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UNE JOYEUSE FÊTE à tous les papas d'ici et d'ailleurs Désinformation et Covid-19 : Une attaque contre l’Etat de droit européen Un article d'Elise Bernard et Raphaël Cario pour EuropaNova 2 juillet 2020
Désinformation et Covid-19 Le 24 avril 2020 le New York Times a publié un article provoquant de nombreuses réactions institutionnelles notamment au sein de la Commission Européenne : « Pressured by China, EU softens report on Covid-19 disinformation. »[1]. Il présente les pressions émises par Pékin pour limiter les critiques par des acteurs européens de sa politique de désinformation durant la pandémie. Ces pressions s’inscrivent dans un contexte plus général d’attaque contre l’Etat de droit européen de la part des nouvelles puissances illibérales. Quelles soient internes ou externes à l’Union, explicites ou implicites, le projet européen de protection des libertés fondamentales est mis à mal par ces attaques. Les politiques de désinformation qui se sont illustrées pendant la pandémie sont un exemple flagrant de leur réalité, de leur objet ainsi que de la réponse limitée des acteurs européens. La création de cette Task Force de lutte contre la désinformation s'ancre dans le contexte d'une nouvelle ambition géopolitique de la Commission Européenne. Elle vise à répondre aux pressions d’acteurs étatiques extérieurs à l’Union. Depuis 2015, donc depuis le prédécesseur de Josep Borrell, Haut-représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité – Mme Mogherini –, l’UE dit lutter contre la désinformation. Un service spécifique a été créé à la suite d’une décision du Conseil Européen de mars 2015 [2] : les exécutifs des Etats membres se sont mis d’accord pour créer ladite Task Force StratCom afin de « répondre aux campagnes de désinformation actuellement menées par la Russie. ». Cette Task Force a alors pour mission, conjointement avec les autres services compétents de la Commission, d’améliorer les réponses de l’UE afin de prévoir les activités de désinformation pro- Kremlin, d’y riposter, et de sensibiliser le public. Nous nous rendons malheureusement compte, au regard de cet article du Times, que cette mission est loin d’avoir été remplie. Certes, des avancées sont notables: nous ne nous limitons plus à la désinformation d’origine russe et un code de bonnes pratiques signé avec les « Géants du web » a pu être mis en place. Nous promouvons les activités dites de fact-checking avec les agences de presse, les divers secteurs d’information, il faut toutefois admettre qu’en ce qui concerne la riposte et la sensibilisation du public, nous sommes très loin d’une prise en considération à hauteur des enjeux. Les comptes rendus de cette Task Force sont publics [3] mais ne sont que peu - voire pas - couverts par la presse. Page 1
Désinformation et Covid-19 Parmi les fausses informations concernant en premier lieu l’ambition géopolitique de la Commission, on retrouve: la dislocation de l’UE qui serait accélérée avec la crise sanitaire actuelle ; l’abandon des partenaires ou des candidats, très largement relayé dans les Balkans en Serbie et Macédoine du Nord ainsi que le recul des gouvernements sur les valeurs européennes [4]. Dans cette profusion de contenu, nous trouvons des éléments à ambition informative, des opinions se présentant comme des éléments informatifs, et – plus graves - des narrations nouvelles liées spécifiquement à la crise sanitaire : l’inutilité des gestes barrières ou la création du virus comme arme bactériologique. Et enfin, bien sûr, celles qui concernent spécifiquement l’aspect géopolitique de la Commission : une meilleure résilience de la Russie et de la Chine. L’autre nouveauté est que ces dernières sont très intensivement relayées par des acteurs chinois [5][6]. Le travail de cette Task Force de l’UE est précieux, ouvert au public mais imparfait. La petite « déflagration » provoquée par l'article du Times porte sur le dernier rapport relatif à la désinformation, rédigé par le Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE), et elle pose un trouble particulièrement sérieux : notre désinformateur désinformerait. Et il n’est donc plus du tout question de désinformation agressive ni même de réflexion sur un plan institutionnel. De plus, les cibles des attaques de cette désinformation nous permet de mieux cerner ce qui démarque l’UE des puissances illibérales. L’accent mis sur l’inefficacité de l’Etat de droit et des libertés fondamentales dans les gestions de crises souligne la volonté de mettre à mal le cœur des valeurs portées par l’Union et les nations européennes. En effet, cette actualité du rapport du SEAE s’insère dans un contexte plus général d’attaques contre l’Etat de droit européen. Le ton avait été donné avec le rapport de la présidence finlandaise en juin 2019 [7]: il expliquait que le succès européen ne peut être fondé que sur des institutions démocratiques, la protection des Droits de l’Homme et l’Etat de droit. Cette mise en œuvre de l’Etat de droit se doit d’être renforcée. Au niveau du Conseil, on est clairement - au 2nd semestre 2019 - sur une déclaration d’intention de mise en avant de l’Etat de droit. Le problème est que les indicateurs de gouvernance actuellement, et en particulier ceux de la Banque Mondiale [8] depuis une dizaine d’années, soulèvent des difficultés en matière de respect de l’Etat de droit démocratique. Page 2
Désinformation et Covid-19 Le Conseil fait un appel du pied à la Commission pour prendre position en tant que Commission géopolitique qui doit défendre et promouvoir l’Etat de droit démocratique. Les attaques chinoises ou russes, qui passent notamment par les campagnes de désinformation ciblées par le SEAE, visent l’Etat de droit démocratique européen. Près de 170 000 comptes twitter servant de relais de désinformation pour le gouvernement chinois ont été supprimés par la plateforme au début du mois de juin [9]. Ces attaques sont, au fond, une attaque contre la souveraineté européenne en ce qu’elles s’opposent aux valeurs européennes des déclarations des droits. Ces valeurs communes et leur défense sont au cœur du projet européen et portent la légitimité de l’action commune. Combattre ces attaques consiste à défendre notre souveraineté, donc nos valeurs fondamentales; ceci ne peut se limiter à une réponse institutionnelle et procédurière. Réduire la défense de l’Etat de droit à la simple possibilité d’enclencher l’article 7 du TUE est une erreur. L’UE se doit de faire un travail de promotion de ses valeurs. En ces temps de crise sanitaire, il est tout à fait bienvenu de parler de l’Etat de droit. Un travail de promotion doit être fait au niveau des Etats mais sans se limiter à ces derniers : il est grand temps de voir les piliers communs de l’Etat de droit démocratique en Europe défendus par l’UE. Là doit se trouver le coeur du discours politique. L’établissement de rapports informatifs sur la désinformation pour les citoyens est nécessaire. Cependant, doit-il relever de la responsabilité supranationale ou d'un organe gouvernemental ? Partant du principe que l'objectif consiste à défendre des valeurs communes, elle se doit d’être supranationale. En ce sens, le Conseil a pris une décision en 2015 [10] et donne l’impression que les Etats membres tiennent à ce que ce sujet soit traité au niveau supranational. Cependant aujourd’hui, au regard de la crise actuelle, est-ce toujours le cas ? Si c’est une obligation européenne de défense de notre souveraineté, nous attendons de l’Europe une protection de l’Etat de droit et donc une lutte affirmée contre la désinformation. Est-ce que le SEAE et le Parlement européen ont assez de moyens pour le faire ? Tout ceci donne surtout l’impression que citoyens et représentants se retrouvent pris au dépourvu, peu importent les réponses. Page 3
Désinformation et Covid-19 La responsabilité est globale, elle nous concerne tous, les principes fondamentaux sont les mêmes et viennent d’une tradition philosophique commune et ancienne (voir notre article). Nous attendons de la Conférence sur l’avenir de l’Europe [11] l’impulsion d’une réflexion d’ensemble : des acteurs privés, des agences nationales et européennes, du contrôleur européen des données, du médiateur européen, du conseil européen à la recherche ainsi que de tous les vecteurs d’information publics et privés. L'occasion se présente aussi d'insister sur le rôle des acteurs de la formation et de l'éducation. Les déclarations d’intention et déblocages de budgets doivent impérativement être suivis de faits visibles. Cela signifie que les appels à projets à venir doivent aller dans le sens de ces droits fondamentaux, être porteurs des droits démocratiques et obliger acteurs privés, publics et de différentes disciplines à s’allier. Ces appels à projets doivent être conçus avec l’objectif de préserver les droits fondamentaux. Ce point est transversal : nous ne pouvons pas juste le limiter à la DG de Mme Jurova. Il faut, d’abord, que la Commission arrête de raisonner par matières comme si chaque matière ne concernait qu’un sujet. Ainsi, la Conférence sur l’avenir de l’Europe doit regrouper dans sa réflexion les institutions, les chercheurs, les acteurs de l'information, de l'éducation et de la formation. Il faut également que ces résultats soient visibles et accessibles. De ces derniers, on peut attendre: la nécessite de développer des méthodes pour enseigner le sens critique et analyser l’information. Disposer des clefs pour comprendre le monde dans lequel nous vivons doit être un droit ouvert à tous. Comprendre la construction européenne ne peut pas rester un monopole de sachants. Ces paradoxes nous pèsent : il y a une incompréhension entre ceux qui ont l’impression de subir l’Europe et ceux qui la vivent. L’ambition géopolitique de la Commission Européenne ne peut pas se cantonner à des réactions institutionnelles. Il est de la responsabilité des acteurs européens de mettre la protection et la promotion de l’Etat de droit européen et de ses valeurs au cœur de ses réponses. Elle passe par la pleine conscience des fondements de la souveraineté européenne et du bien-fondé des droits fondamentaux qui font l’unité européenne et sont pour l’essentiel la cibles des attaques des menaces autocratiques. Page 4
Les auteurs Directrice des Études chez EuropaNova, Elise Bernard est spécialisée dans les notions d’Etat de droit et des droits fondamentaux, enseignant les institutions européennes depuis 2009. Chargée d’enseignement en droit et institutions européennes, procédures et droit des libertés fondamentales (Universités Paris II, Paris III, Lyon II, Lyon III et ESSEC), membre de jury de concours de la fonction publique française en droit européen, son objectif est de faire prendre conscience que le droit ne se subit pas forcément et qu’en se penchant sur ses mécanismes d’élaboration, de meilleurs correctifs peuvent être envisagés… à condition d’emprunter les Elise Bernard bons canaux. Etudiant en MSc of Public Policy à l’University College London (UCL), Raphaël Cario est chargé de projets sur les questions de souveraineté européenne. Ancien étudiant du Bachelor of Arts & Sciences de UCL ainsi que de l’Ecole Normale Supérieure de Paris (Ulm), il intègre l’équipe d’Europa Nova en juin 2020. Il est spécialisé en sciences politiques et en épistémologie après un mémoire sur les sciences naturelles et philosophie de l’Histoire de Raymond Aron. Raphaël Cario
Références [1] M. Apuzzo, "Pressured by China, E.U. Softens Report on Covid-19 Disinformation", Nytimes.com, 2020. [Online]. Available: https://www.nytimes.com/2020/04/24/world/europe/disinformation-china-eu- coronavirus.html. [Accessed: 25- Jun- 2020]. [2] Eesc.europa.eu, 2015. [Online]. Available: https://www.eesc.europa.eu/resources/docs/european-council- conclusions-19-20-march-2015-en.pdf. [Accessed: 25- Jun- 2020]. [3] "EUR-Lex - 52020JC0008 - EN - EUR-Lex", Eur-lex.europa.eu, 2020. [Online]. Available: https://eur- lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52020JC0008. [Accessed: 25- Jun- 2020]. [4] "Contrer les campagnes de désinformation menées actuellement par la Russie»: l’histoire d’EUvsDisinfo - EU vs DISINFORMATION", EU vs DISINFORMATION, 2020. [Online]. Available: https://euvsdisinfo.eu/fr/contrer- les-campagnes-de-desinformation-menees-actuellement-par-la-russie-lhistoire-deuvsdisinfo/. [Accessed: 25- Jun- 2020]. [5] S. Myers, "China Spins Tale That the U.S. Army Started the Coronavirus Epidemic", Nytimes.com, 2020. [Online]. Available: https://www.nytimes.com/2020/03/13/world/asia/coronavirus-china-conspiracy- theory.html. [Accessed: 25- Jun- 2020]. [6] E. Wong, M. Rosenberg and J. Barne, "Chinese Agents Helped Spread Messages That Sowed Virus Panic in U.S., Officials Say", Nytimes.com, 2020. [Online]. Available: https://www.nytimes.com/2020/04/22/us/politics/coronavirus-china-disinformation.html. [Accessed: 25- Jun- 2020]. [7] "Conseil européen, 20-21 juin 2019", Consilium.europa.eu, 2020. [Online]. Available: https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/european-council/2019/06/20-21/. [Accessed: 25- Jun- 2020]. [8] World Bank, Worldwilde Governance Indicators, 2019, available on https://info.worldbank.org/governance/wgi/Home/Documents [9] H. Murphy and Y. Yang, "Twitter removes thousands of China-backed disinformation accounts", Ft.com, 2020. [Online]. Available: https://www.ft.com/content/deeb3704-5924-44e3-9363-dd28ce7f67f1. [Accessed: 25- Jun- 2020]. [10] "Réunion du Conseil européen (19 et 20 mars 2015)", Data.consilium.europa.eu, 2015. [Online]. Available: http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-11-2015-INIT/fr/pdf. [Accessed: 25- Jun- 2020]. [11] "European Parliament's position on the Conference on the Future of Europe - Wednesday, 15 January 2020", Europarl.europa.eu, 2020. [Online]. Available: https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9- 2020-0010_EN.html. [Accessed: 25- Jun- 2020].
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