Urgence climatique : peut-on se passer de l'énergie nucléaire ?
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Urgence climatique : peut-on se passer de l’énergie nucléaire ? NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 NOTE SFEN – OCTOBRE 2018
La Société française d’énergie nucléaire est le carrefour français des connaissances sur l’énergie nucléaire. Créée en 1973, la SFEN est un lieu d’échanges pour celles et ceux qui s’intéressent à l’énergie nucléaire et à ses applications. Elle compte 3 600 membres. Ses quinze sections techniques rassemblent les spécialistes des différents domaines de l’énergie nucléaire. Nuclear for Climate est une initiative créée en 2015 par la SFEN, l’European Nuclear Society et l’American Nuclear Society. Elle rassemble aujourd’hui 150 associations nucléaires à travers le monde. Son objectif est de faire recon- naître le nucléaire comme une partie de la solution dans la lutte contre le changement climatique.
Contributions de la SFEN à la Programmation pluriannuelle de l’énergie et à la COP24 (Katowice, Pologne, décembre 2018) NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
Éditorial L’urgence climatique est le défi majeur de l’Humanité. En dépit des engage- ments pris à la COP21, les émissions de gaz à effet de serre, au lieu de diminuer, ne cessent d’augmenter, y compris en France. D’après le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la limite de 1,5 °C, fixée pour 2100 dans l’accord de Paris, serait atteinte entre 2030 et 2051. Nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire. Nous sommes en train de perdre la bataille climatique. URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? La France est pourtant un pays exemplaire, qui a réussi à atteindre une performance remarquable : avoir les plus faibles émissions par habitant des sept pays les plus développés (G7). En France, prendre le train à grande vitesse ou recharger son téléphone n’a pas d’impact sur le climat. Notre pays y parvient grâce à son parc nucléaire, qui fournit massivement une électricité décarbonée. Mais la France peine à réduire ses émissions car ses investissements portent sur le secteur électrique et non sur les secteurs les plus consommateurs d’énergies fossiles (pétrole, gaz), et donc les plus émetteurs de gaz à effet de serre, comme le transport et l’habitat. Il faudrait peut-être interroger cette stratégie, et concentrer les efforts là où des résultats tangibles, du point de vue de l’urgence climatique, pourraient être atteints. Par exemple, en tirant parti de l’électricité décarbonée pour développer la mobilité électrique. L’Allemagne, qui a fait le choix de l’arrêt du nucléaire, investit des centaines de milliards d’euros sans parvenir à réduire ses émissions. Ce que l’Allemagne, avec son niveau de développement, ses ressources financières, et son accès à la technologie, échoue à faire, qui pourrait y arriver ? Se pose donc pleinement la question de la contribution que l’énergie nucléaire peut apporter à la lutte contre le changement climatique. Nous avons la conviction qu’il ne sera pas possible de ralentir les émissions de gaz à effet de serre sans que les pays qui disposent de la technologie nucléaire ne développent -4-
ou ne renouvellent leur parc. Ce sera vrai en France, où des décisions s’imposent. Ainsi qu’en Chine et en Inde où l’énergie nucléaire constitue d’ores et déjà une alternative à l’essor du charbon. Nous sommes bien conscients que l’énergie nucléaire suscite des débats passionnés et des inquiétudes… Les accidents majeurs ont marqué l’opinion. Les citoyens s’interrogent sur la gestion des déchets radioactifs. Pourtant, du stockage géologique des déchets au contrôle par une autorité de sûreté indépendante, des solutions existent. Cependant, nous pensons qu’il serait irresponsable de se priver d’une solution ayant fait ses preuves. La menace du changement climatique et les dommages qu’il commence de produire doivent nous inciter à agir avec pragmatisme. Cette note a l’ambition de poser les données du débat avec objectivité. Chacun NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 pourra ainsi étudier notre raisonnement, et peut-être en tirer les mêmes conclusions que nous. La communauté nucléaire sera alors prête à relever le défi. Valérie Faudon Déléguée générale de la SFEN -5-
Résumé La France s’est fixée à la fois une ambition nationale et inter- nationale dans la lutte contre le changement climatique. Trois ans après la COP21, et l’accord mondial sur l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C en 2100, le dernier rapport du GIEC alerte que la limite pourrait être atteinte entre 2030 et 2050. En France aussi, si le Plan climat a fixé un objectif de décarbona- URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? tion à 2050, les émissions ont encore augmenté de 4 % en 2017. Le nucléaire est une source d’énergie bas carbone reconnue La même méthodologie (ACV) est utilisée aujourd’hui dans tous les secteurs pour calculer le bilan environnemental d’un service ou d’un produit. Le GIEC établit la médiane des émissions du nucléaire au niveau mondial à 12 g/kWh. En France, les émissions se situent dans la fourchette basse (jusqu’à 4-5 g/KWh selon certaines études), en raison du faible contenu carbone de l’électricité utilisée pour l’étape d’enrichissement. L’efficacité de l’énergie nucléaire à réduire les émissions de gaz à effet de serre est démontrée L’énergie nucléaire est industriellement disponible et déployable à grande échelle, avec 455 réacteurs en opération aujourd’hui dans 30 pays différents. Sa production était en légère augmentation en 2017 et représentait 10,3 % de la production mondiale d’électricité. Depuis 1970, elle a permis d’éviter le rejet de plus de 60 Gt de CO2 dans le monde, soit l’équivalent de cinq années d’émission de CO2 du secteur électrique. Ceci en fait la deuxième énergie bas carbone contributrice derrière l’hydroélectricité. À l’exception de la Norvège, les pays européens qui ont réduit rapidement leurs émissions dans le secteur électrique (Suède, Suisse, France), combinent énergie nucléaire et hydroélectricité. Grâce à l’énergie nucléaire, la France est le plus décarboné (en émissions par habitant) des sept plus grands pays industrialisés (G7). Enfin, l’analyse du programme nucléaire suédois à partir de 1972 démontre la capacité du nucléaire à décarboner rapidement le système électrique : les émissions par habitant ont baissé de 75 % en moins de vingt ans. A contrario, les mises à l’arrêt de centrales nucléaires ont abouti à une stagnation, voire une augmentation, des émissions de gaz à effet de serre États-Unis, Europe, Japon : plusieurs pays ont vu des fermetures de centrales ces dernières années. Malgré d’importantes ressources financières et l’accès -6-
à la meilleure technologie, les politiques menées se révèlent inefficaces, voire contre-productives au plan climatique. En Californie, dans le Vermont, dans le New Jersey, on voit, avec des fermetures prématurées de centrales, que c’est le gaz de schiste, fortement émetteur de gaz à effet de serre, mais pilotable, qui se substitue à l’énergie nucléaire bas carbone. En Allemagne, malgré des investissements massifs (25 milliards d’euros par an), la part du charbon, l’énergie la plus polluante, est restée stable : le pays n’atteindra pas ses objectifs climatiques. Le Japon, avec le trop lent redémarrage des réacteurs nucléaires, reste le premier acheteur mondial de gaz liquéfié : ses électriciens montrent même un nouvel intérêt pour le charbon. En France, le scénario prévisionnel RTE pour 50 % de nucléaire en 2025 aurait nécessité de garder quatre centrales à charbon et de construire vingt nouvelles centrales à gaz. Alors que plus de 80 % de la dépense publique pour les énergies renouvelables reste focalisée sur le secteur électrique, très faiblement émetteur, plutôt que sur des secteurs fortement émetteurs, comme le chauffage, le pays est encore sorti, pour la troisième année consécutive, de sa trajectoire fixée par la stratégie bas carbone. Le nucléaire sera indispensable, au côté des énergies renouvelables, pour atteindre les objectifs de décarbonation La décarbonation du secteur électrique est au cœur des enjeux climatiques : NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 l’électricité représente 40 % des émissions totales, et est encore dominée par le charbon et le gaz (63 % du total). Des solutions bas carbone sont disponibles. Décarboner l’électricité représente pourtant un défi considérable. Les derniers scénarios fixent maintenant la barre très haut, visant une décarbonation totale du système électrique à l’horizon 2050, alors qu’on s'attend en même temps, en raison de la croissance démographique et du rattrapage des pays émergents, à un doublement de la consommation électrique. En dépit d’investissements massifs, les énergies renouvelables ne suffisent pas à elles seules à soutenir le rythme de décarbonation nécessaire. Les institutions internationales (OCDE- AIE, UE) estiment toutes qu’il faudra mobiliser l’ensemble des technologies bas carbone (renouvelables, nucléaire et CCS) pour réduire les émissions, et les scénarios 100 % renouvelables font l’objet de nombreuses critiques. L’énergie nucléaire a le potentiel aujourd’hui pour décarboner plus et plus rapidement Le nucléaire est industriellement disponible aujourd’hui dans tous les grands pays émetteurs de gaz à effet de serre de la planète ; Chine, États-Unis, Inde, Europe, Japon... Il représente une véritable alternative bas carbone au charbon, puisqu’il permet lui aussi de produire de l’électricité de manière massive, avec une disponibilité moyenne de l’ordre de 90 %. Comme le montre l’exemple de la France, la flexibilité du nucléaire rend possible le développement des renouvelables variables. Il s’insère dans le système électrique européen et évite en bonne part le recours à des unités à gaz ou à charbon dans les pays qui développent des parcs renouvelables. De manière générale, l’électricité bas carbone est un outil privilégié par les scénarios de décarbonation profonde. -7-
L’électrification des usages est facilitée par une électricité bon marché : une étude récente du MIT démontre, à travers l’analyse de plus de 1 000 scénarios, que le coût de production de l’électricité décarbonée est d’autant moins cher que le mix est diversifié et inclut toutes les sources disponibles, dont le nucléaire. Enfin, à long terme, avec le développement de nouveaux types de réacteurs, le nucléaire sera en mesure de décarboner d’autres secteurs que l’électricité, comme par exemple la production de chaleur industrielle. URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? -8-
Recommandations La France est un des rares pays industrialisés au monde à bénéficier déjà d’une électricité décarbonée, et ceci grâce à l’énergie nucléaire. Elle est, du point de vue de sa politique climatique, dans une situation particulière. Au niveau national, la France doit : Piloter de manière prudente son mix électrique, pour ne jamais être acculée à devoir développer à court et moyen terme des centrales à gaz : • Le pays s’engage actuellement dans une stratégie de réduction de la part du nucléaire dans son mix électrique. Il doit faire face, dans les années à venir, à trois types d’incertitudes : la stratégie de ses voisins (avec lesquels il est de plus en plus interconnecté), l’évolution de la demande d’électricité (difficile à NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 prévoir avec le développement des usages) et le rythme de déploiement des sources de production et des moyens de stockage (back-up) alternatifs. Il convient donc d’adopter une attitude prudente, et ne pas prendre a priori des décisions de fermetures de réacteurs dont nous pourrions avoir besoin, par exemple pour accompagner, grâce à leur capacité de suivi de charge, le déve- loppement des énergies renouvelables. Auquel cas, la seule solution serait la construction de centrales à gaz (voire l‘importation de gaz), émettrices de gaz à effet de serre. Celles-ci pourraient engendrer, une fois construites, un effet de « lock-in », engageant la France sur de nombreuses années. • À l’horizon 2050, les scénarios montrent que la France aura besoin, dans un mix électrique diversifié, d’un socle nucléaire. Elle doit donc commencer à préparer le renouvellement de son parc nucléaire actuel, avec la construc- tion d’un certain nombre de nouveaux réacteurs entre 2030 et 2050. Là en- core, si elle ne se prépare pas, le risque qu’elle doive ici aussi s’appuyer sur des centrales à gaz n’est pas négligeable. Tirer parti de son électricité bas carbone pour décarboner le quotidien des Français, principalement dans les transports (29 % des émissions de CO2) et dans l’habitat. L’électricité bas carbone est un très grand atout pour décarboner d’autres secteurs. Elle offre des solutions simples à utiliser pour de nombreux usages (mobilité, froid, chaleur, objets connectés..) dans le quotidien des Français. Elle présente dès aujourd’hui une excellente sécurité d’approvisionnement, et bénéficie d’un très vaste réseau de distribution déjà déployé sur tout le territoire. Enfin, avec le développement des capacités d’effacement et d’auto -9-
consommation, elle contribue à offrir la liberté aux consommateurs de gérer leurs usages et leur production selon leurs propres critères, ce qui constitue un facteur clef pour assurer le succès de la transition écologique. La France porte une responsabilité particulière, en ce sens qu’elle dispose d’une position diplomatique forte sur les questions climatiques, et qu’elle est un grand pays nucléaire. Au niveau international, la France doit : Garantir la compétence industrielle nucléaire au niveau européen : L’Union européenne reste, malgré une réelle ambition en matière climatique, le troisième plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de la planète. Ses émis- sions continuent à augmenter, et elle aura besoin du nucléaire pour atteindre ses objectifs climatiques en 2050. La France est le dernier pays en Europe apte URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? à concevoir, construire, opérer et démanteler des réacteurs nucléaires, si toute- fois elle entretient ses compétences par le lancement d’un programme national sans tarder. C’est seulement grâce à la France qu’il sera encore possible, si une prise de conscience le permet, de relancer dans les toutes prochaines décen- nies des programmes européens. S’engager pour que la technologie nucléaire soit reconnue pour les services qu’elle rend, et puisse jouer son rôle : L’énergie nucléaire a fait ses preuves en matière d’efficacité pour décarboner le système électrique, mais elle a le potentiel de faire plus, et plus vite. Parce qu’elle fait l’objet de débats passionnés et qu’elle suscite historiquement une hostilité forte dans les milieux environnementaux, sa place est aujourd’hui insuffisante dans les discussions climatiques, par exemple lors de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC). Plusieurs initiatives gou- vernementales ont récemment vu le jour pour s’intéresser au développement du nucléaire : celle de l’OCDE-AIE mais aussi l’initiative gouvernementale NICE1. Cette dernière, qui rassemble le Canada, le Japon et les États-Unis (malgré leur retrait de l’accord de Paris), mais dont la France et l’Union européenne sont étonnamment absentes, vise à accélérer l’innovation dans la technologie nu- cléaire, avec des objectifs de décarbonation. 1 – http ://www.cleanenergyministerial.org/initiative-clean-energy-ministerial/nuclear-innovation-clean-ener- gy-future-nice-future - 10 -
Introduction La France s’est fixée une ambition nationale et internationale dans la lutte contre le changement climatique. Au niveau international L’engagement français, qui a abouti à la signature de l’accord de Paris en décembre 2015, s’est poursuivi de manière soutenue avec : • L’initiative « Make our planet great again » en juin 2017 : un appel aux scienti- fiques du climat à rejoindre la France, dans le cadre de la mise en place d’un programme prioritaire de recherche. • L’annonce, lors de la COP23 en novembre 2017 à Bonn (Allemagne), que la France se portait volontaire pour financer le solde manquant du budget du GIEC, après le retrait des États-Unis. • L’initiative du « One Climate Summit » en décembre 2017 à Paris, puis en sep- tembre 2018 à New York : celle-ci vise, en coopération avec l’ONU, à accélérer NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 la mise en œuvre de l’accord de Paris par des initiatives, entre autres, dans le domaine de la finance verte. Au niveau national La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTCEV)2 de juillet 2015 a fixé pour objectif de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 (facteur 4). Parallèlement, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) a fixé la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre3 par secteurs et par périodes successives de quatre à cinq ans. Le nouveau Plan climat annoncé par le gouvernement français en juin 2017 vise désormais la neutralité des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050, soit l’objectif de ne pas émettre de CO2 à cet horizon. À ce titre, le gouvernement a placé l’enjeu climatique comme étant la priorité numéro un de la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Le monde est en train de perdre la bataille climatique : trois ans après la COP21, les émissions de CO2 continuent à augmenter En décembre 2015, à l’occasion de l’accord de Paris, 195 pays se sont engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter à 2 °C, voire 1,5 °C, la hausse de température du globe d’ici 2100. Dans son dernier rapport d’octobre 2 – https ://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/loi-transition-energetique-croissance-verte 3 – https ://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc - 11 -
2018, le GIEC indique que si les émissions continuent à leur rythme actuel, le réchauffement provoqué par l’homme pourrait atteindre les 1,5 °C, plus tôt que prévu, entre 2030 et 2050. Aujourd’hui encore, plus de 80 %4 de l’énergie que nous consommons provient toujours de ressources carbonées fossiles (charbon, pétrole, gaz), une proportion restée stable depuis trois décennies. Ces dernières rejettent dans l’atmosphère du CO2, un des principaux gaz à effet de serre qui menacent l’équilibre climatique. Une fois émises, les molécules de CO2 restent jusqu’à une centaine d’années dans l’atmosphère5 et s’y accumulent. Malgré les engagements des pays en 2015, les émissions de CO2 relatives à l’énergie, qui s’étaient stabilisées depuis 2014, étaient, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE)6, de nouveau reparties à la hausse avec un record historique de 32,5 milliards de tonnes en 2017. Cette hausse de 1,4 % par URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? rapport à 2016, équivalente à celles de 170 millions de voitures additionnelles, était le résultat d’une robuste croissance mondiale (3,7 %), des prix bas pour les énergies fossiles et d’un ralentissement des progrès en matière d’efficacité énergétique. Les émissions de CO2 augmentent en France aussi Depuis 2015, et pour la troisième année consécutive, les émissions de gaz à effet de serre françaises, au lieu de diminuer, selon la trajectoire définie cette année-là par la SNBC, ont continué de croître. Ainsi, le Commissariat général au développement durable estime que, à climat constant, les émissions de gaz à effet de serre du mix énergétique français ont augmenté ainsi de 4 % en 2017 par rapport à 2016, principalement dans les secteurs du transport et de l’habitat. 4 – Source : AIE. 5 – https ://jancovici.com/changement-climatique/gaz-a-effet-de-serre-et-cycle-du-carbone/quels-sont-les-gaz- a-effet-de-serre-quels-sont-leurs-contribution-a-leffet-de-serre/ 6 – http ://www.iea.org/geco/emissions/?utm_content=buffer0f533&utm_medium=social&utm_source=twitter. com&utm_campaign=buffer - 12 -
Figure 1 : Évolution des émissions globales de gaz à effet de serre en France et objectifs SNBC. Source : Ministère de l’Écologie, 2018. Mt CO2éq 1er budget 700 carbone 2e budget 600 carbone 3e budget 500 carbone 400 300 200 100 0 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 Émissions constatées (prévisions pour 2016) Tendance passée Scénario SNBC Part annuelle des budgets carbone NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 Désormais, pour rejoindre la trajectoire fixée par la Stratégie nationale bas carbone, « la tendance de réduction des émissions » devra être encore plus soutenue : en moyenne de 3,5 % par an de 2015 à 2050. Plus la France tarde à rentrer dans une trajectoire de réduction des émissions, plus cette dernière nécessitera des efforts importants. Le dérapage concerne en particulier les secteurs les plus émetteurs : transports, bâtiment, agriculture… A contrario, le secteur de la production d’énergie ne représente que 11 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, en raison d’un mix de production électrique bas carbone, principalement alimenté par le nucléaire et l’hydraulique. En conclusion, que ce soit au niveau mondial ou en France, on constate le manque d’efficacité des politiques mises en œuvre pour réduire et même stabiliser les émissions. Un tel résultat doit encourager les acteurs à considérer l’ensemble des solutions technologiques bas carbone qui sont à leur disposition pour atteindre leurs objectifs. - 13 -
1. Le nucléaire, une source d’énergie bas carbone reconnue Afin d’étudier le rôle du nucléaire dans les politiques climatiques, il convient d’abord de rappeler que le nucléaire est reconnu aujourd’hui par la communauté scientifique internationale comme une énergie très faiblement émettrice de gaz à effet de serre, et donc, à ce titre, comme une des solutions technologiques d’atténuation. La réaction de fission nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre. La fission URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? de 1 seul kilogramme d’uranium, enrichi à environ 4 % (procédé industriel permettant d’augmenter la concentration de matière fissile au sein du combustible), permet de produire autant d’énergie que la combustion de 143 tonnes de charbon. Il convient néanmoins d’évaluer les émissions qui sont générées par ailleurs, sur l’ensemble de la chaîne industrielle, et sur l’ensemble du cycle de vie de l’installation. La même méthodologie est utilisée dans tous les secteurs pour calculer le bilan environnemental d’un service ou d’un produit L’analyse de cycle de vie (ACV) est aujourd’hui la méthode de référence et fait l’objet d’un consensus scientifique international. Elle est systématiquement utilisée, toutes industries confondues, pour faire le bilan environnemental d’un produit ou d’un service. Par la réalisation et l’étude détaillée d’un bilan matière complet, cette science de l’ingénieur permet d’analyser tout le cycle de vie d’un produit, du « berceau à la tombe », en prenant donc en compte l’amont (extraction des matières premières, fabrication, construction des infrastructures, etc.) et l’aval du produit (recyclage des matières, démantèlement des réacteurs, gestion des déchets, etc.). L’ACV est d’abord un outil pour les industriels désireux d’objectiver la performance environnementale de leur produit et de la communiquer. Elle est aussi nécessaire aux pouvoirs publics qui ont besoin de références fiables pour comparer les empreintes environnementales de différents produits (exemple : un véhicule électrique), filières (traitement de déchets) et scénarios énergétiques (scénarios électronucléaires prospectifs). L’ACV est enfin très utile en écoconception, car elle permet une analyse environnementale quantifiée et communicable des produits. L’ACV est normalisée depuis 2006 (normes ISO 14040 & 44). Une communauté de chercheurs, en croissance, travaille à son développement continu, notamment dans le cadre de la Society of Environnemental Toxicology and Chemistry (SETAC). De nombreux secteurs publient des guides de bonnes pratiques spécifiques. - 14 -
En ce qui concerne le nucléaire, de nombreuses ACV ont été réalisées, pour tous les pays. À titre d’exemple, l’électricien public suédois Vattenfall utilise largement l’ACV pour communiquer, via des déclarations environnementales produit (bilan de son parc nucléaire, centrales de Forsmark & Ringhals : 4 g eq CO2/kWh)7. La variabilité des résultats s’explique par le choix des bases de données ACV d’arrière-plan utilisées, mais surtout pour ce qui concerne le nucléaire par les différences technologiques entre les différentes filières (types de mines, technologie et niveau d’enrichissement, cycle ouvert-fermé, etc.). Le GIEC classe au niveau mondial le nucléaire parmi les énergies bas carbone, avec des émissions comparables à celles de l’éolien Figure 2 : Bilan gaz à effet de serre (g eq CO2/kWh). Source : Revue de littérature IPCC par GIEC, 2015. 900 820 800 700 600 490 500 NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 400 300 200 100 41 24 12 11 0 Charbon Gaz Photovoltaïque Hydro. Nucléaire Éolien Directes (combustion) Indirectes Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies (GIEC), qui utilise la méthodologie ACV, identifie trois sources d’énergie bas carbone : les énergies renouvelables, l’énergie nucléaire, et les énergies fossiles équipées de capture et séquestration de carbone. En ce qui concerne la production d’électricité, le GIEC a réalisé une synthèse des études disponibles, qui constitue ainsi aujourd’hui une référence au niveau mondial. Selon les experts du climat, le bilan médian gaz à effet de serre du kWh nucléaire est comparable à celui du kWh éolien, inférieur à celui du kWh photovoltaïque, et très largement inférieur à celui du kWh gaz et du kWh charbon. 7 – https ://gryphon4.environdec.com/system/data/files/6/12462/epd923%20Vattenfall%20Nuclear%20 Power%202016.pdf - 15 -
L’énergie nucléaire en France est encore plus bas carbone Pour la France, plusieurs études ACV ont été publiées. Les émissions se situent dans la fourchette basse, en raison du faible contenu carbone de l’électricité utilisée pour l’étape d’enrichissement de l’uranium. Les résultats montrent une certaine variabilité, liée à la différence des bases de données utilisées : • EDF a réalisé une étude ACV du kWh nucléaire (validée par revue critique), avec un résultat de 4 g eq CO2/kWh, qui est publié sur son site web (indica- teur gaz à effet de serre mensuel EDF)8. • Une étude9 publiée par Elsevier en 2014 propose un bilan de 5 g eq CO2/kWh pour le cycle français actuel. Ecoinvent, la base de données ACV de référence, propose un bilan GES de la filière électronucléaire française à 13 g eq CO2/kWh (version V3.3). Une étude URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? de 200610 analyse les publications existantes et propose, compte tenu de leur variabilité, une fourchette de valeur de 3-24 g eq CO2/kWh. 8 – https ://intranet.edf.fr/documents/61865326/0/Profil+environnemental+du+KwH/c8437f2a-45ad-4813- 8b82-0ece063dc224?version=1.0 9 – Assessment of the environmental footprint of nuclear energy system. Comparison between closed and open fuel cycles (2014, C. Poinssot). 10 – A guide to life-cycle greenhouse gas (GHG) emissions from electric supply technologies (2006, D. Weisser). - 16 -
D’autres études reportent aujourd’hui des chiffres d’émissions plus éle- vés : qu’en est-il ? Les études établissant les émissions de CO2 plus élevées pour le nucléaire, souvent développées dans un cadre militant, n’utilisent pas la méthode ACV, qui fait pourtant l’objet d’un consensus scientifique international tous secteurs confondus (norme ISO). L’étude de JKW Storm van Leeuwen et P. Smith : “Nuclear Power - The Energy Balance infrastructures11” Les auteurs n’utilisent pas le format scientifique ISO et proposent une nouvelle méthode, combinant des données d’énergie et de coûts. L’étude est publiée sur Internet, sans revue critique. Elle n’est pas reproductible, car les facteurs de conversion coûts-énergie ne sont pas systématiquement publiés ; très opaque, elle laisse voir, entre autres, des agrégations d’énergie thermique et d’énergie électrique (aux performances environnementales différentes), et des surestimations de consommations. L’étude de M. Lenzen12 Publiée en 2008, cette étude délaisse également les standards ISO. M. Lenzen évalue d’abord la quantité d’énergie au kilowattheure nucléaire produit, NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 puis transforme cette énergie en CO2 via une « intensité CO2 » générique très défavorable (310 g CO2/kWh, correspondant à une économie 100 % charbon). Il arrive à la fourchette 10-130 g CO2/kWh. Ce scientifique s’inscrit dans le mouvement d’hybridation des bilans, qui cherche à exploiter des données économiques pour réaliser d’une nouvelle manière des bilans environnementaux. Apparues en 2006, ces méthodes ne sont pas parvenues depuis à se développer, principalement en raison de leur manque de transparence. L’étude de B. Sovacool Enfin, en 2008, B. Sovacool13 propose une méta-analyse d’études14, qui surpondère les deux études précédentes, et arrive à une valeur moyenne de 66 g CO2/kWh, bien au-delà des valeurs hautes des fourchettes ACV couramment admises. L’étude de B. Sovacool a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs critiques du milieu scientifique. Au total, des travaux scientifiques solides, documentés et non réfutés à ce jour prouvent l’excellent bilan environnemental du nucléaire français (moins de 10 g CO2/kWh), qui produit de l’électricité avec un des meilleurs bilans au monde. Ce bilan reste actuellement meilleur que celui du solaire ou de l’éolien, même si ces énergies progressent régulièrement. 11 – http ://greatchange.org/ov-storm,nuclear_energy_production_and_fuel_costs_rev6.pdf 12 – Life cycle energy and greenhouse gas emissions of nuclear energy: a review (2008, M. Lenzen). 13 – Valuing the greenhouse gas emissions from nuclear power: a survey (2008, B. Sovacool). 14 – Les méta-analyses sont un des volets de la recherche ACV, visant à éclairer les intervalles de variation des résultats (provenant de la variabilité des filières et des études, données, etc.). Bien réalisées, elles permettent de remplacer le chiffre unique par des visions paramétrées pertinentes, ou par des abaques. - 17 -
2. L’efficacité de l’énergie nucléaire à réduire les émissions de gaz à effet de serre est démontrée L’énergie nucléaire est industriellement disponible et déployable à grande échelle Parmi les sources d’énergie bas carbone identifiées par le GIEC, le nucléaire est une des rares solutions de production d’électricité à être aujourd’hui disponible URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? industriellement et déployable à grande échelle. Selon l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)15, le parc nucléaire mondial est constitué de 455 réacteurs en opération, dans 30 pays différents, pour une capacité cumulée de près de 400 GW. Grâce à un taux de disponibilité moyen supérieur à 80 %, ce parc a produit en 2017 environ 2 500 TWh d’électricité, en légère hausse de 1,1 % par rapport à 2016. Ceci représente environ 10,3 % de la production mondiale d’électricité. Dans l’OCDE16, où sa part est plus importante, l’énergie nucléaire est la première source d’électricité bas carbone, et représente à elle seule 40 % de la totalité de l’électricité bas carbone produite. Figure 3 : Parts de la production d'électricité par source au sein des pays de l'OCDE en 2017. Source : IEA Monthly Electricity Data. Énergies fossiles : 58,7 % Nucléaire : 17,6 % Hydroélectricité : 13,9 % Géothermie, éolien, solaire et autres : 9,8 % 15 – AIEA, Energy, Electricity and Nuclear Power Estimates for the Period up to 2050, 2018 Edition. 16 – IEA, Key Electricity Trends, 2017. - 18 -
Fin 2017, 59 nouvelles unités, correspondant à une capacité additionnelle de 60 GW, étaient en construction. L’année 2017 a vu la mise en ligne de quatre nouveaux réacteurs, lesquels ont compensé en capacité l’arrêt de cinq unités, et le démarrage de quatre nouveaux chantiers de construction. Les premiers mois de 2018 ont connu une accélération avec sept nouvelles connexions au réseau en Chine et en Russie : Sanmen 1 et 2, Haiyang, Taishan, Rostov 4, Leningrad II-1, et Yangjiang 5. Depuis 1970 dans le monde, l’énergie nucléaire a permis d’éviter l’équiva- lent de cinq années d’émissions de CO2 dans le secteur électrique Au début des années 1960, l’hydroélectricité était la seule source importante de production d’électricité bas carbone. Le nucléaire a commencé alors à se développer dans beaucoup de pays comme un moyen moderne pour produire une électricité abondante et bon marché, permettant d’éviter des importations de pétrole et de gaz. Même si sa part dans le mix électrique est restée modérée, elle a fortement contribué, aux côtés de l’hydroélectricité, à éviter une très grande quantité d’émissions de gaz à effet de serre, et ceci avant même que ces dernières soient reconnues comme un problème environnemental. Une étude de l’AIEA17 a cherché à calculer le nombre de tonnes de CO2 dont NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 la production a été évitée depuis les années 1970 grâce aux différentes technologies bas carbone. Elle fait l’hypothèse que l’électricité, si elle n’avait pas été produite par l’hydraulique, le nucléaire et les autres énergies renouvelables, aurait été produite à partir de centrales à charbon, à pétrole, ou à gaz, dans les proportions qui étaient les leurs pour chaque année étudiée. 17 – IAEA, Climate Change and Nuclear Power, 2018. - 19 -
Figure 4 : Émissions mondiales de CO2 du secteur électrique et émissions évitées par l'utilisation de trois technologies bas carbone (renouvelables, hydroélectricité et nucléaire). Source : IAEA calculations based on CO2 emissions, power generation and fuel input data in Ref. [30] and emission factors data in Ref. [31]. 20 Émissions de CO2 réelles et évitées (en Gt CO2) 18 16 14 12 10 8 6 URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? 4 2 0 1970 1980 1990 2000 2010 Secteur électrique (émissions effectives) Autres renouvelables (émissions évitées) Hydraulique (émissions évitées) Nucléaire (émissions évitées) Comme indiqué sur la figure, au cours de la période 1970-2013, l’utilisation de sources d’électricité bas carbone a permis d’éviter au total plus de 163 Gt d’émission de CO2. L’énergie hydraulique était la première contributrice, avec un peu plus de la moitié des émissions évitées (87 Gt de CO2). Le nucléaire vient en second avec 40 % (66 Gt de CO2) environ des émissions évitées, soit l’équivalent de cinq années d’émissions du secteur électrique. La contribution des autres sources d’énergies renouvelables (10 Gt de CO2) reste marginale jusqu’à la fin des années 2000. Autrement dit, si les centrales nucléaires ne fournissent que 10 % environ de l’électricité mondiale, elles sont un levier efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : chaque année, les centrales nucléaires évitent que 2 gigatonnes de gaz carbonique ne se libèrent dans l’atmosphère, équivalant à 400 millions de voitures. L’énergie nucléaire, aux côtés des renouvelables, permet à l’Europe d’être en avance en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre Précurseur dans la lutte contre le changement climatique, l’Europe s’est imposée des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre et a effectivement mis en œuvre des politiques pour les atteindre. - 20 -
L’énergie nucléaire représente aujourd’hui près de la moitié18 de l’électricité bas carbone européenne. C’est grâce à son électricité nucléaire, combinée à ses investissements dans les énergies renouvelables, que l’Union européenne est aujourd’hui en avance, s’agissant d’intensité carbone, sur les autres grandes régions industrielles développées19. Figure 5 : Mix de production électrique et intensité en CO2. Source : AIE, ETP 2017. OCDE Europe Japon États-Unis 100 % 600 80 % 500 g CO2/kWh 60 % 400 40 % 300 20 % 200 0% 100 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 15 25 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 15 25 20 0 20 1 20 2 20 3 20 4 15 25 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 20 20 20 20 20 20 Gaz naturel Autres fossiles Renouvelables Nucléaire Intensité en CO2 NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 À l’exception de la Norvège, les pays européens qui ont réduit rapidement leurs émissions dans le secteur électrique combinent énergie nucléaire et hydroélectricité Alors que l’intensité carbone moyenne du secteur électrique est toujours supérieure à 400 g CO2/KWh dans les pays de l’OCDE, quatre pays européens seulement ont réussi à décarboner leur électricité sous les 100 g de CO2/kWh : la Norvège, qui possède une capacité hydroélectrique exceptionnelle, et trois pays qui combinent aujourd’hui nucléaire et renouvelables : la Suède (40 % nucléaire, 50 % hydraulique), la Suisse (40 % nucléaire, 60 % hydraulique) et la France (73 % nucléaire, 17 % hydraulique). Un haut pourcentage d’énergies solaires et éoliennes dans le mix électrique ne garantit pas aujourd’hui un haut niveau de décarbonation, comme le montrent les résultats du Danemark, du Portugal, ou de l’Allemagne. 18 – Eurelectric Facts & Figures, December 2016. 19 – IEA, ETP, July 2017. - 21 -
Figure 6 : Intensité carbone du secteur électrique (10/16-09/17). Source : Massachusetts Institute of Technology, 2018. g CO2/kWh 700 600 500 400 300 200 100 0 de m lie Bu gne Ré Tu ie hè ie G e Po ce e Su e Fr e Su e Fi isse Be nde Au que em e Es ark H ne nd Slo rie e e um ne Po nie Irl al URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? qu gn èg èd c an h Br ni ug ar p. rqu rè an Al Ita an D tric g Ro tag g e- vé a v pa a lo on lg a i rt lg or nl tc N le ra G Grâce à l’énergie nucléaire, la France est le pays le plus décarboné des sept plus grands pays industrialisés (G7) La France est le grand pays industrialisé le moins émetteur de CO2 avec 4,6 tonnes de CO2/hab. En France, le système électrique était en 2017 à 90 % bas carbone grâce à une combinaison alliant énergie nucléaire (73 %) et renouvelables (17 %, avec une part importante d’hydroélectricité). La France est dans une situation exceptionnelle puisque nous avons déjà atteint les objectifs que l’Agence internationale de l’énergie avait fixés pour 2050. Cette performance fait de la France le pays le moins émetteur des grands pays industrialisés. Un Français émet en moyenne par an un peu moins de cinq tonnes de CO2, alors qu’un Allemand en émet 70 % de moins et un Américain près de trois fois plus. Cette électricité décarbonée est aujourd’hui un atout pour la France afin de décarboner les autres secteurs de son économie qui sont fortement émetteurs de gaz à effet de serre ; en premier lieu le transport, grand consommateur d’énergie fossile et émetteur de près de 29 % de nos émissions totales de CO2. En passant du moteur à essence au moteur électrique, la France dispose d’un atout énorme pour justement continuer à lutter contre le réchauffement climatique et diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. - 22 -
Figure 7 : Émissions en tonnes de CO2/hab. Source : Banque mondiale. Pays du G7 Allemagne 8,9 Canada 15,1 États-Unis 16,5 France 4,6 Italie 5,3 Japon 9,5 Royaume-Uni 6,5 0 5 10 15 20 Tonnes de CO2/hab La France a exporté ces dernières années entre 38 TWh (2017) et 65,1 TWh (2014) d’électricité à ses voisins, soit environ 10 % de sa production, avec des pointes allant jusqu'à 74,2 TWh en 2017. Ces exportations contribuent à l’équilibre du système électrique de nos voisins et aussi à l’équilibre de notre balance commerciale, à savoir près de 2 milliards d’euros par an en moyenne. Mais surtout, parce que sa teneur en carbone est très faible (76 g CO2/MWh) NOTE SFEN - OCTOBRE 2018 par rapport à la moyenne européenne (350 g CO2/MWh), la France contribue à décarboner le mix électrique de ses voisins européens. De ce point de vue, la France a une contribution similaire à celle de la Suède qui est allée en 2015, année record de production de son parc composé d’hydraulique, de nucléaire et d’éolien, jusqu’à exporter près de la moitié20 de sa production électrique bas carbone à ses voisins, contribuant ainsi à l’équilibre et à la décarbonation du mix électrique du Danemark et de la Finlande, mais aussi de pays très consommateurs de charbon comme la Pologne, l’Allemagne et la Lituanie. En Suède, le nucléaire a démontré sa capacité à décarboner rapidement le système électrique Entre 1970 et 1990, le parc nucléaire mondial s’est déployé très rapidement. En 1970, il était constitué de seulement 82 réacteurs, pour une capacité installée totale de 16 GW. Cinq ans après, on dénombrait 168 réacteurs (capacité de 72 GW) en 1975, puis 420 réacteurs (capacité de 327 GW) en 1990. En vingt ans, le nombre de réacteurs en service a été multiplié par cinq et la puissance nette installée par vingt. Cette expansion a été d’autant plus spectaculaire que, dans les années 1970 et 1980, la technologie était encore assez nouvelle, et la plupart des acteurs ont dû, en même temps, développer leurs compétences et leur maîtrise industrielle. L’analyse21 du programme nucléaire suédois, déployé entre 1970 et 1990, illustre particulièrement le potentiel de décarbonation rapide présenté par le nucléaire. 20 – https ://news.vattenfall.com/en/article/large-electricity-production-and-record-exports-sweden 21 – Qvist et Brook, 2015. - 23 -
Comme le montre la figure 8, avant le lancement du programme nucléaire, la croissance des émissions de CO2 suivait, voire excédait, la croissance du PNB. Avec le déploiement du programme nucléaire, entre 1972 et 1986, les émissions par habitant ont baissé en moins de 20 ans de 75 %. La Suède s’est par ailleurs appuyée sur son système électrique pour décarboner les usages : alimentation de l’industrie, réduction de l’utilisation de fossiles dans le tertiaire et le résidentiel, etc. Plus largement, le pays exporte son électricité bas carbone chez ses voisins, contribuant ainsi à réduire leur empreinte carbone. Figure 8 : Émissions totales de CO2 et PIB par habitant de la Suède de 1960 à 1990, normalisée sur le niveau de 1960. Source : Potential for Worldwide Displacement of Fossil-Fuel Electricity by Nuclear Energy in Three Decades Based on Extrapolation of Regional Deployment Data, Plos One, 2015. URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? Valeur relative à 1960 Période d'expansion nucléaire 2,00 1,75 1,50 1,25 1,00 0,75 0,50 1960 1965 1970 1972 1975 1980 1986 1990 Émissions CO2 /habitant PIB/habitant (2005 USD) Émissions/consommation énergétique CO2 Une étude de 201622 analyse et compare les programmes de déploiement de capacités de production bas carbone dans différents pays depuis les années 1970. Pour comparer leur efficacité en matière de contribution, elle regarde la production effective d’électricité bas carbone additionnelle par habitant, en rythme annuel. Depuis les années 2000, plusieurs pays (Allemagne, Danemark ou États-Unis) ont mis en œuvre des politiques de soutien ambitieuses pour le déploiement rapide de capacités solaires et éoliennes. Quand on regarde l’historique néanmoins, le rythme atteint par la Suède avec l’énergie nucléaire entre 1976 et 1986 reste cinq fois supérieur au programme 22 – http ://science.sciencemag.org/content/sci/suppl/2016/08/03/353 6299 547.DC1/aaf7131Cao_SM.pdf - 24 -
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