LA SÉCURITÉ DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX - Projet de rapport révisé Raynell Andreychuk (Canada) Rapporteure - NATO Parliamentary Assembly

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LA SÉCURITÉ DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX - Projet de rapport révisé Raynell Andreychuk (Canada) Rapporteure - NATO Parliamentary Assembly
COMMISSION POLITIQUE (PC)
Sous-commission sur les partenariats de
l'OTAN (PCNP)

LA SÉCURITÉ DANS LES
BALKANS OCCIDENTAUX

Projet de rapport révisé

Raynell Andreychuk (Canada)
Rapporteure

178 PCNP 18 F | Original : Anglais | 21 septembre 2018

Tant que ce document n’a pas été adopté par la commission
politique, il ne représente que le point de vue de la rapporteure.
LA SÉCURITÉ DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX - Projet de rapport révisé Raynell Andreychuk (Canada) Rapporteure - NATO Parliamentary Assembly
TABLE DES MATIĖRES

I.     INTRODUCTION – LES BALKANS OCCIDENTAUX ET LA SÉCURITÉ
       EURO-ATLANTIQUE ................................................................................................... 1

II.    DYNAMIQUE RÉGIONALE – L’HÉRITAGE DU DÉFI PASSÉ ET LES DÉFIS ACTUELS
       DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX ......................................................................... 1
       A.  ÉCONOMIE : ÉTAT DES LIEUX ........................................................................... 1
       B.  NATIONALISME ET DIFFÉRENDS BILATÉRAUX ................................................. 2
       C.  VERS PLUS DE COOPÉRATION RÉGIONALE ..................................................... 4
       D.  GOUVERNANCE ET ÉTAT DE DROIT ................................................................. 5

III.   L'IMPACT D'UN ENVIRONNEMENT SÉCURITAIRE EN MUTATION SUR LES
       BALKANS OCCIDENTAUX .......................................................................................... 7
       A.   LA CHINE ET L'INITIATIVE « LA CEINTURE ET LA ROUTE » ............................... 7
       B.   RUSSIE : INFLUENCE HISTORIQUE, PRÉSENCE CONFLICTUELLE.................... 8
       C.   LES BALKANS OCCIDENTAUX ET LA CRISE DES RÉFUGIÉS ............................. 9
       D.   L'ISLAMISME, LA RADICALISATION ET LES COMBATTANTS ÉTRANGERS ...... 12

IV.    LES BALKANS OCCIDENTAUX ET L'INTÉGRATION EURO-ATLANTIQUE .................. 13
       A.   RȎLE DE L'OTAN DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX : CONSOLIDATION DE
            LA PAIX ET ÉLARGISSEMENT .......................................................................... 13
       B.   L’UE : UN PARCOURS VERS L'ADHÉSION SEMÉ D’EMBÛCHES ....................... 14

V.     CONCLUSION : L'OTAN ET LES BALKANS OCCIDENTAUX - LA VOIE À SUIVRE ....... 16

       BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................... 18
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178 PCNP 18 F

I.    INTRODUCTION  –            LES     BALKANS         OCCIDENTAUX          ET    LA     SÉCURITÉ
      EURO-ATLANTIQUE

1.      Peu de régions au monde peuvent revendiquer une diversité culturelle, religieuse et
démographique plus riche que les Balkans occidentaux. L'une des citations les plus célèbres de
Josip Broz Tito, à l’époque président de la Yougoslavie, le dit très clairement : « Je suis le chef d'un
pays qui a deux alphabets, trois langues, quatre religions, cinq nationalités, six républiques, entouré
de sept voisins, un pays où vivent huit minorités ethniques » (Hunter, 2017). Alors que l’OTAN
centrait son action sur l'Afghanistan, la lutte contre les groupes extrémistes et les défis émanant du
Sud, et la Russie s’affirmant de plus en plus, la région des Balkans occidentaux est quelque peu
tombée dans l’oubli.

2.      Ce manque d'attention à l'égard des Balkans peut également s’expliquer par la relativement
longue période de stabilité que la région a connue. Après les guerres en Yougoslavie dans les
années 1990 et au début des années 2000, l'OTAN et l'UE ont renforcé leur présence dans la région,
fournissant des moyens de maintien de la paix et de consolidation à ces pays ravagés par la guerre.
Cette implication accrue et l'adhésion à l'une ou l'autre organisation par certains des États
nouvellement indépendants ont favorisé l’idée largement répandue que la réforme démocratique
dans la région était devenue irréversible. Toutefois, c’était faire preuve d’un peu trop d’optimisme,
en témoigne l’évolution de la situation au cours de ces dernières années.

3.      Ce court projet de rapport brosse un tableau général de la sécurité dans les Balkans
occidentaux. Il aborde l’héritage de l’époque yougoslave et la violence de son terme, les nouveaux
défis en matière de sécurité dans la région, ainsi que l’intégration euro-atlantique de cette dernière.
Enfin, le projet de rapport propose que l’OTAN et l’Union européenne s’impliquent davantage et
encouragent les pays de la région à poursuivre leurs réformes en fixant des objectifs concrets et
réalisables, ce qui bénéficiera à la fois aux Balkans occidentaux et à la zone euro-atlantique.

II.   DYNAMIQUE RÉGIONALE – L’HÉRITAGE DU PASSÉ ET LES DÉFIS ACTUELS DANS
      LES BALKANS OCCIDENTAUX

       A. ÉCONOMIE : ÉTAT DES LIEUX

                     Conseil de coopération régionale, baromètre des Balkans 2017

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4.      Malgré les améliorations prévues, de nombreux pays des Balkans occidentaux continuent
de connaître des difficultés en 2018. Fin 2017, la Banque mondiale prévoyait une croissance
économique supérieure à 3 % en 2018 et 2019, en raison d’une consommation en hausse, de faibles
taux d'inflation et de l'amélioration de la situation économique mondiale. Néanmoins, même si ce
taux de croissance pouvait être atteint, il faudrait 60 ans aux Balkans occidentaux pour atteindre un
niveau de revenus équivalent à la moyenne de l'UE. En outre, plusieurs pays n'ont toujours pas
surmonté la crise financière de 2008. La Serbie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro n'ont pas
encore retrouvé un niveau de PIB équivalent à celui qui prévalait avant le démembrement de la
Yougoslavie. Il n'est donc pas surprenant que la situation économique suscite un mécontentement
important parmi les populations des Balkans occidentaux.

5.      Le chômage reste la principale préoccupation économique dans l'ensemble des Balkans
occidentaux. Selon la Banque mondiale, c'est l'un des principaux facteurs qui entravent le
développement de la région ; la situation est particulièrement préoccupante pour les jeunes
générations,     le    taux     de   chômage      des      jeunes   dépassant      les   50 %     en
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ex-République yougoslave de Macédoine , en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. Tandis que les
jeunes les plus instruits parviennent plus facilement à trouver un emploi, l’absence de compétitivité
dans les salaires les incite à migrer, entraînant une fuite des cerveaux qui fait peser un fardeau
supplémentaire sur une population déjà vieillissante et en déclin. Ce phénomène s’avère
particulièrement néfaste pour les pays moins peuplés de la région. Un taux de chômage élevé et
une migration massive rendent les ménages des Balkans occidentaux fortement tributaires d’envois
de fonds. La Banque mondiale estime que les envois de fonds dans les Balkans occidentaux
représentent environ 10 % du PIB, jusqu’à atteindre 17 % au Kosovo. Si les envois de fonds sont
jugés utiles à court terme, ils nuisent à la compétitivité nationale et augmentent le risque de
corruption gouvernementale.

                       (Taux de chômage des jeunes dans les Balkans occidentaux, 2016)

       B. NATIONALISME ET DIFFÉRENDS BILATÉRAUX

6.       Les guerres en Yougoslavie restent gravées dans la mémoire de nombreuses personnes
des nouveaux pays des Balkans occidentaux. Les erreurs du passé n'ont été que partiellement
corrigées et la réconciliation entre les peuples des Balkans occidentaux se poursuit encore de nos
jours. Dans une région où les conflits historiques, l'ethnicité et la religion sont encore bien enracinés,
l’exacerbation des nationalismes peut trop facilement être utilisé par les populistes. Dans ce climat
politique, les tensions sous-jacentes peuvent refaire surface et être exploitées à tout moment. En
janvier 2018, l'assassinat d'Oliver Ivanovic, un politicien serbe du Kosovo controversé, qui a soutenu
l'intégration des Serbes vivant dans le nord du Kosovo, rappelle les tensions et les risques
persistants causés par le nationalisme et les différends frontaliers dans la région (Gallucci, 2018).
Fait encore plus révélateur de l’ampleur du problème, après le meurtre d'Ivanovic, les

1
       La Turquie reconnaît la République de Macédoine sous son nom constitutionnel.

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gouvernements de Belgrade et de Pristina ont reconnu la nécessité de coopérer à l'enquête mais,
des mois plus tard, n’y étaient toujours pas parvenus.

7.      Instaurer la confiance entre les pays des Balkans occidentaux est un processus laborieux.
Un climat de méfiance générale entre ces pays a créé un environnement dans lequel les pays ont
tendance à éviter toute coopération. C'est un obstacle évident à l'intégration euro-atlantique, car une
coopération faciliterait et accélérerait les réformes nécessaires. En fait, chaque pays des Balkans
occidentaux a encore au moins un litige territorial avec l'un de ses voisins. C'est un problème grave
et la stratégie d'élargissement de l'UE de février 2018, axée sur un net changement de politique,
insiste sur le fait qu'aucun pays ne pourra adhérer si des différends bilatéraux subsistent.

8.     Si la plupart de ces conflits territoriaux semblent gérables à court ou à moyen terme, deux
problèmes majeurs ont empêché une coopération plus étroite entre les pays de la région :

-      La Serbie considère toujours le Kosovo comme faisant partie intégrante de son territoire ; les
       deux parties n'ont fait aucun progrès sur la question depuis l'accord de Bruxelles de 2013,
       conclu sous l’égide de l'UE, qui a connu de sérieux problèmes de mise en œuvre (Phillips,
       2017).

-      Le litige avec la Grèce sur la dénomination du pays bloque la candidature de l'ex-République
       yougoslave de Macédoine à l'UE et à l'OTAN depuis de nombreuses années. Cependant, à
       la mi-juin 2018, à l'issue d'un nouveau cycle de négociations, le premier ministre grec,
       Alexis Tsipras, et le premier ministre de l'ex-République yougoslave de Macédoine,
       Zoran Zaev, ont annoncé un accord historique sur la question du nom. Toutefois, compte
       tenu des protestations nationalistes dans les deux pays, il reste à voir si la population
       acceptera l'accord (Casule, 2018).

Au moment de la rédaction du présent document, le premier obstacle à surmonter est celui du
référendum prévu le 30 septembre dans l’ex-République yougoslave de Macédoine, pour demander
à la population : « Êtes-vous en faveur d’une adhésion à l'UE et à l'OTAN en acceptant l'accord
entre la République de Macédoine et la République de Grèce ? ». Des sondages récents au niveau
national suggèrent qu'il n'y a pas de consensus sur la question du nom. En Grèce, un récent sondage
publié par le journal Proto Thema a montré que « 70 % des Grecs s'opposent au compromis sur la
question du nom ».

9.      Les différends territoriaux dans les Balkans occidentaux reposent sur des divisions ethniques
ou religieuses. En fait, ceci est à la fois la cause et le résultat de la scission de la Yougoslavie, qui
a donné naissance à des États aux limites territoriales correspondant aux frontières ethniques. Des
observateurs ont suggéré que l'un des accords possibles entre la Serbie et le Kosovo serait
d’envisager la concession de la province du nord du Kosovo, peuplée par des Serbes de souche,
en échange d’une reconnaissance de leur indépendance. Tandis que certains locaux cherchaient à
résoudre ainsi le problème, cette solution n'a, jusqu'à récemment, reçu d’accueil favorable ni de la
part de l’OTAN ni de celle de l'UE, qui semblent toutefois aujourd’hui plus ouverts à cette idée. La
haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, a déclaré qu'elle
souhaitait un accord sur la reconnaissance du Kosovo par la Serbie d'ici la fin de son mandat, et le
conseiller de la sécurité nationale des États-Unis, John Bolton, a déclaré qu'il ne s'opposait plus à
cette idée (The Economist, 2018). Toutefois, aller dans ce sens ouvrirait la voie à moultes
revendications territoriales dont la plus préoccupante serait celle de la Republika Srpska (l’entité à
majorité serbe de la Bosnie-Herzégovine), qui pourrait compromettre la stabilité précaire de la région
(The Economist, 2018).

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       C. VERS PLUS DE COOPÉRATION RÉGIONALE

10.     Trop longtemps, les pays des Balkans occidentaux ont appréhendé leurs relations avec leurs
voisins comme un jeu à somme nulle, ce qui les a empêchés d'aborder les problèmes sous-jacents,
tels que la situation économique désastreuse qui continue de freiner tous progrès. À l'heure actuelle,
tous les pays des Balkans occidentaux ont un PIB inférieur à celui de n’importe quel autre pays au
moment de son entrée dans l'UE (Peel & Buckley, 2018).

11.      Il est donc nécessaire d'encourager les pays à entreprendre et poursuivre des objectifs
primordiaux pour tous et passer outre cet esprit de clocher. Un temps précieux a été perdu, mais il
y a encore de l’espoir. Par exemple, le sommet UE-Balkans occidentaux de mai 2018 a mis l'accent
sur la connectivité dans des domaines allant de la création d'infrastructures, notamment des
autoroutes et des liaisons ferroviaires, à l'extension de l'Union européenne de l'énergie aux Balkans
occidentaux par la réalisation d'un marché régional de l'électricité et la création d'un espace
réglementaire unique en vertu du traité instituant la communauté de l'énergie. Ces engagements
font suite au sommet UE-Balkans occidentaux de juillet 2017, qui a établi une feuille de route visant
à améliorer l'intégration régionale. Lors du sommet, les pays des Balkans occidentaux ont signé un
traité instituant une communauté des transports, dans le but de construire de nouvelles
infrastructures et d'améliorer celles existantes. L'UE financera en partie ce projet dans l’optique
d'attirer de nouveaux investisseurs à moyen terme. Les pays des Balkans occidentaux ont
également convenu de créer un espace économique régional pour faciliter la circulation des biens,
des services, des capitaux et de la main-d'œuvre hautement qualifiée. Le projet ne sera toutefois
pas mené par l'UE, sa mise en œuvre dépendra donc de la bonne volonté des parties. La création
de l’espace économique régional représente une avancée importante. Ce n'est pas une alternative
à l'adhésion à l'UE, mais cela peut aider à faire avancer les réformes nécessaires dans le domaine
économique, facilitant ainsi l'adhésion à l'UE.

     (Pays européens en développement ayant bénéficié d’une adhésion à l’UE : les pays des Balkans
                   occidentaux seraient plus pauvres que les candidats précédents)

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12.     Il est particulièrement regrettable que la déclaration portant sur la création de la commission
régionale visant à établir la vérité sur les crimes de guerre et autres violations graves des droits
humains commis en ex-Yougoslavie (RECOM) n’ait pas été signée au sommet de Londres en juillet
2018. Les problèmes que posent les récits contradictoires sur les guerres des années 1990 et les
tensions politiques fréquentes qu’ils promeuvent pourraient être examinés par une mission
d'enquête commune, ce qui constituerait un pas important vers une réconciliation régionale. Il est
donc souhaitable que RECOM, une initiative issue de la coopération régionale avec la société civile,
soit créée à l’avenir.

       D. GOUVERNANCE ET ÉTAT DE DROIT

13.     Depuis la dissolution de la Yougoslavie, la dynamique entre les États nouvellement formés
dans la région a été marquée par des tensions régionales et intranationales. Les différences de
langue, de religion et d'appartenance ethnique ont été exploitées par des dirigeants populistes et
nationaux, qui les ont souvent alimentées, à fins politiques et personnelles. L'amplification et la
distorsion des thèmes populistes et nationalistes, tels que les querelles avec les pays limitrophes et
les minorités ethniques, ont relégué les réformes économiques au second plan dans le débat public.
Les élites politiques dans les Balkans occidentaux ont été davantage attachées à préserver le
statu quo qui les maintenait au pouvoir plutôt qu’à préconiser des réformes (Less, 2016 ; Mujanovic,
2017).

14.     En conséquence, les pays des Balkans occidentaux sont toujours aux prises avec des
insuffisances structurelles datant de l'ère socialiste. Des progrès ont été réalisés par l’adoption de
politiques favorables à l’investissement direct étranger (IDE), avec l’ex-République yougoslave de
Macédoine atteignant le 11e rang selon le classement Doing Business de la Banque mondiale, et le
Monténégro, la Serbie et le Kosovo figurant tous aux 50 premières places. Cependant, le secteur
industriel reste peu compétitif et a un besoin urgent de modernisation, le système bancaire est faible
et la mauvaise intégration économique régionale est encore affaiblie par des infrastructures
sous-développées. La corruption, y compris au plus haut niveau institutionnel, reste largement
répandue, au point que les analystes ont observé des symptômes de captation de l'État (Fouéré et
Blockmans, 2017). Dans l’indice de perception de la corruption établi par Transparency International,
les pays des Balkans occidentaux restent à la traîne derrière leurs voisins européens, avec un
classement en matière de transparence allant du 64e rang (Monténégro) au 107e rang (ex-
République yougoslave de Macédoine).

15.      Dans les pays candidats à l'adhésion à l'OTAN et/ou à l'UE, l'adoption de mesures
anticorruption encouragées et valorisées par l'UE, telles que la mise en place d'organes de
prévention de la corruption, de stratégies nationales de lutte contre la corruption et de l'Initiative
régionale de lutte contre la corruption (RAI), n'ont bien souvent pas été mises en œuvre ou n’ont eu
que très peu d'effets. Cependant, promouvoir l'État de droit à l’échelle régionale a donné lieu à des
réformes approximatives et ne permet pas d'améliorer de manière ciblée les diverses
problématiques auxquelles sont confrontés les pays des Balkans occidentaux. En outre, dans
chaque pays, les améliorations apportées par les services de police et le système judiciaire dans
l’application de la loi n’éliminent toujours pas la petite corruption, ce qui a pour conséquence un
manque de confiance dans le système judiciaire (Marovic, 2017). Selon le dernier baromètre des
Balkans, 64 % de la population des Balkans occidentaux ne fait confiance ni à ses tribunaux ni au
système judiciaire, 71 % les considèrent comme non indépendants et 75 % estiment que le système
judiciaire est touché par la corruption (RCC, 2018).

16.     En 2016, selon la communication de l'UE relative à l'élargissement, les pays des Balkans
occidentaux ont peu, voire pas progressé sur la question de la corruption depuis leur candidature,
l’un d’entre eux ayant même reculé. La Commission a indiqué que l’obstacle majeur à la réforme
réside dans l'absence d’une volonté politique suffisante pour appliquer la législation dans la pratique,
tandis que les organes anticorruption existants sont systématiquement et intentionnellement
entravés par des ressources humaines et financières limitées. Le rapport 2017 de Freedom House
sur les États en transit souligne que la société civile dans les Balkans occidentaux vit sous la menace

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permanente, et que les élections sont constamment entachées par des irrégularités visibles. Si la
stratégie d'élargissement de l'UE de 2018 ne fournit pas d'évaluation de l'état actuel de la lutte contre
la corruption, son langage clair et franc ne laisse aucun doute sur le fait que la prospérité et une
certaine qualité de vie dans la région peuvent être atteintes uniquement par la prise de mesures
efficaces contre la corruption pour que celle-ci soit « éradiquée sans compromis aucun ».

                            (Maîtrise de la corruption dans les Balkans occidentaux)

17.      Comme il a été dit aux participants du 96e séminaire Rose-Roth de l'AP-OTAN, qui s'est tenu
du 7 au 9 novembre 2017 à Ljubljana (Slovénie), les problèmes de mauvaise gouvernance et de
corruption ont été entretenus par une certaine tolérance de ces pratiques par les pays occidentaux.
Alors que l’UE tente d’atténuer la « fatigue de l’élargissement », elle a récompensé des individus ou
des partis pro-européens malgré les défaillances probables de l’État de droit. Cette pratique est
également exacerbée par les craintes d'instabilité régionale depuis les années 1990, menant à ce
que les experts appellent un « repli sur la stabilocratie ». En effet, selon eux, « la recherche de
stabilité dans la périphérie de l’Europe a incité les dirigeants de l’UE à fermer les yeux sur les
intimidations envers l’opposition et un autoritarisme rampant. La région aurait tout intérêt à faire
preuve de beaucoup plus de transparence et de responsabilité. Trop souvent, ce sont le népotisme
et la corruption qui guident la répartition des richesses, car les élites politiques sont animées par la
peur de perdre l'accès aux fonds publics, tandis que les électeurs sont motivés par de potentielles
récompenses. La voie doit donc être ouverte à de nouveaux acteurs politiques.

18.     La situation actuelle en matière de liberté de la presse est également alarmante dans tous
les pays de la région. L'indice de clientélisme des médias de 2017 indique que la liberté des médias
dans les pays des Balkans occidentaux a progressivement reculé au cours de la période 2016/2017.
Le rapport fait état de problèmes comme « une influence politique et financière opaque », à savoir
« la stagnation des réformes des médias, des transferts douteux de propriété … et l’infiltration de la
criminalité organisée dans la propriété des médias ». En outre, le problème « d’agressions contre
des journalistes et des rédacteurs en chef, mais aussi contre des organes de presse indépendants »
a été observé dans tous les pays des Balkans occidentaux. La législation en vigueur visant à
protéger la liberté des médias étant largement ignorée, la partialité des médias est un problème
grave en raison du népotisme, de la politisation, de la corruption et du manque de volonté politique
pour promouvoir le pluralisme. Les radiodiffuseurs du service public présentent des défaillances
structurelles, rendant peu fiables les informations communiquées : un mode de financement
inopérant et opaque rend leur politique éditoriale très sensible aux pressions externes. En outre, les

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pays ne sont pas disposés à partager des informations précises sur la propriété des organes
d’information, ni sur le niveau de financement public des médias privés, faisant ainsi planer le doute
sur leur impartialité (Lilyanova, 2017b). Une étude publiée par le Liber Center for New Media en
novembre 2017 montre qu'un certain type de « discours extrême », s’appuyant presque toujours sur
des nouvelles complètement fausses ou à sensation, était relayé dans 9 436 des 36 960 articles
publiés dans les médias serbes (Mejdini et al., 2017).

19.      Le Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), qui surveille les menaces et les attaques
contre la liberté d'expression dans toute l'Europe du Sud-Est, rapporte que les journalistes
indépendants sont souvent victimes d'intimidations physiques et verbales. Le classement mondial
de la liberté de la presse effectué par Reporters sans frontières montre que la liberté des médias n'a
cessé de régresser dans la région au cours de la dernière décennie.

          (Indice de la liberté de la presse 2002 – 2016 : tendances – Source : Reporters sans frontières)

III.   L'IMPACT D'UN ENVIRONNEMENT SÉCURITAIRE EN MUTATION SUR LES BALKANS
       OCCIDENTAUX

20.    La situation complexe dans les Balkans occidentaux est encore aggravée par des facteurs
et des acteurs extérieurs.

        A. LA CHINE ET L'INITIATIVE « LA CEINTURE ET LA ROUTE »

21.     Bien que la Chine soit un acteur relativement nouveau dans les Balkans occidentaux, son
influence économique et financière dans la région a considérablement augmenté ces dernières
années. Depuis 2012, le format chinois 16 + 1 porte sur la collaboration de la Chine avec 16 pays
européens, à savoir 11 États membres de l’UE et 5 pays des Balkans occidentaux. Bien que le
format soit établi à 16 + 1, en réalité, la plupart des accords conclus sont bilatéraux plutôt que
multilatéraux. Sur les 9,4 milliards de dollars d'investissements que le 16 + 1 a rapportés en Europe,
environ 4,9 milliards de dollars sont concentrés sur les cinq pays des Balkans que sont l’Albanie, la
Bosnie-Herzégovine, l’ex-République yougoslave de Macédoine, le Monténégro et la Serbie. Et ce,
bien que les cinq États non membres de l'UE ont un PIB d'environ un seizième de celui des 11 États
membres de l'UE (Hillman, 2018). Les investissements chinois dans la région ont commencé à
combler un vide dans les Balkans, délaissés les occidentaux qui n’étaient pas intéressés, sur le plan
financier à investir dans l’amélioration des infrastructures dans ces pays.

22.      Les projets de la Chine dans les Balkans occidentaux représentent un des volets de ses
intérêts et activités mondiaux croissants, connus sous le nom d'Initiative « La ceinture et la route ».
Il s’agit là d’un projet ambitieux proposé par le président chinois Xi Jinping, visant à créer de
nouvelles routes maritimes et terrestres semblables à l'ancienne route de la soie, pour relier l'est et
l'ouest. Elle a beaucoup investi en Europe du Sud-Est, où les projets sont axés sur les infrastructures

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de transport. La Chine est particulièrement engagée en Serbie ; Beijing et Belgrade ont également
pris des mesures pour améliorer leurs relations en instaurant l’exemption de visa depuis 2017. Ces
mesures s’alignent sur plusieurs dossiers de politique étrangère, notamment la non-reconnaissance
du Kosovo, en raison des régions séparatistes du Tibet et du Xinjiang. L'essor des activités chinoises
dans les Balkans occidentaux souligne la nécessité pour l'UE de rester engagée dans les Balkans
occidentaux, également parce que la durabilité de certains projets d'infrastructure et leur conformité
aux lois de l'UE sont remis en question.

23.     La Chine a également investi en Albanie, en Bosnie-Herzégovine et dans l’ex-République
yougoslave de Macédoine. Les pays de la région qui en bénéficient, considèrent les investissements
chinois, souvent sous forme de prêts, comme une bonne solution, voire même parfois comme une
alternative préférable aux prêts de l'UE, qui sont assortis de conditions liées aux réformes. Cela se
conjugue également au fait que de nombreux pays occidentaux se montrent réticents à investir dans
la région.

       B. RUSSIE : INFLUENCE HISTORIQUE, PRÉSENCE CONCURENTIELLE

24.      Contrairement à la Chine, la Russie a des liens historiques forts avec les Balkans
occidentaux. L'engagement de Moscou dans la région est également dû aux fortes similitudes
culturelles, linguistiques et religieuses entre les Russes et les Slaves orthodoxes. Le lien avec la
Serbie est notamment assez fort sur le plan politique, car la Russie s'oppose fermement à
l'indépendance du Kosovo et a opposé son veto à une résolution du Conseil de sécurité des Nations
unies qui aurait reconnu le massacre de Srebrenica comme génocide. Alors que l'engagement de
la Russie dans les Balkans occidentaux a reculé au début des années 2000, Moscou a réaffirmé sa
présence au cours de la dernière décennie, sous la présidence de Vladimir Poutine. Par des
mesures incitatives, comme des prêts, des projets énergétiques, des échanges et autres
investissements, la Russie a renforcé son engagement dans la région, essayant ainsi de retarder
l'intégration des Balkans occidentaux dans l'UE. En outre, Moscou saisit chaque occasion, y compris
par voie de corruption et de pots-de-vin, parfois même via l'Église orthodoxe russe, pour promouvoir
ses intérêts et renforcer le sentiment antioccidental, notamment parmi les Serbes, et saper
l'influence occidentale dans toute la région. Les actions de la Russie dans la région sont facilitées
par des élites autoritaires bien établies, qui sont frustrées par la lenteur du processus d'adhésion à
l'UE et qui entravent les processus de réforme. En même temps, la situation économique en Russie
et la faiblesse du rouble limitent la capacité de Moscou à rivaliser avec l'UE au niveau régional.

25.     La position dominante de la Russie en tant que principal exportateur de gaz vers la Serbie,
l’ex-République yougoslave de Macédoine et la Bosnie-Herzégovine lui permet d’utiliser l’un de ses
principaux leviers géopolitiques dans toute la région : la politique énergétique. La Russie exploite
activement la dépendance des pays de la région envers la fourniture d'énergie. La Russie essaie
non seulement de maintenir sa position dominante en matière d’énergie, mais aussi de l'étendre.
Cependant, on ignore si elle pourra y parvenir, car certains des projets annoncés, tels que l’oléoduc
Druzhba-Adria ou le gazoduc South Stream, sont retardés ou suspendus. Sur tout autre dossier à
caractère économique, allant de l'aide extérieure aux investissements directs étrangers, la présence
de l'UE surpasse largement celle de la Russie.

26.      En conséquence, la Russie est loin d'être apte à façonner de manière significative l'avenir
de la région. Pour les Balkans occidentaux, la stratégie envisagée est plus subtile, liée, comme
évoqué plus haut, à la « puissance douce » historico-culturelle russe. En ce sens, la Russie tente
de se positionner comme un acteur incontournable dans le secteur de l'information : la tristement
célèbre agence de presse Sputnik a ouvert ses portes à Belgrade en 2014 et délivre son discours
antioccidental habituel. Sputnik contribue à diviser l'opinion publique en présentant des versions
déformées et biaisées des contributions de l'UE et de l'OTAN à la région (Byrne, 2017). En outre, la
Russie apporte son soutien aux organisations de la société civile et aux partis politiques en phase
avec son programme politique. Ces politiques peuvent se résumer au mieux à un « opportunisme
grossier » comme dans les Balkans où « l’objectif de la Russie est de saper et de bouleverser les
institutions et les règles existantes, établies par l’Occident » (Bechev, 2017).

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                                  (Russie/UE : total des échanges / IDE)

27.     Si l'engagement actuel de la Russie dans la région peut certainement être considéré comme
une ingérence dans l'intégration euro-atlantique, il est indirectement admis que l'influence du Kremlin
dans la région ne peut aller au-delà du stade de « manœuvres de sabotage ». L’exemple le plus
récent de ces tactiques a été noté après les allégations du premier ministre macédonien Zoran Zaev,
selon lesquelles les tentatives de perturbation du référendum de septembre dans l'ex-République
yougoslave de Macédoine remontaient à la Russie. En conséquence, la Grèce a expulsé, en juillet,
deux diplomates russes qui avaient tenté de miner le récent accord sur le nom avec l'ex-République
yougoslave de Macédoine. De plus, contrairement à l’OTAN et à l’UE, la Russie n'a pas de militaires
sur le terrain, les relations économiques sont à la baisse et il n'est pas prévu d'élargir l'Union
économique eurasiatique ou l'Organisation du Traité de sécurité collective aux Balkans occidentaux,
ce qui offre peu de pistes d’action à la Russie dans la région (Bechev, 2017).

        C. LES BALKANS OCCIDENTAUX, UNE RÉGION DE TRANSIT

Alice Greider, « Externalisation de la gestion des migrations : le rôle des Balkans occidentaux dans la crise
                       européenne des réfugiés », Migration Policy Institute, 17 août 2017

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28.      La position géostratégique des Balkans occidentaux entre l’Ouest, l’Est de l’Europe et la mer
Méditerranée, en a fait une région de transit depuis la fin de la guerre froide. Dans un contexte de
libéralisation et de privatisation, de guerres successives et de transition politique s’éloignant du
communisme, les Balkans sont devenus une zone de commerce illicite de marchandises depuis
l’Asie et l’Afrique vers l’Europe occidentale et, plus récemment, un couloir pour le flux de réfugiés.

29.     La crise liée à l'afflux de réfugiés en Europe a commencé en 2015 et a touché, bien
qu’indirectement, les Balkans occidentaux. Les pays ont d’abord choisi de faciliter la circulation des
demandeurs d'asile ; puis, les pressions exercées par les États voisins membres de l'UE ont entraîné
un effet domino de fermeture des frontières (Greider, 2017).

30.    Frontex, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, estime à plus de
760 000 le nombre de passages illégaux de frontières sur la route des Balkans occidentaux en 2015,
une augmentation spectaculaire par rapport aux 40 000 de l'année précédente. Les Balkans
occidentaux, eux-mêmes pays d'origine des migrations vers l'UE, étaient à la fois démunis et pris au
dépourvu face à une crise de cette ampleur. C’est pourquoi ils ont simplement tenté d'accélérer le
passage des personnes vers les pays de destination (Greider, 2017).

     Frontex, Le franchissement illégal des frontières sur la route des Balkans occidentaux en chiffres, 2017

31.     Dans ce contexte de crise, les pays de l'UE se sont mis à limiter le passage des réfugiés. À
leur tour, la Serbie et la Croatie ont commencé à imposer des quotas de personnes autorisées à
traverser chaque jour, tandis que la frontière entre l'ex-République yougoslave de Macédoine et la
Grèce devenait le théâtre d'incidents violents, avec l’usage signalé de gaz lacrymogène pour
contrôler le flux des migrants. L'accord de l'UE avec la Turquie de mars 2016, pour lutter contre la
migration illégale, a fermé efficacement la route migratoire vers l'UE en provenance de la Grèce. À
son tour, l'ex-République yougoslave de Macédoine a fermé sa frontière avec la Grèce, piégeant
ainsi tous les migrants restés dans les Balkans occidentaux. En fait, les pays des Balkans
occidentaux ont été encouragés par l'exemple des pays de l'UE, tels que la Bulgarie et la Hongrie,
à adopter une ligne dure, réprimant rudement toute tentative de la part des réfugiés de poursuivre
vers le nord.

32.      Même si les accords UE-Turquie ont certainement contribué à relâcher la pression sur la
région en ce qui concerne l'afflux de migrants, cela ne peut être qu'une solution provisoire.
En juin 2018, plus de 5 500 réfugiés et migrants d'Asie et d'Afrique du Nord seraient entrés en
Bosnie. L'Albanie constate également une augmentation du nombre de migrants entrant sur son
territoire. Entre janvier et mai de cette année, les autorités ont appréhendé 2 311 migrants contre
162 au cours de la même période en 2017 et plus du double par rapport aux quelque 1 000 migrants
répertoriés sur l'ensemble de l'année 2017. L’itinéraire qui traverse l'Albanie est considéré comme
un nouvel itinéraire utilisé par les passeurs clandestins pour faire entrer des personnes dans l'UE.
La Bosnie-Herzégovine a signalé un afflux anormalement élevé de migrants se dirigeant vers l'UE,

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en provenance de l'Algérie, de l'Afghanistan, du Pakistan et de la Turquie, signe que la crise est loin
d’être terminée. Cependant, les récents rapports de Frontex suggèrent que l’utilisation accrue de
l’itinéraire dit « de la Méditerranée occidentale » fera dévier la circulation des populations depuis
l’itinéraire oriental, passant par l’Europe orientale et les Balkans, vers le sud de l’Europe, notamment
l’Espagne et le Portugal.

                     (Les trois voies de la route des Balkans en Europe du Sud-Est)

33.      Par ailleurs, indépendamment de la crise des réfugiés, mais résolument renforcés par
celle-ci, la criminalité organisée et le commerce illicite constituent un problème persistant dans les
Balkans occidentaux depuis l'éclatement de l'ex-Yougoslavie. La région se trouve sur la voie
occidentale de la « route des Balkans », principalement utilisée pour faire transiter des drogues de
l’Afghanistan (premier producteur mondial d’héroïne) vers l’Europe occidentale. Alors que les pays
d’Europe du Sud-Est sont avant tout des pays de transit, certaines preuves d’installations de
stockage laissent à penser que l’héroïne est coupée et reconditionnée en Albanie, au Kosovo et
dans l’ex-République yougoslave de Macédoine. En outre, la production de cannabis a également
augmenté en Albanie, pénétrant sans peine les marchés de l'Europe occidentale grâce aux réseaux
transnationaux de criminalité organisée qui opèrent dans les Balkans.

34.     Les Balkans occidentaux ne sont pas seulement un itinéraire de trafic de stupéfiants, mais
aussi une importante région de transit et, depuis les guerres des années 1990, une source
d’entrée illégale d'armes dans l'UE. À ce titre, le développement de la criminalité organisée et des
trafics en tous genres dans les Balkans occidentaux inquiète non seulement la sécurité régionale,
mais aussi, de façon plus générale, la sécurité européenne. Tout comme les trafiquants d’armes et
de substances illicites, les trafiquants d’êtres humains profitent également des réseaux de criminalité
organisée et de l’héritage des guerres yougoslaves des années 1990. Pendant celles-ci, la montée
en flèche de l’émigration, le défaut d’application des lois et l’instabilité politique ont créé les
conditions permettant aux trafiquants d’êtres humains d’opérer. La crise des réfugiés en Europe a
recréé des conditions similaires, suscitant les craintes d'une augmentation de la traite des êtres
humains tandis que des criminels continuent à tirer parti du désespoir des réfugiés se déplaçant
vers l’Europe occidentale.

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35.      La coopération bilatérale des États membres de l’OTAN d’Europe occidentale avec les
gouvernements des Balkans donné des résultats significatifs en termes d’opérations menées à bien
contre les réseaux de trafiquants. Il est recommandé que cette coopération se poursuive alors que
les effets de la crise des réfugiés continuent de secouer la région. Une des principales
préoccupations concernant la criminalité organisée dans les Balkans occidentaux réside dans le fait
qu’elle est étroitement liée à la corruption à faible et haut niveaux. Cependant, aider les
gouvernements régionaux à lutter contre le commerce illicite est une étape cruciale pour contribuer
à rompre ces liens. Il est donc fortement recommandé que la récente coopération entre l'OTAN et
l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime se renforce. À ce jour, 450 agents chargés
de la lutte contre les stupéfiants, venus d’Asie centrale, d’Afghanistan et du Pakistan, ont reçu une
formation ; ces cours de renforcement des capacités bénéficieraient fortement aux Balkans
occidentaux.

       D. L'ISLAMISME, LA RADICALISATION ET LES COMBATTANTS ÉTRANGERS

36.      Une part importante de la population des Balkans occidentaux est musulmane : l'islam est
pratiqué par 28 % de la population dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, par plus de
50 % de la population en Albanie et en Bosnie-Herzégovine et par 95 % au Kosovo. Cependant, le
fondamentalisme islamique s'est sensiblement répandu pendant et après les guerres de
Yougoslavie, en raison de l'afflux d'imams salafistes fondamentalistes venant de l'étranger. Des
experts affirment que l'objectif de ces prédicateurs est de détourner l'identité ethnique des
Bosniaques (musulmans) et des Albanais, qui pratiquent un islam essentiellement modéré, pour
mettre en place un islamisme radical. Les États nouvellement formés n'ayant ni les moyens ni
l'expertise nécessaires pour s'attaquer à ce phénomène, il s’est ensuivi plusieurs attaques
terroristes, certes avec un nombre limité de victimes, et des enclaves islamistes comme le village
bosniaque de Gornja Maoca.

37.    L'émergence de Daech a eu un double effet sur les Balkans occidentaux. D'une part, l'afflux
de réfugiés exerce une pression sur des économies déjà en difficulté et, de l'autre, la Syrie et l'Iraq
sont devenus la destination idéale pour les aspirants djihadistes de la région.

38.      Concernant les questions de sécurité interne, la principale publication en ligne de Daech,
Rumiyah (traduction littérale de « Rome » comme symbole de la puissance de la civilisation
occidentale), a explicitement menacé les Balkans dans un article intitulé « Les Balkans - Sang pour
les ennemis et miel pour les amis » en juin 2017 (Trad, 2017). Jusqu'à présent, l'organisation
terroriste n'a jamais revendiqué aucune attaque dans la région. Cependant, en novembre 2016, le
groupe avait planifié des attaques simultanées en Albanie, au Kosovo et dans l’ex-République
yougoslave de Macédoine, la principale cible étant l'équipe nationale de football israélienne, qui
devait jouer à Tirana, et ses supporters. Vingt-cinq personnes furent arrêtées par les forces de police
de l’ex-République yougoslave de Macédoine et de l’Albanie, dans une remarquable démonstration
de coopération entre les services de sécurité des deux pays.

39.    On estime qu'entre 900 et 1 000 combattants (souvent suivis par leur famille) ont quitté les
Balkans pour rejoindre l'Iraq et la Syrie ; si certains d'entre eux avaient des antécédents criminels
ou avaient combattu lors des guerres de Yougoslavie, la majorité n'avait aucune expérience du
combat. Comme Daech a perdu des terres qu'il contrôlait en Iraq et en Syrie, il est vraisemblable
que les Balkans occidentaux soient également confrontés au problème du retour des combattants
étrangers. Cela pose de graves problèmes, allant des conséquences juridiques des actes commis
en Syrie à la réinsertion et au retour de ces combattants à la société civile locale.

40.      Le Kosovo a généré plus de combattants étrangers par habitant que tout autre pays
occidental depuis que Daech a proclamé son califat en 2014. Environ 400 citoyens kosovars ont
rejoint le groupe et d’autres groupes extrémistes islamistes depuis le début des combats en Syrie
en 2012. Avec ses aspirations européennes, le Kosovo s'est efforcé de résoudre son problème de
radicalisation, inculpant plus de 120 personnes soupçonnées de terrorisme et en arrêtant beaucoup

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d'autres, y compris des imams soupçonnés d'avoir recruté des personnes pour combattre à
l'étranger. Cependant, de nombreuses peines de prison sont raccourcies et d’aucuns disent que les
efforts de réinsertion ne sont pas toujours efficaces, laissant en liberté des individus encore
extrémistes. De nombreuses puissances occidentales collaborent désormais avec les autorités
kosovares pour aider à ces efforts de réinsertion, craignant que le Kosovo ne serve de base arrière
pour de nouvelles attaques dans toute l’UE.

  Asya Metodieva, « Que faire face au retour des combattants étrangers des Balkans ? », STRATPOL, janvier 2018.

41.     Le problème de la radicalisation perdurera même après la chute de Daech. Même lorsque
Daech ne revendiquait encore aucune attaque terroriste, la région était déjà un lieu de prédilection
pour les islamistes, souvent affiliés à des mouvements nationalistes. Compte tenu de la situation
instable dans la région, il est important que les pays confrontés à des problèmes similaires, et ayant
plus d'expertise, continuent d'aider les Balkans occidentaux. Il y va de leur intérêt commun car
certains groupes dans les Balkans occidentaux sont associés à des individus radicalisés en Europe
occidentale.

IV.   LES BALKANS OCCIDENTAUX ET L'INTÉGRATION EURO-ATLANTIQUE

42.    L'OTAN et l'Union européenne ont joué un rôle de premier plan en apportant leur appui au
développement post-conflit et à la transition économique ainsi qu’en facilitant l'intégration
euro-atlantique des Balkans occidentaux. Alors que ce dernier objectif a été atteint pour certains
pays, d'autres restent hors l'une ou l'autre, voire hors des deux organisations.

       A. RȎLE DE L'OTAN DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX : CONSOLIDATION DE LA
          PAIX ET ÉLARGISSEMENT

43.     La présence de l'OTAN dans les Balkans occidentaux remonte au début des années 1990.
Après les interventions en Bosnie-Herzégovine en 1995 et au Kosovo en 1999, l'OTAN est restée
dans la région comme une force stabilisatrice, notamment par le biais de l'opération Allied Harmony,
dans l’ex-République yougoslave de Macédoine. L'engagement de l'OTAN dans la région a permis
l'adhésion de l'Albanie, de la Croatie, de la Slovénie et, tout récemment (en 2017), du Monténégro.
Suite à l'accord sur le nom intervenu entre l’ex-République yougoslave de Macédoine et la Grèce
en juin dernier, l'OTAN a officiellement invité Skopje à engager des pourparlers d'adhésion lors du
sommet de juillet 2018, affirmant que le pays ne pourrait devenir membre de l’organisation que
lorsque le différend sur son nom serait pleinement résolu. La Serbie et la Bosnie-Herzégovine, tout
en étant de précieux partenaires de l'Alliance, n’envisagent pas, pour l’heure, d’adhérer à l'OTAN.

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44.     La Serbie, qui mène une politique de neutralité, est un pays partenaire de l'OTAN qui
participe activement au programme du Partenariat pour la paix (PPP). Les candidatures à l'adhésion
à l'OTAN de la Bosnie-Herzégovine sont entravées par les divergences persistantes entre la
Republika Srpska et Sarajevo. L'OTAN a présenté un plan d'action pour l'adhésion (MAP) en faveur
de la Bosnie-Herzégovine en 2010, applicable à condition que les groupes politiques du pays
transfèrent le contrôle de leurs installations militaires au gouvernement central. Les élites politiques
en Republika Srpska s’y opposent farouchement. En octobre 2017, le parlement de la Republika
Srpska a adopté une résolution proclamant sa neutralité militaire : un geste symbolique, mais qui
représente un signe de protestation formelle contre tout nouveau pas vers une adhésion à l'OTAN.

45.    Au moment de la rédaction de ces lignes, la Force pour le Kosovo (KFOR) est la seule
mission militaire de l'OTAN présente dans la région : maintenant qu’elle a sécurisé la zone, elle
contribue au développement d'un secteur de la sécurité efficace au Kosovo, transférant
progressivement ses compétences à la police du Kosovo et à d'autres organes internes. En outre,
l'OTAN a un siège à Sarajevo et des bureaux de liaison militaires à Belgrade et à Skopje pour
appuyer les réformes en matière de défense, favoriser le dialogue et faciliter la participation aux
programmes du PPP.

46.      Les activités de l'OTAN dans l'ex-Yougoslavie ont été le catalyseur de la coopération entre
l'Alliance atlantique et l'Union européenne. L'OTAN a mené des opérations de maintien de la paix à
partir de 1992, puis l'OTAN et l'UE ont apporté leur appui aux activités de consolidation et de
maintien de la paix post-conflit dans la région. En mars 2003, l'UE a officiellement lancé sa première
mission de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) pleinement opérationnelle,
l'opération EUFOR Concordia, dans l’ex-République yougoslave de Macédoine, prenant la relève
de l'opération Allied Harmony de l'OTAN. Un an plus tard, l'UE a lancé l'opération EUFOR Althea en
Bosnie-Herzégovine, après que l'OTAN a officiellement mis fin à sa force de stabilisation
opérationnelle dans le pays (SFOR).

47.     La coopération en cours entre les deux organisations demeure d'une importance cruciale
pour la stabilité régionale et celle de la région euro-atlantique. Dans les Balkans occidentaux, l'UE
a commencé à développer ses capacités en matière de force de stabilisation d'après-crise, menant
des opérations tant civiles que militaires, tandis que l'OTAN restait la garante ultime de la sécurité
en cas d'escalade des hostilités. Outre les missions déjà mentionnées, l'UE est toujours présente
dans les Balkans occidentaux, menant des missions plus centrées sur le civil, comme EUPOL
Proxima, qui a remplacé EUFOR Concordia et qui vise à développer le système policier de
l'ex-République yougoslave de Macédoine, et EULEX Kosovo, la mission tant décriée, pour aider à
réformer le système judiciaire du pays. En juin 2018, l'UE a annoncé qu'elle mettait fin à l’objectif
exécutif de sa mission d'État de droit – qui soutenait les décisions judiciaires en matière de justice
constitutionnelle et de justice civile, engageait des poursuites et statuait dans certaines affaires
pénales – afin de poursuivre exclusivement l’objectif opérationnel qui vise à suivre, encadrer et
conseiller les initiatives en faveur de l’État de droit au Kosovo et du dialogue entre Belgrade et
Pristina.

       B. L’UE : UN PARCOURS VERS L'ADHÉSION SEMÉ D’EMBÛCHES

48.    Sur le plan institutionnel, l'UE a créé 16 organes qui oeuvrent à l'intégration transnationale
des Balkans occidentaux. Ces initiatives sont étayées par d'innombrables efforts financiers et
diplomatiques comme, pour n'en citer que quelques-uns :

-     L'accord de stabilité et d'association (ASA). Tous les pays des Balkans occidentaux, y compris
      le Kosovo, ont signé un ASA avec l'UE ; grâce à cet instrument, l'UE fixe des obligations et
      des devoirs contractuels adaptés à chaque pays, dans le but de stabiliser la zone et de
      préparer l'adhésion à l'UE (DG NEAR, 2016a).

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