Urgence climatique : peut-on se passer de l'énergie nucléaire ?

La page est créée Stéphane Raymond
 
CONTINUER À LIRE
Urgence climatique : peut-on se passer de l'énergie nucléaire ?
Urgence climatique :
   peut-on se passer
de l’énergie nucléaire ?

                               NOTE SFEN - OCTOBRE 2018

    NOTE SFEN – OCTOBRE 2018
La Société française d’énergie nucléaire est le carrefour français des
connaissances sur l’énergie nucléaire. Créée en 1973, la SFEN est un lieu
d’échanges pour celles et ceux qui s’intéressent à l’énergie nucléaire et à ses
applications. Elle compte 3 600 membres. Ses quinze sections techniques
rassemblent les spécialistes des différents domaines de l’énergie nucléaire.

Nuclear for Climate est une initiative créée en 2015 par la SFEN, l’European
Nuclear Society et l’American Nuclear Society. Elle rassemble aujourd’hui 150
associations nucléaires à travers le monde. Son objectif est de faire recon-
naître le nucléaire comme une partie de la solution dans la lutte contre le
changement climatique.
Contributions de la SFEN
    à la Programmation pluriannuelle de l’énergie
et à la COP24 (Katowice, Pologne, décembre 2018)

                NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
Éditorial

                                                                  L’urgence climatique est le défi majeur de l’Humanité. En dépit des engage-
                                                                  ments pris à la COP21, les émissions de gaz à effet de serre, au lieu de diminuer,
                                                                  ne cessent d’augmenter, y compris en France. D’après le dernier rapport du
                                                                  Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la limite
                                                                  de 1,5 °C, fixée pour 2100 dans l’accord de Paris, serait atteinte entre 2030 et
                                                                  2051. Nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire. Nous sommes en train de
                                                                  perdre la bataille climatique.
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                  La France est pourtant un pays exemplaire, qui a réussi à atteindre une
                                                                  performance remarquable : avoir les plus faibles émissions par habitant des
                                                                  sept pays les plus développés (G7). En France, prendre le train à grande vitesse
                                                                  ou recharger son téléphone n’a pas d’impact sur le climat.

                                                                  Notre pays y parvient grâce à son parc nucléaire, qui fournit massivement une
                                                                  électricité décarbonée. Mais la France peine à réduire ses émissions car ses
                                                                  investissements portent sur le secteur électrique et non sur les secteurs les plus
                                                                  consommateurs d’énergies fossiles (pétrole, gaz), et donc les plus émetteurs
                                                                  de gaz à effet de serre, comme le transport et l’habitat. Il faudrait peut-être
                                                                  interroger cette stratégie, et concentrer les efforts là où des résultats tangibles,
                                                                  du point de vue de l’urgence climatique, pourraient être atteints. Par exemple,
                                                                  en tirant parti de l’électricité décarbonée pour développer la mobilité électrique.
                                                                  L’Allemagne, qui a fait le choix de l’arrêt du nucléaire, investit des centaines
                                                                  de milliards d’euros sans parvenir à réduire ses émissions. Ce que l’Allemagne,
                                                                  avec son niveau de développement, ses ressources financières, et son accès à
                                                                  la technologie, échoue à faire, qui pourrait y arriver ?

                                                                  Se pose donc pleinement la question de la contribution que l’énergie nucléaire
                                                                  peut apporter à la lutte contre le changement climatique. Nous avons la
                                                                  conviction qu’il ne sera pas possible de ralentir les émissions de gaz à effet de
                                                                  serre sans que les pays qui disposent de la technologie nucléaire ne développent

                                                                                                          -4-
ou ne renouvellent leur parc. Ce sera vrai en France, où des décisions s’imposent.
Ainsi qu’en Chine et en Inde où l’énergie nucléaire constitue d’ores et déjà une
alternative à l’essor du charbon.

Nous sommes bien conscients que l’énergie nucléaire suscite des débats
passionnés et des inquiétudes… Les accidents majeurs ont marqué l’opinion.
Les citoyens s’interrogent sur la gestion des déchets radioactifs. Pourtant,
du stockage géologique des déchets au contrôle par une autorité de sûreté
indépendante, des solutions existent.

Cependant, nous pensons qu’il serait irresponsable de se priver d’une solution
ayant fait ses preuves. La menace du changement climatique et les dommages
qu’il commence de produire doivent nous inciter à agir avec pragmatisme.
Cette note a l’ambition de poser les données du débat avec objectivité. Chacun

                                                                                     NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
pourra ainsi étudier notre raisonnement, et peut-être en tirer les mêmes
conclusions que nous. La communauté nucléaire sera alors prête à relever le défi.

Valérie Faudon
Déléguée générale de la SFEN

                                       -5-
Résumé

                                                                     La France s’est fixée à la fois une ambition nationale et inter-
                                                                     nationale dans la lutte contre le changement climatique. Trois
                                                                     ans après la COP21, et l’accord mondial sur l’objectif de limiter
                                                                     le réchauffement à 1,5 °C en 2100, le dernier rapport du GIEC
                                                                     alerte que la limite pourrait être atteinte entre 2030 et 2050.
                                                                     En France aussi, si le Plan climat a fixé un objectif de décarbona-
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                     tion à 2050, les émissions ont encore augmenté de 4 % en 2017.

                                                                  Le nucléaire est une source d’énergie bas carbone reconnue
                                                                  La même méthodologie (ACV) est utilisée aujourd’hui dans tous les secteurs
                                                                  pour calculer le bilan environnemental d’un service ou d’un produit. Le GIEC
                                                                  établit la médiane des émissions du nucléaire au niveau mondial à 12 g/kWh. En
                                                                  France, les émissions se situent dans la fourchette basse (jusqu’à 4-5 g/KWh
                                                                  selon certaines études), en raison du faible contenu carbone de l’électricité
                                                                  utilisée pour l’étape d’enrichissement.

                                                                  L’efficacité de l’énergie nucléaire à réduire les émissions de gaz à effet de
                                                                  serre est démontrée
                                                                  L’énergie nucléaire est industriellement disponible et déployable à grande
                                                                  échelle, avec 455 réacteurs en opération aujourd’hui dans 30 pays différents. Sa
                                                                  production était en légère augmentation en 2017 et représentait 10,3 % de la
                                                                  production mondiale d’électricité. Depuis 1970, elle a permis d’éviter le rejet de
                                                                  plus de 60 Gt de CO2 dans le monde, soit l’équivalent de cinq années d’émission
                                                                  de CO2 du secteur électrique. Ceci en fait la deuxième énergie bas carbone
                                                                  contributrice derrière l’hydroélectricité. À l’exception de la Norvège, les pays
                                                                  européens qui ont réduit rapidement leurs émissions dans le secteur électrique
                                                                  (Suède, Suisse, France), combinent énergie nucléaire et hydroélectricité. Grâce
                                                                  à l’énergie nucléaire, la France est le plus décarboné (en émissions par habitant)
                                                                  des sept plus grands pays industrialisés (G7). Enfin, l’analyse du programme
                                                                  nucléaire suédois à partir de 1972 démontre la capacité du nucléaire à
                                                                  décarboner rapidement le système électrique : les émissions par habitant ont
                                                                  baissé de 75 % en moins de vingt ans.

                                                                  A contrario, les mises à l’arrêt de centrales nucléaires ont abouti à une
                                                                  stagnation, voire une augmentation, des émissions de gaz à effet de serre
                                                                  États-Unis, Europe, Japon : plusieurs pays ont vu des fermetures de centrales
                                                                  ces dernières années. Malgré d’importantes ressources financières et l’accès

                                                                                                         -6-
à la meilleure technologie, les politiques menées se révèlent inefficaces, voire
contre-productives au plan climatique. En Californie, dans le Vermont, dans le
New Jersey, on voit, avec des fermetures prématurées de centrales, que c’est
le gaz de schiste, fortement émetteur de gaz à effet de serre, mais pilotable,
qui se substitue à l’énergie nucléaire bas carbone. En Allemagne, malgré des
investissements massifs (25 milliards d’euros par an), la part du charbon,
l’énergie la plus polluante, est restée stable : le pays n’atteindra pas ses objectifs
climatiques. Le Japon, avec le trop lent redémarrage des réacteurs nucléaires,
reste le premier acheteur mondial de gaz liquéfié : ses électriciens montrent
même un nouvel intérêt pour le charbon. En France, le scénario prévisionnel
RTE pour 50 % de nucléaire en 2025 aurait nécessité de garder quatre centrales
à charbon et de construire vingt nouvelles centrales à gaz. Alors que plus de
80 % de la dépense publique pour les énergies renouvelables reste focalisée
sur le secteur électrique, très faiblement émetteur, plutôt que sur des secteurs
fortement émetteurs, comme le chauffage, le pays est encore sorti, pour la
troisième année consécutive, de sa trajectoire fixée par la stratégie bas carbone.

Le nucléaire sera indispensable, au côté des énergies renouvelables, pour
atteindre les objectifs de décarbonation
La décarbonation du secteur électrique est au cœur des enjeux climatiques :

                                                                                         NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
l’électricité représente 40 % des émissions totales, et est encore dominée par le
charbon et le gaz (63 % du total). Des solutions bas carbone sont disponibles.
Décarboner l’électricité représente pourtant un défi considérable. Les derniers
scénarios fixent maintenant la barre très haut, visant une décarbonation totale
du système électrique à l’horizon 2050, alors qu’on s'attend en même temps, en
raison de la croissance démographique et du rattrapage des pays émergents,
à un doublement de la consommation électrique. En dépit d’investissements
massifs, les énergies renouvelables ne suffisent pas à elles seules à soutenir
le rythme de décarbonation nécessaire. Les institutions internationales (OCDE-
AIE, UE) estiment toutes qu’il faudra mobiliser l’ensemble des technologies bas
carbone (renouvelables, nucléaire et CCS) pour réduire les émissions, et les
scénarios 100 % renouvelables font l’objet de nombreuses critiques.

L’énergie nucléaire a le potentiel aujourd’hui pour décarboner plus et plus
rapidement
Le nucléaire est industriellement disponible aujourd’hui dans tous les grands
pays émetteurs de gaz à effet de serre de la planète ; Chine, États-Unis, Inde,
Europe, Japon... Il représente une véritable alternative bas carbone au charbon,
puisqu’il permet lui aussi de produire de l’électricité de manière massive, avec
une disponibilité moyenne de l’ordre de 90 %. Comme le montre l’exemple
de la France, la flexibilité du nucléaire rend possible le développement des
renouvelables variables. Il s’insère dans le système électrique européen et évite
en bonne part le recours à des unités à gaz ou à charbon dans les pays qui
développent des parcs renouvelables. De manière générale, l’électricité bas
carbone est un outil privilégié par les scénarios de décarbonation profonde.

                                         -7-
L’électrification des usages est facilitée par une électricité bon marché : une
                                                                  étude récente du MIT démontre, à travers l’analyse de plus de 1 000 scénarios,
                                                                  que le coût de production de l’électricité décarbonée est d’autant moins cher que
                                                                  le mix est diversifié et inclut toutes les sources disponibles, dont le nucléaire.
                                                                  Enfin, à long terme, avec le développement de nouveaux types de réacteurs,
                                                                  le nucléaire sera en mesure de décarboner d’autres secteurs que l’électricité,
                                                                  comme par exemple la production de chaleur industrielle.
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                                                         -8-
Recommandations

   La France est un des rares pays industrialisés au monde
   à bénéficier déjà d’une électricité décarbonée, et ceci grâce
   à l’énergie nucléaire. Elle est, du point de vue de sa politique
   climatique, dans une situation particulière.

Au niveau national, la France doit :
Piloter de manière prudente son mix électrique, pour ne jamais être acculée
à devoir développer à court et moyen terme des centrales à gaz :
 • Le pays s’engage actuellement dans une stratégie de réduction de la part du
   nucléaire dans son mix électrique. Il doit faire face, dans les années à venir,
   à trois types d’incertitudes : la stratégie de ses voisins (avec lesquels il est de
   plus en plus interconnecté), l’évolution de la demande d’électricité (difficile à

                                                                                         NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
   prévoir avec le développement des usages) et le rythme de déploiement des
   sources de production et des moyens de stockage (back-up) alternatifs. Il
   convient donc d’adopter une attitude prudente, et ne pas prendre a priori des
   décisions de fermetures de réacteurs dont nous pourrions avoir besoin, par
   exemple pour accompagner, grâce à leur capacité de suivi de charge, le déve-
   loppement des énergies renouvelables. Auquel cas, la seule solution serait la
   construction de centrales à gaz (voire l‘importation de gaz), émettrices de gaz
   à effet de serre. Celles-ci pourraient engendrer, une fois construites, un effet
   de « lock-in », engageant la France sur de nombreuses années.
 • À l’horizon 2050, les scénarios montrent que la France aura besoin, dans un
   mix électrique diversifié, d’un socle nucléaire. Elle doit donc commencer à
   préparer le renouvellement de son parc nucléaire actuel, avec la construc-
   tion d’un certain nombre de nouveaux réacteurs entre 2030 et 2050. Là en-
   core, si elle ne se prépare pas, le risque qu’elle doive ici aussi s’appuyer sur
   des centrales à gaz n’est pas négligeable.

Tirer parti de son électricité bas carbone pour décarboner le quotidien des
Français, principalement dans les transports (29 % des émissions de CO2) et
dans l’habitat.
L’électricité bas carbone est un très grand atout pour décarboner d’autres
secteurs. Elle offre des solutions simples à utiliser pour de nombreux usages
(mobilité, froid, chaleur, objets connectés..) dans le quotidien des Français.
Elle présente dès aujourd’hui une excellente sécurité d’approvisionnement,
et bénéficie d’un très vaste réseau de distribution déjà déployé sur tout
le territoire. Enfin, avec le développement des capacités d’effacement et d’auto­

                                         -9-
consommation, elle contribue à offrir la liberté aux consommateurs de gérer
                                                                  leurs usages et leur production selon leurs propres critères, ce qui constitue un
                                                                  facteur clef pour assurer le succès de la transition écologique.

                                                                  La France porte une responsabilité particulière, en ce sens qu’elle dispose d’une
                                                                  position diplomatique forte sur les questions climatiques, et qu’elle est un
                                                                  grand pays nucléaire.

                                                                  Au niveau international, la France doit :
                                                                  Garantir la compétence industrielle nucléaire au niveau européen :
                                                                  L’Union européenne reste, malgré une réelle ambition en matière climatique, le
                                                                  troisième plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de la planète. Ses émis-
                                                                  sions continuent à augmenter, et elle aura besoin du nucléaire pour atteindre
                                                                  ses objectifs climatiques en 2050. La France est le dernier pays en Europe apte
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                  à concevoir, construire, opérer et démanteler des réacteurs nucléaires, si toute-
                                                                  fois elle entretient ses compétences par le lancement d’un programme national
                                                                  sans tarder. C’est seulement grâce à la France qu’il sera encore possible, si une
                                                                  prise de conscience le permet, de relancer dans les toutes prochaines décen-
                                                                  nies des programmes européens.

                                                                  S’engager pour que la technologie nucléaire soit reconnue pour les services
                                                                  qu’elle rend, et puisse jouer son rôle :
                                                                  L’énergie nucléaire a fait ses preuves en matière d’efficacité pour décarboner le
                                                                  système électrique, mais elle a le potentiel de faire plus, et plus vite. Parce qu’elle
                                                                  fait l’objet de débats passionnés et qu’elle suscite historiquement une hostilité
                                                                  forte dans les milieux environnementaux, sa place est aujourd’hui insuffisante
                                                                  dans les discussions climatiques, par exemple lors de la Convention-cadre des
                                                                  Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC). Plusieurs initiatives gou-
                                                                  vernementales ont récemment vu le jour pour s’intéresser au développement
                                                                  du nucléaire : celle de l’OCDE-AIE mais aussi l’initiative gouvernementale NICE1.
                                                                  Cette dernière, qui rassemble le Canada, le Japon et les États-Unis (malgré leur
                                                                  retrait de l’accord de Paris), mais dont la France et l’Union européenne sont
                                                                  étonnamment absentes, vise à accélérer l’innovation dans la technologie nu-
                                                                  cléaire, avec des objectifs de décarbonation.

                                                                  1 – http ://www.cleanenergyministerial.org/initiative-clean-energy-ministerial/nuclear-innovation-clean-ener-
                                                                  gy-future-nice-future

                                                                                                                      - 10 -
Introduction

     La France s’est fixée une ambition nationale et internationale
     dans la lutte contre le changement climatique.
Au niveau international
L’engagement français, qui a abouti à la signature de l’accord de Paris en
décembre 2015, s’est poursuivi de manière soutenue avec :
  • L’initiative « Make our planet great again » en juin 2017 : un appel aux scienti-
    fiques du climat à rejoindre la France, dans le cadre de la mise en place d’un
    programme prioritaire de recherche.
  • L’annonce, lors de la COP23 en novembre 2017 à Bonn (Allemagne), que la
    France se portait volontaire pour financer le solde manquant du budget du
    GIEC, après le retrait des États-Unis.
  • L’initiative du « One Climate Summit » en décembre 2017 à Paris, puis en sep-
    tembre 2018 à New York : celle-ci vise, en coopération avec l’ONU, à accélérer

                                                                                            NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
    la mise en œuvre de l’accord de Paris par des initiatives, entre autres, dans le
    domaine de la finance verte.

Au niveau national
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTCEV)2 de
juillet 2015 a fixé pour objectif de diviser par quatre les émissions de gaz à effet
de serre entre 1990 et 2050 (facteur 4).
Parallèlement, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) a fixé la trajectoire
de baisse des émissions de gaz à effet de serre3 par secteurs et par périodes
successives de quatre à cinq ans.
Le nouveau Plan climat annoncé par le gouvernement français en juin 2017 vise
désormais la neutralité des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050,
soit l’objectif de ne pas émettre de CO2 à cet horizon.
À ce titre, le gouvernement a placé l’enjeu climatique comme étant la priorité
numéro un de la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Le monde est en train de perdre la bataille climatique : trois ans après la
COP21, les émissions de CO2 continuent à augmenter
En décembre 2015, à l’occasion de l’accord de Paris, 195 pays se sont engagés à
réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter à 2 °C, voire 1,5 °C, la
hausse de température du globe d’ici 2100. Dans son dernier rapport d’octobre

2 – https ://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/loi-transition-energetique-croissance-verte
3 – https ://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc

                                                     - 11 -
2018, le GIEC indique que si les émissions continuent à leur rythme actuel, le
                                                                  réchauffement provoqué par l’homme pourrait atteindre les 1,5 °C, plus tôt que
                                                                  prévu, entre 2030 et 2050.

                                                                  Aujourd’hui encore, plus de 80 %4 de l’énergie que nous consommons provient
                                                                  toujours de ressources carbonées fossiles (charbon, pétrole, gaz), une
                                                                  proportion restée stable depuis trois décennies. Ces dernières rejettent dans
                                                                  l’atmosphère du CO2, un des principaux gaz à effet de serre qui menacent
                                                                  l’équilibre climatique. Une fois émises, les molécules de CO2 restent jusqu’à une
                                                                  centaine d’années dans l’atmosphère5 et s’y accumulent.
                                                                  Malgré les engagements des pays en 2015, les émissions de CO2 relatives
                                                                  à l’énergie, qui s’étaient stabilisées depuis 2014, étaient, selon l'Agence
                                                                  internationale de l'énergie (AIE)6, de nouveau reparties à la hausse avec un
                                                                  record historique de 32,5 milliards de tonnes en 2017. Cette hausse de 1,4 % par
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                  rapport à 2016, équivalente à celles de 170 millions de voitures additionnelles,
                                                                  était le résultat d’une robuste croissance mondiale (3,7 %), des prix bas pour
                                                                  les énergies fossiles et d’un ralentissement des progrès en matière d’efficacité
                                                                  énergétique.

                                                                  Les émissions de CO2 augmentent en France aussi
                                                                  Depuis 2015, et pour la troisième année consécutive, les émissions de gaz à
                                                                  effet de serre françaises, au lieu de diminuer, selon la trajectoire définie cette
                                                                  année-là par la SNBC, ont continué de croître. Ainsi, le Commissariat général
                                                                  au développement durable estime que, à climat constant, les émissions de
                                                                  gaz à effet de serre du mix énergétique français ont augmenté ainsi de 4 % en
                                                                  2017 par rapport à 2016, principalement dans les secteurs du transport et de
                                                                  l’habitat.

                                                                  4 – Source : AIE.
                                                                  5 – https ://jancovici.com/changement-climatique/gaz-a-effet-de-serre-et-cycle-du-carbone/quels-sont-les-gaz-
                                                                  a-effet-de-serre-quels-sont-leurs-contribution-a-leffet-de-serre/
                                                                  6 – http ://www.iea.org/geco/emissions/?utm_content=buffer0f533&utm_medium=social&utm_source=twitter.
                                                                  com&utm_campaign=buffer

                                                                                                                      - 12 -
Figure 1 : Évolution des émissions globales de gaz à effet de serre
en France et objectifs SNBC.
Source : Ministère de l’Écologie, 2018.
          Mt CO2éq
                                                 1er budget
700
                                                 carbone
                                                         2e budget
600
                                                         carbone

                                                               3e budget
500
                                                               carbone

400

300

200

100

   0
        1990            2000              2010          2020         2030         2040      2050

       Émissions constatées (prévisions pour 2016)       Tendance passée    Scénario SNBC
       Part annuelle des budgets carbone

                                                                                                   NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
Désormais, pour rejoindre la trajectoire fixée par la Stratégie nationale bas
carbone, « la tendance de réduction des émissions » devra être encore plus
soutenue : en moyenne de 3,5 % par an de 2015 à 2050. Plus la France tarde
à rentrer dans une trajectoire de réduction des émissions, plus cette dernière
nécessitera des efforts importants.
Le dérapage concerne en particulier les secteurs les plus émetteurs : transports,
bâtiment, agriculture… A contrario, le secteur de la production d’énergie ne
représente que 11 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, en raison
d’un mix de production électrique bas carbone, principalement alimenté par le
nucléaire et l’hydraulique.

En conclusion, que ce soit au niveau mondial ou en France, on constate le
manque d’efficacité des politiques mises en œuvre pour réduire et même
stabiliser les émissions. Un tel résultat doit encourager les acteurs à considérer
l’ensemble des solutions technologiques bas carbone qui sont à leur disposition
pour atteindre leurs objectifs.

                                                     - 13 -
1. Le nucléaire, une source d’énergie
                                                                      bas carbone reconnue

                                                                  Afin d’étudier le rôle du nucléaire dans les politiques climatiques, il convient
                                                                  d’abord de rappeler que le nucléaire est reconnu aujourd’hui par la communauté
                                                                  scientifique internationale comme une énergie très faiblement émettrice de gaz
                                                                  à effet de serre, et donc, à ce titre, comme une des solutions technologiques
                                                                  d’atténuation.
                                                                  La réaction de fission nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre. La fission
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                  de 1 seul kilogramme d’uranium, enrichi à environ 4 % (procédé industriel
                                                                  permettant d’augmenter la concentration de matière fissile au sein du
                                                                  combustible), permet de produire autant d’énergie que la combustion de
                                                                  143 tonnes de charbon. Il convient néanmoins d’évaluer les émissions qui sont
                                                                  générées par ailleurs, sur l’ensemble de la chaîne industrielle, et sur l’ensemble
                                                                  du cycle de vie de l’installation.

                                                                  La même méthodologie est utilisée dans tous les secteurs pour calculer le
                                                                  bilan environnemental d’un service ou d’un produit
                                                                  L’analyse de cycle de vie (ACV) est aujourd’hui la méthode de référence et fait
                                                                  l’objet d’un consensus scientifique international. Elle est systématiquement
                                                                  utilisée, toutes industries confondues, pour faire le bilan environnemental d’un
                                                                  produit ou d’un service. Par la réalisation et l’étude détaillée d’un bilan matière
                                                                  complet, cette science de l’ingénieur permet d’analyser tout le cycle de vie d’un
                                                                  produit, du « berceau à la tombe », en prenant donc en compte l’amont (extraction
                                                                  des matières premières, fabrication, construction des infrastructures, etc.) et
                                                                  l’aval du produit (recyclage des matières, démantèlement des réacteurs, gestion
                                                                  des déchets, etc.).
                                                                  L’ACV est d’abord un outil pour les industriels désireux d’objectiver la
                                                                  performance environnementale de leur produit et de la communiquer. Elle
                                                                  est aussi nécessaire aux pouvoirs publics qui ont besoin de références fiables
                                                                  pour comparer les empreintes environnementales de différents produits
                                                                  (exemple : un véhicule électrique), filières (traitement de déchets) et scénarios
                                                                  énergétiques (scénarios électronucléaires prospectifs). L’ACV est enfin très utile
                                                                  en écoconception, car elle permet une analyse environnementale quantifiée et
                                                                  communicable des produits.
                                                                  L’ACV est normalisée depuis 2006 (normes ISO 14040 & 44). Une communauté
                                                                  de chercheurs, en croissance, travaille à son développement continu,
                                                                  notamment dans le cadre de la Society of Environnemental Toxicology and
                                                                  Chemistry (SETAC). De nombreux secteurs publient des guides de bonnes
                                                                  pratiques spécifiques.

                                                                                                         - 14 -
En ce qui concerne le nucléaire, de nombreuses ACV ont été réalisées, pour tous
les pays. À titre d’exemple, l’électricien public suédois Vattenfall utilise largement
l’ACV pour communiquer, via des déclarations environnementales produit (bilan
de son parc nucléaire, centrales de Forsmark & Ringhals : 4 g eq CO2/kWh)7.
La variabilité des résultats s’explique par le choix des bases de données ACV
d’arrière-plan utilisées, mais surtout pour ce qui concerne le nucléaire par
les différences technologiques entre les différentes filières (types de mines,
technologie et niveau d’enrichissement, cycle ouvert-fermé, etc.).

Le GIEC classe au niveau mondial le nucléaire parmi les énergies
bas carbone, avec des émissions comparables à celles de l’éolien

Figure 2 : Bilan gaz à effet de serre (g eq CO2/kWh).
Source : Revue de littérature IPCC par GIEC, 2015.

900
               820
800

700

600
                                  490
500

                                                                                                     NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
400

300

200

100                                                  41
                                                                    24        12             11
   0
             Charbon             Gaz          Photovoltaïque       Hydro.   Nucléaire       Éolien

       Directes (combustion)        Indirectes

Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations
unies (GIEC), qui utilise la méthodologie ACV, identifie trois sources d’énergie
bas carbone : les énergies renouvelables, l’énergie nucléaire, et les énergies
fossiles équipées de capture et séquestration de carbone.
En ce qui concerne la production d’électricité, le GIEC a réalisé une synthèse
des études disponibles, qui constitue ainsi aujourd’hui une référence au niveau
mondial.
Selon les experts du climat, le bilan médian gaz à effet de serre du kWh nucléaire
est comparable à celui du kWh éolien, inférieur à celui du kWh photovoltaïque,
et très largement inférieur à celui du kWh gaz et du kWh charbon.

7 – https ://gryphon4.environdec.com/system/data/files/6/12462/epd923%20Vattenfall%20Nuclear%20
Power%202016.pdf

                                                          - 15 -
L’énergie nucléaire en France est encore plus bas carbone
                                                                  Pour la France, plusieurs études ACV ont été publiées. Les émissions se situent
                                                                  dans la fourchette basse, en raison du faible contenu carbone de l’électricité
                                                                  utilisée pour l’étape d’enrichissement de l’uranium. Les résultats montrent une
                                                                  certaine variabilité, liée à la différence des bases de données utilisées :

                                                                    • EDF a réalisé une étude ACV du kWh nucléaire (validée par revue critique),
                                                                      avec un résultat de 4 g eq CO2/kWh, qui est publié sur son site web (indica-
                                                                      teur gaz à effet de serre mensuel EDF)8.
                                                                    • Une étude9 publiée par Elsevier en 2014 propose un bilan de 5 g eq CO2/kWh
                                                                      pour le cycle français actuel.

                                                                  Ecoinvent, la base de données ACV de référence, propose un bilan GES de la
                                                                  filière électronucléaire française à 13 g eq CO2/kWh (version V3.3). Une étude
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                  de 200610 analyse les publications existantes et propose, compte tenu de leur
                                                                  variabilité, une fourchette de valeur de 3-24 g eq CO2/kWh.

                                                                  8 – https ://intranet.edf.fr/documents/61865326/0/Profil+environnemental+du+KwH/c8437f2a-45ad-4813-
                                                                  8b82-0ece063dc224?version=1.0
                                                                  9 – Assessment of the environmental footprint of nuclear energy system. Comparison between closed and
                                                                  open fuel cycles (2014, C. Poinssot).
                                                                  10 – A guide to life-cycle greenhouse gas (GHG) emissions from electric supply technologies (2006, D. Weisser).

                                                                                                                      - 16 -
D’autres études reportent aujourd’hui des chiffres d’émissions plus éle-
vés : qu’en est-il ?
Les études établissant les émissions de CO2 plus élevées pour le nucléaire,
souvent développées dans un cadre militant, n’utilisent pas la méthode ACV,
qui fait pourtant l’objet d’un consensus scientifique international tous secteurs
confondus (norme ISO).

L’étude de JKW Storm van Leeuwen et P. Smith : “Nuclear Power - The Energy
Balance infrastructures11”
Les auteurs n’utilisent pas le format scientifique ISO et proposent une nouvelle
méthode, combinant des données d’énergie et de coûts. L’étude est publiée
sur Internet, sans revue critique. Elle n’est pas reproductible, car les facteurs de
conversion coûts-énergie ne sont pas systématiquement publiés ; très opaque, elle
laisse voir, entre autres, des agrégations d’énergie thermique et d’énergie électrique
(aux performances environnementales différentes), et des surestimations de
consommations.

L’étude de M. Lenzen12
Publiée en 2008, cette étude délaisse également les standards ISO. M. Lenzen
évalue d’abord la quantité d’énergie au kilowattheure nucléaire produit,

                                                                                                                         NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
puis transforme cette énergie en CO2 via une « intensité CO2 » générique très
défavorable (310 g CO2/kWh, correspondant à une économie 100 % charbon). Il
arrive à la fourchette 10-130 g CO2/kWh. Ce scientifique s’inscrit dans le mouvement
d’hybridation des bilans, qui cherche à exploiter des données économiques pour
réaliser d’une nouvelle manière des bilans environnementaux. Apparues en 2006,
ces méthodes ne sont pas parvenues depuis à se développer, principalement en
raison de leur manque de transparence.

L’étude de B. Sovacool
Enfin, en 2008, B. Sovacool13 propose une méta-analyse d’études14, qui surpondère
les deux études précédentes, et arrive à une valeur moyenne de 66 g CO2/kWh, bien
au-delà des valeurs hautes des fourchettes ACV couramment admises. L’étude de
B. Sovacool a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs critiques du milieu scientifique.
Au total, des travaux scientifiques solides, documentés et non réfutés à ce
jour prouvent l’excellent bilan environnemental du nucléaire français (moins
de 10 g CO2/kWh), qui produit de l’électricité avec un des meilleurs bilans au
monde. Ce bilan reste actuellement meilleur que celui du solaire ou de l’éolien,
même si ces énergies progressent régulièrement.

11 – http ://greatchange.org/ov-storm,nuclear_energy_production_and_fuel_costs_rev6.pdf
12 – Life cycle energy and greenhouse gas emissions of nuclear energy: a review (2008, M. Lenzen).
13 – Valuing the greenhouse gas emissions from nuclear power: a survey (2008, B. Sovacool).
14 – Les méta-analyses sont un des volets de la recherche ACV, visant à éclairer les intervalles de variation des
résultats (provenant de la variabilité des filières et des études, données, etc.). Bien réalisées, elles permettent de
remplacer le chiffre unique par des visions paramétrées pertinentes, ou par des abaques.

                                                       - 17 -
2.  L’efficacité de l’énergie nucléaire
                                                                       à réduire les émissions de gaz à effet
                                                                       de serre est démontrée

                                                                  L’énergie nucléaire est industriellement disponible et déployable à grande
                                                                  échelle
                                                                  Parmi les sources d’énergie bas carbone identifiées par le GIEC, le nucléaire est
                                                                  une des rares solutions de production d’électricité à être aujourd’hui disponible
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                  industriellement et déployable à grande échelle.
                                                                  Selon l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)15, le parc nucléaire
                                                                  mondial est constitué de 455 réacteurs en opération, dans 30 pays différents, pour
                                                                  une capacité cumulée de près de 400 GW. Grâce à un taux de disponibilité moyen
                                                                  supérieur à 80 %, ce parc a produit en 2017 environ 2 500 TWh d’électricité, en
                                                                  légère hausse de 1,1 % par rapport à 2016. Ceci représente environ 10,3 % de la
                                                                  production mondiale d’électricité. Dans l’OCDE16, où sa part est plus importante,
                                                                  l’énergie nucléaire est la première source d’électricité bas carbone, et représente
                                                                  à elle seule 40 % de la totalité de l’électricité bas carbone produite.

                                                                  Figure 3 : Parts de la production d'électricité par source au sein des pays de
                                                                  l'OCDE en 2017.
                                                                  Source : IEA Monthly Electricity Data.

                                                                                                                                       Énergies fossiles : 58,7 %
                                                                                                                                       Nucléaire : 17,6 %
                                                                                                                                       Hydroélectricité : 13,9 %
                                                                                                                                      	Géothermie, éolien,
                                                                                                                                       solaire et autres : 9,8 %

                                                                  15 – AIEA, Energy, Electricity and Nuclear Power Estimates for the Period up to 2050, 2018 Edition.
                                                                  16 – IEA, Key Electricity Trends, 2017.

                                                                                                                       - 18 -
Fin 2017, 59 nouvelles unités, correspondant à une capacité additionnelle de
60 GW, étaient en construction. L’année 2017 a vu la mise en ligne de quatre
nouveaux réacteurs, lesquels ont compensé en capacité l’arrêt de cinq unités, et
le démarrage de quatre nouveaux chantiers de construction. Les premiers mois
de 2018 ont connu une accélération avec sept nouvelles connexions au réseau
en Chine et en Russie : Sanmen 1 et 2, Haiyang, Taishan, Rostov 4, Leningrad
II-1, et Yangjiang 5.

Depuis 1970 dans le monde, l’énergie nucléaire a permis d’éviter l’équiva-
lent de cinq années d’émissions de CO2 dans le secteur électrique
Au début des années 1960, l’hydroélectricité était la seule source importante
de production d’électricité bas carbone. Le nucléaire a commencé alors à se
développer dans beaucoup de pays comme un moyen moderne pour produire
une électricité abondante et bon marché, permettant d’éviter des importations
de pétrole et de gaz. Même si sa part dans le mix électrique est restée modérée,
elle a fortement contribué, aux côtés de l’hydroélectricité, à éviter une très
grande quantité d’émissions de gaz à effet de serre, et ceci avant même que ces
dernières soient reconnues comme un problème environnemental.

Une étude de l’AIEA17 a cherché à calculer le nombre de tonnes de CO2 dont

                                                                                         NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
la production a été évitée depuis les années 1970 grâce aux différentes
technologies bas carbone. Elle fait l’hypothèse que l’électricité, si elle n’avait pas
été produite par l’hydraulique, le nucléaire et les autres énergies renouvelables,
aurait été produite à partir de centrales à charbon, à pétrole, ou à gaz, dans les
proportions qui étaient les leurs pour chaque année étudiée.

17 – IAEA, Climate Change and Nuclear Power, 2018.

                                                     - 19 -
Figure 4 : Émissions mondiales de CO2 du secteur électrique et émissions
                                                                  évitées par l'utilisation de trois technologies bas carbone (renouvelables,
                                                                  hydroélectricité et nucléaire).
                                                                  Source : IAEA calculations based on CO2 emissions, power generation and fuel input data in Ref. [30] and emission
                                                                  factors data in Ref. [31].

                                                                   20
                                                                            Émissions de CO2 réelles et évitées (en Gt CO2)
                                                                   18

                                                                   16

                                                                   14

                                                                   12

                                                                   10

                                                                     8

                                                                     6
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                     4

                                                                     2

                                                                     0
                                                                          1970                   1980                     1990                      2000                     2010

                                                                         Secteur électrique (émissions effectives)     Autres renouvelables (émissions évitées)
                                                                         Hydraulique (émissions évitées)       Nucléaire (émissions évitées)

                                                                  Comme indiqué sur la figure, au cours de la période 1970-2013, l’utilisation
                                                                  de sources d’électricité bas carbone a permis d’éviter au total plus de 163 Gt
                                                                  d’émission de CO2.

                                                                  L’énergie hydraulique était la première contributrice, avec un peu plus de la
                                                                  moitié des émissions évitées (87 Gt de CO2). Le nucléaire vient en second avec
                                                                  40 % (66 Gt de CO2) environ des émissions évitées, soit l’équivalent de cinq
                                                                  années d’émissions du secteur électrique. La contribution des autres sources
                                                                  d’énergies renouvelables (10 Gt de CO2) reste marginale jusqu’à la fin des
                                                                  années 2000.
                                                                  Autrement dit, si les centrales nucléaires ne fournissent que 10 % environ de
                                                                  l’électricité mondiale, elles sont un levier efficace pour réduire les émissions
                                                                  de gaz à effet de serre : chaque année, les centrales nucléaires évitent que
                                                                  2 gigatonnes de gaz carbonique ne se libèrent dans l’atmosphère, équivalant à
                                                                  400 millions de voitures.

                                                                  L’énergie nucléaire, aux côtés des renouvelables, permet à l’Europe d’être
                                                                  en avance en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre
                                                                  Précurseur dans la lutte contre le changement climatique, l’Europe s’est imposée
                                                                  des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre et
                                                                  a effectivement mis en œuvre des politiques pour les atteindre.

                                                                                                                         - 20 -
L’énergie nucléaire représente aujourd’hui près de la moitié18 de l’électricité bas
carbone européenne. C’est grâce à son électricité nucléaire, combinée à ses
investissements dans les énergies renouvelables, que l’Union européenne est
aujourd’hui en avance, s’agissant d’intensité carbone, sur les autres grandes
régions industrielles développées19.

Figure 5 : Mix de production électrique et intensité en CO2.
Source : AIE, ETP 2017.

         OCDE Europe                        Japon                         États-Unis
100 %                                                                                                600

 80 %                                                                                                500

                                                                                                           g CO2/kWh
 60 %                                                                                                400

 40 %                                                                                                300

 20 %                                                                                                200

  0%                                                                                                 100
    20 0
    20 1
    20 2
    20 3
    20 4
      15

                                 25

                                        20 0
                                        20 1
                                        20 2
                                        20 3
                                        20 4
                                          15

                                                             25

                                                                    20 0
                                                                    20 1
                                                                    20 2
                                                                    20 3
                                                                    20 4
                                                                      15

                                                                                                25
      1
      1
      1
      1
      1

                                          1
                                          1
                                          1
                                          1
                                          1

                                                                      1
                                                                      1
                                                                      1
                                                                      1
                                                                      1
  20

                               20

                                      20

                                                             20

                                                                  20

                                                                                           20
    Gaz naturel           Autres fossiles   Renouvelables     Nucléaire      Intensité en CO2

                                                                                                                       NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
À l’exception de la Norvège, les pays européens qui ont réduit rapidement
leurs émissions dans le secteur électrique combinent énergie nucléaire et
hydroélectricité
Alors que l’intensité carbone moyenne du secteur électrique est toujours
supérieure à 400 g CO2/KWh dans les pays de l’OCDE, quatre pays européens
seulement ont réussi à décarboner leur électricité sous les 100 g de CO2/kWh : la
Norvège, qui possède une capacité hydroélectrique exceptionnelle, et trois pays
qui combinent aujourd’hui nucléaire et renouvelables : la Suède (40 % nucléaire,
50 % hydraulique), la Suisse (40 % nucléaire, 60 % hydraulique) et la France
(73 % nucléaire, 17 % hydraulique). Un haut pourcentage d’énergies solaires et
éoliennes dans le mix électrique ne garantit pas aujourd’hui un haut niveau de
décarbonation, comme le montrent les résultats du Danemark, du Portugal, ou
de l’Allemagne.

18 – Eurelectric Facts & Figures, December 2016.
19 – IEA, ETP, July 2017.

                                                    - 21 -
Figure 6 : Intensité carbone du secteur électrique (10/16-09/17).
                                                                  Source : Massachusetts Institute of Technology, 2018.

                                                                            g CO2/kWh
                                                                  700

                                                                  600

                                                                  500

                                                                  400

                                                                  300

                                                                  200

                                                                  100

                                                                     0

                                                                                               de

                                                                                       m lie
                                                                                     Bu gne

                                                                                Ré Tu ie

                                                                                        hè ie

                                                                                        G e
                                                                                     Po ce

                                                                                                 e
                                                                                        Su e
                                                                                       Fr e

                                                                                        Su e
                                                                                    Fi isse
                                                                                    Be nde

                                                                                     Au que

                                                                                       em e
                                                                                    Es ark

                                                                                     H ne

                                                                                nd Slo rie

                                                                                       e e
                                                                                      um ne
                                                                                    Po nie

                                                                                      Irl al
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                                             qu

                                                                                             gn
                                                                                             èg
                                                                                             èd

                                                                                               c

                                                                                    an h

                                                                                    Br ni

                                                                                           ug

                                                                                             ar
                                                                                  p. rqu

                                                                                           rè
                                                                                          an

                                                                                  Al Ita
                                                                                          an
                                                                                  D tric

                                                                                             g

                                                                                   Ro tag
                                                                                             g
                                                                                  e- vé

                                                                                           a
                                                                            v

                                                                                        pa

                                                                                          a

                                                                                         lo
                                                                                       on

                                                                                         lg
                                                                                          a

                                                                                           i

                                                                                        rt
                                                                                        lg
                                                                         or

                                                                                       nl

                                                                                     tc
                                                                     N

                                                                                    le
                                                                             ra
                                                                           G

                                                                  Grâce à l’énergie nucléaire, la France est le pays le plus décarboné des sept
                                                                  plus grands pays industrialisés (G7)
                                                                  La France est le grand pays industrialisé le moins émetteur de CO2 avec
                                                                  4,6 tonnes de CO2/hab.
                                                                  En France, le système électrique était en 2017 à 90 % bas carbone grâce à une
                                                                  combinaison alliant énergie nucléaire (73 %) et renouvelables (17 %, avec une
                                                                  part importante d’hydroélectricité).
                                                                  La France est dans une situation exceptionnelle puisque nous avons déjà
                                                                  atteint les objectifs que l’Agence internationale de l’énergie avait fixés pour
                                                                  2050. Cette performance fait de la France le pays le moins émetteur des grands
                                                                  pays industrialisés. Un Français émet en moyenne par an un peu moins de cinq
                                                                  tonnes de CO2, alors qu’un Allemand en émet 70 % de moins et un Américain
                                                                  près de trois fois plus.
                                                                  Cette électricité décarbonée est aujourd’hui un atout pour la France afin de
                                                                  décarboner les autres secteurs de son économie qui sont fortement émetteurs
                                                                  de gaz à effet de serre ; en premier lieu le transport, grand consommateur
                                                                  d’énergie fossile et émetteur de près de 29 % de nos émissions totales de
                                                                  CO2. En passant du moteur à essence au moteur électrique, la France dispose
                                                                  d’un atout énorme pour justement continuer à lutter contre le réchauffement
                                                                  climatique et diminuer ses émissions de gaz à effet de serre.

                                                                                                                          - 22 -
Figure 7 : Émissions en tonnes de CO2/hab.
Source : Banque mondiale.

                       Pays du G7
    Allemagne                                           8,9
       Canada                                                                  15,1
    États-Unis                                                                        16,5
        France                      4,6
          Italie                      5,3
         Japon                                                9,5
Royaume-Uni                                   6,5

                   0                      5                         10             15                 20
                                                    Tonnes de CO2/hab

La France a exporté ces dernières années entre 38 TWh (2017) et 65,1 TWh
(2014) d’électricité à ses voisins, soit environ 10 % de sa production, avec
des pointes allant jusqu'à 74,2 TWh en 2017. Ces exportations contribuent à
l’équilibre du système électrique de nos voisins et aussi à l’équilibre de notre
balance commerciale, à savoir près de 2 milliards d’euros par an en moyenne.
Mais surtout, parce que sa teneur en carbone est très faible (76 g CO2/MWh)

                                                                                                           NOTE SFEN - OCTOBRE 2018
par rapport à la moyenne européenne (350 g CO2/MWh), la France contribue à
décarboner le mix électrique de ses voisins européens.
De ce point de vue, la France a une contribution similaire à celle de la Suède qui est
allée en 2015, année record de production de son parc composé d’hydraulique, de
nucléaire et d’éolien, jusqu’à exporter près de la moitié20 de sa production électrique
bas carbone à ses voisins, contribuant ainsi à l’équilibre et à la décarbonation
du mix électrique du Danemark et de la Finlande, mais aussi de pays très
consommateurs de charbon comme la Pologne, l’Allemagne et la Lituanie.

En Suède, le nucléaire a démontré sa capacité à décarboner rapidement le
système électrique
Entre 1970 et 1990, le parc nucléaire mondial s’est déployé très rapidement. En
1970, il était constitué de seulement 82 réacteurs, pour une capacité installée
totale de 16 GW. Cinq ans après, on dénombrait 168 réacteurs (capacité de 72 GW)
en 1975, puis 420 réacteurs (capacité de 327 GW) en 1990. En vingt ans, le nombre
de réacteurs en service a été multiplié par cinq et la puissance nette installée par
vingt. Cette expansion a été d’autant plus spectaculaire que, dans les années 1970
et 1980, la technologie était encore assez nouvelle, et la plupart des acteurs ont
dû, en même temps, développer leurs compétences et leur maîtrise industrielle.
L’analyse21 du programme nucléaire suédois, déployé entre 1970 et 1990, illustre
particulièrement le potentiel de décarbonation rapide présenté par le nucléaire.

20 – https ://news.vattenfall.com/en/article/large-electricity-production-and-record-exports-sweden
21 – Qvist et Brook, 2015.

                                                        - 23 -
Comme le montre la figure 8, avant le lancement du programme nucléaire, la
                                                                  croissance des émissions de CO2 suivait, voire excédait, la croissance du PNB.
                                                                  Avec le déploiement du programme nucléaire, entre 1972 et 1986, les émissions
                                                                  par habitant ont baissé en moins de 20 ans de 75 %.

                                                                  La Suède s’est par ailleurs appuyée sur son système électrique pour décarboner
                                                                  les usages : alimentation de l’industrie, réduction de l’utilisation de fossiles dans
                                                                  le tertiaire et le résidentiel, etc. Plus largement, le pays exporte son électricité
                                                                  bas carbone chez ses voisins, contribuant ainsi à réduire leur empreinte carbone.

                                                                  Figure 8 : Émissions totales de CO2 et PIB par habitant de la Suède de 1960
                                                                  à 1990, normalisée sur le niveau de 1960.
                                                                  Source : Potential for Worldwide Displacement of Fossil-Fuel Electricity by Nuclear Energy in Three Decades Based on
                                                                  Extrapolation of Regional Deployment Data, Plos One, 2015.
URGENCE CLIMATIQUE : PEUT-ON SE PASSER DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ?

                                                                          Valeur relative à 1960                              Période d'expansion nucléaire
                                                                  2,00

                                                                  1,75

                                                                  1,50

                                                                  1,25

                                                                  1,00

                                                                  0,75

                                                                  0,50
                                                                         1960           1965               1970 1972         1975               1980                  1986         1990

                                                                      Émissions CO2 /habitant         PIB/habitant (2005 USD)          Émissions/consommation énergétique CO2

                                                                  Une étude de 201622 analyse et compare les programmes de déploiement
                                                                  de capacités de production bas carbone dans différents pays depuis les
                                                                  années 1970. Pour comparer leur efficacité en matière de contribution, elle
                                                                  regarde la production effective d’électricité bas carbone additionnelle par
                                                                  habitant, en rythme annuel.

                                                                  Depuis les années 2000, plusieurs pays (Allemagne, Danemark ou États-Unis)
                                                                  ont mis en œuvre des politiques de soutien ambitieuses pour le déploiement
                                                                  rapide de capacités solaires et éoliennes.

                                                                  Quand on regarde l’historique néanmoins, le rythme atteint par la Suède avec
                                                                  l’énergie nucléaire entre 1976 et 1986 reste cinq fois supérieur au programme

                                                                  22 – http ://science.sciencemag.org/content/sci/suppl/2016/08/03/353 6299 547.DC1/aaf7131Cao_SM.pdf

                                                                                                                          - 24 -
Vous pouvez aussi lire