UNE " RELECTURE " DE LA CHARTE D'OTTAWA - JEAN-PIERRE DESCHAMPS1, MD, PHD

La page est créée Didier Delage
 
CONTINUER À LIRE
03-093989-Deschamps_p1.qxd            6/9/2008        4:25 PM        Page 8

        Supp(1), pp. 08-13
        DOI: 10.1177/1025382308093989

                           Partie 1. De quoi parle-t-on ? le cadre conceptuel, l’évaluation

        Une « relecture » de la charte d’Ottawa
        Jean-Pierre Deschamps1, MD, PhD

                      Résumé : La charte d’Ottawa sur la promotion de la santé date de 1986. Elle constitue un des textes fondamentaux de la
                      santé publique moderne et suggère un capsus de méthodes particulièrement adaptée à la lutte contre les excès de la mon-
                      dialisation économique et ses effets sur la santé.
                         Cet article propose de relire ce texte fondateur, d’en débattre, de le critiquer, de le commenter, d’en triturer le contenu pour
                      en faciliter l’adaptation aux mouvances sociales, culturelles, institutionnelles, d’en rechercher la modernité, de le confronter à l’ex-
                      périence qu’il a permis d’acquérir et de mesurer les changements qu’il a pu engendrer. (Promot Educ 2008; Supp (1): 8-13)
                      Mot clés : Charte d’Ottawa, promotion de la santé, action communautaire, aptitudes individuelles

        Pourquoi « relire » la charte d’Ottawa ?                 permis d’acquérir et de mesurer les                                générale, plus concrète. Cependant, elle
        Pionnier à cette époque (même si la                      changements qu’il a pu engendrer.                                  a le mérite de formuler un objectif fon-
        notion de promotion de la santé avait                       Enfin, parce que, justement, le contexte                        damental. Il s’agit d’aider les personnes,
        été formulée avant, et notamment en                      de l’application de la charte d’Ottawa est                         les groupes, les populations à exercer
        France en 1982), le texte n’a pas tou-                   largement dominé par les implications                              un plus grand contrôle sur leur santé et
        jours été compris à la hauteur des                       sanitaires de la mondialisation des                                sur les déterminants de celle-ci.
        enjeux qu’il proposait. Et lorsque ces                   échanges culturels et économiques, et                                 Quel programme ! Lorsque l’on sait la
        enjeux ont été perçus, ils ont volontiers                parce que l’on peut faire l’hypothèse de                           diversité et la multiplicité des détermi-
        été considérés comme dangereux. Un                       l’utilité possible du texte comme référen-                         nants de la santé – du bien-être –, on peut
        haut responsable de l’Assurance mal-                     tiel de méthodes pour adapter les pra-                             être pris de vertige. Et pourtant, n’est-ce
        adie n’avait-il pas déclaré, il y a une                  tiques de santé à la lutte contre les effets                       pas là, plus simplement, une re-définition
        dizaine d’années: « la promotion de la                   négatifs de la mondialisation.                                     de la démocratie? Celle-ci n’est-elle
        santé est un concept subversif » ? La poli-                 Car c’est bien de cela qu’il s’agit,                            pas l’exercice d’un pouvoir (le fameux «
        tique française de santé publique con-                   en définitive. La mondialisation est le                            empowerment » anglophone, intraduisi-
        tinue à ignorer la promotion de la santé,                pseudonyme édulcoré d’une doctrine                                 ble en français) sur les conditions du
        récusée dans la loi de mars 2002 et dans                 philosophique ultralibérale en rupture                             bien-être collectif – social – et des pro-
        la dénomination de l’INPES, mais évo-                    complète avec les valeurs de la culture                            pres conditions de vie de chacun?
        quée dans la dénomination du service                     occidentale (et des autres…) et en con-                               Et si c’est de démocratie qu’il s’agit,
        de santé scolaire. Incomprise, récusée,                  tradiction avec les impératifs de bien-                            pourquoi donc ces craintes sur le carac-
        volontiers rétrécie par les éducateurs                   être de l’ensemble de l’humanité (alors                            tère « subversif » de la promotion de la
        de santé eux-mêmes qui n’y ont souvent                   que la richesse du monde permettrait                               santé, pourquoi ces réticences officielles
        vu qu’une sorte de super-éducation à la                  d’atteindre cet objectif de bien-être                              à en accepter l’idée dans la formula-
        santé, sans considérer ce qu’elle remet-                 considéré parfois comme relevant de                                tion de la politique française de santé
        tait en cause dans les pratiques                         l’utopie)                                                          publique? Dans une société démocra-
        habituelles; la promotion de la santé                       C’est donc dans ce climat qu’il est bon                         tique, la démocratie fait encore peur, car
        méritait mieux. Pionnier en 1986, le                     de relire et de commenter la charte                                donner plus de pouvoir à l’ensemble
        texte a vieilli, où plutôt il doit s’intégrer            d’Ottawa (voir encadré). D’abord, la défi-                         des citoyens, c’est en retirer un
        aujourd’hui dans un contexte modifié et                  nition qu’elle donne de la promotion de la                         peu à quelques-uns, professionnels,
        peut donner l’impression d’avoir pris                    santé, puis les « conditions préalables » à                        responsables d’institutions, décideurs
        quelques rides.                                          la santé qu’elle énumère, et chacun des                            ayant parfois oublié que leur mandat de
           Ensuite, il n’est jamais inutile de relire            cinq axes stratégiques qu’elle propose.                            décision n’est légitime que parce que
        un texte fondateur, d’en débattre, de le                                                                                    conféré par les citoyens.
        critiquer, de le commenter, d’en triturer le             Un plus grand contrôle                                                L’introduction du terme « démocratie
        contenu pour en faciliter l’adaptation aux               sur la santé…                                                      sanitaire » dans la loi de 2002 est
        mouvances sociales, culturelles, institu-                La définition de la promotion de la santé                          encourageante. Décevante aussi parce
        tionnelles, d’en rechercher la modernité,                n’est pas l’élément le plus palpitant de                           que le développement du texte parle
        de le confronter à l’expérience qu’il a                  la charte. On l’aurait souhaitée moins                             plus des droits des usagers du système de

         1. Professeur honoraire de Santé Publique. Correspondance to: jpg.deschamps@wanadoo.fr
         Texte publié dans la revue francophone “Santé publique”-2003 volume 15, N°3 pp 313–325. Autorisation de l’Editeur et de l’auteur.

         Copyright © 2008 IUHPE

         8                                                                                                                         IUHPE – PROMOTION & EDUCATION Supp(1) 2008
                                                                  Downloaded from ped.sagepub.com by guest on September 24, 2015
03-093989-Deschamps_p1.qxd        6/9/2008     4:25 PM      Page 9

                                                                                                             Partie 1. De quoi parle-t-on ? le cadre conceptuel, l’évaluation

        soins que de la place du citoyen dans la for-    que cela ait été dit et que cela peut être                       une façon de donner bonne conscience
        mulation de la politique de santé, ou – plus     utilisé par tout citoyen, par tout groupe-                       aux responsables. Osons une comparai-
        simplement – de la possibilité de mieux          ment de personnes, dans les débats                               son sans doute exagérée : des groupes
        contrôler la santé et ses déterminants.          démocratiques.                                                   entiers de population sont physique-
           La route est encore longue vers une               Et les professionnels ? Bien sûr, la                         ment et mentalement torturés par les
        vraie démocratie sanitaire, mais il faut         charte d’Ottawa s’adresse aussi à eux                            manquements aux conditions préalables
        croire à la bonne foi de ceux qui en ont         et il faut se souvenir qu’un autre des                           à la santé et par la mondialisation:
        donné l’idée. Croire que derrière les            organisateurs de la conférence était la                          soigner les victimes de la torture est une
        mots se profile bien le projet de l’au-          Société canadienne de santé publique.                            nécessité, mais contribuer à la bonne
        tonomie fondamentale de la personne,             Deux modalités au moins de lecture de la                         conscience des tortionnaires est un acte
        premier principe de la démarche éthique          charte les concernent dans l’énuméra-                            complice.
        et préalable absolu à la citoyenneté.            tion de ces préalables.                                              Les professionnels ont encore une
        Croire que tous les pouvoirs qui s’arro-             D’une part, il n’est pas inutile de rap-                     responsabilité à propos des conditions
        gent le droit de décider à la place des          peler que, travaillant à la santé des gens,                      préalables à la santé. N’oublions pas que
        personnes seront remis en cause dans             on travaille sur ce que peuvent menacer                          ce qui est en jeu est le contrôle exercé
        les réformes politiques et institution-          les manquements à la paix, à la satisfac-                        par les gens sur leur santé. Peut-on con-
        nelles actuelles et à venir.                     tion des besoins essentiels, à la justice                        trôler ce que l’on ne connaît pas ou ce
                                                         sociale, à la préservation de l’environ-                         que l’on ne comprend pas ? Qui peut
        Les conditions préalables…                       nement, au devoir d’éducation. Cette                             décrypter avec les personnes et les
        Là encore, quel vertige ! Car l’énuméra-         transcendance permet aux profession-                             groupes, les mécanismes en cause dans
        tion des conditions préalables à la santé        nels de santé de mieux apprécier la hau-                         l’altération de la santé, sinon les éduca-
        est impressionnante, tellement impres-           teur de leur mission, la grandeur (au                            teurs de santé ? N’est-ce pas là une piste
        sionnante qu’elle peut décourager tous           sens propre et au sens figuré) de leur                           pour l’éducation à la santé dans une
        ceux qui voudraient travailler à la pro-         champ d’action. Elle encourage à pren-                           vraie perspective de promotion de la
        motion de la santé. Tellement impres-            dre du recul par rapport aux pratiques                           santé ?
        sionnante que la version française               du quotidien et aux étroitesses des insti-
        officielle du texte a été curieusement           tutions. Non, nous ne pouvons pas grand                          Promouvoir des politiques
        amputée de moitié, omettant des                  chose, en tant que professionnels, sur la                        publiques de bonne santé
        préalables aussi importants que l’édu-           paix et le développement durable, sur la                         La charte d’Ottawa, dans sa traduction
        cation, l’écosystème stable ou la justice        justice sociale et l’équité. Non, bien sûr,                      en français du mot « healthy », dit « des
        sociale…                                         nous n’allons pas attendre que tout cela                         politiques publiques saines ». Cette ver-
           Pour ne considérer que la première            soit réalisé pour travailler à la promo-                         sion est réductrice, ou franchement
        des conditions préalables, comment les           tion de la santé.                                                trompeuse. Il s’agit en fait de politiques
        professionnels pourraient-ils travailler à           Mais, d’autre part, l’interpellation est                     publiques conformes aux exigences de
        instaurer « la paix » ? Mais qui a dit que       salutaire car les professionnels sont aussi                      bonne santé des citoyens. Cet axe
        la charte ne s’adressait qu’aux profes-          des citoyens comme les autres, et surtout                        stratégique est souvent mal compris,
        sionnels de santé? Parmi les trois               parce qu’ils savent. Ce sont eux qui,                            d’une manière limitée à des politiques
        organisateurs de la conférence d’Ottawa          mieux que d’autres, savent à quel point                          publiques de santé, au niveau des pays.
        figure l’Organisation mondiale de la santé       l’insécurité –la vraie, pas celle que fab-                       Cette interprétation est doublement
        (OMS), une organisation gouvernemen-             riquent les médias et quelques politiques                        erronée. La charte dit clairement que
        tale. On parle tellement des organisations       pour mieux rogner la démocratie–, la pau-                        tous les secteurs des politiques
        non gouvernementales qu’on en vient à            vreté, le chômage génèrent des atteintes                         publiques sont concernés, et pas seule-
        oublier que le terme a été créé pour dis-        terrifiantes au bien-être et à la santé. Les                     ment le secteur sanitaire. En d’autres
        tinguer les institutions associatives, de        professionnels voient les situations, en                         termes, il s’agit de politiques sociales,
        statut privé, des organisations gouverne-        identifient les causes. Ils sont des                             économiques, éducatives, des poli-
        mentales, de statut public. Quand l’OMS          témoins et ont le devoir de témoigner. En                        tiques de l’emploi et des loisirs, de l’en-
        s’exprime, ce sont les gouvernements qui         témoignant, pour poursuivre dans la                              vironnement, de l’urbanisme et de
        eux-mêmes se font des recommanda-                métaphore judiciaire, ils peuvent aussi                          l’habitat. C’est une interpellation très
        tions. On n’a pas entendu dire que               être avocats, plaider pour les personnes                         directe de tous les décideurs sur leur
        l’administration de l’OMS ait été                et les groupes écrasés par leurs condi-                          responsabilité en matière de santé. La
        désavouée, après la conférence d’Ottawa,         tions d’existence, et constamment rap-                           tentation est toujours grande, quand un
        par l’Assemblée mondiale de la santé,            peler aux décideurs, personnellement ou                          problème de santé se pose, d’en référer
        constituée des ministres de la santé de          plus probablement par leurs associations                         au ministère de la Santé où à l’adminis-
        tous les États membres de l’ONU.                 professionnelles, leur responsabilité                            tration sanitaire. Bien des décideurs
           Ce sont donc, à travers l’OMS, des gou-       directe dans la santé des populations.                           sont, de façon souvent inconsciente,
        vernements qui affirment ainsi considérer        Il ne s’agit pas d’agresser, mais d’expli-                       des adeptes fidèles du modèle biomédi-
        que la paix est un préalable à la santé de       quer, car beaucoup de responsables,                              cal de la santé. Un problème? Voyez le
        leur peuple. Ne rêvons pas trop à la mise        imprégnés du modèle biomédical de ges-                           docteur…
        en application immédiate de cette décla-         tion de la santé, imaginent de bonne foi                            Il s’agit là, fréquemment, d’une solu-
        ration, dans un temps où la famine, les          que tout est un problème de médecine…                            tion de facilité, évitant de considérer le
        agressions envers l’environnement, le                Tout n’est justement pas un problème                         fond des problèmes. Développer des
        déplacement des populations apparais-            de médecine et les professionnels de santé                       solutions d’accès aux soins pour les
        sent comme des armes utilisées dans tous         pourraient même refuser d’intervenir si                          pauvres est nécessaire, mais non suff-
        les conflits, par les pays industrialisés        leur action ne devait être qu’un alibi à la                      isant si, simultanément, des mesures
        comme par les autres. Mais saluons le fait       perpétuation de situations dramatiques,                          sociales et économiques volontaristes

        IUHPE – PROMOTION & EDUCATION Supp(1) 2008                                                                                                                         9
                                                         Downloaded from ped.sagepub.com by guest on September 24, 2015
03-093989-Deschamps_p1.qxd            6/9/2008       4:25 PM        Page 10

         Partie 1. De quoi parle-t-on ? le cadre conceptuel, l’évaluation

        de lutte contre la pauvreté ne sont pas                 témoignage de ceux qui sont confrontés                             transformer leurs pratiques, il est plus
        prises. S’occuper de la santé des                       quotidiennement à des souffrances que                              efficace –et plus acceptable du point de
        chômeurs est bien, mais ne saurait dis-                 des mesures de politique publique « de                             vue éthique– d’agir pour changer leur
        penser de mesures structurelles de                      bonne santé » auraient pu éviter.                                  environnement. Souvenons-nous de l’ex-
        création d’emplois. Dépister le satur-                     Un tel travail paraît effectivement plus                        emple fourni par B. Sandrin Berthon
        nisme infantile peut être justifié, mais                délicat au niveau national. Il est cepen-                          dans le livre Apprendre la santé à
        ne peut éviter de promouvoir une poli-                  dant indispensable et peut être mis en                             l’école : on amène plus facilement les
        tique de logement des familles dému-                    œuvre par les nombreuses associations                              enfants à de bonnes pratiques d’hygiène
        nies. Les exemples pourraient être                      professionnelles existant dans le champ                            corporelle si l’école est aménagée de
        multipliés. Il faut que les responsables                de la santé. Il ne peut y avoir de poli-                           manière « supportive » à cet égard, avec
        politiques soient conscients des impli-                 tiques publiques de bonne santé si ceux                            un cadre attrayant et propre, des sani-
        cations sanitaires de leurs décisions et                qui les décident ne sont pas informés,                             taires confortables, de l’eau chaude, du
        de leur non-décisions.                                  conseillés, encouragés. Dans des logiques                          savon, des serviettes, des possibilités de
            L’autre malentendu fréquent est de ne               politiques où les intérêts en cause sont                           se brosser les dents et de ranger les
        concevoir la proposition de développer                  fréquemment contradictoires, la partici-                           brosses, etc. Cette démarche est d’au-
        des politiques publiques de bonne santé                 pation aux débats et le plaidoyer pour la                          tant plus justifiée que l’on sait depuis
        qu’à l’échelon national. Et bien des édu-               santé sont une fonction phare des édu-                             longtemps que beaucoup de comporte-
        cateurs de santé ne se sentent pas con-                 cateurs de santé. C’est une bonne façon                            ments de santé sont imposés par les
        cernés, d’abord parce qu’apparemment                    de « faire de la politique de santé ».                             conditions de vie et d’environnement et
        seules les politiques sont interpellées                                                                                    non pas choisis librement.
        ici, ensuite parce que le niveau national               Créer des environnements                                               Elle rejoint évidemment l’incitation à
        leur paraît bien éloigné de leur terrain…               « supportifs »                                                     des « politiques publiques de bonne santé ».
            La charte d’Ottawa ne précise pas, en               Là encore, on est obligé de recourir à                             Car les pratiques à changer deviennent
        fait, qu’il s’agit de politiques nationales.            une traduction littérale et néologique du                          dès lors celles des responsables soci-
        On peut donc imaginer que les poli-                     texte anglais original. Car la traduction                          aux et économiques. Ce sont eux qui
        tiques publiques de bonne santé dont il                 française officielle évoque « des milieux                          doivent constituer le groupe prioritaire
        est question se déclinent également à                   favorables » : c’est plat et insuffisant. Le                       de nos interventions et non pas les
        l’échelon départemental ou local. Le maire              paragraphe qui suit ce titre appelle l’at-                         usagers souvent culpabilisés par elles
        d’une petite commune prend également                    tention sur la conservation des                                    d’adopter des conduites qu’ils n’ont
        des mesures de politique publique qui                   ressources naturelles: cette préoccupa-                            pas la possibilité de modifier. Les per-
        ont un impact sur la santé, pensons à                   tion est effectivement fondamentale et                             sonnes, en particulier les plus vul-
        l’urbanisme, à la circulation routière, aux             constitue un enjeu majeur de promotion                             nérables et les plus fragiles, ont une
        transports, etc. Plus localement encore,                de la santé au niveau local comme à                                énergie considérable à déployer pour
        un chef d’établissement scolaire, un                    celui de l’ensemble de la planète.                                 vivre et assurer leur quotidien.
        responsable d’entreprise, déterminent                       Mais le texte va beaucoup plus loin: il                        N’ajoutons pas à leur fardeau en
        une politique de bonne – ou de moins                    s’agit bien de faire en sorte que l’envi-                          attendant d’elles des efforts supplé-
        bonne – santé pour les enfants et les                   ronnement physique et plus encore                                  mentaires là où il suffirait d’améliorer
        adultes dont ils ont la responsabilité. Un              social, « supporte », soutienne, les per-                          leur environnement.
        proviseur de lycée, définissant la promo-               sonnes et les communautés dans leurs                                   Il faut impérativement, avant d’entre-
        tion de la santé et le rôle qu’il pouvait               efforts de promotion, de changement, de                            prendre un programme visant à changer
        jouer à son égard, disait: « pour moi,                  bien-être. Il invite à « veiller les uns sur les                   des comportements individuels, passer
        c’est que toute décision que je prends, con-            autres ». « La promotion de la santé                               en revue les éventualités d’action sur
        cernant la vie dans le lycée, y compris à               engendre des conditions de vie et de tra-                          l’environnement et de travail avec ceux
        propos de l’organisation de l’enseigne-                 vail sûres, stimulantes, plaisantes et                             qui en sont responsables.
        ment, soit conforme au bien-être et à la                agréables »… On pourrait ajouter « et
        bonne santé des élèves et des adultes de                vice versa ». Dans la pratique, on est                             Réorienter les services de santé
        la communauté éducative ».                              encore loin des conditions de travail                              Cette modalité d’intervention est la
            À ce niveau, les éducateurs de santé                épanouissantes et certaines méthodes                               dernière citée dans la charte
        peuvent se sentir concernés. Certes, ils                actuelles de gestion de salariés compor-                           d’Ottawa, parce qu’elle concerne des
        ne prennent pas les décisions, mais ils                 tent explicitement un harcèlement moral                            institutions et des professionnels.
        sont fréquemment les « conseillers tech-                cherchant à atteindre les personnes dans                           Mais préférons la considérer avant
        niques » des décideurs. C’est le cas, offi-             leur dignité et leur santé. C’est ce type                          celles qui interpellent les usagers. «
        ciellement, des professionnels de santé                 d’environnement qu’il faut dénoncer.                               Le secteur sanitaire, dit la charte, doit
        scolaire à l’égard des responsables                         Les environnements « supportifs », ce                          se doter d’un nouveau mandat, plaider
        administratifs de l’Éducation nationale.                sont aussi tous ceux qui permettent aux                            pour une politique de santé multisecto-
        C’est le cas, officieusement, de bien des               personnes et aux groupes de changer                                rielle, soutenir les personnes et les
        médecins        ou     pharmaciens,       ou            leurs comportements, en les « portant »,                           groupes dans l’expression de leurs
        responsables de comités d’éducation à                   littéralement. C’est une voie magnifique                           besoins de santé et dans l’adoption de
        la santé, sollicités pour donner un avis                pour l’éducation à la santé, qui s’est                             mode de vie sains ». Peut-être la
        ou intervenir dans des problématiques                   toujours donné tant de mal pour modi-                              rédaction du texte, en insistant sur
        locales de santé. Et, dès lors, pourquoi                fier les comportements des personnes,                              l’action multisectorielle, déjà suggérée
        cette fonction de conseil technique                     parfois sans se soucier de la compatibil-                          par les politiques publiques de bonne
        serait-elle limitée au niveau local ? À tous            ité entre les efforts demandés et les con-                         santé, ne met-elle pas suffisamment
        les échelons, ceux qui décident ont                     ditions de vie des intéressés. (…) Plutôt                          l’accent sur les changements à opérer
        besoin d’être informés; il leur faut le                 que d’essayer de convaincre les gens de                            au sein même des services de santé?

         10                                                                                                                       IUHPE – PROMOTION & EDUCATION Supp(1) 2008
                                                                 Downloaded from ped.sagepub.com by guest on September 24, 2015
03-093989-Deschamps_p1.qxd       6/9/2008      4:25 PM      Page 11

                                                                                                             Partie 1. De quoi parle-t-on ? le cadre conceptuel, l’évaluation

            Nos services de santé restent mar-         sociale des facultés de médecine ».                                à rééquilibrer le jeu social et économique
        qués par un cloisonnement entre les            Responsables universitaires et associa-                            actuellement faussé par les mécanismes
        activités de nature curative et la préven-     tions d’usagers ont convenu qu’ils                                 d’un processus de mondialisation dont les
        tion. La notion de promotion de la santé       devaient travailler ensemble, que les                              ficelles sont tirées par des groupes finan-
        ne fait pas cette distinction perverse         associations de patients avaient à                                 ciers peu soucieux de la démocratie et du
        entre les différentes manières de « pren-      apprendre des médecins et que ceux-ci                              bien-être des populations.
        dre soin » de la santé d’une population,       ont aussi besoin de leur expérience et de
        par des mesures de soins curatifs ou           leurs compétences. Des usagers formant                             Acquérir des aptitudes
        préventifs où il est souvent difficile de      des médecins ? Peu y auraient cru dans                             individuelles
        faire la part des uns et des autres.           un passé récent. Et pourtant…                                      Cette cinquième proposition d’action
        Plaider pour la prévention, de manière                                                                            est souvent interprétée comme une
        quasi incantatoire comme le font beau-         Renforcer l’action                                                 invitation à confirmer les approches
        coup de politiques, ou créer des institu-      communautaire                                                      individuelles classiques de l’éducation
        tions dévolues à la seule prévention, est      Ici, la charte est claire, évoquant « la                           à la santé. Mais le texte est plus riche.
        inefficace et illusoire. Tant que l’on         participation effective et concrète de                             S’il évoque effectivement l’éducation à
        opposera ou dissociera soins préventifs        la communauté à la fixation des prior-                             la santé, il fait également mention des
        et soins curatifs, ces derniers auront la      ités, à la prise de décision et à l’élabo-                         « aptitudes indispensables à la vie ».
        part belle dans un permanent déséquili-        ration des stratégies de planification ».                              Concrètement, de quelles aptitudes
        bre au profit du visible, du court terme,      Il faut d’emblée remarquer que le texte                            peut-il s’agir ? À l’évidence de celles que
        de la prouesse technologique.                  ne désigne pas particulièrement les                                requièrent la contribution à des déci-
            La promotion de la santé ne fait           priorités de santé ni la planification                             sions de politiques publiques de bonne
        pas ce clivage. Les soins curatifs per-        sanitaire; il ne parle pas de « santé                              santé, à la création d’environnements
        mettent évidemment, lorsqu’ils sont            communautaire », mais d’« action                                   « supportifs », à l’évolution du système
        justifiés et de bonne qualité, de pro-         communautaire ». C’est logique si l’on                             de santé, au développement communau-
        mouvoir la santé, comme un des élé-            considère que la promotion de la                                   taire. Sans cette signification donnée à
        ments        d’un      ensemble     global     santé s’intéresse à tous les détermi-                              l’acquisition d’aptitudes individuelles, la
        d’interventions. La charte d’Ottawa            nants de la santé et pas seulement aux                             charte devient incompréhensible.
        ne va pas assez loin dans ce sens, en          services de santé. Ce qui est en cause                                 C’est donc à une singulière révision
        restant ici dans des considérations            ici, c’est la notion de développement                              des objectifs de l’éducation à la santé
        trop générales.                                social communautaire. Il faut se                                   que nous sommes invités. Aider les per-
            La promotion de la santé demande           méfier des projets trop spécifiques de                             sonnes à agir en citoyens responsables,
        un vrai bouleversement de la logique           « santé communautaire », souvent                                   à s’informer, à prendre la parole, à inter-
        actuelle des services de santé, trop           téléguidés, dans leur genèse et leur                               venir dans les grands débats de société,
        exclusivement orientés vers des soins          fonctionnement, par des professionnels                             à s’investir dans des actions communau-
        techniques nécessaires, mais non suff-         de santé. L’action communautaire, au                               taires… Donner les compétences permet-
        isants. Ils leur manque une vision globale     sens large, a son origine dans les in-                             tant de décrypter les mécanismes sociaux
        des besoins de santé des populations           itiatives venues de la communauté et                               et économiques générateurs d’altéra-
        qu’ils servent. De plus en plus de             non pas des professionnels ou des                                  tion de la santé, et de s’organiser pour
        médecins généralistes l’ont compris            institutions. Même si elle n’aborde pas                            agir localement (ou à un échelon plus
        dans le secteur ambulatoire; à l’hôpital,      précisément des problématiques de                                  élevé) afin d’y faire obstacle… Il s’agit
        les infirmier(e)s ont développé des            santé, elle s’intègre toujours dans un                             vraiment là de contribuer à l’acquisi-
        approches modernes des soins globaux.          contexte de promotion de la santé                                  tion de compétences en vue « d’e-
        Il reste beaucoup à faire… Et ceux qui         puisqu’elle réalise une mobilisation en                            xercer un plus grand contrôle sur sa
        peuvent faire beaucoup dans ce domaine         vue de meilleures conditions de vie,                               santé » et sur les déterminants de celle-
        sont les usagers eux-mêmes. L’institution      de plus de bien-être.                                              ci. On est bien loin des dix commande-
        médicale, empesée par son conser-                  Du développement social communau-                              ments de la bonne santé et de tous les
        vatisme, a peu de chance de se réformer        taire aux « politiques publiques de bonne                          messages injonctifs, normatifs que la
        de l’intérieur. Elle le fera si elle y est     santé »      et    aux       « environnements                      modernisation de l’éducation à la santé
        poussée, du dehors, par ses usagers. La        supportifs », ou encore aux associations                           n’a pas encore éliminés des pratiques
        « démocratie sanitaire » n’est plus seule-     d’usagers dont il était question plus haut,                        professionnelles.
        ment un slogan facile: elle devient une        il n’y a pas loin. De fait, la charte d’Ottawa                         La charte d’Ottawa invite à donner
        réalité, et le sera d’autant mieux que l’éd-   est rédigée dans une grande cohérence.                             une autre dimension à l’éducation à la
        ucation à la santé saura aider les             Elle propose une véritable alternative aux                         santé, en conférant aux personnes la
        citoyens à trouver la place qu’ils doivent     fortes tendances politiques et écono-                              capacité à retrouver un pouvoir sur les
        désormais tenir dans le système de             miques du moment. D’une part, elle com-                            déterminants de leurs conditions de vie
        santé.                                         plète notre démocratie représentative par                          et de leur santé. À l’heure de la mondia-
            Mais il faut également préparer les        des procédures de démocratie participa-                            lisation, la promotion de la santé permet
        professionnels de santé au changement          tive et cela n’est pas superflu dans un con-                       à chaque personne et à chaque groupe
        des politiques qu’impliquent ces évolu-        texte de crise du politique et de perte de                         de ne pas se laisser écraser par les excès
        tions. Clairement, il faut réorienter la       confiance du peuple à l’égard de ses                               de ceux qui prônent la seule perform-
        formation initiale et continue des             représentants élus. D’autre part, en mul-                          ance individuelle et la recherche du
        médecins; les infirmier(e)s ont déjà           tipliant les incitations à un développe-                           profit comme seul objectif de vie… pour
        parcouru une grande partie du chemin.          ment communautaire local, donc à une                               quelques-uns, s’accommodant de la mise
        Un colloque s’est tenu à Besançon, en          démo-cratie locale, en donnant une place                           en dépendance ou de l’exclusion du plus
        novembre 2002, sur « la responsabilité         au secteur associatif, elle peut contribuer                        grand nombre.

        IUHPE – PROMOTION & EDUCATION Supp(1) 2008                                                                                                                        11
                                                         Downloaded from ped.sagepub.com by guest on September 24, 2015
03-093989-Deschamps_p1.qxd            6/9/2008       4:25 PM        Page 12

         Partie 1. De quoi parle-t-on ? le cadre conceptuel, l’évaluation

          Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, 1986
          Source. http://www.euro.who.int/AboutWHO/Policy/20010827_2?language=French

          Promotion de la santé
          La promotion de la santé est le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand
          contrôle sur leur propre santé, et d’améliorer celle-ci. Cette démarche relève d’un concept définissant la “santé” comme la
          mesure dans laquelle un groupe ou un individu peut d’une part, réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d’autre
          part, évoluer avec le milieu ou s’adapter à celui-ci. La santé est donc perçue comme une ressource de la vie quotidienne, et
          non comme le but de la vie; il s’agit d’un concept positif mettant en valeur les ressources sociales et individuelles, ainsi que
          les capacités physiques. Ainsi donc, la promotion de la santé ne relève pas seulement du secteur sanitaire: elle dépasse les
          modes de vie sains pour viser le bien-être.

          Conditions préalables à la santé
          Les conditions et ressources préalables sont, en matière de santé: la paix, un abri, de la nourriture et un revenu. Toute
          amélioration du niveau de santé est nécessairement solidement ancrée dans ces éléments de base.

          Promouvoir l’idée
          Une bonne santé est une ressource majeure pour le progrès social, économique et individuel, tout en constituant un aspect
          important de la qualité de la vie. Les facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, environnementaux, comporte-
          mentaux et biologiques peuvent tous intervenir en faveur ou au détriment de la santé. La démarche de promotion de la
          santé tente de rendre ces conditions favorables par le biais de la promotion des idées.

          Conférer les moyens
          La promotion de la santé vise l’égalité en matière de santé. Ses interventions ont pour but de réduire les écarts actuels carac-
          térisant l’état de santé, et d’offrir tous les individus les mêmes ressources et possibilités pour réaliser pleinement leur potentiel
          santé. Cela comprend une solide fondation dans un milieu apportant son soutien, l’information, les aptitudes et les possibilités
          permettant de faire des choix sains. Les gens ne peuvent réaliser leur potentiel de santé optimal s’ils ne prennent pas en charge
          les éléments qui déterminent leur état de santé. En outre, cela doit s’appliquer également aux hommes et aux femmes.

          Servir de médiateur
          Seul, le secteur sanitaire ne saurait offrir ces conditions préalables et ces perspectives favorables à la santé. Fait encore plus
          important, la promotion de la santé exige l’action concertée de tous les intervenants: les gouvernements, le secteur de la
          santé et les domaines sociaux et économiques connexes, les organismes bénévoles, les autorités régionales et locales, l’in-
          dustrie et les médias. Les gens de tous milieux interviennent en tant qu’individus, familles et communautés. Les groupements
          professionnels et sociaux, tout comme les personnels de santé, sont particulièrement responsable de la médiation entre les
          intérêts divergents, en faveur de la santé.
             Les programmes et stratégies de promotion de la santé doivent être adaptés aux besoins et possibilités locaux des pays et
          régions, et prendre en compte les divers systèmes sociaux, culturels et économiques.

          L’intervention en promotion de la santé signifie que l’on doit : Élaborer une politique publique saine
          La promotion de la santé va bien au-delà des soins. Elle inscrit la santé à l’ordre du jour des responsables politiques des
          divers secteurs en les éclairant sur les conséquences que leurs décisions peuvent avoir sur la santé, et en leur faisant admet-
          tre leur responsabilité à cet égard.
             Une politique de promotion de la santé combine des méthodes différentes mais complémentaires, et notamment: la législa-
          tion, les mesures fiscales, la taxation et les changements organisationnels. Il s’agit d’une action coordonnée qui conduit à la
          santé, et de politiques fiscales et sociales favorisant une plus forte égalité. L’action commune permet d’offrir des biens et serv-
          ices plus sains et moins dangereux, des services publics favorisant davantage la santé, et des milieux plus hygiéniques et plus
          plaisants.
             La politique de promotion de la santé suppose l’identification des obstacles gênant l’adoption des politiques publiques
          saines dans les secteurs non sanitaires, ainsi que la détermination des solutions. Le but doit être de rendre les choix sains les
          plus faciles pour les auteurs des politiques également.

          Créer des milieux favorables
          Nos sociétés sont complexes et interreliées, et l’on ne peut séparer la santé des autres objectifs. Le lien qui unit de façon
          inextricable les individus et leur milieu constitue la base d’une approche socio-écologique de la santé. Le grand principe
          directeur menant le monde, les régions, les nations et les communautés est le besoin d’encourager les soins mutuels, de
          veiller les uns sur les autres, de nos communautés et de notre milieu naturel. Il faut attirer l’attention sur la conservation
          des ressources naturelles en tant que responsabilité mondiale.
             L’évolution des schèmes de la vie, du travail et des loisirs doit être une source de santé pour la population, et la façon dont
          la société organise le travail doit permettre de la rendre plus saine. La promotion de la santé engendre des conditions de vie
          et de travail sûres, stimulantes, plaisantes et agréables.
             L’évaluation systématique des effets du milieu sur la santé, et plus particulièrement dans les domaines de la technologie,
          de l’énergie et de l’urbanisation, qui évoluent rapidement – est indispensable; de plus, elle doit être suivie d’une intervention
          garantissant le caractère positif de ces effets. La protection des milieux naturels et artificiels et la conservation des
          ressources naturelles doivent recevoir une attention majeure dans toute stratégie de promotion de la santé.

         12                                                                                                                       IUHPE – PROMOTION & EDUCATION Supp(1) 2008
                                                                 Downloaded from ped.sagepub.com by guest on September 24, 2015
03-093989-Deschamps_p1.qxd       6/9/2008      4:25 PM      Page 13

                                                                                                             Partie 1. De quoi parle-t-on ? le cadre conceptuel, l’évaluation

         Renforcer l’action communautaire
         La promotion de la santé procède de la participation effective et concrète de la communauté à la fixation des priorités, à la
         prise des décisions et à l’élaboration des stratégies de planification, pour atteindre un meilleur niveau de santé.
            La promotion de la santé puise dans les ressources humaines et physiques de la communauté pour stimuler l’indépendance
         de l’individu et le soutien social, et pour instaurer des systèmes souples susceptibles de renforcer la participation et le con-
         trôle du public dans les questions sanitaires. Cela exige l’accès illimité et permanent aux informations sur la santé, aux possi-
         bilités de santé et à l’aide financière.

         Acquérir des aptitudes individuelles
         La promotion de la santé soutient le développement individuel et social en offrant des informations, en assurant l’éducation
         pour la santé et en perfectionnant les aptitudes indispensables à la vie. Ce faisant, elle permet aux gens d’exercer un plus
         grand contrôle sur leur propre santé, et de faire des choix favorables à celle-ci.
            Il est crucial de permettre aux gens d’apprendre pendant toute leur vie et de se préparer à affronter les diverses étapes de
         cette dernière. Cette démarche doit être accomplie à l’école, dans les foyers, au travail et dans le cadre communautaire, par
         les organismes professionnels, commerciaux et bénévoles, et dans les institutions elles-mêmes.

         Réorienter les services de santé
         Dans le cadre des services de santé, la tâche de promotion est partagée entre les particuliers, les groupes communautaires,
         les professionnels de la santé, les institutions offrant les services, et les gouvernements. Tous doivent œuvrer ensemble à
         la création d’un système de soins servant les intérêts de la santé.
            Le rôle du secteur sanitaire doit abonder de plus en plus dans le sens de la promotion de la santé, au-delà du mandat exigeant
         la prestation des soins médicaux. Ce secteur doit se doter d’un nouveau mandat comprenant le plaidoyer pour une politique
         sanitaire multisectorielle, ainsi que le soutien des individus et des groupes dans l’expression de leurs besoins de santé et dans
         l’adoption de modes de vie sains.
            La réorientation des services de santé exige également une attention accrue à l’égard de la recherche sanitaire, ainsi que
         des changements au niveau de l’éducation et de la formation professionnelles. Ceci doit mener à un changement d’attitude et
         d’organisation au sein des services de santé, recentrés sur l’ensemble des besoins de l’individu perçu globalement.

         Entrer dans l’avenir
         La santé est engendrée et vécue dans les divers cadres de la vie quotidienne: là où l’on apprend, où l’on travaille, où l’on joue et où l’on
         aime. Elle résulte des soins que l’on s’accorde et que l’on dispense aux autres, de l’aptitude à prendre des décisions et à contrôler ses con-
         ditions de vie, et de l’assurance que la société dans laquelle on vit offre à tous ses membres la possibilité de jouir d’un bon état de santé.
             L’intérêt pour autrui, l’approche holistique et l’écologie sont des éléments indispensables à la conceptualisation et à l’élab-
         oration des stratégies de promotion de la santé. Ainsi donc, les auteurs de ces stratégies doivent adopter comme principe
         directeur le fait que, à tous les niveaux de la planification, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la promotion de la santé,
         hommes et femmes sont des associés égaux.

         L’engagement face à la promotion de la santé
         Les participants de cette conférence s’engagent :
         • à intervenir dans le domaine des politiques publiques saines et à plaider en faveur d’un engagement politique clair en ce
           qui concerne la santé et l’égalité dans tous les secteurs;
         • à contrer les pressions exercées en faveur des produits dangereux, des milieux et conditions de vie malsains ou d’une
           nutrition inadéquate; ils s’engagent également à attirer l’attention sur les questions de santé publique telles que la pol-
           lution, les risques professionnels, le logement et les peuplements;
         • à combler les écarts de niveau de santé dans les sociétés et à lutter contre les inégalités produites dans ce domaine par
           les règles et pratiques des sociétés;
         • à reconnaître que les individus constituent la principale ressource sanitaire, à les soutenir et à leur donner les moyens
           de demeurer en bonne santé, eux, leurs familles et leurs amis; ils s’engagent également à accepter la communauté comme
           le principal porte-parole en matière de santé, de conditions de vie et de bien-être;
         • à réorienter les services de santé et leurs ressources au profit de la promotion de la santé, et à partager leur pouvoir avec
           d’autres secteurs, d’autres disciplines et, ce qui est encore plus important, avec la population elle-même;
         • à reconnaître que la santé et son maintien constituent un investissement social majeur, et à traiter la question écologique
           globale que représentent nos modes de vie.
         Les participants de la Conférence prient instamment toutes les personnes intéressées de se joindre à eux dans leur engage-
         ment en faveur d’une puissante alliance pour la santé publique.

         Appel pour une action internationale
         La Conférence demande à l’Organisation mondiale de la santé et aux autres organismes internationaux de plaider en faveur de la
         promotion de la santé, dans le cadre de tous les forums appropriés, et d’aider les pays à établir des programmes et stratégies
         de promotion de la santé.
            Les participants de la Conférence sont fermement convaincus que si les gens de tous milieux, les organismes non gou-
         vernementaux, les associations bénévoles, les gouvernements, l’Organisation mondiale de la Santé et toutes les autres instances
         concernées s’unissent pour lancer des stratégies de promotion de la santé conformes aux valeurs morales et sociales
         inhérentes à cette CHARTE, la Santé pour tous d’ici l’an 2000 deviendra une réalité.

        IUHPE – PROMOTION & EDUCATION Supp(1) 2008                                                                                                                        13
                                                         Downloaded from ped.sagepub.com by guest on September 24, 2015
Vous pouvez aussi lire