USINES DE BIOMÉTHANE À MONTRÉAL: UN MODÈLE À DEVELOPPER!
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USINES DE BIOMÉTHANE À MONTRÉAL: UN MODÈLE À DEVELOPPER! Mémoire sur le développement du biométhane à Montréal Kim Cornelissen, M. Sc. études urbaines Présidente, Bebop et cie Développement régional et international Vice-présidente Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique Le 1er décembre 2011
On peut vendre un gâteau au chocolat en parlant des valeurs nutritives, mais généralement on utilise d'autres arguments. Il en va de même pour les usines de biométhanisation. C'est bien autre chose que de la gestion de déchets. Passion chocolat. Passion biométhane. 2
TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION ...............................................................................................4 PRÉSENTATION DE L'AUTEURE ........................................................................6 PRÉSENTATION DE L'AQLPA ET PRÉOCCUPATIONS DANS LE DOSSIER ............. 10 MISSION DE L'AQLPA .......................................................................................................... 10 PRÉOCCUPATIONS DE L'AQLPA DANS LE DOSSIER ACTUEL .................................................. 10 CHAPITRE I: DÉFINIR LES TERMES ET CONTEXTUALISER LES PROJETS ACTUELS ...................................................................................................................... 11 DÉFINITIONS: ....................................................................................................................... 11 LE BIOGAZ DANS LE MONDE ET EN EUROPE .......................................................................... 12 LE MODÈLE SUÉDOIS COMME INSPIRATION POUR LE QUÉBEC................................................ 13 LE CONTEXTE DU DÉVELOPPEMENT DU BIOGAZ AU QUÉBEC ................................................. 13 CHAPITRE II: GAGNER ET CONSERVER LA CONFIANCE DE LA POPULATION .... 15 LE CONTRÔLE DES ODEURS ET DES NUISANCES LIÉES AUX CAMIONS DE COLLECTE ............... 15 DES PRATIQUES TENTANTES À ÉVITER: IMPORTATION DE DÉCHETS ET BANQUES ALIMENTAIRES ...................................................................................................................... 17 LA NÉCESSITÉ DE TENIR COMPTE AUTANT DES ASPECTS SOCIAUX QUE TECHNOLOGIQUES .... 18 CHAPITRE III: FAIRE DE MONTRÉAL UN MODÈLE DANS L'IMPLANTATION D'INSTALLATIONS DE BIOMÉTHANISATION .................................................... 19 CHAPITRE IV: FAVORISER L'UTILISATION PUBLIQUE DU BIOMÉTHANE, DU DIGESTAT/COMPOST ET DU GAZ "VERT"........................................................ 21 L'UTILISATION DU BIOMÉTHANE ........................................................................................... 21 L'UTILISATION DU DIGESTAT ................................................................................................ 22 L'UTILISATION DU "GAZ VERT".............................................................................................. 23 CHAPITRE IV: CONSIDÉRATIONS LIÉES À LA COMMUNICATION ...................... 25 L'IMPORTANCE D'UNE COMMUNICATION SOUTENUE SANS ÊTRE ENVAHISSANTE ................... 25 LE BIOMÉTHANE COMME INDUCTEUR DE BONNES PRATIQUES ENVIRONNEMENTALES ........... 27 LA BIOMÉTHANISATION COMME APPLICATION PRATIQUE DU CONCEPT D'ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE ...................................................................................................................... 28 CONCLUSION ................................................................................................. 30 3
INTRODUCTION C'est avec beaucoup d'intérêt que je prends part à la consultation publique sur le développement du biométhane à la Ville de Montréal, tant à titre de présidente de consultante en développement régional et international spécialiste des questions de biogaz/biométhane qu'à titre de vice-présidente de l'AQLPA. Le biométhane constitue une solution multifacettes, et ce, pour plusieurs raisons. Il permet de valoriser les déchets en remplaçant des carburants fossiles tels que le pétrole ou le gaz de schiste et il permet la capture d'un gaz à effet de serre puissant, le méthane. Mais il permet également aux citoyennes et citoyens de comprendre comment la gestion de leur déchets organiques peut améliorer leur environnement et les inciter à contribuer de façon beaucoup plus importante par la suite. La production/utilisation du biogaz/biométhane constitue en effet l'un des meilleurs exemples visant à induire des comportements en faveur de l'environnement dans une perspective d'écologie industrielle, des notions que j'expliquerai en fin de document. Ayant fait ma maîtrise sur le développement du biogaz comme biocarburant dans l'Ouest de la Suède, dans une perspective de partenariat public-privé en développement durable, cela fait depuis 2004 que j'écris des articles et fais des conférences sur le sujet, en plus d'avoir conseillé bénévolement divers acteurs liés au développement du biométhane au Québec. Par ailleurs, depuis déjà plusieurs mois, l'AQLPA dépose des dossiers visant à faire reconnaître le biométhane comme une solution plus optimale que le gaz naturel de nature fossile, et ce, plus spécifiquement dans le cas du gaz de schiste qui, contrairement au biogaz, ne reçoit aucune acceptabilité sociale au Québec. À l'inverse des communes (municipalités) suédoises, au Québec, la production d'énergie est une responsabilité récente et volontaire de certaines municipalités visionnaires qui désirent optimiser la gestion de leurs matières résiduelles organiques tout en réduisant leur empreinte écologique. Bien qu'il y ait eu précédemment quelques exemples de production de biogaz - dont le site d'enfouissement de Saint-Michel -, la situation devrait changer radicalement d'ici quelques années, avec l'injection de fonds importants pour la production de biogaz et surtout de biométhane. La Ville de Montréal fait partie de ces villes avant-gardistes et, à l'exemple de villes suédoises comme Göteborg (Gothenburg), Montréal a tout en son pouvoir pour devenir un modèle de développement de production et d'utilisation du biogaz - et du digestat - qui pourrait positionner celle-ci comme leader au Québec et visionnaire en Amérique du Nord. 4
Pour ce faire, la ville de Montréal doit considérer que le développement du biométhane n'est pas uniquement une question d'approvisionnement en carburant mais une occasion de développer une production et une utilisation locale d'énergie renouvelable dans une optique beaucoup plus englobante, l'écologie industrielle. Le document est donc axé sur une vision globale du développement du biométhane et non uniquement sur des questions techniques telles que les odeurs et la gestion des déplacements. Parce que l'une des conditions essentielles pour ce faire est de s'assurer d'une vision globale de la production/utilisation du biométhane, appuyé par un plan de communication global et continu, tout en portant une attention particulière à l'augmentation de la qualité de vie dans les quartiers où les installations seront implantées. Dans le document, je n'aborderai la question du compost que de façon périphérique, la question des usines de biométhanisation étant déjà fort complexe dans son implantation et son intégration dans Montréal-Est et Ville Lasalle. Bonne lecture! Kim Cornelissen Note 1: Ce document est rédigé de façon épicène, c'est-à-dire de façon neutre et non uniquement au masculin. Note 2: Mon mémoire de maîtrise est disponible à l'adresse suivante: http://bebopetcie.voila.net/webdoc/publications/Maitrise_Biogas_Vast_080708.pdf 5
Sommaire des recommandations 1. PORTER UNE ATTENTION PARTICULIÈRE À LA COMMUNICATION SUR LES DIFFÉRENCES QUI EXISTENT ENTRE LES SITES D'ENFOUISSEMENT ET DE COMPOSTAGE (VOIR SECTION COMMUNICATION) ) ET LES SITES DE PRODUCTION DE BIOMÉTHANE (ANAÉROBIQUE). 2. PORTER UNE ATTENTION PARTICULIÈRE AUX PRÉOCCUPATIONS CITOYENNES ET À LEUR CONNAISSANCE DE LEUR QUARTIER LORS DE L'ÉLABORATION DE MESURES D'ATTÉNUATION QUANT AUX ODEURS, QUALITÉ DE L'AIR, BRUIT, ETC. 3. UTILISER DES CAMIONS DE COLLECTE CONVERTIS AU BIOGAZ, DÛMENT IDENTIFIÉS À CET EFFET, ET CE, AFIN DE LIMITER LE BRUIT ET LES ODEURS LIÉS À LEUR UTILISATION. 4. PAR MESURE DE PRÉVENTION, SE DONNER DES LIGNES DE CONDUITE STRICTES SUR L'IMPORTATION ET L'APPROVISIONNEMENT EN MATIÈRES RÉSIDUELLES À DES FINS ÉNERGÉTIQUES. 5. ACCORDER LA MÊME IMPORTANCE AUX QUESTIONS QUI TOUCHENT L'IMPACT DES USINES DE BIOMÉTHANISATION SUR LE QUOTIDIEN DES GENS DES QUARTIERS TOUCHES QUE POUR LES QUESTIONS TECHNIQUES ET LES OPÉRATIONS QUOTIDIENNES. FAVORISER UNE APPROCHE PROACTIVE PLUTÔT QU'UNIQUEMENT D'ADAPTATION. 6. CONJUGUER LA MISE EN PLACE DES USINES DE BIOMÉTHANISATION AVEC UN PLAN D'AMÉLIORATION (ET NON UNIQUEMENT) DE LA QUALITÉ DE VIE DES QUARTIERS EN UTILISANT LES SOUS-PRODUITS DE LA BIOMÉTHANISATION (CAMIONS DE COLLECTE AU BIOMÉTHANE, UTILISATION AVEC DES INITIATIVES DE VERDISSEMENT DES QUARTIERS). 7. DÉGAGER LES RESSOURCES NÉCESSAIRES (HUMAINES, FINANCIÈRES ET MATÉRIELLES) POUR STIMULER LA MISE EN PLACE DE PROJETS DE VERDISSEMENT DANS LES QUARTIERS OÙ SERONT IMPLANTÉES LES INSTALLATIONS, PUIS DANS L'ENSEMBLE DES QUARTIERS DE LA VILLE. 8. DÉFINIR LES QUANTITÉS DE BIOMÉTHANE NÉCESSAIRES À L'UTILISATION DE CELUI-CI POUR LES CAMIONS DE COLLECTE, LES VÉHICULES MUNICIPAUX ET LE CHAUFFAGE DES BÂTIMENTS. 9. CONVERTIR EN PRIORITÉ LES CAMIONS DE COLLECTE, PUIS D'AUTRES VÉHICULES, EN IDENTIFIANT CLAIREMENT QU'ILS ROULENT AU BIOMÉTHANE PRODUIT À MONTRÉAL. 10. RENDRE DISPONIBLE LE DIGESTAT PASTEURISÉ EN PRIORITÉ POUR LES USAGES COMMUNAUTAIRES, ENTRE AUTRES POUR CEUX QUI SONT SITUÉS DANS LES QUARTIERS OÙ SONT IMPLANTÉES LES INSTALLATIONS DE BIOMÉTHANISATION ET DE COMPOST MAIS ÉGALEMENT POUR LES AUTRES QUARTIERS. 6
11. PROFITER DES QUANTITÉS IMPORTANTES DE DIGESTAT POUR STIMULER L'ÉMERGENCE CONJOINTES DE PROJETS DE VERDISSEMENT, SIMULTANÉMENT AVEC LA MUNICIPALITÉ, LE MILIEU COMMUNAUTAIRE ET LES RÉSIDENCES/COMMERCES PRIVÉS. 12. RÉSERVER UNE PARTIE DU BIOMÉTHANE AUX FINS D'USAGE MUNICIPAL (CAMIONS DE COLLECTE ET VÉHICULES MUNICIPAUX, CHAUFFAGE DES BÂTIMENTS) EN FAVORISANT UN USAGE À 100 % DE BIOMÉTHANE. 13. IDENTIFIER DE FAÇON CLAIRE QUE LES VÉHICULES ET BÂTIMENTS UTILISÉNT DU BIOMÉTHANE PRODUIT À MONTRÉAL À PARTIR DE MATIÈRES RÉSIDUELLES LOCALES. 14. PRÉVOIR UN PLAN DE COMMUNICATION GLOBAL, QUI INCLUT DE LA SENSIBILISATION, DE L'INFORMATION PRATIQUE SUR LE TRI, DE LA FORMATION ET DE LA VULGARISATION SUR LE BIOGAZ, LES CO2 ET L'ENVIRONNEMENT EN GÉNÉRAL. 15. FAIRE DE LA COMMUNICATION UNE PRIORITÉ ABSOLUE, AU MÊME TITRE QUE LES OPÉRATIONS QUOTIDIENNES OU QUE LA GESTION FINANCIÈRE DES USINES ET SITES DE COMPOSTAGE. 16. UTILISER LES IMPACTS POSITIFS DE LA PRODUCTION ET DE L'UTILISATION DU BIOGAZ/BIOMÉTHANE POUR INCITER À D'AUTRES MESURES DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT. 17. UTILISER LA PRODUCTION/UTILISATION DU BIOGAZ/BIOMÉTHANE POUR EXPLIQUER LE CONCEPT D'ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE DE FAÇON À POUVOIR L'APPLIQUER À D'AUTRES SECTEURS DE L'ENVIRONNEMENT, DONT LES 3-RV MAIS ÉGALEMENT PAR UN SOUTIEN À L'ÉCO-CONCEPTION, À L'EFFICACITÉ ÉNÉRGÉTIQUE, ETC. 7
Présentation Propriétaire de Bebop et cie, une micro-entreprise fondée en 1992, je suis consultante en développement régional et international . Vice-présidente de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), je possède une maîtrise en études urbaines de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM ainsi qu'un baccalauréat en urbanisme de la même institution. Mon mémoire de maîtrise a porté sur la pertinence des partenariats public- privé en développement durable et mon étude de cas était le développement du marché du biogaz comme biocarburant par Volvo et la ville suédoise de Göteborg ainsi que plusieurs autres partenaires. Le mémoire m'a valu le prix 2008 de l'Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) pour le meilleur mémoire de maîtrise. À l'AQLPA, je m'occupe prioritairement des questions de gaz de schiste et d'énergies renouvelables, dont au premier lieu la biométhanisation de source municipale et les biocarburants en général. Je suis la représentante de l'AQLPA dans les négociations dans les groupes de travail liés à des dossiers de Gaz Métro à la Régie de l'Énergie. Je fais également partie d'un comité de professionnels à qui le Bureau de normalisation du Québec a confié la mise en place d'une norme pour qualifier le biométhane au point d'injection dans les réseaux de distribution, sur lequel siège également la Ville de Montréal. Depuis 2004, au Québec comme à l'international (Suède, France, Maroc), je donne régulièrement des conférences sur le biogaz, les énergies renouvelables et les initiatives suédoises, en plus d'agir comme personne-ressource et stratégiste pour divers groupes publics et privés, de même que des organismes à but non lucratif. En 2008, j'ai vendu une campagne de promotion du biogaz au Göteborg Business Region, en Suède. Je collabore régulièrement à divers magazines spécialisés sur ces sujets également, surtout au Québec mais en Suède également. À titre de spécialiste dans les questions d'énergie renouvelables, j'ai également été invitée tant à Radio-Canada que dans les radios et télés communautaires, y compris pour une courte entrevue en Chine, lors du Premier Sommet international sur le biogaz, à Anyang, en Chine, l'automne dernier. Recherchiste et co-rédactrice de la première Charte régionale en développement durable, en Montérégie-Est, je représente celle-ci à la Table des indicateurs de développement durable, en lien avec la Stratégie de développement durable du Gouvernement du Québec. 8
Enfin, j'ai été élue municipale de Saint-Marc-sur-Richelieu de 1998 à 2005 et responsable des questions d'urbanisme et d'aménagement du territoire pendant toute cette période, en plus d'avoir coordonné pendant près de 10 ans le seul réseau d'élues municipales structuré au Canada. 9
Présentation de l'AQLPA et préoccupations dans le dossier Fondée en 1982, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) s'est donnée pour mission de contribuer à la protection de l'air et de l'atmosphère, à la fois pour la santé des humains et des écosystèmes. Mission de l'AQLPA Afin de réaliser sa mission, l’AQLPA: • Assure une veille stratégique sur les questions liées à la qualité de l’air, les changements climatiques et les polluants atmosphériques • Sensibilise et informe les intervenants du milieu face aux méfaits de ce type de pollution: citoyens, groupes, organismes, industries, commerces et gouvernements • Fait la promotion d'idées, de stratégies et de recommandations visant la réduction des polluants • Mobilise les intervenants du milieu autour de projets communs et rassembleurs favorisant ainsi une concertation et des échanges constructifs • Représente et fait connaître les intérêts, les choix, les préoccupations ou encore les positions des intervenants du milieu auprès des décideurs • Collabore à des accords communs • Participe activement à tout mandat confié par les différents paliers de gouvernements • Agit activement sur le terrain • Élabore un centre de documentation et offre un service de conférences.1 Préoccupations de l'AQLPA dans le dossier actuel Organisme de protection de l'environnement au niveau national, l'AQLPA collabore à ce mémoire dans le cadre de la consultation publique sur la gestion des matières résiduelles de la Ville de Montréal avec l'objectif à contribuer au succès du développement du biocarburant le plus viable qui existe actuellement. Le projet d'usines de biométhane s'inscrit dans une perspective de mise en valeur des diverses composantes pour améliorer également le verdissement de Montréal et l'utilisation du biogaz comme biocarburant, réduisant d'autant la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre qui préoccupent particulièrement l'AQLPA. 1 http://www.aqlpa.com/mission-de-aqlpa.html 10
Chapitre I: Définir les termes et contextualiser les projets actuels Bien qu'il soit déjà produit en faibles quantités au Québec depuis plusieurs années, et ce même à Montréal, la production et l'utilisation du biogaz/biométhane devrait devenir chose courante d'ici quelques années en raison de l'application de la politique perpétuelle de gestion des matières résiduelles et le programme Biogaz pour les sites d'enfouissement, deux initiatives du MDDEP. Plusieurs n'étant pas familiers avec certains termes utilisés de façon courante dans ce secteur énergétique, il convient de définir quelques mots et notions de base afin d'éviter la confusion. Définitions2: * Biogaz: Gaz produit par la fermentation de matière organique en absence d’oxygène. * Biométhane: Gaz obtenu à la suite de l’épuration du biogaz pouvant être injecté dans un réseau gazier ou utilisé en remplacement du carburant. Les gens confondent souvent biométhane et éthanol (bio-éthanol), alors que le biométhane est une forme purifiée de biogaz produit à partir de déchets organiques - et non des cultures énergétiques sur des terres agricoles. * Biométhanisation: Procédé de traitement des matières organiques par fermentation en absence d’oxygène. Le processus de dégradation biologique s’effectue dans un ou des digesteurs anaérobies. Il en résultera un digestat, une fraction plus ou moins liquide ainsi que du biogaz. * Compostage: Procédé dirigé de biooxydation d’un substrat organique hétérogène solide incluant une phase thermophile. * Digestat : Résidu brut liquide, pâteux ou solide, issu de la biométhanisation de matières organiques. * Gaz "vert": se dit du mélange de biométhane et gaz naturel dans le réseau, sans égard à la proportion de l'un ou de l'autre (voir illustration page 17). * MDDEP: Ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs * PMAD: Plan métropolitain d'aménagement et de développement de la Communauté métropolitaine de Montréal 2 http://www.mddep.gouv.qc.ca/programmes/biomethanisation/lignes-directrices-biomethanisation.pdf et http://www.biogaz-energie-renouvelable.info/biogaz_ressources.html 11
Le biogaz dans le Monde et en Europe Excepté dans quelques pays où le biogaz s'est développé de façon constante depuis plusieurs dizaines d'années, tels que l'Allemagne, l'Autriche et la Suède, le biogaz est rarement cité comme source énergétique, en raison de son aggrégation erronée avec la biomasse dont l'énergie est générée par combustion, ou avec les agrocarburants (éthanol et biodiésel), alors que le biogaz est produit à partir de déchets et non de cultures énergétiques, le plus souvent. Bien des études nationales et internationales sur les sources d'énergie renouvelable n'incluent pas encore le biogaz, du moins pas de façon distincte et rarement comme biocarburant. Cette situation dessert le développement de cette source d'énergie dont les bénéfices environnementaux, sociaux et économiques sont reconnus, tant au niveau local et national qu'international. La situation tend toutefois à changer, depuis quelques années. Le potentiel théorique mondial s’élève selon une étude publiée par l’ATEE à 750 Mtep/an si tous les déchets étaient méthanisés en décharge ou réacteurs – valeur à laquelle il faut rajouter les sous-produits agricoles d’une valeur de 1000 Mtep/an. Au total, le biogaz représente un gisement comparable à la consommation mondiale de gaz naturel fossile – 1800 Mtep/an.3 Si l'on transfère ces chiffres en litres de pétrole (une tonne pétrole équivalent équivaut à 952 000 m3, soit 952 000 litres équivalent en pétrole), on obtient 1 milliard, 713 millions, 600 mille litres de pétrole. Disponible chaque année sans perturbation agricole ou sous-terrestre! Il est à noter qu'au Québec, le potentiel de biogaz est semblable à celui de la planète, toutes proportions gardées, tel que démontré dans le mémoire de l'AQLPA sur les gaz de schiste, l'automne dernier.4 À titre d'exemples du développement de la filière biogaz dans le Monde: * la Chine entend atteindre de 40 à 70 % des besoins énergétiques en milieu rural grâce au biogaz issu de déchets agricoles5 * l'Allemagne domine la production européenne de biogaz et développe une approche par bioréacteurs à la ferme, à des fins de production électrique surtout 3 http://www.biogaz-energie-renouvelable.info/biogaz_ressources.html 4 http://www.bape.gouv.qc.ca/sections/mandats/Gaz_de_schiste/documents/DM178.pdf 5 Présentation au premier Sommet international sur le biogaz à Anyang, à la fin octobre 2010. http://www.iges- china.com/en/2010j_Info.php?id=102 12
* le Vietnam possède déjà 100 000 réacteurs domestiques et veut en implanter un autre 100 000 d'ici quelques années * la région française de Lille emploie des autobus au biogaz depuis plusieurs années * la Suède domine pour ce qui est de l'utilisation du biogaz comme biocarburant Le modèle suédois comme inspiration pour le Québec Le modèle suédois est particulièrement intéressant pour le Québec en raison des similitudes, non seulement des territoires nordiques, des usages du territoire mais également des stratégies de développement du biogaz. En effet, tout comme au Québec maintenant, la Suède a exigé que les déchets organiques soient détournés des sites d'enfouissement, tout en soutenant l'émergence de projets municipaux de mise en valeur du biogaz, ce dont ont profité plusieurs municipalités avec, au premier chef, la région Ouest de la Suède, qui possède un réseau de distribution du gaz naturel. En raison de la présence de Volvo, manufacturier de camions, autobus et automobiles, un partenariat public-privé (bien différent de nos PPP) a été développé, ce qui a permis l'émergence du projet Biogas Väst, suivi quelques années plus tard de Biogas Syd, dans la région agricole de Scanie, simultanément avec le développement de la région de Stockholm, avec toutefois moins de succès. En effet, il semble que la présence d'un réseau de gaz naturel - ce qui n'est pas le cas pour l'est de la Suède, constitue un élément essentiel au développement du marché du biogaz, ce qui est le cas au Québec. Le contexte du développement du biogaz au Québec Bien que les liens avec l'Allemagne soient mieux établis qu'avec la Suède, avec qui nous avons, malgré toute logique, très peu de liens, c'est le modèle suédois qui semble être suivi par le modèle de subventions du biogaz au Québec. En effet, de par la hiérarchie de subventions, le MDDEP favorise les projets de propriété majoritairement publique - ce qui peut inclure une propriété minoritairement privée - de même qu'une préférence pour l'utilisation du biogaz comme biocarburant, c'est-à-dire du biogaz purifié, aussi appelé biométhane. L'utilisation du biogaz à des fins électriques est découragé, malgré les appels d'offres d'Hydro- Québec, la production d'énergie renouvelable ne devant pas servir à en déplacer une autre. Il existe encore de nombreux écueils dans le développement de la filière du biogaz/biométhane et la Ville de Montréal n'échappera pas à de nombreuses discussions avec le gouvernement et ses partenaires/fournisseurs sur divers aspects techniques liés au 13
biogaz/biométhane. De plus, contrairement par exemple au gaz de schiste, le biogaz peut véritablement être produit selon une optique de développement durable et viable, ce qui a guidé la rédaction de ce mémoire. 14
Chapitre II: Gagner et conserver la confiance de la population Au Québec, les projets liés à la production locale d'énergie et à la gestion des matières résiduelles font souvent l'objet d'une méfiance qui, dans bien des cas, est tout à fait justifiée. À la lueur de la réaction de plusieurs personnes, lors de la séance d'information à Montréal- Est sur le projet de biométhanisation, il semble qu'il en soit de même pour ce projet. Le défi est d'autant plus grand que les projets de biométhanisation combinent production d'énergie ET gestion des matières résiduelles. Loin de rejeter ces préoccupations citoyennes, la Ville de Montréal gagnerait à innover en s'assurant de prévoir les problèmes tels qu'appréhendés et en prenant un soin particulier à la qualité de vie dans les quatre quartiers où seront implantées les installations. La Ville de Montréal a fait ses devoirs avec attention: la taille et le site des installations semble adéquat. De même, tout en portant une attention particulière à leur gestion, les mesures d'atténuation des odeurs ou le déplacement des camions semblent avoir été étudiées avec beaucoup de soins. Au-delà de solutions techniques, l'un des défis majeurs de la Ville de Montréal sera d'abord de faire connaître les aspects positifs du biométhane, entre autres en éliminant les mythes et la confusion avec d'autres projets énergétiques ou de gestion des déchets qui rencontrent peu d'acceptabilité sociale, le plus souvent avec raison. Mais ça ne devrait pas être le cas avec les projets de biométhanisation. Le contrôle des odeurs et des nuisances liées aux camions de collecte Les projets de production d'énergie à partir de déchets sont souvent comparés aux projets d'incinération de sites d'enfouissement ou de compostage, d'où les inquiétudes liées aux odeurs et au camionnage. Contrairement aux sites d'enfouissement, le procédé anaérobique (sans air) empêche l'échappement de métaux lourds dans l'atmosphère, dans la mesure où le torchage du biométhane est bien contrôlé et s'avère une mesure exceptionnelle. En effet, tant le méthane que les autres gaz, dont le dangereux sulfure d'hydrogène (H2S), doivent faire l'objet de contrôles précis: la pression est d'autant plus forte que les projets "verts" tendent à être beaucoup plus critiqués que les projets ordinaires, en raison des promesses qu'ils soulèvent. 15
Lorsque la gestion des camions est bien contrôlée et que ceux-ci fonctionnent au biométhane, les odeurs ne devraient pas être perçues en dehors des installations elles-mêmes, ce que j'ai pu constater lors de visites des installations suédoises municipales, au fil des ans. De plus, la troisième voie ne devrait pas nécessiter significativement plus de camionnage, puisqu'il s'agit d'un transfert des déchets organiques vers la troisième voie, et non d'une augmentation de tonnage de déchets. Cependant, le camionnage augmentera dans les lieux où il n'y avait pas précédemment de livraison de déchets (1ère voie). La Ville de Montréal devrait s'assurer alors que les camions de collecte soient achetés ou convertis au biométhane (gaz naturel), et identifiés clairement comme roulant au biométhane (voir l'exemple ci-dessous). Ces camions sont moins bruyants et moins odorants que les camions roulant au diésel6 et il est possible de faire la promotion du biométhane pour que les gens puissent faire entre le traitement de leurs poubelles et l'utilisation du biométhane comme biocarburant. D'autres mesures d'atténuation et le verdissement prioritaire de ces quartiers fait aussi partie des solutions à privilégier. Photo 1 Camions de collecte avec promotion de la conversion des déchets en biométhane, Trollhättan Traduction de Värdetransport: transport de choses précieuses et "Spela roll": jouez un rôle RECOMMANDATION 1: PORTER UNE ATTENTION PARTICULIÈRE À LA COMMUNICATION SUR LES DIFFÉRENCES QUI EXISTENT ENTRE LES SITES D'ENFOUISSEMENT ET DE COMPOSTAGE (VOIR SECTION COMMUNICATION) ET LES SITES DE PRODUCTION DE BIOMÉTHANE (ANAÉROBIQUE). 6 http://www.trendsetter-europe.org/index.php?ID=956. Consulté le 29 novembre 2011. 16
RECOMMANDATION 2: PORTER UNE ATTENTION PARTICULIÈRE AUX PRÉOCCUPATIONS CITOYENNES ET À LEUR CONNAISSANCE DE LEUR QUARTIER LORS DE L'ÉLABORATION DE MESURES D'ATTÉNUATION QUANT AUX ODEURS, QUALITÉ DE L'AIR, BRUIT, ETC. RECOMMANDATION 3: UTILISER DES CAMIONS DE COLLECTE CONVERTIS AU BIOGAZ, DÛMENT IDENTIFIÉS À CET EFFET, ET CE, AFIN DE LIMITER LE BRUIT ET LES ODEURS LIÉS À LEUR UTILISATION. Des pratiques tentantes à éviter: importation de déchets et banques alimentaires Afin de rassurer les gens et pour conserver leur confiance, la Ville de Montréal devrait également éviter d'augmenter la quantité de déchets organiques par importation - il est à noter que ce n'est pas proposé dans les projets actuels - pour s'assurer d'une production plus grande d'énergie. Il s'agit d'une situation qui pourrait être envisagée à des fins de rentabilité mais la forte contestation qui a eu lieu quand certaines municipalités de l'Ouest de la Suède ont décidé d'importer des déchets de la Norvège devrait porter à la plus grande prudence.7 De même, une attention particulière doit d'ailleurs être portée pour s'assurer que les banques alimentaires de l'île ne soient pas privées de denrées qui seraient trop rapidement envoyées aux usines de biométhanisation pour stimuler la production d'énergie, aussi environnementale soit-elle. RECOMMANDATION 4: PAR MESURE DE PRÉVENTION, SE DONNER DES LIGNES DE CONDUITE STRICTES SUR L'IMPORTATION ET L'APPROVISIONNEMENT EN MATIÈRES RÉSIDUELLES À DES FINS ÉNERGÉTIQUES. 7 http://www.bvsde.paho.org/bvsacd/cd43/matias.pdf Consulté le 29 novembre 2011. 17
La nécessité de tenir compte autant des aspects sociaux que technologiques Bien que la production de biométhanisation à l'échelle municipale ait peu été expérimentée au Québec, ce qui demande une maîtrise technique qui constitue en elle-même un défi, il est tentant de s'attarder surtout aux aspects techniques du projet, d'autant plus que les exigences gouvernementales et certaines inquiétudes citoyennes sont souvent liées à des aspects techniques (odeurs, taille et lieu d'implantation des installations, camionnage, etc.). Bien que ces mesures soient fort importantes et doivent être adéquates pour éliminer les principaux irritants du projet, le succès de l'implantation d'usines de biogaz - et de sites de compost - dépend de l'emphase qui est mise sur l'amélioration de la qualité de vie des quartiers, entre autres par le verdissement des quartiers et la collaboration de la société civile locale à des projets d'amélioration du milieu. Et c'est là que Montréal peut se démarquer en proposant un modèle d'intégration des usines de biométhanisation qui permette de faire réaliser à sa population que les fonds publics et les changements de comportement qui sont demandés en valent la peine. RECOMMANDATION 5: ACCORDER LA MÊME IMPORTANCE AUX QUESTIONS QUI TOUCHENT L'IMPACT DES USINES DE BIOMÉTHANISATION SUR LE QUOTIDIEN DES GENS DES QUARTIERS TOUCHES QUE POUR LES QUESTIONS TECHNIQUES ET LES OPÉRATIONS QUOTIDIENNES. FAVORISER UNE APPROCHE PROACTIVE PLUTÔT QU'UNIQUEMENT D'ADAPTATION. 18
Chapitre III: Faire de Montréal un modèle dans l'implantation d'usines de biométhanisation S'il s'agit d'une vision innovatrice par rapport à la situation habituelle d'implantation d'infrastructures municipales, énergétiques ou de gestion de déchets, les projets de biométhanisation offrent un potentiel d'innovation différent parce qu'ils constituent une solution véritablement environnementale sur laquelle il est possible de capitaliser avec succès. Dans une optique de partenariat qui inclurait l'agglomération, les arrondissements où seront implantées les installations, les institutions et les OBNL locaux, la production du biométhane et de digestat pourrait être combinée à divers projets de parcs-écoles, de jardins communautaires habités, ainsi que d'augmentation du couvert forestier, projets qui pourraient être soutenus par les arrondissements et l'agglomération. Non seulement ces projets pourraient s'inscrire dans le PMAD de la Communauté métropolitaine, mais de nombreux organismes montréalais possèdent l'expertise et pourraient être mis à profit. La collaboration pourrait inclure des projets jumelés à des initiatives citoyennes auxquelles pourraient se joindre également les commerces et industries de façon volontaire, etc. La planification de ces petits projets pourrait débuter en même temps, voire avant la production du digestat, renforçant ainsi le fait que le biométhane constitue une solution et non un problème. Ce faisant, le fait d'améliorer la qualité environnementale de ces quartiers améliorerait les possibilités d'adhésion de la population locale à ces projets plutôt que de renforcer l'impression que leur quartier a été défini comme poubelles de Montréal, une expression qui est ressortie à plusieurs reprises lors de la séance d'information de l'OCPM à Montréal-Est, le 7 novembre dernier. En travaillant de concert directement avec les éco-quartiers et les groupes du milieu, il est à espérer que l'objectif municipal puisse encourager les gens à se sentir "ambassadrices et ambassadeurs" de cette initiative de production énergétique locale. Contrairement à des projets de sites d'enfouissement ou de gaz de schiste qui détériorent les milieux dans lesquels ils sont imposés et dont l'opposition est très forte, les usines de biogaz municipales peuvent être parfaitement intégrées à leur quartier, comme le démontrent plusieurs projets municipaux suédois. Par la suite, d'autres quartiers montréalais pourraient bénéficier de mêmes avantages pour initier/renforcer des projets de verdissement un peu partout à Montréal. 19
Pour ce faire, il faut que la Ville de Montréal, en collaboration avec les arrondissements touchés, dégage les ressources nécessaires (humaines, matérielles, financières) pour que puissent émerger ces différents projets. Cela implique bien sûr une coordination qui sort de l'ordinaire et un goût pour l'innovation sociale de la part de l'agglomération et des arrondissements touchés, ce qui ne fait pas défaut à Montréal, loin de là! Le jeu en vaut toutefois la chandelle, tant pour ce qui est de la cohésion des diverses parties prenantes que pour la mise en place d'un modèle original de développement intégré dont Montréal pourrait faire la promotion au national et à l'international par la suite. Après tout, il serait intéressant que les communes suédoises s'inspirent de Montréal pour leurs projets d'intégration des installations en milieu habité, renversant ainsi une tendance marquée de nous inspirer d'eux. RECOMMANDATION 6: CONJUGUER LA MISE EN PLACE DES USINES DE BIOMÉTHANISATION AVEC UN PLAN D'AMÉLIORATION (ET NON UNIQUEMENT) DE LA QUALITÉ DE VIE DES QUARTIERS EN UTILISANT LES SOUS-PRODUITS DE LA BIOMÉTHANISATION (CAMIONS DE COLLECTE AU BIOMÉTHANE, UTILISATION AVEC DES INITIATIVES DE VERDISSEMENT DES QUARTIERS). RECOMMANDATION 7: DÉGAGER LES RESSOURCES NÉCESSAIRES (HUMAINES, FINANCIÈRES ET MATÉRIELLES) POUR STIMULER LA MISE EN PLACE DE PROJETS DE VERDISSEMENT DANS LES QUARTIERS OÙ SERONT IMPLANTÉES LES INSTALLATIONS, PUIS DANS L'ENSEMBLE DES QUARTIERS DE LA VILLE. 20
Chapitre IV: Favoriser l'utilisation publique du biométhane, du digestat/compost et du gaz "vert" Le développement du biométhane québécois a nécessité des fonds publics très importants, soit 650 millions de dollars $ en subventions fédérales, provinciales et municipales. De plus, d'autres subventions peuvent provenir de l'Agence d'efficacité énergétique (ex: conversion de véhicules pour fonctionner au biogaz) et de diverses sources, selon les projets. En plus de nécessiter ces fonds publics dans un contexte économique difficile, le succès des usines de biométhanisation dépend de l'adoption de nouveaux comportements par la population si l'on veut optimiser la quantité de matières résiduelles organiques qui sont traitées. L'une des façons d'intéresser les gens à cette nouvelle filière, c'est que les gens puissent profiter des bénéfices du biométhane/compost et non que celui-ci soit simplement commercialisé, et ce, même si ultimement, les profits reviennent aux municipalités, dans ce cas-ci, à la Ville de Montréal. L'idée n'est pas d'empêcher la vente du gaz naturel, du CO2 ou du digestat/compost, mais bien que le secteur municipal en profite et en fasse profiter les divers arrondissements, au premier lieu celles et ceux qui sont directement concernés. Dans un second temps, le secteur privé/commercial pourra en profiter également. Autrement dit, l'utilisation municipale des produits liés à la biométhanisation devrait être priorisée et c'est l'excédent qui devrait être commercialisé, et non le contraire. L'utilisation du biométhane Pour ce qui est de l'utilisation du biométhane dans les véhicules, la situation au Québec devrait s'avérer bien différente de celle de la Suède. En effet, au Québec, la tendance lourde est à l'utilisation de l'électricité pour les véhicules personnels et les autobus - ce qui s'avère une très bonne solution ici, étant donné la production hydro-électrique. La ville de Montréal pourrait tout de même s'équiper de plusieurs automobiles pouvant rouler au biométhane (en plus des véhicules électrique), en plus de ses camions et matériel roulant des travaux publics, en raison de leur grande visibilité. 21
Photo 2 Station-service avec biométhane - Göteborg Les camions de collecte et divers autres véhicules pourraient être convertis avec succès, stabilisant d'autant les prévisions budgétaires liée à l'approvisionnement en carburant fossile, surtout si la Ville peut profiter pleinement de son biométhane. RECOMMANDATION 8: DÉFINIR LES QUANTITÉS DE BIOMÉTHANE NÉCESSAIRES À L'UTILISATION DE CELUI-CI POUR LES CAMIONS DE COLLECTE, LES VÉHICULES MUNICIPAUX ET LE CHAUFFAGE DES BÂTIMENTS. RECOMMANDATION 9: CONVERTIR EN PRIORITÉ LES CAMIONS DE COLLECTE, PUIS D'AUTRES VÉHICULES, EN IDENTIFIANT CLAIREMENT QU'ILS ROULENT AU BIOMÉTHANE PRODUIT À MONTRÉAL. L'utilisation du digestat Le digestat sera disponible en quantités importantes, ce qui constitue un trésor non pas inestimable, comme le dit l'expression, mais tout de même vraiment intéressant. Une fois pasteurisée, cette source de fertilisant naturel "perpétuelle" de grande qualité (le digestat est utilisé entre autres pour l'agriculture biologique, en Suède) sera disponible pour divers projets de verdissement, d'où la proposition de travailler en collaboration avec les quartiers où sont implantés les usines d'implantation pour profiter des retombées du projet d'usines de 22
biométhanisation (voir chapitre précédent). Attention: Dans une optique où la Ville de Montréal voudrait également profiter du biogaz produit par les boues de son usine d'épuration, il ne faut pas utiliser les mêmes bioréacteurs afin de ne pas que le digestat des déchets organiques soit mélangé au digestat des boues usées, ce dernier ne devant pas être valorisé l où il y a agriculture (ex: jardins communautaires). RECOMMANDATION 10: RENDRE DISPONIBLE LE DIGESTAT PASTEURISÉ EN PRIORITÉ POUR LES USAGES COMMUNAUTAIRES, ENTRE AUTRES POUR CEUX QUI SONT SITUÉS DANS LES QUARTIERS OÙ SONT IMPLANTÉES LES INSTALLATIONS DE BIOMÉTHANISATION ET DE COMPOST MAIS ÉGALEMENT POUR LES AUTRES QUARTIERS. RECOMMANDATION 11: PROFITER DES QUANTITÉS IMPORTANTES DE DIGESTAT POUR STIMULER L'ÉMERGENCE CONJOINTES DE PROJETS DE VERDISSEMENT, SIMULTANÉMENT AVEC LA MUNICIPALITÉ, LE MILIEU COMMUNAUTAIRE ET LES RÉSIDENCES/COMMERCES PRIVÉS. L'utilisation du "gaz vert" La Ville de Montréal devrait vendre à Gaz Métro les surplus de biométhane, qui le mélangera à du gaz naturel déjà présent dans le réseau, et que l'on appelle alors "gaz vert". Cette façon de procéder garantit un approvisionnement continu en gaz naturel dont le contenu en biométhane sera très faible à ses débuts mais qui devrait augmenter de façon continue, au fur et à mesure que les usines municipales entrent en production, à Montréal mais également dans plusieurs autres villes québécoises. À titre d'information, le gaz vert offert actuellement dans les stations-service suédoises dépasse un pourcentage de 60 % de biométhane. Plusieurs villes suédoises, dont Helsingborg et Trollhättan, peuvent même garantir un pourcentage de 100 % de biométhane dans leur offre de "gaz vert". 23
Figure 1 Explication de la notion de gaz "vert" Source: Planet Göteborg, Business Region Göteborg, 2005. La Ville de Montréal pourrait conserver à ses propres fins une réserve de biométhane destinée aux usages municipaux (véhicules, chauffage) et utiliser alors le biométhane dans une proportion de 100 %, surtout si celle-ci choisissait de purifier elle-même son biogaz en biométhane. Dans tous les cas, la Ville de Montréal gagne à identifier tous les véhicules municipaux roulant au biométhane de façon à ce que les gens réalisent que celle-ci contribue à la réduction des émissions de ses gaz à effet de serre dans une gestion visionnaire des matières résiduelles provenant de son territoire. RECOMMANDATION 12: RÉSERVER UNE PARTIE DU BIOMÉTHANE AUX FINS D'USAGE MUNICIPAL (CAMIONS DE COLLECTE ET VÉHICULES MUNICIPAUX, CHAUFFAGE DES BÂTIMENTS) EN FAVORISANT UN USAGE À 100 % DE BIOMÉTHANE. RECOMMANDATION 13: IDENTIFIER DE FAÇON CLAIRE QUE LES VÉHICULES ET BÂTIMENTS UTILISÉNT DU BIOMÉTHANE PRODUIT À MONTRÉAL À PARTIR DE MATIÈRES RÉSIDUELLES LOCALES. 24
Chapitre IV: Considérations liées à la communication La production municipale d'une source d'énergie verte telle que le biométhane constitue une occasion magnifique d'impliquer les gens dans la protection de l'environnement, en collaboration avec les initiatives municipales et dans une optique d'écologie industrielle. En effet, le succès du développement de la production de biométhane dépend de plusieurs facteurs, dont l'implication personnelle des gens dans le classement des déchets, l'utilisation du biométhane pour les véhicules municipaux, l'utilisation publique et personnelle du digestat résultant du processus de biométhanisation mais surtout, le tout dans une vision globale de ce nouveau secteur municipal. L'importance d'une communication soutenue sans être envahissante Le potentiel de succès d'un projet municipal en biométhanisation est réel et son impact sur la qualité de vie et l'environnement en milieu urbain ne saurait être sous-estimé. La Ville de Montréal peut ainsi profiter de l'exemple des communes suédoises qui connaissent un succès enviable dans la production et l'utilisation publique du biométhane. Que l'on parle de Stockholm, Göteborg, Helsinborg ou Trollhättan, les stratégies de communication globales et dynamiques de ces municipalités sont au coeur des projets de production et d'utilisation du biométhane. C'est d'autant plus important dans un contexte où les fonds publics importants et la collaboration de la population locale sont essentiels au succès du développement de cette filière énergétique. Photo 3 Deux exemples de promotion du biogaz, Helsingborg et Trollhättan Traduction Photo 1: Un autobus au biogaz pour une Scanie respectueuse du climat Traduction Photo 2: Biogaz: vos déchets, notre carburant (propulsant!) 25
La communication doit être agréable, très visible et facile à comprendre. Elle doit se retrouver tant sur les éléments de collecte des matières organiques (sacs ou bacs bruns, camions de collecte, véhicules municipaux au biométhane, etc.) que dans les divers bulletins et outils de communication habituels de la ville. Si la Ville de Montréal désire que le biométhane devienne l'élément central de sa gestion de matières résiduelles tout en renforçant la mise en valeur des quartiers, le plan de communication doit inclure les aspects techniques de classement des déchets mais également des aspects connexes, pour que les gens voient "l'ensemble du tableau": améliorations de la qualité de l'air et de l'eau, renforcement du principe des 3 RV, suggestions pour utilisation du digestat, projets municipaux de verdissement des quartiers utilisant le digestat municipal, explication de principes connexes comme l'écologie industrielle, etc. Autrement dit, le plan de communication doit inclure de la sensibilisation, de l'information pratique et une vulgarisation de divers aspects liés au biogaz et biométhane. Tel que mentionné précédemment, à la lumière des questions posées lors de la rencontre sur les projets de biométhanisation par l'OCPM à Montréal-Est, le 7 novembre dernier, force est de constater que le premier rôle de la Ville de Montréal sera de répondre aux inquiétudes de la population, tant pour ce qui est des mythes liés à la production d'énergie à partir des déchets que de la méfiance des citoyennes et citoyens face à des projets de production d'énergie ou de gestion des déchets, alors que le biométhane est une combinaison des deux. En plus des avantages environnementaux et financiers, la communication peut s'appuyer sur deux aspects positifs majeurs du biogaz/biométhane: son impact sur l'adoption de bonnes pratiques environnementales qui vont bien au-delà du biogaz et l'exemple d'écologie industrielle qu'il illustre parfaitement. RECOMMANDATION 14: PRÉVOIR UN PLAN DE COMMUNICATION GLOBAL, QUI INCLUT DE LA SENSIBILISATION, DE L'INFORMATION PRATIQUE SUR LE TRI, DE LA FORMATION ET DE LA VULGARISATION SUR LE BIOGAZ, LES CO2 ET L'ENVIRONNEMENT EN GÉNÉRAL. RECOMMANDATION 15: FAIRE DE LA COMMUNICATION UNE PRIORITÉ ABSOLUE, AU MÊME TITRE QUE LES OPÉRATIONS QUOTIDIENNES OU QUE LA GESTION FINANCIÈRE DES USINES ET SITES DE COMPOSTAGE. 26
Le biométhane comme inducteur de bonnes pratiques environnementales En environnement, l'un des critères de succès est la proximité entre le geste citoyen et le résultat. Tel que découvert dans l'analyse des entrevues dans le cadre de mes recherches, quant à l'effet citoyen de la production locale de biogaz: "...l’un des buts recherchés par le projet était de créer un effet «durable» sur la société en permettant aux gens de faire leur part pour l’environnement, entre autres pour ce qui est de la gestion des déchets, ce qui serait fondamental au succès du projet."8 La production de biogaz s'inscrit entre autres en complémentarité des initiatives municipales des 3 R-V en laissant entrevoir une société sans déchets, les matières organiques constituant un pourcentage important des matières résiduelles. Il est important de respecter toutefois la hiérarchie des 3 R-V: ce n'est pas parce que la production de biogaz permet de réduire les problèmes liés à l'enfouissement sanitaire que celle-ci pourrait devenir une excuse pour réduire les initiatives de réduction, de réutilisation et de recyclage des matières résiduelles, bien au contraire! Avec une gestion efficace et en portant une attention particulière à la communication et à la promotion du biométhane, l'effet d'entraînement vers de meilleures pratiques environnementales peut être obtenu, et ce, non seulement dans la gestion des matières résiduelles mais dans d'autres initiatives environnementales également! Photo 4 Tri manuel (types de déchets par couleur) et tri optique des déchets - Trollhättan 8 CORNELISSEN, Kim. Pertinence des partenariats public-privé en développement durable entre la ville et la grande industrie: LE CAS DE BIOGAS VÄST, EN SUÈDE. Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en études urbaines. École des Sciences de la gestion, UQAM. page 99. 27
Pour inciter les gens à développer l'habitude de trier leurs déchets organiques, la Ville de Montréal devra faire un rappel constant de l'importance du classement par un rappel graphique de la façon de disposer des matières organiques sur les bacs bruns et/ou les sacs, le cas échéant. Conjugué à une campagne continue des résultats obtenus et de l'utilisation du biométhane mais aussi du digestat, la Ville de Montréal peut ainsi se rapprocher de sa population dans la gestion complémentaire des autres matières résiduelles (recyclage, batteries, cartouches d'imprimante, etc.) mais également pour contribuer à d'autres efforts en environnement qui poursuivent les mêmes objectifs (qualité de l'air, transport "vert", plantations, économie d'énergie, etc.). RECOMMANDATION 16: UTILISER LES IMPACTS POSITIFS DE LA PRODUCTION ET DE L'UTILISATION DU BIOGAZ/BIOMÉTHANE POUR INCITER À D'AUTRES MESURES DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT. La biométhanisation comme application pratique du concept d'écologie industrielle Le concept d'écologie industrielle vise à s'inspirer des écosystèmes naturels pour repenser la production en boucle plutôt que de façon linéaire. "Les travaux réalisés dans la perspective de traduire le concept d’écologie industrielle dans des activités pratiques insistent sur l'optimisation des ressources, la réutilisation et la valorisation des résidus et une gestion de l'information orientée vers la valorisation des matières résiduelles et l'amélioration des mécanismes de production. En théorie, l'écologie industrielle va au-delà des 3R-V-E (réduction à la source - réutilisation - recyclage - valorisation - élimination)"9 Bien que ce concept soit généralement appliqué à diverses productions industrielles et manufacturières, c'est dans la gestion des déchets organiques - et plus précisément dans la biométhanisation - que celui-ci se comprend le plus aisément, tel qu'illustré ci-dessous par Biogasmax, un projet de l'Union européenne qui incluait des projets de biométhanisation dans plusieurs villes européennes. 9 http://www.cttei.qc.ca/ei_introduction.php Consulté le 29 novembre 2011. 28
Figure 2 Cycle de production /utilisation du biogaz/digestat Source: http://www.biogasmax.fr/fabrication-biogaz-production-biomethane/fabrication-biogaz-cycle-de-vie-biocarburant.html Pourquoi ce concept est-il intéressant pour la Ville de Montréal? Parce qu'il permet de démontrer qu'une grande partie des déchets, de fait, n'en sont pas. Cette vision d'écologie industrielle s'inscrit donc en complémentarité avec les autres initiatives que pratique déjà la Ville de Montréal. Le concept d'écologie industrielle peut être appliqué pour sensibiliser ou soutenir la sensibilisation à l'éco-conception, à l'efficacité énergétique et à d'autres pratiques environnementales. RECOMMANDATION 17: UTILISER LA PRODUCTION/UTILISATION DU BIOGAZ/BIOMÉTHANE POUR EXPLIQUER LE CONCEPT D'ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE DE FAÇON À POUVOIR L'APPLIQUER À D'AUTRES SECTEURS DE L'ENVIRONNEMENT, DONT LES 3-RV MAIS ÉGALEMENT PAR UN SOUTIEN À L'ÉCO-CONCEPTION, À L'EFFICACITÉ ÉNÉRGÉTIQUE, ETC. 29
Conclusion Pour rédiger ce mémoire, il eut été bien plus facile de s'en tenir à la question des odeurs et du déplacement des camions mais dans ce cas précis, les équipes techniques auraient pu faire de simples consultations publiques locales. Pour suivre le dossier depuis 2004, je sais à quel point le développement d'une énergie locale provenant des déchets organiques a le potentiel de réduire les problèmes de pollution tout en servant de levier pour accélérer les changements de comportement pour réduire plus massivement notre empreinte écologique, alors que les changements climatiques commencent à devenir une inquiétante réalité. La Ville de Montréal n'a pas l'obligation d'être proactive en implantant un modèle de soutien aux quartiers où sont implantés les installations, tel que proposé dans ce mémoire. Toutefois, le fait d'agir ainsi pourrait créer un modèle enviable et qui renforcerait la cohésion des quartiers moins favorisés, dont les citoyennes et citoyens ont trop souvent l'impression d'habiter dans des quartiers considérés comme adéquats comme "poubelles" de la grande ville. Peut-être est-ce temps de créer d'autres modèles qui vont plus loin que le "business as usual" et les responsabilités municipales de base. Tout le monde, à commencer par la Ville de Montréal, ses arrondissements et son monde, y gagnera! 30
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