Utilisation des formes non pharmaceutiques d'Artemisia - Programme mondial de lutte antipaludique
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Pro gra m m e mondi al de lutte a n t i p a l u d i q u e Utilisation des formes non pharmaceutiques d’Artemisia
Pro gra m m e mondi al de lutte a n t i p a l u d i q u e Utilisation des formes non pharmaceutiques d’Artemisia
Utilisation des formes non pharmaceutiques d’Artemisia [The use of non-pharmaceutical forms of Artemisia] WHO/CDS/GMP/2019.14 © Organisation mondiale de la Santé 2020 Certains droits réservés. La présente publication est disponible sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 3.0 IGO (CC BY NC-SA 3.0 IGO ; https:// creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/igo/deed.fr). Aux termes de cette licence, vous pouvez copier, distribuer et adapter l’oeuvre à des fins non commerciales, pour autant que l’oeuvre soit citée de manière appropriée, comme il est indiqué ci dessous. Dans l’utilisation qui sera faite de l’oeuvre, quelle qu’elle soit, il ne devra pas être suggéré que l’OMS approuve une organisation, des produits ou des services particuliers. L’utilisation de l’emblème de l’OMS est interdite. Si vous adaptez cette oeuvre, vous êtes tenu de diffuser toute nouvelle oeuvre sous la même licence Creative Commons ou sous une licence équivalente. Si vous traduisez cette oeuvre, il vous est demandé d’ajouter la clause de non responsabilité suivante à la citation suggérée : « La présente traduction n’a pas été établie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’OMS ne saurait être tenue pour responsable du contenu ou de l’exactitude de la présente traduction. L’édition originale anglaise est l’édition authentique qui fait foi ». Toute médiation relative à un différend survenu dans le cadre de la licence sera menée conformément au Règlement de médiation de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Citation suggérée. Utilisation des formes non pharmaceutiques d’Artemisia [The use of non-pharmaceutical forms of Artemisia] : Organisation mondiale de la Santé ; 2020. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO. Catalogage à la source. Disponible à l’adresse http://apps.who.int/iris. Ventes, droits et licences. Pour acheter les publications de l’OMS, voir http://apps.who.int/bookorders. Pour soumettre une demande en vue d’un usage commercial ou une demande concernant les droits et licences, voir http://www.who. int/about/licensing. Matériel attribué à des tiers. Si vous souhaitez réutiliser du matériel figurant dans la présente oeuvre qui est attribué à un tiers, tel que des tableaux, figures ou images, il vous appartient de déterminer si une permission doit être obtenue pour un tel usage et d’obtenir cette permission du titulaire du droit d’auteur. L’utilisateur s’expose seul au risque de plaintes résultant d’une infraction au droit d’auteur dont est titulaire un tiers sur un élément de la présente oeuvre. Clause générale de non responsabilité. Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’OMS aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Les traits discontinus formés d’une succession de points ou de tirets sur les cartes représentent des frontières approximatives dont le tracé peut ne pas avoir fait l’objet d’un accord définitif. La mention de firmes et de produits commerciaux ne signifie pas que ces firmes et ces produits commerciaux sont agréés ou recommandés par l’OMS, de préférence à d’autres de nature analogue. Sauf erreur ou omission, une majuscule initiale indique qu’il s’agit d’un nom déposé. L’Organisation mondiale de la Santé a pris toutes les précautions raisonnables pour vérifier les informations contenues dans la présente publication. Toutefois, le matériel publié est diffusé sans aucune garantie, expresse ou implicite. La responsabilité de l’interprétation et de l’utilisation dudit matériel incombe au lecteur. En aucun cas, l’OMS ne saurait être tenue responsable des préjudices subis du fait de son utilisation. II
Table des matières Position de l’OMS quant à l’utilisation des formes non pharmaceutiques d’Artemisia v Introduction 1 La découverte de l’artémisinine 1 L’artémisinine et ses dérivés 2 Développement des CTA 4 Résistance 5 Surveillance du traitement recommandé du paludisme non compliqué 6 Utilisation des formes non pharmaceutique d’Artemisia contre le paludisme 7 A. annua 7 Autres espèces d’Artemisia utilisées dans des remèdes à base de plantes médicinales 9 UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA Efficacité des formes non pharmaceutiques d’Artemisia contre le paludisme 10 Références 16 iii
POSITION DE L’OMS QUANT À L’UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA L’OMS ne justifie pas la promotion des matières végétales d’Artemisia ou leur utilisation sous une quelconque forme pour la prévention ou le traitement du paludisme. Cette position est fondée sur les considérations suivantes : • La composition des remèdes à base d’Artemisia prescrits pour le traitement et la prévention du paludisme varie grandement. La composition et la qualité des remèdes à base d’Artemisia sont affectées par les variations dans la composition des matières végétales et de la méthode de préparation. Plusieurs facteurs peuvent affecter la composition d’Artemisia, notamment la génétique, le moment de la récolte, la température, la disponibilité des nutriments et l’endroit de la plante où les feuilles sont prélevées. La composition des matières végétales varie en fonction du traitement, des procédés de séchage et des conditions de conservation. Il n’est pas possible de mettre en œuvre le niveau de contrôle de qualité nécessaire lors des étapes de culture, de récolte et d’après-récolte d’Artemisia dans le contexte d’une culture locale ou à petite échelle. La méthode de préparation est aussi source de variation. La composition d’une infusion d’Artemisia est grandement influencée par des facteurs tels que la température et l’eau. Même lorsque le produit est conditionné sous forme de comprimé ou de gélule, la composition de ces derniers sera différente de celle du matériau source initial. • La concentration des remèdes à base d’Artemisia est souvent insuffisante pour tuer la totalité des parasites du paludisme dans le sang d’un patient et prévenir leur recrudescence. Pour obtenir des taux d’efficacité élevés, il est nécessaire d’administrer des concentrations suffisantes d’artémisinine qui doivent être absorbées en l’espace de sept jours. Les propriétés pharmacologiques de l’artémisinine sont telles que les doses administrées doivent être plus importantes à la fin du traitement qu’au début pour assurer les mêmes concentrations de ce principe actif dans le sang. Une durée de traitement trop courte ou des concentrations UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA trop faibles d’artémisinine dans le sang entraînent soit l’échec de la clearance des parasites du sang soit des taux élevés de recrudescence. Artemisia annua contient des concentrations variables d’artémisinine. Les remèdes à base de plantes médicinales qui utilisent A. annua et contiennent une concentration élevée en artémisinine peuvent améliorer les symptômes, mais entraîneront vraisemblablement des taux de recrudescence élevés. Les éléments de preuve disponibles n’étayent pas les déclarations selon lesquelles l’activité antipaludique d’autres composants de la plante ou une synergie entre l’artémisinine et d’autres composants augmenteraient sensiblement l’efficacité des formes non pharmaceutiques d’A. annua. A. afra ne contient pas d’artémisinine ni d’autres composés identifiés comme ayant une activité antipaludique importante in vitro. v
• L’utilisation généralisée de remèdes à base d’A. annua pourrait accélérer le développement et la propagation de la résistance à l’artémisinine. L’artémisinine et les dérivés d’artémisinine sont des composants essentiels des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) utilisées pour traiter des millions de personnes atteintes de paludisme. L’artésunate, un dérivé de l’artémisinine, est utilisé pour sauver la vie des personnes atteintes de paludisme sévère. Une résistance qui provoquerait la perte d’efficacité de ces médicaments serait désastreuse. En 2007, les États membres de l’OMS ont adopté la résolution WHA60.18 de l’Assemblée mondiale de la Santé appelant au retrait progressif des marchés des monothérapies à base d’artémisinine par voie orale et au déploiement des CTA pour les remplacer. Cette décision a été prise pour protéger les médicaments à base d’artémisinine contre la résistance. Si la consommation d’A. annua se généralise, une éventuelle faible activité antipaludique d’autres composants d’A. annua ne suffirait pas à protéger l’artémisinine contre la résistance. Cette résistance a plus de probabilités de se développer et se propager lorsqu’une population de parasites est exposée à des niveaux infrathérapeutiques de l’antipaludique. La composition variable des remèdes à base d’A. annua implique que l’utilisation généralisée de ces remèdes pourrait signifier que de nombreuses personnes présentent de tels niveaux infrathérapeutiques d’artémisinine dans leur sang. • Quelle que soit la forme, l’artémisinine n’est pas très efficace pour la prévention du paludisme. Sa demi-vie d’élimination est courte, ce qui signifie qu’elle ne persiste que pendant une courte durée dans le sang à des concentrations thérapeutiques. Par conséquent, l’artémisinine n’est pas préconisée pour une utilisation en chimioprophylaxie du paludisme sous quelque forme que ce soit. • Des traitements abordables et efficaces contre le paludisme sont disponibles. L’OMS recommande les CTA pour le traitement du paludisme non compliqué à P. falciparum. La résistance partielle à l’artémisinine et la résistance à quelques médicaments partenaires sont problématiques dans certaines parties de l’Asie du Sud-Est. Il existe cependant encore des traitements très efficaces susceptibles d’éliminer toutes les souches de paludisme. Toutes les personnes atteintes de paludisme doivent avoir accès à ces CTA. Les pays devraient renforcer leurs systèmes de réglementation pour protéger les patients contre les traitements contrefaits et non conformes qui englobent tous les produits sensés traiter le paludisme et ne fournissent pas les informations nécessaires sur leur composition, leur qualité, leur innocuité et leur efficacité. Les médicaments à base de plantes médicinales ont constitué une source importante pour la découverte d’antipaludiques. Il n’est pas à exclure que des composés antipaludiques futurs soient aussi découverts grâce à des recherches portant sur les traitements à base de plantes médicinales utilisés dans le passé. Cependant, toute recherche médicale portant sur des humains se doit de respecter des principes déontologiques et doit être approuvée par les comités d’éthique locaux. Le bien-être du sujet de recherche doit prévaloir sur tous les autres intérêts. La recherche médicale impliquant des êtres humains doit respecter les principes scientifiques généralement admis et se fonder sur une connaissance approfondie de la littérature scientifique, d’autres sources d’information pertinentes et une expérimentation adéquate en laboratoire.* * Déclaration d’Helsinki de l’AMM : principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des êtres humains. Ferney-Voltaire : Association médicale mondiale ; 2018 (https://www.wma.net/fr/ policies-post/declaration-dhelsinki-de-lamm-principes-ethiques-applicables-a-la-recherche-medicale- impliquant-des-etres-humains/, consulté le 1er août 2019) vi
INTRODUCTION La recherche sur les remèdes à base de plantes médicinales utilisés par le passé a permis de découvrir des traitements antipaludiques qui ont sauvé des millions de vies. L’écorce en poudre d’arbre à quinquina était utilisée pour traiter le paludisme, initialement en Amérique du Sud et par la suite, dans le monde entier. La quinine a d’abord été isolée de l’écorce de l’arbre à quinquina en 1820, et il a rapidement été démontré que la puissance du composé pur était supérieure à celle des tisanes faites à partir de l’écorce. Lorsque le composé pur est devenu disponible, il a été possible d’établir un dosage adéquat : c’est ainsi qu’est né le premier agent chimiothérapeutique moderne contre le paludisme (1, 2). Actuellement, les traitements antipaludiques les plus couramment utilisés, à savoir les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA), sont produits à partir du composé artémisinine pur extrait de la plante Artemisia annua. Il existe encore des CTA disponibles, capables de traiter l’ensemble des souches de paludisme, malgré une résistance partielle à l’artémisinine en Asie du Sud-Est et une résistance aux médicaments partenaires utilisés dans les CTA. Cependant, dans les pays où le paludisme est endémique, les CTA ne sont pas toujours disponibles, sont très chers ou de qualité non conforme. Ce sont ces difficultés qui sont invoquées en partie pour promouvoir les matières végétales d’Artemisia en tant que médicaments abordables et autonomes contre le paludisme. Les remèdes traditionnels à base de plantes médicinales présentent certaines limites, en particulier lorsqu’ils sont utilisés pour traiter des maladies potentiellement mortelles comme le paludisme. Les principales limites sont en lien avec la standardisation de la culture des plantes et la préparation des formulations, les dosages, l’assurance qualité et les éléments de preuve quant à l’innocuité et l’efficacité cliniques. Le présent document a pour objet d’examiner les éléments de preuve relatifs à l’efficacité des formes non pharmaceutiques d’Artemisia et de débattre des limites de ces remèdes à base de plantes médicinales. LA DÉCOUVERTE DE L’ARTÉMISININE La recherche de nouveaux médicaments antipaludiques a été motivée par la propagation de la résistance aux médicaments antipaludiques les plus couramment utilisés. On a commencé à utiliser la chloroquine en 1934, mais il a fallu attendre les années 1950 pour que son utilisation se généralise. La résistance à la chloroquine UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA est apparue en 1957 en deux endroits différents : en Amérique du Sud et le long de la frontière qui sépare le Cambodge de la Thaïlande. La résistance s’est propagée depuis les zones longeant cette frontière vers l’ensemble de l’Asie du Sud-Est (3). Pendant la guerre entre le Viet Nam et les États-Unis, le gouvernement vietnamien a demandé de l’aide à la Chine pour la prise en charge du paludisme résistant aux médicaments à base de chloroquine qui touchait ses forces militaires (4). En 1967, la Chine a lancé le projet 523, dont le but était de trouver de nouveaux médicaments contre le paludisme. Le projet impliquait 60 organismes de recherche et plus de 500 scientifiques (5). Dans le cadre de ce projet, les scientifiques chinois ont examiné d’anciens textes de médecine, analysé plus de 2 000 formulations et testé des extraits de plus de 100 plantes sur les parasites du paludisme chez les rongeurs, à savoir Plasmodium berghei. La plante A. annua était citée dans plusieurs des formulations et les premiers extraits d’A. annua ont démontré une 1
activité antipaludique. Cependant, cette activité était très variable et les résultats n’étaient pas satisfaisants. Une formulation datant de 341 ans apr. J.-C. pour traiter la fièvre prescrivait le jus d’A. annua produit avec de l’eau froide et non par la méthode traditionnelle de la décoction. Aucun élément de preuve n’atteste que les Chinois utilisaient A. annua sous forme de tisane. Le professeur Tu Youyou, qui a reçu le prix Nobel de médecine en 2015 pour sa découverte de l’artémisinine, a pris conscience que les températures élevées pourraient entraîner l’instabilité de l’activité antipaludique et a suggéré que c’étaient probablement les feuilles de la plante qui présentaient l’activité la plus forte. S’appuyant sur ce résultat, les chercheurs chinois ont produit un extrait utilisant un procédé à faible température avec de l’éther. Cet extrait a été très efficace contre le paludisme chez les rongeurs et les singes. Les résultats ont motivé des efforts dans l’ensemble du pays impliquant un grand nombre de chercheurs de plusieurs institutions. Le but consistait à extraire de grandes quantités de l’ingrédient pur et de déterminer sa structure chimique et en faire la synthèse. L’antipaludique actif a été identifié en 1972 et appelé qinghaosu (ou artémisinine en français) (6). Les essais cliniques, qui ont démarré en 1972, ont confirmé une forte activité antipaludique de l’artémisinine aussi bien contre le paludisme non compliqué que contre le paludisme sévère. Les résultats ont été publiés en 1979 (5, 7). Malgré les progrès récents accomplis dans la production de l’artémisinine semi-synthétique, utilisant une extraction par une levure, A. annua reste la principale source du médicament (8). L’ARTÉMISININE ET SES DÉRIVÉS L’artémisinine a été identifiée comme une sesquiterpène lactone portant un groupe peroxyde. Elle est essentiellement insoluble dans l’eau et dans l’huile. Ceci, de pair avec les taux de recrudescence élevés observés, a motivé les scientifiques chinois à mener d’autres recherches pour développer des dérivés de l’artémisinine. Ils ont trouvé que le groupe peroxy dans l’artémisinine jouait un rôle important dans l’activité antipaludique et devait être conservé dans les dérivés pour préserver l’effet antipaludique. Un traitement de l’artémisinine avec du borohydrure de sodium produisait de la dihydroartémisinine qui s’avérait être un antipaludique bien plus puissant que l’artémisinine. La dihydroartémisinine a constitué le fondement pour le développement de dérivés solubles dans l’huile et dans l’eau. Parmi les dérivés développés à partir de la dihydroartémisinine, les chercheurs chinois ont sélectionné deux composés pour des essais à plus grande échelle fondés sur leur stabilité et leur efficacité antipaludique : l’artéméther soluble dans l’huile et l’artésunate soluble dans l’eau (9–11). Pharmacocinétique et métabolisme Plusieurs préparations et voies d’administration de l’artémisinine ont été testées. Même si l’artémisinine n’est soluble ni dans l’huile ni dans l’eau, les premiers essais ont inclus l’administration de l’artémisinine en suspension dans de l’huile ou de l’eau, en plus des voies d’administration rectale et orale. Les chercheurs chinois et d’autres ont utilisé une dose de 10 mg/kg d’artémisinine par jour, avec la possibilité d’une dose d’attaque de 20 mg/kg le premier jour (12). À la différence de l’artésunate et de l’artéméther, l’artémisinine n’est pas métabolisée en dihydroartémisinine, mais agit en tant qu’antipaludique primaire. L’artémisinine est principalement convertie en métabolites inactifs, comme la désoxyartémisinine et la dihydrodésoxyartémisinine (13, 14). 2
La demi-vie d’élimination de l’artémisinine est d’environ trois heures (15, 16). Après l’administration du médicament, l’exposition totale au médicament dans le temps dépend à la fois de l’absorption du médicament et de la vitesse d’élimination. Une absorption rapide, mais incomplète a été observée dans le cas de l’artémisinine. Une première étude a démontré une biodisponibilité relative de 32 % si l’on compare l’administration orale de l’artémisinine à l’administration en intramusculaire d’artémisinine en suspension dans de l’huile (17). Plusieurs médicaments à base d’artémisinine sont des inducteurs d’enzymes qui métabolisent des enzymes ayant pour effet d’augmenter la clairance du médicament et conduisant à une diminution de la concentration plasmatique après un dosage répété (18). Des études ont montré que l’artémisinine a un effet auto-inductif d’une ampleur exceptionnelle sur le métabolisme du médicament (19). L’artéméther subit aussi une auto-induction, mais dans une moindre mesure que l’artémisinine (20, 21). L’auto-induction de l’artémisinine entraîne une diminution sept fois plus importante de sa concentration plasmatique sur une période de cinq à sept jours d’administration (19). La capacité d’induction globale d’un médicament dépend de l’effet combiné du médicament d’origine et de ses métabolites. À la différence de l’artéméther, l’artémisinine est métabolisée pour former au moins un métabolite inducteur, la désoxyartémisinine. Cela permet d’expliquer pourquoi l’auto-induction persiste pendant plusieurs jours après l’administration d’une dose unique d’artémisinine, malgré la courte demi-vie d’élimination de cette substance (14, 18, 19, 21–23). De ce fait, en cas d’administration répétée d’artémisinine, la dose doit être augmentée pour obtenir les mêmes concentrations plasmatiques. Dans le cas contraire, l’administration répétée de la dose peut entraîner des concentrations infrathérapeutiques du médicament. Efficacité La puissance de l’artémisinine et de ses dérivés a été évaluée dans plusieurs expériences in vitro avec différentes souches de P. falciparum. Pour déterminer la concentration de médicament nécessaire pour inhiber 50 % de l’activité du parasite, on a trouvé que la CI50 de l’artémisinine était de deux à cinq fois moins puissante que celle de ses dérivés, à savoir dihydroartémisinine, artésunate et artéméther (24, 25). En conséquence, il est nécessaire d’administrer des doses plus élevées d’artémisinine pour obtenir la même activité antipaludique. L’efficacité du médicament in vivo est évaluée par rapport à la proportion de patients chez qui l’infection réapparaît au cours d’une période définie et, dans une moindre mesure, la vitesse à laquelle les symptômes disparaissent et la parasitémie diminue. L’artémisinine et ses dérivés agissent sur un éventail plus large de phases asexuées des parasites que d’autres antipaludiques. De ce fait, l’artémisinine et ses dérivés peuvent rapidement diminuer la parasitémie et obtenir une réponse clinique UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA rapide. Cependant, déjà les études chinoises les plus anciennes ont montré que si l’artémisinine est administrée par voie orale pendant trois jours seulement, une grande proportion des patients présenteront une récidive de la parasitémie en l’espace de 28 jours. Pour éviter cette récidive, il est nécessaire d’administrer l’artémisinine ou l’un de ses dérivés sous forme de monothérapie pendant une période de sept jours (7, 26). Cependant, dans la pratique, la réponse clinique rapide signifie que les patients se sentent bien après quelques jours de traitement, ce qui diminue l’adhésion à la durée totale de sept jours. 3
DÉVELOPPEMENT DES CTA Les avantages et les inconvénients de l’artémisinine et de ses dérivés ont été clairs dès les premiers essais cliniques. Les médicaments sont bien tolérés et agissent rapidement. Ils réduisent rapidement le nombre de parasites dans le sang. Cependant, les concentrations plasmatiques efficaces du médicament ne sont maintenues que pendant une courte période après l’administration du médicament, et des traitements par voie orale de courte durée entraînent des taux élevés de recrudescence. En se fondant sur ces résultats, l’idée visant à combiner un dérivé de l’artémisinine avec un médicament partenaire dont la demi-vie est plus longue a rapidement vu le jour. Les CTA profitent de l’action rapide des dérivés de l’artémisinine, tandis que le médicament partenaire aide à prévenir la recrudescence, même après une courte durée de traitement de trois jours (27). Les dérivés suivants de l’artémisinine sont utilisés dans les CTA actuellement préconisés par l’OMS pour le traitement du paludisme non compliqué à P. falciparum (voir l’encadré 1 pour les recommandations) : • artéméther (dans la combinaison artéméther-luméfantrine), • l’artésunate (dans les combinaisons artésunate-amodiaquine, artésunate- méfloquine, artésunate-sulfadoxine-pyriméthamine, et artésunate- pyronaridine*), et • dihydroartémisinine (dans la combinaison dihydroartémisinine-pipéraquine) (20). Les médicaments à base d’artémisinine sont difficiles à fabriquer et à coformuler avec d’autres composés. Ils sont très sensibles à la dégradation à des températures et des humidités élevées. L’industrie pharmaceutique a contribué à l’amélioration de la qualité des médicaments antipaludiques en faisant en sorte que les préparations, la fabrication et la conservation respectent les bonnes pratiques de fabrication (BPF) et les bonnes pratiques de laboratoire (BPL). Le programme de préqualification de l’OMS (OMS/ PQP) évalue la qualité de produits pharmaceutiques spécifiques après un examen des dossiers de produit soumis par le fabricant et une inspection du site de fabrication. ENCADRÉ 1. RECOMMANDATIONS DE L’OMS POUR LE TRAITEMENT DU PALUDISME Recommandations de l’OMS L’OMS recommande les CTA pour le traitement en première et deuxième intention du paludisme non compliqué à P. falciparum, ainsi que pour le traitement du paludisme à P. vivax résistant à la chloroquine. Actuellement, cinq CTA différentes sont préconisées par l’OMS (20). Dans les régions où d’autres CTA n’ont pas l’effet escompté, l’utilisation de la combinaison artésunate- amodiaquine, nouvelle CTA ayant reçu un avis scientifique favorable de la part de l’Agence européenne des médicaments, est à envisager. Dans le cas du paludisme sévère, l’OMS recommande l’artésunate injectable ou l’artéméther injectable lorsque l’artésunate n’est pas disponible. Le traitement par artésunate ou artéméther injectable doit être suivi d’un traitement sur trois jours pleins par une CTA après l’administration parentérale du traitement pendant au moins 24 heures et lorsque l’administration par voie orale est bien tolérée. * Actuellement recommandée pour une utilisation exclusive dans des régions où l’on observe une multirésistance aux médicaments et où il existe peu de traitements alternatifs 4
RÉSISTANCE Un échec du traitement survient quand celui-ci ne parvient pas à éliminer les parasites du sang du patient ou à prévenir leur recrudescence. La résistance au médicament est une cause possible de l’échec du traitement, mais d’autres facteurs peuvent aussi contribuer à cet échec, notamment un dosage inadéquat, un mauvais respect du traitement par le patient, une mauvaise qualité du médicament et des interactions médicamenteuses (pour les définitions, voir l’encadré 2). La résistance au médicament est le résultat de changements génétiques qui se produisent de manière aléatoire. Si un trait génétique confère au parasite un avantage en termes de survie lorsqu’il est exposé à un médicament, ce trait génétique peut être sélectionné sous la pression du médicament. Pour certains médicaments, un seul événement génétique peut suffire ; dans d’autres cas, plusieurs événements indépendants sont nécessaires (28). La sélection d’un trait génétique qui procure un avantage en termes de survie est plus probable lorsque la population de parasites est exposée à des niveaux infrathérapeutiques d’un médicament antipaludique (29). La perte d’autres médicaments et la dépendance vis-à-vis des dérivés de l’artémisinine pour le traitement de millions de personnes atteintes de paludisme à P. falciparum chaque année a soulevé des inquiétudes considérables concernant l’émergence possible d’une résistance à l’artémisinine et à ses dérivés. Le développement de CTA associant un dérivé de l’artémisinine à un médicament partenaire permet de s’assurer que les parasites ne sont pas exposés à des doses thérapeutiques ou infrathérapeutiques de la seule artémisinine. Cependant, l’utilisation généralisée de différentes formes de monothérapies à base d’artémisinine par voie orale (MAo) continue de représenter une menace pour l’artémisinine et ses dérivés. Les risques des MAo sont accrus du fait que de nombreux patients interrompent prématurément leur traitement. En conséquence, en 2007, les États membres de l’OMS ont adopté la résolution WHA60.18 de l’Assemblée mondiale de la Santé appelant au retrait progressif des MAo des marchés et au déploiement des CTA pour les remplacer (30). On n’a pas encore décelé dans le monde de résistance complète à l’artémisinine et à ses dérivés. Dans la sous-région du Bassin du Mékong, on a observé un décalage de la clearance parasitaire après le traitement, ce qui fait qu’un nombre plus important de patients présentent encore des parasites dans le sang le troisième jour après le début d’un traitement par MAo ou CTA. Ce retard dans la disparition des parasites est appelé résistance partielle à l’artémisinine. Cependant, si la monothérapie est administrée aux bonnes doses pendant sept jours ou si le médicament partenaire de la CTA est efficace, les parasites disparaîtront et le patient guérira. On a trouvé que les changements dans le délai de disparation étaient associés à plusieurs mutations génétiques dans la région UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA du gène PfKelch13 (K13) codant le domaine en hélice (31). 5
ENCADRÉ 2. DÉFINITION DE LA RÉSISTANCE • Échec du traitement : incapacité à éliminer les parasites du sang d’un patient ou de prévenir une recrudescence après l’administration d’un médicament antipaludique. De nombreux facteurs contribuent à l’échec du traitement, notamment un dosage inadéquat, un mauvais respect du traitement de la part du patient, une mauvaise qualité du médicament, des interactions médicamenteuses et la résistance. • Résistance au médicament antipaludique : capacité d’une souche de parasites à survivre et/ou à se multiplier malgré l’administration et l’absorption d’un médicament administré à des doses supérieures ou égales à celle habituellement recommandée, mais dans les limites de la tolérance du sujet. • Multirésistance aux médicaments (MR) : résistance à plus de deux composés antipaludiques de différentes classes chimiques. Ce terme fait généralement référence à la résistance de P. falciparum à la chloroquine, à la combinaison sulfadoxine-pyriméthamine et à un troisième composé antipaludique. • Résistance partielle à l’artémisinine : retard de la disparition des parasites après un traitement par une monothérapie à l’artésunate ou avec une CTA. SURVEILLANCE DU TRAITEMENT RECOMMANDÉ DU PALUDISME NON COMPLIQUÉ Les recommandations pour le traitement en première et deuxième intention de patients atteints de paludisme doivent être fondées sur des informations à jour sur l’efficacité des médicaments. Des tests d’efficacité thérapeutique (TET) réalisés à intervalles réguliers sur les mêmes sites permettent de déceler précocement des changements dans la sensibilité des parasites et de revoir rapidement les politiques de traitement du paludisme. Les TET sont réalisés conformément à un protocole standard dans lequel l’administration du médicament est suivie, les résultats des examens microscopiques des étalements de sang sont validés et l’origine et la qualité des médicaments sont vérifiées. Les résultats thérapeutiques sont évalués le dernier jour de l’étude (jour 28 ou 42) (32). Les TET peuvent être complétés par une surveillance des modifications génétiques liées à la résistance. Certains pays préconisent une seule CTA pour un traitement en première intention, alors que d’autres en préconisent plusieurs. Les combinaisons artéméther-luméfantrine ou artésunate-amodiaquine sont les traitements en première intention utilisés dans la plupart des pays africains pour le traitement du paludisme non compliqué à P. falciparum. Certains pays admettent aussi en première intention un traitement par la combinaison dihydroartémisinine-pipéraquine. Les TET ont démontré que l’efficacité des CTA testées était généralement très élevée. De 2010 à 2017, les TET utilisant les combinaisons artéméther-luméfantrine, artésunate- amodiaquine, et dihydroartémisinine-pipéraquine ont obtenu des taux d’efficacité moyens de 98,1 %, 98,5 % et 99,3 %, respectivement. On a identifié quelques cas particuliers d’études démontrant des taux d’échec supérieurs. Cependant, lorsque ces études ont été répétées, elles n’ont pas donné lieu à des taux d’échec similaires (33). 6
UTILISATION NON PHARMACEUTIQUE D’ARTEMISIA CONTRE LE PALUDISME Artemisia est un genre vaste et divers de plantes qui rassemble près de 400 espèces. Les quantités les plus élevées d’artémisinine ont été trouvées dans A. annua, mais A. apiacea et A. lancea en présentent aussi de moindres quantités. Certains chercheurs pensent que ce n’est pas l’espèce A. annua mais l’espèce A. apiacea qui a été utilisée en Chine il y a 2 000 ans (34). A. afra est une espèce d’Artemisia qui ne contient pas d’artémisinine, mais qui a été proposée pour traiter le paludisme. La présentation ci-dessous s’intéresse principalement à A. annua puis à A. afra, car ce sont les espèces d’Artemisia pour lesquelles le volume d’informations disponibles est le plus important. Ce sont aussi les espèces qui sont le plus préconisées pour un traitement possible du paludisme. A. ANNUA A. annua tire son nom du fait qu’il s’agit du seul membre du genre à présenter un cycle annuel. Cette plante est originaire de l’Asie, mais elle pousse désormais dans de nombreux pays, notamment en Afrique, en Europe et en Afrique du Sud. Même si A. annua est issue de climats tempérés, elle a été cultivée dans des régions tropicales et subtropicales (35). Culture et transformation d’A. annua La quantité d’artémisinine trouvée est variable. Des concentrations allant de 0,02 % à 1,07 % ont été signalées dans les feuilles séchées d’échantillons sauvages. Des hybrides ont été cultivés avec une concentration en artémisinine de 1,38 % dans les feuilles séchées. Des expériences ont permis d’atteindre des concentrations jusqu’à 2 %. Outre la génétique, de nombreux facteurs influent sur la concentration en artémisinine, notamment le moment de la récolte, la température, la disponibilité en nutriments et l’endroit de la plante d’où les feuilles sont prélevées (36). Le traitement, les procédés de séchage et les conditions de conservation influent aussi sur la concentration en artémisinine. Une teneur en humidité trop élevée des feuilles peut entraîner la présence de moisissures, de levures et de bactéries. Pendant la conservation, l’humidité relative et la température de l’air peuvent avoir un effet important sur la stabilité de l’artémisinine. Même à 20 °C, une humidité relative de l’air de 85 % entraînera une dégradation de l’artémisinine après six mois de conservation. UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA Indépendamment de l’humidité, une conservation à plus de 40 °C entraînera une perte de la concentration en artémisinine (37). A. annua contient, en plus de l’artémisinine, de nombreux composés de différentes classes chimiques, notamment des terpènes, des flavonoïdes et des acides phénoliques (38, 39). On dispose de peu d’informations sur les effets de la culture, de la récolte, du séchage, de la conservation et des procédés de préparation sur les quantités des autres composés chimiques présents dans A. annua (38). Cependant, l’on sait que la concentration des autres composés est fonction de l’endroit où la plante est cultivée et de la souche utilisée. L’OMS a élaboré des directives sur les bonnes pratiques agricoles et les bonnes pratiques de récolte (BPAR) relatives aux plantes médicinales (40), y compris des directives spécifiques pour A. annua L. (41). Même si l’idée de cultures locales ou à 7
petite échelle d’Artemisia comme source pour un traitement contre le paludisme est intéressante, les pratiques et les procédures permettant d’assurer que les éléments utilisés présentent la concentration attendue sont difficiles à établir et à maintenir. Ces pratiques sont généralement impossibles à mettre en œuvre dans le contexte d’une culture à petite échelle. Si l’on compare les cultures à grande et à petite échelle, on observe une perte moyenne de 0,3 % de la concentration en artémisinine. De ce fait, la concentration et la qualité des matières végétales d’Artemisia préconisées pour une utilisation en tant que remèdes à base de plantes médicinales pour le traitement et la prévention du paludisme varient sensiblement. Méthodes de préparation des remèdes à base d’A. annua Différentes méthodes de préparation ont été proposées pour les matières végétales d’A. annua. Elles incluent la préparation de jus à partir de l’ensemble de la plante à l’état frais ou la préparation d’une tisane à partir des feuilles séchées. Récemment, des chercheurs ont suggéré de remplacer la tisane par l’ingestion de feuilles sèches en poudre pour une utilisation thérapeutique. Les feuilles en poudre sont soit intégrées dans des gélules de cellulose ou de gélatine soit compressées pour former des comprimés (38, 42–45). Dans le texte ancien de la Materia Medica chinoise, la méthode prescrite consistait à faire macérer dans de l’eau la plante (feuilles et tige) à l’état frais, puis à l’essorer pour en ingérer le jus. Dans des références chinoises ultérieures, une autre méthode consistait à faire macérer la plante dans de l’urine à la place de l’eau ou à broyer la plante à l’état frais pour produire un jus (34, 46). Ceux qui préconisent la tisane à base d’artémisinine suggèrent généralement d’ajouter 1 L d’eau bouillante à 5 g de feuilles séchées, et de laisser le mélange refroidir pendant 15 minutes avant de le filtrer. La recommandation la plus fréquente est de boire 1 L de cette tisane en l’espace de 24 heures, pendant sept jours de suite (https://maison-artemisia.org) (47). Certaines personnes vont jusqu’à suggérer une administration de la tisane par voie rectale sous forme de lavement chez des patients inconscients (https://anamed.org/en/). D’autres méthodes de préparation testées pour obtenir la tisane prévoient d’ajouter 9 g au lieu de 5 g de feuilles séchées par litre d’eau, de laisser les feuilles macérer pendant plus ou moins 15 minutes avant de les filtrer, d’agiter la tisane de manière répétée pendant qu’elle refroidit, ou d’extraire l’eau des feuilles après la filtration. Une autre méthode consiste à, au lieu d’ajouter de l’eau bouillante aux feuilles séchées, d’ajouter les feuilles dans l’eau, de chauffer le mélange jusqu’au point d’ébullition et de faire bouillir pendant un certain temps avant de filtrer (47–51). Teneur des remèdes à base d’A. annua La méthode de préparation influe sur la quantité d’artémisinine et d’autres composés chimiques qui seront administrés et absorbés. Peu de recherches ont porté sur les méthodes traditionnelles consistant à faire tremper dans de l’eau l’ensemble de la plante à l’état frais, puis de l’essorer et la broyer. Une étude utilisant une plante hybride d’A. annua a trouvé que le jus résultant du broyage contenait jusqu’à 20 fois plus d’artémisinine par litre que la tisane réalisée à partir de feuilles séchées du même hybride (46). Aucune information n’est disponible quant à la vitesse à laquelle le contenu se dégrade dans le jus. Différentes études ont examiné les efficacités d’extraction de l’artémisinine lors de la préparation de la tisane à base d’artémisinine. Van der Kooy et Verpoorte (49) ont trouvé une efficacité d’extraction de 26,1 % lorsque de l’eau bouillante était ajoutée à 8
9 g de feuilles séchées et les feuilles macéraient dans l’eau pendant 10 minutes. Cette approche a permis d’obtenir des concentrations d’artémisinine de 23,9 ± 5,1 mg/L. Lorsque Räth et al. (52) ont utilisé une méthode similaire, la macération de 9 g de feuilles séchées pendant 10 minutes, mais en agitant brièvement le mélange et en essorant les feuilles après la filtration, l’efficacité d’extraction a atteint 76 %. Leur méthode a permis d’obtenir des concentrations d’artémisinine de 94,5 mg/L. Van der Kooy et Verpoorte (49) ont pu augmenter l’efficacité de l’extraction en faisant bouillir le mélange pendant deux à cinq minutes ; le fait de bouillir le mélange pendant 10 minutes a réduit l’efficacité de l’extraction. Dans l’ensemble, les études effectuées dans des conditions contrôlées utilisant 5 ou 9 g d’hybride d’A. annua ont trouvé que la concentration en artémisinine de la tisane variait de 8,36 mg à 117,2 mg par litre de tisane, en fonction de la méthode et de la matière végétale utilisées. Seulement dans l’une des études examinées, la concentration en artémisinine a dépassé 100 mg d’artémisinine par litre, ce qui équivaut à la dose quotidienne d’artémisinine qui serait administrée à un enfant pesant 10 kg (51, 53, 54). La faible concentration en artémisinine des extractions de jus, des tisanes et des infusions de matières végétales ont mené Elfawal et al. (44) à souligner que : « L’OMS a mis en garde contre l’utilisation de sources non pharmaceutiques d’artémisinine, car le fait d’administrer des doses infrathérapeutiques est susceptible d’aggraver le problème de résistance. Cette mise en garde est pertinente étant donné la faible teneur en artémisinine des extractions de jus, des tisanes et des infusions de matières végétales utilisées dans la plupart des traitements non pharmaceutiques à base de plantes. » Les auteurs ont ensuite défendu la consommation de feuilles séchées. Quelques auteurs ont proposé que la faible solubilité de l’artémisinine dans l’eau peut être surmontée par la présence de composants de la plante présentant des propriétés amphiphiles (48). D’autres auteurs ont conclu que d’autres composants de la plante peuvent diminuer la solubilité de l’artémisinine (52). Des études de stabilité montrent que lorsque l’artémisinine est présente dans la tisane, elle ne se dégrade pas à température ambiante pendant 24 heures (49). Aucune information n’est disponible quant à l’effet du type d’eau (eau de pluie, eau de rivière ou eau du robinet) sur l’extraction et la stabilité de l’artémisinine (53). Seule une partie de l’ensemble des composés présents dans les matières végétales d’A. annua a été identifiée dans les extractions à l’eau froide et les tisanes. Van der Kooy et Sullivan (53) ont signalé que plus 600 métabolites secondaires différents avaient été identifiés dans A. annua, mais seulement 37 composés dans les extractions à l’eau froide et les tisanes. Il s’agit principalement de terpènes, de phénols, d’acétylènes, de coumarines et de flavonoïdes (53). On a montré que même la préparation de gélules et de comprimés à partir de feuilles séchées altère UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA la composition. Par conséquent, il ne peut pas être présumé que les composés présents dans des comprimés ou des gélules sont les mêmes que ceux présents dans les feuilles séchées qui ont servi à leur préparation (42). AUTRES ESPÈCES D’ARTEMISIA UTILISÉES DANS DES REMÈDES À BASE DE PLANTES MÉDICINALES L’espèce A. afra pousse dans l’ensemble des parties méridionales et orientales de l’Afrique et est utilisée en médecine traditionnelle pour traiter plusieurs maladies allant de l’asthme aux rhumatismes en passant par le paludisme. Il s’agit d’un buisson ligneux pérenne pouvant atteindre 2 m de haut. Il est utilisé sous différentes formes, 9
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