Vieillir dans la grande ville - Des alternatives en matière d'habitat et de soin pour les personnes âgées à Bruxelles - Bonnes causes
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Colophon Rédaction Manu Massart, Sophie Ghyselen, Simon Verstraeten, Olivia Van Mechelen, Liesbeth De Donder, An-Sofie Smetcoren, Linda Struelens Photos Emmanuel Massart, Aerts Layla Synthèse rédactionnelle Bea Bossaerts Graphisme et mise en page www.kaban.nu Imprimerie NV Drukkerij Verbeke é.r.. pour EVA vzw, Struelens Linda D/2017/14.176/1 Traduction en français Douchka van Olphen et Simon Verstraeten Publication avril 2017 Il/Elle EVA vzw (asbl) porte une attention particulière à la question du genre. Pour ne pas altérer le confort de lecture, nous faisons le choix dans cette brochure de maintenir la forme masculine dans les cas où le propos s’adresse tant aux hommes qu’aux femmes.
Vieillir dans la grande ville Des alternatives en matière d’habitat et de soin pour les personnes âgées à Bruxelles Enregistrées par Bea Bossaerts
Table des matières Avant-propos 8 Le projet Entour-âge Nord 11 Vieillir dans le quartier 16 Les habitants, partenaires véritables de par la co-création 19 Modèles d’habitat innovants théorie et pratique 21 L’habitat solidaire, un projet sur-mesure 26 De nouveaux métiers porteurs de soins sont nécessaires 29 Au travail ! 32 Les partenaires conventionnés de la recherche-action Entour-âge Nord 40
Avant-propos Cette brochure est la synthèse d’une recherche-action visant à renouveler ce qui est proposé en matière d’habitat et de soin aux personnes âgées à Bruxelles. Cette recherche a été réalisée dans le cadre de l’appel à projet Innovative Brussels Care d’Innoviris, l’Institut Bruxellois pour la recherche et l’innovation. La recherche Les questions centrales de cette recherche Tant les problématiques que sont : quelles alternatives pour les les solutions proposées ont été personnes âgées en situation précaire formulées avec les habitants à Bruxelles, autres que rester chez soi de ce quartier de Bruxelles. Ce malgré les inconforts ou partir en maison processus de co-création a été mis de repos ? Et comment organiser l’aide et en place grâce à l’implication de le soin aux personnes âgées en fonction différents partenaires, il s’est appuyé de nouvelles formes d’habitat? sur l’expérience de EVA acquise par la création de Maison BILOBA Huis et La recherche a été menée dans « le bas sur l’expertise des autres partenaires. de » Schaerbeek et la partie adjacente de Saint-Josse-ten-Noode, un quartier proche Le projet a abouti à des modèles d’habitat de la gare du Nord, raison pour laquelle à taille humaine auxquels de nouvelles nous avons baptisé cette recherche “Entour- formes de soutien et d’aide aux personnes âge Nord”. EVA vzw (asbl), active dans le ont été couplées. Le processus complet quartier, est le promoteur de ce projet en ainsi que ses résultats sont décrits partenariat avec Aksent, le Community dans un rapport scientifique « Entour- Land Trust Bruxelles, Genderatwork, âge Nord. Des modèles novateurs et Maison BILOBA Huis et la banque Triodos. inspirants pour se loger et travailler ». 8
Pourquoi et pour qui cette brochure ? La présente publication vise à mettre en lumière les principales thématiques liées au projet Entour-âge Nord : le contexte de la recherche-action, l’importance de l’existence de logements adaptés et abordables dans le quartier, le processus de co-création et des modalités pour une solidarité dans ces habitats. Toutes les recommandations issues de la recherche-action sont regroupées dans le dernier chapitre. Cette brochure vise aussi à inspirer les pouvoirs publics, les opérateurs du logement public et privé (les sociétés de logements sociaux, les agences immobilières sociales, le Fonds du Logement…), ainsi que les responsables politiques et les acteurs de l’aide aux personnes, de la formation professionnelle et de l’emploi, et de les inciter à se saisir de ces thèmes cruciaux que sont la question du logement et du soin pour les personnes âgées précarisées à Bruxelles. Enfin, cette brochure est aussi une manière de restituer aux aidants- proches et aux personnes âgées du quartier les apports fondamentaux qu’ils ont fournis pour cette recherche. 9
Remerciements aux Remerciements aux participants bailleurs de fonds En premier lieu, nous aimerions remercier Nous voulons aussi insister sur le fait les habitants du quartier, les personnes que nous nous sommes sentis honorés âgées, les aidants-proches et les bénévoles d’avoir reçu d’Innoviris l’opportunité et pour leurs témoignages, le partage de leurs les moyens pour réaliser cette recherche- expériences, leurs idées et leurs propositions. action. Nos remerciements vont aussi à Les associations, les services sociaux et de la Commission communautaire flamande santé du quartier, les acteurs institutionnels (VGC) pour son cofinancement dans du logement et de l’aide aux personnes ont le cadre des “Stedelijke Innovatieve permis d’enrichir le travail de recherche et netwerken” (réseaux urbains innovants). les propositions qui en sont issues. Nous remercions également les administrateurs Nous espérons que cette brochure et le personnel de nos partenaires pour constituera une source d’inspiration pour cette collaboration riche et constructive. tous les acteurs bruxellois concernés et qu’elle les incitera à collaborer et à Les chercheuses de la VUB (Université entreprendre ensemble des actions qui néerlandophone libre de Bruxelles), Liesbeth sont aujourd’hui plus que nécessaires. De Donder et An-Sofie Smetcoren ont mis à disposition leur expertise scientifique Linda Struelens pour la réalisation de ce projet. Le Coordinatrice de EVA vzw « Kenniscentrum Wonen, Welzijn en Zorg » Mars 2017 nous a accompagnés, il a fait le lien entre notre démarche bruxelloise et les “Vlaamse zorgproeftuinen” (terrains d’expérimentation Pour se comprendre flamands en matière de soin) et la plateforme “Zorgzame buurt” (Quartier bienveillant), Personnes âgées des projets financés par l’Agence flamande pour l’innovation et l’entreprenariat. Personnes âgées, séniors, 3ième âge, 4ième âge, ainés, … autant de noms. A chaque personne de se reconnaître ou pas sous l’un de ces vocables. Le sens donné dans cette brochure à « personnes âgées » est celui de personnes qui sentent que, à 10
cause de leur âge ou celui de leur conjoint, les aspects relationnels et d’aide aux un cadre de vie physiquement mieux adapté personnes. Elle est l’équivalent de zorg ou plus soutenant, où certaines aides en néerlandais, ou de care en anglais. seraient enviables ou même nécessaires. En fonction des parcours de vie, ces personnes Citations peuvent avoir 60 ans, ou plus de 90… Les citations proviennent de conversations, Soin pour la plupart enregistrées. Elles ont parfois été un peu réécrites. Nous La notion de soin dans le cadre de cette avons essayé de garder la nature de brochure est à prendre au sens large, elle l’expression orale des personnes tout dépasse l’approche médicale et inclut en en faisant des phrases lisibles. Le projet Entour-âge Nord Entour -Age Historique Noord L’introduction d’un dossier par EVA dans soin résidentiel flamand à Bruxelles) en le cadre de l’appel à projets « Innovative 2010, la pertinence de ces thématiques Brussels Care » n’est pas tombée du ciel. était réaffirmée et, aussi, le fait que nombre de personnes avançant en âge voyaient En 2007, EVA, à partir de sa position de favorablement la perspective d’habitats développeur social, a mené un trajet alternatifs abordables pour le jour où leur participatif sur la question du vieillissement besoin de soin irait en augmentant. En 2014, dans le quartier Brabant. Deux thèmes la déclaration de politique de la Commission centraux sont alors apparus : l’habitat et le Communautaire Commune mettait l’accent soin, et par rapport à ce dernier point, un sur l’importance des soins de proximité. fossé entre les personnes ayant besoin de soins et l’offre de services censés répondre Sur la base de ces préoccupations, EVA, en à ces besoins. Lors des « Staten-Generaal collaboration avec la Maison Médicale du Woonzorg Brussel » (États généraux du Nord et Aksent s’était mise au travail pour 11
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développer “Maison Biloba Huis” : quinze d’origines diverses, disposant de revenus logements sociaux dédiés aux personnes modestes ? Comment les concrétiser ? âgées, adossés à un Centre d’accueil de jour Et quelles formes donner au soin dans pour personnes âgées d’origines diverses, ces nouvelles manières d’habiter ? ainsi que des espaces collectifs et un jardin. Maison Biloba Huis a été développé en S’engager dans cette recherche-action concertation avec les personnes âgées, les repose aussi pour EVA sur des valeurs et aidants-proches du quartier et les partenaires la volonté de les mettre en œuvre : associatifs. La phase de rénovation et de construction étant terminée, les logements ##toute personne, quel que soit son statut social ou de Maison Biloba Huis ont été attribués au ses origines a le droit de vieillir dans la dignité ; cours de la recherche-action Entour-âge Nord. ##les personnes âgées doivent pouvoir accéder En 2012, une vingtaine d’associations dont à un logement adapté lorsque leur mobilité EVA fondaient, avec un certain nombre ou leur autonomie se réduisent, aussi de personnes, le « Community Land Trust celles qui n’ont que de faibles revenus ; Bruxelles » (CLTB), qui a pour objectif d’acquérir des terrains en Région de ##de nouvelles possibilités d’habitats doivent Bruxelles-Capitale et de les gérer en tant advenir, tenant compte des femmes comme des que biens communs d’utilité publique. hommes, et des racines culturelles de chacun ; La propriété du terrain et la propriété des ##chacun doit pouvoir choisir comment et où vivre bâtiments sont séparées afin de rendre les sa vieillesse, de faibles capacités financières ne prix accessibles à des acheteurs à faibles doivent pas annihiler la possibilité de choisir ; revenus. Le conseil d’administration du CLTB est composé d’un tiers d’habitants, ##les personnes âgées ont de la valeur, il faut leur d’un tiers de représentants de la société permettre de rester actives le plus longtemps civile et d’un tiers de représentants des possible. Elles apportent des choses à leur pouvoirs publics pour garantir l’équilibre famille, à leur entourage, au voisinage ; des intérêts de chacun dans toutes les décisions. Entour-âge Nord a été pour EVA ##la voix des personnes directement concernées et le CLTB une opportunité de rechercher compte : les citoyens, femmes et hommes, de nouvelles formes d’habitat portant une participent à penser des solutions aux problèmes attention particulière aux personnes âgées. et défis auxquels ils sont confrontés ; Quels seraient des modes d’habitat et de ##les forces et les talents de chacun sont vie pertinents pour des personnes âgées, reconnus et leur développement est soutenu ; 13
##les citoyens sont disposés à contribuer des professionnels de l’aide à domicile et à un vivre-ensemble où chacun peut des soins de santé, du secteur du logement, trouver une place et une qualité de vie. des travailleurs sociaux, et des politiques impliqués au niveau de la Région et de ##l’égalité des chances pour tous à un Schaerbeek. Chacun a ainsi eu l’occasion travail digne et à des opportunités de d’apporter de précieuses contributions. se qualifier doit être réalisée ; Les réflexions ont aussi été nourries par ##chacun doit pouvoir se sentir chez lui, des initiatives inspirantes qui furent indépendamment de son statut social, de visitées en Belgique, au Danemark, aux ses racines culturelles ou de son sexe ; Pays-Bas et en France. Les volets plus pratiques de la recherche-action, tels que menés au sein de Maison BILOBA Huis et Modalités de la du Community Land Trust, ainsi que le recherche-action développement du projet Liedtssite ont également généré des connaissances. Le projet Entour-âge Nord a couru de mai 2014 à octobre 2016. Le processus Tout le long du processus, des chercheuses de a été accompagné par Namahn, une la VUB ont partagé leur expertise scientifique. société spécialisée dans le design social. Le “Kenniscentrum Wonen, Welzijn en Zorg” a accompagné le projet et participé au groupe Parler avec les personnes âgées fut une de pilotage ainsi qu’à différents ateliers. première phase : comment espéraient- elles se voir vieillir, et ce, en relation avec leur habitat et leur besoin en soins. Périmètre de la Sur cette base, différentes « persona’s » (des profils) ont été créées car il n’existe recherche-action pas de réponse univoque : il s’agissait La recherche-action s’est centrée sur les de voir quel modèle pouvait être quartiers Brabant, Collignon, Chaussée de pertinent pour quelles personnes. Haecht, ainsi qu’une partie du quartier Suite aux entretiens individuels, des ateliers Nord. La plus grande part de ce périmètre participatifs ont été organisés pour penser et se trouve sur le territoire de Schaerbeek, imaginer ensemble. De nombreux partenaires une partie sur Bruxelles-ville et sur y ont pris part : des habitants du quartier, Saint-Josse-Ten-Node (voir carte p.15). des personnes âgées et des aidants-proches, Le quartier travaillé se trouve dans ce qui 14
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est appelé le “croissant pauvre de Bruxelles”. mauvais état. Le nombre de ménages vivant Il est traversé par la liaison nord-sud du dans la précarité croît et l’état de santé de la chemin de fer. Les tours de bureaux bâties population décline. Le quartier étudié compte autour de la gare du Nord ont, avec le 56.500 habitants dont près de 4.230 ont plus temps, fortement modifié ses réalités. de 65 ans (chiffres de 2014). Les prévisions annoncent que d’ici Ce quartier brasse aujourd’hui des personnes 2020, la proportion de « provenant des quatre coins du monde. 37% séniors à Schaerbeek de la population inscrite est de nationalité augmentera de 12%. étrangère et beaucoup de belges qui y Une nuit, une résident sont d’origine étrangère. La densité de population du quartier augmente et femme turque est décédée. Son les logements disponibles sont souvent en frère l’avait trouvée le lendemain matin, allongée sur le sol. Avant, on entendait ce genre d’histoires su les belges. Maintenant, cela arrive Vieillir dans le quartier » aussi aux personnes d’origine turque ou marocaine. Où est passé le Elle se souvient Femme (47 ans) parfois du temps où quartier d’alors ? sa grand-mère habitait avec elle et où sa mère Le quartier Brabant abrite des personnes l’avait prise en charge pour prendre soin âgées qui vivent des situations variées d’elle en même temps que de ses enfants. mais le plus souvent précaires. Mais en 2017, Jeanne doit se débrouiller Jeanne est née dans le quartier et l’a vu seule car ses enfants habitent loin et ont se transformer au fil des ans. Elle vieillit un travail. Mais quitter le quartier n’est dans les rues où elle a grandi mais elle ne pas envisageable : où pourrait-elle aller ? les reconnaît parfois plus : les magasins Ailleurs c’est l’inconnu, le quartier reste d’autrefois ont disparu, de nombreux malgré tout son cadre de référence. ménages sont partis et des voisins d’horizons Mohammed est son voisin. Il a quitté le lointains sont venus s’installer à leur place. Maroc à la fin des années soixante pour venir Sa famille a déménagé mais elle est restée. ici avec l’espoir de retourner un jour dans 16
son pays natal. Finalement, c’est sa famille qui l’a rejoint. Même si tout n’est pas rose, « Heureusement qu’il y a encore ma fille. Nous nous appelons tous les jours et chaque vendredi elle le quartier lui tient à cœur : des proches et des amis y vivent, il peut s’y exprimer vient manger ici avec sa famille. C’est dans sa langue maternelle et peut s’y très bien, mais après, tu te retrouves de nourrir selon ses habitudes. Il sait qu’il nouveau toute seule. C’est ce qui est le plus vivra ici jusqu’à la fin de ses jours et difficile. J’ai une belle maison, tout ce dont j’ai espère que ses enfants s’occuperont de besoin et une fille qui ferait tout pour moi. Mais je ne lui le jour où il aura besoin de soin. peux rien changer à cette solitude. Je dis à ma fille Bien que les situations soient très que je souffre de solitude mais ce n’est pas de différentes, la plupart des personnes sa faute. Je pense que toutes les personnes n âgées désirent rester dans leur âgées souffrent de cela. C’est comme si » quartier car ils le connaissent. Le tu tombais dans un trou. Soudain, tu ur quartier est la base de leurs repères. te sens inutile et délaissée e Âgé, seul et vulnérable Femme (70 ans) De nombreux échanges ont jalonné cette recherche-action, il en ressort que beaucoup de personnes âgées sont confrontées à un lourd sentiment de solitude, même lorsqu’elles sont entourées et que leur famille vit à proximité. En effet, des changements importants s’imposent à « elles : elles ne font plus partie de la vie active, elles perdent en mobilité, leurs amis Nous avions ou leur conjoint deviennent dépendants, trouvé un bon logement pour ou décèdent… tandis que leurs enfants notre grand-mère à Nederover- sont pris par leurs propres obligations. Heembeek, avec un ascenseur. Mais Le bât blesse aussi au niveau matériel. elle a dû revenir vivre dans le quartier. À De par la crise du logement en Région Neder-over-Heembeek, elle dépérissait. de Bruxelles-Capitale, il devient de plus Maintenant elle est de nouveau ici, en plus difficile de trouver un logement » elle se débrouille de nouveau, correct à un prix abordable. C’est encore elle a retrouvé sa vie . Femme (45 ans) 17
plus vrai pour les personnes âgées vivant Vers des formes alternatives dans les quartiers les plus pauvres, qui dépendent d’une petite pension pour d’habitat et de soin subsister. De par leur parcours migratoire, De nombreuses études montrent que vivre nombre de ces personnes âgées n’ont pas dans de mauvaises conditions avance pu construire une carrière complète en l’âge de la mort et précipite le placement Belgique, d’où une pension diminuée. des personnes en maison de repos. À l’inverse, les personnes âgées pourront rester plus longtemps autonomes si leur Le quartier pour tenir debout. habitation est adaptée et si elles ont accès à des aides et des soins appropriés. Souvent, plus une personne avance en âge, plus son univers rétrécit. Le monde Il ressort de l’enquête de EVA que extérieur et la société tendent à se réduire les personnes âgées du quartier ne à l’environnement proche. Faire ses courses recourent que peu aux services d’aides au jour le jour, passer chez le pharmacien, et de soins à domicile. La manière dont consulter parfois le médecin, pour les uns, ces systèmes sont organisés leur est boire quelque chose au café, pour les autres, étrangère. Elles ne s’y retrouvent pas et, une visite de la famille, c’est souvent à quoi par conséquent, n’y font pas appel. se résume le quotidien des personnes âgées. Le quartier devient alors comme une main Partant de ces constats, EVA a investigué sur laquelle s’appuyer pour se tenir debout. des formes d’habitat solidaire possibles Mais cet effet s’estompe lorsqu’arrive le soir, dans le quartier, où des personnes âgées ou le weekend, et que la plupart des services d’origines diverses pourraient vivre sont fermés. Alors on ne sort plus. Chaque autonomes, en s’appuyant sur un réseau fois qu’un voisin part ou qu’un commerce qui les entoure et qui représente en même familier ferme, c’est un doigt de cette main temps une oreille attentive et une source qui disparaît. Lorsqu’une personne âgée d’aide. Le développement de ce réseau doit déménager pour aller vivre dans un bienveillant envers les personnes âgées environnement inconnu, il n’y a plus de doit être facilité et rendu plus visible. main pour la soutenir et elle éprouve alors le plus grand mal à tenir debout. Il est donc primordial que les personnes âgées puissent rester le plus longtemps possible dans l’environnement qui leur est familier. 18
Les habitants, partenaires véritables de par la co-création La co-création, c’est quoi ? complexes, cela demande des efforts, de la créativité et du temps pour impliquer EVA et ses partenaires ont résolument les habitants. Mais quand c’est bien choisi la co-création pour développer de organisé, la valeur ajoutée est énorme. nouveaux modèles d’habitat et de soin. Cela va plus loin que de la « participation » ou des « consultations ». Les habitants Qu’apporte la co-création? deviennent des partenaires à part entière. La co-création donne aux habitants un La co-création apporte de rôle de premier plan dans le processus nombreux avantages. de conception, à égalité avec les acteurs classiques comme les architectes, les pouvoirs publics... Et cela ne s’arrête pas « au moment de la conception. Une fois dans l’habitat, les habitants auront également un rôle important dans la gestion. Ils auront à gérer, par exemple, la consommation Le projet commun d’énergie et l’entretien des bâtiments, mais du «Community Land Trust aussi leurs relations entre eux et au quartier. Bruxelles» comporte de nombreux avantages. Je prends connaissance de Cette démarche est très différente de nouvelles idées intéressantes. J’apprends la manière de travailler habituelle des Sociétés de logement sociaux, par exemple. beaucoup des autres sur des matières techniques Pour ces acteurs, il est difficile d’intégrer dont je ne connaissais rien. C’est agréable leurs clients dans la réalisation de projets de former un groupe. On apprend à vivre » d’habitat car ils ne les connaissent pas ensemble, chaque jour de nouveau. avant de les avoir dans les logements. Aussi, Tout le monde a à y gagner. les projets immobiliers sont techniques et Marie, future habitante d’un projet CLTB 19
Des solutions durables et portées Une démocratie renforcée par les personnes concernées La co-création renforce également la La co-création a surtout pour effet démocratie et ce, en deux directions. Les de proposer des solutions durables et habitants comprennent qu’ils comptent et portées par les personnes concernées. peuvent participer à définir des solutions Concrètement : le bâtiment est meilleur par rapport aux problèmes auxquels ils parce qu’il correspond aux besoins des sont confrontés. Les institutions et les habitants. Ils l’ont réfléchi ensemble et ont pouvoirs publics apprennent, pour leur part, participé aux décisions. Dès lors, ils s’en à mieux connaître les réalités et les visions sentent responsables et en prennent soin. des habitants, et voient mieux comment impliquer les citoyens dans leurs politiques. Mieux vivre ensemble Le processus de co-création permet aussi de construire les bases d’un sentiment collectif. Les personnes « y apprennent à se connaitre et à travailler ensemble, ce qui facilite ensuite le vivre- Ce qui m’attirerait ensemble plus tard. dans un nouveau projet d’habitat ? La combinaison d’espaces privés et Des personnes plus fortes collectifs. Concrètement, pour ma pension, je dois garder mon statut de personne isolée Les habitants ressortent renforcés de leur participation et je dois donc avoir mon propre logement au processus de co-création. qui est mon domicile. J’aimerais bien qu’il existe Les personnes disent qu’elles néanmoins un espace pour des activités, un endroit ont ainsi pu acquérir de où le monde vient à moi, où il est toujours possible de nouvelles compétences trouver quelqu’un qui puisse m’aider quand cela ne et que leur estime de va plus, quelqu’un qui vienne me rendre visite pour soi s’est améliorée. Elles savent aussi mieux ce boire une tasse de thé. Mais avec un revenu » qu’elles veulent et ont des de 1100 euros par mois, je ne peux pas me perspectives pour le réaliser. permettre de vivre de cette manière. Femme, 57 ans avec des problèmes de santé 20
« En Grèce, toute la famille vit dans Modèles d’habitat la même maison : les parents en bas, les enfants, les beaux-fils innovants, théorie et belles-filles, les petits-enfants » aux étages. Ici nous ne pouvons pas suivre ce modèle. et pratique Femme grecque, 57 ans Habiter mieux, c’est active et plus en forme se sentir mieux qu’une personne de quatre-vingt ans. L’impact de l’habitat sur le bien-être des Des éléments architecturaux qui personnes âgées est clair. Une personne âgée soutiennent la qualité de vie dans un qui vit dans un logement correct se sent habitat collectif sont décrits dans le rapport mieux. Il en est fier et ose laisser d’autres de recherche, un accent est mis sur la personnes entrer chez lui. C’est aussi ce que configuration des espaces de circulation disent les habitants de Maison BILOBA Huis. qui doivent favoriser les contacts. Un jardin collectif, une salle polyvalente A prendre en compte lors de la conception reviennent souvent. L’implantation dans le quartier est aussi importante, à En recherchant de nouvelles formes de proximité des transports en commun, des logement pour les personnes âgées, nous magasins, des services de soins, etc. nous sommes rendu compte de l’absence d’un modèle unique qui serait idéal pour Certains services pourraient être contigus tous. Il faut prendre en compte la diversité à l’habitat collectif et servir alors de pont des personnes âgées : les différences de vers le quartier comme, par exemple, une religion, de culture, de perception de la maison médicale, un restaurant social, vieillesse, des visions de l’intimité et du une infrastructure d’accueil de l’enfance. collectif, des disparités dans les attentes Ces services peuvent contribuer à un sur l’organisation du soin, des attentes en réseau de solidarités dans le quartier, et termes d’usage des langues, des budgets permettre aux personnes âgées de s’y pour le logement... et le fait qu’une personne investir et de jouer ainsi un rôle porteur de soixante ans est aussi d’ordinaire plus de sens pour eux-mêmes et les autres. 21
Deux modèles innovants d’habitat à échelle humaine. « J’habite ici depuis une demi-année et cela me plait beaucoup. Avant, je vivais aussi A travers le travail en co-création avec les dans un bel immeuble mais celui-ci personnes âgées et leur entourage, deux est quand-même une amélioration. C’est modèles d’habitat à échelle humaine neuf, tout est propre et tout le monde est ont émergé. Ceux-ci peuvent être sympathique. J’habite au rez-de-chaussée exclusivement destinés aux personnes âgées ou être intergénérationnels. et je paye 320 euros par mois, charges » comprises. Ce n’est pas cher. Je vis Le premier modèle consiste en des unités ici seul, je suis célibataire. de logement autonomes pour des habitants qui tiennent avant tout à leur intimité, mais qui désirent en même temps ne pas être Homme, 73 ans isolés et (re)trouver un voisinage où l’on peut compter les uns sur les autres. Les espaces de circulation dans le bâtiment sont le premier modèle Angela le deuxième modèle Brahim Nyota Brigitte Daniel Bruno Fatima
« Un montage pareil, » pour six logements, l’endroit où les habitants vous êtes fous ! Réalisations, se rencontrent et où un « bonjour » quotidien peut actuelles et à venir se muer en une relation plus Yves Cabuy Le développement de l’habitat profonde. Dans ce type de social Maison Biloba Huis avait modèle, les espaces communs débuté avant que la recherche- sont limités, par exemple un action Entour-âge Nord ne débute. Les jardin ou une buanderie commune. habitants y ont emménagé en mars 2016 Le deuxième modèle d’habitat est basé sur Le projet d’habitat intergénérationnel un collectif solidaire, les personnes réfèrent « Liedtssite » est en préparation. Il s’agit de alors souvent à la notion de famille. Les quatre appartements pour personnes âgées habitants disposent d’un espace privatif et deux studios pour jeunes adultes arrivés plus réduit, studio ou petit appartement. en Belgique comme mineurs étrangers non- L’accent est mis sur des espaces communs accompagnés. Les logements sont situés (cuisine, espaces de vie divers) situés de au-dessus du Centre local de services Aksent manière centrale et plus grands que dans qui, avec le CLTB, est partenaire du projet. le premier modèle. Il est souhaité que les espaces communs puissent être agencés de Deux projets d’habitat ont été élaborés telle sorte que les femmes et les hommes par le Community Land Trust Bruxelles : ne soient pas obligés de s’y mélanger. un projet où différentes générations d’une même familles cohabitent au sein d’un Dans les deux modèles, il y a des espaces ensemble de logements et un deuxième prévus pour des soignants et pour l’accueil projet d’habitat collectif mixte avec une de la famille avec par exemple un coin café, combinaison de logements à louer et à une chambre d’amis mutualisée, un local acheter, intégrant des personnes âgées spécifique pour les soins. La famille des dans une dynamique de logement solidaire. personnes âgées doit pouvoir garder une L’achèvement du premier projet est prévu place dans l’aide apportée aux ainés. Dans ce pour 2020. Le deuxième est aujourd’hui en cadre, les familles peuvent aussi s’entraider. phase d’étude et le CLTB est à la recherche Quel que soit le modèle d’habitat, il est de partenaires pour sa réalisation, l’espoir est important de pouvoir composer un groupe de concrétiser ce deuxième modèle en 2022. d’habitants équilibré, en tenant compte Ces projets sont le volet concret de d’une diversité d’âges, même quand il la recherche-action. À travers eux, est uniquement question de séniors. des connaissances ont émergé en 23
matière de montages financiers et Le projet Liedtssite, par exemple, repose juridiques, de conception des habitats sur une formule où les personnes âgées et de travail avec les habitants. se voient octroyer un droit d’usage et d’habitation à vie en échange d’un prêt au CLTB qui correspond à la moitié de la Les montages juridiques valeur de l’habitation. La personne âgée ou ses héritiers récupèrent ce prêt lorsque et financiers, un la personne âgée quitte le logement. affaire complexe. Quoiqu’il en soit, pour concrétiser des projets L’idée d’un habitat intergénérationnel mixtes, différents acteurs doivent collaborer. ou pour personnes âgées, à taille Chaque partenaire de par ses spécificités humaine, soutenu par une infrastructure peut ouvrir l’accès à une partie interface avec le quartier, génère de du financement. Mais l’enthousiasme. Surtout si les logements chaque partenaire est produits sont accessibles aux ménages aussi soumis à des à faibles revenus, ce qui est le but. réglementations Mais passer d’une telle idée à la qui ne s’accordent réalité est un véritable défi. pas forcément les unes aux autres Tout projet immobilier induit et à des pouvoirs la maîtrise d’une certaine publics régionaux, complexité. Mais cette complexité communautaires, augmente significativement … qui ne se concertent que peu. lorsqu’il s’agit de combiner des fonds publics et privés. Or, pour Cette réalité induit le recours à des rendre accessible des logements à montages complexes, rend la réalisation des ménages à faibles revenus, une des projets plus risquée et complique les part d’investissement public est plannings d’exécution. La communication toujours nécessaire. La recherche- avec les futurs habitants en devient action met en lumière des pistes plus difficile, ce qui peut freiner leur réalistes en termes de financement, engagement dans les projets. de droit immobilier, de gestion et d’accessibilité financière. Ces pistes ont été construites avec différents partenaires et validées par des experts. 24
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L’habitat solidaire, « Quand on habite dans un tel endroit, on ne peut pas éviter de se soucier de un projet sur son voisin, même s’il n’est pas de la » famille. Des liens se créent. Cela devient plus qu’un principe, une nécessité. mesure. Concierge de la cité de l’Olivier, Foyer Schaerbeekois Ériger des modèles d’habitat alternatif est une chose, mais y vivre dans les faits en est une autre. La recherche-action n’a pas manqué de se pencher sur les modalités prévaut le principe de réciprocité. C’est du vivre ensemble des habitants. progressivement qu’une réelle solidarité entre les personnes âgées et entre les réseaux familiaux et sociaux de chacun émerge. Qu’est-ce qu’un Il s’agit aussi de faciliter le vivre-ensemble. habitat solidaire ? Des accords sont conclus entre les habitants L’expérience de Maison BILOBA Huis et des et le gestionnaire de l’habitat concernant projets du CLTB montrent que l’habitat l’utilisation des espaces communs, la solidaire est une notion nuancée. Les présence d’animaux, la communication… personnes concernées ne veulent pas En amont du projet Maison BILOBA Huis, sur-idéaliser le concept de solidarité, des groupes de réflexion réunissant des mais ils montrent ce qui est réaliste et personnes âgées et des aidants-proches comment la solidarité dans l’habitat avaient été créés, où ils étaient invités à prend forme dans le quotidien. partager leurs idées et leurs préoccupations. Créer la solidarité dans l’habitat, c’est Pour faciliter les échanges, des outils favoriser les liens entre les individus visuels ont été utilisés (lignes du temps, et l’émergence d’un groupe dans pictogrammes, schémas) et l’on a fait appel un environnement bienveillant où à des interprètes pour la traduction des 26
échanges. Ces ateliers ont mené à la création savoir qu’ils peuvent être aidés si ils aident d’une charte pour Maison BILOBA Huis ; écoutés si ils écoutent, respectés si ils qui a jeté les bases du vivre-ensemble. respectent… L’on voit alors les habitants devenir solidaires les uns des autres. Pour Que souhaitent les personnes âgées ? favoriser cela, les espaces partagés dans l’habitat revêtent une importance capitale. Qu’est-ce qui motive les séniors à opter pour un modèle d’habitat solidaire ? Les expériences menées ont aussi révélé d’autres facteurs de succès Les personnes âgées recherchent des pour le développement d’habitats rapports sociaux qui aident à mieux vivre, solidaires, notamment : à éviter l’isolement et qui permettent de se sentir utiles. Elles désirent pouvoir ##la constitution d’un groupe de (candidats-) résoudre des situations difficiles sans habitants sur la base de critères clairs avoir à faire appel uniquement à de l’aide comme la motivation pour une forme formelle qui pose toujours ses conditions d’habitat solidaire, l’âge, les revenus, et s’avère coûteuse (pour elles comme pour l’autonomie, le lien avec le quartier… ; la société). L’habitat solidaire est ainsi une piste pour continuer à vivre dans de bonnes ##l’implication forte des (candidats-)habitants conditions malgré l’avancée de l’âge. dès le début du projet et dans toutes les étapes importantes de son développement ; Les personnes âgées désirent également vivre le plus longtemps possible dans un ##la recherche d’un équilibre entre l’individuel et le environnement qui leur permet rester collectif, et l’articulation de ces deux dimensions ; maîtres de leur vie, ou leurs proches ont une place et où leur l’intimité est ##un soutien professionnel au développement de la respectée. Il s’agit donc d’éviter ou de dimension collective et de l’identité du groupe. repousser le plus longtemps possible le placement dans une maison de repos. La solidarité dans l’habitat, des formes diverses Quels sont les conditions de réussite ? Selon le projet, la forme que prendra Pour que la solidarité puisse exister, il la solidarité dans l’habitat peut varier faut que la confiance se crée et qu’une de très formelle à très informelle. reconnaissance réciproque émerge. Un effet La solidarité formalisée va se traduire miroir, en somme, qui amène les habitants à par des règles à accepter pour pouvoir 27
intégrer l’habitat. Il y a des tâches Un habitat solidaire peut être définies à prendre en charge et des renforcé par un rôle de « concierge moments communs obligatoires. La social ». Ce rôle peut être rempli par un solidarité est contractualisée. Les bénévole, il peut être renforcé par une attentes des uns envers les autres présence professionnelle une partie du sont claires, une fois les obligations temps, un aide-familial par exemple. Le remplies l’on peut reprendre le concierge social est présent au quotidien cours de sa vie personnelle. et prend le temps avec les habitants, il voit si une personne a besoin d’aide et le Les séniors rencontrés dans le cadre signale aux autres où à la famille. Si besoin, d’Entour-âge Nord se reconnaissent il peut faire le lien avec les services formels cependant plus souvent dans des modèles d’aides et de soins. Le concierge social de solidarité informelle où les cadres peut donner un coup de main ponctuel à de référence sont moins explicites. Ils l’un ou à l’autre, mais il stimule surtout parlent de former une famille, une notion les contacts interpersonnels et facilite que chacun investit en partant de ses l’organisation d’activités entre les habitants propres références. Ils misent sur une (faire ensemble les courses ou la cuisine, …). solidarité qui se fera au jour le jour, de Il peut aussi, en fonction de sa position, manière ad hoc, émergeant du fait que être un médiateur en cas de conflit. les personnes se côtoient. Dans ce cadre, c’est « l’effet miroir » qui devra être le déclencheur d’une solidarité concrète. 28
De nouveaux métiers porteurs de soins sont nécessaires. chose. Dans le cadre d’Entour-âge Nord, « nous avons pu constater à quel point les personnes âgées ont besoin de contact social. Beaucoup d’entre-elles parlent d’un Grâce à la sentiment de solitude qui les ronge. Les formation, je me suis rendu demandes pratiques cachent souvent un compte que le rôle d’aidant- besoin relationnel et le besoin de se raconter. proche que j’ai eu dans le passé » Parmi les personnes âgées cherchant dans ma famille, peut aussi de l’aide, beaucoup étaient en même être une profession. temps aidants-proches pour d’autres. La distinction classique « personnes ayant M, originaire du besoin de soins et personnes prodiguant Rwanda des soins» se voit donc dépassée. Mais la question de la dépendance et du soin reste souvent connotée négativement. Il est donc important de travailler, au Cadre de vie, soin et bien- niveau des quartiers, à une reconnaissance être sont indissociables et une valorisation des démarches et des personnes qui se consacrent au soin. Quand les personnes âgées deviennent vulnérables, elles ont besoin de soins physiques et médicaux mais aussi d’un Pourquoi de nouveaux soutien cognitif, psychologique et social, et d’aides pour les gestes du quotidien. Le métiers porteurs de soins ? soin, c’est aussi : avoir du plaisir ensemble, La famille, les voisins et les bénévoles jouent se lier d’amitié dans une ambiance positive, un rôle important dans l’aide et le soin aux sentir que l’on fait partie de quelque 29
personnes âgées du quartier. A côté d’eux, investir dans le bien-être mobilise des la présence des professionnels de santé moyens financiers. En même temps, ces est aussi nécessaire. Mais infirmiers, aides investissements génèrent un retour : les familiales, aides à domicile… travaillent sous personnes qui se sentent bien ont moins pression : il faut aller vite, le temps qu’ils de problèmes de santé et pèsent donc peuvent consacrer à chacun est minuté. moins sur le budget de la sécurité sociale. Il est rarement possible d’entamer une discussion avec les personnes âgées alors que c’est bien souvent leur attente principale. Quels sont ces Pour la plupart des personnes âgées du nouveaux métiers ? quartier, il semble que le médecin traitant soit le seul professionnel du soin avec qui La recherche a permis de constater des elles ont un contact. La famille préfère lacunes dans l’offre actuelle en matière souvent prendre sur elle le soin à apporter d’aide et de soin. Le travail a ensuite consisté à leurs ainés. Les enfants s’occupent de à construire, sur la base de ces manques, leurs parents parce que ceux-ci se sont de nouvelles fonctions durablement utiles. occupés d’eux, c’est la tradition. Mais À côté du rôle du « concierge social », qui certaines situations deviennent trop lourdes peut être rempli de diverses manières et trop complexes, et la vie ici n’est pas (voir le chapitre sur l’habitat solidaire), de la vie là-bas, alors le fait de s’occuper des véritables métiers ont été pensés : Coach membres âgés de la famille, en plus des en soins, Facilitateur de solidarités, Agent autres tracas, devient moins évident. interculturel de prévention en santé. Le volet de la recherche-action réalisé Coach en soins sur les métiers du soin montre que les professionnels, lorsqu’ils sont présents, Le Coach en soins accompagne les personnes font partie du réseau des personnes âgées vulnérables. Ces dernières vivent âgées, tout comme les aidants-proches. des situations complexes. Elles cumulent Ces acteurs doivent pouvoir continuer à souvent diverses problématiques : logement, jouer leur rôle lorsque la personne âgée revenu, hygiène et santé, familiale… qui emménage dans un habitat solidaire. sont généralement intriquées. Le coach passe en revue avec la personne âgée et Il est cependant nécessaire d’investir en ses proches la situation dans sa globalité parallèle dans de nouveaux métiers pour et travaille à en démêler les différents le soutien aux personnes âgées. Certes, éléments. Une solution sur mesure est 30
alors mise en place, s’appuyant sur ce que soutient les personnes qui s’engagent, et la personne âgée est encore en mesure est un moteur quand la dynamique patine. de faire et sur le soutien qu’elle peut Petit à petit, le Facilitateur aide les réseaux mobiliser dans son propre réseau. On peut à s’étendre, et la solidarité à grandir. alors convenir ensemble de qui va prendre quoi en charge et, si besoin est, partir à Agent interculturel de prévention en santé la recherche d’aides complémentaires. Dans les quartiers fragiles, nombre de Facilitateur de solidarités personnes éprouvent des difficultés à accéder aux services de soins. Des facteurs culturels Un réseau solidaire de quartier repose sur des rendent parfois cet accès encore plus habitants qui se connaissent et décident à un difficile. Cette réalité justifie la création de la moment de se rassembler pour donner, dans fonction d’Agent interculturel de prévention la mesure de leur moyens, un coup de main en santé. Cet Agent est en charge de créer là où le besoin s’en fait sentir. Parfois ces les ponts nécessaires entre les personnes dynamiques se développent spontanément, âgées d’origines culturelles diverses et l’offre mais dans les quartiers fragiles, c’est moins de soins, il favorise l’adaptation de cette souvent le cas. Les gens sont sous pression offre à la réalité. Il s’agit de (re)créer de la de par leurs propres difficultés, les références confiance, de faire en sorte que les personnes culturelles sont disparates et le turn-over âgées se sentent reconnues, pour qu’elles des habitants est grand. Un Facilitateur de bénéficient de soins et de soutiens adéquats. solidarités de quartier, employé par une organisation locale, peut, dès lors, s’avérer L’Agent interculturel de prévention en bien utile pour stimuler ce type d’initiatives. santé travaille au contact direct des Le Facilitateur peut faire se rencontrer personnes âgées et de leurs proches les talents et les besoins des personnes ainsi qu’avec les prestataires d’aide âgées et des autres habitants, il motive et et de soin au niveau du quartier. 31
Au travail ! Pour que les résultats de la recherche Entour-âge Nord soient transposés dans le réel et impactent positivement la vie des gens, ce dernier chapitre propose des recommandations pour les différents acteurs concernés par l’habitat et le soin des personnes âgées à Bruxelles : ##La Région de Bruxelles-Capitale, les Commissions communautaires et les Communes bruxelloises ; ##Les responsables politiques et les administrations compétentes pour le logement, la rénovation urbaine, les soins de santé et l’aide aux personnes, pour l’emploi et la formation professionnelle en Région de Bruxelles-Capitale ; ##Les porteurs de projet et les opérateurs en matière d’habitat, de soin et d’aides aux personnes ; 32
Recommandations à la Région de Bruxelles-Capitale, aux Commissions communautaires et aux Communes bruxelloises ; Faciliter la réalisation de projets d’habitats solidaires et de ceux adossés à d’autres fonctions. Instaurez une instance en Région de Bruxelles-Capitale qui puisse activer la concertation entre le pouvoir régional et les pouvoirs compétents pour les matières communautaires. Cela permettra de favoriser la compatibilité entre différentes réglementations et d’harmoniser différentes chaines de décision. Plus de clarté et de simplicité permettront d’encourager la multiplication des projets d’habitats solidaires et de limiter les risques et les frais de développement de ces initiatives. Les initiatives qui visent à créer des logements abordables adossés à des infrastructures qui soutiennent les habitants des quartiers sont freinées par des barrières institutionnelles. À ce jour, chaque habitat solidaire pour personnes âgées, et certainement s’il vise des personnes à faibles revenus, est un cas unique, tant au niveau du montage institutionnel que de son financement. Pour les porteurs de projets, chaque initiative est ainsi le recommencement d’une aventure chaque 33
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