de comportement et des TMEI à travers la popu- lation. Ce calcul précis peut donc être assez complexe et variable. Dans le cadre relativement simple d’une économie d’individus identiques où le seul choix indi- viduel est entre le loisir et la consommation d’un bien privé, où l’impôt provient d’une taxe proportionnelle (à un taux τ) sur le revenu, et où le bien public est sépa- rable dans la fonction d’utilité de l’individu, on montre (voir Fortin et Lacroix, 1994) que : Book 84-1 mars 08.indb 9 1/20/09 10:16:00 aM
10 l’actualité économique 1 CMFP = , τ (5) 1− h 1− τ où h est l’élasticité non compensée de l’offre de travail par rapport au taux de salaire net. L’équation (5) indique que le CMFP est croissant avec le TMEI, du moins lorsque l’élasticité d’offre de travail non compensée est positive. Une raison intui- tive est qu’une réduction de l’offre de travail générée par une augmentation du TMEI est plus coûteuse en termes budgétaires pour le gouvernement lorsque le TMEI est initialement à un niveau élevé, et ce, parce que l’impact budgétaire d’une chute de l’offre de travail est proportionnel au TMEI de départ. Ainsi, lors- que h = 0,3 et τ = 0, le CMFP est de 1 $, alors qu’il atteint 1,43 $ lorsque τ = 0,5. Dans ce dernier cas, il en coûtera donc 1,43 $ à la marge, soit 0,43 $ de plus à la société, pour financer 1 $ supplémentaire de fonds publics en raison de la distor- sion marginale plus élevée sur les heures de travail qui en découle. Plus généralement, les distorsions au niveau des heures de travail offertes, telles que mesurées par le CMFP, dépendent d’une combinaison de trois facteurs : le niveau des taux effectifs d’imposition sur le revenu de travail, la répartition des individus (ou des ménages) selon ces taux, ainsi que la sensibilité des compor- tements d’offre de travail individuels4. Dans cet article, c’est la répartition des valeurs de τ qui nous intéresse de façon plus particulière. Comme nous venons de le voir, le CMFP croît avec τ (en supposant η > 0), ce qui indique que le coût de financement des dépenses publiques croît avec le niveau agrégé du financement de ces dépenses. Mais ce n’est pas seulement le niveau des τ auxquels font face en moyenne les individus qui importe. Il est en effet possible de démontrer que le CMFP est convexe dans les τ. Ainsi, pour une moyenne de τ donnée, plus sa variabilité à travers les individus autour de cette moyenne est importante, plus le CMFP de la société est élevé. Nous nous attarderons donc dans cet article à décrire à la fois les TMEI moyens et leur répartition à travers les individus5. 1.3 Le rôle de la politique familiale La politique familiale, surtout lorsqu’elle est ciblée vers les ménages à faible et à moyen revenu, a une incidence particulièrement importante sur le niveau et la variabilité des TMEI. Cette politique est constituée d’un ensemble de mesures ___________ 4. Dahlby (1998) a dérivé une expression pour le CMFP associée à une augmentation du taux de taxation sous un système d’imposition progressif en tenant compte de la répartition des individus et des différents taux auxquels ils font face. Il s’agit essentiellement de capter les changements dans les revenus du gouvernement provenant de chaque tranche d’imposition à la suite d’une modification du taux marginal de l’une des tranches, ce qui pourrait être fait grâce à notre modèle. 5. On trouvera une analyse plus détaillée de la variabilité des TMEI selon le statut familial et entre les différents types de ménage dans Duclos, Fortin et Fournier (2006). Book 84-1 mars 08.indb 10 1/20/09 10:16:01 aM
Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec 11 fiscales et de programmes de transferts qui visent à apporter un soutien au revenu des familles. Au Québec, elle implique la participation des deux paliers de gou- vernement, provincial et fédéral. Nous nous contenterons ici de décrire briève- ment les principales modifications à la politique familiale qui ont été effectuées depuis une quinzaine d’années (jusqu’en 2002)6 et ses implications attendues sur les TMEI. Nous discutons dans la conclusion de certains des changements appor- tés depuis 2002 dans la fiscalité des particuliers au Québec, et traitons brièvement de leur impact possible sur la répartition des TMEI. En 1993, le gouvernement fédéral a aboli deux mesures d’aide universelle, soit les allocations familiales et le crédit d’impôt pour enfants à charge7, dans le but de concentrer son soutien financier sur les familles à faible revenu8. Il a alors créé la prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) qui comprend, en plus d’un transfert de base, un supplément au revenu de travail pour les familles à faible revenu. À ces dernières, le gouvernement fédéral a également choisi d’ac- corder un crédit pour la taxe sur les produits et services (TPS), une mesure qui, comme la PFCE, a pour but de fournir un incitatif fiscal à travailler. En 1997, le gouvernement du Québec a lui aussi effectué une réforme majeure de l’aide accordée aux familles. La vocation de l’allocation familiale a alors été revue. Par le passé, il s’agissait d’une aide universelle dont le montant augmentait avec le nombre d’enfants. Avec la réforme, l’allocation familiale est devenue une aide financière versée uniquement aux familles à faible ou moyen revenu. En outre, la portion enfants des barèmes de l’aide sociale (appelée maintenant assistance- emploi) est devenue une composante de l’allocation familiale. Finalement, un ser- vice de garde « universel » à 5 $ par jour a été mis en place. Au niveau de l’imposition provinciale, un crédit d’impôt non remboursable est octroyé au contribuable qui a des enfants à sa charge. Un supplément s’ajoute au montant de base dans le cas d’une famille monoparentale ainsi qu’aux parents dont les enfants poursuivent des études postsecondaires. Dès qu’il a un enfant à sa charge, un contribuable est également admissible à la réduction d’impôt à l’égard de la famille9. Finalement, le gouvernement provincial offre toujours une aide financière à la garde des enfants via le crédit d’impôt remboursable pour frais de ___________ 6. Un portrait complet de l’historique de la participation de l’État à l’aide aux familles se retrouve dans Rose (2001) et Vincent et Woolley (2001). 7. Le gouvernement fédéral offre toujours un crédit d’impôt non remboursable pour le premier enfant d’une famille monoparentale. 8. Ce soutien accorde généralement un montant d’aide (sous forme de prestation, d’allocation, de crédit, etc.) qui atteint son maximum pour les ménages dont le revenu familial varie approximati- vement entre 20 000 $ et 30 000 $. À partir d’un certain seuil situé entre ces deux bornes, l’aide finan- cière versée est graduellement réduite et devient nulle pour les familles de revenu moyen à élevé. 9. La réduction d’impôt joue un rôle différent de celui joué par le crédit d’impôt non rembour- sable. Le crédit d’impôt non remboursable est une mesure fiscale qui bénéficie à toutes les familles, c’est-à-dire qu’il est non conditionnel au revenu. Le crédit correspond à 20 % d’un montant qui varie en fonction du nombre d’enfants. Le principe d’universalité ne tient plus dans le cas de la réduction d’impôt à l’égard de la famille, puisque cette mesure profite davantage aux familles à faible revenu. En effet, la déduction fiscale permise est réduite de 3 % du montant du revenu familial excédant 26 700 $. Book 84-1 mars 08.indb 11 1/20/09 10:16:01 aM
12 l’actualité économique garde encourus dans le cas des familles qui ne bénéficient pas du service de garde à 5 $ par jour. De son côté, le gouvernement fédéral a plutôt opté pour une déduction des frais de garde d’enfants, considérant qu’ils constituent un coût encouru pour gagner un revenu et qu’ils réduisent la capacité des parents à payer des impôts10. De façon globale, les deux paliers de gouvernement ont opté pour la redistri- bution verticale. Cette approche vise à faire financer par les familles plus riches une aide accrue aux familles démunies (Baril et al., 1997). L’aide universelle aux familles a par conséquent presque complètement disparu, des TMEI plus élevés à la sortie des programmes de soutien au revenu et plus variables pour l’ensemble des familles étant alors la contrepartie de la politique très ciblée choisie par les gouvernements fédéral et provincial au cours des dernières années. 2. Le modèle et les données utilisées 2.1 Structure et hypothèses du modèle Le type de modèle que nous avons construit pour l’étude de la distribution des TMEI au Québec simule l’imposition des particuliers et les programmes de transferts des gouvernements pour un échantillon d’individus, de ménages ou de familles obtenu à partir d’une enquête ou de données administratives (voir Gupta et Kapur, 2000 pour une présentation générale de ces modèles). Le modèle que nous employons a été créé au départ au ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille du Québec (MESSF). Nous l’avons adapté pour les fins de ce travail. Il s’agit d’un modèle statique qui effectue des calculs comptables pour reproduire la fiscalité et les transferts de l’année 2002. À partir des informations contenues dans la base de données, le simulateur crée une réplique de la déclara- tion de revenus de chaque ménage faisant partie de l’échantillon en tenant compte des différents programmes de transferts auxquels il a droit. Une description com- plète des mesures appliquées par le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral qui ont été incluses dans notre modèle est fournie dans Duclos, Fortin et Fournier (2006). Un résumé de ces mesures apparaît en annexe. Plusieurs hypothèses sont nécessaires pour effectuer une simulation complète de l’imposition et des programmes de transferts. • À titre d’exemple, aucune information concernant le montant des frais de garde encouru par les ménages avec enfants n’est comprise dans la base de don- nées. Cette dépense doit donc être estimée. Nous considérons ainsi que toutes les familles bénéficient du service de garde à 5 $ par jour11. En réalité, tous les parents ne profitent pas de ce programme gouvernemental pour de multiples raisons. ___________ 10. Vincent et Woolley (2001) effectuent une comparaison entre les deux paliers de gouverne- ment en ce qui concerne le traitement fiscal des frais de garde qui est particulier à chacun d’eux. 11. Il est également possible de faire toutes les simulations avec des frais de garde réguliers. Le traitement fiscal effectué est alors celui qui avait cours avant l’introduction du service de garde à 5 $. Book 84-1 mars 08.indb 12 1/20/09 10:16:02 aM
Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec 13 • En outre, nous posons l’hypothèse que seulement 50 % des familles qui répondent aux critères d’admissibilité du programme d’aide aux parents pour leurs revenus de travail (APPORT) profitent de cette aide gouvernementale. Il ne serait pas réaliste de toutes les inclure puisque seules les familles qui en font la demande peuvent obtenir ce soutien au revenu. Selon le rapport annuel de gestion du MESSF, environ 47 % des familles admissibles ont profité du programme en 2002. Une description complète des différentes hypothèses que nous avons posées pour chacun des trois ménages représentatifs est fournie en annexe. 2.2 Statistiques descriptives Dans la littérature, l’analyse descriptive des TMEI repose sur deux approches différentes. La plupart des auteurs ont recours à des profils fiscaux représentatifs (aussi appelés des « cas-types ») pour comparer l’imposition effective de diffé- rentes catégories de ménages. Cette méthode est largement utilisée puisqu’elle est relativement simple à réaliser. La deuxième approche consiste à déterminer la répartition des TMEI à travers la population. Elle permet une analyse beaucoup plus complète, mais nécessite l’utilisation d’une base représentative de données sur les ménages. Le modèle que nous utilisons possède l’avantage de permettre la présentation des résultats de chacune de ces deux approches. Un exemple d’un profil fiscal représentatif est celui fourni par le graphique 1 pour une famille biparentale avec un revenu, deux enfants de 3 et 5 ans et parti- cipant au programme APPORT pour l’année d’imposition 2002. Dans les calculs portant sur les TMEI, on suppose un seul revenu de travail ainsi que des incré- ments successifs de 10 $ de revenu salarial. Dans le graphique 1 par exemple, les TMEI sont obtenus comme 1 moins le rapport de l’augmentation du revenu disponible de la famille parentale suite à une augmentation de 10 $ du salaire du chef de famille sur 10 $. Le graphique 1 permet d’observer l’évolution des taux en fonction du revenu de travail de la famille et de distinguer les zones où les taux sont les plus élevés. Le ministère des Finances du Québec possède égale- ment son propre modèle de revenu disponible qui a permis de générer les taux marginaux implicites publiés dans le document de la Commission sur la réduc- tion des impôts des particulier (1999) et qui est également à l’origine des résul- tats présentés dans Ouellet (1998). L’analyse de profils fiscaux représentatifs est également utilisée par Bernier et Lévesque (1995) et Laferrière (2001), dont les travaux portent sur les programmes des gouvernements fédéral et provincial, ainsi que par Davies (1998), dont l’étude se limite aux mesures fiscales et de transferts fédérales. Récemment, une étude de l’OCDE (2004) a également fait appel à cette technique, étude qui se distingue par la présentation des contraintes budgétaires de différents types de ménages et ce, pour une vingtaine de pays membres et non- membres de l’OCDE12. ___________ 12. Le Canada ne fait pas partie de cette étude. Book 84-1 mars 08.indb 13 1/20/09 10:16:02 aM
14 l’actualité économique GRAPHIQUE 1 Revenu disponible et taux marginal effectif d’imposition d’une famille bipa- rentale « type », selon le salaire total de la famille* Revenu Taux marginal disponible effectif ($) d’imposition 35 000 200 % 180 % 30 000 160 % 140 % 25 000 120 % 100 % 20 000 80 % 60 % 15 000 40 % 10 000 20 % 0% 5 000 -20 % -40 % 0 -60 % 0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 Salaire total ($) Revenu disponible Taux marginal d’imposition NOTE : * Les TMEI sont obtenus en ajoutant 10 $ au salaire du membre de la famille ayant le salaire le plus élevé. SOURCE : Direction de l’analyse économique et des projets gouvernementaux, MESSF Trois éléments importants distinguent en général les différentes études qui ont été effectuées à l’aide de cas-types : le nombre de catégories distinctes de ména- ges retenu, l’intervalle de revenu considéré ainsi que l’ensemble des mesures fis- cales et de transferts intégrés à l’étude. Par ailleurs, un constat important émerge de la plupart des études de cas-types. C’est dans la zone de revenu où les ménages sont bénéficiaires nets de l’État que les TMEI sont généralement les plus élevés (Gouvernement du Québec, 1999). Précisons que c’est un ensemble plus large encore de ménages, ceux à faibles revenus, qui sont les plus durement imposés (de façon effective) à la marge (Bernier et Lévesque, 1995; Ouellet, 1998; Davies, 1998 et Laferrière, 2001). Ce résultat n’est pas étonnant lorsque nous nous attar- dons à la structure des politiques gouvernementales de transferts. Dans le but de diriger l’aide vers les familles les plus pauvres et de limiter les coûts des program- mes gouvernementaux, les mesures de transferts s’accompagnent en effet de taux de récupération qui sont souvent très élevés (c’est-à-dire que le montant d’aide financière diminue rapidement à mesure que le revenu familial est en hausse), augmentant ainsi le TMEI. Les conclusions qui peuvent être tirées d’une analyse de cas-types demeu- rent toutefois plutôt limitées. La démonstration qu’une famille qui possède des Book 84-1 mars 08.indb 14 1/20/09 10:16:04 aM
Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec 15 c aractéristiques bien précises aura un TMEI particulièrement élevé dans certai- nes tranches de revenu ne fournit aucune indication en ce qui a trait au nombre de familles qui se retrouvent dans cette situation. C’est ainsi que Davies (1998) pousse l’analyse un peu plus loin en calculant le taux marginal effectif moyen auquel font face les Canadiens (51 % en 1994). Par contre, ce résultat est basé sur des données agrégées, ce qui limite le raffinement de son analyse. Des études plus fines ont été menées dans le but de déterminer la répartition des TMEI à travers la population et de décrire les caractéristiques des individus qui font face aux plus hauts taux. Une caractéristique commune les unit, soit la méthodologie qui a été utilisée pour générer les TMEI, qui est d’ailleurs celle que nous emploierons. En 1998, l’étude américaine produite par le Joint Committee on Taxation a effectué une comparaison entre les taux statutaires (qui reflètent le mécanisme d’imposition seulement) et les TMEI pour l’ensemble des ménages du pays. L’étude a permis de mettre en relief que 25 % des payeurs de taxes américains ont un TMEI qui diffère du taux d’imposition officiel. Au Canada, ce pourcentage s’élevait à 56 %13 pour la même année fiscale (Macnaughton et al., 1998). Les travaux de Macnaughton et al. (1998) ont également permis de confirmer que les TMEI élevés se retrouvent surtout parmi les contribuables qui sont dans la tran- che d’imposition de 17 %, c’est-à-dire ceux qui ont les revenus les plus faibles. Alors que seulement 2 % des individus dont le revenu se situe dans la plus haute tranche d’imposition ont un TMEI différent de celui prévu explicitement par la loi, 89 % de ceux dont le revenu est imposé à 17 % sont dans cette situation. Les auteurs mentionnent aussi qu’outre le revenu, les caractéristiques familiales ont un impact sur l’ampleur du TMEI. Mentionnons, entre autres, que le TMEI aug- mente par 2 ou 3 unités de pourcentage par enfant, cet effet n’étant cependant plus présent pour les familles dont le revenu se situe dans la tranche d’imposition la plus élevée. De l’étude du système fiscal et de transferts de la France par Laroque et Salanié (1999) se dégagent des résultats similaires à ceux obtenus à partir des simulations canadienne et américaine. 2.3 Les données utilisées Les données que nous utilisons sont extraites du système « Base de données et Modèle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) » conçu par Statistique Canada. Cet outil a été créé pour permettre l’analyse de politiques fiscales, de pro- grammes de transferts ainsi que de taxes de vente et ce, pour l’ensemble du Canada ou pour une province en particulier. Nous tirons nos données de ce modèle de microsimulation et nous effectuons nos propres calculs à l’aide de notre modèle. La raison de cette démarche réside dans le manque de flexibilité du système BD/ MSPS. De plus, certaines politiques québécoises, comme le programme APPORT, n’y sont pas intégrées. Toutefois, la base de données du système BD/MSPS est la ___________ 13. Il s’agit probablement d’une borne inférieure puisque l’aide sociale, qui est en cause dans le niveau élevé des TMEI, n’a pas été incluse dans la simulation de Macnaughton et al. (1998). Book 84-1 mars 08.indb 15 1/20/09 10:16:04 aM
16 l’actualité économique source d’information que nous considérons être la meilleure pour répondre à nos besoins. Elle a été construite à l’aide d’une combinaison de données administra- tives individuelles obtenues des déclarations de revenus personnelles et des dos- siers historiques des prestataires d’assurance-emploi avec des données d’enquêtes sur les revenus des familles et les régimes de dépenses des familles. Cinq grandes sources de données ont permis de construire la base de données de simulation de politiques sociales (BDSPS). 1. La première est l’Enquête sur les finances des consommateurs qui est la principale source d’information dont dispose Statistique Canada concernant la répartition du revenu entre les individus et les familles. Des informations essen- tielles pour les simulations que nous effectuons s’y retrouvent. 2. Une deuxième source d’information provient des déclarations d’impôt des particuliers. Elle constitue un complément important aux données d’enquêtes dont la principale lacune est le manque d’information détaillée sur plusieurs éléments de la fiscalité. 3. Un échantillon des dossiers historiques des demandes de prestations d’assurance-emploi (AE) représente la troisième source de microdonnées. 4. La quatrième est l’Enquête sur les dépenses des ménages qui est pério- diquement menée par Statistique Canada. En plus de contenir des données très détaillées sur les revenus des Canadiens et la structure des dépenses des ménages, son principal apport est de fournir de l’information sur les changements nets dans l’actif et le passif des ménages. En cours de simulation, les données concernant l’épargne sont particulièrement utiles pour déterminer, par exemple, l’admissi- bilité d’une famille au programme APPORT (un test d’actifs est effectué pour déterminer si une famille à faible revenu peut bénéficier du transfert). 5. Les concepteurs de la BDSPS ont puisé dans une dernière source, soit l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu. Il s’agit d’une enquête lon- gitudinale sur les ménages qui fournit de l’information concernant les revenus et l’expérience sur le marché du travail14. La BDSPS, beaucoup plus riche en information qu’une seule enquête, contient toutes les variables nécessaires aux simulations que nous voulons effectuer. Les données que nous avons extraites de la BDSPS étaient initialement stoc- kées au niveau de l’individu. Nous avons regroupé les individus en fonction d’un niveau plus agrégé de classement, c’est-à-dire la famille de recensement, tout en conservant les informations relatives à chacun des membres (par exemple, le revenu de travail du chef ainsi que celui des autres membres de la famille). La BDSPS définit la famille de recensement comme étant « un chef, un conjoint le ___________ 14. Pour plus d’information concernant les bases de microdonnées et leur assemblage, on peut consulter le document BD/MSPS Guide de création de la base de données de Statistique Canada. Book 84-1 mars 08.indb 16 1/20/09 10:16:04 aM
Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec 17 cas échéant, et les enfants de n’importe quel âge qui n’ont jamais été mariés, parta- geant le même logement ». Ainsi, deux individus célibataires vivant sous un même toit constituent deux familles de recensement. Dans le cadre de notre analyse fis- cale, ces deux individus sont donc considérés séparément. Nous avons également fait en sorte que la personne âgée de 18 ans et plus, qui n’est plus aux études et qui possède un revenu imposable, mais qui demeure toujours dans la maison familiale soit traitée comme une personne seule. Le traitement de la base de données initiale a donc permis d’obtenir un échantillon approprié à l’analyse fiscale. 3. Analyse des résultats : profils fiscaux représentatifs Les études microéconométriques qui se sont intéressées à l’impact des chan- gements des politiques gouvernementales sur l’offre de travail ont généralement mené à la conclusion que les élasticités d’offre de travail par rapport au taux de salaire net sont relativement faibles pour la population dans son ensemble. Par contre, ces élasticités peuvent être plus importantes pour des groupes particuliers d’individus, tel que les chefs de famille monoparentale. Conséquemment, il est primordial d’aller au-delà de l’impact moyen que peuvent avoir la fiscalité et les transferts en analysant plutôt leur influence dans le cadre de situations familiales particulières et ce, à des niveaux de revenus divers. Notre modèle de microsimulation nous permet d’atteindre cet objectif en mesurant les TMEI pour un échantillon représentatif de la population. En faisant appel à diverses mesures, telles que des profils fiscaux représentatifs et des graphi- ques de densité, nous dressons un portrait de la situation des TMEI au Québec. En effet, nous discutons du niveau des taux, de leur répartition et de leur composition, en plus de faire ressortir les caractéristiques des ménages que nous retrouvons dans les différentes tranches d’imposition effective. Rappelons que, tel que men- tionné à la section 1.2, le CMFP est convexe par rapport aux TMEI. En consé- quence, pour un TMEI moyen donné, le CMFP augmente avec la variabilité des TMEI et il est donc important de tenir compte de cette variabilité. Tel que souligné à la section 2.2, le recours à des profils fiscaux représentatifs est une façon simple de comparer l’imposition effective de différentes catégo- ries de ménages. La présentation que nous effectuons se distingue des cas-types que l’on retrouve généralement dans la littérature puisqu’elle est assortie d’une décomposition du TMEI total qui permet d’illustrer la contribution de chaque élément de la fiscalité (impôts sur le revenu, crédits d’impôt, remboursements, etc.), des transferts sociaux (programmes d’aide à la famille, aux revenus, etc.) et des taxes sur la masse salariale payées par l’employé (RRQ et AE). Trois profils fiscaux feront l’objet d’une courte présentation. Pour chacun d’eux, les TMEI, calculés pour une augmentation de 10 $ de revenu15, sont présentés pour un revenu ___________ 15. L’augmentation du revenu du ménage provient d’une hausse du revenu de travail de l’individu qui est considéré comme étant le « chef de famille » selon le classement effectué par Statistique Canada. Book 84-1 mars 08.indb 17 1/20/09 10:16:05 aM
18 l’actualité économique familial variant entre 0 et 70 000 $16. Nous avons opté pour une hausse de 10 $, à la marge, dans le but d’illustrer plus nettement les coupures associées aux seuils d’entrée et de sortie des différents programmes sociaux. De plus, des analyses de sensibilité effectuées à l’aide d’incréments variant entre 10 $ et 1 000 $ ont révélé que l’évolution du taux marginal dans le cadre d’une analyse de profil fiscal repré- sentatif variait peu en fonction du montant d’augmentation du revenu retenu. 3.1 La personne seule Le profil fiscal de la personne seule est illustré au graphique 2. Sa présentation est relativement simple compte tenu du nombre limité de mesures fiscales et de programmes qui affectent ce type de ménage. Notons que le TMEI est d’abord négatif, c’est-à-dire que le montant reçu en paiement de transferts s’accroît suite à la hausse du revenu. Il en est ainsi puisque la prestation d’aide sociale (appelé aussi assistance-emploi) n’est pas affectée par les premiers dollars gagnés par l’individu et puisque le crédit pour la TPS augmente avec le revenu. Dès que le revenu dépasse le seuil permis sans pénalité (1 200 $ lorsque la personne n’a pas de contraintes à l’emploi), la présence de l’aide sociale, accompagnée des cotisa- tions au RRQ et à l’AE, fait grimper le TMEI jusqu’à 100 %. Ce n’est qu’un peu avant que son revenu atteigne 12 000 $ que la personne seule voit le TMEI auquel elle fait face diminuer. Le concept de « piège de la pauvreté » ou de piège à l’inac- tivité17 prend ici tout son sens, puisqu’il nous est possible de constater graphi- quement la présence de la barrière qui freine l’incitation au travail des individus prestataires de l’aide sociale. Soulignons également la présence d’une disconti- nuité du taux lorsque le revenu atteint le seuil de départ de la cotisation au régime d’AE (la cotisation, prélevée au taux de 2,20 %, s’applique sur les 2 000 $ gagnés initialement lorsque ce niveau de revenu d’emploi est atteint). Notons enfin que nous ignorons dans l’analyse les prestations spéciales que certains prestataires de l’aide sociale peuvent obtenir (par exemple assurance-médicaments, soins dentai- res, prestations lors d’un sinistre, etc.) et auxquelles ils n’ont plus droit lorsqu’ils ne sont plus admissibles à ce programme. Dans un tel cas, le TMEI peut excéder 100 %. Observons maintenant l’évolution du TMEI après la sortie de l’aide sociale. La combinaison des impôts fédéral et provincial, des cotisations (RRQ, AE et ___________ 16. Lorsque le revenu familial excède 70 000 $, le taux marginal effectif d’imposition se sta- bilise autour de 45 % (selon les caractéristiques du ménage). À quelques exceptions près, seules les mesures fiscales d’impôt sur le revenu sont alors appliquées au dollar gagné à la marge, les program- mes de transfert n’ayant généralement plus d’effet pour les tranches de revenu supérieures. 17. Un rapporteur a fait la remarque judicieuse que le terme de « piège à inactivité » serait sans doute plus adéquat ici que celui de « piège à pauvreté », notre analyse ne portant pas particulièrement sur la question de la pauvreté. Par ailleurs, notre article n’estime pas comment le comportement sur le marché du travail est influencé par ces trappes à inactivité; cela nécessiterait l’estimation d’un modèle d'offre de travail afin de mettre en rapport, d'un côté, la mesure de trappe à inactivité qui peut être construite grâce à notre modèle et, de l'autre, les choix de type et d’intensité d’activités. Pour une recherche récente dans cette direction appliquée au Québec, voir Parisé (2007). Book 84-1 mars 08.indb 18 1/20/09 10:16:05 aM
Book 84-1 mars 08.indb 19 GRAPHIQUE 2 Composition du taux marginal effectif d’imposition d’une personne seule « type » selon le niveau de revenu total* Une analyse des taux marginaux effectifs d’imposition au Québec 100 90 80 Taux marginal effectif d’imposition 70 60 Aide 50 sociale 40 30 Impôt provincial 20 10 Impôt fédéral 0 0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000 55 000 60 000 65 000 70 000 -10 Revenu familial RRQ Assurance-emploi Cotisation d’ass.-méd. Crédit TVQ Remb. d’impôt foncier Crédit TPS NOTE : * Chacun des polygones montre la contribution d’un élément du système fiscal au TMEI total de la personne seule. Les TMEI sont obtenus en ajoutant 10 $ au revenu familial. 19 1/20/09 10:16:07 aM
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