Électricité et télécom en Afrique : la convergence ? - Point de vue - Agence Ecofin

 
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Électricité et
télécom en
Afrique : la
convergence ?

Point de vue
Électricité et télécom en Afrique : la convergence ? - Point de vue - Agence Ecofin
Électricité et
    télécom en
    Afrique : la
    convergence ?

    Table des matières

    Introduction .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 3
    Le secteur électrique africain, un déficit structurel .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 4
    Les télécoms, booster de l’économie africaine et du développement
    du continent:. .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 12
    La convergence « Telcos – Utilities », une situation gagnant-gagnant
    à multiples facettes. .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 18
    Les zones « offgrid » ou « bad grid », un espace de synergies entre
    énergéticiens et Télécoms .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 26

    Directeur de Publication : Jean-Michel Huet

    Comité éditorial : Kévin Huard, Alexandre Buisson

    Marketing & Communication : Morgan Delcambre, Paul Mazloum, Angélique Tourneux

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Électricité et télécom en Afrique : la convergence ? - Point de vue - Agence Ecofin
Introduction

L’électricité et les télécoms, deux secteurs aux dynamiques            domaine d’application en développant des moyens de paiement
divergentes, sont au début d’une phase de convergence qui              et des services bancaires révolutionnaires ainsi que des solutions
pourrait être la base d’un fort développement du continent.            innovantes dans les secteurs du e-commerce, de la santé ou
                                                                       encore de l’agriculture. Poursuivant son développement, le secteur
La faiblesse dans le domaine de l’approvisionnement en                 des télécommunications a commencé à s’impliquer dans le
électricité est un frein majeur au développement social et             secteur de l’énergie pour trois raisons : le sous-dimensionnement
économique de l’Afrique, notamment de l’Afrique Subsaharienne.         du réseau électrique constitue un frein majeur au développement
La problématique majeure se situe dans la rentabilité des              des infrastructures télécoms (antennes relais, fibre optique,
distributeurs d’électricité, qui n’ont pas la capacité de maintenir,   « data centers »), l’énergie présente un domaine d’application
de développer et d’étendre leurs réseaux pour s’adapter à la           prometteur aux services actuels du mobile (m-payment, media,
démographie du continent et aux progrès technologiques. Ainsi,         data management...) et des perspectives de diversification
une très grande partie de la population a encore un accès limité       de ses offres (compteurs intelligents, kits solaires individuels,
à l’électricité, dû à une couverture du réseau et à une continuité     écosystèmes électriques, « energy service delivery »).
d’approvisionnement très faibles. S’ajoutent à ce constat de
grandes disparités entre les populations urbaines et rurales,          Ainsi la convergence du secteur des Télécoms et de l’électricité
ces dernières étant quasi délaissées dans la plupart des pays          pourrait avoir un impact majeur sur le développement du
d’Afrique Subsaharienne.                                               continent, en premier lieu en améliorant la rentabilité des
                                                                       opérateurs électriques via la fourniture et la gestion de compteurs
Cependant, l’Afrique peut compter sur deux gigantesques                intelligents, mais aussi en diversifiant leurs sources de revenus via
réservoirs de développement. Le premier est son potentiel              le développement d’une offre « electricity as a service ». Cette
de production d’électricité verte, notamment via le solaire,           convergence participera également au développement de l’accès
qui reste encore largement sous exploité. Le deuxième est le           à l’électricité et au réseau télécom en zone rurale à travers des
développement du secteur des télécommunications, notamment             offres individuelles ou communautaires. Les synergies entre ces
le mobile, dont la couverture réseau s’est étendue bien au-            deux secteurs seront aussi un catalyseur pour les investissements
delà du réseau électrique et qui est à l’origine des principaux        dans les infrastructures télécoms haut débit et dans les capacités
développements sur le continent. En effet, ce secteur a étendu son     de production électrique.

                                                                                                                                               3
Le secteur électrique
         africain, un déficit
             structurel

    L’accès à l’électricité, un frein ma-                                   est d’environ 35 GW, équivalente à la Pologne. La continuité
                                                                            d’approvisionnement y est souvent très sporadique, ce qui induit
    jeur au développement du continent                                      une consommation très faible : environ 200 kWh/habitant.
                                                                            Cette situation de sous-dimensionnement par rapport aux
    L’électricité est un produit rare en Afrique. En effet, l’Afrique       besoins nationaux est un frein majeur au développement des
    pointe à la dernière place mondiale des continents en termes            économies. Au Nigeria, environ 50% de la population a accès à
    de production, de consommation électrique mais aussi d’accès            l’électricité, mais pour seulement 3 heures par jour. En Guinée,
    aux réseaux. Le continent représente moins de 5% de la                  le fournisseur national, la SNE, a été surnommé « Société de
    consommation électrique mondiale alors qu’il s’agit du deuxième         la Nuit Éternelle », au Cameroun, ENEO (Energy of Cameroon)
    continent le plus peuplé : 16% de la population mondiale est            a été rebaptisé « Énergie Noire et Obscure ». Ces interruptions
    africaine. La consommation moyenne par habitant est de l’ordre          électriques paralysent significativement l’activité économique
    de 530kWh, soit 7 fois moins que celle de la France.                    et sont la caractéristique des zones dites « Bad Grid », qui
                                                                            constituent environ 80% des réseaux électriques de ces pays.
    Il convient cependant de distinguer deux zones en Afrique. Tout         Pour y faire face, la plupart des entreprises et des résidences
    d’abord, une zone émergente constituée de 6 pays (Afrique du            disposent d’un générateur diesel pour pallier aux coupures. Pour
    Sud et pays d’Afrique du Nord) dont la population a un accès            produire leur électricité, ces pays ont recours majoritairement
    élevé à l’électricité (supérieur à 95%) et ayant une capacité           à de l’énergie hydraulique, représentant environ 60% du mix
    de production d’environ 70 GW équivalente à l’Espagne. Cette            énergétique. 5 pays de la région des Grands Lacs sont même
    zone génère à elle seule 80% de l’électricité du continent. Avec        dépendants de cette ressource, qui constitue 90% de leur mix
    une production annuelle de 4200 kWh/habitant, la production             (Kenya, Éthiopie, Mozambique, Zambie et Centrafrique), ce qui
    de l’Afrique du Sud représente même 40% de la production                crée sporadiquement des tensions avec les pays en aval (Égypte
    électrique africaine. En comparaison, la France a une capacité          et Soudan notamment).
    plus de quatre fois supérieure avec plus de 16900 kWh/habitant.
    Pour produire leur électricité, ces pays ont recours majoritairement    Plus inquiétant, en plus d’avoir des niveaux de production et de
    à l’énergie thermique (gaz, fioul, charbon), représentant 95% du        consommation très faibles, la plupart des pays de cette zone
    mix énergétique.                                                        n’arrivent pas à suivre leur rythme démographique. En 1990, 31%
                                                                            des africains avaient accès à un réseau électrique. Certes ils sont
    Les autres pays constituent une zone en pénurie d’électricité           à présent 45% à en avoir l’accès, mais la population sans accès a
    qui accusent un profond retard dans le développement de leurs           augmenté de 200 millions entre 1990 et 2012, notamment en
    infrastructures. En effet, l’accès à l’électricité y est rarement au-   zone rurale.
    dessus de 50% (7 pays sur 48), et souvent en dessous de 20%
    (12 pays), tandis que leur capacité de production électrique

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Capacité, production, consommation et accès électrique en Afrique en 2015

       Pays à fort accès en électricité                          Pays à accès moyen en électricité                      Pays à faible accès en électricité
                          5847                                             901                                                     648

2624                                       97%                       394                 59%                                     252             31%

2624                                                                 429                                                         336

                                                                                                                   Pays à très faible accès en électricité
                                                                                                                             130

                                                                                                                            58                   12%

                                                                                                                           56

                                      France                                                          Capacité électrique par heure par million
                                                                                                      d’habitants (GWh/million d’hab.)
                                                     16 915
                                                                                                      Production électrique par heure par million
                                                                                                      d’habitants (GWh/million d’hab.)
                  7 993                                             100%
                                                                                                      Consommation électrique par heure par million
                                                                                                      d’habitants (GWh/million d’hab.)
             6 451                                                                                    Part de la population ayant accès au réseau
                                                                                                      électrique (% de la population)

                                                                                 Sources : Banque Mondiale (2016), Africa Energy Outlook (2016), BearingPoint (2017)

                                                                                                                                                                       5
S’il existe des disparités entre pays, elles sont conséquentes entre
                                                                                    Un mix électrique en évolution,
    les zones urbaines et rurales. En Afrique Subsaharienne, le retard
    en termes d’infrastructures électriques en zones urbaines, ainsi                où les énergies vertes sont encore
    que la difficulté d’accès et la faible densité des zones rurales ont
    dissuadé les distributeurs électriques à développer leurs réseaux               sous-exploitées
    au-delà des grands centres urbains. Ainsi, quand les zones
    urbaines ont un taux d’électrification de 69%, seules 29% des                   À l’instar de ce qu’a connu le marché de la téléphonie mobile,
    régions rurales ont un accès. Pourtant la plupart des Africains                 celui des énergies renouvelables offre un potentiel de marché
    (62%) vivent dans les zones rurales. Les disparités sont aussi très             attractif, notamment pour les acteurs privés. Actuellement,
    importantes entre populations riche et pauvre. En effet, les 20%                les énergies renouvelables représentent 20% de la production
    des africains les plus riches ont un accès à l’électricité de 65%,              électrique du continent africain.
    contre 7% pour les 20% les plus pauvres.
                                                                                    Pour autant, l’Afrique détient de très nombreuses ressources
    Le raccordement de toute l’Afrique au réseau électrique                         naturelles : l’eau, le vent et le soleil. Au vu du fort ensoleillement,
    avant 2030 nécessiterait la mobilisation de 830 milliards de                    l’énergie solaire peut notamment présenter une solution
    dollars d’investissements selon les estimations (hors coûts                     prometteuse. La production d’électricité au moyen de panneaux
    d’augmentation des capacités de production). L’extension du                     photovoltaïques est plus compétitive que l’utilisation d’un groupe
    réseau a un coût élevé, à savoir entre 7000 et 15000 euros au                   électrogène sur une large part des zones rurales africaines.
    kilomètre. Faute de solution globale, les habitants ont développé
    des solutions électriques autonomes, ne nécessitant pas un                      Les pays du Maghreb donnent ainsi la priorité au développement
    raccordement au réseau public. Ainsi, les générateurs électriques               de l’énergie solaire. En 2016, la première partie d’un gigantesque
    diesel sont omniprésents, notamment en milieu rural, même si                    projet de centrale solaire (Noor I) est entrée en service au
    des innovations basées sur les énergies renouvelables émergent.                 Maroc. Elle est destinée à devenir la plus grande centrale
                                                                                    solaire du monde. Pour l’instant, la centrale présente une
    Cependant, ces solutions alternatives d’alimentation électrique                 capacité de 160MW. Le projet, qui s’achèvera en 2020, devrait
    représentent un coût important pouvant atteindre 80c$/kWh                       vraisemblablement offrir une capacité de 580MW, soit une
    pour un groupe électrogène. Dans les zones desservies par le                    production similaire à celle d’une petite centrale nucléaire.
    réseau, le tarif résidentiel moyen s’élève à 13c$/kWh, soit un                  Néanmoins, l’énergie solaire représente toujours moins de 1%
    coût proche des pays de l’OCDE (14c€/kWh en France, soit 18c$/                  de la production électrique africaine totale tout comme l’éolien,
    kWh) pour un niveau de vie quinze fois inférieur, et largement                  la bioénergie ou le géothermique. La seule exception notable
    au-dessus de celui observé dans les régions en développement.                   est l’énergie hydraulique fluviale qui permet de produire 16% de
    Ainsi, les besoins inhérents au secteur électrique africain créent un           l’électricité du continent. Si la construction des barrages hydro-
    espace ouvert à l’innovation, qu’elle soit technologique, sociale ou            électriques est coûteuse, ces derniers ont l’avantage de délivrer
    économique.                                                                     une production électrique conséquente. L’Ouganda a ainsi investi

                                  Evolution de la population ayant accès à l’électricité en Afrique (en millions d’habitants)

                                                       Urbain               Rural
                                          800

                                          700

                                          600

                                          500

                                          400
                                                                                                    Population sans accès
                                                                                                    Population avec accès
                                          300

                                          200

                                          100

                                                1990        2012    1990         2012

                                                                                                                            Sources : Banque Mondiale, BearingPoint

6
dans une centrale hydro-électrique à Bujagali via un partenariat
public privé. Parmi les investisseurs, on compte des banques           Répartition de la production électrique en Afrique par type (2014)
commerciales, la Banque Mondiale ou la Banque Européenne                              1%
d’Investissement. Cet investissement majeur permet aujourd’hui
au pays de satisfaire la moitié de la demande nationale.                                                               Énergies fossiles
                                                                                16%
D’autres projets similaires, financés par la Banque Chinoise pour                                                      Hydraulique fluvial
le Commerce Extérieur, ont ainsi vu le jour en Côte d’Ivoire, au                                                       Hydraulique offshore
Cameroun et en Ouganda.                                                                                                Éolien
                                                                                                                       Solaire
                                                                                       83%
D’autre part, les pays dont la production électrique provient                                                          Bioénergie
essentiellement de sources vertes sont ceux qui disposent de                                                           Géothermique
centrales hydrauliques. La forte capacité de production générée
après chaque investissement permet de toucher une large
population et donc de réduire le coût unitaire. En revanche, ces                                     Sources : Banque Mondiale, African Energy Outlook
pays qui peuvent paraitre exemplaires au regard de la part de
leur production provenant d’énergies renouvelables connaissent
un réel déficit en capacité. En effet, le Mozambique, la Zambie, le
Burundi ou l’Éthiopie produisent en moyenne plus de 95% de leur
électricité via des énergies renouvelables et principalement grâce
aux barrages. Cependant les taux d’accès à l’électricité de leurs
populations sont très faibles : respectivement 20%, 22%, 7% et
27%.

Le chemin à parcourir est encore long avant de voir une
production électrique dominée par des ressources vertes d’autant
que les plus gros producteurs d’Afrique sont aussi ceux dont la
part provenant des énergies renouvelables est la plus faible.
Parmi eux, la Libye, l’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud tardent
à passer à une production d’électricité majoritairement verte.
Ils sont extrêmement dépendants des énergies fossiles et les
énergies renouvelables n’offrent pas une puissance de production
suffisante pour les remplacer à court terme. Néanmoins, nombre
d’entre eux ont introduit les énergies renouvelables dans leurs
objectifs de mix énergétique. En Afrique du Sud, la South African
Renewable Council (SAREC) affirme que ces politiques ont permis
la mobilisation de 14 milliards de dollars d’investissements
étrangers ainsi que la création de 20 000 emplois durant la phase
de construction. Toujours selon la SAREC, 35 000 emplois ont été
créés pour l’exploitation de ces énergies durables.

                                                                                                                                                         7
Les pays africains disposent de ressources naturelles à profusion               qui met en œuvre des politiques vertes de grande ampleur et
    qui leur offrent la possibilité de mettre en place un mix                       parvient à attirer les investisseurs étrangers qu’ils proviennent du
    énergétique plus vert qu’il ne l’est actuellement. Pourtant, ils                secteur public ou du secteur privé. Un autre problème freine les
    tardent à mettre en place un cadre légal favorable à l’adoption                 investissements : la faible performance opérationnelle actuelle
    et au développement des énergies renouvelables. Néanmoins,                      des producteurs et distributeurs d’électricité sur le continent.
    certains pays font figure d’exceptions comme l’Afrique du Sud

                                                             Mix énergétique des pays d’Afrique en 2014

      Pays dont la part des énergies renouvelables          Pays dont la part des énergies renouvelables              Pays dont la part des énergies renouvelables
       dans la production est inférieure à 20%               dans la production est entre 20% et 80%                   dans la production est supérieure à 80%
                       5%
                            Dont :                                          50%   Dont :                                                    90%      Dont :
                            • hydraulique fluviale (79%)                          • hydraulique fluviale (98%)                                       • hydraulique fluviale (91%)
                            • éolien (16%)                                        • bioénergie (2%)                                                  • géothermie (7%)
                            • solaire (5%)                                                                                                           • bioénergie (1%)
                                                                                                                                                     • solaire (1%)
       95%                                                 50%
                                                                                                                        10%

                                                                                                                    Part des énergies renouvelables dans le mix
                                                                                                                    énergétique (% de production électrique)

                                                                                                                                   Énergies fossiles
                                                                                                                                   Énergies renouvelables

                                                                                                    Sources : Banque Mondiale (2016), Africa Energy Outlook (2016), BearingPoint

8
Un déficit de performance opéra-                                                                                                                                                                                    qui explique la situation financière des compagnies d’électricité.
                                                                                                                                                                                                                    La résolution de ce problème nécessiterait de mettre en place
tionnelle et financière des distribu-                                                                                                                                                                               des politiques tarifaires extrêmement élevées aux dépens des
                                                                                                                                                                                                                    populations à faibles revenus.
teurs électriques
                                                                                                                                                                                                                    La sous-tarification nous amène naturellement aux
Pour la majorité des Africains, les aléas du réseau électrique                                                                                                                                                      problématiques de comptage, de facturation et de recouvrement,
relèvent de la norme, tant les pannes et les coupures de courant se                                                                                                                                                 avec des déficits à tous les niveaux. La couverture du réseau en
produisent régulièrement. Les fournisseurs d’électricité n’arrivent                                                                                                                                                 compteur individuel est faible et peu d’opérateurs ont déjà eu
pas à s’aligner sur l’augmentation de la demande, phénomène                                                                                                                                                         recours à l’installation de compteurs prépayés à grande échelle.
accentué par un faible taux d’urbanisation de 4%. Les compagnies                                                                                                                                                    De plus, les relevés sont peu fiables du fait en particulier de
d’éléctricité peinent à inverser cette tendance tant les besoins                                                                                                                                                    l’installation très répandue de compteurs partagés (opposés
en investissements sont importants et leur solidité financière                                                                                                                                                      aux compteurs individuels). Cette technique permet de partager
est précaire. En effet, la problématique majeure est le déficit de                                                                                                                                                  les frais élevés d’installation initiale au sein d’une résidence
rentabilité des opérateurs électriques africains, notamment dans le                                                                                                                                                 par exemple. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de découvrir que
secteur de la distribution. Ce déficit, qui est en moyenne d’environ                                                                                                                                                le pays ayant le moins recours à ce procédé est le Sénégal. Le
-80%, est dû à la fois à des coûts élevés (270 $/MWh) et à des                                                                                                                                                      raccordement au réseau étant gratuit pour toute habitation se
revenus trop faibles (150 $/MWh). Plusieurs facteurs dont l’impact                                                                                                                                                  trouvant à moins de 40 mètres d’une ligne électrique, les ménages
est négatif sur les économies des pays concernés expliquent                                                                                                                                                         acceptent de s’équiper de leur propre compteur.
ce phénomène : des facteurs d’ordre technique et d’autres non
techniques.                                                                                                                                                                                                         Le recours au partage des compteurs, à première vue moins
                                                                                                                                                                                                                    coûteux, empêche la mise en place d’une segmentation client fine.
Les pertes non techniques sont les plus importantes. Elles                                                                                                                                                          Ainsi, les populations à faibles revenus ne peuvent pas bénéficier
concernent majoritairement la sous-tarification, le recouvrement                                                                                                                                                    de tarifs subventionnés, car en partageant leur compteur ils
des factures et la fraude. En effet, les tarifs électriques sont un                                                                                                                                                 deviennent inéligibles à toute aide. Disposer d’un compteur
des leviers les plus importants pour améliorer la rentabilité des                                                                                                                                                   individuel permettrait ainsi d’appliquer une politique tarifaire plus
distributeurs. En Afrique Subsaharienne, ils ne reflètent pas les                                                                                                                                                   équitable.
coûts de fourniture de ce service. En moyenne, les tarifs moyens
de vente de l’électricité en Afrique subsaharienne avoisinent                                                                                                                                                       En plus de cet obstacle, les opérateurs de fourniture d’énergie
130 à 140 $/MWh. Ces prix de vente ne couvrent pas le coût de                                                                                                                                                       électrique en Afrique doivent faire face à des difficultés de
fourniture de l’électricité aux différents types de clients et sont en                                                                                                                                              recouvrement. Environ 40 % des clients finaux en Afrique
moyenne 40% inférieurs à ce qu’ils devraient être. Dans la plupart                                                                                                                                                  Subsaharienne ne payent pas leurs factures. Ce taux grimpe à plus
des pays, ils ne couvrent même pas les coûts d’investissement, ce                                                                                                                                                   de 55% pour les catégories les plus pauvres et s’établit toujours

                                                                                 Analyse comparative des coûts et des revenus des opérateurs électriques (en $/MWh)

       700

       600

       500

       400

       300

       200

       100
             Liberia
                       Comore
                                Sierra Leone
                                               Sao Tomé
                                                          Cap Vert
                                                                     Gambie
                                                                              Rwanda
                                                                                       Guinée
                                                                                                Sénégal
                                                                                                          Mauritanie
                                                                                                                       Burkina Faso
                                                                                                                                      Togo
                                                                                                                                             Mali
                                                                                                                                                    Madagascar
                                                                                                                                                                 Seychelles
                                                                                                                                                                              Bénin
                                                                                                                                                                                      Gabon
                                                                                                                                                                                              Kenya
                                                                                                                                                                                                      Botswana
                                                                                                                                                                                                                 Nigéria
                                                                                                                                                                                                                           Côte d’Ivoire
                                                                                                                                                                                                                                           Maurice
                                                                                                                                                                                                                                                     Burundi
                                                                                                                                                                                                                                                               Centre Afrique
                                                                                                                                                                                                                                                                                Niger
                                                                                                                                                                                                                                                                                        Swaziland
                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Rép du Congo
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Éthiopie
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              Tanzanie
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         Malawi
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Cameroun
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              Ouganda
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Zimbabwe
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Soudan
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Ghana
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Mozambique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 Afrique du Sud
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Lesotho
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Zambie

                                                                                                                                         CAPEX                                  OPEX                        Moyenne des encaissements recouvrés

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Source : Banque Mondiale (2014), BearingPoint

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     9
à 20% pour les catégories les plus aisées, suggérant un état de            Devant cette situation, de nombreux pays ont lancé des
     fait ancré dans les pratiques, mais s’expliquant également par             programmes de privatisation de plus ou moins grande échelle pour
     l’incapacité des opérateurs à collecter efficacement les règlements,       améliorer la performance de leur secteur électrique, en termes de
     du fait d’une organisation déficiente et de l’absence de système           capacité de production et de tarification. La moitié des pays (48%)
     bancaire structuré. Les taux de non-bancarisation en Afrique               ont ainsi, dérégulé le marché de la production en vendant les actifs
     (autour de 60%) sont également un frein important au paiement.             publics ou en permettant à des acteurs privés, « Independant
                                                                                Power Producers » (IPPs), de construire leurs propres centrales.
     Les actes d’incivilité s’ajoutent également aux problèmes                  Dans ces cas-là, l’acteur historique public garde souvent la maîtrise
     de comptage, de relève ou de facturation. En effet, certains               de la production hydroélectrique tandis que la grande majorité
     compteurs sont trafiqués, des raccordements illégaux au                    des centrales thermiques est passée sous pavillon privé. Au Kenya
     réseau et des vols sont parfois constatés. Les fraudes peuvent             par exemple, les « IPPs » sont à l’origine de plus de 30% de la
     représenter jusqu’à 20% des pertes non techniques, et illustrent           production nationale. La plus importante d’entre elles, OrPower4,
     la faible automatisation du réseau, et donc le faible contrôle des         est une centrale géothermique située non loin de Nairobi et
     opérateurs.                                                                disposant d’une capacité de production de 150MW. Au Sénégal,
                                                                                le gouvernement s’est fixé l’objectif de couvrir 100% des zones
     Aux pertes non-techniques s’ajoutent des pertes d’ordre technique.         rurales à l’horizon 2030 grâce à une augmentation de la capacité
     En effet, les infrastructures des réseaux électriques africains sont       nationale via des « IPPs ».
     pour la plupart vieillissantes et peu entretenues. Ceci engendre
     d’importantes pertes énergétiques de l’ordre de 30% en moyenne,            Dans certains pays plus libéraux, comme le Nigeria, le secteur a
     provenant des échauffements des conducteurs (« pertes cuivre »),           été totalement privatisé dans les domaines de la distribution et
     des transformateurs (« pertes cuivre » et « pertes fer ») ou d’effets      de la production. Seule l’activité de transmission est restée dans le
     d’ionisation de l’air (« effet couronne »).                                domaine public. Cependant, l’état des anciennes infrastructures
                                                                                publiques ainsi que la faiblesse financière des repreneurs ont
     D’autre part, le contrôle des réseaux est très rudimentaire,               retardé significativement l’impact du processus de privatisation sur
     dû au manque d’interconnexions, mais aussi à la faiblesse                  le secteur.
     d’automatisation du réseau, ce qui ne permet pas de répartir
     l’offre nationale là où le besoin apparaît. Ainsi, les opérateurs de       En résumé, la situation des fournisseurs énergétiques en Afrique
     seulement 40% des pays africains ont indiqué avoir mis en place            est complexe. Aux contraintes techniques liées à l’insuffisance et
     des mécanismes de mesure des interruptions du système. Ils ne              à la vétusté des équipements s’ajoutent des problèmes financiers
     sont que 30% à disposer de statistiques sur la durée moyenne               dus notamment à des pratiques frauduleuses ou inadaptées. Les
     d’une coupure de courant, le nombre total d’heures de coupure ou           prix ne couvrent pas les coûts d’exploitation et les énergéticiens
     le nombre d’interruptions du système (Banque Mondiale).                    peinent à mettre en place des systèmes de facturation efficaces.
                                                                                Les fournisseurs d’électricité sont dans l’incapacité de financer

                                                Typologie de pertes électriques des distributeurs en afrique

                                               40%
                                                                 30%

                                                                                  20%
                                                                                                    10%

                                               Sous            Pertes de       Pertes sur le    Sureffectifs
                                            tarification       transport      recouvrement
                                                           et de distribution

                                                                                                                           Source : Banque Mondiale (2016)

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des projets pourtant nécessaires face à l’évolution du contexte
économique africain et ne parviennent pas à satisfaire une
demande toujours plus importante.. Majoritairement déficitaires,
ces sociétés ne peuvent pas répondre aux besoins domestiques et
les gouvernements se tournent vers des producteurs indépendants
privés. L’enjeu est double puisqu’il s’agit d’améliorer la fourniture
d’électricité pour les industries et les ménages mais aussi de
privatiser une partie du secteur pour tirer les prix à la baisse. En
tout état de cause, une grande partie de la population africaine
ne dispose pas aujourd’hui d’un accès au réseau ou à un réseau
de qualité et, aux vues du contexte qui prévaut sur le continent,
il devient nécessaire de trouver des solutions pour soutenir les
distributeurs d’électricité.

                                            Niveau de privatisation des secteurs électriques en Afrique

                                        52%

                                                            38%

                                                                                  6%
                                                                                                          4%

                                   Société publique        Société             Société               Société
                                       intégrée           publique         de distribution       de production
                                                          intégrée        sous concession       et de distribution
                                                            + IPPs          privée + IPPs             privée
                                                                                                                     Source : BearignPoint (2016)

                                                                                                                                                    11
Les télécoms,
      booster de l’économie
         africaine et du
       développement du
           continent

     Un développement des télécoms à                                      à l’électricité permet de comprendre l’écart qui sépare les deux
                                                                          industries. Là où le secteur électrique a difficilement suivi la
     faire pâlir le secteur de l’électricité                              croissance démographique, le secteur télécom a connu un
                                                                          véritable boom1.
     Les télécoms en Afrique ont pris une importance significative
     dans l’économie de la plupart des pays. Le secteur est une source    Le niveau de développement du marché du mobile est
     indéniable de croissance économique et de développement.             hétérogène entre les pays africains. En effet, alors que le taux de
                                                                          pénétration moyen en Afrique est de 85%, ce ratio est supérieur
     Le marché des télécoms en Afrique s’illustre essentiellement à       à 100% dans certains pays (l’Afrique du Sud, l’Afrique du Nord, le
     travers les usages du mobile. Les coûts du réseau mobile sont, par   Gabon, et certains pays d’Afrique de l’Ouest) et inférieur à 50%
     rapport au réseau du fixe, moindres et les délais de déploiement     dans d’autres (l’Erythrée, l’Éthiopie, le Niger, …). Les marchés les
     plus courts. Aussi, le taux de pénétration en Afrique est-il passé   moins pénétrés nécessitent des investissements lourds de la part
     de 2% pour le mobile en 2000 à 85% en 2015, tandis que la            des opérateurs pour l’extension du réseau. Un des facteurs clés
     pénétration des lignes fixes stagnait (passage de 1,2% à 2%).        expliquant la différence entre les niveaux de pénétration est le
     Le nombre de souscripteurs aux services mobile sur le continent      revenu par habitant. En effet, il existe une relation directe entre le
     Africain est passé de 52 millions en 2003 à 931 millions en 2015.    revenu par habitant et le taux de pénétration mobile. Il y aurait
     Les connexions internet sont, elles, passées de 13 à 293 millions    donc un effet « richesse » sur la taille du marché adressable et
     sur la même période. La croissance du marché mobile a été trois      sa dynamique. D’autres facteurs macro-économiques, comme
     fois plus importante que celle enregistrée au niveau mondial,        la croissance du PIB ou encore le taux d’urbanisation, influent
     et deux fois plus importante pour les connexions internet. De        également sur l’adoption des usages de la téléphonie mais dans
     grands écarts existent selon les pays mais tous ont connu une        une moindre mesure.
     nette progression. Une analyse comparative avec le taux d’accès      1 À noter qu’une personne peut avoir plusieurs souscriptions mobiles

12
Comparatif de l’accès à l’électricité et au mobile en Afrique Subsaharienne

                       1 200

                       1 000
Millions d’habitants

                        800                                                                                             Population totale

                        600
                                                                                                                        Nombre de souscriptions mobile
                                                                                                                        Nombre de personnes ayant accès à l’électricité
                        400

                        200

                               2000   2002   2004    2006   2008     2010   2012   2014   2016   2018   2020

                                                                   Pénétration du téléphone mobile en Afrique (2015)

                                                                                                                   Pays > 100%         127%

                                                                                                                    Pays > 80%         83%

                                                                                                                                                                     Moyenne Mondiale
                                                                                                                                            Moyenne Africaine
                                                                                                                    Pays < 80%    67%

                                                                                                                    Pays < 50%   41%

                                                                        Pénétration d’internet en Afrique (2015)

                                                                                                                    Pays > 35%         45%

                                                                                                                    Pays > 20%        23%
                                                                                                                                                                                        Moyenne Mondiale
                                                                                                                                                 Moyenne Africaine

                                                                                                                    Pays < 20%    14%

                                                                                                                    Pays < 10%   5%

                                                                                                                                                                                                           13
Matrice d’attractivité sectorielle en Afrique

                            Fort
                                                                                                        Faible dépendance aux
                                                                                                          financements publics

                                                                                       Télécommunication
                                                                         Distribution de         mobile
                                                                          gaz naturel
                                                              Rail
                                                                                  Production
                                                                                  d’électricité
        Profit Potentiel

                                                                                                                 Ports

                                                              Distribution                        Aéroports
                                                               électrique

                                             Infrastructure                   Eau &
                                                 sociale                     Déchets                                                                     Participation
                                                                                                                                                         privée dans les
                                         Forte dépendance aux
                                                                                                                                                         infrastructures en
                                         financements publics
                                                                                                                                                         Afrique 2010-2015
                           Faible
                                    Faible                                                                                              Fort
                                                                      Retour sur investissement

                                                                                                       Sources : World Bank (PPA) (2016), Africa Economic Outlook (2016), BearingPoint (2017)

     L’explication de cette croissance sans précédent sur le continent
                                                                                                  Une innovation technologique et
     s’explique notamment par l’implication du secteur privé et
     l’absence relative du secteur public. Le graphique ci-dessus                                 marketing constante dans les télé-
     montre en effet que les secteurs tirés par les investissements
     privés (Télécoms, Production électrique, Gaz, Ports) sont bien plus                          coms à l’opposé du secteur électrique
     attractifs que ceux tirés par le public (Eau, Santé, Distribution
     électrique). Le secteur des Télécoms est le plus performant sur                              Alors que les opérateurs cherchent à améliorer leur pénétration
     le continent, loin devant le secteur de la Distribution électrique,                          du marché, ils recherchent également une croissance de leurs
     ou des « utilities » dans son ensemble, qui dépend encore                                    revenus via la diversification des services : services ICT, services
     beaucoup de financements publics. Résultat, les entreprises de                               financiers, applications mobile et publicité pour mobile.
     télécommunication ont réalisé un EBIT de 28% en 2014 en
     Afrique, ce qui est bien au-dessus de la moyenne mondiale du                                 Les services financiers illustrent le mieux le succès des Télécoms
     secteur (18%).                                                                               en Afrique et sont une véritable source d’innovation et de
                                                                                                  développement du continent, via notamment le modèle
                                                                                                  de facturation d’offre mobile en prépayé. Ce modèle est
                                                                                                  particulièrement adapté aux contraintes de ressources des
                                                                                                  ménages en Afrique. Ce mode de facturation permet à
                                                                                                  l’utilisateur de choisir le montant de ses communications sans
                                                                                                  aucun engagement (pay-as-you-go) via l’achat d’un volume
                                                                                                  de consommation à l’avance. En achetant une carte à gratter
                                                                                                  (communément appelée « scratch card »), il obtient un code
                                                                                                  qui lui permet d’utiliser des unités de communication jusqu’à
                                                                                                  l’épuisement de son crédit (principe du « top-up voucher »).

14
Fourniture de services « Telcos »

                                                                       Service Diversification

                              VOICE                DATA                        MONEY                     MEDIA                  ADVERTISING

                                                      Customer interface (Retail network, client database, …)

                               SMS             Basic internet               Prepaid cards             Online media            Bulk targeted SMS

                              MVNO          Mobile broadband              Payment services             Mobile Apps             Joint ad platform
      Offer Diversification

                                              Very high speed             Banking services          Premium content           Advertising agency

                                               Data centers

                                            Cloud infrastructure

                                                                   Data Management & Analytics

                                                                        INTEGRATED SMART
                                                                            SOLUTIONS

Ce système de paiement est à l’initiation d’un mouvement
                                                                                  Le principal challenge du secteur des
d’innovation de grande ampleur dans le secteur des
télécommunications en Afrique. En effet, le « m-payment », ou                     Télécoms : l’approvisionnement en
paiement par mobile via des « m-wallet » (portefeuilles mobiles),
a connu un développement à grande échelle dans la grande                          électricité
majorité des pays africains, et plus que partout ailleurs dans
le monde. Ces innovations ont eu un impact significatif sur le                    Les très bonnes performances de l’industrie mobile en Afrique
développement des populations à faibles revenus, notamment en                     ne peuvent occulter les nombreux défis auxquels elle doit faire
facilitant leur intégration :                                                     face - en termes d’infrastructure et opérationnels - pour faire
                                                                                  fonctionner les réseaux mobiles de manière rentable. Au cours
  •          Économique : via des plateformes business, dont les plus             des dernières années, les autorités de réglementation ont imposé
             connues sont dans le domaine de l’e-commerce ou de                   plusieurs cas de sanctions pour la mauvaise disponibilité des
             l’agriculture.                                                       services et la détérioration du QoS (Quality of Service). La majorité
  •          Financière : grâce à l’accès à des produits financiers               des événements d’indisponibilité du réseau sont essentiellement
             (comptes courants, comptes épargnes, emprunts…) et                   attribués à des défaillances dans l’alimentation électrique de
             d’assurance.                                                         l’équipement du site. En effet, l’utilisation des téléphones mobiles
  •          Sociale : via des plateformes d’assurance maladie et de              nécessite de l’énergie électrique d’une part pour charger les
             consultation à distance par exemple.                                 appareils, d’autre part pour alimenter les antennes relais, partie
                                                                                  essentielle des réseaux de téléphonie mobile. Les antennes relais
Ce phénomène d’innovation propre à l’Afrique pourrait s’étendre                   et l’infrastructure électrique constituent une grande part de
au secteur électrique qui est un frein majeur au développement.                   l’investissement dans le déploiement des réseaux mobiles. Il a
                                                                                  fallu faire face à certaines difficultés pour les mettre en place et les
                                                                                  maintenir en Afrique.

                                                                                                                                                             15
La couverture lacunaire des réseaux d’électricité est un des                                                Les faiblesses du réseau électrique et les complexités
     principaux challenges dans l’exploitation des réseaux télécoms                                              opérationnelles en Afrique ont eu un très fort impact sur l’OPEX
     et ajoute un coût important aux opérations. L’Afrique a l’un                                                des réseaux mobiles et donc sur le coût des services pour les
     des taux d’électrification les plus faibles dans le monde et les                                            utilisateurs finaux. Cela affecte significativement le retour sur
     réseaux mobiles en Afrique ont aujourd’hui dépassé la portée des                                            investissement des opérateurs de la région et les empêche de
     réseaux d’électricité. En outre, lorsque la connexion est possible,                                         déployer leurs réseaux dans les régions rurales et éloignées. Par
     la fourniture d’électricité est très peu fiable avec des interruptions                                      conséquent, les défis infrastructurels pour les MNO en Afrique
     fréquentes et longues. En Afrique, le nombre de tours de                                                    sont doubles : pouvoir alimenter leur réseau à moindre coût, et
     télécommunication était estimé à 240 000 en 2014 et devrait                                                 étendre efficacement la couverture du réseau à la population
     croître de 85 000 d’ici 2020. Parmi ces tours, seules 5% en 2014                                            actuellement sans accès aux infrastructures de communications
     étaient connectées à un réseau électrique fiable et 60% étaient                                             mobiles.
     alimentées en « offgrid », en très grande majorité par un groupe
     électrogène. Le reste est connecté à un réseau électrique non                                               L’échec des distributeurs énergétiques à adresser ces populations
     fiable, chaque tour disposant d’une alimentation secondaire. Ceci                                           reculées a constitué un frein majeur pour l’extension des réseaux
     explique que 40% des OPEX liés au fonctionnement des réseaux                                                télécoms au même titre que le manque d’infrastructures routières
     Télécoms sont des coûts d’énergie.                                                                          ou de bâtiments publics qui nuit à l’approvisionnement des
                                                                                                                 tours. Cette situation a contraint les opérateurs télécoms à
     Les opérateurs mobiles ont ainsi dû déployer une partie                                                     construire des centres autonomes, ce qui engendre des coûts
     importante de leur infrastructure de tours dans des zones                                                   de déploiement initiaux et des coûts d’exploitation et de
     dépourvues de réseau électrique, qui sont parfois reculées                                                  maintenance supplémentaires. Il est aussi nécessaire de prévoir
     et difficiles d’accès. Les faiblesses du réseau électrique sur le                                           un niveau de sécurité physique plus élevé des équipements à
     continent ont obligé les opérateurs mobiles à s’appuyer sur des                                             cause de l’instabilité de certaines régions et du risque criminel.
     sources d’alimentation alternatives telles que les générateurs
     diesel pour alimenter leurs réseaux, à la fois on et off-grid.                                              Les solutions énergétiques alternatives et rentables, ainsi
     Ainsi, la dépendance à l’égard des solutions à base de diesel a                                             que la réduction des risques opérationnels auront un fort
     considérablement augmenté le coût des opérations pour leurs                                                 impact sur l’augmentation de la couverture des réseaux de
     réseaux existants en raison du coût plus élevé du carburant,                                                télécommunication dans les pays d’Afrique. Ces challenges
     mais également de la maintenance régulière des équipements                                                  ont d’ailleurs des effets très visibles dans la structuration de la
     électriques et des générateurs diesel. En plus des défis liés à                                             chaîne de valeur des télécommunications. En effet, les MNOs
     l’infrastructure, les MNOs sont également confrontés à de                                                   se désengagent progressivement de l’investissement et de la
     nombreuses difficultés, en particulier le vol de diesel, le vandalisme                                      gestion de leurs tours, qu’ils transfèrent à des Towercos (Tower
     des équipements et la sécurité des sites.                                                                   companies). 2% des tours étaient opérées par des Towercos en

                                                                      Évolution du nombre de tours télécoms en Afrique selon leur alimentation électrique

                                                                      350 000

                                                                      300 000
                                Nombre de tours télécoms en Afrique

                                                                      250 000

                                                                      200 000                                                                         Off grid
                                                                                                                                                      Bad grid
                                                                      150 000                                                                         On grid

                                                                      100 000

                                                                       50 000

                                                                           0
                                                                                2014   2015    2016    2017    2018    2019    2020
                                                                                                                                                                 Sources = IFC (2015), GSMA (2015)

16
2011, le taux est aujourd’hui de 18% et devrait atteindre 60% en        Cette faiblesse dans l’approvisionnement électrique est également
2020. Des sociétés sont spécialisées dans la gestion de ces tours       un frein à la diversification des services des « Telcos », notamment
comme IHS, le leader des tours télécoms en Afrique, qui gère plus       au déploiement de services de téléchargement via des “data
de 15500 infrastructures au Nigeria et plus de 23000 en Afrique.        centers” ou de services cloud. La grande majorité des usagers,
En août 2015, IHS Holding a racheté 555 tours à Etisalat Nigéria,       entreprises ou individuels, doivent actuellement se connecter aux
un opérateur national. Autre acteur, America Towers Corporation a       centres de données en Europe et accepter ainsi la latence qui en
acheté pour plus de 1 milliard de dollars de tours soit plus de 4800.   découle. Ainsi, la vitesse de téléchargement et de chargement
L’impact majeur que nous pouvons anticiper, est la mutualisation        est 4 fois inférieure à la moyenne mondiale pour le fixe et 3 fois
des tours entre les différents MNOs (au lieu d’avoir une tour par       pour le mobile. Les « data centers » ont des besoins énergétiques
MNO), le lancement d’activités complémentaires génératrices de          très élevés, amplifiés dans les pays chauds. Les services cloud
revenus autour des tours (publicité, écosystèmes de services, …) et     nécessitent une connectivité plus grande, ce qui signifie un
l’émergence d’acteurs majeurs africains (IHS, Helios Towers, Elios)     approvisionnement en électricité fiable, une proximité avec le
ayant une vraie capacité d’investissement.                              marché cible et une infrastructure haut débit (fibre optique par
                                                                        exemple).

    Les secteurs de l’électricité et des télécommunications suivent des tendances totalement opposées. Alors que l’accès à
    l’électricité est très faible et évolue très lentement, la pénétration des télécoms est très rapide et rattrape la moyenne
    mondiale. Les images que renvoient les deux secteurs sont également opposées : tandis que les télécoms sont le symbole du
    développement du continent et et de l’intégration des populations à faibles revenus (via les services « m-payment »), le secteur
    électrique est le principal frein au développement économique de l’Afrique et un vecteur fort d’inégalité (entre riches et pauvres
    et entre urbains et ruraux).

    Cependant, les deux secteurs connaissent des difficultés opérationnelles importantes. Les distributeurs électriques sont
    largement déficitaires, dû notamment à la fraude, à une faible capacité de facturation et de collecte des paiements clients, à
    un réseau ancien et défectueux générant des pertes importantes et des pannes fréquentes, ainsi qu’à des prix trop bas. Dans ce
    contexte, la maintenance des réseaux de distribution est difficile et leur extension très lente.

    Les difficultés opérationnelles des opérateurs télécoms sont, elles, très liées aux carences de l’approvisionnement électrique. Les
    réseaux télécoms reposent sur les antennes relais qui doivent être alimentées en électricité en permanence. Dans le contexte
    africain où l’approvisionnement est discontinu voir nul, elles sont alimentées par des groupes électrogènes, ce qui génère des
    coûts de carburant élevés et des difficultés liées à leur maintenance. Cela ralentit également l’expansion des réseaux des zones
    rurales du fait des difficultés d’accès et à l’insécurité des sites ainsi que le déploiement de nouveaux services basés sur une
    infrastructure haut débit...

    Ainsi, l’apparition de services de télécommunication (mobile et internet) n’est pas possible sans un
    approvisionnement fiable en énergie, et la mise en place d’un réseau électrique fiable n’est pas possible sans système
    de gestion interconnecté via GSM (« smart meter », SCADA…). Nous percevons un nouvel espace de collaboration
    entre ces deux secteurs qui pourrait permettre à la population africaine de bénéficier d’un approvisionnement en
    électricité fiable et d’une généralisation et diversification des services de télécommunication.

                                                                                                                                               17
La convergence
              « Telcos – Utilities »,
                  une situation
              gagnant-gagnant à
               multiples facettes

     Smart system : une urgence pour les                                 renouvelables et à l’amélioration de l’efficacité énergétique en
                                                                         Afrique.
     « Utilities », une opportunité pour
                                                                         Le compteur électrique intelligent, brique essentielle des « smart
     les « Telcos »                                                      grids », laisse entrevoir des perspectives de développement
                                                                         importantes pour le continent à travers une convergence entre
     Comme nous l’avons vu précédemment, d’énormes                       « Telcos » et énergéticiens. Ce dispositif permet de fournir des
     investissements sont nécessaires pour la remise en état et          informations sur les consommations énergétiques en « temps
     la modernisation des réseaux en Afrique, et ce sur plusieurs        quasi réel » et d’informer, par extension, de l’état du réseau. La
     décennies. La mise en place de nouvelles technologies de réseaux    technologie de communication utilisée, dite AMR (« Automated
     électriques intelligents et de compteurs communicants pourraient    Meter Reading »), permet de transmettre les informations par
     permettre à l’Afrique de rattraper beaucoup plus rapidement son     différents canaux tels que CPL, GSM, Internet etc. Le compteur
     retard en la matière.                                               intelligent est en outre “programmable à distance”, c’est-à-dire
                                                                         qu’il permet de piloter le réseau par ordre télécommandé. On
     Parmi les bénéfices attendus, les Smart grids auront pour           parle alors d’une méthode de gestion avancée du système
     effet de rendre le réseau bidirectionnel, d’améliorer la gestion,   des compteurs dite AMM (« Advanced Meter Management »),
     la maintenance et la qualité de service, mais permettront           permettant une communication bidirectionnelle. C’est à
     aussi aux opérateurs de faire des économies, notamment au           dire qu’un compteurs pourra émettre des informations
     niveau des pertes techniques (~40% sur les réseaux en Afrique       (consommation, sécurité, besoin de maintenance, ...) et recevoir
     Subsaharienne) et non techniques (~20-40%). Par ailleurs,           des consignes (changements de tarifs, de contrat, activation
     les Smart grids contribueront à l’intégration des énergies          ou désactivation...). Dans le contexte africain, où la croissance

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urbaine est très élevée (+4%/an) et s’organise de façon non             tarifaires. Par exemple au Nigeria, la moitié des consommateurs
structurée, ces solutions offrent le support pour gérer un réseau       sont dépourvus de compteurs et peu de ménages peuvent
électrique à distance, même pour les zones difficiles d’accès.          bénéficier du tarif social exceptionnellement bas pour les pauvres.

Un écosystème très évolutif de fournisseurs se partage les              Les compteurs intelligents sont également le moyen d’améliorer
innovations dans ce domaine avec la présence des « utilities »,         le taux de recouvrement via la mise à disposition de solutions
des télécoms, des GAFA, d’équipementiers, de « retailers »,             de mesure à distance et de facturation automatique. En effet, le
d’acteurs du monde de la sécurité. Cependant en Afrique, les            relevé des compteurs peut se faire soit directement à partir d’une
« Telcos » sont en avance sur les autres acteurs notamment              « data room » ou en faisant une tournée (à pied ou en voiture) à
grâce à leur implantation de proximité, leur réputation et leurs        proximité des compteurs intelligents. Un logiciel de facturation ad
compétences locales. Ainsi, Orange, MTN et Safaricom ont déjà           hoc permettra d’éditer automatiquement les factures à partir des
lancé leur propre produit de « smart metering » (électricité et eau)    relevés, de la segmentation client et de la segmentation tarifaire
et se placent ainsi en fournisseurs de solutions et de services pour    des opérateurs électriques, puis de les envoyer par un canal
les « Utilities ».                                                      approprié (email, sms, WhatsApp, …). Ce système de recouvrement
                                                                        et de facturation peut être complété par une offre de paiement
                                                                        élargie. Ainsi des offres prépayées, qui conviennent bien à une
Les smart meters : un besoin urgent pour les                            population à faible budget, ont déjà vu le jour dans la plupart des
« Utilities »                                                           pays africains (au moins sur des projets pilotes). En partenariat
                                                                        avec les opérateurs Télécoms, ces offres de paiement peuvent
Les compteurs intelligents participeraient à l’amélioration             aussi être élargies au « m-payement ». Les compteurs fournis
du réseau électrique et à la qualité du service offert aux              par les « Telcos » sont d’ailleurs tous dotés d’une carte SIM leur
consommateurs, en utilisant l’infrastructure, les services ou les       permettant d’inclure automatiquement ce moyen de paiement.
solutions des « Telcos ». En effet, ces compteurs communicants          La présence de cette carte leur permettra d’étendre leur offre
permettent en premier lieu d’améliorer les revenus des                  « m-payment » à d’autres services et leurs services financiers à
distributeurs électriques en luttant en particulier contre la fraude    d’autres segments de la population.
et le vol grâce à un système d’alerte automatique. Le taux de
fraude et de vol est très important en Afrique, et les opérateurs       Les compteurs intelligents permettent aussi d’améliorer le service
optent très souvent pour des raccordements multiples pour               client en réduisant le délai d’intervention souvent très long en cas
diminuer l’investissement et le risque de vol ou de casse du            de panne, via une intervention à distance, mais également en en
compteur, privant ainsi les consommateurs de certains avantages         offrant un mode de tarification innovant adapté aux habitudes de

                                               Paysage compétitif mondial sur le smart metering

                                                                                                                             Source: BearingPoint

                                                                                                                                                    19
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