Électricité et télécom en Afrique : la convergence ? - Point de vue - Agence Ecofin
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Électricité et télécom en Afrique : la convergence ? Table des matières Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Le secteur électrique africain, un déficit structurel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Les télécoms, booster de l’économie africaine et du développement du continent:. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 La convergence « Telcos – Utilities », une situation gagnant-gagnant à multiples facettes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Les zones « offgrid » ou « bad grid », un espace de synergies entre énergéticiens et Télécoms . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Directeur de Publication : Jean-Michel Huet Comité éditorial : Kévin Huard, Alexandre Buisson Marketing & Communication : Morgan Delcambre, Paul Mazloum, Angélique Tourneux 2
Introduction L’électricité et les télécoms, deux secteurs aux dynamiques domaine d’application en développant des moyens de paiement divergentes, sont au début d’une phase de convergence qui et des services bancaires révolutionnaires ainsi que des solutions pourrait être la base d’un fort développement du continent. innovantes dans les secteurs du e-commerce, de la santé ou encore de l’agriculture. Poursuivant son développement, le secteur La faiblesse dans le domaine de l’approvisionnement en des télécommunications a commencé à s’impliquer dans le électricité est un frein majeur au développement social et secteur de l’énergie pour trois raisons : le sous-dimensionnement économique de l’Afrique, notamment de l’Afrique Subsaharienne. du réseau électrique constitue un frein majeur au développement La problématique majeure se situe dans la rentabilité des des infrastructures télécoms (antennes relais, fibre optique, distributeurs d’électricité, qui n’ont pas la capacité de maintenir, « data centers »), l’énergie présente un domaine d’application de développer et d’étendre leurs réseaux pour s’adapter à la prometteur aux services actuels du mobile (m-payment, media, démographie du continent et aux progrès technologiques. Ainsi, data management...) et des perspectives de diversification une très grande partie de la population a encore un accès limité de ses offres (compteurs intelligents, kits solaires individuels, à l’électricité, dû à une couverture du réseau et à une continuité écosystèmes électriques, « energy service delivery »). d’approvisionnement très faibles. S’ajoutent à ce constat de grandes disparités entre les populations urbaines et rurales, Ainsi la convergence du secteur des Télécoms et de l’électricité ces dernières étant quasi délaissées dans la plupart des pays pourrait avoir un impact majeur sur le développement du d’Afrique Subsaharienne. continent, en premier lieu en améliorant la rentabilité des opérateurs électriques via la fourniture et la gestion de compteurs Cependant, l’Afrique peut compter sur deux gigantesques intelligents, mais aussi en diversifiant leurs sources de revenus via réservoirs de développement. Le premier est son potentiel le développement d’une offre « electricity as a service ». Cette de production d’électricité verte, notamment via le solaire, convergence participera également au développement de l’accès qui reste encore largement sous exploité. Le deuxième est le à l’électricité et au réseau télécom en zone rurale à travers des développement du secteur des télécommunications, notamment offres individuelles ou communautaires. Les synergies entre ces le mobile, dont la couverture réseau s’est étendue bien au- deux secteurs seront aussi un catalyseur pour les investissements delà du réseau électrique et qui est à l’origine des principaux dans les infrastructures télécoms haut débit et dans les capacités développements sur le continent. En effet, ce secteur a étendu son de production électrique. 3
Le secteur électrique africain, un déficit structurel L’accès à l’électricité, un frein ma- est d’environ 35 GW, équivalente à la Pologne. La continuité d’approvisionnement y est souvent très sporadique, ce qui induit jeur au développement du continent une consommation très faible : environ 200 kWh/habitant. Cette situation de sous-dimensionnement par rapport aux L’électricité est un produit rare en Afrique. En effet, l’Afrique besoins nationaux est un frein majeur au développement des pointe à la dernière place mondiale des continents en termes économies. Au Nigeria, environ 50% de la population a accès à de production, de consommation électrique mais aussi d’accès l’électricité, mais pour seulement 3 heures par jour. En Guinée, aux réseaux. Le continent représente moins de 5% de la le fournisseur national, la SNE, a été surnommé « Société de consommation électrique mondiale alors qu’il s’agit du deuxième la Nuit Éternelle », au Cameroun, ENEO (Energy of Cameroon) continent le plus peuplé : 16% de la population mondiale est a été rebaptisé « Énergie Noire et Obscure ». Ces interruptions africaine. La consommation moyenne par habitant est de l’ordre électriques paralysent significativement l’activité économique de 530kWh, soit 7 fois moins que celle de la France. et sont la caractéristique des zones dites « Bad Grid », qui constituent environ 80% des réseaux électriques de ces pays. Il convient cependant de distinguer deux zones en Afrique. Tout Pour y faire face, la plupart des entreprises et des résidences d’abord, une zone émergente constituée de 6 pays (Afrique du disposent d’un générateur diesel pour pallier aux coupures. Pour Sud et pays d’Afrique du Nord) dont la population a un accès produire leur électricité, ces pays ont recours majoritairement élevé à l’électricité (supérieur à 95%) et ayant une capacité à de l’énergie hydraulique, représentant environ 60% du mix de production d’environ 70 GW équivalente à l’Espagne. Cette énergétique. 5 pays de la région des Grands Lacs sont même zone génère à elle seule 80% de l’électricité du continent. Avec dépendants de cette ressource, qui constitue 90% de leur mix une production annuelle de 4200 kWh/habitant, la production (Kenya, Éthiopie, Mozambique, Zambie et Centrafrique), ce qui de l’Afrique du Sud représente même 40% de la production crée sporadiquement des tensions avec les pays en aval (Égypte électrique africaine. En comparaison, la France a une capacité et Soudan notamment). plus de quatre fois supérieure avec plus de 16900 kWh/habitant. Pour produire leur électricité, ces pays ont recours majoritairement Plus inquiétant, en plus d’avoir des niveaux de production et de à l’énergie thermique (gaz, fioul, charbon), représentant 95% du consommation très faibles, la plupart des pays de cette zone mix énergétique. n’arrivent pas à suivre leur rythme démographique. En 1990, 31% des africains avaient accès à un réseau électrique. Certes ils sont Les autres pays constituent une zone en pénurie d’électricité à présent 45% à en avoir l’accès, mais la population sans accès a qui accusent un profond retard dans le développement de leurs augmenté de 200 millions entre 1990 et 2012, notamment en infrastructures. En effet, l’accès à l’électricité y est rarement au- zone rurale. dessus de 50% (7 pays sur 48), et souvent en dessous de 20% (12 pays), tandis que leur capacité de production électrique 4
Capacité, production, consommation et accès électrique en Afrique en 2015 Pays à fort accès en électricité Pays à accès moyen en électricité Pays à faible accès en électricité 5847 901 648 2624 97% 394 59% 252 31% 2624 429 336 Pays à très faible accès en électricité 130 58 12% 56 France Capacité électrique par heure par million d’habitants (GWh/million d’hab.) 16 915 Production électrique par heure par million d’habitants (GWh/million d’hab.) 7 993 100% Consommation électrique par heure par million d’habitants (GWh/million d’hab.) 6 451 Part de la population ayant accès au réseau électrique (% de la population) Sources : Banque Mondiale (2016), Africa Energy Outlook (2016), BearingPoint (2017) 5
S’il existe des disparités entre pays, elles sont conséquentes entre Un mix électrique en évolution, les zones urbaines et rurales. En Afrique Subsaharienne, le retard en termes d’infrastructures électriques en zones urbaines, ainsi où les énergies vertes sont encore que la difficulté d’accès et la faible densité des zones rurales ont dissuadé les distributeurs électriques à développer leurs réseaux sous-exploitées au-delà des grands centres urbains. Ainsi, quand les zones urbaines ont un taux d’électrification de 69%, seules 29% des À l’instar de ce qu’a connu le marché de la téléphonie mobile, régions rurales ont un accès. Pourtant la plupart des Africains celui des énergies renouvelables offre un potentiel de marché (62%) vivent dans les zones rurales. Les disparités sont aussi très attractif, notamment pour les acteurs privés. Actuellement, importantes entre populations riche et pauvre. En effet, les 20% les énergies renouvelables représentent 20% de la production des africains les plus riches ont un accès à l’électricité de 65%, électrique du continent africain. contre 7% pour les 20% les plus pauvres. Pour autant, l’Afrique détient de très nombreuses ressources Le raccordement de toute l’Afrique au réseau électrique naturelles : l’eau, le vent et le soleil. Au vu du fort ensoleillement, avant 2030 nécessiterait la mobilisation de 830 milliards de l’énergie solaire peut notamment présenter une solution dollars d’investissements selon les estimations (hors coûts prometteuse. La production d’électricité au moyen de panneaux d’augmentation des capacités de production). L’extension du photovoltaïques est plus compétitive que l’utilisation d’un groupe réseau a un coût élevé, à savoir entre 7000 et 15000 euros au électrogène sur une large part des zones rurales africaines. kilomètre. Faute de solution globale, les habitants ont développé des solutions électriques autonomes, ne nécessitant pas un Les pays du Maghreb donnent ainsi la priorité au développement raccordement au réseau public. Ainsi, les générateurs électriques de l’énergie solaire. En 2016, la première partie d’un gigantesque diesel sont omniprésents, notamment en milieu rural, même si projet de centrale solaire (Noor I) est entrée en service au des innovations basées sur les énergies renouvelables émergent. Maroc. Elle est destinée à devenir la plus grande centrale solaire du monde. Pour l’instant, la centrale présente une Cependant, ces solutions alternatives d’alimentation électrique capacité de 160MW. Le projet, qui s’achèvera en 2020, devrait représentent un coût important pouvant atteindre 80c$/kWh vraisemblablement offrir une capacité de 580MW, soit une pour un groupe électrogène. Dans les zones desservies par le production similaire à celle d’une petite centrale nucléaire. réseau, le tarif résidentiel moyen s’élève à 13c$/kWh, soit un Néanmoins, l’énergie solaire représente toujours moins de 1% coût proche des pays de l’OCDE (14c€/kWh en France, soit 18c$/ de la production électrique africaine totale tout comme l’éolien, kWh) pour un niveau de vie quinze fois inférieur, et largement la bioénergie ou le géothermique. La seule exception notable au-dessus de celui observé dans les régions en développement. est l’énergie hydraulique fluviale qui permet de produire 16% de Ainsi, les besoins inhérents au secteur électrique africain créent un l’électricité du continent. Si la construction des barrages hydro- espace ouvert à l’innovation, qu’elle soit technologique, sociale ou électriques est coûteuse, ces derniers ont l’avantage de délivrer économique. une production électrique conséquente. L’Ouganda a ainsi investi Evolution de la population ayant accès à l’électricité en Afrique (en millions d’habitants) Urbain Rural 800 700 600 500 400 Population sans accès Population avec accès 300 200 100 1990 2012 1990 2012 Sources : Banque Mondiale, BearingPoint 6
dans une centrale hydro-électrique à Bujagali via un partenariat public privé. Parmi les investisseurs, on compte des banques Répartition de la production électrique en Afrique par type (2014) commerciales, la Banque Mondiale ou la Banque Européenne 1% d’Investissement. Cet investissement majeur permet aujourd’hui au pays de satisfaire la moitié de la demande nationale. Énergies fossiles 16% D’autres projets similaires, financés par la Banque Chinoise pour Hydraulique fluvial le Commerce Extérieur, ont ainsi vu le jour en Côte d’Ivoire, au Hydraulique offshore Cameroun et en Ouganda. Éolien Solaire 83% D’autre part, les pays dont la production électrique provient Bioénergie essentiellement de sources vertes sont ceux qui disposent de Géothermique centrales hydrauliques. La forte capacité de production générée après chaque investissement permet de toucher une large population et donc de réduire le coût unitaire. En revanche, ces Sources : Banque Mondiale, African Energy Outlook pays qui peuvent paraitre exemplaires au regard de la part de leur production provenant d’énergies renouvelables connaissent un réel déficit en capacité. En effet, le Mozambique, la Zambie, le Burundi ou l’Éthiopie produisent en moyenne plus de 95% de leur électricité via des énergies renouvelables et principalement grâce aux barrages. Cependant les taux d’accès à l’électricité de leurs populations sont très faibles : respectivement 20%, 22%, 7% et 27%. Le chemin à parcourir est encore long avant de voir une production électrique dominée par des ressources vertes d’autant que les plus gros producteurs d’Afrique sont aussi ceux dont la part provenant des énergies renouvelables est la plus faible. Parmi eux, la Libye, l’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud tardent à passer à une production d’électricité majoritairement verte. Ils sont extrêmement dépendants des énergies fossiles et les énergies renouvelables n’offrent pas une puissance de production suffisante pour les remplacer à court terme. Néanmoins, nombre d’entre eux ont introduit les énergies renouvelables dans leurs objectifs de mix énergétique. En Afrique du Sud, la South African Renewable Council (SAREC) affirme que ces politiques ont permis la mobilisation de 14 milliards de dollars d’investissements étrangers ainsi que la création de 20 000 emplois durant la phase de construction. Toujours selon la SAREC, 35 000 emplois ont été créés pour l’exploitation de ces énergies durables. 7
Les pays africains disposent de ressources naturelles à profusion qui met en œuvre des politiques vertes de grande ampleur et qui leur offrent la possibilité de mettre en place un mix parvient à attirer les investisseurs étrangers qu’ils proviennent du énergétique plus vert qu’il ne l’est actuellement. Pourtant, ils secteur public ou du secteur privé. Un autre problème freine les tardent à mettre en place un cadre légal favorable à l’adoption investissements : la faible performance opérationnelle actuelle et au développement des énergies renouvelables. Néanmoins, des producteurs et distributeurs d’électricité sur le continent. certains pays font figure d’exceptions comme l’Afrique du Sud Mix énergétique des pays d’Afrique en 2014 Pays dont la part des énergies renouvelables Pays dont la part des énergies renouvelables Pays dont la part des énergies renouvelables dans la production est inférieure à 20% dans la production est entre 20% et 80% dans la production est supérieure à 80% 5% Dont : 50% Dont : 90% Dont : • hydraulique fluviale (79%) • hydraulique fluviale (98%) • hydraulique fluviale (91%) • éolien (16%) • bioénergie (2%) • géothermie (7%) • solaire (5%) • bioénergie (1%) • solaire (1%) 95% 50% 10% Part des énergies renouvelables dans le mix énergétique (% de production électrique) Énergies fossiles Énergies renouvelables Sources : Banque Mondiale (2016), Africa Energy Outlook (2016), BearingPoint 8
Un déficit de performance opéra- qui explique la situation financière des compagnies d’électricité. La résolution de ce problème nécessiterait de mettre en place tionnelle et financière des distribu- des politiques tarifaires extrêmement élevées aux dépens des populations à faibles revenus. teurs électriques La sous-tarification nous amène naturellement aux Pour la majorité des Africains, les aléas du réseau électrique problématiques de comptage, de facturation et de recouvrement, relèvent de la norme, tant les pannes et les coupures de courant se avec des déficits à tous les niveaux. La couverture du réseau en produisent régulièrement. Les fournisseurs d’électricité n’arrivent compteur individuel est faible et peu d’opérateurs ont déjà eu pas à s’aligner sur l’augmentation de la demande, phénomène recours à l’installation de compteurs prépayés à grande échelle. accentué par un faible taux d’urbanisation de 4%. Les compagnies De plus, les relevés sont peu fiables du fait en particulier de d’éléctricité peinent à inverser cette tendance tant les besoins l’installation très répandue de compteurs partagés (opposés en investissements sont importants et leur solidité financière aux compteurs individuels). Cette technique permet de partager est précaire. En effet, la problématique majeure est le déficit de les frais élevés d’installation initiale au sein d’une résidence rentabilité des opérateurs électriques africains, notamment dans le par exemple. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de découvrir que secteur de la distribution. Ce déficit, qui est en moyenne d’environ le pays ayant le moins recours à ce procédé est le Sénégal. Le -80%, est dû à la fois à des coûts élevés (270 $/MWh) et à des raccordement au réseau étant gratuit pour toute habitation se revenus trop faibles (150 $/MWh). Plusieurs facteurs dont l’impact trouvant à moins de 40 mètres d’une ligne électrique, les ménages est négatif sur les économies des pays concernés expliquent acceptent de s’équiper de leur propre compteur. ce phénomène : des facteurs d’ordre technique et d’autres non techniques. Le recours au partage des compteurs, à première vue moins coûteux, empêche la mise en place d’une segmentation client fine. Les pertes non techniques sont les plus importantes. Elles Ainsi, les populations à faibles revenus ne peuvent pas bénéficier concernent majoritairement la sous-tarification, le recouvrement de tarifs subventionnés, car en partageant leur compteur ils des factures et la fraude. En effet, les tarifs électriques sont un deviennent inéligibles à toute aide. Disposer d’un compteur des leviers les plus importants pour améliorer la rentabilité des individuel permettrait ainsi d’appliquer une politique tarifaire plus distributeurs. En Afrique Subsaharienne, ils ne reflètent pas les équitable. coûts de fourniture de ce service. En moyenne, les tarifs moyens de vente de l’électricité en Afrique subsaharienne avoisinent En plus de cet obstacle, les opérateurs de fourniture d’énergie 130 à 140 $/MWh. Ces prix de vente ne couvrent pas le coût de électrique en Afrique doivent faire face à des difficultés de fourniture de l’électricité aux différents types de clients et sont en recouvrement. Environ 40 % des clients finaux en Afrique moyenne 40% inférieurs à ce qu’ils devraient être. Dans la plupart Subsaharienne ne payent pas leurs factures. Ce taux grimpe à plus des pays, ils ne couvrent même pas les coûts d’investissement, ce de 55% pour les catégories les plus pauvres et s’établit toujours Analyse comparative des coûts et des revenus des opérateurs électriques (en $/MWh) 700 600 500 400 300 200 100 Liberia Comore Sierra Leone Sao Tomé Cap Vert Gambie Rwanda Guinée Sénégal Mauritanie Burkina Faso Togo Mali Madagascar Seychelles Bénin Gabon Kenya Botswana Nigéria Côte d’Ivoire Maurice Burundi Centre Afrique Niger Swaziland Rép du Congo Éthiopie Tanzanie Malawi Cameroun Ouganda Zimbabwe Soudan Ghana Mozambique Afrique du Sud Lesotho Zambie CAPEX OPEX Moyenne des encaissements recouvrés Source : Banque Mondiale (2014), BearingPoint 9
à 20% pour les catégories les plus aisées, suggérant un état de Devant cette situation, de nombreux pays ont lancé des fait ancré dans les pratiques, mais s’expliquant également par programmes de privatisation de plus ou moins grande échelle pour l’incapacité des opérateurs à collecter efficacement les règlements, améliorer la performance de leur secteur électrique, en termes de du fait d’une organisation déficiente et de l’absence de système capacité de production et de tarification. La moitié des pays (48%) bancaire structuré. Les taux de non-bancarisation en Afrique ont ainsi, dérégulé le marché de la production en vendant les actifs (autour de 60%) sont également un frein important au paiement. publics ou en permettant à des acteurs privés, « Independant Power Producers » (IPPs), de construire leurs propres centrales. Les actes d’incivilité s’ajoutent également aux problèmes Dans ces cas-là, l’acteur historique public garde souvent la maîtrise de comptage, de relève ou de facturation. En effet, certains de la production hydroélectrique tandis que la grande majorité compteurs sont trafiqués, des raccordements illégaux au des centrales thermiques est passée sous pavillon privé. Au Kenya réseau et des vols sont parfois constatés. Les fraudes peuvent par exemple, les « IPPs » sont à l’origine de plus de 30% de la représenter jusqu’à 20% des pertes non techniques, et illustrent production nationale. La plus importante d’entre elles, OrPower4, la faible automatisation du réseau, et donc le faible contrôle des est une centrale géothermique située non loin de Nairobi et opérateurs. disposant d’une capacité de production de 150MW. Au Sénégal, le gouvernement s’est fixé l’objectif de couvrir 100% des zones Aux pertes non-techniques s’ajoutent des pertes d’ordre technique. rurales à l’horizon 2030 grâce à une augmentation de la capacité En effet, les infrastructures des réseaux électriques africains sont nationale via des « IPPs ». pour la plupart vieillissantes et peu entretenues. Ceci engendre d’importantes pertes énergétiques de l’ordre de 30% en moyenne, Dans certains pays plus libéraux, comme le Nigeria, le secteur a provenant des échauffements des conducteurs (« pertes cuivre »), été totalement privatisé dans les domaines de la distribution et des transformateurs (« pertes cuivre » et « pertes fer ») ou d’effets de la production. Seule l’activité de transmission est restée dans le d’ionisation de l’air (« effet couronne »). domaine public. Cependant, l’état des anciennes infrastructures publiques ainsi que la faiblesse financière des repreneurs ont D’autre part, le contrôle des réseaux est très rudimentaire, retardé significativement l’impact du processus de privatisation sur dû au manque d’interconnexions, mais aussi à la faiblesse le secteur. d’automatisation du réseau, ce qui ne permet pas de répartir l’offre nationale là où le besoin apparaît. Ainsi, les opérateurs de En résumé, la situation des fournisseurs énergétiques en Afrique seulement 40% des pays africains ont indiqué avoir mis en place est complexe. Aux contraintes techniques liées à l’insuffisance et des mécanismes de mesure des interruptions du système. Ils ne à la vétusté des équipements s’ajoutent des problèmes financiers sont que 30% à disposer de statistiques sur la durée moyenne dus notamment à des pratiques frauduleuses ou inadaptées. Les d’une coupure de courant, le nombre total d’heures de coupure ou prix ne couvrent pas les coûts d’exploitation et les énergéticiens le nombre d’interruptions du système (Banque Mondiale). peinent à mettre en place des systèmes de facturation efficaces. Les fournisseurs d’électricité sont dans l’incapacité de financer Typologie de pertes électriques des distributeurs en afrique 40% 30% 20% 10% Sous Pertes de Pertes sur le Sureffectifs tarification transport recouvrement et de distribution Source : Banque Mondiale (2016) 10
des projets pourtant nécessaires face à l’évolution du contexte économique africain et ne parviennent pas à satisfaire une demande toujours plus importante.. Majoritairement déficitaires, ces sociétés ne peuvent pas répondre aux besoins domestiques et les gouvernements se tournent vers des producteurs indépendants privés. L’enjeu est double puisqu’il s’agit d’améliorer la fourniture d’électricité pour les industries et les ménages mais aussi de privatiser une partie du secteur pour tirer les prix à la baisse. En tout état de cause, une grande partie de la population africaine ne dispose pas aujourd’hui d’un accès au réseau ou à un réseau de qualité et, aux vues du contexte qui prévaut sur le continent, il devient nécessaire de trouver des solutions pour soutenir les distributeurs d’électricité. Niveau de privatisation des secteurs électriques en Afrique 52% 38% 6% 4% Société publique Société Société Société intégrée publique de distribution de production intégrée sous concession et de distribution + IPPs privée + IPPs privée Source : BearignPoint (2016) 11
Les télécoms, booster de l’économie africaine et du développement du continent Un développement des télécoms à à l’électricité permet de comprendre l’écart qui sépare les deux industries. Là où le secteur électrique a difficilement suivi la faire pâlir le secteur de l’électricité croissance démographique, le secteur télécom a connu un véritable boom1. Les télécoms en Afrique ont pris une importance significative dans l’économie de la plupart des pays. Le secteur est une source Le niveau de développement du marché du mobile est indéniable de croissance économique et de développement. hétérogène entre les pays africains. En effet, alors que le taux de pénétration moyen en Afrique est de 85%, ce ratio est supérieur Le marché des télécoms en Afrique s’illustre essentiellement à à 100% dans certains pays (l’Afrique du Sud, l’Afrique du Nord, le travers les usages du mobile. Les coûts du réseau mobile sont, par Gabon, et certains pays d’Afrique de l’Ouest) et inférieur à 50% rapport au réseau du fixe, moindres et les délais de déploiement dans d’autres (l’Erythrée, l’Éthiopie, le Niger, …). Les marchés les plus courts. Aussi, le taux de pénétration en Afrique est-il passé moins pénétrés nécessitent des investissements lourds de la part de 2% pour le mobile en 2000 à 85% en 2015, tandis que la des opérateurs pour l’extension du réseau. Un des facteurs clés pénétration des lignes fixes stagnait (passage de 1,2% à 2%). expliquant la différence entre les niveaux de pénétration est le Le nombre de souscripteurs aux services mobile sur le continent revenu par habitant. En effet, il existe une relation directe entre le Africain est passé de 52 millions en 2003 à 931 millions en 2015. revenu par habitant et le taux de pénétration mobile. Il y aurait Les connexions internet sont, elles, passées de 13 à 293 millions donc un effet « richesse » sur la taille du marché adressable et sur la même période. La croissance du marché mobile a été trois sa dynamique. D’autres facteurs macro-économiques, comme fois plus importante que celle enregistrée au niveau mondial, la croissance du PIB ou encore le taux d’urbanisation, influent et deux fois plus importante pour les connexions internet. De également sur l’adoption des usages de la téléphonie mais dans grands écarts existent selon les pays mais tous ont connu une une moindre mesure. nette progression. Une analyse comparative avec le taux d’accès 1 À noter qu’une personne peut avoir plusieurs souscriptions mobiles 12
Comparatif de l’accès à l’électricité et au mobile en Afrique Subsaharienne 1 200 1 000 Millions d’habitants 800 Population totale 600 Nombre de souscriptions mobile Nombre de personnes ayant accès à l’électricité 400 200 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 Pénétration du téléphone mobile en Afrique (2015) Pays > 100% 127% Pays > 80% 83% Moyenne Mondiale Moyenne Africaine Pays < 80% 67% Pays < 50% 41% Pénétration d’internet en Afrique (2015) Pays > 35% 45% Pays > 20% 23% Moyenne Mondiale Moyenne Africaine Pays < 20% 14% Pays < 10% 5% 13
Matrice d’attractivité sectorielle en Afrique Fort Faible dépendance aux financements publics Télécommunication Distribution de mobile gaz naturel Rail Production d’électricité Profit Potentiel Ports Distribution Aéroports électrique Infrastructure Eau & sociale Déchets Participation privée dans les Forte dépendance aux infrastructures en financements publics Afrique 2010-2015 Faible Faible Fort Retour sur investissement Sources : World Bank (PPA) (2016), Africa Economic Outlook (2016), BearingPoint (2017) L’explication de cette croissance sans précédent sur le continent Une innovation technologique et s’explique notamment par l’implication du secteur privé et l’absence relative du secteur public. Le graphique ci-dessus marketing constante dans les télé- montre en effet que les secteurs tirés par les investissements privés (Télécoms, Production électrique, Gaz, Ports) sont bien plus coms à l’opposé du secteur électrique attractifs que ceux tirés par le public (Eau, Santé, Distribution électrique). Le secteur des Télécoms est le plus performant sur Alors que les opérateurs cherchent à améliorer leur pénétration le continent, loin devant le secteur de la Distribution électrique, du marché, ils recherchent également une croissance de leurs ou des « utilities » dans son ensemble, qui dépend encore revenus via la diversification des services : services ICT, services beaucoup de financements publics. Résultat, les entreprises de financiers, applications mobile et publicité pour mobile. télécommunication ont réalisé un EBIT de 28% en 2014 en Afrique, ce qui est bien au-dessus de la moyenne mondiale du Les services financiers illustrent le mieux le succès des Télécoms secteur (18%). en Afrique et sont une véritable source d’innovation et de développement du continent, via notamment le modèle de facturation d’offre mobile en prépayé. Ce modèle est particulièrement adapté aux contraintes de ressources des ménages en Afrique. Ce mode de facturation permet à l’utilisateur de choisir le montant de ses communications sans aucun engagement (pay-as-you-go) via l’achat d’un volume de consommation à l’avance. En achetant une carte à gratter (communément appelée « scratch card »), il obtient un code qui lui permet d’utiliser des unités de communication jusqu’à l’épuisement de son crédit (principe du « top-up voucher »). 14
Fourniture de services « Telcos » Service Diversification VOICE DATA MONEY MEDIA ADVERTISING Customer interface (Retail network, client database, …) SMS Basic internet Prepaid cards Online media Bulk targeted SMS MVNO Mobile broadband Payment services Mobile Apps Joint ad platform Offer Diversification Very high speed Banking services Premium content Advertising agency Data centers Cloud infrastructure Data Management & Analytics INTEGRATED SMART SOLUTIONS Ce système de paiement est à l’initiation d’un mouvement Le principal challenge du secteur des d’innovation de grande ampleur dans le secteur des télécommunications en Afrique. En effet, le « m-payment », ou Télécoms : l’approvisionnement en paiement par mobile via des « m-wallet » (portefeuilles mobiles), a connu un développement à grande échelle dans la grande électricité majorité des pays africains, et plus que partout ailleurs dans le monde. Ces innovations ont eu un impact significatif sur le Les très bonnes performances de l’industrie mobile en Afrique développement des populations à faibles revenus, notamment en ne peuvent occulter les nombreux défis auxquels elle doit faire facilitant leur intégration : face - en termes d’infrastructure et opérationnels - pour faire fonctionner les réseaux mobiles de manière rentable. Au cours • Économique : via des plateformes business, dont les plus des dernières années, les autorités de réglementation ont imposé connues sont dans le domaine de l’e-commerce ou de plusieurs cas de sanctions pour la mauvaise disponibilité des l’agriculture. services et la détérioration du QoS (Quality of Service). La majorité • Financière : grâce à l’accès à des produits financiers des événements d’indisponibilité du réseau sont essentiellement (comptes courants, comptes épargnes, emprunts…) et attribués à des défaillances dans l’alimentation électrique de d’assurance. l’équipement du site. En effet, l’utilisation des téléphones mobiles • Sociale : via des plateformes d’assurance maladie et de nécessite de l’énergie électrique d’une part pour charger les consultation à distance par exemple. appareils, d’autre part pour alimenter les antennes relais, partie essentielle des réseaux de téléphonie mobile. Les antennes relais Ce phénomène d’innovation propre à l’Afrique pourrait s’étendre et l’infrastructure électrique constituent une grande part de au secteur électrique qui est un frein majeur au développement. l’investissement dans le déploiement des réseaux mobiles. Il a fallu faire face à certaines difficultés pour les mettre en place et les maintenir en Afrique. 15
La couverture lacunaire des réseaux d’électricité est un des Les faiblesses du réseau électrique et les complexités principaux challenges dans l’exploitation des réseaux télécoms opérationnelles en Afrique ont eu un très fort impact sur l’OPEX et ajoute un coût important aux opérations. L’Afrique a l’un des réseaux mobiles et donc sur le coût des services pour les des taux d’électrification les plus faibles dans le monde et les utilisateurs finaux. Cela affecte significativement le retour sur réseaux mobiles en Afrique ont aujourd’hui dépassé la portée des investissement des opérateurs de la région et les empêche de réseaux d’électricité. En outre, lorsque la connexion est possible, déployer leurs réseaux dans les régions rurales et éloignées. Par la fourniture d’électricité est très peu fiable avec des interruptions conséquent, les défis infrastructurels pour les MNO en Afrique fréquentes et longues. En Afrique, le nombre de tours de sont doubles : pouvoir alimenter leur réseau à moindre coût, et télécommunication était estimé à 240 000 en 2014 et devrait étendre efficacement la couverture du réseau à la population croître de 85 000 d’ici 2020. Parmi ces tours, seules 5% en 2014 actuellement sans accès aux infrastructures de communications étaient connectées à un réseau électrique fiable et 60% étaient mobiles. alimentées en « offgrid », en très grande majorité par un groupe électrogène. Le reste est connecté à un réseau électrique non L’échec des distributeurs énergétiques à adresser ces populations fiable, chaque tour disposant d’une alimentation secondaire. Ceci reculées a constitué un frein majeur pour l’extension des réseaux explique que 40% des OPEX liés au fonctionnement des réseaux télécoms au même titre que le manque d’infrastructures routières Télécoms sont des coûts d’énergie. ou de bâtiments publics qui nuit à l’approvisionnement des tours. Cette situation a contraint les opérateurs télécoms à Les opérateurs mobiles ont ainsi dû déployer une partie construire des centres autonomes, ce qui engendre des coûts importante de leur infrastructure de tours dans des zones de déploiement initiaux et des coûts d’exploitation et de dépourvues de réseau électrique, qui sont parfois reculées maintenance supplémentaires. Il est aussi nécessaire de prévoir et difficiles d’accès. Les faiblesses du réseau électrique sur le un niveau de sécurité physique plus élevé des équipements à continent ont obligé les opérateurs mobiles à s’appuyer sur des cause de l’instabilité de certaines régions et du risque criminel. sources d’alimentation alternatives telles que les générateurs diesel pour alimenter leurs réseaux, à la fois on et off-grid. Les solutions énergétiques alternatives et rentables, ainsi Ainsi, la dépendance à l’égard des solutions à base de diesel a que la réduction des risques opérationnels auront un fort considérablement augmenté le coût des opérations pour leurs impact sur l’augmentation de la couverture des réseaux de réseaux existants en raison du coût plus élevé du carburant, télécommunication dans les pays d’Afrique. Ces challenges mais également de la maintenance régulière des équipements ont d’ailleurs des effets très visibles dans la structuration de la électriques et des générateurs diesel. En plus des défis liés à chaîne de valeur des télécommunications. En effet, les MNOs l’infrastructure, les MNOs sont également confrontés à de se désengagent progressivement de l’investissement et de la nombreuses difficultés, en particulier le vol de diesel, le vandalisme gestion de leurs tours, qu’ils transfèrent à des Towercos (Tower des équipements et la sécurité des sites. companies). 2% des tours étaient opérées par des Towercos en Évolution du nombre de tours télécoms en Afrique selon leur alimentation électrique 350 000 300 000 Nombre de tours télécoms en Afrique 250 000 200 000 Off grid Bad grid 150 000 On grid 100 000 50 000 0 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Sources = IFC (2015), GSMA (2015) 16
2011, le taux est aujourd’hui de 18% et devrait atteindre 60% en Cette faiblesse dans l’approvisionnement électrique est également 2020. Des sociétés sont spécialisées dans la gestion de ces tours un frein à la diversification des services des « Telcos », notamment comme IHS, le leader des tours télécoms en Afrique, qui gère plus au déploiement de services de téléchargement via des “data de 15500 infrastructures au Nigeria et plus de 23000 en Afrique. centers” ou de services cloud. La grande majorité des usagers, En août 2015, IHS Holding a racheté 555 tours à Etisalat Nigéria, entreprises ou individuels, doivent actuellement se connecter aux un opérateur national. Autre acteur, America Towers Corporation a centres de données en Europe et accepter ainsi la latence qui en acheté pour plus de 1 milliard de dollars de tours soit plus de 4800. découle. Ainsi, la vitesse de téléchargement et de chargement L’impact majeur que nous pouvons anticiper, est la mutualisation est 4 fois inférieure à la moyenne mondiale pour le fixe et 3 fois des tours entre les différents MNOs (au lieu d’avoir une tour par pour le mobile. Les « data centers » ont des besoins énergétiques MNO), le lancement d’activités complémentaires génératrices de très élevés, amplifiés dans les pays chauds. Les services cloud revenus autour des tours (publicité, écosystèmes de services, …) et nécessitent une connectivité plus grande, ce qui signifie un l’émergence d’acteurs majeurs africains (IHS, Helios Towers, Elios) approvisionnement en électricité fiable, une proximité avec le ayant une vraie capacité d’investissement. marché cible et une infrastructure haut débit (fibre optique par exemple). Les secteurs de l’électricité et des télécommunications suivent des tendances totalement opposées. Alors que l’accès à l’électricité est très faible et évolue très lentement, la pénétration des télécoms est très rapide et rattrape la moyenne mondiale. Les images que renvoient les deux secteurs sont également opposées : tandis que les télécoms sont le symbole du développement du continent et et de l’intégration des populations à faibles revenus (via les services « m-payment »), le secteur électrique est le principal frein au développement économique de l’Afrique et un vecteur fort d’inégalité (entre riches et pauvres et entre urbains et ruraux). Cependant, les deux secteurs connaissent des difficultés opérationnelles importantes. Les distributeurs électriques sont largement déficitaires, dû notamment à la fraude, à une faible capacité de facturation et de collecte des paiements clients, à un réseau ancien et défectueux générant des pertes importantes et des pannes fréquentes, ainsi qu’à des prix trop bas. Dans ce contexte, la maintenance des réseaux de distribution est difficile et leur extension très lente. Les difficultés opérationnelles des opérateurs télécoms sont, elles, très liées aux carences de l’approvisionnement électrique. Les réseaux télécoms reposent sur les antennes relais qui doivent être alimentées en électricité en permanence. Dans le contexte africain où l’approvisionnement est discontinu voir nul, elles sont alimentées par des groupes électrogènes, ce qui génère des coûts de carburant élevés et des difficultés liées à leur maintenance. Cela ralentit également l’expansion des réseaux des zones rurales du fait des difficultés d’accès et à l’insécurité des sites ainsi que le déploiement de nouveaux services basés sur une infrastructure haut débit... Ainsi, l’apparition de services de télécommunication (mobile et internet) n’est pas possible sans un approvisionnement fiable en énergie, et la mise en place d’un réseau électrique fiable n’est pas possible sans système de gestion interconnecté via GSM (« smart meter », SCADA…). Nous percevons un nouvel espace de collaboration entre ces deux secteurs qui pourrait permettre à la population africaine de bénéficier d’un approvisionnement en électricité fiable et d’une généralisation et diversification des services de télécommunication. 17
La convergence « Telcos – Utilities », une situation gagnant-gagnant à multiples facettes Smart system : une urgence pour les renouvelables et à l’amélioration de l’efficacité énergétique en Afrique. « Utilities », une opportunité pour Le compteur électrique intelligent, brique essentielle des « smart les « Telcos » grids », laisse entrevoir des perspectives de développement importantes pour le continent à travers une convergence entre Comme nous l’avons vu précédemment, d’énormes « Telcos » et énergéticiens. Ce dispositif permet de fournir des investissements sont nécessaires pour la remise en état et informations sur les consommations énergétiques en « temps la modernisation des réseaux en Afrique, et ce sur plusieurs quasi réel » et d’informer, par extension, de l’état du réseau. La décennies. La mise en place de nouvelles technologies de réseaux technologie de communication utilisée, dite AMR (« Automated électriques intelligents et de compteurs communicants pourraient Meter Reading »), permet de transmettre les informations par permettre à l’Afrique de rattraper beaucoup plus rapidement son différents canaux tels que CPL, GSM, Internet etc. Le compteur retard en la matière. intelligent est en outre “programmable à distance”, c’est-à-dire qu’il permet de piloter le réseau par ordre télécommandé. On Parmi les bénéfices attendus, les Smart grids auront pour parle alors d’une méthode de gestion avancée du système effet de rendre le réseau bidirectionnel, d’améliorer la gestion, des compteurs dite AMM (« Advanced Meter Management »), la maintenance et la qualité de service, mais permettront permettant une communication bidirectionnelle. C’est à aussi aux opérateurs de faire des économies, notamment au dire qu’un compteurs pourra émettre des informations niveau des pertes techniques (~40% sur les réseaux en Afrique (consommation, sécurité, besoin de maintenance, ...) et recevoir Subsaharienne) et non techniques (~20-40%). Par ailleurs, des consignes (changements de tarifs, de contrat, activation les Smart grids contribueront à l’intégration des énergies ou désactivation...). Dans le contexte africain, où la croissance 18
urbaine est très élevée (+4%/an) et s’organise de façon non tarifaires. Par exemple au Nigeria, la moitié des consommateurs structurée, ces solutions offrent le support pour gérer un réseau sont dépourvus de compteurs et peu de ménages peuvent électrique à distance, même pour les zones difficiles d’accès. bénéficier du tarif social exceptionnellement bas pour les pauvres. Un écosystème très évolutif de fournisseurs se partage les Les compteurs intelligents sont également le moyen d’améliorer innovations dans ce domaine avec la présence des « utilities », le taux de recouvrement via la mise à disposition de solutions des télécoms, des GAFA, d’équipementiers, de « retailers », de mesure à distance et de facturation automatique. En effet, le d’acteurs du monde de la sécurité. Cependant en Afrique, les relevé des compteurs peut se faire soit directement à partir d’une « Telcos » sont en avance sur les autres acteurs notamment « data room » ou en faisant une tournée (à pied ou en voiture) à grâce à leur implantation de proximité, leur réputation et leurs proximité des compteurs intelligents. Un logiciel de facturation ad compétences locales. Ainsi, Orange, MTN et Safaricom ont déjà hoc permettra d’éditer automatiquement les factures à partir des lancé leur propre produit de « smart metering » (électricité et eau) relevés, de la segmentation client et de la segmentation tarifaire et se placent ainsi en fournisseurs de solutions et de services pour des opérateurs électriques, puis de les envoyer par un canal les « Utilities ». approprié (email, sms, WhatsApp, …). Ce système de recouvrement et de facturation peut être complété par une offre de paiement élargie. Ainsi des offres prépayées, qui conviennent bien à une Les smart meters : un besoin urgent pour les population à faible budget, ont déjà vu le jour dans la plupart des « Utilities » pays africains (au moins sur des projets pilotes). En partenariat avec les opérateurs Télécoms, ces offres de paiement peuvent Les compteurs intelligents participeraient à l’amélioration aussi être élargies au « m-payement ». Les compteurs fournis du réseau électrique et à la qualité du service offert aux par les « Telcos » sont d’ailleurs tous dotés d’une carte SIM leur consommateurs, en utilisant l’infrastructure, les services ou les permettant d’inclure automatiquement ce moyen de paiement. solutions des « Telcos ». En effet, ces compteurs communicants La présence de cette carte leur permettra d’étendre leur offre permettent en premier lieu d’améliorer les revenus des « m-payment » à d’autres services et leurs services financiers à distributeurs électriques en luttant en particulier contre la fraude d’autres segments de la population. et le vol grâce à un système d’alerte automatique. Le taux de fraude et de vol est très important en Afrique, et les opérateurs Les compteurs intelligents permettent aussi d’améliorer le service optent très souvent pour des raccordements multiples pour client en réduisant le délai d’intervention souvent très long en cas diminuer l’investissement et le risque de vol ou de casse du de panne, via une intervention à distance, mais également en en compteur, privant ainsi les consommateurs de certains avantages offrant un mode de tarification innovant adapté aux habitudes de Paysage compétitif mondial sur le smart metering Source: BearingPoint 19
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