Comment favoriser une bonne orientation lors du choix des études universitaires ?

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                              Comment favoriser une bonne orientation
                               lors du choix des études universitaires ?

                                                        Frédéric Nils

L’enseignement supérieur en Communauté française se distinguant par un accès très ouvert, le
choix des études supérieures peut s’opérer relativement indépendamment des options suivies dans
l’enseignement secondaire. L’absence de cette obligation de continuité/cohérence dans les choix
opérés, et l’absence d’évaluation sanctionnant l’admission dans les filières universitaires rendent
la problématique de l’orientation dans la transition entre les études secondaires et universitaires
d’autant plus cruciale.

Les acteurs de l’orientation dans la transition entre le secondaire et l’université
En matière d’information et d’orientation lors du passage de l’enseignement secondaire aux études
universitaires, trois acteurs centraux sont aisément identifiables : les centres psycho-médico-
sociaux (CPMS), les écoles secondaires et les services d’information et d’orientation des
universités. D’autres intervenants ou initiatives occupent une place plus périphérique, tels le
Service d’Information sur les Études et les Professions (SIEP), le Centre d’Information et de
Documentation sur les Études et les Professions (CEDIEP), les sites web institutionnels et non
institutionnels d’information sur les études et les professions, des initiatives des universités
comme les formations Relais (Dozot & Wouters, 2002) et Rebond (Aerts & Dozot, 2004), des
initiatives sectorielles, comme Technopass (Centre de ressource et de documentation des métiers
industriels), et des initiatives ponctuelles émanant d’associations (Rotary, Lions, parents d’élèves).

Parmi l’ensemble de ces acteurs, certains sont institutionnels, dépendent des pouvoirs publics et
sont régis par des réglementations décrétales ; d’autres proviennent du secteur associatif, tout en
travaillant de manière plus ou moins étroite avec des intervenants institutionnels ; certains autres
encore proviennent du secteur privé. On retrouve parmi ces acteurs des professionnels de
l’orientation, mais également des personnes qui ne présentent aucune garantie de compétences
dans le domaine. Par ailleurs, certains exercent en toute neutralité par rapport à l’offre de
formation proposée aux usagers alors que, chez d’autres, la promotion de certains établissements
ou filières de l’enseignement supérieur est manifeste. Enfin, les actions proposées peuvent être
entièrement gratuites (c’est souvent le cas) ou payantes.

Les actions d’orientation dans la transition entre le secondaire et l’université
Contrairement à ce qui se passait jusqu'au début des années 1960, où le conseil en orientation
prenait généralement une allure très directive et était associé à la passation d’une panoplie de tests
de compétences, l’aide à l’orientation d’aujourd’hui se présente davantage comme un processus
non directif d’accompagnement du jeune, considéré comme l’acteur central de son orientation
(Guichard & Huteau, 2001). Cet accompagnement se réalise dans quatre grands domaines :

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(Dir.). Recherches et actions en faveur de la réussite en première année universitaire. Vingt ans de collaboration dans la
Commission « Réussite » du Conseil interuniversitaire de la Communauté française de Belgique. Bruxelles : CIUF.              14
l’exploration et la connaissance de soi, l’exploration et la connaissance de l’offre de formation et
du monde du travail, la maturation d’un projet personnel et professionnel et, in fine,
l’accompagnement dans la prise de décision.

En partenariat étroit avec les écoles secondaires qu’ils desservent, les CPMS sont actifs dans
chacun de ces domaines de l’accompagnement, principalement dans le troisième degré de
l’enseignement secondaire, et parfois aussi plus tôt dans la scolarité. Les agents des CPMS
donnent des informations sur les filières de formation dans l’enseignement supérieur, organisent
des formations visant à aider le jeune dans la maturation de ses projets de vie, accueillent des
jeunes dans le cadre d’entretiens individuels, font passer des tests d’intérêts professionnels (de
façon collective en classe, ou individuelle, sous la forme de tests « papier crayon » ou
informatisés) et encadrent les jeunes qui le souhaitent dans leur prise de décision.

Outre les partenariats entre les CPMS et les écoles secondaires, ces dernières ont, depuis 1997, la
possibilité d’affecter deux semaines de cours à des activités d’information et d’orientation durant
le troisième degré de l’enseignement secondaire. Une enquête récente pilotée par le Conseil de
l’Éducation et de la Formation de la Communauté française (Avis 101 du CEF, 2008) a permis de
récolter des informations à propos de l’utilisation faite de ces deux semaines dédiées à
l’information et à l’orientation. Premièrement, une minorité d’écoles n’en fait aucun usage.
Ensuite, certaines écoles travaillent exclusivement en partenariat avec les CPMS pour développer
des activités d’information et d’orientation de base. D’autres font appel à des acteurs extérieurs
(services d’orientation des universités et hautes écoles, professionnels de différents secteurs,
membres du Rotary,…) qu’elles invitent pour réaliser des activités en leur sein. Une série d’écoles
utilise les dix jours pour permettre aux élèves de participer à des activités à l’extérieur (salons,
stages, rencontres, …). Enfin, une part non négligeable des établissements secondaires interrogés
rapporte avoir développé un processus d’orientation structuré, étalé sur les deux années du
troisième degré, comprenant des activités variées et organisées avec des partenaires multiples
(CPMS, services d’orientation des universités et hautes écoles, services publics comme le
FOREM, professionnels du secteur privé,…). Avant de conclure sur ceci, il est important de faire
état que le Conseil de l’Éducation et de la Formation constate de grandes inégalités entre élèves
par rapport à l’information et aux activités d’orientation, et ce, principalement en fonction de
l’école fréquentée, de son implantation géographique et de la persistance de stéréotypes sexistes à
l’égard des femmes et de leurs choix d’études.

Comme indiqué plus haut, les universités et, plus spécifiquement, leurs services d’information et
d’orientation, sont des acteurs de premier plan dans l’aide apportée aux jeunes dans la transition
entre le secondaire et le supérieur. Sans prétendre à l’exhaustivité, les activités qu’ils proposent
peuvent comprendre la mise à disposition d’un espace documentaire sur les formations et les
métiers, des consultations individuelles en matière d’information et d’orientation, souvent
agrémentées de sessions de testing, des formations collectives organisées dans les écoles, des
soirées d’information, des journées portes ouvertes, des semaines de cours ouverts pendant les
congés de Toussaint et de Carnaval, des sessions de sensibilisation à l’orientation à destination
des enseignants et des parents d’élèves, etc. Depuis plus de trente ans, certaines institutions
universitaires se sont dotées d’un service d’information et d’orientation, service qui propose la
totalité des activités énumérées ci-dessus, alors que pour d’autres établissements universitaires,
cette préoccupation a été plus tardive, et reste, semble-t-il parfois, moins prioritaire.

Le constat qui ressort de ceci est a priori fort positif : beaucoup d’acteurs sont impliqués et
nombre d’actions sont proposées pour accompagner le jeune dans son choix d’études. Néanmoins,

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trois bémols sont à signaler, comme le souligne d’ailleurs le Conseil de l’Éducation et de la
Formation dans plusieurs de ses avis. D’une part, il n’existe à l’heure actuelle aucune structure
permettant de relier entre eux les acteurs de l’orientation et de créer des synergies au niveau des
activités proposées. D’autre part, il y a des inégalités importantes entre les jeunes par rapport à
l’accès à l’offre de service en matière d’orientation. Enfin, contrairement à la plupart des pays
voisins, où on peut trouver des masters en un ou deux ans, formant à l’orientation scolaire et
professionnelle, la Communauté française ne propose aucune formation universitaire diplômante
dans ce domaine. Dans les différentes facultés de psychologie et des sciences de l'éducation, un
seul cours est dédié à cette problématique.

De l’offre… à la demande
Selon une enquête récente (2008) réalisée au Salon du Service d'Information sur les Études et les
Professions (SIEP) à Namur et rapportée par Simonart (2009), les jeunes en fin de secondaire ont
les attentes prioritaires suivantes en matière d’orientation : (1) être informés et éclairés par rapport
aux avantages et inconvénients des formations et professions ; (2) être conseillés, recevoir des
suggestions, être mis en correspondance avec un ou des métiers ; (3) être écoutés. Plus
spécifiquement, par rapport aux outils d’orientation (logiciels, tests, questionnaires), les jeunes
s’attendent à ce qu’ils donnent une direction précise, qu’ils fournissent une aide pour une
meilleure connaissance de soi, et qu’ils mettent en correspondance leur personnalité, leurs
aptitudes avec la formation ou la profession future. En outre, les jeunes interrogés ont tendance à
accorder une grande confiance aux résultats des tests, surtout s’ils sont informatisés.

Parallèlement à ces constats relatifs aux attentes des jeunes par rapport aux acteurs de
l’orientation, des chiffres relatifs à la fréquentation des activités proposées par ces derniers
montrent que les grands rendez-vous informationnels comme les salons dédiés à l’orientation ou
les soirées d’information dans les écoles remportent un succès important, les jeunes s’y déplaçant
habituellement en groupes de condisciples. Par contre, les démarches individuelles telles que les
demandes de conseil en face-à-face auprès d’un agent d’un CPMS ou d’un conseiller d’un service
d’orientation universitaire restent plus marginales. Néanmoins, ceux qui effectuent ces démarches
s’estiment généralement satisfaits à très satisfaits et ont tendance à suivre les conseils donnés.
Enfin, dans la recherche réalisée par Moutte (2008) sur un échantillon de rhétoriciens indécis, il
apparaît qu’un tiers d’entre eux ne fait aucune démarche de recherche d’information ou de
demande d’accompagnement avant l’inscription dans un programme d’études supérieures. Ce
dernier constat confirme le résultat de l’enquête réalisée à l’Université catholique de Louvain en
2001 auprès d’étudiants en échec au terme de leur première année : plus de 25% d’entre eux
déclaraient n’avoir pas eu d’idée précise sur leur choix d’études une semaine avant de s’inscrire à
l’université (Commission de pédagogie de l'UCL, 2002).

Orientation et réussite en première année
À notre connaissance, une seule recherche a été menée dans un passé récent en Communauté
française en vue d’évaluer l’efficacité de certaines pratiques d’orientation au regard de la réussite
dans l’enseignement supérieur. Cette recherche (Simonart, 2009) va dans le même sens que celles
réalisées dans d’autres pays et rapportées par Guichard et Huteau (2001) ainsi que Grégoire et Nils
(2008) : un choix d’orientation basé sur la connaissance de ses compétences est un meilleur gage
de réussite que celui fondé sur la connaissance de ses intérêts et/ou la construction d’un projet

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professionnel. Cela ne signifie cependant pas qu’un travail centré sur l’exploration de ses intérêts
ou la maturation d’un projet soit inutile car, comme le rappellent Guichard et Huteau (2001), ce
sont les intérêts et les projets qui poussent à fournir des efforts et qui prédisent la satisfaction et
l’épanouissement. Mais ce sont les compétences qui déterminent le niveau d’efficience.

En guise de conclusion
L’orientation des étudiants au moment du choix d’un programme d’études à l’université est du
ressort principal des centres psycho-médico-sociaux, des écoles secondaires et des services
d’orientation des universités. Ces intervenants proposent une grande panoplie d’activités, qui
rencontrent un bon succès et sont perçues de manière favorable par les usagers. Néanmoins, il
existe des inégalités entre les élèves sur le plan de l’accès à ces activités. Par ailleurs, nous aurions
tous à y gagner si une structure d’appui en matière d’aide à l’orientation était mise en place au
niveau de la Communauté française. En outre, l’organisation d’une formation universitaire dans le
domaine de l’orientation scolaire et professionnelle est plus que souhaitable. Enfin, la
connaissance des compétences à maîtriser en entrant dans un programme d’études précis
(Leclercq, 2011 ; Romainville & Slosse, 2011) et la possibilité pour un jeune de se voir proposer
une évaluation de son niveau de maîtrise de ces compétences devraient occuper une place plus
centrale dans la démarche d’accompagnement au choix des futurs étudiants universitaires.

Bibliographie

Aerts, C. & Dozot, C. (2004). Le projet Rebond. Communication au 3e Congrès des Chercheurs en
    Éducation. Bruxelles.
Commission de pédagogie de l’UCL (2002). Comprendre l’échec pour promouvoir la réussite.
   Rapport interne. Louvain-la-Neuve : Université catholique de Louvain.
Conseil de l’Education et de la Formation (2008). Avis 101: Une démarche d’orientation au 3ème
   degré dans le cadre des deux semaines octroyées par le Décret « Missions ». Bruxelles :
   Conseil de l’Éducation et de la Formation.
Dozot, C. & Wouters, P. (2002). La formation-relais : une contribution à la lutte contre l’échec.
   Régulation et impact du programme. Communication au 19e Congrès de l’Association
   Internationale de Pédagogie Universitaire. Louvain-la-Neuve : Université Catholique de
   Louvain.
Grégoire, J. & Nils, F. (2008). Cognitive measurement in career guidance. In J. Athanasou & R.
    Van Esbroeck (Eds.). International handbook of career guidance. NY: Springer.
Guichard, J. & Huteau, M. (2001). Psychologie de l’orientation. Paris : Éditions Dunod.
Leclercq, D. (2011). Que savent les étudiants lorsqu'ils entrent dans l'enseignement universitaire ?
    Ce que nous apprend le projet MOHICAN. In Ph. Parmentier (Dir.). Recherches et actions en
    faveur de la réussite en première année universitaire. Vingt ans de collaboration dans la
    Commission « Réussite » du Conseil interuniversitaire de la Communauté française de
    Belgique. Bruxelles : CIUF.

Nils, F. (2011). Comment favoriser une bonne orientation lors du choix des études universitaires ? In Ph. Parmentier
(Dir.). Recherches et actions en faveur de la réussite en première année universitaire. Vingt ans de collaboration dans la
Commission « Réussite » du Conseil interuniversitaire de la Communauté française de Belgique. Bruxelles : CIUF.              17
Moutte, L. (2008). L’impact de la restitution dynamique d’un test d’intérêts professionnels sur le
   processus d’orientation. Mémoire de fin d’études non publié. Louvain-la-Neuve : Université
   catholique de Louvain.
Romainville, M. & Slosse, P. (2011). Comment établir un diagnostic des prérequis, précoce et
   impliquant pour l'étudiant ? In Ph. Parmentier (Dir.). Recherches et actions en faveur de la
   réussite en première année universitaire. Vingt ans de collaboration dans la Commission
   « Réussite » du Conseil interuniversitaire de la Communauté française de Belgique. Bruxelles
   : CIUF.
Simonart, G. (2009). De la rhéto au baccalauréat : l’orientation des jeunes belges francophones
   des classes terminales de l’enseignement secondaire. Paris : Eurotests Éditions.

Nils, F. (2011). Comment favoriser une bonne orientation lors du choix des études universitaires ? In Ph. Parmentier
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